« Quand l’esprit se souvient, le peuple se maintient. » Face au Grand Effacement, qui accompagne le Grand Remplacement, Thibaud Cassel s’est fait passeur, au sens de transmetteur, de quelques grands textes qui fixent les lignes directrices de la civilisation européenne.
Article paru dans le n°2828 de Minute (28 juin 2017) sur le livre "Le chant des alouettes".
Le chant ininterrompu des Européens (Minute n°2828)
1. 28 juin 2017
> Culture14
Le chant ininterrompu
des Européens
C
e fut un de ces moments
émouvants que l’on ne vit
que rarement, quand, au
dernier colloque de l’Ins-
titut Iliade, Thibaud Cas-
selmontasurscèneetdéclamaLaMort
duloup.Enquelsautreslieux,enquelles
autrescirconstancesdéclame-t-onenco-
re sans que l’auditoire ne fuie ou ne
prenne une mine gênée ? Il le fit avec
tant de retenue et de force maîtrisée, il
le fit en s’en montrant tant imprégné
au plus profond de lui-même que le
poème d’Alfred de Vigny, que l’on
croyait connaître, soudain s’anima, au
pointquel’onvoyaitleloup,etlalouve,
etsesfils,aupointquel’onauraitvoulu
lesauver,l’animaldéjàmort,etdétour-
ner le feu vaniteux qui l’avait abattu,
avantdecomprendrequelui,aumoins,
était mort dignement. « Puis après,
comme moi, souffre et meurs sans parler. »
L’anthologiepoétiqueconstituéepar
ThibaudCasselestcoéditéeparl’Insti-
tut Iliade et par les – excellentes, faut-
il le souligner – éditions Pierre-Guil-
laume de Roux, et c’est bien, selon
l’intitulé complet d’Iliade, de « longue
mémoireeuropéenne»qu’ils’agitici,mê-
mesi,parsoucid’unitédestyle,nefigu-
rent dans ce recueil que des textes, en
vers ou en prose, d’« Européens d’ex-
pressionfrançaise»ainsiqueDominique
Venner, dont la figure tutélaire plane
sur tout l’ouvrage, aimait à se définir.
La préface est de Christopher Gé-
rard et dit en peu de mots aux jeunes
Européens que, face à la décadence, il
leurfautseréapproprierleur«héritage
ancestral »pour engager cette« triple
reconquista,spirituelle,politiqueetintel-
lectuelle », mais elle aurait pu être
constituéed’unsimpleextraitdeVen-
nerdansLeCœurrebelle:«Lepasséagit
en nous à notre insu. Sous les apparences
mouvantes, vivent les permanences. […]
Cequiétaitneserajamaisplus,certes.Les
forces anciennes ne reviendront pas, mais
cequiestdetoujoursresurgira.Touthomme
porteenluiunetraditionquilefaitcequ’il
est. Il lui appartient de la découvrir. »
AlalecturedeceLagardeetMichard
de la civilisation européenne, on se dit
d’abord que l’on est parti de très haut,
que l’on s’y trouvait encore il n’y a pas
si longtemps, et que la chute a été bru-
tale. La soixantaine de textes publiés
ici, de Virgile à Chateaubriand – sub-
lime Chateaubriand ! –, de Leconte de
Lisle à Baudelaire, de Corneille à
Edmond Rostand, sont devenus com-
me autant de parchemins indéchif-
frables pour une majorité de jeunes
gens – et même pour leurs parents,
voireleursgrands-parents,cesgénéra-
tions sacrifiées sur l’autel du nivelle-
ment par le bas.
Puis on se reprend et l’on reprend
espoir,carrienqueparsonexistence,et
par le fait qu’il ait trouvé un éditeur, et
déjà un grand nombre de lecteurs, qui
ont certainement dû se plonger dans
des livres voire chercher sur Internet
qui étaient ces Ormus, ces Ariman, à
quoi pouvait bien faire allusion ces
CethegusetCatilinadontparleAndré
Chénier, Le Chant des alouettes, qui tire
sontitredunom,celtique,d’unelégion
romaine constituée de Gaulois, existe.
Ilexisteettelestbienl’essentieldans
un monde où la transmission orale
n’est pas plus assurée – et sans doute
moinsencore–quelatransmissionécri-
te, où le dolmen n’est plus qu’un gros
caillou,lesclochesunenuisancesonore,
Dieu ou les dieux – et toute interroga-
tion sur le sacré – une entorse à la laï-
cité,etlamémoireletrucquel’onperd
lorsque l’on devient vieux. Il faudrait
d’ailleurs un Jean-François Gautier,
omniscient docteur en philosophie et
intervenantàl’InstitutIliade,pourrédi-
ger un ouvrage sur la maladie d’Alz-
heimer comme effroyable symbole de
notre époque amnésique.
En 180 pages, Le Chant des alouettes
fournit l’essentiel de ce qu’il faut lire,
et relire, et relire encore pour s’impré-
gner de toutes les strates de cette
Europe qui, préexistant« à la forme his-
toriquequeledestinluiadonnée»et«exis-
tant en puissance dans chacun de ses
peuples autochtones », « s’est cristallisée
danslaGrèce,puiss’estinstituéeenRome,
etenfins’estétendueàl’échelleducontinent
avec le catholicisme ». La tonalité domi-
nante est certes païenne, mais l’auteur
– ou plutôt, le passeur – sait que le réel
nes’occultepas,etquel’Eglisecatholi-
que,etmêmelasécularisationquiluia
succédé,sontconstitutifsdenotreiden-
tité.
«N’est-ilpasvraiMarie,quec’estchan-
ter pour vous / Que voir en chaque chose
unechosejolie/Quechanterpourl’enfant
qui bientôt nous viendra / C’est chanter
pour l’Enfant qui repose en vos bras »,
chantaitJacquesBrelensaPrièrepaïen-
ne (qui ne figure pas dans ce recueil).
Le Chant des alouettes est le dense
poèmeidentitairedecette«chaîneinin-
terrompue d’hommes et de femmes » que
sont les Européens, ce peuple qui, du-
rant sa longue histoire, ayant vu sou-
vent détruit l’ouvrage de sa vie, s’est
toujoursmisàrebâtirsansdireunseul
mot(Kipling),cepeuplequesymbolise
l’enfant grec, l’enfant blond aux yeux
bleus après que les Turcs ont passé à
Chio, ne laissant que ruine et deuil, et
qui n’a qu’une requête, alors qu’on lui
demande ce qui peut le consoler : « Je
veux de la poudre et des balles. » ■
Bruno Larebière
(par intérim)
Thibaud Cassel, Le Chant des alouettes –
Anthologie poétique, éd. Institut
Iliade/Pierre-Guillaume de Roux, 176 p.,
16 €
« Quand l’esprit se souvient, le peuple se maintient. » Face au Grand Effacement, qui
accompagne le Grand Remplacement, Thibaud Cassel s’est fait passeur, au sens de
transmetteur, de quelques grands textes qui fixent les lignes directrices de la civilisation
européenne.
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