L’actualité récente a été marquée par la publication du plan de délestage du gestionnaire du réseau de transport ELIA, plan potentiellement activé en cas d’incident sur le réseau ou de pénurie. La vraisemblance d’assister à des coupures contrôlées durant l'hiver 2015 apparaît de plus en plus élevée. Le risque de black-out, quant à lui, ne semble plus être une hypothèse. Les entreprises et les citoyens doivent s’y préparer : c'est le moment de mettre en place un plan de continuité au sein des organisations.
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Risques et recommandations pour la continuité des affaires en Belgique (cas d’application: délestage en cas de pénurie d’électricité)
1. Introduction
L’actualité récente a été marquée par la publication du plan de délestage du gestionnaire du réseau de transport
ELIA, plan potentiellement activé en cas d’incident sur le réseau ou de pénurie. Un délestage a pour but d’éviter
qu’un déséquilibre important du réseau n’entraîne une coupure généralisée de l’alimentation électrique du pays. Il
ne faut donc pas confondre le processus de délestage, a priori maîtrisé et qui vise à éviter la coupure généralisée,
au black-out global incontrôlé, qui pourrait avoir des effets de bord néfastes sur un périmètre plus large que le
territoire belge.
À n’en pas douter, différents facteurs augmentent actuellement la vraisemblance d’une pénurie électrique en
Belgique : fermeture de plusieurs centrales au gaz, mise à l’arrêt imprévue des réacteurs nucléaires de Doel
3, Tihange 2 et Doel 4, etc. La fermeture des trois réacteurs nucléaires pour le prochain hiver augmente la
vraisemblance d’un scénario où l’approvisionnement en électricité est insuffisant pour répondre à la demande aux
périodes de pic de consommation. A l’heure d’écrire ces lignes, les scénarios évalués font état de 5 heures (cas
le plus favorable où le réacteur de Doel 4 peut être redémarré) à 116 heures de pénurie (pas de redémarrage de
Doel 4 et hiver exceptionnel) sur la période de janvier à février 2015*.
Tous ces éléments amènent à la réflexion suivante : durant l’hiver 2015, la vraisemblance d’assister à des
coupures contrôlées apparaîtra de plus en plus élevée. Le risque de black-out, quant à lui, ne semble plus être
une hypothèse. Les entreprises et les citoyens doivent s’y préparer. La Belgique n’est pas seule en cause; La
Grande Bretagne risque elle aussi de se retrouver dans le même cas que la Belgique**. Pourtant, cette situation
n’est pas si exceptionnelle ; des régions comme la Bretagne ou la Californie, en déficit structurel d’électricité, sont
confrontées régulièrement à des mesures similaires de délestage.
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White paper 10 : Business Continuity
Risques et recommandations pour la continuité
des affaires en Belgique
Cas d’application: délestage en cas de pénurie d’électricité
Mathieu Briol
Ayant toujours travaillé dans le monde du conseil en entreprise,
Mathieu Briol est actif depuis plus de 10 ans dans les domaines liés aux
télécommunications, à la gestion des risques de sécurité de l’information,
la conformité des systèmes d’information et la continuité d’activités. Ses
expériences métier couvrent les secteurs de la finance, des soins de santé,
de l’industrie technologique et le secteur public.
Fin 2008, il a participé avec deux associés à la création de Mielabelo, un
cabinet de conseil belge, actif notamment dans les domaines de la gestion
des risques, de la conformité et de la sécurité des systèmes d’information.
Gestion des risques et continuité d’affaires
Un risque de coupures d’électricité, voire de black-out,
n’apparaît pas par hasard; c’est une combinaison
de plusieurs facteurs qui le génère. Ces facteurs sont
parfois internes : utilisation intensive des moyens
de production, infrastructure vieillissante,etc. Mais
d’autres facteurs externes peuvent également
intervenir: par exemple, les périodes de grande
consommation (hiver ou été) apparaissent propices à
* L’Écho, 2 septembre 2014.
** BBC, 2 septembre 2014.
2. ce genre de scénario. L’hiver prochain représentera une période de turbulences où des événements
imprévus peuvent amener à une situation néfaste pour l’alimentation électrique. Citons ici les désastres
naturels, les cyberattaques sur l’infrastructure électrique ou encore les défaillances additionnelles des
moyens de production.
Pour prévenir ces situations, il est une bonne pratique de gestion que toute organisation s’interroge
sur les moyens déjà à disposition ou à mettre en place pour assurer la continuité de ses activités.
Pour rappel, La gestion de la continuité d’affaires d’une entreprise est définie comme la capacité
d’une organisation à continuer de fournir ses produits ou services à des niveaux acceptables (tels
que prédéfinis par l’entreprise) lorsqu’un incident disruptif survient*. Ce n’est pas donc qu’une
problématique technique, mais plutôt une thématique au service du métier, de l’organisation, de ses
clients et de ses partenaires, qui peut devenir un véritable différenciateur si elle est efficacement
implémentée.
Comme nous l’avons spécifié plus tôt, aujourd’hui, force est de constater que la vraisemblance de
coupures électriques est en augmentation pour l’hiver prochain. Les impacts potentiels d’une coupure
électrique apparaissent divers et conséquents pour toute société insuffisamment préparée. Chaque
organisation est menacée par ces impacts; Ils peuvent toucher de manière égale l’infrastructure
médicale (hôpitaux, soins de santé), les services d’urgence tels que la police ou les pompiers, ou le
secteur de l’activité économique (production industrielle, tourisme, transactions électroniques...).
Économiquement parlant, le bureau du plan a récemment publié une étude en collaboration avec
l’université de Linz en Autriche. Il en ressort notamment qu’une panne d’électricité d’une heure
qui interviendrait sur le territoire belge (en semaine et à un moment où toutes les entreprises sont
actives) entraînerait un préjudice économique total de quelque 120 millions d’euros!
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Comment votre organisation peut-elle se préparer ? Les bonnes questions à se poser…
De manière générale, une des étapes clé du processus de gestion
de la continuité vise à identifier et évaluer les risques pesant sur
l’organisation de façon à définir les moyens à mettre en oeuvre
pour en assurer le traitement. L’analyse des impacts potentiels
va permettre de faire prendre conscience à l’organisation des
conséquences des différents scénarios applicables. Un niveau de
vraisemblance, allant d’exceptionnel à certain, devra être associé
à ces scénarios de risque. La combinaison des deux donnera un
niveau de risque, permettant de prioriser le plan d’actions à mettre
en place. Concrètement, aujourd’hui, le niveau de vraisemblance
du scénario ‘Interruption d’alimentation électrique’ apparaît au vu
des derniers événements en augmentation. Il est probable que ce
scénario se matérialise cet hiver.
La mise en place d’un plan de continuité visant à adresser les risques identifiés et jugés
inacceptables fait partie des mesures de traitement potentielles. En fonction de la maturité de
l’organisation en la matière, plusieurs cas de figure sont envisageables. D’une organisation mature où
des plans de continuité formalisés sont testés régulièrement à celle où rien n’a été préparé…
Dans les deux cas, la gestion de la continuité des affaires requiert une préparation minutieuse et
spécifique. Il n’est pas ici question de proposer des recettes miracles toute faites. Cependant, quelques
questions importantes peuvent être mentionnées qui permettront à chacun de mesurer son degré de
préparation en matière de continuité dans le cadre de la situation actuelle.
* Source : ISO 22301:2012
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1. Êtes-vous concerné par les coupures ?
Des tranches de priorité ont été établies, de 1 à 6. Les grandes
agglomérations ne seront pas épargnées (exemple : Liège,
où 31% des cabines pourraient être délestées, Charleroi,
etc.). À ce niveau, il y a lieu de prendre les renseignements
adéquats auprès de son distributeur d’énergie.
2. Disposez-vous d’une évaluation claire des impacts d’une perte d’approvisionnement électrique ?
Avez-vous identifié les besoins critiques en matière d’approvisionnement électrique ?
Les différents départements de votre organisation ne sont pas égaux
en matière de besoins de continuité. Même au sein de ceux-ci, des
fonctions critiques (production, infrastructure, …) peuvent nécessiter
de fonctionner de manière continue pour des raisons diverses (perte
financière trop importante, conformité légale, …). Cette démarche
d’évaluation est typiquement réalisée durant un exercice d’analyse
d’impact/analyse de risques. Si ces analyses n’ont pas été formalisées
dans le cadre d’un programme de gestion de la continuité, il est peut-être
temps d’y penser ! Sur cette base, les besoins de continuité métier
seront reliés aux différents moyens nécessaires à réaliser l’activité.
La disponibilité de ces moyens (humains, informatiques, structurels)
peut être mise à mal en cas de perte d’approvisionnement électrique.
Il apparaîtra alors que certains équipements au sein de votre organisation requièrent une continuité
d’approvisionnement électrique. Des solutions de secours existent mais elles ne pourront sans
doute pas couvrir les besoins d’un fonctionnement ‘normal’ de l’organisation. Il sera donc nécessaire
de décider quels équipements sont critiques pour l’organisation et lesquels ne nécessitent pas un
approvisionnement de secours.
3. Disposez-vous des moyens organisationnels et techniques adéquats pour faire face à une perte
d’approvisionnement électrique ?
Connaître ses besoins est une chose ; mettre en place les moyens nécessaires pour les rencontrer en
est une autre. Concrètement, dans le cas qui nous préoccupe, nous parlons de moyens techniques
(générateurs, alimentation sans interruption…) et organisationnels (cellule de gestion de crise, plan
de continuité…).
Avez-vous défini des responsabilités claires au sein de votre organisation à cet égard ? Chacun sait-il ce
qu’il doit faire ? La plan de continuité, définissant les différentes actions à réaliser en cas d’occurrence
du scénario évoqué, est-il clair, formalisé et disponible en cas d’urgence ? Vos systèmes informatiques
résisteraient-ils à une coupure de courant ? Quelles seraient les conséquences d’une telle coupure ?
Avez-vous réalisé des tests visant à mettre à l’épreuve ces éléments dissociés ou dans le cadre d’une
procédure de test global ? Si oui, quelles étaient les conclusions du test? Encore plus concrètement, si
vous disposez de générateurs, avez-vous pensé à la procédure à suivre pour se procurer du carburant
en cas de perte prolongée d’approvisionnement électrique? Qu’avez-vous prévu pour vos employés en
cas de coupure de courant ? Doivent-ils rentrer chez eux ou rester sur place ? Etc.
L’expérience nous apprend que les éléments constitutifs d’un plan de continuité doivent être formalisés
de manière à ce que l’exécution (si nécessaire) puisse être réalisée de manière efficace. Durant
des situations exceptionnelles ou stressantes, les individus ne réagissent pas toujours de manière
prévisible. À ce niveau, des procédures claires et bien documentées permettent de limiter les risques
4. de mauvaise interprétation et de mauvaise exécution. Pensez également à l’après-crise. Le retour à
la normale (ex : déconnexion des moyens de secours et reconnexion à l’approvisionnement standard)
doit également être préparé pour éviter toute mauvaise surprise…
S’exercer apparaît également comme une bonne pratique indispensable. Les plans de continuité non-testés
et qui prennent la poussière dans une armoire sont des tigres de papier. Ils peuvent s’avérer
finalement inutilisables le jour J car ils n’ont jamais été confrontés à l’épreuve de l’exercice ou n’ont
jamais été mis à jour.
Voulez-vous en savoir davantage sur le sujet?
Envoyez un mail à : mathieu.briol(at)mielabelo.com
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Conclusion et recommandations
Comme évoqué tout au long de cet article, le risque d’interruption d’approvisionnement électrique s’est
considérablement aggravé pour les organisations et les citoyens belges à l’aube de l’hiver 2015. Ce
risque représente néanmoins une opportunité intéressante de se préparer à une situation anormale.
Il apparaît utile de formuler quelques recommandations afin d’initier la réflexion au sein des
organisations novices en la matière.
Tour d’abord, créez un groupe de travail continuité regroupant des représentants des différents
départements (RH, métier, informatique, …). Ce groupe de travail sera amené à coordonner
les réflexions et les actions à mener sur ces thématiques au sein de l’entreprise. Impliquez ces
collaborateurs et faites-en des ambassadeurs de la démarche d’amélioration continue.
Commencez petit mais voyez grand. Les problématiques de continuité sont généralement assez
transverses dans les organisations car elles mettent en exergue les interactions multiples entre
les différentes fonctions de l’entreprise. Quelques solutions rapides peuvent être mises en oeuvre
pour des départements spécifiques (informatique, par exemple). Graduellement, il est bien entendu
recommandé d’élargir la réflexion afin d’adresser l’ensemble de l’organisation.
Pensez gestion de risques. Les moyens à mettre en oeuvre, qu’ils soient humains, techniques ou
organisationnels, doivent être proportionnels aux risques encourus. Une fois les risques identifiés et
évalués, c’est à la direction de statuer sur les moyens à mettre en oeuvre pour adresser ces risques.
Tout le processus consiste à construire une gestion de risques ‘éduquée’ et factuelle permettant de
prendre des décisions de gestion transparentes et justifiées.
Dernier point, la continuité d’activités est un métier spécifique. N’hésitez pas à vous faire aider
par des entreprises compétentes en la matière. Une première étape d’évaluation de votre niveau
de préparation s’avère une bonne façon de mettre le pied à l’étrier et vous permettra d’y voir plus
clair.