1. 2012
132016
17
Appli>société
réalité Virtuelle
vs Augmentée
Aux frontières du réel
Valeurs Discrètes
Portraits de
chercheurs
Face/Profil : Alexis Toullat
Passerelles
start-up
De l’invention
à l’innovation
un an de recherche au centre inria Bordeaux _ sud-ouest
plug’inmagazine
5
3. 1967 – 2017. Inria célèbre cette année
50 ans de recherche française en sciences
du numérique : 50 ans empreints de passion,
d’expérimentations et d’innovations ;
50 ans marqués par les femmes et les
hommes qui ont forgé notre monde et
façonnent la société numérique de demain.
C’est l’occasion de fêter les réalisations
remarquables et de me tourner avec vous,
sereinement, vers les défis de demain.
L’excellence scientifique de l’institut a été
notamment incarnée cette année par un
de nos chercheurs qui a décroché la presti-
gieuse et sélective ERC (European Research
Council) « Starting Grant », la quatrième « ERC Grant » du centre Inria
Bordeaux – Sud-Ouest. Les moyens alloués vont lui permettre de mener
pendant cinq ans une recherche exploratoire sur les technologies
d’interaction cerveau/ordinateur. Un parcours exemplaire qui ouvre
la voie à d’autres candidats qui souhaiteraient se lancer dans cette
aventure tout autant humaine que scientifique.
Je me réjouis également des résultats probants côté transfert grâce
aux liens forts que nous entretenons avec nos partenaires d’une part,
et à la mise en place de solutions inédites d’autre part. En effet, nous
avons expérimenté en 2016, le premier « Inria Innovation Lab », un
dispositif de partenariat renforcé entre une PME et une équipe-projet
commune. Cette collaboration « gagnant-gagnant », née de l’asso-
ciation originale des mathématiques et de la viticulture, sera natu-
rellement à étendre à d’autres secteurs. Parmi les succès, nous avons
également assisté à la floraison de la troisième jeune pousse du centre.
Issues de projets disruptifs et ambitieux, nos start-up représentent
des moteurs essentiels à la compétitivité de la région. De nouvelles
initiatives se créent chaque jour, illustrant le fort potentiel de diffusion
des sciences du numérique dans la société.
Je vous propose maintenant de découvrir un instantané des projets de
recherche de nos équipes et partenaires qui nous offrent, chaque jour,
la possibilité de nous réinventer et d’imaginer ce que sera le bouillon-
nement numérique de demain.
Monique Thonnat
Directrice du centre de recherche
Inria Bordeaux – Sud-Ouest
ÉDITO
4. 4
magazine
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Vous qui jouez un rôle important dans la stratégie de la ville de
Bordeaux, quelles sont les actions engagées pour inciter les jeunes
bordelaises et bordelais à participer au développement de l’ère
numérique ?
Les jeunes, qu’il s’agisse d’enfants jouant avec des tablettes, d’étudiants
ou encore de jeunes salariés, vivent désormais dans un monde connecté
où la rapidité de l’information et la propagation de l’émotion sont deux
caractéristiques structurantes. Il nous appartient d’intervenir, à notre
échelle, pour que ces dispositions puissent se convertir en atouts et
en projets qui permettent l’épanouissement individuel, l’engagement
collectif, et la création de valeurs dont nous avons besoin. Depuis
plusieurs années, les actions de la collectivité pour inviter les jeunes à
être acteurs de cette économie de l’innovation, et plus largement de
cette société ouverte et connectée, prennent plusieurs formes.
Créer l’inspiration et l’envie, cela passe tout d’abord par des actions tout
au long de l’année, comme faire connaître les métiers du numérique aux
lycéens, en organisant des « tandems » étudiant-salarié qui viennent
expliquer leur quotidien aux élèves. C’est aussi organiser des « jobs
meetings », dans le cadre de la French Tech, ou préparer le développe-
ment des industries créatives en lien avec la Cité Numérique.
Mais susciter le déclic passe aussi par des événements, où règne un
climat électrique qui donne envie d’en savoir plus : la Nuit de l’Innova-
tion par exemple, dans le cadre de la Semaine Digitale, qui a regroupé
3 000 jeunes lors de sa dernière édition. Ce sont les jeunes qui, dans leurs
nouvelles manières de travailler inspirées de l’exemple du Web, dans ces
nouveaux lieux où ils déploient leurs ordinateurs portables autour d’un
café, dans cette habitude d’échanges en réseau, élaborent au mieux,
et de manière très spontanée, cette société connectée et ouverte que
nous voulons préparer avec eux.
Virginie Calmels
Adjointe au maire de Bordeaux, en charge de
l’économie, de l’emploi et de la croissance durable
L’éducation et la sensibilisation des jeunes
sont devenues des enjeux majeurs pour le développe-
ment des sciences du numérique dans nos sociétés :
5. 5
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La transformation numérique fait partie d’un des quatre enjeux
sociétaux d’avenir pour lesquels Bordeaux INP1
a choisi de se mobiliser
et d’affirmer son expertise scientifique et technologique au cours
des prochaines années. Dans ce domaine, nous entretenons des liens
étroits avec le monde socio-économique, les organismes de recherche
et nous nous impliquons activement dans des pôles de compétitivité et
clusters. Un écosystème riche, auquel viennent s’ajouter, au cœur de nos
écoles, l’hébergement de start-up du numérique et la mise en place d’un
FabLab numérique : « EirLab ». De quoi garantir le continuum Formation
– Recherche – Innovation et offrir à nos étudiant-e-s l’opportunité de
participer à des projets multidisciplinaires, à la naissance de vocations
d’entrepreneurs et d’être acteur.rices de la transformation numérique en
cours.
Il est aujourd’hui essentiel de faciliter l’accès aux filières du numérique
pour les jeunes filles. En effet, la transformation numérique impacte
les femmes et les hommes de toutes les filières d’ingénieur-e-s et doit
donc être coportée et coconstruite. L’évolution des effectifs féminins
dans les formations et les métiers d’ingénieurs est une préoccupation
fondamentale. Si, à Bordeaux INP, le taux de jeunes femmes diplômées
du titre d’ingénieure est de 35% en moyenne par an, elles sont encore
trop nombreuses à penser qu’elles n’ont pas leur rôle à jouer dans la
transformation numérique. C’est pourquoi, au niveau national, la CDEFI2
a mis en place le concours « Ingénieuses » en 2011, avec pour objectifs
de promouvoir l’ingénierie auprès du public féminin, de lutter contre les
idées reçues et de susciter des vocations d’ingénieures chez les jeunes
filles. Il récompense chaque année des ingénieures en formation ou de
métier ainsi que les établissements les plus mobilisés.
François Cansell
Directeur général de Bordeaux INP / Président de la CDEFI
1
Bordeaux INP et ses écoles partenaires :
un groupe d’écoles d’ingénieurs publiques en Nouvelle-Aquitaine
2
Conférence des Directeurs des Ecoles Françaises d'Ingénieurs
Depuis la rentrée, le numérique est dans les nouveaux
programmes scolaires ; quelles actions sont déployées pour favoriser
le développement des vocations et l’accès aux filières scientifiques
aux jeunes femmes ?
6. 6
magazine
appli > société
Aux frontières
du réel
Que l’on ait succombé ou non au phénomène Pokémon Go, la communauté
d’experts s’accorde à constater que l’application à succès a largement contribué
à démocratiser la réalité augmentée à travers le globe. Plus récente que la réalité
virtuelle, c’est une technologie tout aussi prometteuse. Certains prophétisent
même son arrivée prochaine dans notre quotidien.
« Réservé » sur la longévité du
phénomène Pokémon Go et ses
attributs technologiques, Martin
Hachet, responsable de Potioc,
consent toutefois un point commun
entre le jeu et son équipe-projet.
« Tous deux favorisent la sortie
de technologies telles que la
réalité virtuelle (VR) ou la réalité
augmentée (AR), du cadre expert
et professionnel, pour migrer vers
des usages plus grand public et
partagés ». L’une des dernières réa-
lisations de Potioc illustre bien cette
coloration. Imaginée pour améliorer
la compréhension de l’optique ondu-
latoire, Hobit1
est une plate-forme
interactive qui permet de simuler
de véritables expérimentations
physiques, comme l’interféromètre
de Michelson. Ce dernier constitue,
dans sa version physique classique,
une expérience coûteuse et difficile
à mettre en place. Sur un plan
pédagogique, l’expérimentation
« réelle » avec ce type de disposi-
tif reste néanmoins indispensable.
« Hobit privilégie cette interaction
physique avec les objets optiques,
mais en remplaçant les miroirs ou
les sources lumineuses par des
répliques imprimées en 3D, équipées
de capteurs électroniques. Grâce au
numérique, on peut non seulement
simuler l’expérimentation physique
mais aussi l’augmenter avec des
informations complémentaires,
pour améliorer l’apprentissage
des étudiants », explique Martin
Hachet. Testée par une centaine
de jeunes répartis en deux groupes,
l’un effectuant l’expérience sur un
interféromètre classique, l’autre,
avec la version hybride Hobit,
l’étude a démontré
que le second groupe
acquérait un niveau de
compétences meilleur
que le premier. « Notre
but est que d’autres
IUT s’en emparent, en
France et également dans les pays
moins favorisés qui ne peuvent se
payer des bancs d’expérimentation
classique ». L’hybridation de tech-
nologies (3D, 2D, VR ou AR), reven-
diquée par Potioc situe l’équipe à
la croisée du numérique, du design,
de l’électronique et des sciences de
l’éducation.
Transdisciplinaire, Manao l’est
aussi. L’équipe-projet, fondée en
2012 sur le postulat de la conver-
gence du monde numérique et du
monde réel, rassemble des cher-
cheurs en sciences du numérique
et de l’informatique, en physique
et en optique. La vision de Xavier
Granier, responsable de l’équipe,
n’a pas été démentie : la distance
entre les deux mondes se réduit.
Manao y prend part en interro-
geant les phénomènes physiques
du monde réel pour les restituer
dans le monde numérique. « Pour
acquérir et simuler un objet réaliste
et précis, nous cherchons à carac-
tériser sa forme et
ses propriétés de
réflexion, c’est-à-dire
comment sa matière
réfléchit la lumière »,
précise ce chercheur,
professeur à l’Institut
d’Optique Graduate School. Manao
collabore actuellement avec le
musée d’Ethnographie de Bordeaux.
« Certains des vêtements de leur
collection datent du XIXe
siècle.
Nous réfléchissons à un disposi-
tif qui permette de les éclairer, en
respectant les impératifs de pré-
servation. Pour ceux qui ne sont
pas exposables au grand public,
l’idée est de proposer un fac-similé
numérique, sur la base de modèles
3D, par exemple2
. » L’équipe-projet
s’était déjà fait connaître pour sa
participation aux côtés d’archéolo-
Améliorer
l’apprentissage
des étudiants
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7. 7
gues, dans le cadre d’un projet de
recherche, pour faire « revivre » les
colosses du Phare d’Alexandrie ou
bien encore, pour restaurer l’appa-
rence du buste d’Akhenaton dont
les couleurs avaient été lavées
par le temps. Selon Xavier Granier,
d’autres domaines que patrimo-
niaux pourraient être concernés
par les travaux. Or, analyse-t-il,
« nous avons la chance d’être
sur un secteur très porteur, et la
malchance que les solutions que
nous pouvons proposer semblent
en dessous technologiquement de
celles qui semblent exister dans les
communications commerciales. » Si
reproduire des images de synthèse
ou de réalité augmentée reste le
cœur scientifique de l’équipe-pro-
jet, de nouveaux partenaires clés de
Manao sont identifiés. Ils se situent
parmi les acteurs du domaine de
l’affichage, au sens des disposi-
tifs restituant une image en 3D,
et par extension un monde en 3D
virtuel. « L’horizon de recherches
y est important. » Pour que le rêve
devienne réalité, il reste à Manao à
acquérir une notoriété plus grande
encore…
1
Hybrid Optical Bench for Innovative
Teaching - https://project.inria.fr/hobit
2
Pour plus d’informations, lire le «.Zip
Optique» page 30
HOBIT (Hybrid Optical
Bench Innovative
Teaching) :
Interféromètre de
Michelson augmenté
https://team.inria.fr/potioc/fr/
http://manao.inria.fr
appli > société►►
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8. 8
magazine
.ZIP
AéRONAUTiQUE
Des moteurs d’avions plus propres
En septembre, l’équipe-projet Cagire a rejoint
Soprano, un programme de recherche européen
piloté par SAFRAN qui regroupe les principaux mo-
toristes aéronautiques. L’objectif est de réduire la
quantité de suie produite par les moteurs d’avions
et donc de limiter leur impact environnemental.
L’équipe-projet Cagire, basée à Pau, va travailler plus
spécifiquement sur les propriétés thermiques des
paroisdelachambredecombustion,élémentessentiel
pour maîtriser la production de suie. « Pour être per-
formant et moins polluant, le moteur doit atteindre
une température très élevée qui risque de faire fondre
les matériaux, explique Rémi Manceau, chercheur
dans l’équipe Cagire. Il faut donc introduire de l’air
frais dans le moteur. Cela produit des écoulements
turbulents qui refroidissent les parois des chambres
de combustion. Au sein de l’équipe nous étudions ces
phénomènes physiques complexes depuis près de dix
ans. » Les calculs réalisés par Cagire permettront aux
industriels de réaliser eux-mêmes des simulations
numériques d’écoulements turbulents très précises
pour, à terme, concevoir des moteurs plus propres.
http://cagire.bordeaux.inria.fr
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mooc
Handicap et accessibilité
numérique
Comment favoriser l’accès des personnes en situa-
tion de handicap au monde numérique ? Tel est
l’objet de ce MOOC réalisé par Inria dans le cadre
du projet IDEFI uTOP (université de technologie
ouverte pluripartenaire). De nombreuses solutions
techniques permettent aux personnes en situation
de handicap (PSH) de lire un document texte ou de
surfer sur Internet. Ces aides technologiques de-
meurent pourtant méconnues et peu utilisées. C’est
pourquoi, Pascal Guitton (équipe Potioc) et Hélène
Sauzéon (équipe Phoenix), tous deux professeurs à
l’université de Bordeaux, ont conçu un cours présen-
tant les différents outils de l’accessibilité numérique
et leurs méthodes de conception. Afin de rendre le
contenu de ce cours accessible au plus grand nombre
et notamment aux PSH d’origine cognitive, un lec-
teur multimédia spécifique a été développé par Inria.
Ce cours, ouvert à tout public, est disponible depuis
la plate-forme France Université Numérique. Une
première session a été ouverte en novembre 2016
avec plus de 3 500 inscrits, une seconde est prévue
courant 2017.
https://www.fun-mooc.fr/courses/
inria/41012/session01/about
9. 9
.ZIP
http://geostat.bordeaux.inria.fr
au sénat
GeoStat & Batvoice Technologies :
un projet qui donne de la voix
Depuis quatre ans, la start-up Batvoice Technolo-
gies travaille en étroite collaboration avec l’équipe-
projet Geostat. Grâce aux travaux de recherche
de Khalid Daoudi (membre de l’équipe) portant sur
les nouvelles technologies issues du traitement du
signal « parole », l’entreprise a pu concevoir un disposi-
tif capable d’identifier un panel d’émotions et de com-
portements humains à partir d’une voix enregistrée.
Ce système, fonctionnel mais encore perfectible,
représente déjà une avancée technologique majeure.
Il a d’ailleurs permis à Batvoice Technologies d’être
lauréate du concours « Tremplin Entreprises 2016 »
et de présenter son prototype lors de la remise des
prix au Sénat, en juin 2016. Il est aujourd’hui question
de lancer la deuxième phase de recherche dans l’ob-
jectif de perfectionner encore le prototype initial.
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magazine
INTéGRALE
Le doctorat,
moyen ou fin ?
Sur 360 collaborateurs, Inria Bordeaux _ Sud-Ouest compte
une centaine de doctorants. Environ un tiers de jeunes cher-
cheurs s’engage donc pour trois ans de thèse, sur des tra-
vaux scientifiques qui concourent à la vitalité et à la renom-
mée internationale de l’institut. Le plus élevé des grades
universitaires est-il un passage obligé dans la carrière d’un
chercheur ? Quelle cote a-t-il en France et ailleurs dans le monde ?
La thèse, au rapport !
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11. 11
INTéGRALE
Q
ue serait Inria sans les doc-
torants ? À cette question,
Emmanuel Jeannot, directeur
de recherche dans l’équipe-
projet Tadaam et responsable de
la Commission Jeunes Chercheurs
(CJC), pour le centre, répond sans
hésitation. « Pas grand-chose ! Ils
font vivre l’activité de recherche
de la plupart des équipes. Celle de
Tadaam, par exemple, leur est, aux
trois-quarts, liée. » Produire de la
recherche contribue évidemment
à produire de la connaissance et
à renforcer les compétences des
équipes. L’excellence scientifique
du centre porte leur empreinte,
comme son dynamisme et sa recon-
naissance internationale. L’inverse
est aussi vrai. « En dépit d’une
forte concurrence entre labora-
toires, souligne Emmanuel Jeannot,
dont les très grands aspirent les
très bons candidats, Inria tire
avantageusement son épingle
du jeu grâce à sa renommée, en
France et à l’étranger. » Dans la
majorité des cas, ceux-ci postulent
auprès d’un directeur de thèse qui
a diffusé un sujet, via le réseau
des écoles doctorales, d’Inria ou
le leur. « C’est une fois que les
deux – thésard et directeur de
thèse – se sont "choisis " que nous
examinons, à notre tour, leur candi-
dature, poursuit le responsable de
la CJC, composée d’une dizaine de
chercheurs et d’enseignants-cher-
cheurs. Notre rôle est de représen-
ter la direction du centre, en nous
prononçant sur la qualité de leur
profil. Il est aussi d’accompagner
les doctorants tout au long de leur
thèse. L’alchimie réussie tient à
de nombreux facteurs : le niveau
de passion du candidat, la relation
entre ce dernier et le directeur de
thèse, la gestion des hauts et des
bas, qui font partie du parcours
normal lors d’un travail de longue
haleine tel que la rédaction d’un
travail de recherche, les doutes…
et tous sont aussi fluctuants qu’in-
sondables à l’avance. Cela impose
donc une présence et un soutien
à la demande, que nous tâchons
d’apporter au mieux. »
À l‘interface de l’université dont
elles dépendent, huit écoles doc-
torales existent à Bordeaux dont
deux en lien avec Inria, par la nature
de leurs disciplines : SP2 (Sociétés,
Politique, Santé Publique) et EDMI
(Mathématiques, Informatique).
« Nous avons également pour
rôle de proposer des formations,
indique Nicolas Hanusse, directeur
de l’EDMI. Le recul, l’esprit critique,
l’habitude de présenter, de syn-
thétiser, de rédiger ; tout cela
s’apprend. Nous leur expliquons
qu’il faut se former tout au long
de la vie, aussi bien sur leur sujet
(mathématiques appliquées, infor-
matique quantique…), qu’en dehors
(pédagogie, vulgarisation scien-
tifique, entrepreneuriat…). » Les
écoles doctorales ont aussi la main
sur le financement d’un quota de
thèses qu’elles suivent. Les autres
sont subventionnées par les col-
lectivités (le conseil régional, par
exemple), les programmes de re-
cherches nationaux ou européens
ou les entreprises (thèses Cifre).
Sur les 25 à 30 nouvelles thèses
initiées chaque année au sein
de l’institut, quelques bourses
sont spécialement réservées aux
candidats résidant hors Aquitaine
et hors de France « pour favoriser la
mobilité des équipes et le brassage
de compétences. » Dans l’accueil de
doctorants étrangers, Inria cherche
aussi à promouvoir tout un écosys-
tème vertueux. L’idée est de mailler
dans le temps un réseau de cher-
cheurs avec lesquels monter des
équipes de recherche collaborative
ou qui puissent accueillir des post-
doctorants. L’EDMI y contribue
aussi largement. « Bordeaux est
Emmanuel Jeannot
Responsable de l’équipe-projet
Tadaam et responsable de la CJC
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12. 12
magazine
reconnue à l’international dans
le domaine de l’informatique
théorique, assure Nicolas Hanusse.
Nous faisons énormément de
publicité sur les sujets de thèse.
Des candidatures arrivent de la
planète entière ! Le mouvement va
s’intensifier à l’échelle de l’univer-
sité. »
Concurrence mondiale, langue
anglaise de rigueur… cette colora-
tion internationale est indubitable-
ment l’une des grandes plus-values
de ce diplôme de doctorat. « Pour
avoir le plus d’opportunités, mais
aussi de liberté, en France et à
l’étranger, dans le privé ou dans le
public, notamment dans le domaine
de l’informatique à haut niveau, pas
d’autre possibilité que celle d’avoir
fait une thèse » ajoute Ikram
Chraibi Kaadoud, doctorante au
sein de Mnemosyne. Elle avoue
pourtant avoir longuement hésité
avant de tenter l’aventure. « L’at-
tractivité du monde industriel est
très forte auprès des ingénieurs en
informatique, constate Emmanuel
Jeannot. Un jeune ingénieur ou un
titulaire de Master trouve très vite
du travail. Au-delà du fait qu’un
certain nombre de jeunes ne sont
pas attirés par la recherche, les
hésitants peuvent abdiquer au
profitd’unsalaireenentreprise,plus
rémunérateur que celui du contrat
de thésard. » Pour le directeur de
l’EDMI, « ce choix n’est valable qu’à
court terme » (voir pourquoi dans 2
questions à…). Emmanuel Jeannot
lui, assure que « la thèse est avant
tout une aventure humaine, inédite
par les découvertes à y faire et par
l’environnement très stimulant à la
frontière de connaissances diffé-
rentes. »
Suscitons les vocations ! Qui mieux
qu’eux sont formés à penser les
réponses aux problèmes complexes
de nos sociétés modernes qui,
justement, convoquent la métho-
dologie du chercheur.
Pour en savoir plus
Contactez Emmanuel Jeannot
emmanuel.jeannot@inria.fr
INTéGRALE►►
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INTéGRALE►►
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Ingénieure informatique et cogniticienne, Ikram
Chraibi Kaadoud entame sa troisième année
de thèse Cifre en informatique. Elle partage
son temps entre la société basque Algo’Tech
Informatique qui la finance et l’équipe-projet
Mnemosyne, au sein d’Inria, en collaboration
avec le Laboratoire Bordelais de Recherche en
Informatique (LaBRI) et l’Institut des Maladies
Neurodégénératives (IMN). Elle y mène ses
travaux de recherche sur l’extraction et la repré-
sentation des connaissances dans le domaine
de la schématique électrique en s’inspirant des
fonctions cognitives humaines, notamment le
raisonnement et la planification. « Mener » est
le terme idoine pour cette jeune doctorante en
informatique qui a construit son projet de thèse
et décroché seule son financement. « C’est
grâce à un forum organisé par l’association
Aquidoc pour promouvoir les échanges entre
doctorants et docteurs, dans le privé, que j’ai
rencontré Algo’Tech Informatique. J’avais déjà
démarché plusieurs entreprises, sans résultat.
Avec elle, tout est allé très vite. J’ai exprimé
à son représentant que j’avais une équipe
derrière moi, que je cherchais dans le domaine
de l’informatique et des sciences cognitives.
Comme il semblait intéressé, j’ai également
proposé une rencontre pour discuter tous
ensemble. Ma thèse a démarré. » Doctorante
ultra-motivée, Ikram s’estime collaboratrice à
part entière. « Je participe activement à l’orien-
tation de cette thèse pour laquelle l’institut
comme l’entreprise ont des attentes fortes.
C’est un réel travail tripartite dans le sens où
mon point de vue a autant de poids que celui
de l’équipe de recherche et de l’entreprise. Je
ne pense pas uniquement les choses, je les
mets en œuvre, je vais au devant, je mobilise,
je les engage. Il nous faut montrer de quoi
nous sommes capables. Enfin, les clés les plus
importantes ce sont la communication, l’écoute
et la transparence mais comme dans tout
travail d’équipe. »
En février 2018, la jeune femme terminera
sa thèse. Parmi les options offertes à tout
doctorant - un «post-doc» dans un autre
laboratoire, un poste d’ingénieur de recherche
en entreprise ou la création d’une start-up -
Ikram n’a pas choisi. « Je souhaite poursuivre
dans l’informatique cognitive, là où j’identifie-
rai une belle opportunité et où je continuerai
de rencontrer des interlocuteurs différents
porteurs de projets variés. A priori plutôt dans
la R&D. »
Ikram Chraibi Kaadoud,
doctorante CIFRE au sein
de l’équipe-projet Mnemosyne
Paroles de thésarde
14. 14
magazine
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Pourquoi faire une thèse ?
Nicolas Hanusse : Parce qu’on est intéressé(e)
par un sujet, une thématique et par la recherche,
en général. Pour acquérir une expérience originale,
développer son esprit critique et des connaissances
plus pointues que celles de l’ingénieur. Il s’agit
d’une aventure humaine, personnelle et collective,
vraiment enrichissante. Le titre de docteur offre en
outre plus de débouchés professionnels, en particu-
lier si l’on envisage une carrière à l’international ou
d’encadrement en entreprise.
Quelle est la cote du doctorat en France ?
N.H. : Elle évolue doucement, notamment sous
l’impulsion de grands groupes français qui pèsent à
l’international, comme Airbus ou Thalès. Ils recrutent
des docteurs pour mener leurs travaux de recherche,
initier ou participer à des programmes européens et
internationaux de recherche collaborative. La voie
royale, partout dans le monde, c’est bien la thèse,
enrichie si possible d’un MBA, alors qu’en France,
elle reste l’apanage des grandes écoles d’ingénieurs,
Polytechnique en tête. Or, cette exception culturelle
française constitue un frein au rapprochement du
monde académique et de celui de l’entreprise. Aux
États-Unis, pour ne citer qu’eux, leur proximité est
bien plus grande et bien plus évidente. Au final, les
idées innovantes sont plus rapidement transférées
dans le secteur privé qu’elles ne le sont chez nous
qui sommes encore bien frileux à l’égard des cher-
cheurs.
2questions à...
Nicolas Hanusse,
Directeur de recherche au CNRS,
Directeur de l’École doctorale de
Mathématiques Informatique (EDMI)
de Bordeaux
15. 15
figures libres
Le numérique, en transformant nos modes de
communication et d’information, bouleverse
nos vies, notre rapport aux autres et au monde.
hyperconnectés :
dangers ou opportunités ?
Les nouvelles générations sont enclines à l’hyper-
connectivité : peut-être par inconscience, peut-être
parce que c’est entré dans les mœurs. Alors oui, être
hyperconnecté permet de trouver de l’information
de manière quasi-instantanée, d’échanger plus faci-
lement et de communiquer à distance. Chez Inria, par
exemple, nous sommes très connectés que ce soit
avec les outils collaboratifs ou le matériel mis à dis-
position, ce qui favorise les relations et le travail à
distance.
D’un autre côté, il y a, pour moi, un fort risque d’at-
teinte à la vie privée. En effet, on ne peut plus vivre
de manière anonyme car on est de plus en plus tra-
çable par la géolocalisation ou sur Internet. C’est
pour cela que je suis très peu connecté. Je vois bien
l’intérêt de Facebook, par exemple, pour partager
des contenus. Pour autant, je suis conscient que
l’hyperconnexion pose des problématiques liées à la
sécurité des données et au droit à l’oubli. En effet,
les données que l’on déverse sur le Web ne nous
appartiennent plus et elles peuvent être utilisées
par de nombreux acteurs de la toile. Nous sommes
désormais le produit et non plus l’utilisateur. Chacun
est donc libre de faire ce qu’il entend compte tenu
des risques connus (et ceux à venir).
Abdou Guermouche
maître de conférences à l’Université de Bordeaux
membre de l’équipe HIEPACS
chez inria depuis 2005
Nous sommes désormais
le produit et non plus l’utilisateur.
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16. 16
magazine
Aude
Larher
acheteuse dans le service
administratif et financier
chez Inria depuis 2016
L’hyperconnexion ouvre des portes
d’entrée à l’information qui sont
extraordinaires. On s’approprie et
on prend rapidement goût aux
nouvelles technologies. En arrivant
chez Inria, il y a peu, j’ai été impres-
sionnée par le nombre d’applica-
tions mises à disposition, c’est très
pratique et rapide. Cependant, il
est essentiel pour moi d’échanger
de visu avec mes collègues dès que
je le peux.
L’hyperconnexion permet non
seulement un accès universel à
pratiquement tous les savoirs mais
également une accessibilité simpli-
fiée pour les populations dites fra-
giles, y compris vis-à-vis de leurs
assistances médicales : tout ceci
est extrêmement positif.
Je pense que l’hyperconnexion
bien comprise et bien maîtrisée
est aujourd’hui un véritable outil
d’intégration, aussi bien pour la vie
sociale que professionnelle. Il ne
faut cependant pas perdre de vue
qu’en la matière, comme en toute
chose, il faut savoir garder la me-
sure et le contrôle de l’outil. C’est
ce que les parents doivent trans-
mettre à leurs enfants. Chacun, en
fonction de ses valeurs et intérêts,
doit placer le curseur et fixer son
propre niveau d’acceptabilité face
à l’hyperconnexion.
Elvira
Shishenia
doctorante dans l’équipe magique-3D
chez Inria depuis 2015
Je suis Russe et je vis en France ;
j’ai beaucoup voyagé à travers
différents pays du monde pour
mes études et mon travail. J’ai
créé des liens un peu partout et
c’est essentiel pour moi de pouvoir
communiquer et échanger quand
je le souhaite avec mes amis, mais
aussi avec mes proches toujours
en Russie.
Dans le domaine de la recherche,
il est primordial de partager les
travaux avec ses pairs qui, pour la
plupart, sont éparpillés à travers le
monde.Grâceauxobjetsconnectés
dont on dispose aujourd’hui, on
peut collaborer de manière simple
et économique. Les informations
et les connaissances circulent plus
vite, les avancées sont donc aussi
plus nombreuses. Cela évite, par
exemple, que plusieurs personnes
publient les mêmes travaux sans
le savoir.
À part ça je n’utilise pas trop les
réseaux sociaux. Ils créent de
l’ « infobésité » : on est envahis
d’actualités et on a tendance à les
relayer sans vérifier les sources.
En particulier lorsque les médias ne
vérifient pas non plus et publient
pour faire du sensationnel.
Je pense que
l’hyperconnexion
bien comprise et
bien maîtrisée est
aujourd’hui
un véritable outil
d’intégration.
C’est essentiel pour
moi de pouvoir
communiquer et
échanger quand je le
souhaite.
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17. 17
Guillaume
Mercier
Maître de conférenceS
à l’université de Bordeaux INP
Membre de l’équipe tadaam
chez inria depuis 2004
N’y aurait-il pas une forme de ré-
ponse dans la question ? « Hyper »
représente l’excès, et tout excès
est quelque part nuisible. C’est
d’ailleurs en réponse à cette hyper-
connexion que l’on voit aujourd’hui
émerger une nouvelle tendance :
la recherche de déconnexion. Cer-
tains politiques et syndicats s’em-
parent du sujet et souhaiteraient
établir le droit à la déconnexion
au travail. Dans un autre domaine,
celui du tourisme, plusieurs hôtels
proposent désormais des formules
« digital detox ». De mon point de
vue, il y a deux formes d’« hyper-
connexion », celle qui touche l’indi-
vidu et sa sphère privée et celle
du monde connecté que l’on ne
maîtrise pas. Alors oui, je reconnais
que les réseaux sociaux peuvent
être des contre-pouvoirs efficaces,
on se rappelle tous le Printemps
Arabe. Je trouve aussi que le moni-
toring de patients grâce aux objets
connectés représente une avancée
considérable. Cependant, il existe
des dérives comme quelques per-
sonnes qui mesurent en perma-
nence certains de leurs paramètres
médicaux et les rendent publics.
Pour ma part, je ne souhaite ni
dépendre d’objets connectés, ni
étaler ma vie privée sur les réseaux
sociaux ou encore confier mes don-
nées personnelles sur la toile. Pour
conclure, je dirais que le réseau
et les objets connectés sont des
outils neutres ; le réel danger pro-
vient de la manière de les utiliser et
de la difficulté de s’en abstraire au
regard de l’évolution du monde.
pascal
durrens
chargé de recherche CNRS
membre de l’équipe pléïAde
chez Inria depuis 2006
Je suis très peu connecté parce que
je n’y trouve pas de réelle utilité. Sur
les réseaux sociaux par exemple,
il faut, selon moi, avoir quelque
chose (d’intéressant) à dire et c’est
rarement le cas. Et puis sur ces
nouveaux médias sociaux, on est
prisonnier du choix des concepteurs
concernant la pérennité des infor-
mations et cela pose le problème
de la protection des libertés indivi-
duelles et du droit à l’oubli.
Pourtant, je suis un fervent utili-
sateur des SMS pour leur côté pra-
tique et immédiat : cela permet au
destinataire de prendre connais-
sance du message et d’y répondre
quand il le choisit. En effet, pour
moi, l’inconvénient majeur de l’hy-
perconnexion est l’intrusion et le
dérangement que cela occasionne.
Recevoir des notifications en per-
manence altère la concentration et
entretient la culture du zapping. Je
ne sais pas si aujourd’hui les jeunes
générations sont encore capables
de rester concentrées plus de deux
heures d’affilée. Une nouvelle so-
ciété se construit ; on traverse des
modes, parfois excessives, puis on
finit par trouver un équilibre ; au-
delà des excès, l’omniprésence des
objets connectés a certainement
des intérêts pratiques pour les per-
sonnes fragiles par exemple, donc je
reste optimiste.
Recevoir des
notifications en
permanence altère
la concentration et
entretient la culture
du zapping.
Certains politiques et
syndicats s’emparent
du sujet et souhaite-
raient établir le droit
à la déconnexion au
travail.
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18. 18
magazine
stratégies
ŒUVRE COLLECTIVE
Cet inconnu nommé chercheur
en sciences du numérique
Si, pour la plupart d’entre
nous, le chercheur en
chimie est inséparable de
sa blouse blanche et de ses
éprouvettes bouillonnantes,
notre imagerie collective
bute davantage sur la repré-
sentation du chercheur en
sciences du numérique.
Et d’ailleurs, à quoi passe-t-
il son temps exactement ?
« C’est une sorte de boucle,
annonce Frédéric Alexandre,
directeur de recherche Inria
et responsable de l’équipe
Mnemosyne. Premièrement,
ce chercheur va s’intéresser
à une problématique, du type
"faire en sorte que les réseaux
informatiques fonctionnent
bien, rapidement et sans erreur. " Puis, pour ne pas
réinventer la roue, il va consulter l’état de l’art. Il va
surtout devoir être créatif. Sa méthode n’est pas
expérimentale, son objet d’étude, à la différence de
bien d’autres domaines scientifiques, ne lui est pas
fourni. Non, l’idée, le chercheur en informatique doit
l’avoir avant de commencer. Soit pour améliorer l’exis-
tant, soit pour accroître la vitesse ou la robustesse…
Il va alors essayer d’écrire un
logiciel capable de réaliser l’ob-
jectif fixé. Puis le tester pour
valider le chemin. Confronter
son logiciel à la réalité, pour-
suivre. Et enfin, si ce logiciel fait
avancer l’état de l’art, il va le
communiquer aux autres via un
article à soumettre à des pairs.
Cette publication entre alors
dans la connaissance globale.
La boucle est bouclée. »
Pascal Guitton, membre de
Potioc, partage ce point de
vue. « Si un chercheur en infor-
matique devait posséder une
seule bonne qualité, c’est celle
d’être créatif. Cette compétence
est développée en particulier
dans la formation universi-
taire et surtout pendant le doctorat. » Avec 14 400*
diplômés chaque année en France, les docteurs ès
sciences sont spécifiquement formés pour remettre
en cause, proposer et trouver des solutions inédites
aux grands problèmes qui sont posés à nos sociétés
contemporaines que ce soit au sein d’équipes de
recherche ou d’entreprises.
Inria fêtera ses 50 ans en 2017 ! Un demi-siècle que ses équipes de
chercheurs planchent, dans l’anonymat le plus souvent, sur ce qui a
déjà révolutionné nos vies : les sciences du numérique. Sont-elles différentes
des autres sciences ? Qu’est-ce qu’un chercheur en sciences du numérique ?
A quoi ressemblerait notre société sans eux ?
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19. 19
stratégies
« Internet, la téléphonie mobile, puis Internet sur le
téléphone mobile ; pour la plupart des utilisateurs,
ces avancées ne relèvent pas du boulot de chercheur.
Pourtant, je peux vous assurer qu’il y a énormément
de recherches derrière ! », assure Pascal Guitton. « Les
concepts utilisés dans les protocoles sur lesquels repose
l’Internet moderne ont été en bonne partie imaginés
par un certain Louis Pouzin au sein d’Inria. Qui le sait
aujourd’hui ? » Même déficit de notoriété de la plus
jeune des sciences, pour les travaux sur la voiture sans
chauffeur. « Inria y travaille depuis trente ans. Des cher-
cheurs ont d’abord défriché des problématiques amont
avant que l’industrie ne puisse s’en emparer. Le grand
public n’en sera avisé qu’au moment où des sociétés
privées lanceront sur le marché les produits. » L’école
a un rôle primordial à jouer pour combler cette large
méconnaissance des citoyens français à l’égard du
numérique. « Des cours de physique, de chimie, oui,
mais d’informatique ? » Or, il le déplore, « ne rien en
savoir entraîne une incapacité à se positionner en tant
que citoyen. Respect de la vie privée et loi Hadopi,
piratage de données, persistance de l’information sur
les réseaux sociaux… l’illettrisme numérique peut avoir
des conséquences désastreuses à titre individuel et
collectif. » D’où l’urgence de combler ce vide. Au sein
d’Inria et en partenariat avec d’autres acteurs du monde
académique, beaucoup de personnes se sont attelées
depuis quelques années à la tâche. Par exemple en par-
ticipant activement à la définition des programmes des
options Informatique et Sciences du Numérique (ISN),
en terminale, et Informatique et Création Numérique
(ICN), en classes de seconde et première, en proposant
des formations aux futurs enseignants que ce soit en
direct en construisant des séminaires en présentiel ou
en développant un MOOC (Class’Code) destiné aux for-
mateurs. Par ailleurs, les huit centres de recherche Inria
déploient à destination des scolaires et des étudiants, et
plus globalement du grand public, différents programmes
de médiation scientifique. Prêcher, prêcher, prêcher !
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20. 20
magazine
TEMPS FORT
Publication
du Livre Blanc
n°1 de la cellule
« Veille et prospective »
d’Inria
Premier opus offert par la cellule « Veille et pros-
pective » d’Inria, à la rentrée dernière, le Livre Blanc
« Intelligence Artificielle » pose le cadre des défis actuels
et de l’action de l’institut autour de l’IA, dans notre
société. Néophytes du transhumanisme et béotiens des
robots-tueurs trouveront matière à démystifier le sujet,
grâce à ce recueil de connaissances inédit.
Sorte de « think tank maison », la toute jeune cellule
« Veille et prospective » d’Inria a été créée pour investi-
guer en mode agile, une idée, un courant, une innovation
et éclairer la direction générale sur la pertinence (ou
non) d’y aller. Son rôle est précis : orienter et optimiser
les moyens publics pour anticiper et garantir un impact
sociétal, à dix ans.
« Toutes les entreprises du numérique réclament des
collaborateurs formés pour développer du logiciel,
rapporte Pascal Guitton. Les besoins sont énormes. »
Enfin, il est impératif que cette recherche française
perdure et se développe pour deux raisons essen-
tielles : continuer à construire de la connaissance sur ces
questions fondamentales, puis contribuer à développer
des systèmes numériques dans notre pays. C’est une
question de souveraineté nationale, si nous ne voulons
pas que nos concitoyens ne soient que les utilisateurs
de systèmes développés ailleurs dans le monde, il est
crucial de développer une industrie numérique française
et européenne. En effet, « la création logicielle est une
œuvre de l’esprit, celle d’un chercheur dans un contexte
culturel. Chaque nation possède sa propre empreinte.
Nos collègues Japonais, par exemple, ne pensent pas
la robotique comme nous, Français. Comment imaginer
que d’autres éclairent nos besoins numériques à
notre place ? Comment faire pour que notre modèle
social collectif ait aussi une traduction dans le monde
numérique ? »
* Chiffres L’état de l’emploi scientifique en France – Édition
2016
À télécharger sur
https://www.inria.fr/actualite/
actualites-inria/livre-blanc-sur-l-
intelligence-artificielle
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21. 21
Coup de projecteur
Portraits de talents qui façonnent
la société numérique de demain
valeurs discrètes
Marta Avalos Fernandez
Big date with Big Data*
Maître de conférences en biostatistiques à l’Institut de
Santé Publique (ISPED), Marta Avalos Fernandez mène
ses travaux de recherche dans l’équipe-projet Sistm.
Actuellement, elle s’intéresse à l’association entre risque
d’accident de la route et prise de médicaments, dans le
cadre d’une étude à visée préventive, menée en collabo-
ration avec l’INSERM et l’Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de santé.
Un autre axe de ses travaux porte sur les accidents de la
vie courante. Dans les deux cas, l’enjeu consiste à déve-
lopper des méthodes puissantes de calcul, capables de
traiter et d’extraire des mégadonnées collectées, les fac-
teurs sur lesquels il est possible d’agir.
Passionnée de mathématiques depuis toujours, Marta
Avalos Fernandez a choisi la santé publique et les
biostatistiques, par « pragmatisme ». Épouser les équa-
tions, oui ! À condition qu’elles aient une utilité directe
en santé publique, s’est-elle dit, et qu’elles soient au ren-
dez-vous des besoins de la collectivité.
* « Le grand rendez-vous des mégadonnées »
Huilong Zhang
Optimiste dynamique
Membre de l’équipe-projet CQFD et maître de confé-
rences à l’université de Bordeaux, Huilong Zhang effec-
tue au sein d’Inria, des recherches en optimisation dyna-
mique. Ses modèles aléatoires intéressent de nombreux
acteurs et domaines industriels, tels EDF, pour ses cen-
trales nucléaires, ou DCNS, pour ses sous-marins.
Il peaufine actuellement pour le groupe naval des algo-
rithmes capables de fournir la position et la vitesse de
cibles mouvantes, en recourant uniquement au sonar
passif. L’enjeu : mieux pister les bateaux ennemis !
Terre de mathématiques, la France devient celle de
Huilong Zhang, après sa maîtrise obtenue en Chine.
Titulaire d’une bourse « sélective » de l’État français, il y
poursuit un DEA suivi d’un doctorat.
À l’issue d’une année comme ATER*, il devient maître de
conférences, à l’Institut de Mathématiques de Bordeaux
(IMB). Il y rencontre François Dufour et intègre l’équipe-
projet CQFD, chez Inria. Un modèle d’optimisation dyna-
mique de trajectoire, à lui seul !
* Attaché temporaire d’enseignement et de recherche
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22. 22
magazine
Nathalie FURMENTO
Storm* dans l’ère
Ingénieure en informatique au CNRS (attachée au La-
BRI), Nathalie Furmento est membre de Storm, l’une
des deux équipes-projets (avec Tadaam) issues de Run-
time. Le calcul à haute performance (ou HPC) dévolu aux
supports d’exécution est la spécialité de ce pool, dont
les travaux rendent interopérables ou compatibles, ap-
plications et machines de calculs.
Grâce à leur support de prédilection, le logiciel StarPU, il
est plus facile d’assurer la portabilité des performances
lors d’un changement de machine. StarPU se charge en
effet d’optimiser l’exécution de l’application, pour obte-
nir les meilleures performances possibles de calcul sur
une machine donnée.
Dans cet écosystème, le rôle de Nathalie consiste
notamment à développer une « couche » supplémen-
taire à ce support, autorisant l’exécution simultanée de
plusieurs processus sur différentes unités de calcul. Ils
peuvent ainsi communiquer en cours d’opération pour
faire le point, s’échanger des données si nécessaire. Un
rôle indispensable bien qu’invisible pour les utilisateurs
finaux, qui sied bien à cette discrète qui rayonne par son
enthousiasme…
*Storm : orage
Romain Pacanowski
Pixel mon beau pixel
Le tout premier contact de Romain Pacanowski, ingé-
nieur de recherche au LP2N (CNRS, IOGS, université de
Bordeaux), avec la synthèse d’image remonte au début
de ses années d’études supérieures. Grâce au rendu 3D
de fonctions mathématiques, il s’entiche du potentiel de
visualisation offert par l’informatique. Après une année
à l’université de Montréal, suivie d’un stage au sein de
son laboratoire de recherche en infographie, le coup
de cœur se confirme. Retour en France où il enchaîne
sur un doctorat — en informatique, toujours — en syn-
thèse d’images réalistes, au centre de recherche Inria
Bordeaux _ Sud-Ouest, sous la cotutelle de l’université
québécoise et de l’université de Bordeaux. Après deux
années de post-doc, il rejoint l’équipe-projet Manao,
commune au LaBRI et au LP2N. Là, il se consacre à la mo-
délisation de l’apparence, toujours au service de la fabri-
cation d’images de synthèse plus vraies que nature. Il lui
faut, pour cela, « mesurer le réel. » Comment la matière
réfléchit, transmet ou diffuse-t-elle la lumière ? Quid
de la peau, du marbre, du jade, d’un miroir ? Appliqués
à l’optimisation de la maquette numérique, ces travaux
intéressent l’industrie. Elle y voit un fabuleux potentiel
créatif, avant de passer à la réalisation d’un prototype.
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23. 23
L’aventure
Exapta
Alexis Toullat jongle entre les dates butoirs du projet,
les réunions de présentation aux exploitants, le temps
de l’entreprise et celui de la recherche. À tout juste
vingt-cinq ans, il aura beaucoup appris de l’aventure
Exapta. Le jeune chercheur planche depuis trois ans sur
cette application, offrant aux viticulteurs de planifier
l’opérationnel au plus juste, au sein de leurs domaines.
Enrichie d’une fonction de taille, celle de rationaliser
les traitements phytosanitaires, ce logiciel permet de
diminuer les coûts d’exploitation et de répondre aux
impératifs du plan Ecophyto. Pour répondre aux enjeux
environnementaux de plus en plus présents dans le do-
maine de la viticulture, Alexis œuvre à l’avancement du
modèle numérique, tenant compte d’un grand nombre
de paramètres (dont la météo bientôt) et donc, de don-
nées à traiter.
Alexis Toullat,
IngénieurTransfertetInnovation
Parcours
sans faute
En demandant un stage à ses professeurs de Master 1
« Modélisation ingénierie mathématique et sciences
économiques », Alexis Toullat ne se doutait pas qu’il
serait le point de départ de sa carrière. Le projet Exapta,
initié par l’université de Bordeaux, est alors embryon-
naire. « Il portait sur l’écologie, cela m’a plu de suite »,
le jeune étudiant ne va plus le lâcher. Sont-ce son en-
fance poitevine, son environnement viticole ou sa mère
médecin qui ont façonné son goût pour le sujet ? Alexis
s’empare d’Exapta, déroule l’application au sein de
Realopt chez Inria et s’apprête à poursuivre l’aven-
ture, en CDI, chez Ertus Group, l’entreprise de consul-
ting partenaire, comme ingénieur développement. Il y
deviendra responsable de l’intégration de l’application
dans le logiciel maison Process2Wine. Un parcours sans
faute !
Face
profil
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24. 24
magazine
Esprits scientifiques,
envie d’entreprendre
Transformer les succès scientifiques en succès éco-
nomiques est un enjeu crucial pour Inria. La création
de start-up est l’un des vecteurs privilégiés de l’ins-
titut pour garantir un impact sociétal immédiat. En
s’appuyant sur sa longue expérience d’innovation,
Inria a mis en place un process d’accompagnement
complet pour ceux qui souhaitent se lancer dans
l’aventure de l’entrepreneuriat.
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25. 25
passerelles
« Le chercheur doit avoir
envie de se lancer car la
création d’entreprise est
avant tout une aventure
humaine. »
Trois jeunes pousses ont vu le jour
au sein du centre de recherche
Inria Bordeaux Sud-Ouest depuis
2008 dans le domaine des télé-
communications, de l’énergie
ou encore du divertissement.
Quatre graines de projets sont en
cours de maturation illustrant le fort
potentiel de diffusion des sciences
numériques dans la société. Zoom
sur les dispositifs d’accompagne-
ment mis en place au sein d’Inria et
les témoignages de ces chercheurs
devenus - ou en passe de devenir -
entrepreneurs.
Insuffler l’esprit
entrepreneurial
Première étape : Horizon Start-up.
Ce dispositif de sensibilisation à la
démarche entrepreneuriale a pour
buts de susciter chez les cher-
cheurs et ingénieurs un véritable
désir d’entreprendre et « de leur
donner les clés pour mieux appré-
hender le monde de l’entreprise »,
explique Cédric Quinot, chargé des
partenariats et des projets d’inno-
vation au centre de recherche
Bordeaux – Sud-Ouest.
Accompagner pour favoriser
l’éclosion
Le service spécialisé dans le
transfert, l’innovation et les partena-
riats (STIP) est un véritable support
de proximité pour les chercheurs qui
souhaitent se lancer dans la pas-
sionnante aventure de l’entrepre-
neuriat. « Nous incitons les porteurs
de projets à confronter leurs idées
à l’extérieur afin de comprendre les
demandes de futurs clients ou par-
tenaires. » précise Cédric Quinot.
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Cédric Quinot,
Chargé des partenariats
et des projets d’innovation
26. 26
magazine
Le STIP assure aussi la mise en
relation des porteurs de projet avec
les acteurs de l’écosystème local :
incubateurs, financeurs, région,
etc. et accompagne les chercheurs
souhaitant bénéficier d’« Inria Hub ».
Ce dispositif national permet de
financer la maturation technique et
économique des meilleurs projets.
« Le plus souvent nous dégageons
des moyens humains, comme le
recrutement d’un ingénieur qui va se
consacrer à la maturation de l’entre-
prise. » En complément de ces aides,
les chercheurs peuvent recourir à
IT-Translation, fonds d’ultra-amor-
çage dont Inria est actionnaire.
De l’invention à l’innovation :
deux graines de projet
DomAssist est l’une des start-
up incubées au sein du centre de
recherche Inria Bordeaux – Sud-
Ouest. Elle développe
une plate-forme d’assis-
tance numérique pour
le maintien à domicile
des personnes âgées.
Charles Consel, créateur
de DomAssist et respon-
sable de l’équipe-projet
Phoenix, s’est rapide-
ment rendu compte du potentiel de
ses travaux. « Dès le début, nous
avons pensé créer une entreprise.
Nous voulions travailler sur des
applications concrètes et utiles. »
Si les acteurs du marché sont plus
que prêts à accueillir la technologie,
il reste encore à trouver un modèle
économique crédible. « Il y a une
dimension psycholo-
gique dans ce que nous
faisons. Cette interdisci-
plinarité est assez rare
concernant les start-up
Inria. Pour cette raison,
les financeurs habituels
ne se sont pas sentis
compétents pour nous accompa-
gner. »
Le chercheur reconnaît qu’Inria a
‘‘le numérique
contribue
pleinement
à l’essor de
la silver
économie’’
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Charles Consel, professeur à Bordeaux INP
et responsable de l’équipe-projet PHOENIX
dans l’appartement expérimental du centre
Inria Bordeaux _ Sud-Ouest
27. 27
joué un rôle déterminant. « Nous
avons pu recruter deux personnes
dont un ingénieur transfert qui
va nous permettre de passer à
l’industrialisation de notre solu-
tion. »
Thierry Colin, quant à lui, n’a pas
spontanément pensé à la création
d’entreprise. L’idée s’est imposée
petit à petit, alors qu’il avançait
dans ses recherches au sein de
l’équipe-projet Monc. Son credo :
« Utiliser les données d’imagerie
pour prédire l’évolution tumorale »,
son idée : « créer des outils utili-
sables en pratique clinique en milieu
hospitalier. » Cependant, « pour fa-
briquer des prototypes et les tester,
il faut des moyens industriels. »
Ainsi est née l’envie de créer Nénu-
phar qui verra le jour au printemps
prochain. « Nous élaborons notre
plan de développement écono-
mique, ce qui n’est pas une étape
facile. Nous devons comprendre
comment et à qui vendre notre
produit. Entre ce que nous sommes
capables de produire en laboratoire
et ce qui peut être utilisé par le clini-
cien, il y a un vrai décalage. Actuel-
lement, notre projet évolue beau-
coup » afin de répondre au mieux
aux problématiques cliniques.
Prédiction de la croissance d’une tumeur et estimation de la
réponse au traitement à partir du diagnostic clinique, après plu-
sieurs examens successifs de suivi - avec ou sans traitement.
Ces analyses peuvent entrer en compte dans la mesure du
risque interventionnel, avant une opération chirurgicale.
Olivier Saut, chercheur au CNRS, responsable de l’équipe MONC.
Thierry Colin, enseignant-chercheur (Bordeaux INP, ENSEIRB-MATMECA),
membre de l’équipe MONC - Modélisation Mathématique pour l’Oncologie.
Pour en savoir plus :
Contactez le Service Transfert,
Innovation et Partenariats
sti-bordeaux@inria.fr
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28. 28
magazine
Tout commence il y a cinq ans avec ‘Poppy’, robot et plate-forme open source développés par
l’équipe-projet Flowers. Le projet va rassembler en quelques mois une communauté de
plusieurs milliers d’internautes. Le concept est lancé, le succès fleurit, la start-up devient alors
une évidence pour trois des membres de l’équipe.
Pollen Robotics
« Nous souhaitons favoriser l’émergence de la robotique
personnelle. »
« Nous sommes convaincus que la robotique va
changer fondamentalement la manière dont nous
interagissons avec les objets qui s’animent autour
de nous. Nous souhaitons placer les citoyens au
cœur de cette révolution, pour leur permettre
de comprendre et de forger ce nouveau monde
robotique. » C’est dit. L’objectif pour Matthieu
Lapeyre, CEO de Pollen Robotics est de concevoir
des produits élégants, innovants, simples, en favo-
risant l’émergence de communautés.
La création en elle-même n’a pas pour autant été
un long fleuve tranquille. Matthieu Lapeyre se
souvient du premier échange avec les membres d’IT
Translation, fonds d’ultra-amorçage dont Inria est
actionnaire : « Dès le premier rendez-vous, on nous
a posé des questions très concrètes auxquelles
nous, chercheurs, étions incapables de répondre.
Nous avons alors compris que nous étions trop
en décalage par rapport aux réalités du marché. »
Suite à cet entretien, les jeunes entrepreneurs
ont pris le temps de faire mûrir leur projet et ont
officiellement lancé Pollen Robotics en mai 2016.
« Nous avons dû trouver des solutions et faire
évoluer notre idée de départ pour nous adapter
aux besoins du marché en restant cohérents avec
nos envies. C’est pour cela que la création d’entre-
prise est une aventure passionnante », conclut
Matthieu Lapeyre.
http://pollen-robotics.com/en/
passerelles
‘Poppy’ et Matthieu Lapeyre, CEO de Pollen Robotics
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29. 29
xavier lainé,
Délégué général de la French Tech Bordeaux
La French Tech qui accompagne les créateurs de start-up, de l’incubation à
l’accélération, cherche aujourd’hui à renforcer ses liens avec des instituts de
recherche tels qu’Inria, on vous dit pourquoi.
Pourquoi est-ce important pour vous de vous
rapprocher du monde de la recherche ?
Nous soutenons l’innovation, la création d’entreprise
et l’accélération des start-up. Pour cela, il nous faut
apprendre à mieux utiliser les résultats de projets de
recherche, chercher comment ils peuvent s’intégrer
dans la vie de tous les jours et quels peuvent être
leurs débouchés commerciaux. Il faut savoir que les
Français déposent énormément de brevets, mais la
plupart ne sont jamais exploités et c’est dommage.
Nous devons à l’inverse valoriser le savoir-faire
français et faire en sorte qu’il participe pleinement à
la croissance de l’économie.
Pensez-vous que le monde de la recherche soit
suffisamment sensibilisé à l’entrepreneuriat ?
Une de nos principales missions est de sensibiliser le
monde de la recherche. En effet, la recherche est une
passion souvent peu conciliable avec une envie d’en-
treprendre. C’est pourquoi, il est important d’encoura-
ger et d’accompagner les chercheurs qui souhaitent
pouvoir commercialiser les résultats de leurs re-
cherches. Il y a aussi des entrepreneurs qui ont besoin
d’innovations et donc de chercheurs. Nous sommes là
pour faire le lien entre ces différents acteurs.
Quelles actions concrètes pourraient être
mises en place entre la French Tech et Inria ?
Nous avons la volonté de mettre en relation l’institut
avec l’écosystème local. Cela peut passer par l’orga-
nisation de rencontres dans lesquelles les chercheurs
viendraient présenter aux entrepreneurs leurs projets
et leurs résultats.
Nous pourrons aussi mener des actions de sensi-
bilisation et de diffusion d’informations auprès des
chercheurs d’Inria.
L’entretien
passerelles►►
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30. 30
magazine
Plate-forme
open access
ReScience : refaire la Science
La reproductibilité des expériences et des observa-
tions est le fondement même de la démarche scien-
tifique ; les sciences computationnelles ne devraient
pas faire exception. En effet, le code devrait lui aussi
être reproductible, ce qui signifie que les codes issus
de travaux originaux devraient être accessibles et
fonctionnels. Or, c’est loin d’être le cas, comme l’a
récemment constaté Nicolas Rougier, chercheur dans
l’équipe-projet MNEMOSYNE. Devant l’impossibilité
d’exploiter un modèle existant, il a dû se résoudre à le
réécrire lui-même pour pouvoir en disposer.
Mais comment faire savoir à la communauté scienti-
fique que cette réplication en sciences computatio-
nelles existe ? C’est là le but du journal ReScience qui
permet à tout un chacun de soumettre des réplica-
tions et de participer aux relectures (publiques). Cette
revue scientifique créée en septembre 2015 par Nico-
las Rougier et Konrad Hinsen (chercheur au Centre de
Biophysique Moléculaire à Orléans) se trouve en libre
accès depuis la plate-forme GitHub. Venez prendre
part à ce projet, en tant que relecteur ou auteur d’une
réplication (exception faite de vos propres travaux).
Participons à refaire la Science ensemble pour ouvrir
le champ des possibles.
optique
Préserver notre patrimoine
culturel
Les musées sont soumis à des impératifs contradic-
toires : d’une part préserver les objets dont ils ont
la garde, d’autre part les mettre à la disposition du
public et des chercheurs. Certains de ces objets
sont si fragiles que le simple fait de les exposer à la
lumière les abîme. Les outils actuels ne permettent
pas encore de créer des copies virtuelles précises re-
produisant l’exactitude de l’apparence, des couleurs,
des textures ou des formes.
C’estpourquoiManaoetsespartenairescollaborent
autour du projet ANR MATERIAL dont l’objectif est
de traiter l’ensemble de la chaîne d’acquisition et de
reproduction de matériaux complexes, en passant
par leur géométrie à l’échelle microscopique. Leur
ambition est de pouvoir scanner des artefacts eth-
nographiques, par exemple des habits, de capturer
le comportement de leurs matériaux vis-à-vis de la
lumière, et de traiter cette information pour repro-
duire ces objets le plus fidèlement possible. Débuté
en octobre 2015, ce projet qui touche au patrimoine,
à la culture et à la préservation d’une partie de l’His-
toire du monde fournira ses premiers résultats avant
2019. Il se conclura par une exposition présentant
les objets dans leur contexte ethnographique ainsi
que l’histoire d’un tel projet.
http://rescience.github.io
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http://manao.inria.fr
31. 31
tiques de l’université de Göttingen, amorcée depuis
plusieurs mois*, vient de se concrétiser par une pre-
mière publication commune à paraître dans Astrono-
my & Astrophysics. Pour la suite ? Monter un réseau
de recherche international en vue de répondre à un
appel à projets européens dans ce domaine en 2017
via le MRSEI (Montage de Réseaux Scientifiques
Européens ou Internationaux) de l’Agence Nationale
de la Recherche. Un premier pas vers sa réalisation :
la rencontre des membres de l’équipe Inria TONUS
(Nancy) spécialiste de la simulation des plasmas, et
d’experts en calcul scientifique, géophysique, inver-
sion électromagnétique, issus des plus grands insti-
tuts internationaux, en début d’année prochaine.
*Retrouvez plus d’informations dans Plug’In #4 – p.32
astrophysique
De la Terre au Soleil,
il n’y a qu’un pas
Magique 3D est spécialisée dans la simulation
numérique de propagation d’ondes en milieux com-
plexes. Elle apporte notamment des solutions pour
répondre aux problématiques posées par l’imagerie
géophysique ainsi que, plus récemment, par l’hélio-
sismologie.
Le saviez-vous ? Les techniques mathématiques et
numériques utilisées pour comprendre la structure
du soleil sont similaires à celles des sismologues.
C’est pourquoi Magique 3D applique les techniques
d’inversion utilisées pour étudier le sous-sol en vue
de résoudre de nouveaux systèmes d’équations
appliqués à l’étude du soleil. La collaboration avec
l’Institut Max Planck et le département de Mathéma-
http://www.aanda.org/
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32. 32
magazine
PLATE-FORME
LOGiCiELLE
Mmg : Upgrade your meshes*
Le maillage du domaine de calcul est un élément
clé des simulations numériques : la densité de
nœuds du maillage influence en effet la précision
de la solution ainsi que le temps nécessaire à son
calcul tandis qu’une bonne qualité des éléments le
composant contribue à la vitesse de convergence
des résultats.
Développée conjointement au sein de l’équipe-
projet Cardamom, du laboratoire Jean Kuntzmann
(Grenoble) et de l’institut des sciences du calcul et
des données (Paris), la plate-forme de remaillage
Mmg réunit plusieurs logiciels open source dédiés
aux modifications de maillages.
L’objectif est de fournir des outils simples d’utilisa-
tion qui permettent, entre autres fonctionnalités,
d’obtenir un maillage de calcul à partir d’un maillage
de mauvaise qualité, de limiter les erreurs numé-
riques en améliorant la représentation des fron-
tières du domaine étudié ou encore d’améliorer la
précision des résultats en modifiant la répartition
des nœuds de calcul.
Afin de garantir la pérennité et le développement
de la plate-forme, il a été décidé de former un
consortium open source. Intitulé « Mmg », il réunira
en 2017 académiques et industriels soutenant le
projet. Les cotisations d’adhésion au consortium
auront pour but l’embauche d’un ingénieur affecté
exclusivement à la plate-forme. En contrepartie
de leur participation financière, les membres du
consortium pourront, parmi d’autres avantages,
définir la feuille de route des développements
logiciels de la plate-forme.
*Améliorez vos maillages
https://www.mmgtools.org
SANTé
Modéliserlanagedespoissonsafin
de créer des pompes cardiaques
nouvelle génération
L’équipe-projet Memphis, spécialisée dans la mo-
délisation des phénomènes physiques complexes,
s’associe avec la start-up Corwave pour mettre
au point une nouvelle génération de pompes
cardiaques. C’est un article publié dans la revue
Bioinspiration & Biomimetics qui est à l’origine de
cette collaboration inattendue. Les chercheurs de
Memphis y présentent une modélisation numérique
de la nage des poissons dans le but de créer des
robots autonomes sous l’eau. Or le modèle décrit
évoque résolument le mécanisme envisagé pour
le développement du nouveau modèle de pompe
cardiaque de Corwave.
La start-up et Inria ont donc décidé de collaborer
pour une durée de trois ans, avec pour objectif la
réalisation d’études exploratoires en vue d’opti-
miser le système de pompage de ce prototype
innovant de pompes cardiaques.
https://team.inria.fr/memphis/
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TIMELINE
mars
Interfaces #3
Le 10, « Interfaces » a accueilli
Gianluca Iaccarino (université de
Stanford) pour un exposé intitulé
« Turbulences et Simulation : la
belle et la bête ».
Colloque Marcel-Paul
Schützenberger
Dans le cadre du colloque MPS, Inria
a organisé le 24 une table ronde sur
les « Enjeux et développements des
sciences du numérique ».
avril
Défis Tandem
L’école Tsunamis 2016 dédiée aux
jeunes chercheurs et étudiants qui
envisagent une carrière dans le
domaine de l’étude des tsunamis
s’est tenue à Bordeaux du 25 au 29.
mai
Bordeaux Geek Festival
Inria a fait rimer culture geek et
sciences du numérique lors de la
deuxième édition du festival du 14
au 16.
Lancement IT3D
Le Pôle Digital Aquitaine, avec les
initiateurs du projet, a lancé le 26
la communauté de « Simulation nu-
mérique interactive et expérience
virtuelle » au sein de la nouvelle
grande région.
juin
Colloque Robotique
& Éducation
Cette deuxième édition, organisée
par Inria les 22 et 23 à Talence,
a permis de débattre des enjeux
autour de la formation et de la mise
en place d’activités scolaires via la
robotique.
JUILLET
PMAA 2016
La neuvième édition du congrès
international « Parallel Matrix
Algorithms and Applications » s’est
tenue à Bordeaux du 6 au 8.
Interfaces #4
Le 7, Stéphane Redon (équipe-
projet NANO-D, Inria Grenoble) a
présenté un exposé intitulé « Vers
une intégration des nanosciences
algorithmiques ».
Ma thèse en 180s
Perrine Berment, doctorante dans
l’équipe-projet MONC et lauréate
aquitaine du concours MT180, a été
reçue le 11 par le Premier Ministre,
Manuel Valls.
septembre
Lancement d’EXAPTA
L’outil d’aide à la décision EXAPTA,
adaptable à tout domaine viticole, a
été officiellement lancé le 15.
Interfaces #5
Le 16, Wendy Rogers (Georgia Ins-
titute of Technology) a présenté un
exposé intitulé « La technologie au
service des personnes âgées : des
applications aux robots ».
Journées d’étude
du vieillissement cognitif
Les 19 et 20, Inria a été membre
organisateur de ces journées visant
à réunir les chercheurs s’intéressant
aux effets du vieillissement.
OCTOBRE
Cité des Sciences
et de l’Industrie
L’équipe Potioc était en direct de
l’émission « L’Esprit sorcier » le 9
pour expliquer l’activité des zones
motrices du cerveau.
Fête de la science
Du 11 au 13, le centre a reçu près de
600 élèves et enseignants pour par-
ticiper à neuf ateliers dans le cadre
du Circuit Scientifique Bordelais.
NOVEMBRE
Inauguration IHU Liryc
L’Institut de RYthmologie et modé-
lisation Cardiaque a été inauguré
le 4.
Interfaces #6
Le 10, Laurent Gizon (Institut Max
Planck) a présenté un exposé intitu-
lé « La modélisation des oscillations
solaires ».
2016
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