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La science économique est, notam-
ment, la science de l’allocation des
ressources rares. Elle peut, à ce titre,
apporter une contribution utile à la réso-
lution des problèmes que le dévelop-
pement durable pose à l’humanité.
Grâce aux progrès de la science,l’espèce
humaine s’est soustraite aux équilibres
naturels qui régulaient ses effectifs par
la famine et la maladie, et elle a envahi
le monde. Il y avait environ 1 milliard
d’êtres humains sur la Terre au début
du XIXe siècle, 1,5 milliard au début
du XXe, et 6 milliards aujourd’hui. Cette
croissance exponentielle ne saurait évi-
demment se prolonger bien longtemps.
Mais on devrait encore compter 2 à
4 milliards d’individus supplémentaires
avant que l’espèce se stabilise, vers le
milieu du siècle, aux alentours de
9 milliards.
C’est beaucoup. Les limites de tolérance
de la Terre paraissent d’ores et déjà
atteintes, et même dépassées. D’où des
raretés nouvelles dans notre environne-
ment, raretés que nos ancêtres igno-
raient totalement, ou ne connaissaient
que dans leur voisinage immédiat. La pla-
nète devient trop petite pour que nous
puissions continuer à en négliger les
limites.
Imaginons que le diamètre de laTerre ait
été dix fois plus long, donc sa surface
cent fois plus grande et l’atmosphère
mille fois plus vaste : on ne se poserait
pas le problème planétaire du dévelop-
pement durable. Il est vrai qu’à ces
dimensions, notre planète n’eût plus été
la Terre, avec les équilibres subtils qui y
ont permis l’apparition et le développe-
ment de la vie. Mais, le globe restant
à sa dimension, et notamment sa sur-
face, l’hypothèse homologue serait que
l’humanité, néanmoins parvenue au
stade actuel de son développement éco-
nomique, se trouve cent fois moins
nombreuse : 60 millions au lieu de 6
milliards. Alors, aucune des raretés qui
nous préoccupent aujourd’hui à l’échelle
du globe ne serait encore perceptible.
Avec l’explosion démographique des
deux derniers siècles, nous sommes
donc bien confrontés à un problème
nouveau, celui de la rareté de ce que la
planète semblait nous dispenser large-
ment autrefois :l’espace,l’air,ainsi que de
nombreuses ressources minérales et
biologiques. Une image de la situation,
sans doute excessive mais très sugges-
tive, est celle du vaisseau spatial où
les astronautes doivent tout gérer avec
un soin extrême : l’air, l’eau, l’espace,
les ressources et les déchets. Ainsi en
va-t-il dorénavant pour la Terre, cette
petite boule qui nous promène à travers
les étoiles. Les largesses de la nature ont
L’explosion démographique pose avec acuité la
question de la gestion des ressources rares
– énergie, mais aussi terre arable, richesses miné-
rales, environnement. Pour les biens marchands, le
système des prix permet d’arbitrer en faveur des
solutions qui gaspillent le moins de ressources.
Quand il s’agit de traiter les « raretés non mar-
chandes », et notamment de lutter contre l’aggra-
vation de l’effet de serre, l’écotaxe semble le
moyen le mieux adapté. Pour le gaz carbonique en
particulier, cette formule est sans doute préféra-
ble à celle du marché des droits d’émission. Dans
tous les cas, il s’agit de rendre compatibles la
poursuite de la croissance économique et la pré-
servation des libertés.
Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004
éloge des écotaxes
marcel boiteux *
* Agrégé de l’Université, membre de l’Institut.
ENVIRONNEMENT
4LIVRES ET IDÉES4CONJONCTURES6REPÈRES ET TENDANCES 4DOSSIER
cessé d’être illimitées ; elles ont mainte-
nant changé de statut et deviennent des
ressources rares, à traiter comme telles.
L’image du vaisseau spatial attire égale-
ment l’attention sur l’inégalité de la
répartition des richesses
à travers le monde. Que
dirait-on si l’un des six
astronautes d’un vaisseau
spatial absorbait à lui seul
60 % des ressources
disponibles et se rendait
responsable de plus de la
moitié des pollutions,
tandis qu’à l’inverse deux
de ses collègues arrive-
raient tout juste à subsis-
ter, et qu’un troisième
serait aux portes de la
mort ? On crierait au
scandale. Il en est ainsi
pourtant sur notre petite
Terre, chaque astronaute
du vaisseau étant l’image
d’un milliard d’individus.
On ne traitera pas ici
de ce sujet, qui relève
d’un autre chapitre de
la science économique,
celui de la répartition des richesses (ou
de la propriété).
l’arbitraGe
desressourcesrares
Lorsque l’énergie commença à pré-
occuper les penseurs, à l’occasion
notamment de la crise du pétrole et du
développement du nucléaire civil, la
notion d’analyse énergétique connut une
certaine vogue. Il s’agissait non seule-
ment de mesurer l’énergie consommée
par l’utilisateur final – l’essence qu’il met
dans sa voiture par exemple – mais d’y
ajouter aussi l’énergie absorbée pour
produire le véhicule dans l’usine de la
marque, puis la part unitaire de l’énergie
qui avait été consommée en amont pour
la construction de ladite usine, etc., de
façon à bâtir un bilan total, dit consolidé,
de toute la consommation d’énergie
dont est responsable le parcours d’un
kilomètre en automobile.
Vers cette époque, un spécialiste de ce
type d’analyse s’inquiétait dans un article
de constater que la quantité consolidée
d’énergie nécessaire pour produire un
quintal de maïs ait pu augmenter de 25 %
en vingt-cinq ans. à ce rythme de crois-
sance annuelle, où allait-on ? Mais, dans le
même article, l’auteur indiquait – inci-
demment – que le rende-
ment à l’hectare avait
doublé et que la produc-
tivité de la main-d’œuvre
avait sextuplé. Un quart
d’énergie en plus, mais
deux fois moins de terre
arable et six fois moins
de travailleurs ? Cela fait
quand même réfléchir.
En effet, dans un monde
où deux milliards d’indivi-
dus (à l’époque) étaient
menacés de famine catas-
trophique dans des pays
sous-développés aux sols
souvent ingrats, quelle
était la ressource la
plus précieuse ? L’éner-
gie ? Elle pose sans doute
quelques problèmes, mais
le monde en regorge
puisque, depuis Einstein,
on sait que la matière
elle-même est énergie.La terre arable,en
revanche, est une denrée rare dans bien
des parties du monde où, par ailleurs, on
manque à l’évidence de main-d’œuvre
compétente. Utiliser un peu plus d’éner-
gie,certes,mais pour doubler le potentiel
arable et sextupler la productivité de
la main-d’œuvre, cela en vaut sans doute
la peine.
Mais, à la réflexion, il n’y a pas que la
terre arable et la main-d’œuvre qualifiée
qui soient des ressources rares. Bien des
ressources minérales le sont également,
tel le cuivre par exemple. Et selon cer-
tains futurologues, le monde manquera
de phosphore avant de manquer d’éner-
gie. Il ne faut donc pas se soucier seule-
ment d’économiser l’énergie, érigée en
divinité, quitte à gaspiller tout le reste.
Comme pour l’analyse énergétique, des
bilans consolidés s’imposent – en remon-
tant du produit final jusqu’aux ressour-
ces primaires – pour la terre arable, le
cuivre, le phosphore et, d’une façon
générale, pour tout ce qui présente une
certaine rareté intrinsèque.
Cependant, à supposer qu’on parvienne
à mener cet énorme travail pour toutes
les consommations finales et pour toutes
les sortes de ressources rares que
celles-ci ont mobilisées – la tâche appa-
raît écrasante –, que faire ensuite pour
arbitrer entre deux consommations
équivalentes au niveau final, mais dont
l’une, par exemple, exige une quantité
consolidée de phosphore plus élevée, et
l’autre davantage de terre arable ?
del’utilitÉdesprix
Heureusement,il y a un vieux « truc »
qu’on utilise depuis des siècles et
qui ne fonctionne pas si mal. Il consiste à
affecter à chaque rareté élémentaire
(l’hectare de terre arable,la tonne de cui-
vre, l’heure d’ouvrier qualifié, etc.) un
coefficient plus ou moins élevé suivant
l’intensité des besoins,coefficient que l’on
appelle un prix.On multiplie par ce prix la
quantité totale de la ressource rare mobi-
lisée tout le long de la chaîne de produc-
tion – cette quantité que révèle le bilan
consolidé – et l’on obtient un coût. Les
coûts consolidés obtenus successivement
pour chacune des ressources rares utili-
sées pour fabriquer le produit final peu-
vent être ensuite additionnés pour
fournir un total… qu’on appelle un prix
de revient. Et, à résultat égal, la meilleure
solution est celle qui coûte le moins cher,
puisque c’est celle qui mobilise le moins
de raretés primaires, respectivement
pondérées par leur prix.
Banalité ? C’est pourtant là le sens pro-
fond du prix de revient1 dans une éco-
Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004
ENVIRONNEMENT
4LIVRES ET IDÉES4CONJONCTURES6REPÈRES ET TENDANCES 4DOSSIER
1 Le lecteur peu averti aura peut-être ici
l’impression d’un tour de passe-passe. C’est que
les prix finaux s’analysent d’habitude par strates
horizontales, depuis les ressources primaires,
naturelles ou humaines, jusqu’au produit final, en
passant successivement par les stades des
matières premières, des prix de gros, de demi-
gros et de détail. Ici, dans la logique des bilans
consolidés, on opère, non plus horizontalement,
mais le long de la filière verticale aboutissant au
produit final à partir de chaque ressource rare,
et on additionne ensuite les résultats obtenus le
long de chacune des filières. Que l’espèce de
colonne protéiforme qui supporte le produit
final soit ainsi intégralement découpée en cou-
ches dans le sens de la largeur, ou en tubes dans
le sens de la hauteur, son volume reste le même.
Que dirait-on si l’un
des six astronautes
d’un vaisseau spatial
absorbait à lui seul
60 % des ressources
disponibles et se
rendait responsable
de plus de la moitié
des pollutions, tandis
qu’à l’inverse deux
de ses collègues
arriveraient tout juste
à subsister, et qu’un
troisième serait aux
portes de la mort ?
nomie de marchés. Certes, les marchés
sont imparfaits, et le prix est parfois
alourdi, ici ou là, de bénéfices indus
(indus parce qu’excédant le bénéfice
normal qui rémunère la rareté intrinsè-
que des bons patrons ou des investis-
seurs avisés, tout au long de la chaîne
des activités qui va des ressources pri-
maires au consommateur final). Mais le
système fournit quand même des ordres
de grandeur bien plus significatifs que les
intuitions transcendantes des militants
des grandes causes du moment.
Cela dit,outre l’imperfection des marchés
– qui relève d’un autre sujet – on doit
reconnaître que n’interviennent dans ces
prix de revient que les raretés marchan-
des, celles qui font l’objet de transactions
commerciales. Reste à traiter des raretés
non facturées et, d’une façon générale,
des nuisances (et aménités) non mar-
chandes, dont il convient d’alourdir les
prix de revient. Car si l’on veut que les
mécanismes de marché contribuent,
comme ils le doivent, à la prospérité
publique, il faut que le coût pour le déci-
deur soit aussi le coût pour la collectivité.
On se trouve là au cœur des problèmes
que posent les raretés nouvelles engen-
drées par l’explosion de l’espèce
humaine.
lesraretÉs
nonmarchandes
Chaque fois que l’on sait assez bien
ce que coûte à telle ou telle frac-
tion de la collectivité la nuisance non
marchande engendrée par une entre-
prise,la solution la plus simple pour limi-
ter raisonnablement l’importance de
cette nuisance est de la facturer à ladite
entreprise. Ainsi son impact nuisible
interviendra-t-il dans les coûts du déci-
deur pour infléchir son comportement,
accroître ses prix et freiner ses ventes.
Si la collectivité intéressée est nette-
ment délimitée, on négociera ou on
imposera une indemnisation direc-
tement allouée aux victimes pour com-
penser la nuisance qu’elles subissent,
ou leur permettre de la réparer. C’est
ce qu’on fait (en principe) pour les
nuisances sonores. Si la collectivité
affectée est vaste et mal déterminée, on
opèrera par le biais d’une taxe parafis-
cale affectée à la réparation de la nui-
sance si celle-ci est réparable, ou à
l’indemnisation collective du préjudice
dans le cas contraire.
Mais il arrive aussi que le préjudice soit
difficile à évaluer.Ce n’est pas une raison
pour ne rien faire. Ce n’est pas non plus
une raison pour faire n’importe quoi
en exigeant, ici, des efforts démesurés
tandis que continuerait à régner, là, un
aimable laxisme. Si, avec l’argent dépensé
ici, il est possible d’obtenir, là, une réduc-
tion du dommage cent fois plus élevée,
il faut transférer les crédits d’ici à là,
jusqu’à ce que cet écart disparaisse.
Car, à dépense égale, le préjudice créé
par des nuisances additives est réduit à
son minimum lorsque le coût d’une
réduction supplémentaire en vient à être
le même partout.
La bonne solution pour parvenir à ce
résultat, c’est l’écotaxe : tant que, ici, le
coût d’une réduction supplémentaire de
la nuisance reste inférieur à la taxe,
ÉLOGE DES ÉCOTAXES
Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004
l’actualisationetl’effacementdufutur
Si l’on a le choix, on préfère très généralement avoir 100 euros tout de suite plutôt que 100 euros dans dix ans. Ne serait-ce que
pour placer cet argent en attendant qu’on en ait besoin. Cette « préférence pour le présent », qui caractérise l’attitude d’une
collectivité devant le futur, s’exprime par le taux d’intérêt i qui y règne : hors prime de risque, le marché échange, et donc déclare
fondamentalement équivalents, 1 euro aujourd’hui, et 1+i euros dans un an, 1 euro aujourd’hui et (1+i)10 euros dans dix ans. Pour
un taux i de 7,2 % – élevé aujourd’hui pour un placement sans risque (doublement en dix ans) – le marché échange ainsi 1 euro
aujourd’hui contre 2 euros dans dix ans, 4 euros dans vingt ans, etc.
Dès lors, dans les calculs économiques, pour un taux d’actualisation de 7,2 %, une valeur de 1 prévue dans dix ans ne compte
aujourd’hui que pour un demi ; dans vingt ans, un quart ; dans trente ans, un huitième… C’est ce qu’on appelle l’« actualisation ».
Est-ce à dire que l’actualisation efface systématiquement le long terme et justifie que,dans les calculs économiques,on ignore déli-
bérément l’avenir lointain – celui, précisément, dont se soucient aujourd’hui les militants du développement durable ? C’est une
idée très répandue, mais totalement fausse.
Pour ne pas s’encombrer d’un taux d’inflation dont on ignore ce qu’il sera dans l’avenir lointain, les calculs à long terme sont
généralement menés « à euro constant », le taux d’actualisation retenu s’entendant alors hors inflation. Mais « euro constant »
ne veut pas dire « prix constants » : les prix varient régulièrement les uns par rapport aux autres, et c’est leur moyenne qui est
réputée constante lorsqu’on les déflate du taux moyen de leur évolution pour raisonner « à euro constant ».Or ce sont les prix
des biens qui relèvent du génie humain qui baissent par rapport à la moyenne, d’autant plus qu’ils se situent aux frontières tech-
nologiques du moment (ordinateurs, télécoms, etc.). à l’inverse, les biens plus traditionnels, dans la fabrication desquels l’inno-
vation n’arrive plus à jouer un rôle suffisant pour compenser les facteurs de hausse, verront leurs prix augmenter quelque peu.
Et les prix des ressources rares finiront, eux, par croître – si ce n’est déjà le cas – à un rythme au moins égal au taux de
l’actualisation, l’effet d’effacement étant alors complètement annulé.
D’où il suit que tout ce qui relève du génie humain disparaîtra plus ou moins vite dans les prévisions à long terme, tandis que ne
subsisteront que les raretés essentielles, celles dont la valeur unitaire augmente au même taux que le taux d’intérêt.
Autrement dit, à long terme, le calcul économique finit par éliminer ce qui relève des hommes pour ne laisser subsister que les
vraies valeurs d’environnement dont l’humanité doit gérer l’héritage. CQFD.
on réduit la nuisance ; lorsque, là, il est
supérieur, on paye. En fin de processus,
lorsque le coût d’une réduction margi-
nale est uniformisé, le produit de la taxe
correspond à la facturation de la nui-
sance rémanente ;ainsi le prix de revient
final est-il bien alourdi de la part de cette
nuisance rémanente dont le consomma-
teur se rend responsable en procédant à
l’achat en cause, et pas à un autre achat
(dont le prix sera lui-même alourdi de
ses propres nuisances).
Tel devrait être le dispositif pour les gran-
des pollutions, oxydes de soufre et oxy-
des d’azote dans l’air, nitrates dans l’eau,
gaz carbonique dans l’atmosphère etc.
Le cas du gaz carbonique est à cet égard
particulièrement intéressant. On ne sait
guère évaluer l’importance du préjudice,
mais son existence n’est pas niable. On
ne sait pas bien non plus – pas encore en
tout cas – lutter contre ce préjudice, que
ce soit à la source par piégeage ou, après
émission, par traitement de l’atmosphère
elle-même (planter des forêts ?). Mais on
sait, en revanche, que la quantité de gaz
carbonique qui s’étale au-dessus de nos
têtes est d’ores et déjà trop grande, et
qu’elle va inéluctablement continuer à
s’accroître pendant longtemps encore : il
s’agit, à défaut de mieux, d’en freiner la
croissance. La meilleure manière d’y par-
venir pour tirer le parti maximum des
ressources – limitées – qu’on accepte d’y
consacrer, c’est bien de créer une éco-
taxe qui assurera le freinage maximum à
dépense égale.
lataxeoulemarchÉ ?
Les industriels ne sont guère favora-
bles à cette idée d’une écotaxe sur le
gaz carbonique,pour deux raisons parfai-
tement estimables.La première,c’est que
le dispositif doit être mondial, sans quoi
la concurrence serait totalement faussée
dans les secteurs à forte émission. La
seconde tient au principe même du pré-
lèvement : une taxe de plus ! Sans doute
les pouvoirs publics sont-ils prêts à
déclarer que le produit de la taxe sera
redistribué dans l’industrie afin que celle-
ci, globalement au moins, ne soit pas
pénalisée. Mais on sait que ce genre de
promesse s’amortit très vite…
De plus, si cette redistribution est bien
l’intention déclarée des autorités
responsables, on pourra obtenir le
même résultat, et sans risque de
détournement, en créant un marché des
droits à émettre du gaz carbonique
– lequel marché, lui, fonctionnera en
circuit fermé. Le principe de l’opération
est simple. Veut-on
réduire de 20 % les
émissions ? Ceux qui
peuvent aisément, et
pour pas cher, aller
beaucoup plus loin le
feront ; et ils émettront
à due concurrence des
certificats de dépol-
lution qu’ils vendront à
ceux pour qui une
réduction allant jusqu’à
20 % aurait été extrê-
mement coûteuse.
Devenus des « droits à
polluer », ces certificats
de dépollution seront
donc offerts sur un
marché où la confronta-
tion des offres et des
demandes permettra
finalement d’aboutir à la réduction glo-
bale de 20 %, qui était l’objectif de la
manœuvre. Le cours d’équilibre des
droits à polluer se situera d’ailleurs au
niveau où l’on aurait dû fixer l’écotaxe
pour obtenir le même résultat. Mais, à la
différence de l’écotaxe, ce qu’auront
payé les uns sera gagné par les autres,
sans qu’un sou sorte du système.
Certes, l’égalité de l’effort marginal de
tous est ainsi acquise, ce qui garantit que
la dépense consentie est la plus faible, à
résultat égal : la première exigence du
« cahier des charges » de la mission est
satisfaite. Mais pas la seconde, car les
émissions rémanentes ne seront pas fac-
turées comme ç’eût été le cas avec une
écotaxe, de sorte que le prix final des
biens de consommation plus ou moins
responsables de l’effet de serre n’en
subiront pas l’impact.
C’est déjà mieux que rien, beaucoup
mieux même. Mais on n’aura fait qu’une
partie du chemin. Car ce défaut de factu-
ration, qu’on serait tenté de juger anodin
au premier abord, ne saurait être sous-
estimé. En effet, c’est en alourdissant les
prix de revient,donc les prix de vente,de
tous les produits à impacts nuisibles sur
l’environnement que l’on réduira la
consommation, et donc la croissance
économique, dans la mesure nécessaire
pour en contrôler judicieusement les
méfaits. Cela implique de différencier et
de freiner davantage les
consommations qui
menacent la nature – il
s’agit plutôt des biens
industriels – que celles
qui l’épargnent : la com-
munication, les biens
culturels, les services
relationnels, etc.
L’économie de marché,
qui a bien des mérites
même si elle ne les a
pas tous, ne sait encore
fonctionner que dans
la croissance – telle la
bicyclette qui ne tient
que si elle avance.
Halte à la croissance,
disait-on : ce précepte
ne peut être mis en
œuvre dans sa brutalité qu’en recourant
à une économie administrée – dont
l’exemple soviétique n’a guère donné
une bonne image – et en sacrifiant
les libertés, les libertés de choix écono-
mique d’abord, puis les autres.
Tout en préservant ces libertés – ce qui
n’exclut en aucune manière un effort
éclairé de sensibilisation et d’éducation
pour infléchir les libres choix de nos
concitoyens –, un système généralisé
d’écotaxes freine lui aussi la croissance,
et il le fait même de façon théorique-
ment optimale. En pratique, certes, ce
n’est pas si facile. Mais ne vaut-il pas
mieux quand même recourir à une éco-
nomie de marché qu’on s’efforcera de
faire fonctionner le moins mal possible,
avec des écotaxes fixées au mieux,
et dont les recettes seront gérées avec
autant de sagacité qu’on le pourra ?
Car l’autre branche de l’alternative,
c’est la dictature. Même verte, elle ne
rassure pas. g
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ENVIRONNEMENT
4LIVRES ET IDÉES4CONJONCTURES6REPÈRES ET TENDANCES 4DOSSIER
Halte à la croissance,
disait-on : ce précepte
ne peut être mis
en œuvre dans sa
brutalité qu’en recourant
à une économie
administrée – dont
l’exemple soviétique
n’a guère donné une
bonne image –
et en sacrifiant les
libertés, les libertés
de choix économique
d’abord, puis les autres.

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L'éloge des écotaxes - Marcel Boiteux - 2004

  • 1. La science économique est, notam- ment, la science de l’allocation des ressources rares. Elle peut, à ce titre, apporter une contribution utile à la réso- lution des problèmes que le dévelop- pement durable pose à l’humanité. Grâce aux progrès de la science,l’espèce humaine s’est soustraite aux équilibres naturels qui régulaient ses effectifs par la famine et la maladie, et elle a envahi le monde. Il y avait environ 1 milliard d’êtres humains sur la Terre au début du XIXe siècle, 1,5 milliard au début du XXe, et 6 milliards aujourd’hui. Cette croissance exponentielle ne saurait évi- demment se prolonger bien longtemps. Mais on devrait encore compter 2 à 4 milliards d’individus supplémentaires avant que l’espèce se stabilise, vers le milieu du siècle, aux alentours de 9 milliards. C’est beaucoup. Les limites de tolérance de la Terre paraissent d’ores et déjà atteintes, et même dépassées. D’où des raretés nouvelles dans notre environne- ment, raretés que nos ancêtres igno- raient totalement, ou ne connaissaient que dans leur voisinage immédiat. La pla- nète devient trop petite pour que nous puissions continuer à en négliger les limites. Imaginons que le diamètre de laTerre ait été dix fois plus long, donc sa surface cent fois plus grande et l’atmosphère mille fois plus vaste : on ne se poserait pas le problème planétaire du dévelop- pement durable. Il est vrai qu’à ces dimensions, notre planète n’eût plus été la Terre, avec les équilibres subtils qui y ont permis l’apparition et le développe- ment de la vie. Mais, le globe restant à sa dimension, et notamment sa sur- face, l’hypothèse homologue serait que l’humanité, néanmoins parvenue au stade actuel de son développement éco- nomique, se trouve cent fois moins nombreuse : 60 millions au lieu de 6 milliards. Alors, aucune des raretés qui nous préoccupent aujourd’hui à l’échelle du globe ne serait encore perceptible. Avec l’explosion démographique des deux derniers siècles, nous sommes donc bien confrontés à un problème nouveau, celui de la rareté de ce que la planète semblait nous dispenser large- ment autrefois :l’espace,l’air,ainsi que de nombreuses ressources minérales et biologiques. Une image de la situation, sans doute excessive mais très sugges- tive, est celle du vaisseau spatial où les astronautes doivent tout gérer avec un soin extrême : l’air, l’eau, l’espace, les ressources et les déchets. Ainsi en va-t-il dorénavant pour la Terre, cette petite boule qui nous promène à travers les étoiles. Les largesses de la nature ont L’explosion démographique pose avec acuité la question de la gestion des ressources rares – énergie, mais aussi terre arable, richesses miné- rales, environnement. Pour les biens marchands, le système des prix permet d’arbitrer en faveur des solutions qui gaspillent le moins de ressources. Quand il s’agit de traiter les « raretés non mar- chandes », et notamment de lutter contre l’aggra- vation de l’effet de serre, l’écotaxe semble le moyen le mieux adapté. Pour le gaz carbonique en particulier, cette formule est sans doute préféra- ble à celle du marché des droits d’émission. Dans tous les cas, il s’agit de rendre compatibles la poursuite de la croissance économique et la pré- servation des libertés. Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004 éloge des écotaxes marcel boiteux * * Agrégé de l’Université, membre de l’Institut. ENVIRONNEMENT 4LIVRES ET IDÉES4CONJONCTURES6REPÈRES ET TENDANCES 4DOSSIER
  • 2. cessé d’être illimitées ; elles ont mainte- nant changé de statut et deviennent des ressources rares, à traiter comme telles. L’image du vaisseau spatial attire égale- ment l’attention sur l’inégalité de la répartition des richesses à travers le monde. Que dirait-on si l’un des six astronautes d’un vaisseau spatial absorbait à lui seul 60 % des ressources disponibles et se rendait responsable de plus de la moitié des pollutions, tandis qu’à l’inverse deux de ses collègues arrive- raient tout juste à subsis- ter, et qu’un troisième serait aux portes de la mort ? On crierait au scandale. Il en est ainsi pourtant sur notre petite Terre, chaque astronaute du vaisseau étant l’image d’un milliard d’individus. On ne traitera pas ici de ce sujet, qui relève d’un autre chapitre de la science économique, celui de la répartition des richesses (ou de la propriété). l’arbitraGe desressourcesrares Lorsque l’énergie commença à pré- occuper les penseurs, à l’occasion notamment de la crise du pétrole et du développement du nucléaire civil, la notion d’analyse énergétique connut une certaine vogue. Il s’agissait non seule- ment de mesurer l’énergie consommée par l’utilisateur final – l’essence qu’il met dans sa voiture par exemple – mais d’y ajouter aussi l’énergie absorbée pour produire le véhicule dans l’usine de la marque, puis la part unitaire de l’énergie qui avait été consommée en amont pour la construction de ladite usine, etc., de façon à bâtir un bilan total, dit consolidé, de toute la consommation d’énergie dont est responsable le parcours d’un kilomètre en automobile. Vers cette époque, un spécialiste de ce type d’analyse s’inquiétait dans un article de constater que la quantité consolidée d’énergie nécessaire pour produire un quintal de maïs ait pu augmenter de 25 % en vingt-cinq ans. à ce rythme de crois- sance annuelle, où allait-on ? Mais, dans le même article, l’auteur indiquait – inci- demment – que le rende- ment à l’hectare avait doublé et que la produc- tivité de la main-d’œuvre avait sextuplé. Un quart d’énergie en plus, mais deux fois moins de terre arable et six fois moins de travailleurs ? Cela fait quand même réfléchir. En effet, dans un monde où deux milliards d’indivi- dus (à l’époque) étaient menacés de famine catas- trophique dans des pays sous-développés aux sols souvent ingrats, quelle était la ressource la plus précieuse ? L’éner- gie ? Elle pose sans doute quelques problèmes, mais le monde en regorge puisque, depuis Einstein, on sait que la matière elle-même est énergie.La terre arable,en revanche, est une denrée rare dans bien des parties du monde où, par ailleurs, on manque à l’évidence de main-d’œuvre compétente. Utiliser un peu plus d’éner- gie,certes,mais pour doubler le potentiel arable et sextupler la productivité de la main-d’œuvre, cela en vaut sans doute la peine. Mais, à la réflexion, il n’y a pas que la terre arable et la main-d’œuvre qualifiée qui soient des ressources rares. Bien des ressources minérales le sont également, tel le cuivre par exemple. Et selon cer- tains futurologues, le monde manquera de phosphore avant de manquer d’éner- gie. Il ne faut donc pas se soucier seule- ment d’économiser l’énergie, érigée en divinité, quitte à gaspiller tout le reste. Comme pour l’analyse énergétique, des bilans consolidés s’imposent – en remon- tant du produit final jusqu’aux ressour- ces primaires – pour la terre arable, le cuivre, le phosphore et, d’une façon générale, pour tout ce qui présente une certaine rareté intrinsèque. Cependant, à supposer qu’on parvienne à mener cet énorme travail pour toutes les consommations finales et pour toutes les sortes de ressources rares que celles-ci ont mobilisées – la tâche appa- raît écrasante –, que faire ensuite pour arbitrer entre deux consommations équivalentes au niveau final, mais dont l’une, par exemple, exige une quantité consolidée de phosphore plus élevée, et l’autre davantage de terre arable ? del’utilitÉdesprix Heureusement,il y a un vieux « truc » qu’on utilise depuis des siècles et qui ne fonctionne pas si mal. Il consiste à affecter à chaque rareté élémentaire (l’hectare de terre arable,la tonne de cui- vre, l’heure d’ouvrier qualifié, etc.) un coefficient plus ou moins élevé suivant l’intensité des besoins,coefficient que l’on appelle un prix.On multiplie par ce prix la quantité totale de la ressource rare mobi- lisée tout le long de la chaîne de produc- tion – cette quantité que révèle le bilan consolidé – et l’on obtient un coût. Les coûts consolidés obtenus successivement pour chacune des ressources rares utili- sées pour fabriquer le produit final peu- vent être ensuite additionnés pour fournir un total… qu’on appelle un prix de revient. Et, à résultat égal, la meilleure solution est celle qui coûte le moins cher, puisque c’est celle qui mobilise le moins de raretés primaires, respectivement pondérées par leur prix. Banalité ? C’est pourtant là le sens pro- fond du prix de revient1 dans une éco- Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004 ENVIRONNEMENT 4LIVRES ET IDÉES4CONJONCTURES6REPÈRES ET TENDANCES 4DOSSIER 1 Le lecteur peu averti aura peut-être ici l’impression d’un tour de passe-passe. C’est que les prix finaux s’analysent d’habitude par strates horizontales, depuis les ressources primaires, naturelles ou humaines, jusqu’au produit final, en passant successivement par les stades des matières premières, des prix de gros, de demi- gros et de détail. Ici, dans la logique des bilans consolidés, on opère, non plus horizontalement, mais le long de la filière verticale aboutissant au produit final à partir de chaque ressource rare, et on additionne ensuite les résultats obtenus le long de chacune des filières. Que l’espèce de colonne protéiforme qui supporte le produit final soit ainsi intégralement découpée en cou- ches dans le sens de la largeur, ou en tubes dans le sens de la hauteur, son volume reste le même. Que dirait-on si l’un des six astronautes d’un vaisseau spatial absorbait à lui seul 60 % des ressources disponibles et se rendait responsable de plus de la moitié des pollutions, tandis qu’à l’inverse deux de ses collègues arriveraient tout juste à subsister, et qu’un troisième serait aux portes de la mort ?
  • 3. nomie de marchés. Certes, les marchés sont imparfaits, et le prix est parfois alourdi, ici ou là, de bénéfices indus (indus parce qu’excédant le bénéfice normal qui rémunère la rareté intrinsè- que des bons patrons ou des investis- seurs avisés, tout au long de la chaîne des activités qui va des ressources pri- maires au consommateur final). Mais le système fournit quand même des ordres de grandeur bien plus significatifs que les intuitions transcendantes des militants des grandes causes du moment. Cela dit,outre l’imperfection des marchés – qui relève d’un autre sujet – on doit reconnaître que n’interviennent dans ces prix de revient que les raretés marchan- des, celles qui font l’objet de transactions commerciales. Reste à traiter des raretés non facturées et, d’une façon générale, des nuisances (et aménités) non mar- chandes, dont il convient d’alourdir les prix de revient. Car si l’on veut que les mécanismes de marché contribuent, comme ils le doivent, à la prospérité publique, il faut que le coût pour le déci- deur soit aussi le coût pour la collectivité. On se trouve là au cœur des problèmes que posent les raretés nouvelles engen- drées par l’explosion de l’espèce humaine. lesraretÉs nonmarchandes Chaque fois que l’on sait assez bien ce que coûte à telle ou telle frac- tion de la collectivité la nuisance non marchande engendrée par une entre- prise,la solution la plus simple pour limi- ter raisonnablement l’importance de cette nuisance est de la facturer à ladite entreprise. Ainsi son impact nuisible interviendra-t-il dans les coûts du déci- deur pour infléchir son comportement, accroître ses prix et freiner ses ventes. Si la collectivité intéressée est nette- ment délimitée, on négociera ou on imposera une indemnisation direc- tement allouée aux victimes pour com- penser la nuisance qu’elles subissent, ou leur permettre de la réparer. C’est ce qu’on fait (en principe) pour les nuisances sonores. Si la collectivité affectée est vaste et mal déterminée, on opèrera par le biais d’une taxe parafis- cale affectée à la réparation de la nui- sance si celle-ci est réparable, ou à l’indemnisation collective du préjudice dans le cas contraire. Mais il arrive aussi que le préjudice soit difficile à évaluer.Ce n’est pas une raison pour ne rien faire. Ce n’est pas non plus une raison pour faire n’importe quoi en exigeant, ici, des efforts démesurés tandis que continuerait à régner, là, un aimable laxisme. Si, avec l’argent dépensé ici, il est possible d’obtenir, là, une réduc- tion du dommage cent fois plus élevée, il faut transférer les crédits d’ici à là, jusqu’à ce que cet écart disparaisse. Car, à dépense égale, le préjudice créé par des nuisances additives est réduit à son minimum lorsque le coût d’une réduction supplémentaire en vient à être le même partout. La bonne solution pour parvenir à ce résultat, c’est l’écotaxe : tant que, ici, le coût d’une réduction supplémentaire de la nuisance reste inférieur à la taxe, ÉLOGE DES ÉCOTAXES Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004 l’actualisationetl’effacementdufutur Si l’on a le choix, on préfère très généralement avoir 100 euros tout de suite plutôt que 100 euros dans dix ans. Ne serait-ce que pour placer cet argent en attendant qu’on en ait besoin. Cette « préférence pour le présent », qui caractérise l’attitude d’une collectivité devant le futur, s’exprime par le taux d’intérêt i qui y règne : hors prime de risque, le marché échange, et donc déclare fondamentalement équivalents, 1 euro aujourd’hui, et 1+i euros dans un an, 1 euro aujourd’hui et (1+i)10 euros dans dix ans. Pour un taux i de 7,2 % – élevé aujourd’hui pour un placement sans risque (doublement en dix ans) – le marché échange ainsi 1 euro aujourd’hui contre 2 euros dans dix ans, 4 euros dans vingt ans, etc. Dès lors, dans les calculs économiques, pour un taux d’actualisation de 7,2 %, une valeur de 1 prévue dans dix ans ne compte aujourd’hui que pour un demi ; dans vingt ans, un quart ; dans trente ans, un huitième… C’est ce qu’on appelle l’« actualisation ». Est-ce à dire que l’actualisation efface systématiquement le long terme et justifie que,dans les calculs économiques,on ignore déli- bérément l’avenir lointain – celui, précisément, dont se soucient aujourd’hui les militants du développement durable ? C’est une idée très répandue, mais totalement fausse. Pour ne pas s’encombrer d’un taux d’inflation dont on ignore ce qu’il sera dans l’avenir lointain, les calculs à long terme sont généralement menés « à euro constant », le taux d’actualisation retenu s’entendant alors hors inflation. Mais « euro constant » ne veut pas dire « prix constants » : les prix varient régulièrement les uns par rapport aux autres, et c’est leur moyenne qui est réputée constante lorsqu’on les déflate du taux moyen de leur évolution pour raisonner « à euro constant ».Or ce sont les prix des biens qui relèvent du génie humain qui baissent par rapport à la moyenne, d’autant plus qu’ils se situent aux frontières tech- nologiques du moment (ordinateurs, télécoms, etc.). à l’inverse, les biens plus traditionnels, dans la fabrication desquels l’inno- vation n’arrive plus à jouer un rôle suffisant pour compenser les facteurs de hausse, verront leurs prix augmenter quelque peu. Et les prix des ressources rares finiront, eux, par croître – si ce n’est déjà le cas – à un rythme au moins égal au taux de l’actualisation, l’effet d’effacement étant alors complètement annulé. D’où il suit que tout ce qui relève du génie humain disparaîtra plus ou moins vite dans les prévisions à long terme, tandis que ne subsisteront que les raretés essentielles, celles dont la valeur unitaire augmente au même taux que le taux d’intérêt. Autrement dit, à long terme, le calcul économique finit par éliminer ce qui relève des hommes pour ne laisser subsister que les vraies valeurs d’environnement dont l’humanité doit gérer l’héritage. CQFD.
  • 4. on réduit la nuisance ; lorsque, là, il est supérieur, on paye. En fin de processus, lorsque le coût d’une réduction margi- nale est uniformisé, le produit de la taxe correspond à la facturation de la nui- sance rémanente ;ainsi le prix de revient final est-il bien alourdi de la part de cette nuisance rémanente dont le consomma- teur se rend responsable en procédant à l’achat en cause, et pas à un autre achat (dont le prix sera lui-même alourdi de ses propres nuisances). Tel devrait être le dispositif pour les gran- des pollutions, oxydes de soufre et oxy- des d’azote dans l’air, nitrates dans l’eau, gaz carbonique dans l’atmosphère etc. Le cas du gaz carbonique est à cet égard particulièrement intéressant. On ne sait guère évaluer l’importance du préjudice, mais son existence n’est pas niable. On ne sait pas bien non plus – pas encore en tout cas – lutter contre ce préjudice, que ce soit à la source par piégeage ou, après émission, par traitement de l’atmosphère elle-même (planter des forêts ?). Mais on sait, en revanche, que la quantité de gaz carbonique qui s’étale au-dessus de nos têtes est d’ores et déjà trop grande, et qu’elle va inéluctablement continuer à s’accroître pendant longtemps encore : il s’agit, à défaut de mieux, d’en freiner la croissance. La meilleure manière d’y par- venir pour tirer le parti maximum des ressources – limitées – qu’on accepte d’y consacrer, c’est bien de créer une éco- taxe qui assurera le freinage maximum à dépense égale. lataxeoulemarchÉ ? Les industriels ne sont guère favora- bles à cette idée d’une écotaxe sur le gaz carbonique,pour deux raisons parfai- tement estimables.La première,c’est que le dispositif doit être mondial, sans quoi la concurrence serait totalement faussée dans les secteurs à forte émission. La seconde tient au principe même du pré- lèvement : une taxe de plus ! Sans doute les pouvoirs publics sont-ils prêts à déclarer que le produit de la taxe sera redistribué dans l’industrie afin que celle- ci, globalement au moins, ne soit pas pénalisée. Mais on sait que ce genre de promesse s’amortit très vite… De plus, si cette redistribution est bien l’intention déclarée des autorités responsables, on pourra obtenir le même résultat, et sans risque de détournement, en créant un marché des droits à émettre du gaz carbonique – lequel marché, lui, fonctionnera en circuit fermé. Le principe de l’opération est simple. Veut-on réduire de 20 % les émissions ? Ceux qui peuvent aisément, et pour pas cher, aller beaucoup plus loin le feront ; et ils émettront à due concurrence des certificats de dépol- lution qu’ils vendront à ceux pour qui une réduction allant jusqu’à 20 % aurait été extrê- mement coûteuse. Devenus des « droits à polluer », ces certificats de dépollution seront donc offerts sur un marché où la confronta- tion des offres et des demandes permettra finalement d’aboutir à la réduction glo- bale de 20 %, qui était l’objectif de la manœuvre. Le cours d’équilibre des droits à polluer se situera d’ailleurs au niveau où l’on aurait dû fixer l’écotaxe pour obtenir le même résultat. Mais, à la différence de l’écotaxe, ce qu’auront payé les uns sera gagné par les autres, sans qu’un sou sorte du système. Certes, l’égalité de l’effort marginal de tous est ainsi acquise, ce qui garantit que la dépense consentie est la plus faible, à résultat égal : la première exigence du « cahier des charges » de la mission est satisfaite. Mais pas la seconde, car les émissions rémanentes ne seront pas fac- turées comme ç’eût été le cas avec une écotaxe, de sorte que le prix final des biens de consommation plus ou moins responsables de l’effet de serre n’en subiront pas l’impact. C’est déjà mieux que rien, beaucoup mieux même. Mais on n’aura fait qu’une partie du chemin. Car ce défaut de factu- ration, qu’on serait tenté de juger anodin au premier abord, ne saurait être sous- estimé. En effet, c’est en alourdissant les prix de revient,donc les prix de vente,de tous les produits à impacts nuisibles sur l’environnement que l’on réduira la consommation, et donc la croissance économique, dans la mesure nécessaire pour en contrôler judicieusement les méfaits. Cela implique de différencier et de freiner davantage les consommations qui menacent la nature – il s’agit plutôt des biens industriels – que celles qui l’épargnent : la com- munication, les biens culturels, les services relationnels, etc. L’économie de marché, qui a bien des mérites même si elle ne les a pas tous, ne sait encore fonctionner que dans la croissance – telle la bicyclette qui ne tient que si elle avance. Halte à la croissance, disait-on : ce précepte ne peut être mis en œuvre dans sa brutalité qu’en recourant à une économie administrée – dont l’exemple soviétique n’a guère donné une bonne image – et en sacrifiant les libertés, les libertés de choix écono- mique d’abord, puis les autres. Tout en préservant ces libertés – ce qui n’exclut en aucune manière un effort éclairé de sensibilisation et d’éducation pour infléchir les libres choix de nos concitoyens –, un système généralisé d’écotaxes freine lui aussi la croissance, et il le fait même de façon théorique- ment optimale. En pratique, certes, ce n’est pas si facile. Mais ne vaut-il pas mieux quand même recourir à une éco- nomie de marché qu’on s’efforcera de faire fonctionner le moins mal possible, avec des écotaxes fixées au mieux, et dont les recettes seront gérées avec autant de sagacité qu’on le pourra ? Car l’autre branche de l’alternative, c’est la dictature. Même verte, elle ne rassure pas. g Sociétal N° 46 g 4e trimestre 2004 ENVIRONNEMENT 4LIVRES ET IDÉES4CONJONCTURES6REPÈRES ET TENDANCES 4DOSSIER Halte à la croissance, disait-on : ce précepte ne peut être mis en œuvre dans sa brutalité qu’en recourant à une économie administrée – dont l’exemple soviétique n’a guère donné une bonne image – et en sacrifiant les libertés, les libertés de choix économique d’abord, puis les autres.