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l e m e n s u e l d e l ' i F R A P
S O C I é T é C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 92
Juin2009-8e
DOMcomment sortir
de la suradministration
et de l'assistanat
L’iFRAP EN ACTION
Un pas de plus vers le contrôle
de la dépense publique
9
RéFORmE BAChELOT
Viser la convergence
des tarifs public-privé
23
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CULTURE
L'État,
super soliste
de l'Opéra
22
NOTRE ENQUÊTE
Cabinets ministériels :
où est passée la parité
privé/public ?
8
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L E M E N S U E L D E L ' i F R A P
S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r
ANGLETERRE
VSFRANCE
LE MATCH DES
ENTREPRISES
LE MATCH DES
ENTREPRISES
DOSSIER PP. 15 À 19
DÉCRYPTAGES
Intérêt général et mécénat :
vers une nouvelle révolution ?
22
ANALYSE
Lutte contre les paradis
fiscaux et attractivité
du territoire : le dilemme
3
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L E M E N S U E L D E L ' i F R A P
S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 89
Mars2009-8€
ISF-TEPA
Enquête et résultats
Deux cents jours
dans un ministère23
L'administration
confirme
les 7 millions
d'emplois publics
14
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L E M E N S U E L D E L ' i F R A P
S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r
EXONÉRATIONS
SOCIALES
LA BONNE
À TOUT FAIRE
DE LA
RÉPUBLIQUE
DOSSIER PP. 15 À 22
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POLITIQUE IMMOBILIÈRE
Rapport Bricq : l’État est-il
un bon locataire ?
23
DÉCRYPTAGE
Industrie : quel rôle
pour l’État ?
7
L E M E N S U E L D E L ' i F R A P
S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 95
Octobre2009-8€
UNIVERSITÉ
OSONS LA RÉFORME
100100
le mensuel de la fondation iFRAP
S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r
Mars2010-8 €
La France
en perspective
Numéro
S o m m a i r e   ❚  N° XX - Mois ANNÉES o m m a i r e   ❚  N° 100 - Mars 2010
T
ous ceux qui ont fait un
peu d’économie connais-
sent la théorie du « public
choice », qui montre que le poids
des dépenses publiques dans une
démocratie ne peut qu’augmen-
ter sauf s’il est créé un contre-
poids qui n’existe pas naturel-
lement. Il est en effet facile aux
profiteurs de l’État d’aller cher-
cher dans la poche de chaque
citoyen quelques centimes, au
nom de la défense de leurs inté-
rêts, de la sécurité, de la santé,
de la charité, que sais-je, même
si le prétexte est totalement
faux et les chances de réussite
nulles. Aucun citoyen ne pourra
se justifier à lui-même de pas-
ser des dizaines d’heures à prou-
ver cette erreur, juste pour éco-
nomiser quelques centimes. Ce
qu’on peut appeler le virus du
marché politique est l’asymétrie
entre les intérêts de quelques-
uns, qui peuvent ainsi se répar-
tir des millions, et le citoyen qui
ne perd que quelques sous à cha-
que « générosité ».
C’est le génie des Anglo-Saxons
d’avoir inventé, probablement
sans le savoir, l’antidote de ce
virus  ; il consiste à rétablir la
symétrie en demandant à un très
grand nombre de petits dona-
teurs quelques centimes ou quel-
ques francs qui, rassemblés, don-
nent les millions qui permettent
à des organisations de mener les
enquêtes qui font disparaître les
faux prétextes qu’usent les profi-
teurs de l’État. Ces organisations
sont les think tanks.
Le modèle du think tank
Un exemple fréquemment cité
est celui de la campagne menée
début 1981 par une coalition
regroupant le New York Times,
Ted Kennedy (qui vient de décé-
der en 2009) et des hauts fonc-
tionnaires pour dénoncer une
C’est un voyage à Washington, en 1983, qui a fait
découvrir à un jeune Français, fraîchement débarqué
outre-Atlantique, l’existence d’une planète inconnue en France,
celle des think tanks et lui a donné le début de l’explication.
Pourquoi l’Hexagone était-il devenu aussi bureaucratique ?
Pourquoi son taux de croissance était-il moitié
du taux américain ? Pourquoi les charges étatiques
étaient-elles 10 points de PIB plus élevées ? Et pourquoi les
entreprenants fuyaient-ils ce qui fut une grande nation ?
Pourquoi l’iFRAP ?le m ot d u p r ési d e n t
Pourquoi l'iFRAP ?
l a f o n d a tio n i FRAP
Des études économiques
que l’on ne trouve nulle part ailleurs
Q u a t r e b a t a illes
d écisives
p o u r l ’ a ve n i r
◼ Créer des entreprises
pour créer de vrais emplois
◼ Pour un vrai contrôle de
la dépense publique
◼ Fonction publique : l’heure
de la réforme a-t-elle sonné ?
◼ Retraites : ouvrir la voie à une réforme
de fond de notre système
e n t r etie n s
L es c a m pa g n es
et e n q u ê tes
d e S ociété C ivile
L es r a iso n s
d e l ’ o p ti m is m e
4
2
5
13
30
23
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
Les décideurs donnent leur
point de vue sur les grands
thèmes de la Fondation iFRAP
◼ Xavier Bertrand
Secrétaire général de l’UMP
◼ François Hollande
Ancien secrétaire général du PS
◼ Bernard Van Craeynest
Président de la CFE-CGC
◼ Frédéric Bedin
Président de CroissancePlus
◼ Philippe Marini
Rapporteur général de la
commission des Finances
du Sénat
◼ Christian Schubert
Correspondant à Paris du
Frankfurter Allgemeine Zeitung
◼ Mathieu Laine
Entrepreneur, économiste
et essayiste
Directeur de la publication : Bernard Zimmern. Directrice de la rédaction : Sandrine Gorreri. Rédactrice
en chef : Agnès Verdier-Molinié (institutions, santé, syndicats). Équipe de rédaction : Christian Arnault,
Philippe François (retraites, santé), Bertrand Nouel (droit, économie), Samuel Servière (fiscalité).
Responsable du service abonnements : Monique Olivet. Conception éditoriale
et graphique, secrétariat de rédaction : Tema|presse (03 87 69 18 01). Mise en
page, correction-révision  : Pixel Image. Impression : Groupe Socosprint
Imprimeurs/88000 Epinal, certifié PEFC CTP/1-013. Ce produit est issu de forêts
gérées durablement et de sources contrôlées. Dépôt légal : Février 2010. ISSN :
1299-6734. CPPAP : en cours.
est une publication de la Fondation iFRAP – Fondation reconnue
d'utilité publique. Mensuel. Prix au numéro : 8 e. Abonnement
annuel : 65 e. 5 rue Cadet, 75009 Paris. Tél. 01 42 33 29 15. Fax 01 40 26 47 19. www.fondation-ifrap.org
S O C I É T É C I V I L E­­­
3
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
le m ot d u p r ési d e n t
tare américaine – le taux d’illet-
trisme dépassant les 10  %  – et
proposer un grand programme
de lutte contre ce fléau, géré par
ces hauts fonctionnaires, et finan-
cé par les deniers de l’État, c’est-
à-dire du contribuable. Jusqu’à
ce qu’un petit think tank fasse
sa contre-enquête et montre que
plus de 90 % des illettrés étaient
des immigrés ou parents d’im-
migrés hispaniques, ayant dépas-
sé la soixantaine, qui n’avaient
aucune envie d’apprendre l’an-
glais  ; tous les programmes du
monde n’y changeraient rien. Fin
de l’histoire.
Depuis que l’iFRAP a été créé
en 1985 sur le modèle des think
tanks américains, nous pouvons
témoigner que le budget de l’État
français est encombré de milliers
de ces machins. Sachant que les
Japonais font marcher toutes
leurs administrations avec moins
de 7 % de leur population active
et les Anglo-Saxons avec moins
de 15 %, on mesure quel est leur
poids en France où l’ensemble
des administrations pèse 20 %.
Une efficacité prouvée
Certes, les défenseurs d’un État
surabondant feront valoir que
l’État délivre des services. Mais
il ne faut pas être un grand éco-
nomiste pour savoir que la pro-
ductivité de travailleurs que ne
pousse aucune concurrence n’a
rien à voir avec celle qui est exi-
gée du secteur privé pour sur-
vivre. C’est une vérité admise,
même dans les cercles les plus
étatistes, qu’il faut un minimum
d’État pour une nation mais un
minimum et les chiffres pré-
cédents montrent que nous en
sommes loin.
C’est d’ailleurs très peu de temps
après la création de la FRAP en
1985 –  devenue par la suite
l’iFRAP – que nous nous livrions
à une analyse à l’époque révolu-
tionnaire consistant à comparer
le nombre de fonctionnaires aux
USA, au Japon et en France et ce,
en particulier dans certains ser-
vices comme l’éducation. Et ce
n’est pourtant que 22  ans plus
tard que s’est imposé le principe
de ne remplacer qu’un fonction-
naire sur deux partant en retrai-
te. Et encore, ceux qui suivent
nos travaux savent qu’en réalité,
avec les embauches dans les ser-
vices extérieurs et les collectivi-
tés locales, le flot est loin d’être
enrayé.
Si un tel écart, une telle gabegie
est possible en France, c’est parce
qu’il n’existait aucun vrai think
tank en 1985. Un vrai think tank
est une organisation qui tire ses
fonds du secteur privé, en fonc-
tion notamment de ses succès à
contenir ou faire reculer la prodi-
galité publique. Et la raison pour
laquelle il n’en existait aucun, et
encore très peu aujourd’hui en
dehors de notre Fondation, est
que la bureaucratie française a
pris bien soin de verrouiller les
dispositions fiscales qui permet-
tent aux think tanks d’exister et
de venir faire concurrence aux
hauts fonctionnaires dans l’éla-
boration des politiques publi-
ques ; c’est leur métier, donc leur
monopole.
Une révolution en marche ?
Ce verrouillage consiste à inter-
dire à ces think tanks de réunir
l’argent du privé et rétablir la
symétrie. Alors qu’aux USA, en
Grande-Bretagne ou en Suisse, il
est possible de créer des fonda-
tions sans avoir à demander l'ac-
cord préalable de l’État, ce n’est
pas le cas en France. Résultat  :
il y a moins de 600 fondations
libres en France contre 1,4 mil-
lion aux USA, de l’ordre de 10
fondations reconnues d’utilité
publique chaque année en France
contre 40 000 fondations créées
aux USA, si bien que la généro-
sité privée en France représen-
te moins de 3 milliards d’euros
contre plus de 3  000 milliards
de dollars outre-Atlantique. Mais
cela permet à la puissance publi-
que de distribuer plus de 30 mil-
liards par an aux associations, dix
fois plus que ce que ces associa-
tions sont capables de retirer de
la générosité privée. Nous som-
mes le seul pays occidental à réa-
liser une telle performance.
Et même si les associations se
créent aussi librement en Fran-
ce que les fondations dans les
pays anglo-saxons, l’Adminis-
tration s’est assurée que seuls
pouvaient bénéficier d’avanta-
ges fiscaux les donateurs d’as-
sociations ne risquant pas de lui
porter ombrage, celles se préoc-
cupant de sports, d’éducation,
de recherche et quelques autres
activités « politiquement correc-
tes ». Mais pas, au grand jamais,
pas les think tanks. En ce sens,
l’octroi après 25 ans à l’iFRAP
du statut de fondation est une
révolution.
l Bernard Zimmern l
La raison pour laquelle il n’existait aucun think thank, et
encore très peu aujourd’hui en dehors de notre Fondation,
est que la bureaucratie française a pris bien soin
de verrouiller les dispositions fiscales qui
leur permettent d’exister et de venir faire concurrence
aux hauts fonctionnaires dans l’élaboration des
politiques publiques ; c’est leur métier, donc leur monopole.
4
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
N u m é r o 1 0 0
L
e premier enjeu est d’avoir
laissé s’établir un véritable
monopole de l’Administra-
tion sur la production des chiffres
économiques et sociaux qui, dans
d’autres pays, guident les leaders
politiques.La quasi-totalité des pays
occidentaux a, pour réunir les don-
nées, des INS (instituts nationaux
de statistiques) car il est impossi-
ble au secteur privé de mobiliser les
ressources permettant, par exem-
ple, de faire un recensement de
la population. Mais ces INS n’ont
pas d’EE, c’est-à-dire pas d’études
économiques. Celles-ci sont effec-
tuées par le secteur privé, à partir
des données chiffrées réunies par les
INS. En ouvrant à une organisation
publique un budget pour faire aussi
des Études économiques payées par
l’État, en adoubant l’Insee, celui-ci
a, de fait, éliminé le secteur privé.
C’est ce dont s’était ému Raymond
Barre qui, en son temps, avait tenté
d’y remédier, mais sans grand suc-
cès.Dans deux numéros publiés en
1996, nous montrions comment
cette quasi-nationalisation de l’in-
formation statistique aboutissait
à une information économique
extrêmement pauvre qui conduit
nos leaders politiques à être sous-
informés et même désinformés.
Ceci vérifie un deuxième aspect
fondamental oblitéré par la bureau-
cratie : pourquoi depuis 1974,
la France n’a-t-elle jamais cessé
d’être frappée par le chômage ?
Cette nationalisation de l’informa-
tion statistique a en effet conduit à
des diagnostics les plus fantaisistes
sur l’origine de cette maladie. Si les
États-Unis, la Grande-Bretagne ou
l’Allemagne ont été à des moments
divers frappés par le chômage, ils
ont eu des périodes de plein-em-
ploi, avec un chômage inférieur au
seuil de 5 % considéré comme le
minimum atteignable. Rappelons
qu’il était de 3 % vers 1970 en Fran-
ce. Rappelons que les Américains
ont créé plus de 50 millions d’em-
plois dans le secteur privé en 30 ans,
les Anglais 5 millions et nous prati-
quement zéro.
Dans les années 1990, le Conseil
d’analyse économique,où sont cen-
sés se retrouver les meilleurs éco-
nomistes pour conseiller le Premier
ministre, n’expliquait ces mal-
heurs répétés de l’économie fran-
çaise que par des « chocs ». L’un
d’entre eux n’hésitant pas à affir-
mer que les charges budgétaires et
sociales étaient les mêmes aux USA
et en France, si l’on réintégrait les
charges de santé payées volontai-
rement. Nous avons fait justice de
cette escroquerie intellectuelle dans
Les Profiteurs de l’État (Plon,2001),
mais son auteur occupe encore en
France des postes économiques
influents. Pourtant, la simple com-
paraison avec les pays qui créent
massivement des emplois aurait
montré que ces pays ont compris
depuis longtemps que la producti-
vité, qui amène des produits moins
chers et plus performants dans nos
supermarchés,est aussi destructrice
d’emplois : il faut chaque année 4 à
5 % de salariés en moins pour pro-
duire les mêmes quantités ;l’emploi
ne peut donc se maintenir et, a for-
tiori, se développer que s’il se crée
massivement des entreprises.
Nos lecteurs pourront chercher les
études économiques leur appre-
nant que les entreprises créées avec
des salariés sont moins de 40 000
en France contre plus du double en
Allemagne et en Grande-Bretagne
et 600 000 aux USA. Ils pourront
chercher les études où on leur révèle
que l’autofinancement de l’ensem-
ble des entreprises françaises est de
120 milliards contre 240 enAllema-
gne car les charges en France ava-
lent la différence et empêchent de ce
fait le développement de notre sec-
teur productif. Qui leur dira que le
principal retard en emplois n’est pas
dans les entreprises de taille inter-
médiaire, entre 250 et 5 000 sala-
riés, mais bien dans les entreprises
de plus de 5 000 salariés. Pourquoi
créons-nous si peu de ces gazel-
les qui font la richesse de l’emploi
ailleurs. Pourquoi les Américains
avaient inventé les SBIC, la Sub-
chapter S Corporation il y a 50 ans
et quels étaient les résultats,compa-
rés à ceux de nos agences publiques ?
Qui en dehors de l'iFRAP a étudié
l'impact des incitations fiscales sur
les créations de gazelles ?
Au total, s’il fallait résumer 25 ans
de batailles,nous pourrions dire que
la terre est en vue : l’opinion publi-
que a évolué, la nécessité de rédui-
re la dépense publique et la fonc-
tion publique a succédé à l’idée que
toute dépense publique est bonne.
Mais nous sommes encore loin de la
terre ferme et,pour nous en rappro-
cher, il nous faut faire comprendre
qu’avec 18 millions d’emplois mar-
chands en France, alors que nous
devrions en avoir 25, il est impossi-
ble de redresser notre budget et de
rééquilibrer notre Sécurité sociale,
faute d’une base contributive suf-
fisante. Et c’est dans cette direction
que la Fondation poursuivra tous
ses efforts,en comptant dans le mot
« tous » ceux de nos lecteurs qui
nous ont si fidèlement soutenus.
Le manque de think tanks en France a eu comme conséquence de soustraire
du débat public deux aspects fondamentaux du succès des démocraties anglo-saxonnes,
dont l’absence se fait cruellement sentir pour notre pays.
Fondation iFRAP : des études
économiques que l’on ne trouve nulle part ailleurs
5
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
NUM É R O 1 0 0
L
a situation de notre pays sur
le front du chômage et des
déficits budgétaires montre
que la partie productive de notre
économie, les entreprises, a atteint
en matière de charges le point de
rupture. Dans son rapport 2009,
l’OCDE a parfaitement décrit la
réalité française : «  Une priorité
demeure l’augmentation du taux
d’emploi qui reste un des plus fai-
bles parmi les pays de l’OCDE.
Ceci permettrait à la fois d’augmen-
ter (temporairement) la croissance
potentielle et de réduire considéra-
blement les pressions sur les finan-
ces publiques. »
Dès lors se pose la question : en
matière d’emploi, avons-nous tout
tenté ? Nous avons tenté beaucoup
de choses, sauf ce qui a permis à
nos concurrents de réussir : créer
massivement des entreprises en
incitant ceux qui ont de l’argent
à y investir. Nous en créons, certes,
mais ce sont des entreprises avec
zéro salarié, qui, à terme, sont peu
créatrices d’emplois. Ce dont nous
avons besoin ce sont des entrepri-
ses créées autour d’un projet, avec
des fonds, ce qui leur permet dès
le départ d’embaucher. Or nous
en créons désespérément peu et
cela parce que nous manquons
dramatiquement d’argent au stade
de la création d’entreprise. Nous
avons pu évaluer entre 1 à 2 mil-
liards d’euros l’argent investi dans
les créations d’entreprise en Fran-
ce, 5 à 10 en Grande-Bretagne, 10
à 20 aux USA à population com-
parable. Grâce à des mesures fisca-
les qui encouragent des individus
aisés, mais pas forcément fortunés,
à investir leur argent dans les créa-
tions ou le développement d’entre-
prises du voisinage. Entre 500 000
et un million de Business Angels
ont,depuis 1958,investi dans leurs
entreprises aux USA. 90 % d’entre
elles se situent hors technologie,
dans la distribution,la restauration,
le marketing, etc., et sont à l’ori-
gine de plus de 50 millions d’em-
plois créés par l’économie améri-
caine en 30 ans.
Car pour qu’une économie se déve-
loppe, elle doit inventer continuel-
lement de nouveaux produits ou
de nouveaux services, pour rem-
placer ceux atteints par l’obsoles-
cence ou la délocalisation. Pour
que cette innovation créatrice se
produise, il faut que les porteurs
d’idées, les entreprenants, trou-
vent l’argent nécessaire des som-
mes qui se situent pour 99 % des
projets entre 100 000 et 2 millions
d’euros. Un entreprenant peut
surmonter les obstacles que crée
la bureaucratie, ou supporter les
charges sociales et fiscales en tra-
vaillant plus, mais il ne peut sur-
monter l’absence d’argent.
En France, de nombreuses dispo-
sitions ont été prises pour collec-
ter l’épargne des particuliers et la
diriger vers des entreprises (FCPI,
FIP, etc.) ou aider les réseaux de
Business Angels. Mais personne ne
dit que l’essentiel de l’investisse-
ment des créations d’entreprises -
avec salariés - dans les pays ayant
vaincu le chômage, provenait de
« riches »,notamment de dirigeants
d’entreprises qui mettaient plus de
100 000 euros dans ces créations,
Quatre batailles décisives 
pour l’avenir
Depuis sa création, l’iFRAP a toujours travaillé à appréhender de la façon la plus complète
un problème de politique publique pour ensuite imaginer une ou plusieurs solutions qui soient
non seulement réalistes mais qui aient aussi des chances de s’imposer auprès de toutes les parties
prenantes, opinion publique, responsables politiques, haute administration. Une démarche qui restera
celle de la Fondation iFRAP et que nous voulons faire porter sur quatre campagnes décisives pour
le redressement de notre pays : à l’heure où les statistiques annoncent un recul de l’emploi privé
en France, il est impératif de favoriser la création d’entreprises et le financement en amorçage.
De même, la situation de nos finances publiques impose de tout mettre en œuvre pour un meilleur
contrôle de la dépense publique. Pour y parvenir, il faut aussi revenir sur le statut de la fonction
publique et engager une vraie réforme des retraites. Sur ces sujets, nous continuerons nos enquêtes,
nos interventions dans les médias et nos propositions de réforme.
Créer des entreprises pour créer de vrais emplois
6
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
NUM É R O 1 0 0
directement, sans passer par des
structures intermédiaires.
Depuis vingt-cinq ans, au travers
de nos enquêtes et grâce à plu-
sieurs colloques organisés à l’As-
semblée nationale et au ministè-
re des Finances, l’iFRAP a bataillé
pour que l’épargne des particu-
liers soit orientée vers le finance-
ment de la création d’entreprises
et non vers des produits de défis-
calisation ou encore vers le déficit
de l’État, via l’assurance-vie.
Ce message, nous l’avons déve-
loppé dans des colloques où des
experts français et étrangers, spé-
cialistes des questions de dévelop-
pement d’entreprises et de finan-
cement d’amorçage sont venus
apporter leurs témoignages.
Dès 1999, nous organisions à
l’Assemblée nationale avec l’as-
sociation Entreprise et Progrès
un colloque intitulé « Créer des
entreprises pour créer de vrais
emplois », sous la présidence de
Laurent Fabius, alors président
de l’Assemblée nationale. Puis en
2002, nous développions ce thè-
me avec la Fondation Concorde
dans un colloque titré « Cinq ans
pour créer des emplois », cette
fois sous la présidence de Jean-
Louis Debré, devenu président de
l’Assemblée nationale, et de Jean-
François Copé. Des chefs d’entre-
prises renommés comme Denis
Payre et Pierre-François Grimal-
di venaient réaffirmer avec force
que seule l’entreprise et l’entre-
preneur sont capables de créer de
vrais emplois.
En 2003, nous organisions un
nouvel évenement : « Mettre l’ISF
au service de l’emploi » pour cet-
te fois rappeler que la faiblesse
des financements mobilisés pour
la création d’entreprises en Fran-
ce, près de six fois inférieurs à
ceux réunis en Angleterre, avait
pour cause l’ISF, avec les inter-
ventions de Gilles Carrez, rappor-
teur général du budget, de Charles
de Courson et de Laurent Hénart,
députés.
Et en 2007, dans une manifesta-
tion organisée avec Entreprise et
Progrès, Croissance Plus, le Cer-
cle des Jeunes Dirigeants, l’asso-
ciation 100 000 entrepreneurs
et Coach Invest, nous interpel-
lions les représentants des can-
didats à l’élection présidentielle
de 2007 pour leur demander les
mesures qu’ils comptaient mettre
en oeuvre pour redressser l’em-
ploi. Éric Besson qui représentait
à l’époque Ségolène Royal, Patrick
Louis qui représentait Philippe
de Villiers, Pierre Méhaignerie
qui représentait Nicolas Sarkozy
et Hervé Morin qui représentait
François Bayrou avaient accepté
d’intervenir.
Enfin, en 2008, c’est à Bercy que
nous plaidions à nouveau cet-
te cause cette fois devant Hervé
Novelli, secrétaire d’État chargé
des entreprises et du commerce
extérieur, en collaboration avec
la Fondation Concorde et devant
un parterre de près de 300 chefs
d’entreprises, business angels et
dirigeants, dont Yseulys Costes,
P-dg de 1000Mercis, Guy Rou-
lin, avocat associé du Cabinet
Fidal, de Nicolas Fritz, directeur
de France Angels, Philippe Bertin,
président-associé d’Equitis.
Nous l’avons aussi martelé dans la
presse où de nombreuses tribunes
signées Bernard Zimmern sur ces
thèmes ont été publiées dans Le
Figaro, La Tribune et Les Échos.
La mesure ISF-Emploi
de l’iFRAP adoptée
La mesure pour laquelle l’iFRAP
a le plus longtemps fait œuvre de
pédagogie et de persuasion auprès
de nos élus a été adoptée dans le
paquet fiscal Travail, emploi et
pouvoir d’achat (TEPA) en 2007.
Cette mesure permet à tous les
assujettis à l’ISF de convertir
leur impôt à payer en investisse-
ments dans les PME et ce, pour
75 % des montants investis jusqu’à
50 000 euros de déduction maxi-
mum. Faute d’une suppression de
l’ISF, cet article permet de rendre
l’ISF moins nuisible pour l’écono-
mie, en encourageant les vocations
de business angels.
On peut regretter que la mesure
ISF-TEPA n’ait pour l’instant pas
suffisamment concouru à mobiliser
les business angels. indépendants,
ceux qui peuvent mobiliser plu-
sieurs centaines de milliers d’euros.
En bridant la mesure à 66  666
euros, ce sont surtout de petits
investisseurs qui se sont déclarés
pour l’instant. Il faut permettre
aux assujettis ISF qui paient plus
de 50 000 euros de déduire la moi-
tié de leur investissement dépas-
sant 66 666 euros dans des petites
entreprises. L’autre défaut du texte
est d’avoir visé les PME et pas les
entreprises en amorçage. Les PME,
qui ont jusqu’à 250 salariés, ont
résolu leurs problèmes de finance-
ment et l’iFRAP recommande de
cibler les entreprises ayant moins
de 2 millions de capital, seuil où
d’autres modes de financement
comme le capital-risque peuvent
prendre le relais. Mieux orientée,
la mesure ISF-TEPA aurait un effet
renforcé sur l’emploi.
Colloque à la Maison de
la chimie, le 12 février 2007.
Colloque à Bercy,
le 22 février 2008.
7
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
NUM É R O 1 0 0
La SCT, une nouvelle avancée
pour le financement des entreprises
En 1958, les Américains inven-
tent la Subchapter S : formule
limitant la responsabilité de l’ac-
tionnaire à son apport en capital
mais soumettant les résultats au
régime des sociétés de personnes,
elle transfère sur les actionnai-
res leur quote-part des bénéfices
mais aussi des pertes. Ce qui per-
met à l’investisseur de déduire sa
quote-part des pertes de son reve-
nu pour le calcul de son impôt
et fait ainsi supporter par l’État
autour de la moitié de la perte,
donc du risque. Disons-le tout
de suite : cette incitation fiscale
est extrêmement rentable pour
le Trésor car les profits des SubS
sont trois fois supérieurs aux per-
tes… Une enquête à l’échelle de
la France laisse espérer le même
ratio. Cette mesure est en très
grande partie à l’origine de l’ex-
plosion des business angels, des
100 milliards de $ qu’ils déver-
sent sur les créations d’entrepri-
ses chaque année et de l’extraor-
dinaire dynamisme de l’économie
américaine.
En 2008, avec 50 ans de retard,
nous créons grâce à l’interven-
tion de l’iFRAP l’équivalent de
la SubS1
. Mais cette disposition
est adoptée à un détail près et
ce détail fait toute la différence :
notre Code des impôts ne permet
de déduire les pertes éventuelles
que de revenus de même nature.
Les pertes étant généralement de
type BIC alors que les revenus
de nos investisseurs potentiels
sont le plus souvent salariaux
ou mobiliers, cela supprime tout
intérêt pour des investisseurs de
s’y intéresser.
Il nous faut donc oeuvrer pour
déminer les blocages de Bercy.
Le relèvement de l’avantage Madelin
D’après nos enquêtes, les Anglais
investiraient de l’ordre de 7 à
10  milliards dans les créations
d’entreprises, dont 5 en prove-
nance de Business Angels. C’est
pour rattraper ce retard, que
l’iFRAP a proposé en 2008 que
l’avantage Madelin (qui permet
de déduire 25 % des investisse-
ments au capital des entreprises
de son impôt sur le revenu) soit
réévalué et orienté vers les petites
entreprises sur le modèle de l’En-
treprise Investment Scheme (EIS)
anglais. Les Anglais ont, grâce à
cette mesure, permis à des par-
ticuliers d’investir chaque année
jusqu’à 400 000 £, 800 000 £ pour
un couple (soit environ 1,2 mil-
lion €) dans des petites entrepri-
ses. Et cela ne coûte rien au Trésor
anglais car la TVA rapporte plus
que la déduction fiscale dès la pre-
mière année.
Saisissant l’opportunité de la dis-
cussion de la loi de modernisa-
tion de l’économie, un amende-
ment défendu par le député de
l’Indre Nicolas Forissier a proposé
de monter le plafond de l’avanta-
ge Madelin et passer la déduction
à 100 000 euros pour un céliba-
taire et 200 000  euros pour un
couple.
L’amendement finalement redépo-
sé fin 2008 et cette fois-ci orienté
vers les petites entreprises définies
par la Communauté européenne,
soit de moins de 50 salariés et de
moins de 10 millions de total de
bilan a été adopté.
Son plafond n’est pas aussi éle-
vé que ce que l’iFRAP aurait sou-
haité – 50 000 euros pour un céli-
bataire et de 100 000 euros pour
un couple (soit 12 500 euros de
réduction effective d’IR pour un
célibataire et 25 000 euros pour
un couple) mais l’orientation vers
les petites entreprises communau-
taires est bien là.
Et nous allons continuer à tra-
vailler pour un meilleur finance-
ment de nos entreprises.
­1  article 30 de la loi de
modernisation de l’économie.
Pour un vrai contrôle de la dépense publique
D
epuis 1999, l’iFRAP tra-
vaille à ce que notre Parle-
ment se dote d’un organe
d’audit identique au modèle en la
matière, le National Audit Office
(NAO) anglais qui, en Grande-
Bretagne, permet un contrôle effi-
cace des dépenses publiques par le
Parlement. De 2003 à 2007, cet-
te proposition de l’iFRAP a pro-
gressé pour devenir, début 2007,
une proposition de loi cosignée
par plus de cent députés pour la
création d’un Office d’évaluation
et de contrôle de la dépense publi-
que (Ofec).
Ainsi en 2004, l’iFRAP organi-
sait avec le député des Yvelines
Jean-Michel Fourgous un colloque
nommé « Dépense publique : le
Parlement spectateur ou acteur ? »
où étaient intervenus notamment
François de Closets, Philippe Mari-
ni, rapporteur général de la Com-
mission des finances du Sénat,
Sylvie Trosa, spécialiste internatio-
nale de la performance budgétai-
re, Louis Giscard d’Estaing, dépu-
té, Paul Dubrule, sénateur. Cette
manifestation avait été conclue
par Dominique Bussereau, alors
secrétaire d’État au Budget, et
avait été l’occasion de dresser le
constat de l’action parlementai-
re, tous s’accordant à reconnaître
la défaillance du contrôle sur la
dépense publique.
Cette idée a été reprise, à gauche
comme à droite, pendant la cam-
pagne et est devenue l’une des
propositions de Nicolas Sarkozy
avec le soutien du futur Premier
8
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
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ministre François Fillon. Depuis,
ce projet avance, même s’il reste
des résistances.
La réforme constitutionnelle :
le Parlement va-t-il se révolter ?
C’est avec la Commission Balla-
dur, mise en place pour la moder-
nisation des institutions de la Ve
République, que ce projet a pu
être mis en route, en proposant
notamment de modifier l’article
24 de la Constitution, cet article
indiquant désormais  : « Le Parle-
ment vote la loi, contrôle l’action du
Gouvernement et concourt à l’éva-
luation des politiques publiques. »
L’iFRAP a dans cette bataille agit
pour que le Parlement se saisis-
se de cette affaire et affirme son
rôle de contrôle de l’efficacité de
la dépense publique.
Nous avons publié plusieurs tribu-
nes dans la presse sur ce sujet dont
« Donnons au Parlement les moyens
de contrôler le budget »(2007) et
« Réforme des institutions : le Par-
lement va-t-il se révolter ? » (2008)
dans Le Figaro.
Après une bataille très rude
dans les couloirs du pouvoir et
un terrible constat sur le travail
parlementaire - Dider Migaud,
alors président de la Commis-
sion des Finances de l’Assem-
blée nationale ayant déclaré au
cours des débats « Nous n’avons
pas de culture du contrôle et de
l’évaluation ; nous n’avons qu’une
culture de la soumission et de la
démission permanentes. » - il res-
tait à mettre en place les outils
pour que cette « nouvelle » pré-
rogative ne demeure pas un voeu
pieux.
Un pas de plus pour
le contrôle de la dépense
publique : le Comité
d’Évaluation et de Contrôle
adopté par l’Assemblée
Après discussions et tractations à
l’occasion de la réforme du règle-
ment de l’Assemblée entre les dif-
férents groupes politiques et com-
missions avec l’administration de
l’Assemblée et la présidence, un
projet d’un Comité d’évaluation
et de contrôle des politiques
publiques a vu le jour.
L’iFRAP a suivi et soutenu les
amendements déposés par les
députés Louis Giscard d’Estaing
(UMP) et Jean-Louis Dumont
(PS) pour améliorer le fonction-
nement de ce Comité, notam-
ment sur son programme de tra-
vail et sur les délais de réponse
du gouvernement.
Ce comité a vocation à donner
aux rapports d’évaluation des
politiques publiques comman-
dés à la Cour des comptes ou à
d’autres organismes une pertinen-
ce encore plus forte liée au fait
que le Parlement détient le pou-
voir de sanction. Mais l’iFRAP
a attiré l’attention des députés
sur les conditions indispensables
pour que ce comité joue un rôle
dans le contrôle des dépenses
publiques :
❙ se concentrer sur les études a
posteriori ;
❙ travailler dans une logique
d’économies à réaliser («  value
for money » britannique) ;
Conférence de presse avec les députés Louis Giscard d’Estaing et Jean-Louis Dumont,
à l’Assemblée nationale le 29 avril 2009.
9
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
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❙ commander ses rapports à la
Cour des comptes ;
❙ et surtout que ses propositions
soient suivies et appliquées ;
Il n’y a guère que la pratique qui
dira si la question des économies
à réaliser sera au cœur des pré-
occupations du CEC, mais c’est
un message qu’il faut marteler et
marteler encore vis-à-vis de nos
députés, des administrateurs et
de la Cour des comptes quand
elle sera amenée à effectuer ces
rapports pour le Parlement dans
le cadre de sa mission de « contri-
bution à l’évaluation des politi-
ques publiques ».
Ce message, nous l’avons relayé
dans la presse avec notamment
une tribune de Bernard Zim-
mern, Louis Giscard d’Estaing,
député UMP, et Jean-Louis
Dumont, député PS, fin 2008
dans Le Figaro, titrée « Cour des
comptes-Parlement : le temps de
la coopération ».
Si chaque rapport pour chaque
politique publique propose des
économies, on viendra peut-
être à bout du laxisme qui veut
que nos représentants votent
année après année des budgets
déficitaires. Mais, avec un chef
de division, un chargé de mis-
sion, deux administrateurs et
un million d’euros à sa dispo-
sition, il est clair que le CEC
ne peut réaliser suffisamment
d’études lui-même et que son
succès dépend de sa capacité à
sous-traiter ses études et à fai-
re preuve de pragmatisme. Cela
étant acté, le CEC est aussi doté
d’une arme puissante puisqu’il
peut exiger une réponse et un
positionnement du Gouverne-
ment sur ses propositions de
réformes ou de suppression de
crédits. Même avec un petit bud-
get de départ, le CEC pourrait
donc jouer un rôle majeur dans
l’évaluation des politiques publi-
ques et la résorption progressive
du déficit. Il semble qu’une cer-
taine prise de conscience finira
par se faire.
Mais le chemin est encore long
avant que des économies ne
découlent de ce réveil de nos
représentants.
A
u lendemaine de son élec-
tion, le président de la
République proposait à
Nantes un pacte nouveau aux
fonctionnaires : «  Il serait sou-
haitable qu’on laisse le choix aux
nouveaux entrants entre le statut
de fonctionnaire ou un contrat de
droit privé négocié de gré à gré. Cela
donnerait de la souplesse et du sang
neuf ».
Malgré un diagnostic lucide dressé
par le conseiller d’État Jean-Ludo-
vic Silicani dans son rapport sur
la fonction publique, les proposi-
tions restaient bien éloignées des
objectifs présidentiels.
Pourtant, proches de nos frontiè-
res, la plupart des pays dotés his-
toriquement d’une fonction publi-
que de carrière ont procédé à des
réformes profondes de leur statut
public. L’Italie est, parmi ceux-là,
le pays qui a connu la réforme la
plus radicale de sa fonction publi-
que. Désormais, les agents publics
italiens sont pour la plupart sou-
mis au droit commun du travail
à l’exception des magistrats, des
militaires, des policiers, des diplo-
mates, des membres du corps pré-
fectoral et des universitaires.
Un peu plus loin de chez nous,
la Suède a fait passer quasiment
tous ses agents publics (sauf mili-
taires, policiers, magistrats et pro-
fesseurs de l’enseignement supé-
rieur qui relèvent toujours du
statut) sous contrat de droit pri-
vé. Quant à la fonction publique
allemande, elle est en diminution
en moyenne de 1 % par an pour
un total de 4,6 millions d’agents.
Avec 60 % d’agents de droit pri-
vé et 40 % de fonctionnaires sous
statut n’ayant pas le droit de grève,
l’Allemagne a un taux de fonction
publique au sein de la population
active de 11,3 %.
La France est loin de ces chiffres-là.
En 2007, l’État français supprimait
11 000 postes de fonctionnaires,
23 000 en 2008 et 30 000 en 2009
en application stricte du principe de
non-remplacement d’un fonction-
naire sur deux partant à la retraite.
Un bon début si les opérateurs de
l’État n’avaient embauché,en paral-
lèle, 14 000 personnels de 2006 à
2008 (dont une partie de droit
public et une partie de droit pri-
vé). Malgré ces réductions de pos-
tes, la fonction publique française
constitue toujours plus de 20 % de
la population active.
Mobilité et émulation
Pour résoudre cette équation et
rendre plus flexible la gestion des
ressources humaines publiques, il
ne suffira pas d’embaucher plus
de contractuels de droit public. Et,
plutôt que de créer un Code du
travail spécifique, pourquoi ne pas
faire entrer les agents publics dans
la famille des salariés régis par le
Code du travail ? Mobilité entre
public et privé et émulation entre
Fonction publique : l’heure de la réforme  
a-t-elle sonné ?
10
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
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les deux secteurs n’en seraient que
plus dynamiques. Même si les syn-
dicats de la fonction publique se
montrent particulièrement hosti-
les à l’évocation même d’une évo-
lution d’une fonction publique de
carrière vers une fonction publi-
que de métiers, il conviendrait de
remettre le débat sur la table des
négociations.
C’est ce que nous avons fait à l’oc-
casion d’un colloque sur la réfor-
me de la fonction publique orga-
nisé à Sciences Po le 27 avril 2009
en présence d’André Santini,
ministre de la Fonction publique
à l’époque, et de Franco Bassanini,
ancien ministre italien de la Fonc-
tion publique, de Pierre Bessard,
de l’Institut Constant de Rebec-
que (Suisse), de Dominique Rey-
nié, directeur de la Fondapol, de
Michel Sapin, député PS, de Jean-
Michel Fourgous, député UMP, de
Brigitte Jumel, secrétaire généra-
le UFFA-CFDT, de Dominique
Coudreau, ancien directeur de
l’ARH d’Ile-de-France.
Revenant sur des exemples étran-
gers - Italie et Suisse - la conclu-
sion est claire : notre système
public est tellement bien trico-
té qu’il ne sera pas possible de
trouver les « petits leviers » pré-
curseurs d’une réelle réforme de
fond. Seule une réaction forte
de la société civile peut donner
l’élan d’une vraie réforme com-
me nous le montre l’exemple du
référendum suisse demandé, au
départ, par les syndicats de la
fonction publique et qui a abou-
ti sans que ces derniers s’y atten-
dent à ce que 67 % des Suisses se
prononcent pour une abrogation
du statut public.
Interviewé par l’iFRAP, le socio-
logue des organisations François
Dupuy propose en 2012 un réfé-
rendum sur la réforme de l’État
aux Français et l’abrogation du
statut de la fonction publique
pour les nouveaux entrants. C’est
la proposition de l’iFRAP car
jamais ceux qui décident à l’in-
térieur de l’État ne prendront le
risque de porter une réforme aus-
si risquée pour eux. C’est ce que
nous avons rappelé dans deux
articles signés par Agnès Verdier-
Molinié publiés en 2009 dans La
Tribune sous le titre «  Fonction
publique, l’heure de la réforme
a-t-elle sonné ? » et début 2010
dans Le Figaro et intitulé « Il faut
oser poser la question du statut
des fonctionnaires ».
L’abrogation du statut de la fonc-
tion publique viendra de la socié-
té civile.
Seule une réaction forte
de la société civile
peut donner l’élan
d’une vraie réforme
comme nous le montre
l’exemple du référendum
suisse.
Colloque sur la réforme de la fonction publique, le 27 avril 2009 à Sciences Po.
11
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
NUM É R O 1 0 0
D
epuis 1998, l’iFRAP a lon-
guement décortiqué notre
système de retraites  qui
représente, en 2010, 280 milliards
d’euros. En étudiant le régime
général et les régimes spéciaux, en
les comparant aux différents sys-
tèmes en vigueur à l’étranger, c’est
près de 30 articles et dossiers qui
ont été publiés dans Société Civile,
sans compter une veille sur notre
site Internet.
Les principaux thèmes étudiés ont
été :
❙ les différences entre fonctionnai-
res et privé ;
❙ les différences entre régimes spé-
ciaux EDF/GDF, SNCF, RATP et
privé ;
❙ les exemples de réforme, notam-
ment la banque ;
❙ l’étranger : Suède, Allemagne ;
❙ la capitalisation : Préfon, RAFP,
FRR ;
❙ les régimes complémentaires :
Arrco, Agirc, Ircantec.
Avec des interviews de politiques,
d’économistes, d’actuaires et de
gestionnaires de régimes.
Car, aujourd’hui, notre systè-
me de retraites est en débat : s’il
faudra certainement allonger les
durées de cotisations ou reporter
l’âge de la retraite. cela ne consti-
tue pas une réforme,mais au mieux
un ajustement. Pour aller plus loin,
nos recommandations sont les
suivantes :
❙ aligner les régimes spéciaux sur le
régime général ;
❙ fusionner la Cnav,l’Arrco,l’Agirc,
l’Ircantec ;
❙ introduire une dose de
capitalisation ;
❙ mettre en place un régime par
point ou à la «  suédoise  » pour
tous ;
❙ mais surtout, il faut créer des
emplois.
Ces recommandations impli-
quent des efforts de tous, public
et privé.
Régimes spéciaux et déficits
Les régimes spéciaux restent une
entorse au principe d’équité. Pour
s’en rendre compte, il n’y a qu’à
prendre en considération le coût
des régimes, coût que l’on peut
mesurer au taux de cotisation
nécessaire pour le financer, excep-
tion faite des régimes en déficit
démographique. Si le secteur pri-
vé est à 25 % de taux de cotisa-
tion global (salarié + employeur),
les fonctionnaires d’État sont à
69 %, EDF à 86 % et la SNCF à
106 % ! Pour les fonctionnaires, le
taux de la cotisation employeur
augmente d’environ 1 % par an
et devrait atteindre 72 % en 2025.
Le déficit des régimes publics est
très sous-estimé : selon les estima-
tions du COR pour 2010 à 2030,
le déficit du régime des fonction-
naires d’État (2,4 millions d’ac-
tifs, 2 millions de retraités) sera
supérieur ou équivalent à celui du
régime du privé (16 millions d’ac-
tifs, 12 millions de retraités). Et en
2050, il représentera encore 64 %
de celui du privé.
Les réformes de  2003 et  2007
n’ont pas suffi. La prochaine éta-
pe indispensable est de revoir le
calcul de la retraite sur le der-
nier salaire en vigueur au sein de
la fonction publique. En effet, si
les cotisations sont prélevées sur
le salaire moyen de la carrière et
la retraite versée sur le dernier
salaire, comme c’est le cas pour
les carrières complètes de la fonc-
tion publique, l’écart représente
une retraite « gratuite », ce qui,
techniquement, ne peut exister !
Sachant, qu’en plus, le coup de
pouce de fin de carrière est une
pratique très répandue, la situa-
tion aboutit à un dérapage des
comptes. La seule solution accep-
table est d’aligner ces régimes spé-
ciaux sur le régime général.
Fusionner la Cnav, l’Arrco,
l’Agirc, l’Ircantec
Créés à l’origine par la société
civile pour compléter le régime
général mis en place avec la Sécu-
rité sociale en 1945, ces régimes
complémentaires se sont déve-
loppés et généralisés au point
de devenir obligatoires en 1971.
Ils représentent aujourd’hui plus
de 50 milliards d’euros de coti-
sations de 18 millions de salariés
et les pensions de 13 millions de
retraités.
Élément essentiel des retraites du
secteur privé, les retraites complé-
mentaires se caractérisent par un
fonctionnement devenu inuti-
lement complexe pour les sala-
riés et les retraités et sa mise en
œuvre incompréhensible et coû-
teuse, pour les entreprises adhé-
rentes. Un alignement des frais de
gestion des régimes complémen-
taires sur ceux de la Cnav repré-
senterait déjà une économie d’un
milliard d’euros.
Retraites : ouvrir la voie à une réforme 
de fond de notre système
Les régimes spéciaux restent une entorse
au principe d’équité. Pour s’en rendre compte,
il n’y a qu’à prendre en considération le coût
des régimes, coût que l’on peut mesurer au taux
de cotisation nécessaire pour les financer.
12
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
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Pour les caisses elles-mêmes, cet
imbroglio est source de coûteux
gaspillages. La multiplicité d’in-
tervenants fournissant tous le
même service cumule les incon-
vénients d’une situation de mono-
pole et ceux de la concurrence
larvée. Les retraites complémen-
taires étant strictement encadrées
et offrant peu de perspectives de
développement, les groupes de
protection sociale qui les gèrent
se sont diversifiés dans de mul-
tiples activités et il s’est créé un
flou sur leurs véritables intérêts
qui rend difficile leur contrôle. La
réforme du système doit éviter
une mainmise de l’État, alors que
par ailleurs celui-ci doit finan-
cer des engagements de retraites
colossaux pour les trois fonctions
publiques (900 milliards d’euros
d’engagements de retraite). La
négociation sur les retraites est
une période idéale pour simpli-
fier et unifier notre système.
Retraite par capitalisation :
attention à la caricature !
Les retraites par répartition des
Français ne sont pas financées,
mais au moins le problème n’est
plus nié. Plusieurs solutions sont
envisagées, sauf une qui est reje-
tée avant même d’être examinée :
une dose de capitalisation. Pour
des raisons idéologiques, les syndi-
cats et la grande majorité des res-
ponsables politiques sont farou-
chement opposés aux retraites par
capitalisation au nom d’une soli-
darité souvent teintée de collecti-
visme. Mais avec la crise de 2008,
cette opposition s’est transformée
en hystérie.
L’iFRAP a fait le point sur ces
critiques.
En Suède, la capitalisation résiste.
Fin 2008, au moment où la bourse
était à peu près à son minimum,
les fonds de capitalisation avaient
baissé, mais n’étaient pas du tout
en faillite. Et depuis leur créa-
tion, leur rendement est positif. Le
rapport de 2009 n’est pas enco-
re publié, mais d’après notre esti-
mation, leur valeur aura remon-
té de 10 à 15 % et la gauche et
la droite qui ont été au pouvoir
depuis 1998 n’ont jamais propo-
sé de remettre en cause ce pan de
la réforme.
Les assureurs ont d’ailleurs depuis
longtemps résolu ce problème en
proposant des investissements de
moins en moins risqués et volati-
les au fur et à mesure que les assu-
rés s’approchent de leur date de
départ à la retraite.
De plus, dans notre pays, au
moins trois systèmes de retraite
fonctionnent déjà de façon satis-
faisante par capitalisation, dont
celui des sénateurs et celui qui
gère les cotisations sur les primes
des fonctionnaires (RAFP). Mais
le cas le plus significatif est celui
du Fonds de réserve des retraites
(FRR), d’autant plus qu’il est géré
par les syndicats.
Enfin, la capitalisation est un
moyen de disposer, en France,
de capitaux à investir dans les
entreprises ou l’immobilier, sans
avoir à créer des fonds souve-
rains comme le FSI ou la Caisse
des dépôts, à la fois faibles par la
taille et très exposés aux interfé-
rences politiques.
Le système suédois de retraites
par points : un modèle pour
réformer la France ?
Dans les années 1990, la Suède
connaît une crise économique très
grave : chute du PIB, chômage à
des niveaux records, déficit bud-
gétaire insoutenable dépassant les
11 %. Les pouvoirs publics pren-
nent alors conscience de la néces-
sité de retrouver un budget à
l’équilibre, voire en excédent. Le
Gouvernement s’engage notam-
ment dans une réforme complè-
te du système de retraite. Il aura
fallu 20 ans de travail et de négo-
ciations pour passer d’un systè-
me analogue au nôtre, structu-
rellement déficitaire et incapable
d’assurer l’avenir des pensions, au
nouveau, à la fois plus juste et
dégageant des excédents.
La différence entre le système
contributif de comptes notion-
nels et de répartition à la fran-
çaise est ténue mais capitale : le
compte notionnel est un comp-
te « virtuel » permettant de cal-
culer la contribution réelle d’un
salarié tout au long de sa vie. En
fonction de ce calcul, ce sont les
cotisations des actifs qui servent
à payer les pensions des retraités.
La notion de «  solidarité inter-
générationnelle  » est conservée,
mais chaque individu sait, dès le
départ, que sa pension sera pro-
portionnelle au travail qu’il aura
fourni toute sa vie.
À la fois plus juste dans ses fon-
dements, plus rentable pour la
nation et plus généreux pour
les individus, le système suédois
semble une réussite qui devrait
mettre d’accord l’ensemble de
la classe politique française. En
France, les réformes et aména-
gements de notre régime de
retraite général se suivent et se
ressemblent quant à leurs résul-
tats. Les lois de  1993 et  2003
étaient censées régler le problè-
me de financement pour quel-
ques années, mais les résultats
ne sont pas là. En regard du sys-
tème suédois, le simple allonge-
ment de la durée de cotisation
semble plus une mesure de sau-
vegarde qu’une véritable réfor-
me. C’est pourquoi l’iFRAP va
défendre ces propositions.
À la fois plus juste
dans ses fondements,
plus rentable pour
la nation et plus généreux
pour les individus,
le système suédois semble
une réussite qui devrait
mettre d’accord
l’ensemble de la classe
politique française.
13
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
Les décideurs donnent leur point de vue sur
les grands thèmes de la Fondation iFRAP
Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, François Hollande, ancien secrétaire général
du PS, Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, Frédéric Bedin, président de
CroissancePlus, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat,
Christian Schubert, correspondant à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung, et
Mathieu Laine, entrepreneur, économiste et essayiste, ont bien voulu répondre aux questions
de Société Civile sur la situation de la France et leur vision de l’avenir. Il est intéressant
de constater que quasiment tous sont d’accord pour déplorer le poids trop important
de l’État et des administrations dans notre pays et le manque de reconnaissance de
la place de l’entreprise. La Fondation iFRAP a indéniablement du travail en perspective.
❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous
inquiet ou confiant pour l’avenir
économique de la France ?
Xavier Bertrand : Je suis d’une
nature optimiste parce que je
considère que l’avenir, ça se
construit. Même si la France a
mieux résisté au choc de la crise
que ses voisins européens, il ne
faut pas oublier que nous traver-
sons la crise économique la plus
importante depuis les années tren-
te. Si la France s’en sort mieux,
c’est à mon sens pour trois rai-
sons structurelles. D’abord, nous
avons une économie plus équili-
brée que beaucoup de nos voisins
qui ont fait le choix de sacrifier
leur industrie au profit du « tout
service », comme la Grande-Bre-
tagne, ou bien du « tout immo-
bilier », comme l’Espagne. Ensui-
te, notre marché domestique est
dynamique, à la différence de
celui de l’Allemagne, et ce, mal-
gré ses très bonnes performances
à l’export. Enfin, notre système de
protection sociale, qui a très lar-
gement permis d’amortir le choc.
Parallèlement, le Plan de relan-
ce mis en place par le gouver-
nement français, centré sur l’in-
vestissement et sur les ménages
modestes et non sur la consom-
mation en général, comme le pré-
conisait à tort le parti socialiste,
a bien fonctionné. Il nous res-
te à poursuivre les efforts sur la
L’avenir, c’est des États-garants
et non des États-gérants, des États-stratèges
et non des États-opérateurs.
Xavier Bertrand
Ancien ministre, secrétaire général de l’UMP et député de l’Aisne
Xavier Bertrand
GillesBassignac
14
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous
inquiet ou confiant pour l’avenir
économique de la France (finan-
ces publiques, emploi, compétiti-
vité des entreprises…) ?
François Hollande : Nous sommes
à un instant crucial. Les indica-
teurs témoignent tous d’un ris-
que sérieux de déclassement de
l’économie française. La croissan-
ce est depuis des années fragile,
notre déficit commercial dépasse
45 milliards d’euros, le chômage
frappe 10 % de la population acti-
ve et notre dette publique atteint
des niveaux historiques. Songez
qu’en 2012, elle équivaudra à
une année de richesse nationa-
le. Redresser l’économie françai-
se dans ces conditions sera le défi
majeur du prochain président de
la République.Avec des marges de
manœuvres limitées, il lui faudra
faire des choix justes et pertinents
car ils détermineront l’orientation
de notre pays pour de nombreu-
ses années. C’est pourquoi il faut
concentrer nos efforts sur la jeu-
nesse : sa place, ses conditions de
vie, son insertion réussie.
Ce redressement exigera un
effort national. Il ne sera accep-
té que s’il respecte les principes
d’égalité et de justice. Il faut met-
tre fin à un système où la majori-
té de nos concitoyens sont solli-
cités tandis que les plus fortunés
s’affranchissent de toute exigen-
François Hollande
Député-maire de Tulle en Corrèze, ancien ministre et ancien secrétaire national du PS
L’entreprise fournit l’essentiel des emplois
offerts et détermine par sa compétitivité
la place de la France dans la mondialisation.
réduction des dettes et particu-
lièrement de notre dette socia-
le ; mais je souhaiterais que nous
allions encore plus loin, en pro-
posant une règle budgétaire, une
« règle d’or » qui fixerait un pour-
centage maximum du PIB pour le
déficit. Des investissements mas-
sifs dans les secteurs de la nou-
velle croissance sont également
nécessaires, tout en poursuivant
notre politique en faveur de l’in-
dustrie, telle que voulue par le
Président de la République. Le
grand emprunt, que souhaite le
Mouvement populaire, apporte
une réponse à ces besoins d’in-
vestissements. La France est réso-
lument engagée sur la voie des
réformes, il faut continuer.
❙ Fondation iFRAP : Le rôle des
entreprises dans notre économie
vous semble-t-il perçu à sa jus-
te valeur par l’opinion publique
française ?
X.  B. : Les Français savent que
ce sont les entreprises qui créent
de l’emploi, comme ils savent
que l’entreprise est créatrice de
valeurs et leur travail créateur
de richesses. Les Français ont
l’esprit d’entreprise. Le statut
d’auto-entrepreneur créé par le
Gouvernement connaît un suc-
cès fulgurant : +  75  % de créa-
tion d’entreprises par rapport à
l’année dernière…
❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de
l’administration, du secteur public
et de l’État en général vous sem-
ble-t-il plus important en France
que dans les autres pays ?
X.  B. : En France, les dépenses
publiques et les prélèvements
obligatoires sont, en part du PIB,
très élevés par rapport aux autres
pays. Mais attention aux compa-
raisons hâtives : dans beaucoup
de pays, le financement du sys-
tème d’assurances sociales n’est
pas compté dans les prélève-
ments obligatoires puisqu’il s’agit
d’assurances privées. C’est aussi
le prix d’un système de protec-
tion sociale, qui a besoin d’être
modernisé, mais que beaucoup
de nos voisins nous envient.
Si l’on prend comme seul indi-
cateur la part de l’emploi public
François Hollande
agnèsgaudin
15
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
dans l’emploi total, avec près du
quart des emplois dans le public,
la France se situe en tête. Il ne
me paraît pas souhaitable d’aller
au-delà, bien au contraire ! Nous
devons aussi avoir en tête la logi-
que des finances locales, qui ont
eu tendance à exploser ces der-
nières années ! La décentralisation
s’est traduite par une explosion
des effectifs de la fonction publi-
que territoriale, sans que l’on
constate une baisse des effectifs
au niveau national. Quand l’État,
avec le non-remplacement d’un
fonctionnaire sur deux partant à
la retraite, réduit le nombre de
fonctionnaires de 35 000 par an,
les collectivités locales augmen-
tent les effectifs de 10 % par an
(hors transferts). On ne peut pas
continuer comme ça. Voilà pour-
quoi la réforme des collectivités
locales va apporter simplifica-
tion, clarification des compéten-
ces et moindre coût de notre sys-
tème territorial. À mon sens, il
faut stopper la dérive localement
et poursuivre l’effort continu du
Gouvernement avec le non-rem-
placement d’un fonctionnaire sur
deux partant à la retraite. On
peut aussi parler du volontaris-
me d’État. Sur ce point, je crois
que l’État a beaucoup de pou-
voir sur l’économie, y compris
dans de nombreux pays répu-
tés plus libéraux que nous : les
États-Unis en tête, qui s’enten-
dent à mener une politique de
R&D et de soutiens aux PME très
énergique ! L’avenir est aux États
forts, qui savent prendre le relais
de l’initiative privée lorsqu’elle
voit à trop court terme. L’avenir,
c’est des États-garants et non des
États-gérants, des États-stratèges
et non des États-opérateurs.
❙ Fondation iFRAP : Que pensez-
vous que les organismes de la
société civile, les think tanks tels
la Fondation iFRAP, apportent au
débat public ?
X.  B. : Sources d’expertises, ces
organismes sont des aiguillons, des
acteurs et des vitrines du débat.
Leur franc-parler est source de
débats passionnants et de réfor-
mes aussi.
ce de solidarité.Voilà pourquoi je
propose une réforme profonde de
notre système fiscal, pour que les
prélèvements soient réellement
fonction des facultés contributi-
ves de chacun.
❙ Fondation iFRAP : Le rôle des
entreprises dans notre économie
vous semble-t-il perçu à sa jus-
te valeur par l’opinion publique
française ?
F. H. : L’entreprise est le lieu de la
création de richesses. Elle fournit
l’essentiel des emplois offerts et
détermine par sa compétitivité la
place de la France dans la mondia-
lisation.Nous avons besoin de pro-
duire plus et mieux. Et la réponse
à terme tient autant au renforce-
ment de l’offre qu’à la stimula-
tion de la demande. Néanmoins,
je regrette que le lien de confian-
ce entre les Français et l’entreprise
se soit distendu. Il faut penser une
nouvelle stratégie de production.
Là encore, le levier fiscal peut être
utilement activé : moduler l’im-
pôt sur les sociétés en fonction des
bénéfices réinvestis, concentrer
nos efforts sur le développement
des PME, élargir le crédit d’impôt
recherche à l’innovation. C’est le
sens du nouveau pacte productif
que je propose. Il part de l’entre-
prise pour mieux y revenir.
❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de
l’administration, du secteur public
et de l’État en général vous sem-
ble-t-il plus important en France
que dans les autres pays ?
F. H. : La crise a révélé le besoin
d’État au sein de nos sociétés.Alors
quelafinanciarisationetlamarchan-
disation de l’économie ont fragilisé
les bases de l’économie mondiale,
c’est vers les gouvernements que se
sont tournés les acteurs économi-
ques (et les banques) pour trouver
des solutions à la crise. De surcroît,
notre système social a parfaitement
joué son rôle de stabilisateur durant
la récession. Il est, en quelque sor-
te, venu au secours d’un certain
libéralisme, au moment où il s’at-
tachait à le démanteler. Quant à la
controverse sur le coût de l’État, il
convient de le relativiser. J’en veux
pour preuve le comparatif entre le
non-remplacement d’un fonction-
naire sur deux, permettant à l’État
de faire des bénéfices de 500 mil-
lions d’euros par an, tandis qu’au
même moment la baisse de la TVA
sur la restauration coûte 3 milliards
d’euros à nos finances publiques. Il
reste que la réforme de l’ensem-
ble des administrations publiques,
de leur cohérence, de leur efficaci-
té, comme de leurs ressources doit
être engagée, sans qu’il soit besoin
de revenir sur la décentralisation et
sur l’exigence de proximité.
❙ Fondation iFRAP : Que pen-
sez-vous que les organismes de
la société civile, les think tanks
tels la Fondation iFRAP, appor-
tent au débat public ?
F. H. : Tout ce qui contribue à l’ac-
tivité intellectuelle, à la quête des
nouvelles idées, à la recherche
des aspirations de la société enri-
chit notre démocratie. Plus que
jamais nous avons besoin de débats
publics. Les partis politiques n’ont
rien à craindre de ces cercles de
pensées et beaucoup à en attendre
dès lors que chacun reste à sa place
et que le politique garde sa légiti-
mité. Rien n’est vraiment nouveau.
Les think tanks sont les héritiers
d’une longue tradition française
qui donne aux intellectuels une
influence dans l’enjeu public.
16
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous
inquiet ou confiant pour l’avenir
économique de la France (finan-
ces publiques, emploi, compétiti-
vité des entreprises…) ?
Bernard Van Craeynest : Je ne suis
ni inquiet ni confiant, mais réalis-
te. C’est-à-dire que nous avons
une situation différente qui résul-
te à la fois des atouts et des han-
dicaps de la France. En l’occurren-
ce, au premier chef, de la difficulté
que nous rencontrons à faire croî-
tre notre secteur concurrentiel. Je
pense notamment à l’industrie. Il
ne suffit pas de proclamer que l’on
veut faire la course en tête mais,
il faut construire une attractivité
dans la filière technique et scien-
tifique. Dans le cadre des États
généraux de l’industrie, j’ai pro-
posé qu’on mette en place de la
formation pour former nos bac +
2 de l’industrie pour qu’ils arrivent
au niveau ingénieur. En Chine et
en Inde, on forme 250 000 ingé-
nieurs par an ; comment voulez-
vous que la France se batte avec
seulement 20 000 à 30 000 ingé-
nieurs formés par an ?
❙ Fondation iFRAP : Le rôle des
entreprises dans notre pays
vous semble-t-il perçu à sa jus-
te valeur par l’opinion publique
française ?
B. V. C. : Oui et non. Il y a, à la
fois,une mauvaise image du patron
entrepreneur liée aux affaires qui
ont pollué leur image ces derniè-
res années avec un message qui
est passé dans la population sur le
mode « Faites ce que je dis, mais
pas ce que je fais ». Cela est à dis-
tinguer de la réalité vécue par les
salariés des petites et très petites
entreprises qui ont le sentiment
d’être dans le même bateau que
leur patron et qui sentent qu’ils
œuvrent ensemble à la performan-
ce collective pour améliorer notre
économie globale.
Une enquête de la CGPME réa-
lisée en 2006 montre que les
chefs d’entreprises qui sont à la
tête de PME gagnent en moyenne
4 000 euros par mois. Il y a donc
bien un écart entre la perception
qu’ont les Français du niveau de
richesse des entrepreneurs et la
réalité. Par ailleurs, le rôle et la pla-
ce qu’a l’entreprise dans l’écono-
mie sont par trop méconnus. Cela
est dû, en particulier, à l’éducation
puisque l’économie est loin d’être
la première matière enseignée.
Il est vrai aussi que tout est fait
pour qu’on ne puisse pas faire
le lien entre entreprises et créa-
tion d’emplois marchands. L’em-
ploi marchand se réduit alors que
la population augmente. Il stagne
toujours autour de 15 à 16 mil-
lions d’emplois.Dans la réalité,rien
n’est fait pour réellement mobiliser
la création d’emplois marchands.
Je constate sur ce sujet chez les
politiques, quels qu’ils soient, une
grande pusillanimité.
Pour toutes les réformes, on privi-
légie l’affichage : réforme des régi-
mes spéciaux,service minimum ;le
gouvernement gère l’affichage,s’at-
taque aux tabous, mais n’explique
pas comment il a réformé et à quel
coût.La préoccupation centrale est
d’éviter le conflit social et le prix
de la réforme passe derrière.
Cela me préoccupe beaucoup car,
sur le fond,un pays qui va de l’avant
et se réforme en profondeur doit le
faire sur la base d’un consensus sur
les réformes à réaliser. En France, le
secteur public n’est pas prêt à bou-
ger et c’est le prétexte pour aban-
donner toutes les réformes. Dans la
réalité du monde d’aujourd’hui,cet
immobilisme du secteur public est
inquiétant. Nous qui sommes, à la
CFE-CGC, une organisation syn-
dicale avec une assise privée, nous
avons beaucoup de mal à nous faire
entendre des politiques, plus habi-
tués à dialoguer avec des syndicats
du secteur public. Surtout quand
nous essayons de leur parler du
monde réel !
❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de
l’administration, du secteur public
et de l’État en général vous sem-
ble-t-il plus important en France
que dans les autres pays ?
B. V. C. : Là aussi, gardons-nous
des réponses toutes faites et des
En France, le secteur public n’est pas prêt
à bouger et c’est le prétexte pour abandonner
toutes les réformes.
Bernard Van Craeynest
Président de la CFE-CGC
Bernard Van Craeynest
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Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
clichés. On peut toutefois consta-
ter qu’à l’issue de la première
commission Attali, la proposi-
tion de faire une réforme admi-
nistrative de la France a été tout
de suite écartée. Nous avons per-
du un temps infini dans des lois
de décentralisation qui n’ont pas
simplifié mais multiplié les stra-
tes administratives. Avec, en plus,
300 000 nouveaux fonctionnai-
res territoriaux et pas de réelle
réduction d’effectifs dans la fonc-
tion publique centrale. Résultat :
la France est sur-administrée et
les charges des particuliers com-
me des entreprises augmentent.
J’ai le sentiment que les dépenses
publiques sont mal réparties. Nous
avons un problème de rationalité
et d’adaptation et de lois qui se
surajoutent alors que d’autres exis-
tent déjà en étant méconnues ou
pas appliquées. Il ne suffit pas de
dire qu’il faut moins d’État mais
être capable d’inventer une nou-
velle gouvernance. Le manque de
consensus sur nos politiques publi-
ques vient aussi du fait que nous
sommes à l’heure du lobbying et,
qu’aujourd’hui, face à tout projet
de réforme, il y a des associations
de défense, des groupes de pres-
sion… La difficulté que nous ren-
controns aujourd’hui est de déga-
ger le sens de l’intérêt général face
aux groupes de pression, notam-
ment issus du public, qui peuvent
arriver à bloquer tout le système.
Il ne faut pas focaliser sur les syn-
dicats mais sur l’opposition entre
sens de l’intérêt général et défense
des intérêts particuliers qui vivent
de la notion d’intérêt général.
❙ Fondation iFRAP : Que pen-
sez-vous que les organismes de
la société civile, les think tanks,
tels la Fondation iFRAP, appor-
tent au débat public ?
B. V. C. : Il y a un vrai problème de
reconnaissancedurôledesthinktanks
dans notre pays.Dans les pays anglo-
saxons,ces groupes de réflexion sont
reconnus et clairement identifiés et
ils apportent beaucoup à la réflexion
globale.La France a une culture asso-
ciative forte, mais pas encore une
culture de fondations qui partici-
pent au débat démocratique. Mais
cela commence à venir, même s’il y
a encore de gros progrès à faire.C’est
un travail de longue haleine.
❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous
inquiet ou confiant pour l’avenir
économique de la France (finan-
ces publiques, emploi, compétiti-
vité des entreprises…) ?
Frédéric Bedin : Je suis confiant
car un entrepreneur est forcé-
ment optimiste ! La France est un
pays avec des atouts intrinsèques
liés à sa qualité de vie, ses valeurs
et sa culture historique. La mar-
que France a un potentiel de déve-
loppement important. Mais le pro-
blème est que trop de gens croient
que cela suffit d’avoir du potentiel.
On ne peut s’exonérer de faire des
efforts de gestion et de benchmark
avec les pays voisins. L’état de nos
finances publiques ne m’inquiète
pas dans la mesure où toute l’Eu-
rope est dans une situation délicate
en matière de finances publiques
à cause de la crise. Ce qui m’in-
quiète, c’est un problème de men-
talité hors crise. Dans les périodes
où on pourrait réformer, on ne le
fait pas. L’âge de la retraite plus tôt
que les autres ? Les charges sociales
plus élevées que les autres ? Tout
le monde trouve cela normal ! Cela
ne peut pas continuer.
❙ Fondation iFRAP : Le rôle des
entreprises dans notre pays
vous semble-t-il perçu à sa jus-
te valeur par l’opinion publique
française ?
F. B. : Même si les Français restent
attachés aux politiques publiques,
Frédéric Bedin
Président de CroissancePlus, fondateur et directeur général de Public Système,
un des principaux acteurs indépendants du conseil en communication en France
Les Français sont en train de s’apercevoir
que l’État ne peut pas tout.
Frédéric Bedin
18
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
ils sont en train de s’apercevoir
que, selon la fameuse formule de
Lionel Jospin, l’État ne peut pas
tout. Ils commencent à compren-
dre que l’on peut devenir entre-
preneur de sa vie et réussir. La
question qui se pose maintenant
est « Quelles formes d’entreprises
pour demain ? » Des groupes de
PME plutôt que des grands grou-
pes ? L’auto-entrepreneur va-t-il
devenir un modèle plus standar-
disé de relation de travail ? Pour
l’avenir, il faudra la création d’un
grand écosystème entrepreneurial
français. Et ce, avec une multipli-
cation d’entreprises responsables
plutôt qu’un gros État qui déci-
de de tout.
❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de
l’administration du secteur public
et de l’État en général vous sem-
ble-t-il plus important en France
que dans les autres pays ?
F. B. : Il sera toujours important
d’avoir un État fort sur ses mis-
sions régaliennes : police, justice,
défense. Et d’avoir un État prêt
à prendre le relais quand le mar-
ché n’est plus efficace (cf. les ban-
ques pendant la crise). Mais nous
devons collectivement changer
un peu notre façon de voir pour
comprendre que beaucoup de
secteurs peuvent être gérés par
le secteur privé ou dans le cadre
d’une concurrence qui permette à
l’État de s’améliorer. L’économie
de la santé est un bon exemple de
secteur dans lequel il peut y avoir
une équation public-privé. On
Philippe Marini
Rapporteur général du Budget à la commission des Finances du Sénat, sénateur de l’Oise
La compétitivité de notre pays
souffre de handicaps tels que la propension
à dépenser l’argent public.
❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous
inquiet ou confiant pour l’avenir
économique de la France (finan-
ces publiques, emploi, compétiti-
vité des entreprises…) ?
Philippe Marini : La France est
un grand pays qui a retrou-
vé toute sa place en Europe
depuis sa présidence remarquée
de l’Union européenne en 2008.
Ma confiance en son avenir est
grande. Face à la crise, elle a plu-
tôt mieux résisté que ses princi-
paux partenaires, le recul d’envi-
ron 2 % de son produit intérieur
brut étant deux fois inférieur à la
moyenne des récessions consta-
tées dans l’Union européenne. La
réactivité dont elle a fait preu-
ve à l’épicentre de la crise pour
éviter la thrombose de son sys-
tème financier a été remarqua-
ble. Certes, la compétitivité de
notre pays souffre de handicaps,
plus ou moins anciens tels que
la propension à dépenser l’argent
public ou la durée légale du tra-
vail, mais les réformes structu-
relles aujourd’hui à l’œuvre doi-
vent être poursuivies.
❙ Fondation iFRAP : Le rôle des
entreprises dans notre pays
vous semble-t-il perçu à sa jus-
te valeur par l’opinion publique
française ?
P.  M. : On a coutume de souli-
gner l’insuffisance de la culture
économique en France et il est
vrai que l’enseignement de l’éco-
nomie pourrait davantage insister
sur les mécanismes de création de
richesse et le rôle des entrepri-
ses. Ceci dit, les enquêtes d’opi-
nion montrent que les Français,
notamment les jeunes, ont une
bonne image des entreprises et en
particulier des petites et moyen-
nes. La création du statut d’auto-
entrepreneur a permis non seu-
lement d’enrayer la baisse du
nombre de créations d’entrepri-
ses constatée en 2008, mais aussi
d’accroître ce nombre de plus de
50 %. Ceci montre qu’en simpli-
fiant les règles, on libère les ini-
tiatives. En tout état de cause, les
pouvoirs publics ont conscience
du rôle des entreprises : c’est sur
elles qu’ils ont misé pour favo-
riser la sortie de la crise, que ce
soit à travers les mesures fiscales
du plan de relance de l’économie,
19
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
RichardDugovic
Philippe Marini
la suppression de la taxe profes-
sionnelle ou le renforcement des
moyens d’Oséo.
❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir
de l’administration du secteur
public et de l’État en général
vous semble-t-il plus important
en France que dans les autres
pays ?
P. M. : Par rapport à d’autre pays,
la France se caractérise par un
niveau élevé de dépenses publi-
ques et, par conséquent, par
une part importante des prélè-
vements obligatoires dans le pro-
duit intérieur brut. Ceci illustre
l’attachement de nos conci-
toyens et de nos dirigeants au
modèle de l’État-providence et à
l’intervention publique. La pro-
lifération des normes, créatrices
de dépenses publiques notam-
ment dans les collectivités terri-
toriales, témoigne de la capacité
des administrations à poursuivre
des objectifs propres sans que le
politique soit en mesure de les
freiner. Des tentatives pour y
remédier se font jour. Les assem-
blées parlementaires sont saisies
de textes dits de « simplification
du droit ». La loi du 17 février
2009 pour l’accélération des
programmes de construction et
d’investissement publics et pri-
vés a assoupli le droit de l’urba-
nisme. Surtout, le processus de
révision générale des politiques
publiques contribue à l’émer-
gence d’un État plus efficace et
moins coûteux.
Cela étant, nous avons besoin
d’un État puissant, qui fixe les
règles et s’assure de leur res-
pect, qui inspire confiance aux
marchés financiers et qui exer-
ce de l’influence au niveau
international.
❙ Fondation iFRAP : Que pen-
sez-vous que les organismes de
la société civile, les think tanks
tels la Fondation iFRAP, appor-
tent au débat public ?
P. M. : Le débat public ne peut se
limiter à un « ping-pong » verbal
entre partis politiques ou à des
argumentaires techniques pro-
duits par les administrations. La
prise de décision n’est éclairée
que si elle s’appuie sur le plura-
lisme des points de vue. L’exis-
tence de fondations contribue à
permettre l’expression organisée
des familles de pensée.
sent que cette logique va émer-
ger en France, notamment dans les
transports. Dans l’éducation, c’est
déjà le cas avec la formation supé-
rieure, mais je ne parierais pas sur
le fait que les universités ne vont
pas rattraper en qualité l’enseigne-
ment des grandes écoles privées.
La Sorbonne, par exemple, est une
très belle marque qui a de grandes
heures devant elle.
❙ Fondation iFRAP : Que pen-
sez-vous que les organismes de
la société civile, les think tanks
tels la Fondation iFRAP, appor-
tent au débat public ?
F.  B. : les think tanks apportent
des idées différentes de celles
véhiculées par ceux qui repré-
sentent des institutions élues ou
nommées qui ont évidemment
un devoir de réserve vis-à-vis des
idées qui pourraient bouleverser
leurs institutions. Les think tanks
n’ont pas de devoir de réserve,
ils sont libres par définition et
peuvent tout dire. Par ailleurs, je
conçois le rôle de think tank à
travers le prisme que les acteurs
de la société civile ont aussi une
dette vis-à-vis de leur pays pour
l’éducation et la culture qu’ils
ont reçues. Nous avons la res-
ponsabilité de transmettre intacts
nos savoir-faire, notre poten-
tiel de croissance et de riches-
se aux générations futures. Les
think tanks sont là pour garan-
tir que cette transmission se fas-
se dans les meilleures conditions
possibles.
20
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous
inquiet ou confiant pour l’avenir
économique de la France (finan-
ces publiques, emploi, compétiti-
vité des entreprises…) ?
Christian Schubert : Oui, je suis
inquiet pour les finances publi-
ques. La France n’a pas un bon
bilan en termes de réduction des
déficits. Quand les taux d’inté-
rêt augmenteront, la charge de la
dette va devenir très importan-
te. La France dépense déjà beau-
coup plus pour les coûts de la
dette que pour la défense, par
exemple. Le problème est qu’il
faut prendre des décisions dou-
loureuses : coupures de dépen-
ses publiques, décalage de l’âge
de retraite, réduction des pres-
tations sociales.
Les franchises des consomma-
teurs pour les prestations médi-
cales et les médicaments sont
encore peu importantes compa-
rées à d’autres pays. Exemple :
beaucoup de Français ont le droit
d’aller en cure. Je ne suis pas sûr
qu’il soit toujours justifié que le
reste des assurés ou contribuables
paient pour cela.
Mais quel politicien a le cou-
rage de prendre des décisions
douloureuses ? Je suis plutôt
déçu du gouvernement Sarko-
zy. L’Élysée cale trop sa politi-
que sur les sondages. Il y a trop
de groupes de pression ou grou-
pes d’intérêts qui sont bien orga-
nisés, font grève et reçoivent ce
qu’ils demandent (par exemple
: chauffeurs de taxi, contrôleurs
aériens, professeurs…).
La compétitivité des entreprises
françaises a plutôt souffert de la
crise. L’abolition de la taxe pro-
fessionnelle va dans le bon sens
mais ne suffit pas. Elle va être
remplacée par une autre « contri-
bution ». Le solde n’est pas enco-
re connu. Les charges sociales
pour les entreprises sont enco-
re trop élevées, surtout quand
il s’agit d’emplois qualifiés. En
plus, les entreprises de moyen-
ne et petite taille doivent déve-
lopper une culture plus offensi-
ve, orientée non seulement vers
l’export mais aussi vers l’investis-
sement à l’étranger, surtout dans
les pays avec une forte croissan-
ce. La culture entrepreneuriale
doit changer.
Il est inutile que certains écono-
mistes se plaignent du modèle
allemand parce qu’il se concentre
trop sur l’export. C’est comme
si Nokia se plaignait qu’Apple
vende trop d’iPhone. Personne
n’empêche les entreprises fran-
çaises d’exporter plus.
❙ Fondation iFRAP : Le rôle des
entreprises dans notre pays
vous semble-t-il perçu à sa jus-
te valeur par l’opinion publique
française ?
C.  S. : Même après cinq ans
en France, je suis encore éton-
né de voir comme les entrepre-
neurs français sont si peu appré-
ciés par l’opinion publique. Les
séquestrations de certains mana-
gers en disent beaucoup. La plu-
part des entrepreneurs pren-
nent énormément de risques,
travaillent beaucoup et portent
beaucoup de responsabilités.
Quand ils réussissent, ils méri-
tent de gagner beaucoup d’ar-
gent. Avec la crise financière,
l’image des entrepreneurs s’est
encore détériorée en France.
Mais les banquiers responsables
de la crise n’étaient pas de vrais
entrepreneurs, ils ont plutôt agi
comme des gens qui ne craignent
pas les conséquences de leurs
décisions. C’est l’inverse d’un
entrepreneur. D’ailleurs, la crise
financière n’était pas seulement
causée par le secteur privé. Une
mauvaise politique monétaire
de la Fed, la politique immobi-
lière aux États-Unis avec Fanny
Mae et Freddy Mac comme ins-
titutions semi-publiques qui ont
subventionné les achats des mai-
sons et une mauvaise régulation
des marchés financiers étaient
également responsables.
Christian Schubert
Correspondant à Paris depuis cinq ans pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung,
un des trois plus grands quotidiens allemands et le plus diffusé à travers le monde
Il y a trop de groupes bien organisés qui font
grève et reçoivent ce qu’ils demandent.
Christian Schubert
21
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
❙ Fondation iFRAP : Cher
Mathieu Laine, on ne sait plus
comment te présenter tellement
tu as de cordes à ton arc ! Fort de
toutes ces expériences qui te pla-
cent à un carrefour d’observation
privilégié, quelle est ta vision de
l’état de la France aujourd’hui ?
Mathieu Laine : Comme l’iFRAP
nous le démontre depuis long-
temps avec précision et efficaci-
té, la France est, hélas, terrible-
ment affaiblie par un hyper-État
qui pèse sur notre économie et
pénètre de plus en plus l’inti-
mité de nos vies. En mettant à
jour La Grande Nurserie (Éd.
J.-C. Lattès, 2010, édition poche
mise à jour et augmentée), j’ai
pris la mesure de la montée en
puissance redoutablement effi-
cace de « l’État nounou ». En à
peine quatre ans, c’est étonnant
comme le maternage public s’est
infiltré, sans provoquer de réel-
le résistance, dans notre quo-
tidien. «  Ne fais pas ci, ne fais
pas ça » ; le « tout interdit » est
devenu notre devise. La sacra-
lisation du principe de précau-
tion tue sournoisement l’inno-
vation, l’esprit d’entreprise et le
goût du risque. Dans un mon-
de extrêmement compétitif, il
est urgent de prendre la mesu-
re des effets pervers du délire
de précaution et des méfaits de
l’hyper-intervention.
Le plus gros obstacle est incontestablement
le poids et le pouvoir de blocage de
l’administration.
Mathieu Laine
Auteur de La Grande nurserie, avocat, essayiste, éditorialiste, entrepreneur
et Maître de conférences à Sciences Po
❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de
l’administration du secteur public
et de l’État en général vous sem-
ble-t-il plus important en France
que dans les autres pays ?
C. S. : Le pouvoir de l’adminis-
tration, du secteur public et de
l’État en général est plus impor-
tant en France que dans beaucoup
de pays. Par exemple, l’Inspection
du travail qui contrôle si on ne tra-
vaille pas trop est assez unique.
Cela garantit un certain niveau
d’égalité ou de qualité des infras-
tructures, mais une administration
publique puissante peut chasser
aussi les acteurs clés d’une écono-
mie et les investisseurs, par exem-
ple comme avec l’ISF.
❙ Fondation iFRAP : Que pen-
sez-vous que les organismes de
la société civile, les think tanks
tels la Fondation iFRAP, appor-
tent au débat public ?
C. S. : Je trouve que la Fonda-
tion iFRAP ou l’Institut Montai-
gne font un bon travail. Mais il
faut avoir des think tanks enco-
re plus puissants. Aujourd’hui,
ils ne sont pas assez écoutés.
Peut-être les entreprises doi-
vent-elles aussi prendre un rôle
plus important.
Mathieu Laine
22
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
e n t r etie n s
❙ Fondation iFRAP : Dans ton
livre Post politique, tu évoques
le pouvoir très réduit de nos res-
ponsables politiques. Pourtant, ils
pourraient, s’ils le souhaitaient,
impulser encore plus de réfor-
mes essentielles. Qui (ou qu’est-
ce qui) les freine, selon toi ?
M.  L. : Trop de politiques sont
enfermés dans le «  court-ter-
misme  », l’excès de pragmatis-
me, le relativisme (toutes les
idées se valent) et le victimis-
me. Ils manquent cruellement
de vision, pour ne pas dire de
convictions, et pensent, à tort,
que c’est ce que les électeurs
attendent d’eux. Ils oublient que
si l’on vote pour eux, c’est pour
qu’ils agissent, avec pédagogie
et détermination, pour libérer
le pays de ses pesanteurs. Je ne
leur demande pas, bien entendu,
de s’enfermer dans une vision
purement doctrinale, mais il ne
faut pas pour autant se dépar-
tir des valeurs et des promesses
de rupture par excès de « réalis-
me » ou calcul politicien. Qu’ils
assument également qu’ils ont
de moins en moins le pouvoir de
nous sauver. Redonner le pou-
voir à chacun d’entre nous et
redéfinir l’interventionnisme du
nouveau monde : voilà un beau
programme. Hélas, trop de poli-
tiques souffrent d’inculture éco-
nomique et sont persuadés que
la France n’est pas réformable. Ils
se trompent et nous allons leur
prouver.
❙ Fondation iFRAP : En quoi
penses-tu que les think tanks
indépendants comme la Fonda-
tion iFRAP ou d’autres peuvent
contribuer à changer la donne
et impulser les réformes essen-
tielles pour que la France rede-
vienne compétitive ?
M. L. : La bataille des idées est
un préalable indispensable aux
succès politiques et aux réformes
audacieuses. Les think tanks et
les fondations comme la Fonda-
tion iFRAP ont un rôle crucial à
jouer. Votre travail et votre mon-
tée en puissance, que je salue et
que j’admire, me rendent pro-
fondément optimiste.
❙ Fondation iFRAP : Quelles
sont, pour toi, les réformes les
plus urgentes à mener en Fran-
ce ? À quelle échéance ?
M.  L. : Vaste programme ! La
refonte totale du droit du tra-
vail, en parallèle d’une réforme
du statut de la fonction publi-
que, sur laquelle je rejoins les
propositions de la Fondation
iFRAP, serait un signal très fort
d’une France qui a compris les
vertus, pour tous, de la souplesse
et d’une confiance accrue entre
employeurs et employés. Sans
oublier, dans le même temps,
une authentique révolution fis-
cale. Tout cela, porté avec péda-
gogie et en tenant compte des
bouleversements provoqués par
la crise que nous traversons et
des exigences très fortes de com-
pétitivité qu’impose, pour notre
bien, la mondialisation.
❙ Fondation iFRAP : Quels sont,
selon toi, les plus gros obsta-
cles au changement dans notre
pays ?
M. L. : Le plus gros obstacle est
incontestablement le poids et
le pouvoir de blocage de l’ad-
ministration. Le conservatisme
de droite et de gauche sur un
trop grand nombre de sujets ne
nous aide pas non plus. Quant
à la quasi-cogestion du pays
avec la CGT, elle n’a rien de
rassurant…
❙ Fondation iFRAP : Au-delà
du constat assez négatif que
l’on peut faire sur la France
aujourd’hui, quel «  moteur  »
te conserve toujours aussi
optimiste ?
M. L. : Je suis profondément et
structurellement optimiste ! Sans
doute parce que je crois infini-
ment en l’homme. La capaci-
té des individus à avancer vers
le progrès est considérable. En
réalité, si l’on regarde l’Histoire,
nous avons déjà eu bon nombre
de victoires. Avec la Fondation
iFRAP et tous nos amis et alliés,
travaillons ensemble au triom-
phe de nos belles idées ! Elles
sont enracinées dans le bon sens
et porteuses de tant de réussites.
À terme, nous ne pouvons pas ne
pas gagner.
❙ Fondation iFRAP : Quel serait
le message que tu voudrais
délivrer à tous ceux qui se sou-
cient de la création de riches-
ses et du contrôle de la dépen-
se publique ?
M. L. : Le message que je veux
leur passer est clair : il y a beau-
coup à faire et, même si tout ne
semble pas toujours aller dans
la bonne direction, il faut rester
convaincus de nos idées et tou-
jours plus les défendre. Je vois
émerger une nouvelle génération
de talents qui, formée par nos
maîtres, doit redonner de l’es-
poir à ceux qui s’essoufflent. Il
faut soutenir plus que jamais les
initiatives efficaces et les éner-
gies porteuses de liberté ! La
Fondation iFRAP est très clai-
rement au premier poste de ce
mouvement qui, j’en suis cer-
tain, finira par s’imposer.
L’édition poche actualisée et augmentée
de cet essai prémonitoire.
Souvenez-vous: il fut un temps où l’on pouvait fumer
une cigarette dans un bar en buvant un café crème; où
l’on pouvait rouler à 51 km/h en ville sans subir aussitôt
la foudre d’un radar; un temps où Tintin au Congo n’était
pas mis à l’isolement; où personne n’aurait osé effacer la
pipe de M. Hulot sur l’affiche du célèbre film de Jacques
Tati; où aucune loi n’imposait un CV anonyme aux entre-
prises; où aucun plan de vidéosurveillance ne prévoyait,
comme aujourd’hui, de tripler le nombre de caméras
en deux ans; où aucune mise en garde à l’intention des
femmes enceintes ne figurait sur les bouteilles de vin…
C’était hier. L’esprit de précaution et le vent de l’in-
fantilisation n’ont, depuis, cessé de souffler.
L’État nounou, qui nous borde et nous observe, est
tout-puissant, doux et attentif à combler les aléas de la
vie. En nous prenant pour des enfants, il construit chaque
jour davantage la «Grande Nurserie» dont nous ne
pourrons bientôt plus nous échapper. À moins de refaire,
d’urgence, le pari de la responsabilité. Le destin de notre
société est en jeu.
Mathieu Laine dirige Altermind, une société de produc-
teurs d’idées pour les grandes entreprises. Avec cet essai,
paru en 2006, suivi de Post-politique (2009), il est devenu
l’un des analystes les plus pertinents de la société contem-
poraine.
10.02.45.4578.6
Atelier Didier Thimonier
-:HSMHKJ=[XYZ^Z:
ISBN: 978-2-7096-3459-5
Mathieu Laine
En finir
avec l’État
nounou


MathieuLaine
La grande nurserie est parue
chez JC Lattès en février 2006.
23
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
n u m é r o 1 0 0
Réforme de l’économie
de la santé
Les Français consacrent 11 % de
leur PIB à la santé. Un budget plus
élevé que dans les autres pays euro-
péens, qui augmente vite et dont
le financement n’est pas assuré.
Les déficits de l’assurance-maladie
et les inégalités s’accumulent, les
réformes sont inefficaces,les profes-
sionnels de la santé sont désempa-
rés, la qualité diminue alors qu’elle
s’améliore considérablement dans
certains pays voisins. Améliorer la
qualité et l’égalité d’accès aux soins
tout en optimisant les dépenses ne
peut se faire que grâce à une plus
grande responsabilisation de tous
les acteurs du système de santé,
l’hospitalisation, la médecine de
ville et les patients.
L’hospitalisation représente dans
son ensemble 50  % des dépen-
ses de santé, soit plus de 60 mil-
liards d’euros ; 50 sont consommés
par l’hôpital public et 10 environ
par l’hospitalisation privée. Pour-
tant, les cliniques font aujourd’hui
50 % des actes hospitaliers pour
des tarifs allant de 30 à 40  %
moins cher. En Suède, en Allema-
gne, les chaînes de cliniques ou les
cliniques sont amenées à partici-
per sur appel d’offres à la réfor-
me des hôpitaux publics et même
des CHU. Il serait désastreux pour
les malades, pour les personnels
de santé et pour les comptes de la
Sécurité sociale de vouloir réduire
le nombre de patients soignés dans
les cliniques dans l’espoir de rem-
plir les hôpitaux qui se vident de
leurs patients.Il vaut mieux fermer
les hôpitaux dangereux et confor-
ter les cliniques plébiscitées par les
patients plutôt que l’inverse.
➜ Société Civile n° 48, juin 2005
Hôpitaux : nos propositions
Expérimentation d’une délégation
de gestion d’hôpitaux publics, soit
à une chaîne d’hôpitaux mutualis-
tes soit à une chaîne de cliniques,
comme cela se fait en ce moment
au Royaume-Uni et en Allema-
gne et s’est fait à Stockholm dès
2000. La mission des gestionnai-
res, soumis à une charte de déon-
tologie stricte, serait de restruc-
turer l’offre de soins publics avec
des plateaux techniques perfor-
mants et de reconvertir les hôpi-
taux qui n’opèrent plus et sont
devenus dangereux comme cela
s’est fait depuis 1999 dans les cli-
niques privées dont 300 ont été
fermées.
Réalisation en 2012 de la conver-
gence des tarifs entre hôpitaux
publics ainsi qu’entre hôpitaux
publics et cliniques, sans finan-
cement des déficits par des sub-
ventions arbitraires à des missions
d’intérêt général.
La médecine de ville, cloisonnée
entre secteurs 1 et 2, est en but-
te aux ukases tarifaires et aux
contrôles tatillons de l’assuran-
ce-maladie obligatoire. En impo-
sant sa ligne unique, ce mono-
pole interdit le développement
d’autres pratiques de la méde-
cine. Les mutuelles et assuran-
ces complémentaires tentent
de développer des alternatives,
organisant la prévention et des
filières de soins, fournissant des
conseils et des suivis personna-
lisés et encourageant des prati-
Les campagnes et enquêtes
de Société Civile
En 1999, le numéro 1 de Société Civile sortait avec, à la une, un dossier intitulé
« La vraie solution au chômage : créer des entreprises pour créer de vrais emplois ».
Cette bataille, qui est celle de l’iFRAP depuis l’origine, trouvait sa place aux côtés de nouvelles
enquêtes permettant à notre équipe de traiter des domaines de politiques publiques de plus
en plus nombreux. Santé et Assurance-maladie, financement des syndicats, réforme de l’ENA
et des grands corps, contrôle fiscal, services publics, universités, machins administratifs…
Dossiers, articles et interviews ont ainsi été publiés dans les 100 derniers numéros qui, relayés
par les médias, ont contribué à asseoir l’expertise et la notoriété de l’iFRAP. Voici, parmi d’autres,
les campagnes et enquêtes les plus importantes de Société Civile ces dix dernières années.
24
Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010
n u m é r o 1 0 0
ques médicales originales. Mais
elles ne peuvent avoir délégation
de gestion de l’assurance-mala-
die obligatoire et donc restent des
assureurs aveugles.
➜ Société Civile n° 44, février 2005
Assurance-maladie :
nos propositions
Expérimentation d’une assurance-
maladie au premier euro auprès
d’assureurs publics, mutualistes
ou privés, comme aux Pays-Bas
et en Allemagne. Une variété de
contrats y est proposée aux assu-
rés et aux professions médicales,
avec des garanties précises de non-
sélection des assurés et de com-
pensation entre assureurs. Cette
méthode a permis à l’assurance-
maladie de revenir à l’équilibre
tout en responsabilisant et satisfai-
sant les malades et les médecins.
Sur ce sujet, nous avons organi-
sé un colloque intitulé « Hôpital
public : quel avenir ? », en octo-
bre 2005 autour de Paul-Henri
Cugnenc et de Bernard Debré, et
réuni des experts du monde de
l’hospitalisation.
Issus du secteur public et pri-
vé, ces experts ont témoigné des
réformes nécessaires pour pré-
parer l’hôpital public à son ave-
nir. Avec les interventions du Pr.
Philippe Even, ancien doyen de
la faculté Necker-Enfants mala-
des, de Marie-Claude Morice,
cardiologue à l’Institut Jacques
Cartier, de Jean-Marie Fessler,
directeur des établissements de
la MGEN, de Michelle Bressand,
infirmière générale à l’Assistance
publique, du Pr. Jean-Pierre Fou-
cher, de Gérard de Pouvourville,
économiste à l’Inserm, d’Alain
Coulomb, directeur de la Haute
autorité de santé.
Par ailleurs, deux tribunes majeu-
res ont également été publiées
dans la presse par l’iFRAP :
❙ 07/10/2005 : « Assurance-mala-
die : des rustines sur un système
en faillite », tribune de Philippe
François et Agnès Verdier-Moli-
nié, Les Échos ;
❙ 29/09/2008 : « Le juste prix de
la santé », tribune d’Agnès Ver-
dier-Molinié et Philippe François,
La Tribune.
➜ Société Civile n° 17, 30, 44, 48, 54, 73 –
2002, 2003, 2005, 2006, 2007
Financement
des syndicats
Printemps 2008, le scandale de
l’UIMM éclate et remet sur le
devant de la scène la question
de la transparence du finance-
ment des syndicats. Une situa-
tion pourtant dénoncée dès 2003
par l’iFRAP dans « La dictature
des syndicats ». Très vite, s’impo-
se la nécessité d’obliger les syn-
dicats à tenir, certifier et publier
leurs comptes. Une mesure qui
serait aussi l’occasion de s’inter-
roger sur le rôle de nos syndicats,
comparés à ceux des autres pays
européens.
Cette obligation implique que les
confédérations syndicales et les
syndicats tiennent une comptabi-
lité conforme au plan comptable
général, indiquant notamment
l’origine des fonds, avec une dis-
tinction entre les cotisations des
salariés, les dons, les financements
d’entreprises et les financements
d’origine publique. En raison de
l’importance de la mise à dispo-
sition de personnels, faite tant
par l’État que par d’autres opé-
rateurs, il est nécessaire qu’une
annexe des comptes détaille l’ef-
fectif des collaborateurs mis à la
disposition du syndicat par des
organismes extérieurs ainsi que
l’origine et le coût budgétaire
complet par catégorie d’origine
de ceux-ci pour l’exercice.
En 2008, à l’occasion du dépôt
d’une proposition de loi pour
la publication des comptes des
syndicats, Agnès Verdier-Moli-
nié et Philippe Cochet, député
UMP du Rhône, signaient dans
Le Figaro une tribune intitulée
« Représentativité et finance-
ment des syndicats : attention à
la politisation ! ».
Après plusieurs années d’enquê-
tes dans Société Civile, le vote de
la loi portant rénovation de la
démocratie sociale en août 2008
a reconnu cette nécessité et intro-
duit que : « Les syndicats profes-
sionnels (…) sont tenus d’établir
Numéro 100 : La France en perspective
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  • 1. www.ifrap.org l e m e n s u e l d e l ' i F R A P S O C I é T é C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 92 Juin2009-8e DOMcomment sortir de la suradministration et de l'assistanat L’iFRAP EN ACTION Un pas de plus vers le contrôle de la dépense publique 9 RéFORmE BAChELOT Viser la convergence des tarifs public-privé 23 www.ifrap.org CULTURE L'État, super soliste de l'Opéra 22 NOTRE ENQUÊTE Cabinets ministériels : où est passée la parité privé/public ? 8 www.ifrap.org L E M E N S U E L D E L ' i F R A P S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r ANGLETERRE VSFRANCE LE MATCH DES ENTREPRISES LE MATCH DES ENTREPRISES DOSSIER PP. 15 À 19 DÉCRYPTAGES Intérêt général et mécénat : vers une nouvelle révolution ? 22 ANALYSE Lutte contre les paradis fiscaux et attractivité du territoire : le dilemme 3 www.ifrap.org L E M E N S U E L D E L ' i F R A P S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 89 Mars2009-8€ ISF-TEPA Enquête et résultats Deux cents jours dans un ministère23 L'administration confirme les 7 millions d'emplois publics 14 www.ifrap.org L E M E N S U E L D E L ' i F R A P S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r EXONÉRATIONS SOCIALES LA BONNE À TOUT FAIRE DE LA RÉPUBLIQUE DOSSIER PP. 15 À 22 www.ifrap.org POLITIQUE IMMOBILIÈRE Rapport Bricq : l’État est-il un bon locataire ? 23 DÉCRYPTAGE Industrie : quel rôle pour l’État ? 7 L E M E N S U E L D E L ' i F R A P S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 95 Octobre2009-8€ UNIVERSITÉ OSONS LA RÉFORME 100100 le mensuel de la fondation iFRAP S O C I É T É C I V I L EE n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r Mars2010-8 € La France en perspective Numéro
  • 2. S o m m a i r e   ❚  N° XX - Mois ANNÉES o m m a i r e   ❚  N° 100 - Mars 2010 T ous ceux qui ont fait un peu d’économie connais- sent la théorie du « public choice », qui montre que le poids des dépenses publiques dans une démocratie ne peut qu’augmen- ter sauf s’il est créé un contre- poids qui n’existe pas naturel- lement. Il est en effet facile aux profiteurs de l’État d’aller cher- cher dans la poche de chaque citoyen quelques centimes, au nom de la défense de leurs inté- rêts, de la sécurité, de la santé, de la charité, que sais-je, même si le prétexte est totalement faux et les chances de réussite nulles. Aucun citoyen ne pourra se justifier à lui-même de pas- ser des dizaines d’heures à prou- ver cette erreur, juste pour éco- nomiser quelques centimes. Ce qu’on peut appeler le virus du marché politique est l’asymétrie entre les intérêts de quelques- uns, qui peuvent ainsi se répar- tir des millions, et le citoyen qui ne perd que quelques sous à cha- que « générosité ». C’est le génie des Anglo-Saxons d’avoir inventé, probablement sans le savoir, l’antidote de ce virus  ; il consiste à rétablir la symétrie en demandant à un très grand nombre de petits dona- teurs quelques centimes ou quel- ques francs qui, rassemblés, don- nent les millions qui permettent à des organisations de mener les enquêtes qui font disparaître les faux prétextes qu’usent les profi- teurs de l’État. Ces organisations sont les think tanks. Le modèle du think tank Un exemple fréquemment cité est celui de la campagne menée début 1981 par une coalition regroupant le New York Times, Ted Kennedy (qui vient de décé- der en 2009) et des hauts fonc- tionnaires pour dénoncer une C’est un voyage à Washington, en 1983, qui a fait découvrir à un jeune Français, fraîchement débarqué outre-Atlantique, l’existence d’une planète inconnue en France, celle des think tanks et lui a donné le début de l’explication. Pourquoi l’Hexagone était-il devenu aussi bureaucratique ? Pourquoi son taux de croissance était-il moitié du taux américain ? Pourquoi les charges étatiques étaient-elles 10 points de PIB plus élevées ? Et pourquoi les entreprenants fuyaient-ils ce qui fut une grande nation ? Pourquoi l’iFRAP ?le m ot d u p r ési d e n t Pourquoi l'iFRAP ? l a f o n d a tio n i FRAP Des études économiques que l’on ne trouve nulle part ailleurs Q u a t r e b a t a illes d écisives p o u r l ’ a ve n i r ◼ Créer des entreprises pour créer de vrais emplois ◼ Pour un vrai contrôle de la dépense publique ◼ Fonction publique : l’heure de la réforme a-t-elle sonné ? ◼ Retraites : ouvrir la voie à une réforme de fond de notre système e n t r etie n s L es c a m pa g n es et e n q u ê tes d e S ociété C ivile L es r a iso n s d e l ’ o p ti m is m e 4 2 5 13 30 23 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 Les décideurs donnent leur point de vue sur les grands thèmes de la Fondation iFRAP ◼ Xavier Bertrand Secrétaire général de l’UMP ◼ François Hollande Ancien secrétaire général du PS ◼ Bernard Van Craeynest Président de la CFE-CGC ◼ Frédéric Bedin Président de CroissancePlus ◼ Philippe Marini Rapporteur général de la commission des Finances du Sénat ◼ Christian Schubert Correspondant à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung ◼ Mathieu Laine Entrepreneur, économiste et essayiste Directeur de la publication : Bernard Zimmern. Directrice de la rédaction : Sandrine Gorreri. Rédactrice en chef : Agnès Verdier-Molinié (institutions, santé, syndicats). Équipe de rédaction : Christian Arnault, Philippe François (retraites, santé), Bertrand Nouel (droit, économie), Samuel Servière (fiscalité). Responsable du service abonnements : Monique Olivet. Conception éditoriale et graphique, secrétariat de rédaction : Tema|presse (03 87 69 18 01). Mise en page, correction-révision  : Pixel Image. Impression : Groupe Socosprint Imprimeurs/88000 Epinal, certifié PEFC CTP/1-013. Ce produit est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées. Dépôt légal : Février 2010. ISSN : 1299-6734. CPPAP : en cours. est une publication de la Fondation iFRAP – Fondation reconnue d'utilité publique. Mensuel. Prix au numéro : 8 e. Abonnement annuel : 65 e. 5 rue Cadet, 75009 Paris. Tél. 01 42 33 29 15. Fax 01 40 26 47 19. www.fondation-ifrap.org S O C I É T É C I V I L E­­­
  • 3. 3 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 le m ot d u p r ési d e n t tare américaine – le taux d’illet- trisme dépassant les 10  %  – et proposer un grand programme de lutte contre ce fléau, géré par ces hauts fonctionnaires, et finan- cé par les deniers de l’État, c’est- à-dire du contribuable. Jusqu’à ce qu’un petit think tank fasse sa contre-enquête et montre que plus de 90 % des illettrés étaient des immigrés ou parents d’im- migrés hispaniques, ayant dépas- sé la soixantaine, qui n’avaient aucune envie d’apprendre l’an- glais  ; tous les programmes du monde n’y changeraient rien. Fin de l’histoire. Depuis que l’iFRAP a été créé en 1985 sur le modèle des think tanks américains, nous pouvons témoigner que le budget de l’État français est encombré de milliers de ces machins. Sachant que les Japonais font marcher toutes leurs administrations avec moins de 7 % de leur population active et les Anglo-Saxons avec moins de 15 %, on mesure quel est leur poids en France où l’ensemble des administrations pèse 20 %. Une efficacité prouvée Certes, les défenseurs d’un État surabondant feront valoir que l’État délivre des services. Mais il ne faut pas être un grand éco- nomiste pour savoir que la pro- ductivité de travailleurs que ne pousse aucune concurrence n’a rien à voir avec celle qui est exi- gée du secteur privé pour sur- vivre. C’est une vérité admise, même dans les cercles les plus étatistes, qu’il faut un minimum d’État pour une nation mais un minimum et les chiffres pré- cédents montrent que nous en sommes loin. C’est d’ailleurs très peu de temps après la création de la FRAP en 1985 –  devenue par la suite l’iFRAP – que nous nous livrions à une analyse à l’époque révolu- tionnaire consistant à comparer le nombre de fonctionnaires aux USA, au Japon et en France et ce, en particulier dans certains ser- vices comme l’éducation. Et ce n’est pourtant que 22  ans plus tard que s’est imposé le principe de ne remplacer qu’un fonction- naire sur deux partant en retrai- te. Et encore, ceux qui suivent nos travaux savent qu’en réalité, avec les embauches dans les ser- vices extérieurs et les collectivi- tés locales, le flot est loin d’être enrayé. Si un tel écart, une telle gabegie est possible en France, c’est parce qu’il n’existait aucun vrai think tank en 1985. Un vrai think tank est une organisation qui tire ses fonds du secteur privé, en fonc- tion notamment de ses succès à contenir ou faire reculer la prodi- galité publique. Et la raison pour laquelle il n’en existait aucun, et encore très peu aujourd’hui en dehors de notre Fondation, est que la bureaucratie française a pris bien soin de verrouiller les dispositions fiscales qui permet- tent aux think tanks d’exister et de venir faire concurrence aux hauts fonctionnaires dans l’éla- boration des politiques publi- ques ; c’est leur métier, donc leur monopole. Une révolution en marche ? Ce verrouillage consiste à inter- dire à ces think tanks de réunir l’argent du privé et rétablir la symétrie. Alors qu’aux USA, en Grande-Bretagne ou en Suisse, il est possible de créer des fonda- tions sans avoir à demander l'ac- cord préalable de l’État, ce n’est pas le cas en France. Résultat  : il y a moins de 600 fondations libres en France contre 1,4 mil- lion aux USA, de l’ordre de 10 fondations reconnues d’utilité publique chaque année en France contre 40 000 fondations créées aux USA, si bien que la généro- sité privée en France représen- te moins de 3 milliards d’euros contre plus de 3  000 milliards de dollars outre-Atlantique. Mais cela permet à la puissance publi- que de distribuer plus de 30 mil- liards par an aux associations, dix fois plus que ce que ces associa- tions sont capables de retirer de la générosité privée. Nous som- mes le seul pays occidental à réa- liser une telle performance. Et même si les associations se créent aussi librement en Fran- ce que les fondations dans les pays anglo-saxons, l’Adminis- tration s’est assurée que seuls pouvaient bénéficier d’avanta- ges fiscaux les donateurs d’as- sociations ne risquant pas de lui porter ombrage, celles se préoc- cupant de sports, d’éducation, de recherche et quelques autres activités « politiquement correc- tes ». Mais pas, au grand jamais, pas les think tanks. En ce sens, l’octroi après 25 ans à l’iFRAP du statut de fondation est une révolution. l Bernard Zimmern l La raison pour laquelle il n’existait aucun think thank, et encore très peu aujourd’hui en dehors de notre Fondation, est que la bureaucratie française a pris bien soin de verrouiller les dispositions fiscales qui leur permettent d’exister et de venir faire concurrence aux hauts fonctionnaires dans l’élaboration des politiques publiques ; c’est leur métier, donc leur monopole.
  • 4. 4 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 N u m é r o 1 0 0 L e premier enjeu est d’avoir laissé s’établir un véritable monopole de l’Administra- tion sur la production des chiffres économiques et sociaux qui, dans d’autres pays, guident les leaders politiques.La quasi-totalité des pays occidentaux a, pour réunir les don- nées, des INS (instituts nationaux de statistiques) car il est impossi- ble au secteur privé de mobiliser les ressources permettant, par exem- ple, de faire un recensement de la population. Mais ces INS n’ont pas d’EE, c’est-à-dire pas d’études économiques. Celles-ci sont effec- tuées par le secteur privé, à partir des données chiffrées réunies par les INS. En ouvrant à une organisation publique un budget pour faire aussi des Études économiques payées par l’État, en adoubant l’Insee, celui-ci a, de fait, éliminé le secteur privé. C’est ce dont s’était ému Raymond Barre qui, en son temps, avait tenté d’y remédier, mais sans grand suc- cès.Dans deux numéros publiés en 1996, nous montrions comment cette quasi-nationalisation de l’in- formation statistique aboutissait à une information économique extrêmement pauvre qui conduit nos leaders politiques à être sous- informés et même désinformés. Ceci vérifie un deuxième aspect fondamental oblitéré par la bureau- cratie : pourquoi depuis 1974, la France n’a-t-elle jamais cessé d’être frappée par le chômage ? Cette nationalisation de l’informa- tion statistique a en effet conduit à des diagnostics les plus fantaisistes sur l’origine de cette maladie. Si les États-Unis, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne ont été à des moments divers frappés par le chômage, ils ont eu des périodes de plein-em- ploi, avec un chômage inférieur au seuil de 5 % considéré comme le minimum atteignable. Rappelons qu’il était de 3 % vers 1970 en Fran- ce. Rappelons que les Américains ont créé plus de 50 millions d’em- plois dans le secteur privé en 30 ans, les Anglais 5 millions et nous prati- quement zéro. Dans les années 1990, le Conseil d’analyse économique,où sont cen- sés se retrouver les meilleurs éco- nomistes pour conseiller le Premier ministre, n’expliquait ces mal- heurs répétés de l’économie fran- çaise que par des « chocs ». L’un d’entre eux n’hésitant pas à affir- mer que les charges budgétaires et sociales étaient les mêmes aux USA et en France, si l’on réintégrait les charges de santé payées volontai- rement. Nous avons fait justice de cette escroquerie intellectuelle dans Les Profiteurs de l’État (Plon,2001), mais son auteur occupe encore en France des postes économiques influents. Pourtant, la simple com- paraison avec les pays qui créent massivement des emplois aurait montré que ces pays ont compris depuis longtemps que la producti- vité, qui amène des produits moins chers et plus performants dans nos supermarchés,est aussi destructrice d’emplois : il faut chaque année 4 à 5 % de salariés en moins pour pro- duire les mêmes quantités ;l’emploi ne peut donc se maintenir et, a for- tiori, se développer que s’il se crée massivement des entreprises. Nos lecteurs pourront chercher les études économiques leur appre- nant que les entreprises créées avec des salariés sont moins de 40 000 en France contre plus du double en Allemagne et en Grande-Bretagne et 600 000 aux USA. Ils pourront chercher les études où on leur révèle que l’autofinancement de l’ensem- ble des entreprises françaises est de 120 milliards contre 240 enAllema- gne car les charges en France ava- lent la différence et empêchent de ce fait le développement de notre sec- teur productif. Qui leur dira que le principal retard en emplois n’est pas dans les entreprises de taille inter- médiaire, entre 250 et 5 000 sala- riés, mais bien dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. Pourquoi créons-nous si peu de ces gazel- les qui font la richesse de l’emploi ailleurs. Pourquoi les Américains avaient inventé les SBIC, la Sub- chapter S Corporation il y a 50 ans et quels étaient les résultats,compa- rés à ceux de nos agences publiques ? Qui en dehors de l'iFRAP a étudié l'impact des incitations fiscales sur les créations de gazelles ? Au total, s’il fallait résumer 25 ans de batailles,nous pourrions dire que la terre est en vue : l’opinion publi- que a évolué, la nécessité de rédui- re la dépense publique et la fonc- tion publique a succédé à l’idée que toute dépense publique est bonne. Mais nous sommes encore loin de la terre ferme et,pour nous en rappro- cher, il nous faut faire comprendre qu’avec 18 millions d’emplois mar- chands en France, alors que nous devrions en avoir 25, il est impossi- ble de redresser notre budget et de rééquilibrer notre Sécurité sociale, faute d’une base contributive suf- fisante. Et c’est dans cette direction que la Fondation poursuivra tous ses efforts,en comptant dans le mot « tous » ceux de nos lecteurs qui nous ont si fidèlement soutenus. Le manque de think tanks en France a eu comme conséquence de soustraire du débat public deux aspects fondamentaux du succès des démocraties anglo-saxonnes, dont l’absence se fait cruellement sentir pour notre pays. Fondation iFRAP : des études économiques que l’on ne trouve nulle part ailleurs
  • 5. 5 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 L a situation de notre pays sur le front du chômage et des déficits budgétaires montre que la partie productive de notre économie, les entreprises, a atteint en matière de charges le point de rupture. Dans son rapport 2009, l’OCDE a parfaitement décrit la réalité française : «  Une priorité demeure l’augmentation du taux d’emploi qui reste un des plus fai- bles parmi les pays de l’OCDE. Ceci permettrait à la fois d’augmen- ter (temporairement) la croissance potentielle et de réduire considéra- blement les pressions sur les finan- ces publiques. » Dès lors se pose la question : en matière d’emploi, avons-nous tout tenté ? Nous avons tenté beaucoup de choses, sauf ce qui a permis à nos concurrents de réussir : créer massivement des entreprises en incitant ceux qui ont de l’argent à y investir. Nous en créons, certes, mais ce sont des entreprises avec zéro salarié, qui, à terme, sont peu créatrices d’emplois. Ce dont nous avons besoin ce sont des entrepri- ses créées autour d’un projet, avec des fonds, ce qui leur permet dès le départ d’embaucher. Or nous en créons désespérément peu et cela parce que nous manquons dramatiquement d’argent au stade de la création d’entreprise. Nous avons pu évaluer entre 1 à 2 mil- liards d’euros l’argent investi dans les créations d’entreprise en Fran- ce, 5 à 10 en Grande-Bretagne, 10 à 20 aux USA à population com- parable. Grâce à des mesures fisca- les qui encouragent des individus aisés, mais pas forcément fortunés, à investir leur argent dans les créa- tions ou le développement d’entre- prises du voisinage. Entre 500 000 et un million de Business Angels ont,depuis 1958,investi dans leurs entreprises aux USA. 90 % d’entre elles se situent hors technologie, dans la distribution,la restauration, le marketing, etc., et sont à l’ori- gine de plus de 50 millions d’em- plois créés par l’économie améri- caine en 30 ans. Car pour qu’une économie se déve- loppe, elle doit inventer continuel- lement de nouveaux produits ou de nouveaux services, pour rem- placer ceux atteints par l’obsoles- cence ou la délocalisation. Pour que cette innovation créatrice se produise, il faut que les porteurs d’idées, les entreprenants, trou- vent l’argent nécessaire des som- mes qui se situent pour 99 % des projets entre 100 000 et 2 millions d’euros. Un entreprenant peut surmonter les obstacles que crée la bureaucratie, ou supporter les charges sociales et fiscales en tra- vaillant plus, mais il ne peut sur- monter l’absence d’argent. En France, de nombreuses dispo- sitions ont été prises pour collec- ter l’épargne des particuliers et la diriger vers des entreprises (FCPI, FIP, etc.) ou aider les réseaux de Business Angels. Mais personne ne dit que l’essentiel de l’investisse- ment des créations d’entreprises - avec salariés - dans les pays ayant vaincu le chômage, provenait de « riches »,notamment de dirigeants d’entreprises qui mettaient plus de 100 000 euros dans ces créations, Quatre batailles décisives  pour l’avenir Depuis sa création, l’iFRAP a toujours travaillé à appréhender de la façon la plus complète un problème de politique publique pour ensuite imaginer une ou plusieurs solutions qui soient non seulement réalistes mais qui aient aussi des chances de s’imposer auprès de toutes les parties prenantes, opinion publique, responsables politiques, haute administration. Une démarche qui restera celle de la Fondation iFRAP et que nous voulons faire porter sur quatre campagnes décisives pour le redressement de notre pays : à l’heure où les statistiques annoncent un recul de l’emploi privé en France, il est impératif de favoriser la création d’entreprises et le financement en amorçage. De même, la situation de nos finances publiques impose de tout mettre en œuvre pour un meilleur contrôle de la dépense publique. Pour y parvenir, il faut aussi revenir sur le statut de la fonction publique et engager une vraie réforme des retraites. Sur ces sujets, nous continuerons nos enquêtes, nos interventions dans les médias et nos propositions de réforme. Créer des entreprises pour créer de vrais emplois
  • 6. 6 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 directement, sans passer par des structures intermédiaires. Depuis vingt-cinq ans, au travers de nos enquêtes et grâce à plu- sieurs colloques organisés à l’As- semblée nationale et au ministè- re des Finances, l’iFRAP a bataillé pour que l’épargne des particu- liers soit orientée vers le finance- ment de la création d’entreprises et non vers des produits de défis- calisation ou encore vers le déficit de l’État, via l’assurance-vie. Ce message, nous l’avons déve- loppé dans des colloques où des experts français et étrangers, spé- cialistes des questions de dévelop- pement d’entreprises et de finan- cement d’amorçage sont venus apporter leurs témoignages. Dès 1999, nous organisions à l’Assemblée nationale avec l’as- sociation Entreprise et Progrès un colloque intitulé « Créer des entreprises pour créer de vrais emplois », sous la présidence de Laurent Fabius, alors président de l’Assemblée nationale. Puis en 2002, nous développions ce thè- me avec la Fondation Concorde dans un colloque titré « Cinq ans pour créer des emplois », cette fois sous la présidence de Jean- Louis Debré, devenu président de l’Assemblée nationale, et de Jean- François Copé. Des chefs d’entre- prises renommés comme Denis Payre et Pierre-François Grimal- di venaient réaffirmer avec force que seule l’entreprise et l’entre- preneur sont capables de créer de vrais emplois. En 2003, nous organisions un nouvel évenement : « Mettre l’ISF au service de l’emploi » pour cet- te fois rappeler que la faiblesse des financements mobilisés pour la création d’entreprises en Fran- ce, près de six fois inférieurs à ceux réunis en Angleterre, avait pour cause l’ISF, avec les inter- ventions de Gilles Carrez, rappor- teur général du budget, de Charles de Courson et de Laurent Hénart, députés. Et en 2007, dans une manifesta- tion organisée avec Entreprise et Progrès, Croissance Plus, le Cer- cle des Jeunes Dirigeants, l’asso- ciation 100 000 entrepreneurs et Coach Invest, nous interpel- lions les représentants des can- didats à l’élection présidentielle de 2007 pour leur demander les mesures qu’ils comptaient mettre en oeuvre pour redressser l’em- ploi. Éric Besson qui représentait à l’époque Ségolène Royal, Patrick Louis qui représentait Philippe de Villiers, Pierre Méhaignerie qui représentait Nicolas Sarkozy et Hervé Morin qui représentait François Bayrou avaient accepté d’intervenir. Enfin, en 2008, c’est à Bercy que nous plaidions à nouveau cet- te cause cette fois devant Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur, en collaboration avec la Fondation Concorde et devant un parterre de près de 300 chefs d’entreprises, business angels et dirigeants, dont Yseulys Costes, P-dg de 1000Mercis, Guy Rou- lin, avocat associé du Cabinet Fidal, de Nicolas Fritz, directeur de France Angels, Philippe Bertin, président-associé d’Equitis. Nous l’avons aussi martelé dans la presse où de nombreuses tribunes signées Bernard Zimmern sur ces thèmes ont été publiées dans Le Figaro, La Tribune et Les Échos. La mesure ISF-Emploi de l’iFRAP adoptée La mesure pour laquelle l’iFRAP a le plus longtemps fait œuvre de pédagogie et de persuasion auprès de nos élus a été adoptée dans le paquet fiscal Travail, emploi et pouvoir d’achat (TEPA) en 2007. Cette mesure permet à tous les assujettis à l’ISF de convertir leur impôt à payer en investisse- ments dans les PME et ce, pour 75 % des montants investis jusqu’à 50 000 euros de déduction maxi- mum. Faute d’une suppression de l’ISF, cet article permet de rendre l’ISF moins nuisible pour l’écono- mie, en encourageant les vocations de business angels. On peut regretter que la mesure ISF-TEPA n’ait pour l’instant pas suffisamment concouru à mobiliser les business angels. indépendants, ceux qui peuvent mobiliser plu- sieurs centaines de milliers d’euros. En bridant la mesure à 66  666 euros, ce sont surtout de petits investisseurs qui se sont déclarés pour l’instant. Il faut permettre aux assujettis ISF qui paient plus de 50 000 euros de déduire la moi- tié de leur investissement dépas- sant 66 666 euros dans des petites entreprises. L’autre défaut du texte est d’avoir visé les PME et pas les entreprises en amorçage. Les PME, qui ont jusqu’à 250 salariés, ont résolu leurs problèmes de finance- ment et l’iFRAP recommande de cibler les entreprises ayant moins de 2 millions de capital, seuil où d’autres modes de financement comme le capital-risque peuvent prendre le relais. Mieux orientée, la mesure ISF-TEPA aurait un effet renforcé sur l’emploi. Colloque à la Maison de la chimie, le 12 février 2007. Colloque à Bercy, le 22 février 2008.
  • 7. 7 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 La SCT, une nouvelle avancée pour le financement des entreprises En 1958, les Américains inven- tent la Subchapter S : formule limitant la responsabilité de l’ac- tionnaire à son apport en capital mais soumettant les résultats au régime des sociétés de personnes, elle transfère sur les actionnai- res leur quote-part des bénéfices mais aussi des pertes. Ce qui per- met à l’investisseur de déduire sa quote-part des pertes de son reve- nu pour le calcul de son impôt et fait ainsi supporter par l’État autour de la moitié de la perte, donc du risque. Disons-le tout de suite : cette incitation fiscale est extrêmement rentable pour le Trésor car les profits des SubS sont trois fois supérieurs aux per- tes… Une enquête à l’échelle de la France laisse espérer le même ratio. Cette mesure est en très grande partie à l’origine de l’ex- plosion des business angels, des 100 milliards de $ qu’ils déver- sent sur les créations d’entrepri- ses chaque année et de l’extraor- dinaire dynamisme de l’économie américaine. En 2008, avec 50 ans de retard, nous créons grâce à l’interven- tion de l’iFRAP l’équivalent de la SubS1 . Mais cette disposition est adoptée à un détail près et ce détail fait toute la différence : notre Code des impôts ne permet de déduire les pertes éventuelles que de revenus de même nature. Les pertes étant généralement de type BIC alors que les revenus de nos investisseurs potentiels sont le plus souvent salariaux ou mobiliers, cela supprime tout intérêt pour des investisseurs de s’y intéresser. Il nous faut donc oeuvrer pour déminer les blocages de Bercy. Le relèvement de l’avantage Madelin D’après nos enquêtes, les Anglais investiraient de l’ordre de 7 à 10  milliards dans les créations d’entreprises, dont 5 en prove- nance de Business Angels. C’est pour rattraper ce retard, que l’iFRAP a proposé en 2008 que l’avantage Madelin (qui permet de déduire 25 % des investisse- ments au capital des entreprises de son impôt sur le revenu) soit réévalué et orienté vers les petites entreprises sur le modèle de l’En- treprise Investment Scheme (EIS) anglais. Les Anglais ont, grâce à cette mesure, permis à des par- ticuliers d’investir chaque année jusqu’à 400 000 £, 800 000 £ pour un couple (soit environ 1,2 mil- lion €) dans des petites entrepri- ses. Et cela ne coûte rien au Trésor anglais car la TVA rapporte plus que la déduction fiscale dès la pre- mière année. Saisissant l’opportunité de la dis- cussion de la loi de modernisa- tion de l’économie, un amende- ment défendu par le député de l’Indre Nicolas Forissier a proposé de monter le plafond de l’avanta- ge Madelin et passer la déduction à 100 000 euros pour un céliba- taire et 200 000  euros pour un couple. L’amendement finalement redépo- sé fin 2008 et cette fois-ci orienté vers les petites entreprises définies par la Communauté européenne, soit de moins de 50 salariés et de moins de 10 millions de total de bilan a été adopté. Son plafond n’est pas aussi éle- vé que ce que l’iFRAP aurait sou- haité – 50 000 euros pour un céli- bataire et de 100 000 euros pour un couple (soit 12 500 euros de réduction effective d’IR pour un célibataire et 25 000 euros pour un couple) mais l’orientation vers les petites entreprises communau- taires est bien là. Et nous allons continuer à tra- vailler pour un meilleur finance- ment de nos entreprises. ­1  article 30 de la loi de modernisation de l’économie. Pour un vrai contrôle de la dépense publique D epuis 1999, l’iFRAP tra- vaille à ce que notre Parle- ment se dote d’un organe d’audit identique au modèle en la matière, le National Audit Office (NAO) anglais qui, en Grande- Bretagne, permet un contrôle effi- cace des dépenses publiques par le Parlement. De 2003 à 2007, cet- te proposition de l’iFRAP a pro- gressé pour devenir, début 2007, une proposition de loi cosignée par plus de cent députés pour la création d’un Office d’évaluation et de contrôle de la dépense publi- que (Ofec). Ainsi en 2004, l’iFRAP organi- sait avec le député des Yvelines Jean-Michel Fourgous un colloque nommé « Dépense publique : le Parlement spectateur ou acteur ? » où étaient intervenus notamment François de Closets, Philippe Mari- ni, rapporteur général de la Com- mission des finances du Sénat, Sylvie Trosa, spécialiste internatio- nale de la performance budgétai- re, Louis Giscard d’Estaing, dépu- té, Paul Dubrule, sénateur. Cette manifestation avait été conclue par Dominique Bussereau, alors secrétaire d’État au Budget, et avait été l’occasion de dresser le constat de l’action parlementai- re, tous s’accordant à reconnaître la défaillance du contrôle sur la dépense publique. Cette idée a été reprise, à gauche comme à droite, pendant la cam- pagne et est devenue l’une des propositions de Nicolas Sarkozy avec le soutien du futur Premier
  • 8. 8 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 ministre François Fillon. Depuis, ce projet avance, même s’il reste des résistances. La réforme constitutionnelle : le Parlement va-t-il se révolter ? C’est avec la Commission Balla- dur, mise en place pour la moder- nisation des institutions de la Ve République, que ce projet a pu être mis en route, en proposant notamment de modifier l’article 24 de la Constitution, cet article indiquant désormais  : « Le Parle- ment vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et concourt à l’éva- luation des politiques publiques. » L’iFRAP a dans cette bataille agit pour que le Parlement se saisis- se de cette affaire et affirme son rôle de contrôle de l’efficacité de la dépense publique. Nous avons publié plusieurs tribu- nes dans la presse sur ce sujet dont « Donnons au Parlement les moyens de contrôler le budget »(2007) et « Réforme des institutions : le Par- lement va-t-il se révolter ? » (2008) dans Le Figaro. Après une bataille très rude dans les couloirs du pouvoir et un terrible constat sur le travail parlementaire - Dider Migaud, alors président de la Commis- sion des Finances de l’Assem- blée nationale ayant déclaré au cours des débats « Nous n’avons pas de culture du contrôle et de l’évaluation ; nous n’avons qu’une culture de la soumission et de la démission permanentes. » - il res- tait à mettre en place les outils pour que cette « nouvelle » pré- rogative ne demeure pas un voeu pieux. Un pas de plus pour le contrôle de la dépense publique : le Comité d’Évaluation et de Contrôle adopté par l’Assemblée Après discussions et tractations à l’occasion de la réforme du règle- ment de l’Assemblée entre les dif- férents groupes politiques et com- missions avec l’administration de l’Assemblée et la présidence, un projet d’un Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a vu le jour. L’iFRAP a suivi et soutenu les amendements déposés par les députés Louis Giscard d’Estaing (UMP) et Jean-Louis Dumont (PS) pour améliorer le fonction- nement de ce Comité, notam- ment sur son programme de tra- vail et sur les délais de réponse du gouvernement. Ce comité a vocation à donner aux rapports d’évaluation des politiques publiques comman- dés à la Cour des comptes ou à d’autres organismes une pertinen- ce encore plus forte liée au fait que le Parlement détient le pou- voir de sanction. Mais l’iFRAP a attiré l’attention des députés sur les conditions indispensables pour que ce comité joue un rôle dans le contrôle des dépenses publiques : ❙ se concentrer sur les études a posteriori ; ❙ travailler dans une logique d’économies à réaliser («  value for money » britannique) ; Conférence de presse avec les députés Louis Giscard d’Estaing et Jean-Louis Dumont, à l’Assemblée nationale le 29 avril 2009.
  • 9. 9 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 ❙ commander ses rapports à la Cour des comptes ; ❙ et surtout que ses propositions soient suivies et appliquées ; Il n’y a guère que la pratique qui dira si la question des économies à réaliser sera au cœur des pré- occupations du CEC, mais c’est un message qu’il faut marteler et marteler encore vis-à-vis de nos députés, des administrateurs et de la Cour des comptes quand elle sera amenée à effectuer ces rapports pour le Parlement dans le cadre de sa mission de « contri- bution à l’évaluation des politi- ques publiques ». Ce message, nous l’avons relayé dans la presse avec notamment une tribune de Bernard Zim- mern, Louis Giscard d’Estaing, député UMP, et Jean-Louis Dumont, député PS, fin 2008 dans Le Figaro, titrée « Cour des comptes-Parlement : le temps de la coopération ». Si chaque rapport pour chaque politique publique propose des économies, on viendra peut- être à bout du laxisme qui veut que nos représentants votent année après année des budgets déficitaires. Mais, avec un chef de division, un chargé de mis- sion, deux administrateurs et un million d’euros à sa dispo- sition, il est clair que le CEC ne peut réaliser suffisamment d’études lui-même et que son succès dépend de sa capacité à sous-traiter ses études et à fai- re preuve de pragmatisme. Cela étant acté, le CEC est aussi doté d’une arme puissante puisqu’il peut exiger une réponse et un positionnement du Gouverne- ment sur ses propositions de réformes ou de suppression de crédits. Même avec un petit bud- get de départ, le CEC pourrait donc jouer un rôle majeur dans l’évaluation des politiques publi- ques et la résorption progressive du déficit. Il semble qu’une cer- taine prise de conscience finira par se faire. Mais le chemin est encore long avant que des économies ne découlent de ce réveil de nos représentants. A u lendemaine de son élec- tion, le président de la République proposait à Nantes un pacte nouveau aux fonctionnaires : «  Il serait sou- haitable qu’on laisse le choix aux nouveaux entrants entre le statut de fonctionnaire ou un contrat de droit privé négocié de gré à gré. Cela donnerait de la souplesse et du sang neuf ». Malgré un diagnostic lucide dressé par le conseiller d’État Jean-Ludo- vic Silicani dans son rapport sur la fonction publique, les proposi- tions restaient bien éloignées des objectifs présidentiels. Pourtant, proches de nos frontiè- res, la plupart des pays dotés his- toriquement d’une fonction publi- que de carrière ont procédé à des réformes profondes de leur statut public. L’Italie est, parmi ceux-là, le pays qui a connu la réforme la plus radicale de sa fonction publi- que. Désormais, les agents publics italiens sont pour la plupart sou- mis au droit commun du travail à l’exception des magistrats, des militaires, des policiers, des diplo- mates, des membres du corps pré- fectoral et des universitaires. Un peu plus loin de chez nous, la Suède a fait passer quasiment tous ses agents publics (sauf mili- taires, policiers, magistrats et pro- fesseurs de l’enseignement supé- rieur qui relèvent toujours du statut) sous contrat de droit pri- vé. Quant à la fonction publique allemande, elle est en diminution en moyenne de 1 % par an pour un total de 4,6 millions d’agents. Avec 60 % d’agents de droit pri- vé et 40 % de fonctionnaires sous statut n’ayant pas le droit de grève, l’Allemagne a un taux de fonction publique au sein de la population active de 11,3 %. La France est loin de ces chiffres-là. En 2007, l’État français supprimait 11 000 postes de fonctionnaires, 23 000 en 2008 et 30 000 en 2009 en application stricte du principe de non-remplacement d’un fonction- naire sur deux partant à la retraite. Un bon début si les opérateurs de l’État n’avaient embauché,en paral- lèle, 14 000 personnels de 2006 à 2008 (dont une partie de droit public et une partie de droit pri- vé). Malgré ces réductions de pos- tes, la fonction publique française constitue toujours plus de 20 % de la population active. Mobilité et émulation Pour résoudre cette équation et rendre plus flexible la gestion des ressources humaines publiques, il ne suffira pas d’embaucher plus de contractuels de droit public. Et, plutôt que de créer un Code du travail spécifique, pourquoi ne pas faire entrer les agents publics dans la famille des salariés régis par le Code du travail ? Mobilité entre public et privé et émulation entre Fonction publique : l’heure de la réforme   a-t-elle sonné ?
  • 10. 10 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 les deux secteurs n’en seraient que plus dynamiques. Même si les syn- dicats de la fonction publique se montrent particulièrement hosti- les à l’évocation même d’une évo- lution d’une fonction publique de carrière vers une fonction publi- que de métiers, il conviendrait de remettre le débat sur la table des négociations. C’est ce que nous avons fait à l’oc- casion d’un colloque sur la réfor- me de la fonction publique orga- nisé à Sciences Po le 27 avril 2009 en présence d’André Santini, ministre de la Fonction publique à l’époque, et de Franco Bassanini, ancien ministre italien de la Fonc- tion publique, de Pierre Bessard, de l’Institut Constant de Rebec- que (Suisse), de Dominique Rey- nié, directeur de la Fondapol, de Michel Sapin, député PS, de Jean- Michel Fourgous, député UMP, de Brigitte Jumel, secrétaire généra- le UFFA-CFDT, de Dominique Coudreau, ancien directeur de l’ARH d’Ile-de-France. Revenant sur des exemples étran- gers - Italie et Suisse - la conclu- sion est claire : notre système public est tellement bien trico- té qu’il ne sera pas possible de trouver les « petits leviers » pré- curseurs d’une réelle réforme de fond. Seule une réaction forte de la société civile peut donner l’élan d’une vraie réforme com- me nous le montre l’exemple du référendum suisse demandé, au départ, par les syndicats de la fonction publique et qui a abou- ti sans que ces derniers s’y atten- dent à ce que 67 % des Suisses se prononcent pour une abrogation du statut public. Interviewé par l’iFRAP, le socio- logue des organisations François Dupuy propose en 2012 un réfé- rendum sur la réforme de l’État aux Français et l’abrogation du statut de la fonction publique pour les nouveaux entrants. C’est la proposition de l’iFRAP car jamais ceux qui décident à l’in- térieur de l’État ne prendront le risque de porter une réforme aus- si risquée pour eux. C’est ce que nous avons rappelé dans deux articles signés par Agnès Verdier- Molinié publiés en 2009 dans La Tribune sous le titre «  Fonction publique, l’heure de la réforme a-t-elle sonné ? » et début 2010 dans Le Figaro et intitulé « Il faut oser poser la question du statut des fonctionnaires ». L’abrogation du statut de la fonc- tion publique viendra de la socié- té civile. Seule une réaction forte de la société civile peut donner l’élan d’une vraie réforme comme nous le montre l’exemple du référendum suisse. Colloque sur la réforme de la fonction publique, le 27 avril 2009 à Sciences Po.
  • 11. 11 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 D epuis 1998, l’iFRAP a lon- guement décortiqué notre système de retraites  qui représente, en 2010, 280 milliards d’euros. En étudiant le régime général et les régimes spéciaux, en les comparant aux différents sys- tèmes en vigueur à l’étranger, c’est près de 30 articles et dossiers qui ont été publiés dans Société Civile, sans compter une veille sur notre site Internet. Les principaux thèmes étudiés ont été : ❙ les différences entre fonctionnai- res et privé ; ❙ les différences entre régimes spé- ciaux EDF/GDF, SNCF, RATP et privé ; ❙ les exemples de réforme, notam- ment la banque ; ❙ l’étranger : Suède, Allemagne ; ❙ la capitalisation : Préfon, RAFP, FRR ; ❙ les régimes complémentaires : Arrco, Agirc, Ircantec. Avec des interviews de politiques, d’économistes, d’actuaires et de gestionnaires de régimes. Car, aujourd’hui, notre systè- me de retraites est en débat : s’il faudra certainement allonger les durées de cotisations ou reporter l’âge de la retraite. cela ne consti- tue pas une réforme,mais au mieux un ajustement. Pour aller plus loin, nos recommandations sont les suivantes : ❙ aligner les régimes spéciaux sur le régime général ; ❙ fusionner la Cnav,l’Arrco,l’Agirc, l’Ircantec ; ❙ introduire une dose de capitalisation ; ❙ mettre en place un régime par point ou à la «  suédoise  » pour tous ; ❙ mais surtout, il faut créer des emplois. Ces recommandations impli- quent des efforts de tous, public et privé. Régimes spéciaux et déficits Les régimes spéciaux restent une entorse au principe d’équité. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à prendre en considération le coût des régimes, coût que l’on peut mesurer au taux de cotisation nécessaire pour le financer, excep- tion faite des régimes en déficit démographique. Si le secteur pri- vé est à 25 % de taux de cotisa- tion global (salarié + employeur), les fonctionnaires d’État sont à 69 %, EDF à 86 % et la SNCF à 106 % ! Pour les fonctionnaires, le taux de la cotisation employeur augmente d’environ 1 % par an et devrait atteindre 72 % en 2025. Le déficit des régimes publics est très sous-estimé : selon les estima- tions du COR pour 2010 à 2030, le déficit du régime des fonction- naires d’État (2,4 millions d’ac- tifs, 2 millions de retraités) sera supérieur ou équivalent à celui du régime du privé (16 millions d’ac- tifs, 12 millions de retraités). Et en 2050, il représentera encore 64 % de celui du privé. Les réformes de  2003 et  2007 n’ont pas suffi. La prochaine éta- pe indispensable est de revoir le calcul de la retraite sur le der- nier salaire en vigueur au sein de la fonction publique. En effet, si les cotisations sont prélevées sur le salaire moyen de la carrière et la retraite versée sur le dernier salaire, comme c’est le cas pour les carrières complètes de la fonc- tion publique, l’écart représente une retraite « gratuite », ce qui, techniquement, ne peut exister ! Sachant, qu’en plus, le coup de pouce de fin de carrière est une pratique très répandue, la situa- tion aboutit à un dérapage des comptes. La seule solution accep- table est d’aligner ces régimes spé- ciaux sur le régime général. Fusionner la Cnav, l’Arrco, l’Agirc, l’Ircantec Créés à l’origine par la société civile pour compléter le régime général mis en place avec la Sécu- rité sociale en 1945, ces régimes complémentaires se sont déve- loppés et généralisés au point de devenir obligatoires en 1971. Ils représentent aujourd’hui plus de 50 milliards d’euros de coti- sations de 18 millions de salariés et les pensions de 13 millions de retraités. Élément essentiel des retraites du secteur privé, les retraites complé- mentaires se caractérisent par un fonctionnement devenu inuti- lement complexe pour les sala- riés et les retraités et sa mise en œuvre incompréhensible et coû- teuse, pour les entreprises adhé- rentes. Un alignement des frais de gestion des régimes complémen- taires sur ceux de la Cnav repré- senterait déjà une économie d’un milliard d’euros. Retraites : ouvrir la voie à une réforme  de fond de notre système Les régimes spéciaux restent une entorse au principe d’équité. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à prendre en considération le coût des régimes, coût que l’on peut mesurer au taux de cotisation nécessaire pour les financer.
  • 12. 12 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 NUM É R O 1 0 0 Pour les caisses elles-mêmes, cet imbroglio est source de coûteux gaspillages. La multiplicité d’in- tervenants fournissant tous le même service cumule les incon- vénients d’une situation de mono- pole et ceux de la concurrence larvée. Les retraites complémen- taires étant strictement encadrées et offrant peu de perspectives de développement, les groupes de protection sociale qui les gèrent se sont diversifiés dans de mul- tiples activités et il s’est créé un flou sur leurs véritables intérêts qui rend difficile leur contrôle. La réforme du système doit éviter une mainmise de l’État, alors que par ailleurs celui-ci doit finan- cer des engagements de retraites colossaux pour les trois fonctions publiques (900 milliards d’euros d’engagements de retraite). La négociation sur les retraites est une période idéale pour simpli- fier et unifier notre système. Retraite par capitalisation : attention à la caricature ! Les retraites par répartition des Français ne sont pas financées, mais au moins le problème n’est plus nié. Plusieurs solutions sont envisagées, sauf une qui est reje- tée avant même d’être examinée : une dose de capitalisation. Pour des raisons idéologiques, les syndi- cats et la grande majorité des res- ponsables politiques sont farou- chement opposés aux retraites par capitalisation au nom d’une soli- darité souvent teintée de collecti- visme. Mais avec la crise de 2008, cette opposition s’est transformée en hystérie. L’iFRAP a fait le point sur ces critiques. En Suède, la capitalisation résiste. Fin 2008, au moment où la bourse était à peu près à son minimum, les fonds de capitalisation avaient baissé, mais n’étaient pas du tout en faillite. Et depuis leur créa- tion, leur rendement est positif. Le rapport de 2009 n’est pas enco- re publié, mais d’après notre esti- mation, leur valeur aura remon- té de 10 à 15 % et la gauche et la droite qui ont été au pouvoir depuis 1998 n’ont jamais propo- sé de remettre en cause ce pan de la réforme. Les assureurs ont d’ailleurs depuis longtemps résolu ce problème en proposant des investissements de moins en moins risqués et volati- les au fur et à mesure que les assu- rés s’approchent de leur date de départ à la retraite. De plus, dans notre pays, au moins trois systèmes de retraite fonctionnent déjà de façon satis- faisante par capitalisation, dont celui des sénateurs et celui qui gère les cotisations sur les primes des fonctionnaires (RAFP). Mais le cas le plus significatif est celui du Fonds de réserve des retraites (FRR), d’autant plus qu’il est géré par les syndicats. Enfin, la capitalisation est un moyen de disposer, en France, de capitaux à investir dans les entreprises ou l’immobilier, sans avoir à créer des fonds souve- rains comme le FSI ou la Caisse des dépôts, à la fois faibles par la taille et très exposés aux interfé- rences politiques. Le système suédois de retraites par points : un modèle pour réformer la France ? Dans les années 1990, la Suède connaît une crise économique très grave : chute du PIB, chômage à des niveaux records, déficit bud- gétaire insoutenable dépassant les 11 %. Les pouvoirs publics pren- nent alors conscience de la néces- sité de retrouver un budget à l’équilibre, voire en excédent. Le Gouvernement s’engage notam- ment dans une réforme complè- te du système de retraite. Il aura fallu 20 ans de travail et de négo- ciations pour passer d’un systè- me analogue au nôtre, structu- rellement déficitaire et incapable d’assurer l’avenir des pensions, au nouveau, à la fois plus juste et dégageant des excédents. La différence entre le système contributif de comptes notion- nels et de répartition à la fran- çaise est ténue mais capitale : le compte notionnel est un comp- te « virtuel » permettant de cal- culer la contribution réelle d’un salarié tout au long de sa vie. En fonction de ce calcul, ce sont les cotisations des actifs qui servent à payer les pensions des retraités. La notion de «  solidarité inter- générationnelle  » est conservée, mais chaque individu sait, dès le départ, que sa pension sera pro- portionnelle au travail qu’il aura fourni toute sa vie. À la fois plus juste dans ses fon- dements, plus rentable pour la nation et plus généreux pour les individus, le système suédois semble une réussite qui devrait mettre d’accord l’ensemble de la classe politique française. En France, les réformes et aména- gements de notre régime de retraite général se suivent et se ressemblent quant à leurs résul- tats. Les lois de  1993 et  2003 étaient censées régler le problè- me de financement pour quel- ques années, mais les résultats ne sont pas là. En regard du sys- tème suédois, le simple allonge- ment de la durée de cotisation semble plus une mesure de sau- vegarde qu’une véritable réfor- me. C’est pourquoi l’iFRAP va défendre ces propositions. À la fois plus juste dans ses fondements, plus rentable pour la nation et plus généreux pour les individus, le système suédois semble une réussite qui devrait mettre d’accord l’ensemble de la classe politique française.
  • 13. 13 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s Les décideurs donnent leur point de vue sur les grands thèmes de la Fondation iFRAP Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, François Hollande, ancien secrétaire général du PS, Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, Frédéric Bedin, président de CroissancePlus, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Christian Schubert, correspondant à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung, et Mathieu Laine, entrepreneur, économiste et essayiste, ont bien voulu répondre aux questions de Société Civile sur la situation de la France et leur vision de l’avenir. Il est intéressant de constater que quasiment tous sont d’accord pour déplorer le poids trop important de l’État et des administrations dans notre pays et le manque de reconnaissance de la place de l’entreprise. La Fondation iFRAP a indéniablement du travail en perspective. ❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous inquiet ou confiant pour l’avenir économique de la France ? Xavier Bertrand : Je suis d’une nature optimiste parce que je considère que l’avenir, ça se construit. Même si la France a mieux résisté au choc de la crise que ses voisins européens, il ne faut pas oublier que nous traver- sons la crise économique la plus importante depuis les années tren- te. Si la France s’en sort mieux, c’est à mon sens pour trois rai- sons structurelles. D’abord, nous avons une économie plus équili- brée que beaucoup de nos voisins qui ont fait le choix de sacrifier leur industrie au profit du « tout service », comme la Grande-Bre- tagne, ou bien du « tout immo- bilier », comme l’Espagne. Ensui- te, notre marché domestique est dynamique, à la différence de celui de l’Allemagne, et ce, mal- gré ses très bonnes performances à l’export. Enfin, notre système de protection sociale, qui a très lar- gement permis d’amortir le choc. Parallèlement, le Plan de relan- ce mis en place par le gouver- nement français, centré sur l’in- vestissement et sur les ménages modestes et non sur la consom- mation en général, comme le pré- conisait à tort le parti socialiste, a bien fonctionné. Il nous res- te à poursuivre les efforts sur la L’avenir, c’est des États-garants et non des États-gérants, des États-stratèges et non des États-opérateurs. Xavier Bertrand Ancien ministre, secrétaire général de l’UMP et député de l’Aisne Xavier Bertrand GillesBassignac
  • 14. 14 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s ❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous inquiet ou confiant pour l’avenir économique de la France (finan- ces publiques, emploi, compétiti- vité des entreprises…) ? François Hollande : Nous sommes à un instant crucial. Les indica- teurs témoignent tous d’un ris- que sérieux de déclassement de l’économie française. La croissan- ce est depuis des années fragile, notre déficit commercial dépasse 45 milliards d’euros, le chômage frappe 10 % de la population acti- ve et notre dette publique atteint des niveaux historiques. Songez qu’en 2012, elle équivaudra à une année de richesse nationa- le. Redresser l’économie françai- se dans ces conditions sera le défi majeur du prochain président de la République.Avec des marges de manœuvres limitées, il lui faudra faire des choix justes et pertinents car ils détermineront l’orientation de notre pays pour de nombreu- ses années. C’est pourquoi il faut concentrer nos efforts sur la jeu- nesse : sa place, ses conditions de vie, son insertion réussie. Ce redressement exigera un effort national. Il ne sera accep- té que s’il respecte les principes d’égalité et de justice. Il faut met- tre fin à un système où la majori- té de nos concitoyens sont solli- cités tandis que les plus fortunés s’affranchissent de toute exigen- François Hollande Député-maire de Tulle en Corrèze, ancien ministre et ancien secrétaire national du PS L’entreprise fournit l’essentiel des emplois offerts et détermine par sa compétitivité la place de la France dans la mondialisation. réduction des dettes et particu- lièrement de notre dette socia- le ; mais je souhaiterais que nous allions encore plus loin, en pro- posant une règle budgétaire, une « règle d’or » qui fixerait un pour- centage maximum du PIB pour le déficit. Des investissements mas- sifs dans les secteurs de la nou- velle croissance sont également nécessaires, tout en poursuivant notre politique en faveur de l’in- dustrie, telle que voulue par le Président de la République. Le grand emprunt, que souhaite le Mouvement populaire, apporte une réponse à ces besoins d’in- vestissements. La France est réso- lument engagée sur la voie des réformes, il faut continuer. ❙ Fondation iFRAP : Le rôle des entreprises dans notre économie vous semble-t-il perçu à sa jus- te valeur par l’opinion publique française ? X.  B. : Les Français savent que ce sont les entreprises qui créent de l’emploi, comme ils savent que l’entreprise est créatrice de valeurs et leur travail créateur de richesses. Les Français ont l’esprit d’entreprise. Le statut d’auto-entrepreneur créé par le Gouvernement connaît un suc- cès fulgurant : +  75  % de créa- tion d’entreprises par rapport à l’année dernière… ❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de l’administration, du secteur public et de l’État en général vous sem- ble-t-il plus important en France que dans les autres pays ? X.  B. : En France, les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires sont, en part du PIB, très élevés par rapport aux autres pays. Mais attention aux compa- raisons hâtives : dans beaucoup de pays, le financement du sys- tème d’assurances sociales n’est pas compté dans les prélève- ments obligatoires puisqu’il s’agit d’assurances privées. C’est aussi le prix d’un système de protec- tion sociale, qui a besoin d’être modernisé, mais que beaucoup de nos voisins nous envient. Si l’on prend comme seul indi- cateur la part de l’emploi public François Hollande agnèsgaudin
  • 15. 15 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s dans l’emploi total, avec près du quart des emplois dans le public, la France se situe en tête. Il ne me paraît pas souhaitable d’aller au-delà, bien au contraire ! Nous devons aussi avoir en tête la logi- que des finances locales, qui ont eu tendance à exploser ces der- nières années ! La décentralisation s’est traduite par une explosion des effectifs de la fonction publi- que territoriale, sans que l’on constate une baisse des effectifs au niveau national. Quand l’État, avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, réduit le nombre de fonctionnaires de 35 000 par an, les collectivités locales augmen- tent les effectifs de 10 % par an (hors transferts). On ne peut pas continuer comme ça. Voilà pour- quoi la réforme des collectivités locales va apporter simplifica- tion, clarification des compéten- ces et moindre coût de notre sys- tème territorial. À mon sens, il faut stopper la dérive localement et poursuivre l’effort continu du Gouvernement avec le non-rem- placement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. On peut aussi parler du volontaris- me d’État. Sur ce point, je crois que l’État a beaucoup de pou- voir sur l’économie, y compris dans de nombreux pays répu- tés plus libéraux que nous : les États-Unis en tête, qui s’enten- dent à mener une politique de R&D et de soutiens aux PME très énergique ! L’avenir est aux États forts, qui savent prendre le relais de l’initiative privée lorsqu’elle voit à trop court terme. L’avenir, c’est des États-garants et non des États-gérants, des États-stratèges et non des États-opérateurs. ❙ Fondation iFRAP : Que pensez- vous que les organismes de la société civile, les think tanks tels la Fondation iFRAP, apportent au débat public ? X.  B. : Sources d’expertises, ces organismes sont des aiguillons, des acteurs et des vitrines du débat. Leur franc-parler est source de débats passionnants et de réfor- mes aussi. ce de solidarité.Voilà pourquoi je propose une réforme profonde de notre système fiscal, pour que les prélèvements soient réellement fonction des facultés contributi- ves de chacun. ❙ Fondation iFRAP : Le rôle des entreprises dans notre économie vous semble-t-il perçu à sa jus- te valeur par l’opinion publique française ? F. H. : L’entreprise est le lieu de la création de richesses. Elle fournit l’essentiel des emplois offerts et détermine par sa compétitivité la place de la France dans la mondia- lisation.Nous avons besoin de pro- duire plus et mieux. Et la réponse à terme tient autant au renforce- ment de l’offre qu’à la stimula- tion de la demande. Néanmoins, je regrette que le lien de confian- ce entre les Français et l’entreprise se soit distendu. Il faut penser une nouvelle stratégie de production. Là encore, le levier fiscal peut être utilement activé : moduler l’im- pôt sur les sociétés en fonction des bénéfices réinvestis, concentrer nos efforts sur le développement des PME, élargir le crédit d’impôt recherche à l’innovation. C’est le sens du nouveau pacte productif que je propose. Il part de l’entre- prise pour mieux y revenir. ❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de l’administration, du secteur public et de l’État en général vous sem- ble-t-il plus important en France que dans les autres pays ? F. H. : La crise a révélé le besoin d’État au sein de nos sociétés.Alors quelafinanciarisationetlamarchan- disation de l’économie ont fragilisé les bases de l’économie mondiale, c’est vers les gouvernements que se sont tournés les acteurs économi- ques (et les banques) pour trouver des solutions à la crise. De surcroît, notre système social a parfaitement joué son rôle de stabilisateur durant la récession. Il est, en quelque sor- te, venu au secours d’un certain libéralisme, au moment où il s’at- tachait à le démanteler. Quant à la controverse sur le coût de l’État, il convient de le relativiser. J’en veux pour preuve le comparatif entre le non-remplacement d’un fonction- naire sur deux, permettant à l’État de faire des bénéfices de 500 mil- lions d’euros par an, tandis qu’au même moment la baisse de la TVA sur la restauration coûte 3 milliards d’euros à nos finances publiques. Il reste que la réforme de l’ensem- ble des administrations publiques, de leur cohérence, de leur efficaci- té, comme de leurs ressources doit être engagée, sans qu’il soit besoin de revenir sur la décentralisation et sur l’exigence de proximité. ❙ Fondation iFRAP : Que pen- sez-vous que les organismes de la société civile, les think tanks tels la Fondation iFRAP, appor- tent au débat public ? F. H. : Tout ce qui contribue à l’ac- tivité intellectuelle, à la quête des nouvelles idées, à la recherche des aspirations de la société enri- chit notre démocratie. Plus que jamais nous avons besoin de débats publics. Les partis politiques n’ont rien à craindre de ces cercles de pensées et beaucoup à en attendre dès lors que chacun reste à sa place et que le politique garde sa légiti- mité. Rien n’est vraiment nouveau. Les think tanks sont les héritiers d’une longue tradition française qui donne aux intellectuels une influence dans l’enjeu public.
  • 16. 16 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s ❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous inquiet ou confiant pour l’avenir économique de la France (finan- ces publiques, emploi, compétiti- vité des entreprises…) ? Bernard Van Craeynest : Je ne suis ni inquiet ni confiant, mais réalis- te. C’est-à-dire que nous avons une situation différente qui résul- te à la fois des atouts et des han- dicaps de la France. En l’occurren- ce, au premier chef, de la difficulté que nous rencontrons à faire croî- tre notre secteur concurrentiel. Je pense notamment à l’industrie. Il ne suffit pas de proclamer que l’on veut faire la course en tête mais, il faut construire une attractivité dans la filière technique et scien- tifique. Dans le cadre des États généraux de l’industrie, j’ai pro- posé qu’on mette en place de la formation pour former nos bac + 2 de l’industrie pour qu’ils arrivent au niveau ingénieur. En Chine et en Inde, on forme 250 000 ingé- nieurs par an ; comment voulez- vous que la France se batte avec seulement 20 000 à 30 000 ingé- nieurs formés par an ? ❙ Fondation iFRAP : Le rôle des entreprises dans notre pays vous semble-t-il perçu à sa jus- te valeur par l’opinion publique française ? B. V. C. : Oui et non. Il y a, à la fois,une mauvaise image du patron entrepreneur liée aux affaires qui ont pollué leur image ces derniè- res années avec un message qui est passé dans la population sur le mode « Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Cela est à dis- tinguer de la réalité vécue par les salariés des petites et très petites entreprises qui ont le sentiment d’être dans le même bateau que leur patron et qui sentent qu’ils œuvrent ensemble à la performan- ce collective pour améliorer notre économie globale. Une enquête de la CGPME réa- lisée en 2006 montre que les chefs d’entreprises qui sont à la tête de PME gagnent en moyenne 4 000 euros par mois. Il y a donc bien un écart entre la perception qu’ont les Français du niveau de richesse des entrepreneurs et la réalité. Par ailleurs, le rôle et la pla- ce qu’a l’entreprise dans l’écono- mie sont par trop méconnus. Cela est dû, en particulier, à l’éducation puisque l’économie est loin d’être la première matière enseignée. Il est vrai aussi que tout est fait pour qu’on ne puisse pas faire le lien entre entreprises et créa- tion d’emplois marchands. L’em- ploi marchand se réduit alors que la population augmente. Il stagne toujours autour de 15 à 16 mil- lions d’emplois.Dans la réalité,rien n’est fait pour réellement mobiliser la création d’emplois marchands. Je constate sur ce sujet chez les politiques, quels qu’ils soient, une grande pusillanimité. Pour toutes les réformes, on privi- légie l’affichage : réforme des régi- mes spéciaux,service minimum ;le gouvernement gère l’affichage,s’at- taque aux tabous, mais n’explique pas comment il a réformé et à quel coût.La préoccupation centrale est d’éviter le conflit social et le prix de la réforme passe derrière. Cela me préoccupe beaucoup car, sur le fond,un pays qui va de l’avant et se réforme en profondeur doit le faire sur la base d’un consensus sur les réformes à réaliser. En France, le secteur public n’est pas prêt à bou- ger et c’est le prétexte pour aban- donner toutes les réformes. Dans la réalité du monde d’aujourd’hui,cet immobilisme du secteur public est inquiétant. Nous qui sommes, à la CFE-CGC, une organisation syn- dicale avec une assise privée, nous avons beaucoup de mal à nous faire entendre des politiques, plus habi- tués à dialoguer avec des syndicats du secteur public. Surtout quand nous essayons de leur parler du monde réel ! ❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de l’administration, du secteur public et de l’État en général vous sem- ble-t-il plus important en France que dans les autres pays ? B. V. C. : Là aussi, gardons-nous des réponses toutes faites et des En France, le secteur public n’est pas prêt à bouger et c’est le prétexte pour abandonner toutes les réformes. Bernard Van Craeynest Président de la CFE-CGC Bernard Van Craeynest
  • 17. 17 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s clichés. On peut toutefois consta- ter qu’à l’issue de la première commission Attali, la proposi- tion de faire une réforme admi- nistrative de la France a été tout de suite écartée. Nous avons per- du un temps infini dans des lois de décentralisation qui n’ont pas simplifié mais multiplié les stra- tes administratives. Avec, en plus, 300 000 nouveaux fonctionnai- res territoriaux et pas de réelle réduction d’effectifs dans la fonc- tion publique centrale. Résultat : la France est sur-administrée et les charges des particuliers com- me des entreprises augmentent. J’ai le sentiment que les dépenses publiques sont mal réparties. Nous avons un problème de rationalité et d’adaptation et de lois qui se surajoutent alors que d’autres exis- tent déjà en étant méconnues ou pas appliquées. Il ne suffit pas de dire qu’il faut moins d’État mais être capable d’inventer une nou- velle gouvernance. Le manque de consensus sur nos politiques publi- ques vient aussi du fait que nous sommes à l’heure du lobbying et, qu’aujourd’hui, face à tout projet de réforme, il y a des associations de défense, des groupes de pres- sion… La difficulté que nous ren- controns aujourd’hui est de déga- ger le sens de l’intérêt général face aux groupes de pression, notam- ment issus du public, qui peuvent arriver à bloquer tout le système. Il ne faut pas focaliser sur les syn- dicats mais sur l’opposition entre sens de l’intérêt général et défense des intérêts particuliers qui vivent de la notion d’intérêt général. ❙ Fondation iFRAP : Que pen- sez-vous que les organismes de la société civile, les think tanks, tels la Fondation iFRAP, appor- tent au débat public ? B. V. C. : Il y a un vrai problème de reconnaissancedurôledesthinktanks dans notre pays.Dans les pays anglo- saxons,ces groupes de réflexion sont reconnus et clairement identifiés et ils apportent beaucoup à la réflexion globale.La France a une culture asso- ciative forte, mais pas encore une culture de fondations qui partici- pent au débat démocratique. Mais cela commence à venir, même s’il y a encore de gros progrès à faire.C’est un travail de longue haleine. ❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous inquiet ou confiant pour l’avenir économique de la France (finan- ces publiques, emploi, compétiti- vité des entreprises…) ? Frédéric Bedin : Je suis confiant car un entrepreneur est forcé- ment optimiste ! La France est un pays avec des atouts intrinsèques liés à sa qualité de vie, ses valeurs et sa culture historique. La mar- que France a un potentiel de déve- loppement important. Mais le pro- blème est que trop de gens croient que cela suffit d’avoir du potentiel. On ne peut s’exonérer de faire des efforts de gestion et de benchmark avec les pays voisins. L’état de nos finances publiques ne m’inquiète pas dans la mesure où toute l’Eu- rope est dans une situation délicate en matière de finances publiques à cause de la crise. Ce qui m’in- quiète, c’est un problème de men- talité hors crise. Dans les périodes où on pourrait réformer, on ne le fait pas. L’âge de la retraite plus tôt que les autres ? Les charges sociales plus élevées que les autres ? Tout le monde trouve cela normal ! Cela ne peut pas continuer. ❙ Fondation iFRAP : Le rôle des entreprises dans notre pays vous semble-t-il perçu à sa jus- te valeur par l’opinion publique française ? F. B. : Même si les Français restent attachés aux politiques publiques, Frédéric Bedin Président de CroissancePlus, fondateur et directeur général de Public Système, un des principaux acteurs indépendants du conseil en communication en France Les Français sont en train de s’apercevoir que l’État ne peut pas tout. Frédéric Bedin
  • 18. 18 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s ils sont en train de s’apercevoir que, selon la fameuse formule de Lionel Jospin, l’État ne peut pas tout. Ils commencent à compren- dre que l’on peut devenir entre- preneur de sa vie et réussir. La question qui se pose maintenant est « Quelles formes d’entreprises pour demain ? » Des groupes de PME plutôt que des grands grou- pes ? L’auto-entrepreneur va-t-il devenir un modèle plus standar- disé de relation de travail ? Pour l’avenir, il faudra la création d’un grand écosystème entrepreneurial français. Et ce, avec une multipli- cation d’entreprises responsables plutôt qu’un gros État qui déci- de de tout. ❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de l’administration du secteur public et de l’État en général vous sem- ble-t-il plus important en France que dans les autres pays ? F. B. : Il sera toujours important d’avoir un État fort sur ses mis- sions régaliennes : police, justice, défense. Et d’avoir un État prêt à prendre le relais quand le mar- ché n’est plus efficace (cf. les ban- ques pendant la crise). Mais nous devons collectivement changer un peu notre façon de voir pour comprendre que beaucoup de secteurs peuvent être gérés par le secteur privé ou dans le cadre d’une concurrence qui permette à l’État de s’améliorer. L’économie de la santé est un bon exemple de secteur dans lequel il peut y avoir une équation public-privé. On Philippe Marini Rapporteur général du Budget à la commission des Finances du Sénat, sénateur de l’Oise La compétitivité de notre pays souffre de handicaps tels que la propension à dépenser l’argent public. ❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous inquiet ou confiant pour l’avenir économique de la France (finan- ces publiques, emploi, compétiti- vité des entreprises…) ? Philippe Marini : La France est un grand pays qui a retrou- vé toute sa place en Europe depuis sa présidence remarquée de l’Union européenne en 2008. Ma confiance en son avenir est grande. Face à la crise, elle a plu- tôt mieux résisté que ses princi- paux partenaires, le recul d’envi- ron 2 % de son produit intérieur brut étant deux fois inférieur à la moyenne des récessions consta- tées dans l’Union européenne. La réactivité dont elle a fait preu- ve à l’épicentre de la crise pour éviter la thrombose de son sys- tème financier a été remarqua- ble. Certes, la compétitivité de notre pays souffre de handicaps, plus ou moins anciens tels que la propension à dépenser l’argent public ou la durée légale du tra- vail, mais les réformes structu- relles aujourd’hui à l’œuvre doi- vent être poursuivies. ❙ Fondation iFRAP : Le rôle des entreprises dans notre pays vous semble-t-il perçu à sa jus- te valeur par l’opinion publique française ? P.  M. : On a coutume de souli- gner l’insuffisance de la culture économique en France et il est vrai que l’enseignement de l’éco- nomie pourrait davantage insister sur les mécanismes de création de richesse et le rôle des entrepri- ses. Ceci dit, les enquêtes d’opi- nion montrent que les Français, notamment les jeunes, ont une bonne image des entreprises et en particulier des petites et moyen- nes. La création du statut d’auto- entrepreneur a permis non seu- lement d’enrayer la baisse du nombre de créations d’entrepri- ses constatée en 2008, mais aussi d’accroître ce nombre de plus de 50 %. Ceci montre qu’en simpli- fiant les règles, on libère les ini- tiatives. En tout état de cause, les pouvoirs publics ont conscience du rôle des entreprises : c’est sur elles qu’ils ont misé pour favo- riser la sortie de la crise, que ce soit à travers les mesures fiscales du plan de relance de l’économie,
  • 19. 19 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s RichardDugovic Philippe Marini la suppression de la taxe profes- sionnelle ou le renforcement des moyens d’Oséo. ❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de l’administration du secteur public et de l’État en général vous semble-t-il plus important en France que dans les autres pays ? P. M. : Par rapport à d’autre pays, la France se caractérise par un niveau élevé de dépenses publi- ques et, par conséquent, par une part importante des prélè- vements obligatoires dans le pro- duit intérieur brut. Ceci illustre l’attachement de nos conci- toyens et de nos dirigeants au modèle de l’État-providence et à l’intervention publique. La pro- lifération des normes, créatrices de dépenses publiques notam- ment dans les collectivités terri- toriales, témoigne de la capacité des administrations à poursuivre des objectifs propres sans que le politique soit en mesure de les freiner. Des tentatives pour y remédier se font jour. Les assem- blées parlementaires sont saisies de textes dits de « simplification du droit ». La loi du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et pri- vés a assoupli le droit de l’urba- nisme. Surtout, le processus de révision générale des politiques publiques contribue à l’émer- gence d’un État plus efficace et moins coûteux. Cela étant, nous avons besoin d’un État puissant, qui fixe les règles et s’assure de leur res- pect, qui inspire confiance aux marchés financiers et qui exer- ce de l’influence au niveau international. ❙ Fondation iFRAP : Que pen- sez-vous que les organismes de la société civile, les think tanks tels la Fondation iFRAP, appor- tent au débat public ? P. M. : Le débat public ne peut se limiter à un « ping-pong » verbal entre partis politiques ou à des argumentaires techniques pro- duits par les administrations. La prise de décision n’est éclairée que si elle s’appuie sur le plura- lisme des points de vue. L’exis- tence de fondations contribue à permettre l’expression organisée des familles de pensée. sent que cette logique va émer- ger en France, notamment dans les transports. Dans l’éducation, c’est déjà le cas avec la formation supé- rieure, mais je ne parierais pas sur le fait que les universités ne vont pas rattraper en qualité l’enseigne- ment des grandes écoles privées. La Sorbonne, par exemple, est une très belle marque qui a de grandes heures devant elle. ❙ Fondation iFRAP : Que pen- sez-vous que les organismes de la société civile, les think tanks tels la Fondation iFRAP, appor- tent au débat public ? F.  B. : les think tanks apportent des idées différentes de celles véhiculées par ceux qui repré- sentent des institutions élues ou nommées qui ont évidemment un devoir de réserve vis-à-vis des idées qui pourraient bouleverser leurs institutions. Les think tanks n’ont pas de devoir de réserve, ils sont libres par définition et peuvent tout dire. Par ailleurs, je conçois le rôle de think tank à travers le prisme que les acteurs de la société civile ont aussi une dette vis-à-vis de leur pays pour l’éducation et la culture qu’ils ont reçues. Nous avons la res- ponsabilité de transmettre intacts nos savoir-faire, notre poten- tiel de croissance et de riches- se aux générations futures. Les think tanks sont là pour garan- tir que cette transmission se fas- se dans les meilleures conditions possibles.
  • 20. 20 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s ❙ Fondation iFRAP : Êtes-vous inquiet ou confiant pour l’avenir économique de la France (finan- ces publiques, emploi, compétiti- vité des entreprises…) ? Christian Schubert : Oui, je suis inquiet pour les finances publi- ques. La France n’a pas un bon bilan en termes de réduction des déficits. Quand les taux d’inté- rêt augmenteront, la charge de la dette va devenir très importan- te. La France dépense déjà beau- coup plus pour les coûts de la dette que pour la défense, par exemple. Le problème est qu’il faut prendre des décisions dou- loureuses : coupures de dépen- ses publiques, décalage de l’âge de retraite, réduction des pres- tations sociales. Les franchises des consomma- teurs pour les prestations médi- cales et les médicaments sont encore peu importantes compa- rées à d’autres pays. Exemple : beaucoup de Français ont le droit d’aller en cure. Je ne suis pas sûr qu’il soit toujours justifié que le reste des assurés ou contribuables paient pour cela. Mais quel politicien a le cou- rage de prendre des décisions douloureuses ? Je suis plutôt déçu du gouvernement Sarko- zy. L’Élysée cale trop sa politi- que sur les sondages. Il y a trop de groupes de pression ou grou- pes d’intérêts qui sont bien orga- nisés, font grève et reçoivent ce qu’ils demandent (par exemple : chauffeurs de taxi, contrôleurs aériens, professeurs…). La compétitivité des entreprises françaises a plutôt souffert de la crise. L’abolition de la taxe pro- fessionnelle va dans le bon sens mais ne suffit pas. Elle va être remplacée par une autre « contri- bution ». Le solde n’est pas enco- re connu. Les charges sociales pour les entreprises sont enco- re trop élevées, surtout quand il s’agit d’emplois qualifiés. En plus, les entreprises de moyen- ne et petite taille doivent déve- lopper une culture plus offensi- ve, orientée non seulement vers l’export mais aussi vers l’investis- sement à l’étranger, surtout dans les pays avec une forte croissan- ce. La culture entrepreneuriale doit changer. Il est inutile que certains écono- mistes se plaignent du modèle allemand parce qu’il se concentre trop sur l’export. C’est comme si Nokia se plaignait qu’Apple vende trop d’iPhone. Personne n’empêche les entreprises fran- çaises d’exporter plus. ❙ Fondation iFRAP : Le rôle des entreprises dans notre pays vous semble-t-il perçu à sa jus- te valeur par l’opinion publique française ? C.  S. : Même après cinq ans en France, je suis encore éton- né de voir comme les entrepre- neurs français sont si peu appré- ciés par l’opinion publique. Les séquestrations de certains mana- gers en disent beaucoup. La plu- part des entrepreneurs pren- nent énormément de risques, travaillent beaucoup et portent beaucoup de responsabilités. Quand ils réussissent, ils méri- tent de gagner beaucoup d’ar- gent. Avec la crise financière, l’image des entrepreneurs s’est encore détériorée en France. Mais les banquiers responsables de la crise n’étaient pas de vrais entrepreneurs, ils ont plutôt agi comme des gens qui ne craignent pas les conséquences de leurs décisions. C’est l’inverse d’un entrepreneur. D’ailleurs, la crise financière n’était pas seulement causée par le secteur privé. Une mauvaise politique monétaire de la Fed, la politique immobi- lière aux États-Unis avec Fanny Mae et Freddy Mac comme ins- titutions semi-publiques qui ont subventionné les achats des mai- sons et une mauvaise régulation des marchés financiers étaient également responsables. Christian Schubert Correspondant à Paris depuis cinq ans pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, un des trois plus grands quotidiens allemands et le plus diffusé à travers le monde Il y a trop de groupes bien organisés qui font grève et reçoivent ce qu’ils demandent. Christian Schubert
  • 21. 21 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s ❙ Fondation iFRAP : Cher Mathieu Laine, on ne sait plus comment te présenter tellement tu as de cordes à ton arc ! Fort de toutes ces expériences qui te pla- cent à un carrefour d’observation privilégié, quelle est ta vision de l’état de la France aujourd’hui ? Mathieu Laine : Comme l’iFRAP nous le démontre depuis long- temps avec précision et efficaci- té, la France est, hélas, terrible- ment affaiblie par un hyper-État qui pèse sur notre économie et pénètre de plus en plus l’inti- mité de nos vies. En mettant à jour La Grande Nurserie (Éd. J.-C. Lattès, 2010, édition poche mise à jour et augmentée), j’ai pris la mesure de la montée en puissance redoutablement effi- cace de « l’État nounou ». En à peine quatre ans, c’est étonnant comme le maternage public s’est infiltré, sans provoquer de réel- le résistance, dans notre quo- tidien. «  Ne fais pas ci, ne fais pas ça » ; le « tout interdit » est devenu notre devise. La sacra- lisation du principe de précau- tion tue sournoisement l’inno- vation, l’esprit d’entreprise et le goût du risque. Dans un mon- de extrêmement compétitif, il est urgent de prendre la mesu- re des effets pervers du délire de précaution et des méfaits de l’hyper-intervention. Le plus gros obstacle est incontestablement le poids et le pouvoir de blocage de l’administration. Mathieu Laine Auteur de La Grande nurserie, avocat, essayiste, éditorialiste, entrepreneur et Maître de conférences à Sciences Po ❙ Fondation iFRAP : Le pouvoir de l’administration du secteur public et de l’État en général vous sem- ble-t-il plus important en France que dans les autres pays ? C. S. : Le pouvoir de l’adminis- tration, du secteur public et de l’État en général est plus impor- tant en France que dans beaucoup de pays. Par exemple, l’Inspection du travail qui contrôle si on ne tra- vaille pas trop est assez unique. Cela garantit un certain niveau d’égalité ou de qualité des infras- tructures, mais une administration publique puissante peut chasser aussi les acteurs clés d’une écono- mie et les investisseurs, par exem- ple comme avec l’ISF. ❙ Fondation iFRAP : Que pen- sez-vous que les organismes de la société civile, les think tanks tels la Fondation iFRAP, appor- tent au débat public ? C. S. : Je trouve que la Fonda- tion iFRAP ou l’Institut Montai- gne font un bon travail. Mais il faut avoir des think tanks enco- re plus puissants. Aujourd’hui, ils ne sont pas assez écoutés. Peut-être les entreprises doi- vent-elles aussi prendre un rôle plus important. Mathieu Laine
  • 22. 22 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 e n t r etie n s ❙ Fondation iFRAP : Dans ton livre Post politique, tu évoques le pouvoir très réduit de nos res- ponsables politiques. Pourtant, ils pourraient, s’ils le souhaitaient, impulser encore plus de réfor- mes essentielles. Qui (ou qu’est- ce qui) les freine, selon toi ? M.  L. : Trop de politiques sont enfermés dans le «  court-ter- misme  », l’excès de pragmatis- me, le relativisme (toutes les idées se valent) et le victimis- me. Ils manquent cruellement de vision, pour ne pas dire de convictions, et pensent, à tort, que c’est ce que les électeurs attendent d’eux. Ils oublient que si l’on vote pour eux, c’est pour qu’ils agissent, avec pédagogie et détermination, pour libérer le pays de ses pesanteurs. Je ne leur demande pas, bien entendu, de s’enfermer dans une vision purement doctrinale, mais il ne faut pas pour autant se dépar- tir des valeurs et des promesses de rupture par excès de « réalis- me » ou calcul politicien. Qu’ils assument également qu’ils ont de moins en moins le pouvoir de nous sauver. Redonner le pou- voir à chacun d’entre nous et redéfinir l’interventionnisme du nouveau monde : voilà un beau programme. Hélas, trop de poli- tiques souffrent d’inculture éco- nomique et sont persuadés que la France n’est pas réformable. Ils se trompent et nous allons leur prouver. ❙ Fondation iFRAP : En quoi penses-tu que les think tanks indépendants comme la Fonda- tion iFRAP ou d’autres peuvent contribuer à changer la donne et impulser les réformes essen- tielles pour que la France rede- vienne compétitive ? M. L. : La bataille des idées est un préalable indispensable aux succès politiques et aux réformes audacieuses. Les think tanks et les fondations comme la Fonda- tion iFRAP ont un rôle crucial à jouer. Votre travail et votre mon- tée en puissance, que je salue et que j’admire, me rendent pro- fondément optimiste. ❙ Fondation iFRAP : Quelles sont, pour toi, les réformes les plus urgentes à mener en Fran- ce ? À quelle échéance ? M.  L. : Vaste programme ! La refonte totale du droit du tra- vail, en parallèle d’une réforme du statut de la fonction publi- que, sur laquelle je rejoins les propositions de la Fondation iFRAP, serait un signal très fort d’une France qui a compris les vertus, pour tous, de la souplesse et d’une confiance accrue entre employeurs et employés. Sans oublier, dans le même temps, une authentique révolution fis- cale. Tout cela, porté avec péda- gogie et en tenant compte des bouleversements provoqués par la crise que nous traversons et des exigences très fortes de com- pétitivité qu’impose, pour notre bien, la mondialisation. ❙ Fondation iFRAP : Quels sont, selon toi, les plus gros obsta- cles au changement dans notre pays ? M. L. : Le plus gros obstacle est incontestablement le poids et le pouvoir de blocage de l’ad- ministration. Le conservatisme de droite et de gauche sur un trop grand nombre de sujets ne nous aide pas non plus. Quant à la quasi-cogestion du pays avec la CGT, elle n’a rien de rassurant… ❙ Fondation iFRAP : Au-delà du constat assez négatif que l’on peut faire sur la France aujourd’hui, quel «  moteur  » te conserve toujours aussi optimiste ? M. L. : Je suis profondément et structurellement optimiste ! Sans doute parce que je crois infini- ment en l’homme. La capaci- té des individus à avancer vers le progrès est considérable. En réalité, si l’on regarde l’Histoire, nous avons déjà eu bon nombre de victoires. Avec la Fondation iFRAP et tous nos amis et alliés, travaillons ensemble au triom- phe de nos belles idées ! Elles sont enracinées dans le bon sens et porteuses de tant de réussites. À terme, nous ne pouvons pas ne pas gagner. ❙ Fondation iFRAP : Quel serait le message que tu voudrais délivrer à tous ceux qui se sou- cient de la création de riches- ses et du contrôle de la dépen- se publique ? M. L. : Le message que je veux leur passer est clair : il y a beau- coup à faire et, même si tout ne semble pas toujours aller dans la bonne direction, il faut rester convaincus de nos idées et tou- jours plus les défendre. Je vois émerger une nouvelle génération de talents qui, formée par nos maîtres, doit redonner de l’es- poir à ceux qui s’essoufflent. Il faut soutenir plus que jamais les initiatives efficaces et les éner- gies porteuses de liberté ! La Fondation iFRAP est très clai- rement au premier poste de ce mouvement qui, j’en suis cer- tain, finira par s’imposer. L’édition poche actualisée et augmentée de cet essai prémonitoire. Souvenez-vous: il fut un temps où l’on pouvait fumer une cigarette dans un bar en buvant un café crème; où l’on pouvait rouler à 51 km/h en ville sans subir aussitôt la foudre d’un radar; un temps où Tintin au Congo n’était pas mis à l’isolement; où personne n’aurait osé effacer la pipe de M. Hulot sur l’affiche du célèbre film de Jacques Tati; où aucune loi n’imposait un CV anonyme aux entre- prises; où aucun plan de vidéosurveillance ne prévoyait, comme aujourd’hui, de tripler le nombre de caméras en deux ans; où aucune mise en garde à l’intention des femmes enceintes ne figurait sur les bouteilles de vin… C’était hier. L’esprit de précaution et le vent de l’in- fantilisation n’ont, depuis, cessé de souffler. L’État nounou, qui nous borde et nous observe, est tout-puissant, doux et attentif à combler les aléas de la vie. En nous prenant pour des enfants, il construit chaque jour davantage la «Grande Nurserie» dont nous ne pourrons bientôt plus nous échapper. À moins de refaire, d’urgence, le pari de la responsabilité. Le destin de notre société est en jeu. Mathieu Laine dirige Altermind, une société de produc- teurs d’idées pour les grandes entreprises. Avec cet essai, paru en 2006, suivi de Post-politique (2009), il est devenu l’un des analystes les plus pertinents de la société contem- poraine. 10.02.45.4578.6 Atelier Didier Thimonier -:HSMHKJ=[XYZ^Z: ISBN: 978-2-7096-3459-5 Mathieu Laine En finir avec l’État nounou   MathieuLaine La grande nurserie est parue chez JC Lattès en février 2006.
  • 23. 23 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 n u m é r o 1 0 0 Réforme de l’économie de la santé Les Français consacrent 11 % de leur PIB à la santé. Un budget plus élevé que dans les autres pays euro- péens, qui augmente vite et dont le financement n’est pas assuré. Les déficits de l’assurance-maladie et les inégalités s’accumulent, les réformes sont inefficaces,les profes- sionnels de la santé sont désempa- rés, la qualité diminue alors qu’elle s’améliore considérablement dans certains pays voisins. Améliorer la qualité et l’égalité d’accès aux soins tout en optimisant les dépenses ne peut se faire que grâce à une plus grande responsabilisation de tous les acteurs du système de santé, l’hospitalisation, la médecine de ville et les patients. L’hospitalisation représente dans son ensemble 50  % des dépen- ses de santé, soit plus de 60 mil- liards d’euros ; 50 sont consommés par l’hôpital public et 10 environ par l’hospitalisation privée. Pour- tant, les cliniques font aujourd’hui 50 % des actes hospitaliers pour des tarifs allant de 30 à 40  % moins cher. En Suède, en Allema- gne, les chaînes de cliniques ou les cliniques sont amenées à partici- per sur appel d’offres à la réfor- me des hôpitaux publics et même des CHU. Il serait désastreux pour les malades, pour les personnels de santé et pour les comptes de la Sécurité sociale de vouloir réduire le nombre de patients soignés dans les cliniques dans l’espoir de rem- plir les hôpitaux qui se vident de leurs patients.Il vaut mieux fermer les hôpitaux dangereux et confor- ter les cliniques plébiscitées par les patients plutôt que l’inverse. ➜ Société Civile n° 48, juin 2005 Hôpitaux : nos propositions Expérimentation d’une délégation de gestion d’hôpitaux publics, soit à une chaîne d’hôpitaux mutualis- tes soit à une chaîne de cliniques, comme cela se fait en ce moment au Royaume-Uni et en Allema- gne et s’est fait à Stockholm dès 2000. La mission des gestionnai- res, soumis à une charte de déon- tologie stricte, serait de restruc- turer l’offre de soins publics avec des plateaux techniques perfor- mants et de reconvertir les hôpi- taux qui n’opèrent plus et sont devenus dangereux comme cela s’est fait depuis 1999 dans les cli- niques privées dont 300 ont été fermées. Réalisation en 2012 de la conver- gence des tarifs entre hôpitaux publics ainsi qu’entre hôpitaux publics et cliniques, sans finan- cement des déficits par des sub- ventions arbitraires à des missions d’intérêt général. La médecine de ville, cloisonnée entre secteurs 1 et 2, est en but- te aux ukases tarifaires et aux contrôles tatillons de l’assuran- ce-maladie obligatoire. En impo- sant sa ligne unique, ce mono- pole interdit le développement d’autres pratiques de la méde- cine. Les mutuelles et assuran- ces complémentaires tentent de développer des alternatives, organisant la prévention et des filières de soins, fournissant des conseils et des suivis personna- lisés et encourageant des prati- Les campagnes et enquêtes de Société Civile En 1999, le numéro 1 de Société Civile sortait avec, à la une, un dossier intitulé « La vraie solution au chômage : créer des entreprises pour créer de vrais emplois ». Cette bataille, qui est celle de l’iFRAP depuis l’origine, trouvait sa place aux côtés de nouvelles enquêtes permettant à notre équipe de traiter des domaines de politiques publiques de plus en plus nombreux. Santé et Assurance-maladie, financement des syndicats, réforme de l’ENA et des grands corps, contrôle fiscal, services publics, universités, machins administratifs… Dossiers, articles et interviews ont ainsi été publiés dans les 100 derniers numéros qui, relayés par les médias, ont contribué à asseoir l’expertise et la notoriété de l’iFRAP. Voici, parmi d’autres, les campagnes et enquêtes les plus importantes de Société Civile ces dix dernières années.
  • 24. 24 Société Civile n° 100  ❚  Mars 2010 n u m é r o 1 0 0 ques médicales originales. Mais elles ne peuvent avoir délégation de gestion de l’assurance-mala- die obligatoire et donc restent des assureurs aveugles. ➜ Société Civile n° 44, février 2005 Assurance-maladie : nos propositions Expérimentation d’une assurance- maladie au premier euro auprès d’assureurs publics, mutualistes ou privés, comme aux Pays-Bas et en Allemagne. Une variété de contrats y est proposée aux assu- rés et aux professions médicales, avec des garanties précises de non- sélection des assurés et de com- pensation entre assureurs. Cette méthode a permis à l’assurance- maladie de revenir à l’équilibre tout en responsabilisant et satisfai- sant les malades et les médecins. Sur ce sujet, nous avons organi- sé un colloque intitulé « Hôpital public : quel avenir ? », en octo- bre 2005 autour de Paul-Henri Cugnenc et de Bernard Debré, et réuni des experts du monde de l’hospitalisation. Issus du secteur public et pri- vé, ces experts ont témoigné des réformes nécessaires pour pré- parer l’hôpital public à son ave- nir. Avec les interventions du Pr. Philippe Even, ancien doyen de la faculté Necker-Enfants mala- des, de Marie-Claude Morice, cardiologue à l’Institut Jacques Cartier, de Jean-Marie Fessler, directeur des établissements de la MGEN, de Michelle Bressand, infirmière générale à l’Assistance publique, du Pr. Jean-Pierre Fou- cher, de Gérard de Pouvourville, économiste à l’Inserm, d’Alain Coulomb, directeur de la Haute autorité de santé. Par ailleurs, deux tribunes majeu- res ont également été publiées dans la presse par l’iFRAP : ❙ 07/10/2005 : « Assurance-mala- die : des rustines sur un système en faillite », tribune de Philippe François et Agnès Verdier-Moli- nié, Les Échos ; ❙ 29/09/2008 : « Le juste prix de la santé », tribune d’Agnès Ver- dier-Molinié et Philippe François, La Tribune. ➜ Société Civile n° 17, 30, 44, 48, 54, 73 – 2002, 2003, 2005, 2006, 2007 Financement des syndicats Printemps 2008, le scandale de l’UIMM éclate et remet sur le devant de la scène la question de la transparence du finance- ment des syndicats. Une situa- tion pourtant dénoncée dès 2003 par l’iFRAP dans « La dictature des syndicats ». Très vite, s’impo- se la nécessité d’obliger les syn- dicats à tenir, certifier et publier leurs comptes. Une mesure qui serait aussi l’occasion de s’inter- roger sur le rôle de nos syndicats, comparés à ceux des autres pays européens. Cette obligation implique que les confédérations syndicales et les syndicats tiennent une comptabi- lité conforme au plan comptable général, indiquant notamment l’origine des fonds, avec une dis- tinction entre les cotisations des salariés, les dons, les financements d’entreprises et les financements d’origine publique. En raison de l’importance de la mise à dispo- sition de personnels, faite tant par l’État que par d’autres opé- rateurs, il est nécessaire qu’une annexe des comptes détaille l’ef- fectif des collaborateurs mis à la disposition du syndicat par des organismes extérieurs ainsi que l’origine et le coût budgétaire complet par catégorie d’origine de ceux-ci pour l’exercice. En 2008, à l’occasion du dépôt d’une proposition de loi pour la publication des comptes des syndicats, Agnès Verdier-Moli- nié et Philippe Cochet, député UMP du Rhône, signaient dans Le Figaro une tribune intitulée « Représentativité et finance- ment des syndicats : attention à la politisation ! ». Après plusieurs années d’enquê- tes dans Société Civile, le vote de la loi portant rénovation de la démocratie sociale en août 2008 a reconnu cette nécessité et intro- duit que : « Les syndicats profes- sionnels (…) sont tenus d’établir