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Manon PEYTAVIN
COMAL 4
2014/2015
MEMOIRE :
LA COMMUNICATION DIGITALE APPLIQUEE AU SECTEUR DU LUXE
Comment allier valeurs intrinsèques au luxe,
Stratégies marketing et communication dans un monde toujours plus digitalisé ?
Tuteur de Mémoire : Guillaume NEAU
Consultant en affaires publiques et communication institutionnelle
PUBLICIS
Directeur de Mémoire : Cyril LEVY-PEY
Directeur de la communication corporate
INTERPARFUMS
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Remerciements
A Cyril Levy-Pey, mon directeur de mémoire pour les définitions du luxe et du digital qu’il m’a
présenté, pour ces précieux conseils et les échanges accordés. Un modèle de rigueur,
d’ambition et d’accessibilité.
A Guillaume Neau, tuteur durant cette quatrième année, véritable accompagnateur au
quotidien : pour sa vision à 360°, pour nous avoir poussés à la réflexion et à la recherche. A
tous ceux qui m’ont accordé leur temps et ont contribué à ma réflexion dans le cadre de leurs
réponses à mon questionnaire et à mes focus-group.
A Claudine Puyau et l’encadrement de l’ISCOM Montpellier, pour m’avoir laissé intégrer l’ISCOM
en 2011 et ouvert les yeux sur un monde fabuleux de séduction et de mécanismes stratégiques
où j’ai pu me révéler depuis 4 ans.
A ma famille et amis, les plus proches, pour m’avoir permis d’aller au bout de mon idée pour
produire ce grand travail. Merci d’avoir compris, la raison de cette porte fermée, de ses lectures
quasi-permanentes et de ces soirées d’écriture, seule, face à un iMac plus imposant que moi.
Maman, Papa, Petit-frère, j’aurai tellement aimé vous accorder plus de temps lorsque je venais
en week-end. Merci à celui qui a su quand il fallait aller passer la soirée le plus loin possible de
moi pour me laisser dans ma bulle de concentration.
A mon kiné, mon osteo et mon hypnotiseur qui m’ont permis de relâcher les tensions. A Kushmi
Tea, à Maison Bourbon, au thé de l’hospitalité et à la boutique Majesthé pour leurs existences. A
Albinoni, Beethoven, Doga, Gardel, Mozard, Pachelbel, Rosas, Rota, Shostakovich, Strauss,
Thaikovski et Vivaldi pour vos œuvres, relaxantes, inspirantes. Aux transports en commun, taxi,
uber ou chauffeurs privés qui ont le mérite de nous permettre de nous déplacer tout en écrivant.
A Google pour ses alertes. A FluidSurvey, pour sa version FREE (gratuite). A Apple, pour tout ce
qu’on sait.
Mais aussi à tous ceux, qui n’ont pas cru en mes candidatures ou qui ne les ont pas traitées avec
autant d’estime et d’humanité que j’ai pu en avoir pour eux. Ce travail est le fruit d’une passion
inexplicable. Il veut relever le défi. Il vous dit croyez-en moi maintenant, laissez-moi exercer dans
le secteur où je me suis toujours projetée. Je deviendrai. Je vous surprendrai.
Je vous remercie. Ce mémoire est le fruit de nos collaborations.
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Comment allier valeurs intrinsèques du luxe, stratégies marketing et communication dans un monde toujours plus digitalisé ?
Introduction : La naissance du digital
I/ Luxe, marketing & communication P.9
A. Les valeurs intrinsèques au luxe P.9
a. L’intemporalité au service de l’exception P.10
b. Le culte de l’histoire P.11
c. Le succès inspirant d’un marché de niche P.12
B. A contrepied du marketing traditionnel ? P.15
a. Le luxe, un univers codé P.16
b. De ressemblance en divergence, en quoi parle t’on de marketing du luxe. P.18
c. La stratégie digitale, à partir de quand est-ce un danger ? P.21
C. Communication et luxe ou l’éternel jeu du chat & de la souris P.26
a. La genèse, un secret de polichinelle bien gardé P.26
b. Faire rêver, susciter le désir, la naissance du luxe accessible P.27
c. La proposition d’une expérience unique et exceptionnelle P.29
D. L’évolution du comportement du consommateur de luxe P.31
a. L’expression de soi, de ses principes et de sa culture P.31
b. La recherche identitaire P.32
c. L’affirmation d’une suprématie et le besoin de reconnaissance P.33
II/ Témoignages d’expériences digitales P.35
a. Burberry, digital de la production au retail P.35
b. Van Cleef & Arpels ou l’art de la poésie digitale P.37
c. Le virage digital observé par groupe Interparfums P.38
d. Une stratégie Okko Hôtel, 100% digitale P.40
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III/ Tisser sa toile dans le digital
A. Multicanal et transmedia P.43
a. La force des traditions : campagne monocanal & multicanal P.44
b. Le Modèle SoLoMo : marketing mobile & géolocalisation P.45
c. Le Transmedia, une opportunité pour le luxe ? P.46
B. Sites web & web séries P.43
a. Adapter le storytelling au digital P.48
b. La légende dans la continuité P.49
c. Les différents sites internet d’une marque P.50
C. Relations Publics P.51
a. Les influenceurs 2.0., un relais de pairs P.52
b. Réseaux sociaux & Gamification P.53
c. La place du consommateur P.54
D. De l’expérience virtuelle à l’expérience réelle P.56
a. Taux de conversion & e-commerce P.56
b. Tendances retail & digitalisation P.57
c. L’évolution de la CRM P.58
Conclusion : Une stratégie digitale peut-elle se suffire à elle même ?
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Introduction
A l’aube de l’année 2015, de nombreuses newsletters vantent les mérites des tendances
digitales et des innovations 2 ou 3.0 fleurissent dans nos boites mails. Le panorama de la
communication globale s’est vu intégralement évoluer... Vers un avènement probable du
digital (fin 2015). Afin d’introduire ce mémoire, j’ai à cœur de vous présenter une vision
personnelle : du pourquoi et du comment de la naissance du digital.
Il fallait répondre à deux principales problématiques :
- Premièrement, les consommateurs sont apparus de plus en plus sceptiques à la
publicité. Ces dernières années, nombre d’entre eux ont installé des programmes
bloquant les publicités sur leurs ordinateurs personnels ou souscrivent à des
abonnements de vidéo à la demande afin que leur moment « cinéma » ne soient plus
interrompus par des écrans publicitaires. Nous ne parlerons pas de la fameuse étiquette
« pas de pub » présente sur près de 20 % des boîtes aux lettres françaises. Les individus
choisissent de contourner la publicité.
- Secondement, les consommateurs, en perpétuel renouvellement, s’avèrent de plus en
plus exigeants et volatiles. Les cibles les plus jeunes ont impulsé un nouveau besoin : le
besoin d’interactivités quotidiennes avec les marques. Désormais, ils n’attendent plus
que les marques s’adressent à eux, ils veulent prendre la parole et devenir une partie
prenante au cœur de la stratégie de marketing des marques.
Les marques devaient inventer un nouveau processus, communiquer autrement, impliquer
leurs consommateurs dans le but de fédérer de véritables communautés ambassadrices.
Parallèlement, de nouveaux médias ont émergé. Le vecteur du digital était en train de naître.
Voir progresser ce nouveau média a créé ma vocation. Bien sûr, les stratégies digitales ne sont
pas toujours plus pertinentes. A l’heure actuelle, certaines marques et institutions, aux vues de
leurs univers, de leurs cibles ou de leurs convictions managériales, seraient inconscientes de
digitaliser l’intégralité de leur communication.
Par exemple : une politique de la caisse d’épargne a été de supprimer les envois de relevés de
compte papier sans prévenir, de nombreux seniors ont été profondément déstabilisés. Le digital,
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I. Luxe, Marketing & Communication
51 % des consommateurs aimeraient avoir plus de produits haut de gamme qu’ils le voudraient.
Cependant, 60 % d’entre eux, non consommateurs, déclarent suivre la vie des marques de luxe.
Ils sont sensibles à la communication. Tels sont les principaux constats que dresse l’étude
qualitative que j’ai pu administrer entre février et mars 2015 auprès de 113 personnes.
Ainsi, marketing et communication sont indissociables de luxe, ils augmentent sa désirabilité. La
désirabilité est l’essence même de luxe. Ainsi, on ne retiendra pas forcément d’une vente son
importance, mais plutôt la fascination que témoigne le consommateur à la marque. La
communication va permettre de développer et cultiver l’image de marque, l’identification et de
positionner la marque dans l’esprit du consommateur. Ce dernier se retrouvera dans des valeurs
et dans une histoire qui a ce je ne sais quoi d’exceptionnel… D’inspirant. Toutes les marques
aimeraient avoir la force de fédérer une communauté d’adeptes à l’image des grandes maisons.
A. Les valeurs intrinsèques au luxe
Le luxe est irrationnel. Il a cette part d’inavoué et de mystère. Le luxe est paradoxal parce que
fascinant pour certains et déplorable pour d’autres. Il peut nous déranger en sacralisant la
démesure. S’affirmer consommateur de produit de luxe, aujourd’hui, peut-être moral, amoral
ou immoral selon nos sociétés d’origines et nos lieux de vie. Si le luxe est pour elle nécessaire et
indispensable. Il est pour lui inutile et futile. L’inverse est également possible, Monsieur peut-
être un inconditionnel, Madame n’y trouve aucune importance. Nous nous accorderons à dire ô
combien le luxe est complexe : agaçant et fascinant, clivant, insaisissable et emblématique. Le
premier objet de luxe se découvre souvent en plusieurs étapes. La première phase concentre
l’identification du consommateur. C’est le moment de l’assimilation de la marque, de sa
personnalité, de ses valeurs. La découverte de son histoire et de son univers.
Le luxe, on l’apprécie, ou pas, Mais pourquoi ?
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a. L’intemporalité au service de l’exception
S’il y a bien un mot qui caractérise le secteur, c’est l’exception. Tout consommateur averti de
produit de luxe va sacraliser son acquisition au point d’attendre de cette dernière une nouvelle
expérience exceptionnelle. Toute la problématique d’une marque de luxe réside dans la question
suivante : comment susciter le désir chez les populations toutes plus différentes les unes que les
autres sans devenir ordinaire et risquer de plaire à n’importe qui ? L’achat d’un produit de luxe
est une preuve d’attachement à la marque, il est souvent réfléchi et marginalisé du grand public.
Il n’est pas habituel, il correspond à un désir si fort, si irrationnel, qu’aucun produit de substitution
ne pourra le combler. A la base de ce désir, il y a la qualité, l’esthétisme, l’héritage, la culture, le
savoir-faire ou le service personnalisé, seuls capable de provoquer la perception de l’émotion. Un
produit de luxe, témoin d’engagement et d’excellence, est, par définition, rare et réservé au plus
petit nombre. Il fait rêver. Son accès s’apparente être liée au plaisir et à l’hédonisme. Le luxe est
exceptionnel parce qu’il défi le temps. Le luxe est hors du temps.
L’Hôtel Le Meurice, membre de Dorchester Collection met en avant l’héritage culturel dans son
bâtiment luxueux face aux Jardins des Tuileries. Aujourd’hui encore, un décor XVIIIème et des
chambres au style Louis XVI sont autant d’éléments nous rappelant l’héritage du projet
d’Augustin Meurice : proposer en France, à Paris, un service de voyage anglophone pour une
aristocratie venue d’outre Manche. En octobre 2011, LVMH créait les Journées Particulières.
Pendant deux jours, Le malletier Louis Vuitton, l’atelier de couture Dior, le champagne Veuve
Clicquot et plus de 20 autres manufactures d’artisanats ont ouvert leurs portes au grand public.
C’est ici un des plus grands exemples de savoir-faire. Avant sa première création collection
couture chez Chanel, K. Lagerfeld a tenu à revoir toutes les archives de la maison, l’héritage
culturel et le savoir-faire ont été mis au service de la recherche de matière. Un nez de parfum
pourra également mener une longue recherche d’ingrédient pour mettre au point l’effluve
escompté. Les processus de fabrication fait main pour la haute horlogerie ou la maturation d’un
whisky incorporent également la notion de patience. Enfin, l’expérience du luxe inclut elle même
un délai entre le moment d’achat et le moment consommation. Une Ferrari arrive généralement
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grandes maisons n’ont-elles pas été le théâtre de la recherche imperceptible du bonheur et de la
paix ? L’esprit entrepreneurial d’une saga familiale en est le témoin. Depuis 1924, six générations se
succèdent à la présidence de Loro Piana. La grande qualité et la gestuelle ancestrale Made In Italy
n’ont jamais autant résonné. L’innovation et les prouesses technologiques s’associent à la
tradition et donnent à la Maison un positionnement d’excellence. Rachetée en 2013 par LVMH,
la marque conservera per sempre son ADN, son histoire et la maîtrise du processus de
fabrication.
Cette identité, cet ADN propre à l’existence de la marque crée le sentiment d’identification : «
Parce que l’excellence est pour moi un mode de vie, parce que j’aime la fibre noble, parce que je
souhaite également préserver la nature, parce que je suis une femme élégante et discrète, je me
reconnais en la femme Loro Piana ». L’insight proposé ne serait rien sans la connaissance de la
marque Loro Piana, sans un minimum de culture et d’ouverte d’esprit. Le luxe est être et avoir
ce qu’il y a de meilleur. Le candidat à l’achat d’un produit de luxe doit donc posséder une certaine
culture. Héros de sa propre histoire avec la marque, il doit être dans une quête mythique
d’acquisition d’un bien d’exception. Ce nouvel objet l’accompagnera en réponse à son besoin
d’exprimer le raffinement, l’excellence ou dans celui d’appartenir à une communauté de
personnes éclairées à qui l’on ne raconte pas d’histoire.
c. Le succès inspirant d’un marché de niche
Il s’agit d’un fait avéré le secteur du luxe fonctionne indépendamment des crises.
Depuis 1995, le luxe enregistre une croissance annuelle moyenne de 7,3 %. Il représentait en
France, en 2013, 31 milliards d’euros de chiffre d’affaire4
.
En 2013, une étude Meltygroup annonce la couleur : la Génération Y a toujours connu la crise.
Cependant 83 % des 18-30ans qui la composent ne trouvent pas choquant d’acheter un produit
de luxe en période de crise5
.
Le consommateur tant désiré des Maisons est en attente d’émerveillement. Les valeurs et
l’histoire de ces dernières ont un impact sur lui. Serait-il, un tantinet, passif ? A l’ère 2015, les
4
GUILLO, Lomig, « La Planète Luxe en 2015 », Capital, dossier spécial, n°4, Décembre 2014, Janvier, Février 2015, P.10-11
5
BIONES, Eric, CASPER, Grégory, La génération Y et le luxe, Saint-Just-La-Pendue, 2014, Dunod, 228P, quatrième de couverture
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notions de consomm’acteur/consomm’auteur en demande d’ultra-personnalisation et
l’interactivité imposent de nouvelles contraintes aux marques. Le consommateur moyen s’est
transformé en un consommateur averti bénéficiant de toutes les informations qu’il désire, à
portée de main. Il souhaite dominer la marque. Cependant, dans notre monde de calme et de
volupté, il serait hérétique d’y croire. La marque dictera toujours, aussi discrètement que possible,
des codes attitudinaux, une façon de se tenir à son client. Dans le cas échéant les produits de luxe
perdraient de leur valeur.
La grande qualité du secteur du luxe est son adaptabilité au marché : les décideurs savent
s’inscrire résolument dans les tendances sociétales. L’exemple de la responsabilité sociétale
d’entreprise est révélateur. Le rapport « Deeper Luxury » du WWF nous démontre que les rares
grands groupes déjà engagés en RSE avant 2005, avaient fait le choix par conviction ou par
obligation. Ce n’est qu’à partir de 2009 que le secteur s’est rendu compte de l’importance de
l’exigence éthique du client et de l’influence des notations du type Vigeo. Aujourd’hui, si
l’engagement responsable n’est pas un motif d’achat, il représente un motif de non-achat. Nos
marques l’ont bien compris et sont nombreuses à prendre des mesures en interne. Par exemple
: Cartier s’affirme sur le chemin de la traçabilité des diamants et Baccarat prend le parti de
former les jeunes aux métiers de la Cristallerie. La matière et le métier, l’artisanat en somme,
est, ce que le luxe a et que les autres n’ont pas. L’exigence du client qui a trop entendu qu’il était
roi est sans limite. Il veut tout dans l’immédiat. L’exigence du client du luxe, nous l’avons vu et
le reverrons, est d’autant plus majorée. Il veut tout ce qu’il y a de meilleur, dans l’immédiat et
avec le meilleur des services.
D’après l’étude quantitative, les personnes ayant moins de -1000 € mensuel à consacrer à la
consommation « plaisir » 13 % achètent impulsivement, 25 % pour la catégorie supérieure. Enfin,
mon unique cas masculin ayant de plus de 5000 € mensuel pour sa consommation plaisir
s’octroie le luxe de ne consommer que de façon impulsive. Parallèlement ces personnes (à 84.9%
féminines) sont plus influencées par la presse à 34 %, le bouche-à-oreille et le digital à 38% ainsi
que par les conseillers à 16 %. Le conseiller, véritable ambassadeur, porte l’expérience de la
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marque, 60 % des consommateurs attendent de l’expérience-consommateur la projection dans
l’univers de la marque, la mise en avant du savoir-faire et des conseils utiles.
Ces chiffres mettent également en exergue trois éléments d’importance capitale à prendre en
compte :
- Le consommateur impliqué, volontaire de favoriser son plaisir aime et consomme la
presse papier.
- L’influence des pairs qu’ils soient proches ou éloignés géographiquement, réels ou
virtuels est très importante.
- La présence du conseiller sur le lieu de vente a le premier rôle dans l’expérience
consommateur. Ce dernier accompagne le prospect dans l’univers enchanté de la
marque et lui prodigue les conseils qu’il attend.
Tout ceci révèle bel et bien l’existence d’un marketing du caprice. La marque de luxe n’a jamais
été autant inspirante et influente pour le consommateur. Aujourd'hui, les stratégies menées dans
notre secteur en inspirent bien d’autre ! Le premium veut devenir luxe, or, si la dimension de
haute qualité est présente, la dimension de rêve manque à l’appel. Les stratégies de luxe sont
coûteuses. La seule augmentation du prix ne suffirait pas, la distribution, par exemple, devra
devenir de plus en plus sélective. Les prises de risques et les sacrifices seront nombreux avant de
réussir dans le luxe. En conclusion, ce marketing spécifique doit s’appliquer aux 4P : Produit, Prix,
Place, Promotion.
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B. A contrepied du marketing traditionnel ?
La marque est maintenant définie. Le phénomène d’identification pourra être créé grâce au
marketing et à la communication. Si le consommateur de luxe a des exigences importantes lors
d’un achat, la marque veut le meilleur. Une règle sera à retenir : « Moi, marque de luxe, je ne
veux pas être à la portée de tous. Je me destine à l’élite ». Il existe deux positionnements
envisageables dans le monde du luxe : les marques de prestiges, influentes et influencées et les
marques de perfection expérientielles et sensorielles. Un schéma quelque peu ancien proposé
par Vigneron & Johnson en 1999 est très parlant.
Figure 1
« Les 5 dimensions d’une marque de Luxe »
Nous verrons très tôt que les différents cycles de vie des marques conduisent ces dernières à
adopter tantôt le positionnement de marque statutaire, tantôt le positionnement de marque
expérientielle. La passerelle peut également se faire très rapidement lors d’une démarche
préachat. L’orientation statutaire prend plus d’importance que l’orientation expérientielle. Sur
113 personnes interrogées seulement 28 avouent avoir besoin de reconnaissance et avoir la
volonté d’appartenir à un groupe élitiste. 65 personnes ont plus de facilité à dire que la mode, la
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qualité et la recherche d’originalité est leur quête. Lors des entretiens individuels, aucun individu
n’avoue spontanément ce besoin de reconnaissance de la part de ses pairs. Ces résultats sont à
mettre en parallèle avec les suivants. 58 de ces mêmes individus admettent que le bouche-à-
oreilles et les communautés digitales sont les types de communications les plus influentes.
L’influence des autres ne fonctionnerait donc que dans un sens ? Il est plus aisé de croire que les
consommateurs ressentent le besoin de masquer cette recherche de statut… Ainsi, le client aura
plus de facilités à dire : « Je travaille beaucoup sur ordinateur portable lorsque je prends des
transports longue durée. J’aimerai les dernières technologies en matière de résolution d’écran et
d’autonomie de batterie. Le Macbook Pro me semble une excellente alternative » (fonction
utilitaire). Au lieu de : « Je souhaite acheter un Macbook Pro, tout le monde l’a, je veux moi aussi
faire partie de la communauté geek-chic ». (fonction identitaire). Ou encore « En tant qu’homme
d’affaire, j’ai envie de me faire plaisir avec une voiture puissante, très haut de gamme. » (fonction
affective) dont le véritable insight pourrait être : « Je souhaite m’offrir une Ferrari parce que peu
de personnes ne l’ont, mon but est de représenter l’image d’une personne aisée et de bon goût ».
(fonction distinctive).
Il n’y a donc pas profil de consommation unique. La recherche principale de ce marketing
réside dans l’apport de désirabilité et d’inaccessibilité. Ce constat permet d’avancer la notion
d’écosystème spécifique complet : le marketing du luxe.
a. Le luxe, un univers codé
Le luxe est donc un assemblage de valeurs, d’histoires et de pratiques particulières. Avant
d’étudier les spécificités découlant du secteur, il conviendra de traiter des codes. Il n’est plus un
secret pour personne que de dire : le luxe ne veut pas être à la portée de tous, il ne veut pas
produire en masse. Une maison de luxe, aujourd’hui, cible bien plus que des acheteurs : elle exige
des ambassadeurs qui contribueront à son attractivité, à sa notoriété et à la différenciation de sa
marque6
. Ces visiteurs ne sont pas triés sur le volet à l’entrée des magasins de luxe comme
certains pourraient le croire.
Chacun a le droit d’acheter un produit de luxe. Il existe, en revanche,
6
PHILIPPE, Déborah, DEBENEDETTI, Alain, Marketing du Luxe, Condé-sur-Noireau, 2014, EMS, Management & société, 244P., P.92
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rôle transversal. Substantielles, les conséquences qui en découlent remettent, parfois, les
principes du marketing traditionnel en question.
b. De ressemblance en divergence, en quoi parle-t’on de marketing de luxe ?
Si les outils ancestraux du marqueteur sont la pyramide de Maslow et les 4P, Jean Castarède,
économiste, historien, essayiste et éditeur français a proposé un tableau des différences
schématiques entre marketing du luxe et marketing de grande consommation8
.
Luxe Marketing de Grande Consommation
Pyramide - Appartenance - Psychologique
de Maslow - Accomplissement - Sécurité
- Considération
Produit - Objet - Utilité et commodité
- Métier - Packaging
Prix Elevé Le plus faible pour augmenter la
quantité
Distribution - Sélective - GMS
- Duty Free - Grands Magasins
- Grands Magasins - Magasins de proximité
- Exports
Communication - Sélective et ciblée - Grand public
- TV (parfois) - TV
- Mécénat - Publicité
- Rédactionnelle
Stratégie Elimination des concurrents Elimination des concurrents par les
par la différence coûts et la publicité
Résultats Maxi-marge Maxi-volume
8
CASTAREDE, Jean, Le Luxe, P.U.F., « Que sais-je ? », 2012, 128p, P.81
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Les deux domaines semblent totalement opposés à une seule exception prête : celle de leur
référencement dans les grands magasins. Se pose la problématique du pourquoi, pourquoi les
stratégies traditionnelles de marketing ayant fait leurs preuves auparavant ne peuvent
fonctionner dans le secteur de luxe ? Poursuivrons avec notre cher outil des 4P, partons de la
découverte (traditionnelle) de la marque jusqu’à l’acte d’achat… un schéma jusqu’alors jamais
observé.
1) Promotion
L’histoire du premier contact des personnes avec une marque de luxe est souvent l’initiation par
un proche ou l’introduction par une habitude. L’affectivité que les consommateurs ont avec les
marques de luxe repose sur des valeurs et de l’irrationnel. La communication par le bouche-à-
oreilles ou par des médias révélant une forte affinité est suffisamment confidentielle pour
transmettre la précieuse découverte : celle d’une histoire de marque fondée sur l’esthétique et
l’émotion. Cette découverte permet de créer, instantanément et intensément une relation avec
la marque. Généreuse, la marque invite à découvrir son univers et ses produits uniques et riches
en héritage.
2) Product
Il faut remonter à l’essence même du luxe : le rêve. En marketing de grande consommation, le
bien n’est pas durable, la part de rêve n’est pas importante : le consommateur ne rêve pas
d’acheter ses spaghettis et pourtant, ils sont de nombreux acheteurs. En opposition, dans le luxe,
le bien est durable et visible de nos communautés : il doit représenter l’image que l’on veut
donner. Lorsqu’un consommateur veut s’orienter vers un achat de luxe, la part de rêve sera
beaucoup plus intéressante à étudier. Objets témoins d’un savoir-faire unique et historique,
finitions et services de haute qualité, tout est prétexte à l’engagement : la promotion et le produit
enfantent le would-have. « Cette montre Hublot est celle qu’il me faut, témoin de mon
engagement sportif et chic à la fois, preuve de mes idées visionnaires ».
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3) Place
C’est ici que commence le véritable rôle du marketing stratégique. S’il est vraiment impliqué, le
consommateur, véritable héros de son propre storytelling va braver les premiers obstacles. La
distribution sélective ne l’impressionnera pas plus que la file d’attente devant les magasins de
luxe. Véritables lieux de culte9
où s’entrecroisent récits miraculeux, icônes et fidèles, les
boutiques de la marque vont être créées pour amener à l’achat calme et réfléchi. Le rôle du
conseiller, ambassadeur, humain et à ce moment là déterminant.
4) Price
Le souhait d’acquérir l’objet de tous les désirs sera largement supérieur au taux de pénétration.
L’engament à beau être à son comble : le luxe conserve un prix élevé, confidentiel, qui ne décroît
pas en fonction de l’offre ou de la demande. Généralement, si le produit est déjà connu du
consommateur, c’est à ce moment-là qu’il décidera de la suite des évènements.
Deux conséquences sont envisageables : le can’t have, le consommateur n’ira pas plus loin ou
le passage à l’acte d’achat. L’éternelle conséquence du can’t have sera de conduire les
consommateurs à rêver d’avantage et à accentuer le phénomène de désir, la marque toujours
plus inaccessible à consommation de masse gagnera en désirabilité… At Vitam aeternam. Et
c’est ainsi que sont découverts, les Must-Have, produits phares et iconiques de nos maisons de
luxe, incroyable point commun de parfaits inconnus que tout oppose.
En conclusion de cette partie, toute la démarche marketing est calculée pour servir notre couple
gagnant : inaccessibilité et désirabilité. Le schéma marketing du secteur est très inspirant, les
résultats des marques en part de marché mondiale sont le témoin inconcevable de son
efficacité. A tel point, que d’autres secteurs s’en inspirent aujourd’hui. Les marques premium,
industries chevronnées haut de gamme essayent de s’intégrer au pôle d’experts historiques de
la transmission du savoir-faire et de la création de valeurs. Un challenge visant à comparer
l’incomparable. L’époque voit apparaître « l’uber-premium », marque d’excellence abordable.
Ce que le premium n’aura peut être jamais, c’est la grandeur d’âme, la force d’élégance ou plus
9
Selon les termes de : BASTIEN, Vincent KAPFERER Jean-Noël, Luxe Oblige, Paris, 2012, Eyrolles, 58 p., P.141.
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particulièrement la différenciation de la marque. Toujours plus, plus grand, plus fort, plus
inédit... C’est aussi le dogme du digital ! Et le monde du luxe entier s’en est emparé.
c. La stratégie digitale, à partir de quand est-ce un danger ?
Après de longues réflexions sur la nécessité d’internet, la question de la stratégie digitale ne se
pose plus. Le luxe, malgré ces spécificités ne déroge pas à la règle. L’heure est l’adaptation
créative. Le digital a bouleversé les codes des marques de luxe par sa volonté de donner le pouvoir
au client, en ouvrant les marchés : des e-boutiques au service permanent. Le digital est au service
du marketing du caprice : il est accessible quand le luxe est rare. Automatique, mis à jour,
transparent, il sacralise la quantité quand le marketing demande du temps, de l’espace, un
véritable contact humain et qualitatif. Le marketing doit se développer autours d’insights
consommateurs nouveaux, le marketing recrute par l’attraction, la conversion et la fidélisation.
La création de valeur sur Internet10
10
DE MONTEGU Grégoire, SCHEID François, VAILLANT Renaud, Le marketing Digital, 2012, Paris, Eyrolles, 575p, P.366
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Les différentes typologies de sites et points de contacts11
TYPE DE SITES VALEUR RECHERCHEE
Site d’Information Attirer l’attention
Site Média Faire de l’audience
Site d’E-commerce Faire des ventes
Site Transactionnel Obtenir des opportunités commerciales
Site de Service Etre utilisé par les prospects/clients
En somme, les consommateurs sont atteints à cinq reprises, à cinq endroits différents et cinq
façons différentes : la marque assure sa présence. L’expérience, la relation, l’e-réputation
seront traitées plus tard. L’objectif de cette partie est de positionner la stratégie digitale entre
opportunités et menaces.
A l’heure d’aujourd’hui, le digital ouvre la possibilité pour les marques d’élargir la cible de
manière générationnelle et internationale. Certains publics, comme la génération Y ou les
asiatiques sont particulièrement portés sur les outils digitaux qu’ils considèrent comme un canal
efficace, les rendant autonomes et maître de leur consommation. Cette nouvelle extension de
la cible n’est pas sans conséquence, il faudra mettre des ressources importantes au service des
consommateurs. Si le choix digital demande une finance moindre, il attend une quantité de
nouveaux métiers stratégiques et opérationnels. Ces investissements ne sont pas vains : le
digital est le média de la donnée et de l’interaction : une stratégie digitale permettra toujours
aux marques d’accéder à une meilleure connaissance du client et du marché. Il promet le
développement d’un marketing collaboratif ou plus communément nommé marketing
relationnel. Dans cette stratégie « pull », le prospect vient chercher l’information et se laisse
guider. Désormais, la marque propose et le consommateur accorde. Ce marketing ne veut plus
offenser, il veut influencer. Le digital est une stratégie qui malgré son aspect proactif, réactif et
10
DE MONTEGU Grégoire, SCHEID François, VAILLANT Renaud, Le marketing Digital, 2012, Paris, Eyrolles, 575p, P.433
- 25 -
A travers tous ces champs d’application, le digital, même s’il représente un véritable
engouement ne semble être qu’un nouvel outil au service d’une communication patriarcale. Il
peut se dire que le numérique n’est qu’un outil de plus pour créer une mode et fédérer une
communauté autour d’une culture de marque. L’étude de l’historique d’une relation
extraordinaire entre luxe et communication, l’étude de l’évolution du comportement du
consommateur aidera à comprendre ces nouveaux enjeux.
- 26 -
C. Communication et luxe, ou l’éternel jeu du chat & de la souris
La rareté par la cherté, la préciosité, l’exclusivité et le rêve, dont elle témoigne fait le produit de
luxe. Le produit rare attire le regard et intrigue la clientèle. La communication veut faire connaître
au plus grand nombre une marque, son produit, ses valeurs et son message. Les répétitions de la
communication suscitent l’achat. Le non-dit et la parole n’ont rien de commun. La
communication de luxe est un paradoxe.
A travers, trois époques définies, nous découvrirons comment le luxe peut synthétiser la
patience du savoir-faire, standardiser l’exception, diffuser et viriliser le concept de rareté.
a. La genèse, un secret de polichinelle bien gardé
La notion de produit rare au service de la distinction sociale née en 3 150 avant J-C.
En France, le luxe apparaît dès le XVIe. Il était alors le style de vie exercé par la Cour. Loin encore
de la vocation hédoniste, il est politique. Il se réserve à la distinction et à la richesse. Le luxe a le
goût pour entretenir la différenciation culturelle, pour faire de ses affiliés, des esthètes. Il
s’exprime sous deux formes : matérielle dans l’artistique et la technique ou sous la forme
immatérielle dans des conversations et débats philosophiques, religieux, économiques et morals.
Le XVIIIe et le XIXe préparent une nouvelle époque. Les philosophes d’Europe européenne tels
que David Humes légitiment le luxe. Adam Smith reconnaît le luxe comme un modèle
économique, enrichissant pour tous et moteur de l’économie13
. « Et tout arriva au XXe siècle »14
.
La mode a connu Madeleine Paquin, les sœurs Callot, Paris était la Capitale de la beauté et de la
nouveauté. Durant la première Guerre Mondiale se fait connaître Gabrielle Chanel, Chapelière de
la rue Cambon. Les femmes veulent rêver pour oublier. Jean Patou, Ricci, Rochas, Balenciaga
rendent l’excentricité élégante à Paris l’hiver, à Deauville ou sur la riviera l’été. Ce n’est que lors
de la grande guerre, entre 1939 et 1945, que commence à se dessiner notre définition
contemporaine du luxe. Au sein des seuls segments de la haute couture et de la parfumerie sont
labélisées une centaine de maisons de luxe. Après-Guerre l’heure est aux réjouissances et aux
13
BASTIEN, Vincent KAPFERER Jean-Noël, Luxe Oblige, Paris, 2012, Eyrolles, 472 p., P.23.
13 BEZARD, Catherine, La mode pour les nuls, Evreux, 2012, First Editions, 400 p., P.25.
- 27 -
plaisirs de la vie. Les créateurs voient le jour. Le luxe est parisien, les femmes s’y initient dans les
salons parisiens. Dior, Givenchy et Saint-Laurent sont confidentiels.
Le bouche-à-oreilles est à son paroxysme lorsqu’Hollywood s’empare du phénomène Français.
En 1954, Audrey Hepburn rencontre Givenchy dont elle deviendra amie et ambassadrice. Le luxe
ne tardera pas à se démocratiser. Dès 1980, de grands groupes émergent.
b. Faire rêver, susciter le désir, la naissance du luxe accessible
De toute évidence, les produits de luxe enthousiasmaient leur clientèle bien avant la publicité.
La prochaine ère, celle de la démocratisation et à mettre en corrélation avec l’avènement de la
publicité et l’envolée de la société de consommation. Si nous avons déjà vu que l’achat de bien
de consommation de masse et l’achat de produit de luxe n’avaient aucun point en commun : le
contexte historique suffit à les lier. L’augmentation des revenus et l’expansion des techniques
industrielles ont permis aux besoins vitaux puis aux besoins nécessaires d’être comblés
efficacement. Rapidement, les ménages ont eu le besoin d’exhiber leurs richesses. Cette richesse
peut s’exprimer avec des produits de luxe que l’on peut classifier en quatre grandes catégories15
:
- Les produits d’art pur qui n’ont d’autre utilité que celle d’exister et d’être appréciés.
- Les produits non-manufacturés fabriqués à la demande pour le plaisir d’un individu.
- Les produits manufacturés de très haute technicité.
- Les produits manufacturés non technique, reliés plus ou moins étroitement à la mode et
dont la caractéristique essentielle, le coût élevé pour un faible volume (de vente). Cette
dernière catégorie a vu naître deux catégories de marque de luxe :
o Les marques de luxe élitistes, immuables aux produits figés
o Les marques à la mode, progressistes, simplifiées, novatrices et accessibles. La
révolution médiatique a permis au monde de découvrir ce qu’il se passait ailleurs. En effet,
l’information et la diffusion d’œuvre cinématographique n’étaient jusqu’alors le seul sujet
d’exister des médias. Les médias se sont mis à faire découvrir les richesses du monde, les autres
15
AL-HASSAEL, M. M., Parfums, cosmétiques, modes et luxe… de l’antiquité à nos jours, 2012, Paris, L’Harmattan, 542P, p.285
- 29 -
c. La proposition d’une expérience client unique et exceptionnelle
Le luxe est devenu d’un accessible tel que l’achat de ce type de produit est devenu un achat
plaisir. Les produits qui peuvent avoir attrait au plaisir s’apparente à un coup de foudre, une
pulsion amoureuse. En 1883, déjà, Zola décrivait : « C’était, au fond du hall, autour d’une des
colonnettes de fonte qui soutenaient le vitrage, comme un ruissellement d’étoffe, une nappe
bouillonnée tombant de haut et s’élargissant jusqu’au parquet. Des satins clairs et des soies
tendres jaillissaient d’abord : les satins à la reine, les satins renaissance, aux tons nacrés d’eau
de source ; les soies légères aux transparences de cristal, vert Nil, ciel indien, rose de mai, bleu
Danube. (…) Des femmes, pâles de désirs, se penchaient comme pour se voir. Toutes, en face de
cette cataracte lâchée, restaient debout, avec la peur sourde d’être prises dans le débordement
d’un pareil luxe et avec l’irrésistible envie de s’y jeter et de s’y
Perdre »17
. La théâtralisation du point de vente au service de la caractéristique des produits et de
l’émotion qu’elles vont susciter, ont, c’est à croire, toujours existées. Toujours sacralisée par les
marques de luxe, le marketing expérientiel se réinvente en permanence afin d’aller plus loin.
Comme on le voit clairement dans la citation de Zola, le désir est si fort que le besoin en devient
immédiat. Le caprice atteint son paroxysme. La clientèle sait ce qu’elle veut et n’a pas pour
habitude de repousser son achat. Il faut donc être à l’affût sur tous les canaux de vente. Les
configurations sont telles aujourd’hui que l’on n’entre pas dans une boutique de luxe par hasard,
le public est conditionné, déjà amateur, déjà informé lorsqu’il se rend sur le point de vente : il
faut optimiser sa visite et le mettre dans les meilleures conditions pour qu’il passe à l’acte d’achat.
Les publics que l’on interpelle sur le canal digital aujourd’hui, sont pour certains moins
conditionnés : ils viennent grâce aux mots-clés achetés, grâce au display, grâce à des backlinks :
il faut leur créer une véritable image de marque. Le digital est l’opportunité d’élargir la cible…
Saisissons-la grâce à une expérience qu’ils n’oublieront jamais !
40,7 % des répondants à l’étude quantitative réalisée dans le cadre du mémoire attendent
d’une expérience avec une marque la projection dans leur univers. 42,5 % ont le besoin de
ressentir l’exclusivité de la marque lors de l’acte d’achat.
17
ZOLA, Emile, Au bonheur des dames, 1883, Paris, G Charpentier, Editeur, 526p. P.125
- 31 -
D. L’évolution du comportement du consommateur de luxe
Concrètement, la communication de luxe séduit sa clientèle par la persuasion. Elle est donc à la
base d’une relation inexplicable et irrationnelle. La marque de luxe est clivante et implique au
consommateur de croire en elle. Passion, évolution, prédisposition ou aversion, l’adhérence ou
non est une question de spiritualité. A quoi la clientèle d’une prestigieuse maison croit-elle ? Il
faudra qu’elle croie en un ensemble de valeurs que véhicule la marque pour projeter l’utilisation
du produit.
Dans la démarche d’achat, le marketing traditionnel prévoit trois motivations :
- hédoniste : pour soi
- oblative : pour les autres
- auto-expressive : pour s’exprimer tels que l’on est Le
marketing du luxe pourrait en nommer les quatre autres:
- identité : parce que je suis… je m’exprime
- communauté : parce tout le monde l’a, je ne veux pas me sentir au-dessous
- pouvoir : parce que les autres n’ont pas, je veux montrer que je suis au-dessus
- reconnaissance : parce qu’il faut qu’on me reconnaisse comme…
a. L’expression de soi, de ses principes et de sa culture
Le premier cliché du monde du luxe réside dans sa cible. En retraçant son histoire, nous avons vu
qu’il était, jadis, l’inspiration d’une classe supérieure de la population. Cette population était,
nous l’avons vu, élitiste. S’il n’en est plus le cas aujourd’hui, le luxe conserve son prix et son
prestige. 21 % des clients modernes sont animés, tout comme leurs ancêtres, par l’expression
purement hédoniste de valeurs culturelles18
. Nous l’avons vu, le luxe est avant toute chose
l’histoire d’un art de vivre. Ainsi, cette motivation d’hédonisme se divise en trois principaux
desseins :
- s’exprimer tel que l’on est,
18
D’après l’étude quantitative « La digitalisation des marques de Luxe » Annexe 2.
- 32 -
- exprimer ses valeurs, comme la générosité par exemple,
- exprimer sa connaissance du confort, de la quête, du savoir-faire et du plaisir.
Typologie : Généralement, cette motivation est celle des femmes de moins de 25 ans. Elles vivent
en métropole, ont un pouvoir d’achat convenable. Elles apprécient de se faire plaisir et pour cela
considèrent qu’il faut consommer raisonnablement. La confidentialité des produits les attire, elles
influencent leurs amis, l’information et la publicité sur le lieu de vente.
Ce profil de clientèle est également classifié dans Luxe Oblige, les auteurs l’ont cependant scindé
en deux parties : le luxe par l’authenticité de l’expérience et le luxe créatif de niche19
. Les auteurs
y associent des marques traditionnelles qu’Hermès, Rolls-Royce ou très créatives Issey Miyake et
Jean-Paul Gaultier. Ces usages, correspondent à ceux des High Net Worth Individuals qui sont les
8,7 millions de personnes possédant plus de 1 million en actif20
. Ces consommateurs sont, de
plus, très exclusifs. Ils veulent un luxe auquel ils souhaitent être les seuls à accéder.
b. La recherche identitaire
En sociologie alimentaire, à l’aube des années 1800, un grand homme du nom de Brillat- Savarin
disait : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ». La déclinaison marketing pourrait-être
: « dis-moi ce que tu consommes, je te dirai qui tu es ». Au XXI siècle, nombreuses sont les
personnes un tant inné désappointées, en recherche de leur personnalité, de ce qui les
différencient ou de ce qui les font appartenir. La part de motivation oblative dans la clientèle
du luxe représenterait 33%21
. Le luxe s’apparente ici être la possibilité de se découvrir ou
redécouvrir une personnalité, une identité, une raison d’être en quelque sorte. Ainsi, cette
motivation peut se diviser en trois visées:
- Le besoin d’exister dans un univers
- Le besoin d’exister par mode
- Le besoin d’exister par l’originalité
19
BASTIEN Vincent, KAPFERER, Jean-Noël, Luxe Oblige, 2012, Paris, Eyrolles, 472P., p.171-172.
20
BASTIEN Vincent, KAPFERER, Jean-Noël, Luxe Oblige, 2012, Paris, Eyrolles, 472P., p.165.
21
D’après l’étude quantitative « La digitalisation des marques de Luxe » Annexe 2
- 33 -
Typologie : Ce type de finalité va toucher essentiellement des femmes à 82 %, qu’importe leurs
modes vie, leurs lieux de vie, c’est une typologie de personne qui se privent généralement pour
pouvoir consommer ce qui leur permettre de s’immiscer dans des classes supérieures aux leurs
grâce à l’usage compulsif de marques Top-Of-Mind. Aussi, les égéries et les ambassadeurs sont
ceux qui vont se montrer le plus convaincants afin de conduire cette catégorisation à l’acte
d’achat.
La classification de Bastien et Kapferer22
inclus également ces personnalités comme Luxe des
valeurs sûres et reconnues. Les auteurs leurs associent des marques intemporelles et
internationales comme Porsche et Louis Vuitton. Ces usages correspondent aussi à ceux des
clientèles étrangères : si la tendance est en train d’évoluer, les asiatiques ont longtemps favorisé
un luxe « bling-bling » dont la condition déterminante résidait dans la taille du logo.
c. L’affirmation d’une suprématie et le besoin de reconnaissance
« Les "nouveaux riches" sont à la recherche de reconnaissance sociale et de luxe
stentatoire. »23
Plus d’un an après la rédaction de l’article, les besoins de reconnaissance sont
attendus. Il ne concerne pas uniquement les comportements observés auprès des nouveaux
riches. Près de moitié de la population se complet dans l’achat dans un but purement auto-
expressif. Il faut s’exprimer pour exister dans les yeux de la terre entière.
46 % des acheteurs de luxe sont motivés par l’image24
qu’ils vont renvoyer parce qu’ils auront
acheté tel ou tel produit. L’auto-expression se divise en trois strates complémentaires et
subsidiaires :
- la recherche d’exclusivité et de rareté dans le produit
- l’appartenance à une élite
- la reconnaissance
22
BASTIEN Vincent, KAPFERER, Jean-Noël, Luxe Oblige, 2012, Paris, Eyrolles, 472P., p.171-172.
23
CANAL Xerfi, « Comment le luxe français s’adapte à la demande des nouveaux riches », challenges.fr, 20 janvier 2014.
24
D’après l’étude quantitative « La digitalisation des marques de Luxe » Annexe 2.
- 35 -
II. Témoignages d’expériences digitales
Les réticences des marques de luxe à investir le média digital ne sont plus à l’ordre du jour à tel
point aujourd’hui que le secteur en contradiction avec le monde numérique dompte chaque jour
plus le marketing digital27
. Pour mieux comprendre cet engouement nouveau, nous proposerons
dans cette partie quatre études de cas récentes issus du prêt à porter, de la joaillerie, de la
cosmétique ou de l’hôtellerie. Dans ces études, nous découvrirons combien le luxe, qui, prôné
par le média digital est rationnel et logique, se met au service de l’affect, de la sensorialité et de
l’irrationnel. Le luxe a longtemps voulu asseoir son autorité et imposer délicieusement au client.
Le digital permet au prospect de rechercher, de juger, de décider et de s’exprimer. Cependant, le
produit reste intangible, c’est encore un frein pour certaines clientèles, comme les supra-urbaines
par exemple28
.
D’autres clientèles apparaissent et grandissent : les familles de catégories socioprofessionnelles
supérieures habitant loin des agglomérations, les jeunes de plus en plus tôt sensibilisés aux
plaisirs hédonistes. Du brand content au brand engagement, du display au médias sociaux, quelles
sont les pratiques et les tendances pour lier valeurs intrinsèques du luxe, stratégie marketing,
communication et monde digital ?
A. Burberry, digital de la production au retail
Burberry est une marque de luxe Londonienne née en 1859, la marque iconique au trench coat
et à l’écharpe héritage excelle dans la fidélisation client grâce à des stratégies digitales novatrices
fondées sur la tendance à la personnalisation chère aux urbains. Burberry est une marque de luxe
pionnière dans le digital grâce à un duo de talent : Christopher Bailey, directeur de création et
Angela Ahrends (ancienne directrice générale parmi les femmes les plus puissantes du monde).
Elle a été la première à proposer son défilé en live sur Twitter et Facebook et à digitaliser ses
points de vente (utilisation d’iPad pour gestion de stock, le renseignement client grâce à un
partenariat avec Apple). La marque lance régulièrement des applications et plateformes online.
27
« Tendances Luxe & Digital : deux monte qui s’opposent et pourtant… » in www.matthieu-travan.fr – article du 20 janvier 2013
28
D’après l’étude qualitative « la révolution digitale dans le secteur du luxe » Annexe 3
- 36 -
Chez Burberry, la data est au centre de tout et permet d’envisager l’ensemble du process
marketing. Dispositif d’analyse des Tweets et des Likes Facebook afin de proposer des produits
toujours plus en adéquation avec les attentes clients. En 2010, Burberry propose ses théâtres du
Retail où la technologie audio et vidéo se met au service de l’expérience client dans un showroom
intégralement digital. L’essayage projette le client dans un défilé virtuel sur grand écran ou
encore se voir sous une pluie digitale. Le client peut avoir toujours plus d’informations sur les
produits qu’il porte grâce à une puce RFID. Grâce à cette même puce, le conseiller peut
reconnaître son client dès son arrivée en magasins en pouvant prendre connaissance de son
profil, de sa taille ou de ses goûts ainsi que de son lien avec la marque : quand est-il venu en
boutique la dernière fois ? A t’il déjà visité le site ? Sur quels produits à t’il passé du temps ? Ces
informations, récoltées dans des fichiers clients sont constamment mises à jour et confrontées
affinant ainsi les futures propositions et les conseils personnalisés des vendeurs. Londres propose
le m-paiement (paiement mobile). La personnalisation est également au centre de l’expérience
client lorsque Burberry propose à des clients du monde entier de devenir les ambassadeurs de la
campagne publicitaire The Art Of the Trench, la communauté s’est ainsi vue décuplée. Burberry
prolonge l’expérience digitale sur le lieu de vente grâce à la Burberry Beauty Box. Ainsi, le visiteur
pourra, s’il le souhaite, tester les nouveaux vernis.
Au programme du site internet : prix affichés, cross-selling, e-commerce et immersion dans la
communauté Burberry. En 2014, pour la première fois, les ventes en ligne ont dépassées celles
des magasins physiques29
. Cette volonté d’impliquer le consommateur est également développée
sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux où la marque est présente sont un multicanal de choix
pour l’engagement client et la conversion d’audience. Facebook, Twitter et Youtube permettent
à tous de pouvoir suivre le défilé en direct. Le Tweetwalk, depuis 2011, permet aux followers de
regarder le live du défilé Burberry sur Twitter, le programme Runway Made to Order propose à
ces mêmes twittos d’acheter les collections pendant le défilé, il recevra sa commande, bien avant
que les produits soient en magasins. La stratégie ne s’arrête pas seulement à des plateformes
digital retail et online, les collaborateurs de Burberry eux-mêmes s’engagent auprès des clients
en proposant une communication complice et virale hors de la marque et des produits. L’application
29
HARSCOET, Johann, « Burberry, Reine au royaume du digital » in Stratégie, 8 avril 2014
- 37 -
Burberry Kisses permet à ses utilisateurs d’envoyer une empreinte labiale digitale, Christopher
Bailey partage des liens Youtube. Autant de stratégies « digital first » qui veulent plonger les
prospects de Burberry dans un univers « so british et so romantique ».
Plus récemment, lors de la dernière fashion week londonienne la marque a interpellé un public
asiatique grâce au réseau social japonais LINE. Synopsis : deux héros amoureux, ours et lapin, ont
traversé l’Europe pour venir assister au défilé Burberry dans la capitale anglaise. Au programme
: selfies, shopping et rencontre de stars de la mode comme Anna Wintour,Christopher Bailey ou
Cara Delevingne. C’est donc le rajeunissement des cibles et leur élargissement que la stratégie
digitale prône : une seule opération de communication permet de toucher des publics plus larges
grâce à la viralité.
Lors du dernier trimestre 2013, Burberry, dans un communiqué officiel, a annoncé la
croissance de 12 % de ses ventes. Autant de preuves de la légitimité de la stratégie digitale
pour la marque. Le numérique se met au service de l’émotion et de la relation pour une image
de marque moderne et à l’écoute des consommateurs. Il ne fait aucun doute : la clientèle aisée
peut acheter impulsivement et compulsivement.
B. Van Cleef & Arpels ou l’art de la poésie digitale
Van Cleef & Arpels fait quand à elle de la haute joaillerie, elle s’adresse à une cible plus âgée et
moins fréquente, une clientèle avertie en somme. Selon Madame Figaro30
, le web a pour le luxe
deux vocations bien distinctes : la maîtrise de la réputation et la production de son contenu. La
cible escomptée n’est pas active sur le web. De toute évidence, les profils générations « baby
boomers » et antécédentes, urbaines au niveau de vie élevé ne sont pas influencées par les
activités des marques en ligne31
. Elle se contente de chercher l’information sur des médias qui
appartiennent à la cible : les owned medias. En conclusion, la maîtrise de la communication
digitale est assez simplifiée dans le schéma Van Cleef et Arpels. Antoine Lacroix, directeur digital
30
MIEL, Morgane, « Le luxe, c’est déjà demain », inmadame.lefigaro.fr, le 29 mai 2013
31
D’après l’étude qualitative « la révolution digitale dans le secteur du luxe » Annexe 3
- 40 -
groupe publie du contenu en anglais et s’adresse principalement à une cible business qui fait
écho auprès du grand public. Tout en transparence, le groupe sait conserver une part de son
mystère. Interparfums cherche visibilité, interaction et échanges* sur les réseaux sociaux, le
dispositif grand public laisse encore une grande marge de manœuvre.
Le groupe Interparfums s’est également avec un fort dispositif display. Ces achats coûtant
permettent d’enrichir le plan média dans le sens où ils décuplent les audiences. Selon Cyril Levy-
Pey le digital est la capacité à produire une information instantanée, accessible et ludique*, il
permet d’élargir les cibles. Ainsi, un groupe B to B peut s’ouvrir au grand public et lui délivrer
un message, lui transmettre l’ADN et l’univers de ses marques. L’actualité est fleurissante
puisqu’après le rachat d’une seconde marque en nom propre : Rochas. Interparfums vient de
signer la licence des parfums du maroquinier Coach. Ceci promet d’ailleurs une vaste campagne
marketing et communication intégrée34
. Le succès d’Interparfums et la croissance de son titre
en bourse ne sont pas intégralement dus au digital mais ce dernier a certainement eu un rôle
déterminant ?
D. La stratégie OKKO Hôtel, 100% digitale
OKKO Hôtel est une nouvelle chaine d’hôtellerie novatrice et conceptuelle à la stratégie de
communication intégralement digitale. Les hôtels sont implantés en centre-ville et offrent une
belle visibilité à la cible. Aujourd’hui, les hôtels, qui plus est, 4 étoiles, accueillent en majorité un
tourisme d’affaire35
. Il faut allier qualité de service et tarifs compétitifs pour devenir un acteur
fort du marché. Olivier Devys est le créateur d’un concept inédit : des chambres avec des offres
tout compris, au cœur des villes, uniquement pour des voyageurs individuels, nomades et ayant
soif de liberté. Cette description rappelle le profil du Y :
« Rebel with a cause »36
. L’offre inclut des packs en adéquation avec les agendas culturels locaux
: les consommateurs de luxe. C’est donc un tout nouveau luxe, qui veut répondre aux lois de la
compétitivité et révolutionner son secteur en s’adaptant à une population volatile, en se rendant
34
SOUSSAN, Carole, « Interparfums joue les Coach » in Cbnews,fr , le 9 avril 2015.
Paroles ou tweets de Cyril Levy-Pey.
35
D’après l’étude qualitative « la révolution digitale dans le secteur du luxe » Annexe 3
36
BRIONES, Eric, CASPER, Grégory , la génération Y et le luxe, Saint Just La Pendue, 2014, 228P . p15
- 42 -
Enfin, en complément d’un service hôtelier respectable. L’expérience client peut être
maintenu grâce à la possibilité d’acheter en ligne le mobilier que l’on peut découvrir chez
Okko Hôtel : la modernité, le style et le design sont à porté de clic.
- 43 -
III. Tisser sa toile dans le digital
Le portail WEBMARKETING&COM a publié le 20 mars 2015 un article sur les tendances et les
chiffres clés du digital. Cette source va justifier le besoin, pour les marques de se faire leurs
propres places sur ces nouveaux canaux. Voici quelques chiffres :
• 2,5 milliards d’individus online dont 1,9 milliards online.
• 1 personne sur 2 utilise plus de 3 écrans par jour.
• Plus de 3 millions de mails envoyés dans le monde chaque seconde. La majorité sera lue
sur mobile.
• 80 milliards d’objets connectés en prévision pour 2020.
• 88 % des français pratiquent le Research On-Line / Purchase Off-Line. C’est à dire qu’ils
recherchent l’information en ligne et se rendent en magasins pour faire l’acte d’achat.
• 62 % des français recherchent des informations produites online alors qu’ils sont en
magasins.
Ce qu’il faut en déduire est que la vie du consommateur est rythmée par le monde numérique,
c’est l’avenir. Il doit être intégré aux stratégies marketing et communication. Mais comment ? Ce
ne sera jamais assez dit : La légende qui fait la marque de luxe… Du storytelling au brand content…
le consommateur attend bien plus d’une nouvelle marque. Lorsque Jean-Marc BLANCHERIE et
Stéphane DANGEL interrogent des passants sur leurs définitions du luxe : le bonheur et la
tranquillité sont des notions qui émergent37
. Cette tendance va de pair avec les canaux digitaux.
Démonstration.
A. Multicanal et transmedia
Le luxe est un infini rapport entre tangibilité et intangibilité. Personne ne peut mettre de mot sur
la relation d’autrui avec un objet de luxe qui lui correspond. Cependant, ce même objet reste
descriptible. Dans cette description, les mots seront maniés avec dextérité et justesse. Il ne faudra
37
BLANCHERIE, Jean-Marc, DANGEL, Stéphane, STORYTELLING DU LUXE, Paris, Editions du Désir, 220P., p.209
- 44 -
ni trahir l’ADN de la marque ni risquer d’altérer l’expérience qu’elle propose afin d’envisager la
compréhension de la relation entre marque de luxe et consommateur.
De cette étude découleront des moyens de communication percutants afin d’aimanter,
d’étreindre et de retenir les futurs clients. Le contexte de communication, aujourd’hui, est
compliqué. Le consommateur est très sollicité. Les marques doivent redoubler d’intuition et de
clairvoyance.
a. La force des traditions :
Campagnes monocanal & multicanal 76 % des consommateurs de produits de luxe sont
influencés par les modes de communication traditionnels des marques de luxe. A la base de la
communication, la marque fait passer son message sur un canal. Pour les marques de luxe, c’est
la presse féminine qui a fait l’objet des premiers achats d’espace publicitaire par les marques de
luxe. Aujourd’hui encore, certaines marques souhaitent conserver ce seul mode d’expression.
Les marques de niches, marques de design prestigieuses et peu connu du grand public
répondent à cette tendance lorsqu’elles font du print dans la presse spécialisé par exemple.
Dans les années 80, le luxe s’est démocratisé, la marque a décidé de faire passer son message sur
plusieurs canaux différents dans le but dupliquer les audiences et au mieux créer de la répétition
sur une sélection de contacts clés. La publicité des marques de luxe s’est installée dans d’autres
types de médias. Par exemple, le cinéma est en affinité avec une cible CSP +, qui a, à cœur de se
faire plaisir. Il est un support très qualitatif pour produire des spots spectaculaires qui seront
perçus par les consommateurs dans les conditions optimales. Le placement produit s’est
développé grâce à Jimmy Choo notamment. Aujourd’hui, Chopard et biens d’autres marques de
joaillerie prêtent de nombreux bijoux lors du Festival de Cannes. On est ici sur un modèle de
marques qui ont pris la décision de jouir d’une certainement image auprès du plus grand nombre
tout en restant réservées.
Au fil des années, les marques ont eu besoin de faire de la communication financière pour les
investisseurs, des rapports pour informer des mesures responsables de la société, de s’adapter
- 45 -
aux usages ou de diversifier ses activités. Il a donc fallu pouvoir faire passer plusieurs messages
sur plusieurs canaux différents et en fonction des différentes cibles. Le cross-canal ouvre le champ
des possibles.
b. Le modèle SoLoMo : Marketing mobile et géolocalisation
Le cross-canal introduit plus haut est en phase avec un positionnement des marques de luxe et
leur besoin de s’exprimer dans de nombreux domaines. On retiendra l’exemple de Cartier, qui,
communique sur ses produits, sur sa marque, sur ses autres activités… Pour ce faire, la marque
utilise le Paid, le Owned et le Earned Media. Le numérique permet au cross-canal de se
développer d’autant plus. Selon les chiffres publiés sur webmarketing-com.com :
• 1.9 millions de français sont sur les réseaux sociaux et y passent en moyenne
1h50/jours.
o Facebook est le plus puissant avec 1,2 milliards d’utilisateurs dans le monde qui
y passent une moyenne de 6h par jour.
o Whatsapp est devenu plus important que les sms avec plus de 18 milliards de
messages envoyés chaque jour.
o Twitter, Google +, LinkedIn, Tumblr, Instagram sont, dans cet ordre, les
suivant à échelle mondiale.
• La moitié des français, dès l’âge de 12 ans, possède un Smartphone.
• 5 millions de Smartphones ont été vendu en France bien devant les ventes
d’ordinateurs.
• 6 millions de tablettes ont été vendu en France.
• 30.4 millions de Mobinautes.
Le modèle SoLoMo s’intègre parfaitement dans des dispositifs cross-canaux. Ensemble, ils
répondent à la mobilité des cibles, à leurs usages et leurs besoins en matière de service ou
d’échange avec la marque. La clé de ce modèle réside dans la data, ce flot d’informations aux
usages incroyables. Les applications de ce modèle sont nombreuses : vision unifiée,
reconnaissance du client, rebonds, cross-selling, modélisation du parcours client, identification
- 46 -
par Facebook connect, géolocalisation et store-locator, m-commerce. Le modèle SoLoMo est un
modèle qui répond aux attentes des consommateurs en leur rendant service tout en apportant
à la marque toujours plus d’information pour sa connaissance et son analyse.
c. Le transmedia, une opportunité pour le luxe ?
D’un premier côté, nous savons que les consommateurs sont sans cesse exposés aux messages
des marques. D’un autre, les marqueteurs disent que la clef de la réussite d’une marque de luxe
est l’expérience client. Elle est d’une importance capitale. L’objectif pour le succès d’un dispositif
marketing et communication sera donc de surprendre le consommateur et de l’amener
doucement où nous avons envie de la faire venir38
: dans l’univers mystique de la marque. La
marque, pour se différencier, devra sortir des sentiers battus, proposer une vision nouvelle avec
des modes d’expression nouveaux. Le transmedia est l’idée selon laquelle une marque raconte
une histoire en allant plus loin que l’expression classique que propose l’achat d’espace
publicitaire dans les médias : il y a un apport complémentaire au message. Lorsque les marques
proposent un échantillon de parfums ou de cosmétiques, il s’agirait presque déjà de transmedia.
A la base, l’idée est bonne, l’inédit est là, l’expérience est là, le consommateur a un aperçu du
produit, il développe une relation avec la marque et le produit tout en découvrant un nouvel
univers sans quitter le sien. Il est en terrain conquis et à le pouvoir de décision. Aujourd’hui, tout
le monde le fait. Il faut accroître son niveau de créativité tout en gardant à l’esprit ses contraintes
: la première étant le budget, la seconde étant la distribution. Cet écueil ouvre aux détracteurs la
possibilité de dénigrer le transmedia. Entre marque et transmedia, certains parlent même de
mariage mort-né39
.
38
LAVERDANT Désiré, La renaissance de Don Juan, Paris, 1804, J. Hetzel , 678 P., p.393
39
LOPES, Jérémy, Marques et transmedia : un mariage mort-né, on l’adn.eu, publié le 27 mars 2013.
- 47 -
Afin de nuancer ce transmedia, je me suis entretenue avec Gabriel Dabi-Schwebel, fondateur
de l’agence 1m30 qui accompagne les marques dans le marketing interactif, les technologies
digitales et les services numériques depuis 1996. Pour lui, aujourd’hui, la marque doit être son
propre média. Elle doit proposer son propre contenu au consommateur en suivant la ligne
éditoriale des médias dans lesquels elle veut apparaître. L’image de marque créée jusqu’ici ne
doit pas souffrir de ses nouveaux partis stratégiques et le consommateur doit pouvoir la
reconnaître. Dans cette stratégie, le consommateur recherche une information et la marque
lui fournit la réponse. La marque n’impose plus sa communication, le consommateur la
recherche. La marque est là où l’on ne l’attend pas et propose une nouvelle expérience au
consommateur.
B. Site-web & Web-série
Après avoir légitimé les stratégies digitales dans les précédentes pages, il conviendra
d’aborder le cœur du sujet maintenant. Comment la marque va-t-elle exister sur le web ?
Comment va-t-elle adapter son branding ? Comment va-t-elle créer son e-branding ?
Désormais, il existe deux types de marques :
- la marque née offline qui grandit aussi online (aucune marque aujourd’hui n’a pas
déposé son nom de domaine)
- la marque née online (les sites de vente aux enchères en ligne pour le luxe ou les sites
de vente entre particuliers en sont des exemples. Les pure players sont
nombreux.)
Les marqueteurs le savent, la marque devra se développer sur la toile. Savez-vous que dans tous
les pays, dans toutes les langues, 99 % des mots du dictionnaire ont été déposés online ?
Dorénavant, aucune marque n’est déposée si le nom de domaine est indisponible40
. Sans perdre
son identité, la marque se trouvera tôt ou tard, d’une façon ou d’une autre, quelque peu ajustée,
acclimatée, harmonisée par les règles du World Wide Web. Autant l’anticiper dès la création.
40
LEWI, Georges, E-branding, Stratégies de marques sur Internet, Paris, 2013, Pearson France, 166P., p. 50
- 48 -
Afin d’appuyer mes propos, une histoire quelque peu anecdotique de Paul Miller trouvera sa
place dans cette partie. Paul Miller est journaliste pour The Verge. En mai 2012, il décide de
faire sa « Détox », se déconnecter du monde qu’il ne trouvait pas naturel et se retrouver fasse
à lui-même pour écrire un journal. Très vite, l’ennui et la solitude s’emparent de Paul.
L’expérience est un échec. L’homme rêve même que cette détox est un cauchemar et qu’il va
rapidement pouvoir retrouver les gadgets connectés qui le lient à sa vie. Cette longue année a
fait comprendre à Paul Miller et bien d’autres qu’Internet fait partie intégrante de nos vies et
nous avons notre équilibre avec la toile, sans elle, l’humain se perd.
a. Adapter le Storytelling au digital
Le Storytelling traditionnel consiste à la mise en récit de description qui vont, entre raison et
émotion, construire notre audience à comprendre le message que l’on veut lui transmettre. Le
récit utilise des thèmes universels et la démonstration pour assurer la compréhension. Il va, par
son originalité impliquer la mémorisation du ménage et l’adhésion du consommateur.
Figure 1 Figure 2
Les Enjeux du Storytelling41
Exemples de supports pour une histoire à 36042
41
VOICU, Alina, Comprendre le Storytelling Digital (MOOC), Ionisx, Février 2015.
42
VOICU, Alina, Comprendre le Storytelling Digital (MOOC), Ionisx, Février 2015.
- 50 -
Selon Médiamétrie, en 2011, 28 millions de français ont déjà consommé au moins une vidéo en
ligne, chacun d’eux regarde environ 64 vidéos par an soit 3h1643
.
- initier un rendez-vous avec le consommateur, entrer peu à peu dans son quotidien.
- le placement produit avec les avantages qu’on lui connaît : possibilité pour le
consommateur de se projeter grâce au son, à l’image, à la vidéo et au texte.
- l’augmentation du capital sympathie de la marque qui propose désormais un contenu
divertissement que l’on va vouloir partager avec ses contacts.
Il est inutile de commencer une web-série en se disant qu’elle n’aura pas de fin. La web-série à
l’initiative de la marque, indépendamment de la série télévisée telle qu’on la connaît ne doit pas
s’éterniser sur le long terme. La fin doit arriver pour faire comprendre le message de la marque.
Dans cette partie, il est important de noter que la continuité bien installée sur le digital pourra
interférer dans la vie réelle et conduire à la conversation du visiteur en client. Mais restons encore
en ligne quelques instants.
c. Les différents sites internet d’une marque
La marque a différents messages à faire passer à des typologies de cibles bien précises qu’elle
recrute sur plusieurs canaux différents. En fonction de ses actualités, de sa stratégie d’entreprise,
marketing ou communication, différents sites web peuvent répondre à différents objectifs.
Les sites corporates : Le site institutionnel où la marque affiche son identité graphique et sa
philosophie et des informations relatives à ses activités. Le site carrière où la marque se présente
avec dynamisme, bienveillance et créativité dans le but d’attirer les meilleurs collaborateurs. Les
sites produits peuvent être des sites vitrines où la marque expose ses créations ou encore des
sites de e-commerces où le visiteur peut directement acheter les produits qu’il est venu découvrir
ou redécouvrir en ligne. Aujourd’hui, les marques qualifiées de marques digitales ont trois autres
types de sites : les applications Web et Smartphone en adéquation avec la consommation mobile
contemporaine, les blogs où la marque propose un contenu spécifique et complice aux visiteurs,
les sites communautaires où les prospects peuvent interagir entre eux et avec la marque. Sur la
43
SYLVAIN, « Statistiques sur les vidéos en ligne » on triple C, le 21 décembre 2011.
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toile existe encore un dernier type de lieu d’expression qui appartient à la marque : les pages sur
les réseaux sociaux.
Par les différents sites et pages internet dont elle dispose, la marque veut se rapprocher de ses
différents publics : nouvelles relations en perspective.
C. Relations Publics
Plus communément nommé relations publiques, cette dimension de la communication vise à
toucher une cible publique de l’entreprise dans le but de les informer et d’attirer sa sympathie.
Les relations publiques sont souvent mal intégrées dans les plans de communication. Or, le
digital vient les placer au centre de toute la relation. Je préfère le terme relations publics parce
qu’il sous-entend la possibilité qu’il y est des relations différentes en fonction des publics de la
marque. Ainsi, cette partie répondra à la question : Comment la marque doit-elle gérer ses
publics ? Comment doit-elle s’adresser à eux ?
Le fait est qu’aujourd’hui, le consommateur attend une relation particulière presque intimiste
avec la marque. Cette dernière est bien plus qu’un produit, l’expérience immatérielle, l’apport
personnel, la construction d’une conversation relationnelle posent la question du contenu.
Aujourd’hui, le consommateur moyen est déchu. Le nouveau consommateur doit percevoir la
marque pour la comprendre. Certains pourront y voir la naissance d’un néo-luxe : un luxe où la
marque laisse croire au consommateur qu’il a le droit de décider : « Le luxe est davantage une
question de perception que d’étiquette44
».
44
DANA Thomas, Luxe &
Co
, comment les marques ont tué le luxe, Paris, 2011, J’ai lu, 309P.