Guide du Medef sur la Responsabilité sociétale des entreprises
Entreprendre - Mai 2014 - Gauthier Hecq
1. DOSSIER PME
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Quel lien entre performance et
gouvernance d’entreprise ?
Laquestionétaitaucœurd’unprojetderecherchemenéfin2013àl’initiativeduSolvayAlumniGovernance
Club,avec le soutien de BECI.Au fil d’interviews et de tables rondes,six étudiants ont rencontré des patrons
de PME bruxellois interrogés sur leur vécu et leurs pratiques. À travers la multiplicité des approches, c’est
surtout la complexité de la relation gouvernance/performance qui apparaît.
L
es entreprises qui ont fait l’objet
de l’étude – toutes des PME bruxel-
loises – n’ont pas été choisies au
hasard. Elles ont été sélectionnées
parmi les entreprises du Belfirst de 20 à
50 salariés, présentant la particularité
d’avoir sous-performé avant 2007 (avec
des bénéfices inférieurs à la moyenne
de leur secteur) et surperformé depuis.
S’y sont ajoutées quelques entreprises
sélectionnées par BECI pour la valeur
ajoutée qu’elles pouvaient apporter à
l’étude. Au total, quinze chefs d’entre-
prise ont accepté d’y prendre part. Un
nombrelimitéqui,parlaforcedeschoses,
a exclu l’étude quantitative. Son intérêt
réside surtout dans le partage d’expé-
rience des personnes de terrain.
La présentation des résultats, le 4 mars
dernier à la Solvay Business School,était
suivie d’un débat avec Thierry Deleuze,
administrateur de sociétés,Étienne Rigo,
administrateur délégué d’Octa+ (l’un des
participants à l’étude),et Olivier Willocx,
administrateur délégué de BECI.
Cinq thématiques
Le premier constat de nos étudiants est
celui de la multiplicité des définitions
et des avis parmi leurs interlocuteurs :
difficile, voire impossible de distinguer
un « fil rouge » - ce qui est en soi un ensei-
gnement. Il n’y a pas de « recette » pour
garantir le succès…
Ils ont cependant dégagé cinq grandes
thématiques, respectivement liées au
cœur de métier,à la remise en question,
aux ressources humaines, à la commu-
nication et à la relation client. Avec,
pour chacune d’entre elles, quelques
principes-clés de gouvernance tirés des
conversations ou des débats avec les
chefs d’entreprise.
Dans le cœur de métier,d’abord : savoir
choisir ; rester cohérent ; optimaliser ;
intégrer les contraintes (réglementaires,
économiques)... L’un des chefs d’entre-
prise interrogés par les étudiants a re-
gretté d’avoir connu « trop de réussite » :
« On a lancé plein de pistes en même
temps.Le problème,c’est que tout a fonc-
tionné. » La PME, qui n’a pas les moyens
de démultiplier ses activités, doit alors
faire des choix pour ne pas s’étouffer.Un
avis confirmé, lors du débat public, par
Étienne Rigo (Octa+) : « Si j’ai une vision
personnelle, c’est celle d’une croissance
maîtrisée,étape par étape,quitte à laisser
passer des occasions. »
La remise en question s’impose comme
une vertu cardinale pour le chef de PME.
C’est un autre point fort qui est ressorti
des interviews : le chef d’entreprise est
trop souvent enclin au péché d’orgueil ;
il n’est pas inutile pour lui de s’adres-
ser à un référent. Comme le remarque
Olivier Willocx, le chef d’entreprise est,
par nature,quelqu’un qui a une certaine
estime de soi…
Thierry Deleuze a relevé, lors du débat,
que les patrons de PME belges semblent
peu sensibles à l’intérêt de se faire coa-
cher :« Ils considèrent les coachs comme
des farceurs. » De même, ils doivent
éviter de choisir leurs partenaires par
affinités : « On a tendance à collaborer
avec des gens qui nous ressemblent,
alors qu’on devrait travailler avec des
personnes complémentaires »,observait
l’un des interviewés.
Autreenseignementdel’étude :lesentre-
prises belges semblent peu enclines à la
veille concurrentielle. Thierry Deleuze
parle d’un « manque de réactivité » :
« L’ignorance des opportunités technolo-
giques est une grosse lacune dans beau-
coup de nos entreprises. Ce n’est plus ac-
ceptable.» Un mot enfin de l’innovation :
elle est certes difficile pour les PME,mais
vitale.Il faut lui consacrer le temps et les
moyens nécessaires.
Les ressources humaines constituent po-
tentiellement un point fort pour les PME,
plus proches de leur personnel.Favoriser
un climat de collaboration est essentiel :
« Les employeurs qui ne sont pas corrects
avec leurs employés font partie du passé :
le patronat a compris qu’il faut collaborer
davantage avec tout le monde »,déclarait
un participant. Promouvoir la partici-
pation, valoriser l’apport individuel et
déléguer sont ici les maîtres-mots.« Pour
bien déléguer, il faut avoir une idée très
précise de ce que l’on veut :bien définir ses
besoins et les qualités qu’on attend d’une
personne pour nous remplacer »,estimait
un chef d’entreprise. « Mais attention »,
prévient Étienne Rigo : « Pas de déléga-
tionsanscontrôle. »Etilajoutequel’onne
délègue jamais aussi bien que lorsqu’on
a assumé soi-même la tâche en question.
Enfin, certains chefs d’entreprise ont
insisté sur le respect des valeurs, qui est
aujourd’hui une demande forte de la part
des collaborateurs.
N°05-MAI2014-ENTREPRENDRE
Olivier Willocx (BECI) et Étienne Rigo (Octa+).
(photo:ChaoCheng)
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N°05-MAI2014-ENTREPRENDRE
DOSSIER PME
Quatrième thème : la communication
requiert une bonne dose d’optimisme.
C’est lui qui alimentera l’image forte de
l’entreprise. La cohérence est un autre
axe important de la communication :
pour éviter les turbulences, mieux vaut
dire la même chose à tous les niveaux
et utiliser un vocabulaire adéquat. « Il
faut avoir une main de fer dans un gant
de velours. Et le gant de velours doit être
plus épais que par le passé »,observait un
restaurateur interrogé. Sur ce chapitre,
lesétudiantsconcluentglobalementàun
manque de stratégie de communication
dans les PME.
La relation client, enfin, est une dimen-
sion essentielle de la gestion d’entreprise
– quelle que soit sa taille, d’ailleurs. Elle
implique d’être à l’écoute, de cultiver le
relationnel et d’accorder de l’importance
aux détails. Un mot d’ordre s’impose : il
ne faut jamais ignorer le feedback néga-
tif, mais au contraire l’exploiter. C’est ce
qui permet à l’entreprise de progresser :
« La gestion des insatisfactions est à mon
goût une grosse opportunité de business »,
estimait ainsi cet entrepreneur du sec-
teur de la construction.
Installer des niveaux de pouvoir
Ledébatpublicquiasuivilaprésentation
s’est plus spécialement concentré sur la
gouvernance au sens strict et sur la rela-
tion entre le chef d’entreprise,le conseil
d’administration et les actionnaires.Un
aspect que l’on peut rapprocher de la
« remise en question» abordée plus haut.
« À un moment, la PME qui grandit va
recevoir des actionnaires.C’est un choc »,
souligne Thierry Deleuze. « C’est une
question de taille »,observe Étienne Rigo.
« Jusqu’il y a peu, j’étais l’homme à tout
faire dans ma société. Si on veut assurer
une pérennité,il faut mettre en place des
niveaux de pouvoir. »
La relation entre ces niveaux de pouvoir
est complexe et dépend du niveau de dé-
veloppement de l’entreprise,observe Oli-
vier Willocx :« Dans les PME et les TPE,le
patron a souvent une relation fusionnelle
avec son entreprise. Partager le pouvoir
est donc une chose très difficile… C’est un
rapport qui doit évoluer.Nous avons tous
du mal à nous limiter et à réaliser que
notre volonté ne suffit pas. » D’où l’im-
portance de s’entourer, même très tôt,
d’un conseil d’administration qui pourra
apporter une vision stratégique,là où la
direction d’entreprise est trop souvent
accaparée par la gestion quotidienne.
« Dans les PME familiales », ajoutait
encore Étienne Rigo, « la présence des
actionnaires au conseil d’administration
peut être un plus.S’ils peuvent appuyer le
management,c’est un renfort important.
Cela évite que les grandes décisions soient
prises seulement par des administrateurs
externes. »
Emmanuel Robert
Thierry Deleuze.
LeprojetderechercheétaitmenéparsixétudiantsduSolvayStudentConsulting
Club, dont quatre étudiants en gestion de la Solvay Business School et deux
étudiants de l’École polytechnique de l’ULB, dans une approche multidiscipli-
naire. Nous avons demandé à certains d’entre eux ce qu’ils avaient retiré de
cette expérience :
Jonas Frojmovics : « Le contact privilégié que nous avons eu avec les CEO a été
extrêmement enrichissant. Ils nous ont répondu avec beaucoup de franchise. »
Gaëtan Coenraets: « Au final,on a récolté énormément de bons conseils.La ques-
tion de l’orgueil, qui est ressortie des discussions, n’est pas propre au monde de
l’entreprise. Elle se pose aussi à l’Université, dans la vie, partout… »
GauthierHecq:«Lecontactdirectoffreuneapprocheduterrainquinousmanque
encore. On a retiré de ces rencontres beaucoup de soft skills qu’on n’apprend pas
à l’Université. »
De gauche à droite : Jonas Frojmovics, Gaëtan Coenraets et Gauthier Hecq.
(photo:ChaoCheng)
(photo:ChaoCheng)
3. Mai 2014 • n° 05
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Magazine mensuel de Brussels Enterprises Commerce & Industry
Table ronde : la diversité dans l’entreprise
Mohammed Mechbal (Mia Trading) :
« Combien de temps doit-on rester un immigré ? »
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