1. Afficher cette lettre dans votre navigateur internet
Par Olivier GUY, édition du 14/01/2013
A la une
Longue interview du PDG de Total, dans Le Monde. Elle retient notre attention par son titre :
"Christophe de Margerie : le changement climatique, c'est sérieux". Total est la première entreprise
française, avec 185 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et 12 milliards de résultat net. La
parole de son patron a du poids.
Autant vous prévenir, le titre est en léger décalage avec l'interview. La phrase clé est celle ci : "On
nous dit, et j'écoute, que le changement climatique, c'est une question de vie ou de mort. C'est un
sujet sérieux avec lequel il ne faut pas plaisanter." Cette formulation laisse perplexe. Christophe de
Margerie ne dit pas "Le changement climatique est une question de vie ou de mort" mais "On nous
dit, et j'écoute...". Apparemment, Il n'aurait pas vraiment d'avis sur la question, lui le premier
énergéticien de France.
C'est Ponce Pilate au pays de l'or noir.
Cette impression est confirmée un peu plus loin : "La France et l'Europe disent que la priorité des
priorités, c'est la lutte contre le changement climatique, que c'est une question de survie à court ou
moyen terme. Je suis donc étonné que cela ne soit pas le premier sujet discuté à chaque réunion des
Vingt-Sept."
Ah, finalement le changement climatique, ce n'est donc pas si sérieux.
Lorsque Christophe de Margerie évoque le débat sur la transition énergétique, il se félicite que celui-
ci ne se soit pas intitulé "Débat sur la décarbonisation de l'économie". "C'est plus raisonnable" dit-il.
Il est vrai que pour faire face à une question de vie ou de mort, l'essentiel est de rester raisonnable.
Rappelons quand même à Christophe de Margerie que la feuille de route du débat fait état d'un
objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030 et 60% en 2040. Mais, est-
ce bien raisonnable ?
Pour Total, en réalité, la transition énergétique se limite à celle du pétrole vers le gaz.
Malheureusement, sans une réduction drastique des consommations, l'avenir lui donnera
probablement raison.
Météo et climat
1
2. [Rétrospective]
La fin de l'année a vu fleurir de nombreuses rétrospectives sur les évènements climatiques extrêmes
de 2012. Greg Laden en recense dix-neuf sur son blog. Angela Fritz de Weather Underground se
limite à neuf. Les deux listes sont très bien documentées. Pour un regard moins américano-centré, il
faut consulter china.org.cn dont la sélection est différente, même si dans les 3 cas, c'est la tempête
Sandy qui arrive en première position.
Energie et matières premières
[Pétrole arctique]
En Alaska, c'était l'évènement majeur de cette fin d'année. Dans la nuit du 31 décembre, la
plateforme de forage Kulluk, appartenant à Shell venait s'échouer non loin des côtes de l'ile Kodiak,
après avoir rompu ses filins de remorquage (vidéo de la plateforme échouée ici). Le risque de
pollution aux hydrocarbures ravive les critiques sur l'exploration pétrolière dans cette partie du
globe (Alaska Dispatch).
Shell n'a pour l'instant pas démontré sa capacité à mettre au point une infrastructure suffisamment
sécurisée pour maitriser un accident du type DeepwaterHorizon, comprenant notamment un dome
de confinement (voir son fonctionnement en images ici). Tous les forages devront également être
équipés dès le départ d'un puits de secours destiné au colmatage d'une éventuelle fuite (cela revient
à faire se rencontrer deux tubes de 25 cm de diamètre à 3000 mètres sous terre, comme cela est
expliqué sur ce schéma : difficile et cher).
Entre le coût des concessions (2,2 milliards de dollars) et des infrastructures, les accidents, les
contraintes règlementaires et les hivernages sans activité, l'aventure arctique de Shell est pour
l'instant un gouffre financier, sans résultat tangible. Les autres compagnies disposant de concessions
dans la région -ConocoPhillips, Statoil and Repsol- n'ont quant à elles pas encore franchi le pas de
l'exploration (fuelfix.com).
L'avenir du pétrole en arctique semble encore très incertain. L'agence norvégienne du climat vient
d'ailleurs de mettre en garde son gouvernement sur l'octroi de concessions dans les zones soumises
au climat polaire : trop risqué pour la sécurité des hommes et de l'environnement (BarentsObserver).
Economie et Politique
[Davos]
Terraeco.net signale la parution du rapport Global Risks 2013, en préambule au sommet de Davos
(World Economic Forum) qui se tiendra à partir du 23 janvier, sur le thème "Resilient Dynamism". Il
s'agit de débattre sur notre capacité à nous adapter aux changements globaux et à résister aux
crises, tout en poursuivant des objectifs de long terme pour le monde. Je ne pourrai
malheureusement pas vous en rendre compte directement, l'inscription s'élevant à 20.000 $, sans les
frais, et encore il faut être invité (cnn.com).
Les experts et responsables économiques interrogés par le World Economic Forum ont identifié 50
risques majeurs, qualifiés en termes de probabilité et de gravité. Le risque "augmentation des
émissions de gaz à effet de serre" est classée 3ème pour la probabilité et 6ème pour la gravité des
conséquences.
Les auteurs ont également travaillé avec la revue Nature pour définir les "X factors", cinq
évènements qui, chacun, pourraient bouleverser le cours des choses. Parmi ceux-ci, on trouve le
2
3. basculement dans un dérèglement climatique incontrolable mais aussi la manipulation criminelle du
climat par des personnes malintentionnées. Cela va-t-il ressusciter les vieux fantasmes liés au projet
Haarp (voir à ce propos un article récent sur le blog d'Audrey Garric, ou les explications approfondies
d'Alain Lipietz) ?
Science et technologie
[Eolien]
Energies et Environnement publie un article détaillé sur la filière offshore flottant, avec notamment
la carte des projets en cours dans le monde. L'enjeu en termes de potentiel de production est
considérable car la limite des 40 mètres de fond réduit grandement le nombre de sites exploitables.
Outre le "Damping Pool System" d'Ideol, dont nous avons parlé dans la lettre du climat n°3, il existe
deux autres projets sous leadership français, avec des budgets conséquents : Winflo (Nass & Wind,
Technip, Vergnet, Saipem) et Vertiwind (Nénuphar, Technip). Contrairement à celle d'Ideol, ces
technologies sont conçues pour des éoliennes spécifiques : 2 pales chez Winflo et axe vertical chez
Vertiwind.
Entreprises
[Nucléaire]
Enerzine.com a publié il y a quelques jours une interview de Luc Oursel, PDG d'Areva. Celui-ci y
affirme que l'accord signé il y a quelques semaines avec EDF et China Guangdong Nuclear Power
Corporation Holding (CGNPC) pour la mise au point en commun d'un réacteur destiné au marché
chinois reste exploratoire, et qu'il ne risque pas de mettre en péril les positions d'Areva sur le
marché par des transferts de technologies trop importants. Pourtant, si l'on en croit cet article paru
dans l'Expansion en aout dernier, il faut quand même se méfier.
Société
[Essence et criminalité]
Article passionnant (et assez long) de Kevin Drum dans MotherJones sur le rapport entre criminalité
et taux de plomb dans l'essence (et par voie de conséquence dans le corps humain). La concordance
des courbes, à 20 ans d'intervalle, entre la diminution de ce taux et la baisse du nombre de crimes
violents ainsi que les travaux de certains universitaires montrent une étonnante corrélation.
Photo/vidéo de la semaine
L'Australie est à nouveau ravagée par les flammes. Photos sur nouvelobs.com et carte des incendies
(en nombre impressionnant) sur The Guardian.
Pour vous abonner : overcast.fr
Archives de la lettre du climat
3