1. T H E
dossier
Religion, Racisme,
Handicap, peut-on rire
de tout en 2015 ?
interview
Benoît Hamon
« Je serai en première
ligne en 2017 »
portrait
VHILS
Artiste explosif
reportage
Sites de rencontre
à la recherche du
grand amour virtuel
sur place ou à emporter
# 1THE
01_BM01_couv_ok.indd 1 16/06/15 17:33
8. 14 15
THE ¬ JUIN 2015Dossier Humour
dans le monde de l’humour, d’autres sont plus
mesurés. C’est le cas de Marie Misset, qui co-
anime sur Radio Nova l’émission 2H15 avant la
fin du monde : « sur les religions, je vais être un
peu moins à l’aise, parce que je ne sais pas toujours
avec qui je ris. » Son acolyte Armel Hemme pense
qu’il est facile de rire sur la religion, le racisme ou
tout autre sujet, « c’est juste que tu n’as pas envie de
te prendre la tête avec des gens qui ne vont pas te
lâcher après, qui ne vont pas le prendre à la rigo-
lade du tout. » Et pourtant, ces sujets les plus sen-
sibles sont les plus propices selon l’animateur : « on
pourrait écrire des sketchs dessus, c’est pas compli-
qué. Il y a des points saillants. Mais c’est prendre
le risque de se faire emmerder. »
“Se faire emmerder”, Gérard Oury n’y pensait
sans doute pas une seule seconde lorsque son der-
nier film Rabbi Jacob sortait en salles en 1973.
Partie intégrante du patrimoine culturel fran-
çais, sa comédie serait-elle encore acceptée par la
communauté juive si elle sortait en 2015 ? Même
constat pour Pierre Desproges. Xavier Mauduit,
chroniqueur sur France Inter, se souvient : « dans
Panique au Mangin Palace était passé un extrait
de Desproges, disant que pendant la Seconde
Guerre mondiale, il aurait hésité. Car lorsqu’on
était collabo, il fallait combattre les juifs et quand
on était résistant, il fallait vivre avec et qu’il ne
savait pas ce qui était le plus dur. Dans les années
80 c’était très drôle. Mais nous, on a passé ça dans
les années 2000 et on a reçu un mail d’une jeune
femme de 25 ans qui ne connaissait pas Desproges
et qui était outrée. “Mais comment osez-vous
passer des choses comme ça ?” C’est étonnant car
Desproges fait partie du patrimoine de l’humour
et on voit bien que là où on rigolait il y 20-30 ans,
on ne rigole plus aujourd’hui. »
Si la religion semble aujourd’hui un terrain miné
pour les humoristes, le racisme est à peine moins
dangereux. Au lendemain des municipales du 30
mars 2015, le comédien Saga Love avait réagi au
succès du FN en se pointant dans le métro parisien
pour réclamer “une femme blanche”. Histoire de
se mettre d’équerre avec les attentes du prochain
gouvernement… Adepte des punchlines envers
Le 7 janvier 2015, la France
s’est retrouvée confrontée
à l’horreur : en pleine
conférence de rédaction, l’équipe
de Charlie Hebdo est attaquée
par deux terroristes affiliés à AQPA,
Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique.
Armés de fusils d’assaut, les deux hommes
sèment la mort sur leur passage, épargnent
les femmes qui ont survécu aux premières
salves, puis prennent la fuite avec sang-froid.
Deux phrases résonnent dans leurs bouches :
« Dieu est grand » et « Venger le prophète ». Le
journal satirique était menacé de longue date pour
avoir osé caricaturer Mahomet, un blasphème
impardonnable aux yeux des islamistes les plus
radicaux. En France comme dans le reste du
monde, ce déchaînement de violence a suscité
indignation, vague de soutien (Je suis Charlie,
la marche républicaine) mais aussi un vrai
débat sur ce dont on peut rire, et ce dont on ne
peut pas. Certaines communautés ont refusé
“d’être Charlie”, d’autres comme au Pakistan,
en Afghanistan ou en Tchétchénie ont même
manifesté suite à la première Une post-attentat,
qui représentait le Prophète de l’Islam. Au centre
de la division, la religion.
Humoriste révélé sur Youtube, Moussier Tombola
y voit un interdit car « c’est sacré, personnel. » Son
compère Bayou Sarr adopte une posture compa-
rable : « je pense qu’il y a matière à rire de plein
de trucs, donc c’est trop facile de se moquer du
physique, de la religion et des couleurs de peau. »
Mais si ce côté “sacro-saint interdit” est une réalité
la communauté asiatique, il a conscience de mar-
cher sur des œufs. « Si tu ne sais pas manier ta
langue comme une épée tu es dans la merde ! ». Au
contraire, Marc Hervez, journaliste pour le groupe
So Press (So Foot, Society) et ancien Mark The U
sur Canal Street pense que l’humour noir ne doit
pas être réservé à une caste : « j’aime pas trop le
côté “il faut être noir pour faire des blagues sur les
noirs, seuls les handicapés peuvent faire des bla-
gues sur les handicapés”, n’importe qui peut faire
des blagues sur n’importe qui. Il faut juste que ce
soit malin et bien fait. » Et pourtant, à l’heure
d’Internet et des réseaux sociaux, il semblerait qu’il
ne soit plus permis à tout le monde de rire de tout
le monde.
Dossier Humour
THE
¬ JUIN 2015
Le rire. Unique à chaque être humain,
« propre à l’homme » selon Rabelais
et bon pour la santé. Qu’il soit étouffé,
contagieux, nerveux, même ridicule,
le rire détend, soigne, apaise…
Grâce à l’adrénaline et l’endorphine
qu’il libère ainsi qu’à la dopamine qu’il produit,
il rend heureux. Il accélère la circulation sanguine,
dilate les vaisseaux sanguins et permet une meilleure
circulation cardio-vasculaire. Anti-stress naturel
et efficace, le rire n’est peut-être pas vital comme l’eau,
le repos ou la nourriture, il n’en est pas moins nécessaire
à notre bien-être. Une minute de rire correspondrait
à 45 minutes de relaxation et 15 minutes de marche.
10 minutes par jour suffisent au bonheur et pourtant,
depuis plusieurs années, on ne peut le faire librement,
comme l’a rappelé en début d’année l’attentat chez
Charlie Hebdo. Pourtant, quel meilleur symbole de
la démocratie et du bien-être que le rire ? à croire
que Desproges détient la vérité absolue quand il dit
« on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. »
« On peut rire de tout,
mais pas avec n’importe qui ».
Pierre Desproges
La vierge Marie
et la vierge mariée
12-19_dossier_humour_BAT.indd 14-15 16/06/15 17:43
10. Dossier Humour
THE
¬ JUIN 2015
18 19
« Un jour j’étais en Italie,
en ‘prime time’ sur une grosse
émission de la “Rai Uno” un ven-
dredi soir. On va dans les loges et je
vois un costume de singe et je me dis : “Ça
tue, je veux le mettre ! Je me suis fait des-
cendre par mon producteur qui m’a dit : “Mais
t’es malade, on est en Italie, ils n’ont pas l’habi-
tude de voir des noirs et tu veux en plus mettre un
costume de singe avec un bonnet de Noël.” Je lui
ai fait la gueule sur le coup, mais je me suis rendu
compte qu’il avait raison » se souvient Moussier
Tombola. Aujourd’hui, avec Internet, la critique
est de plus en plus facile et de plus en plus rapide.
Certains humoristes et journalistes préfèrent,
comme Moussier Tombola, se retenir afin d’évi-
ter le scandale. Pour Xavier Mauduit, cette auto-
censure est presque naturelle et peut se manifester
sous deux formes : la censure personnelle et celle
liée à l’environnement dans lequel on se trouve.
« Quand on travaille sur
France Inter ou Arte, on sait
qu’on ne peut pas rire de tout, parce
que le but c’est de ne pas blesser les gens,
c’est de ne pas faire scandale. » A contra-
rio, certains humoristes se sont donnés pour
règle de ne respecter aucune limite, à l’image
d’un Stéphane Guillon* qui, sur Twitter, a fait
l’analogie entre les drames de la Germanwings
et de Dropped, ou encore Dieudonné se sentant
“Charlie Coulibaly” après l’attentat à Paris. Dans
certains cas, la portée humoristique est évidente,
avec la volonté de repousser les limites au nom du
principe de la liberté d’expression, ou tout simple-
ment pour générer un buzz. Dans d’autres, c’est la
dimension polémique voire politique qui pourrit
le débat, comme lorsque Dieudonné dit “regretter
les chambres à gaz lorsqu’il entend parler Patrick
Cohen”. Une simple blague selon l’auteur, un
propos antisémite selon ses détracteurs. La ligne
de défense de l’accusé est simple : profiter, dans
une société qui se veut laïque, de la même liberté
d’expression que les journaux et médias satyriques.
À la différence près que Dieudonné a fondé un
parti politique – Réconciliation nationale – avec
l’ancien proche du FN Alain Soral. Peut-on vrai-
ment invoquer la plaisanterie à propos de la “que-
nelle” lorsque l’on a présenté une liste “anti-sion-
niste” aux élections européennes de 2009 ?
Entre toutes ces condamnations, ces débats, ces
drames et ces dérives, l’humour n’est pas toujours
drôle. Ce droit naturel a été détourné, tantôt pour
dénoncer des scandales, tantôt pour propager des
idées politiques, tantôt pour faire mal, tout sim-
plement. Le marché de l’humour est à l’image de
notre société : clivé, divisé, susceptible et prompt
à s’indigner. L’adage dit qu’il faut regarder devant
pour s’inspirer et progresser, mais question
humour, nous ferions mieux de regarder derrière.
Quarante ans plus tôt, Coluche traitait à la fois
de religion, de racisme et d’injustice sociale. Un
propos qui, quatre décennies après, garde toute sa
vérité grâce à la sincérité qu’il portait. « Y paraît
qu’il a existé, Dieu. C’est un mec, Dieu, quand il
est arrivé sur Terre y avait rien, tu vois ! Rien,
pas une boîte, pas un troquet, pas une mobylette ...
Rien ! Il a dit “il y aura des hommes blancs, il
y aura des hommes noirs, il y aura des hommes
grands, il y aura des hommes petits, il y aura des
hommes beaux, il y aura des hommes moches et
tous seront égaux, mais ça sera pas facile !”
Et puis il a dit “Y en aura même qui seront noirs,
petits et moches, et pour eux ça sera très dur !” »
« L’adage dit qu’il faut regarder devant
pour s’inspirer et progresser, mais
question humour, nous ferions mieux
de regarder derrière. »
*
12-19_dossier_humour_BAT.indd 18-19 16/06/15 17:43
24. THE ¬ JUIN 2015Tous en Cène !
46 47
THE ¬ JUIN 2015
La Cène version Big Mag est l’œuvre de Didier Marandin www.marandin.com
Julien Mallet
ses confrères moquent sa pingrerie.
En même temps, si vous lui offrez
des chouquettes,
il bouffe même le sucre
au fond du paquet.
Maxime Ruban
ami intime de C215 et JonOne.
Il aime le street art
mais le street art ne l’aime pas...
Mathias Motrot
incollable sur Roland Garros 2015,
pile poil pendant le bouclage
de ce magazine. Préfère claquer
500 pompes plutôt que 500 signes.
Camille Ferrandon
prête à offrir sa chasteté,
ses économies et son
bouledogue français à
Benedict Cumberbatch.
Et pourtant, à première vue
elle semble normale...
Swapna Sattentau
re-forwarde plus de mails en une heure
qu’elle n’écrit de feuillets en un mois.
Rafaëlle Laurence
du XIXème à Elancourt, elle ne sort jamais sans sa kalash
et ses TN. Dans ses poches, tu trouveras
surtout des mini-BN.
Maëlle Gramond
écrit sur la mode tout en
portant perpétuellement
des pulls à capuche.
Costaud.
Christie Marquigny
sa spécialité,
se lever du mauvais pied.
Personne d’autre ne peut
écrire 3000 signes
sur les godemichets,
alors on l’a gardée.
Clémence Maillochon
un matin, s’est pointée à 12h en disant
« désolée, j’ai fêté la St-Patrick hier ».
Malheureusement, chez elle,
la St-Patrick c’est tous les jours.
Alexandra Colas
avant n’aimait que les gros
chevaux, grâce au Big Mag
elle aime aussi les gros
poissons.
Guillaume Blanchard
24h pour trouver un sujet,
48h pour trouver un titre,
mais sinon un chic type
qui passe ses week-ends
en calbute sur SportCle.com
Victor Boisson
allo maman bobo,
maman comment
tu m’as fait
chuis pas beau..
Corentin Gouriou
une syntaxe à la maître Yoda, des punchlines
à la Jean-Claude Vandamme. Adore les filles
qui mangent bio.
Andrea Chazy
capable de se mettre à
nu -au sens premier du
terme- pour les besoins
d’un tournage. Fan de
Prodigy, Rocco Siffredi
et Franck Annese, donc
gros bordel dans sa tête.
Jordan Brest
ardennais, qui plus est de Charleville.
Une moyenne de 18 blagues
sur la consanguinité par heure
et un gros Grec à chaque petit déjeuner.
1
2
3
4
5
6
7
8
q
Nicolas Jucha
aime l’Asie dans la vie et dans son lit.
Il ne sort jamais sans son kimono
tandis que sa fille le met
souvent dans la merde,
littéralement.
9
0
w
e
r
t
y
46-47_BM01_caricature.indd 46-47 16/06/15 17:51