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T H E
dossier
Religion, Racisme,
Handicap, peut-on rire
de tout en 2015 ?
interview
Benoît Hamon
« Je serai en première
ligne en 2017 »
portrait
VHILS
Artiste explosif
reportage
Sites de rencontre
à la recherche du
grand amour virtuel
sur place ou à emporter
# 1THE
01_BM01_couv_ok.indd 1 16/06/15 17:33
Interview THE ¬ JUIN 2015ÉditoTHE ¬ JUIN 2015
2 3
THE ¬ JUIN 2015Édito
Page de couverture :
Coluche. © : Francis Apesteguy, Maxppp
«  On ne peut insulter
la foi des autres  ». Son visage
est alors crispé, déterminé et surtout
convaincu. Lorsque ces mots sortent de la bouche
de l’actuel souverain pontife, il n’y a pas de compromis
possible. Certes, le pape François a condamné le massacre
de la rédaction de CHARLIE HEBDO le 7 janvier dernier. Mais ce
point de nuance qu’il ajoute alors à son discours est révélateur du
caractère « suprême » dont bénéficient les religions depuis toujours.
Et encore plus aujourd’hui. Lors de la majorité de nos entretiens avec
des personnalités du monde de l’humour, presque tous sont unanimes :
la religion est un sujet sensible, dangereux, glissant voire interdit.
Un sujet sur lequel « on n’est pas à l’aise », ou tout simplement « sacré ».
La décision de Luz d’arrêter de caricaturer Mahomet en est l’exemple
le plus révélateur. Même si ce dernier déclare «  être fatigué  »,
que le personnage n’a «  plus d’intérêt  », on sent la résignation.
Les terroristes marquent un point. La réflexion va au-delà :
pourrions-nous aujourd’hui réaliser RABBI JACOB en France ?
Pourrions-nous tolérer Pierre Desproges ? Cette partie
de la liberté d’expression est aujourd’hui menacée…
à moins que ce ne soit juste l’évolution
programmée de notre société.
OURS The BIG MAG
Le gros magazine de la rédaction
de News-gate.org
Par les étudiants journalistes de l’Institut Inter-
national de l’Image et du Son (3IS)
4 Rue Blaise Pascal, 78990 Élancourt, France
Tél : 01 61 37 34 94
Mél: contactnewsgate@gmail.com
Superviseur : Nicolas Jucha
Responsable Pédagogique :
Sébastien Le Belzic
Direction graphique : Étienne Hénocq
RÉDACTION:
Directeur de la rédaction : Jordan Brest
Rédaction en chef :
Andrea Chazy, Rafaëlle Laurence
Comité de rédaction :
Guillaume Blanchard, Victor Boisson,
Alexandra Colas, Camille Ferrandon,
Corentin Gouriou, Maëlle Gramond,
Clémence Maillochon, Julien Mallet,
Christie Marquigny, Mathias Motrot,
Maxime Ruban, Swapna Sattentau
Diffusion: François Richieu
Responsable de la communication pour
l’Institut International de l’Image et du Son
Tél : 01 61 37 34 98
Port : 06 66 28 57 28
http://www.3is.fr/
Impression: Impression saxoprint
www.saxoprint.fr
Imprimé sur Papier Offset 100g
Andrea Chazy
02-03_BM01_edito_ours_ok.indd 2-3 16/06/15 17:34
4 54 5
BusinessTHE ¬ JUIN 2015
THE
THE ¬ JUIN 2015Sommaire
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sex Toys
Un business qui se dresse solidement
grâce à « Cinquante nuances de Grey ».
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Reportage
Nos journalistes infiltrés vous dévoilent
les coulisses des sites de rencontre.
. . . . . . . . . . Un peu d’histoire
Pirates en corset et flibustières
en jupe : les femmes pirates sont
à l’honneur. Petite leçon d’histoire.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jour après Jour
Les détails parfois anodins font souvent
la différence… voici quelques
morceaux de choix.
. . Cahier international
Wasfia Nazreen gravit l’Everest
et le Mont-Blanc pour faire valoir
le droit des femmes. Avec son
Hula Hoop pour seule arme.
. . . . . . . . . . . . Souvenirs Souvenirs
Ce qui a fait l’actu début 2015
en 140 caractères et moins…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Benoît Hamon, député
des Yvelines et ancien
Ministre de l’Éducation
Nationale se livre
dans un entretien
exclusif.
INTERVIEW
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Un Portugais qui manie
le burin c’est cliché ?
Cela ne nous a pas empêché
de rencontrer Vhils, l’un
des street-artistes les
plus talentueux de
sa génération.
PORTRAIT
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
On ne sait pas trop qui jouait le
rôle de Jésus ni combien il y avait
d’apôtres, mais on sait que
la confection de ce magazine
a été un chemin de croix...
TOUS
EN CÈNE !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Racisme, religions,
politique, pauvreté…
En 2015, peut-on
vraiment rire de tout ?
Enquête sérieuse.
12-19
DOSSIER
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6-7
. . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . .8-9
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10-11
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20-23
32-35
46-47
24-29
. . . . . . . . . .. . . . . . . . . .36-39
. . . . . . . . . . . . . Salles obscures
De séries pour ados américains
à la superproduction Star Wars,
portrait d’Adam Driver et rétrospective
chiffrée de l’année 2014 pour
l’industrie du Septième art.
. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .40-41
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mode
Strass, paillettes et anorexie, enquête
sur un monde glamour avec cette
question : « La mode est-elle snob ? »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Strass, paillettes et anorexie, enquête
42-43
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Animaux
François Sarano casse les préjugés du
film « Les Dents de la Mer » en plongeant
avec les plus grands requins du monde.
Entretien avec un homme qui n’a pas
froid aux yeux ni peur de se faire mordre.
François Sarano casse les préjugés duFrançois Sarano casse les préjugés du
44-45
. .. .30-31
4 5
04-05_BM01_sommaire_ok.indd 4-5 16/06/15 17:35
6 7
Business THE ¬ JUIN 2015BusinessTHE ¬ JUIN 2015
6
BusinessTHE ¬ JUIN 2015
6 7
par Christian Grey pour attacher sa
partenaire, ont également gagné en
popularité quand la pratique du bondage,
soft ou hard, n’est plus taboue. « Autrefois
une activité de niche, elle est aujourd’hui
discutée par des millions de personnes »,
souligne Neal Slateford, copropriétaire
de Lovehoney, l’un des sex shops les plus
connus du Royaume-Uni. Le crédo de
son magasin ? « Le bonheur sexuel des
gens ». Mais si les sextoys sont voués au
plaisir, une mauvaise utilisation peut en
faire des instruments de souffrance. Effet
collatéral de l’explosion des ventes, les
accidents (graphique ci-dessus) sont de
plus en plus courants depuis 2011, selon
une étude de la Commission américaine
de protection des consommateurs
(CPSC). Mauvaise utilisation, mais
aussi mauvaise qualité sont pointées du
doigt, les produits lowcost ne respectant
parfois pas les normes de sécurité (traces
de phtalate, bisphénol voire de peinture
au plomb). Comme pour les légumes,
mieux vaut miser sur les sex-shops 100%
bio, un créneau que n’a pas encore adopté
le leader européen Marc Dorcel. « On
suivra peut être le mouvement, mais
encore faut-il avant tout que le plaisir
soit optimal » a expliqué à l’AFP la porte-
parole, Adeline Anfray. Les sextoys ont
beau gagner en popularité, le public
français reste timide  : selon une étude
réalisée par BVA, seuls 14% des Français
possèdent un jouet sexuel contre 49% des
Suédois ou 27% d’Allemands. Selon la
même étude, plus de 60% des Français
songent néanmoins à s’équiper, la preuve
que le marché des sextoys n’a pas terminé
sa croissance.
Depuis la sortie en librairie du livre
de la Britannique E.L. James, les ventes
de sextoys ont augmenté de 400% aux
États-Unis selon le blog de la marque
suédoise Lelo. Autres chiffres édifiants :
+600% pour les boules de geisha durant
la même période, quand les revendeurs
de menottes ont subi des pénuries et 68%
des acheteurs du livre passaient dans les
magasins de lingerie fine. Une dynamique
dont le site américain de rencontres extra-
conjugales Gleeden a également bénéficié
avec 50% d’utilisateurs supplémentaires.
Le marché des sextoys a connu un premier
essor en 2000 avec la sortie de Sex and
The City. « En France, l’image des sextoys
a changé depuis la diffusion de l’épisode
qui parle du Rabbit » vibromasseur en
forme de lapin qui stimule à la fois le vagin
et le clitoris, explique Ovidie, réalisatrice
et auteur d’Osez les sextoys, au journal
20 minutes. Un premier frisson annon-
ciateur du raz-de-marée « 50 nuances
de Grey » une décennie plus tard.
« Cinquante nuances de Grey a été le plus
grand phénomène culturel pour les jouets
sexuels que je n’ai jamais vu », explique
Claire Cavanah, cofondatrice du célèbre
sex shop américain Babeland au journal
l’Express.
Les Français sont les plus timorés
d’Europe
La révolution sexuelle de E.L. James
affecte le marché des sextoys, mais pas
seulement : depuis la sortie du premier
livre, les cravates grises, utilisées
Depuis la sortie de 50 Nuances de Grey, la vente de sextoys explose.
Ou comment les petits jeux d’Ana et Christian Grey mettent en valeur les célèbres accessoires de la chambre rouge.
Clémence Maillochon et Christie Marquigny TEXTE
.....
SexToysdes
La
PARIS A SA TOUR EIFFEL, LES SEXTOYS ONT
MAINTENANT « LA TOUR EST FOLLE ». TOTALEMENT
MADE IN FRANCE, LE SEXTOY EST PRODUIT DANS
L’AIN À OYONNAX. SON CRÉATEUR SÉBASTIEN
LECCA SE FIXE UN DOUBLE DÉFI : « METTRE EN
AVANT LE SAVOIR-FAIRE INDUSTRIEL FRANÇAIS ET
CHERCHER DES DÉBOUCHÉS » VIA 20 MINUTES.
LE NOMBRE D’ANNÉES QU’UN VIBROMAS-
SEUR EST RESTÉ DANS LE VAGIN D’UNE
ÉCOSSAISE DE 38 ANS. LA FAUTE À UNE
SOIRÉE TROP ARROSÉE.
LE POURCENTAGE D’HOMMES QUI ONT EU
DES ACCIDENTS DE SEXTOYS.
L’ÂGE DE L’ACCIDENTÉ LE PLUS ÂGÉ.
UN SEXTOYS
MADE IN FRANCE
10
58
85
montée en puissance
©MarcDorcel/MademoseilleScarlett
©pageofficielledelatourestfolle
©pageofficiellede50nuancesdegreyl’étudemenéeparPriceMinister-RakutenetleHuffingtonpost
LES CRAVATES GRISES,
UTILISÉES PAR GREY POUR
ATTACHER SA PARTENAIRE,
ONT ÉGALEMENT GAGNÉ
EN POPULARITÉ
06-07_BM01_sextoys_ok.indd 6-7 16/06/15 17:41
8 9
the ¬ juin 2015Souvenirsthe ¬ juin 2015 Souvenirs
8 9
Le 7 janvier 2015, la France est sous le choc de l’attentat dans les
locaux de Charlie Hebdo. Parmi les victimes, les dessinateurs
Cabu,Charb,Honoré,TignousetWolinski.Lasemainedeviolence
fait place le dimanche suivant à une marche symbolique, place
de la République et à un élan de soutien international autour du
thème de la liberté d’expression. Depuis, l’esprit s’est estompé,
mais nous restons tous Charlie.
Le 23 janvier, Emma Watson délivrait un nouveau
discours sur l’égalité des sexes lors du forum de Davos.
Elle y a repris les thèmes abordés lors de sa précédente
intervention à l’ONU, peu après avoir été nommée
ambassadrice des Nations-Unies. Elle a appelé au soutien
de la campagne #HeForShe. Ce hashtag féministe a fait
twitter Tom Hiddelston, Harry Style, Russel Crowe et de
nombreuses autres personalités féminines et masculines…
« Adam recherche Eve » a enregistré des
audiences correctes. Mais voir des gens nus sur
une plage n’a pas plu à tout le monde. Religions
et pudeur en ligne de mire, on peut dire que le
bilan est mitigé. Le premier épisode a rassemblé
près de 1,3 million de téléspectateurs. Mais après
la curiosité passée, l’émission a vu ses audiences
chuter… 647 000 téléspectateurs avec 1,1 % de
part d’audience pour le dernier épisode, le 7 avril.
Encore un flop pour D8. Cette fois-ci, « Ce qu’il
fallait détourner » a partagé l’audience. Pourtant
ce sont 1,30 million de Français qui ont suivi la
nouvelle émission de l’animateur de TPMP. Ce que
l’on en retiendra :
Jean-Marie Le Pen @lepenjm
« Les migrants croient que la
France est un bateau de sauvetage alors
que c’est déjà le Radeau de la Méduse ».
Jean.Chr.Cambadélis @jccambadelis
« Les Dupond et Dupont@cestrosi
et @eciotti se chauffent sur des manipu-
lations douteuses. Et dire qu’ils veulent
être ministres de l’intérieur ».
Jean Roucas @jean-roucas
« Les méthodes du PS contre les
candidats FN : Incendies, menaces de
mort, agressions… »
©Photo:UNWomen/CelesteSloman
©ISHARAS.KODIKARA/AFP
©CatherineWylie/PAWire
Six premiers mois de 2015 condensés sur deux pages
Dérapages de politiciens, images choc, catastrophes naturelles
et drames humains. Retour sur ce qui a marqué le début de l’année 2015.
Camille Ferrandon et Swapna Sattentau textes
#HeForShe
Je suis Charlie
Le flop des émissions
• 100% télé •
Les pires tweets
des politiques
• 100% vrai •
Pub ou propagande ?
L’image de l’année
Votre corps est-il prêt pour la plage ? à la sortie de l’hiver,
les produits minceurs « The Weightloss Collection » de la
marque Protein World s’affichaient sur les murs du métro
de Londonien. Simple publicité ou diktat de la minceur ?
La campagne publicitaire a suscité des réactions
corrosives sur les réseaux sociaux, certains dénonçant un
« dérapage » et des détournements des affiches initiales,
notamment par la marque Dove. Interpellée par 360
plaintes officielles, l’ASA – l’autorité qui régule le marché
publicitaire au Royaume-Uni – a décidé d’interdire la
campagne Beach Body Ready du métro de Londres.
Selon les initiateurs, l’opération a permis à Protein World
de tripler les ventes et de faire gagner un bonus au
département communication.
L’affiche placardée dans le métro de Londres, « Votre corps est-il prêt
pour la plage ? »
Les blogeuses Fiona
Longmuir et Tara Costello
posent en maillot de bain
devant une affiche de la
marque Protein World et
twittent :
« Vous avez parfaitement
raison @Castello et moi avons
des corps prêts pour la plage.
Pas besoin d’aide, nous
sommes #déjàparfaites. »
En légende sur le cliché :
« Comment avoir un corps
de plage ? Ramène ton corps
à la plage »
Le 25 avril, un séisme d’une magnitude de
7,8 frappe le Népal. Si l’épicentre se situe à
77 km de Katmandou, les secousses se font
ressentir jusqu’à New Delhi et entraînent
la mort de 8 000 personnes. Avant d’autres
répliques terribles le 12 mai…
Des Népalais en pleine
commémoration
du séisme le 25 mai
à Katmandou.
“Jordan@jordanhthc”
Hanouna qui se met en scène lui-même dans tous les
sketches. Nul ne peut avoir le niveau des Inconnus
#CQFD”
©DR
©J-SEvrard/AFP©A.Jocard/AFP©M.Bureau/AFP
©DR
08-09_souvenirs_BM01_ok.indd 8-9 16/06/15 17:42
10 11
Jour après Jour the ¬ juin 2015Jour après Jourthe ¬ juin 2015
10 11
acharnée. Mais les accidents routiers
resteront dans l’ombre des catastrophes
aériennes entre le crash de l’hélicoptère
de Dropped (10 morts) en Argentine
ou le suicide d’Andreas Lubitz, copilote
d’un vol German Wings qui a fait
150 morts. Une note positive quand
même : le pire a été évité dans un vol
entre Londres et Dubaï forcé de faire
demi-tour à cause d’un bronze à l’odeur
insoutenable. Comme quoi il vaut mieux
un pilote incontinent que dépressif. Mais
le grand événement du mois reste les
élections départementales avec certains
candidats qui innovent pour rester
sereins, comme ce Lorrain chopé
..... Janvier : L’année 2015
débute dans la violence avec les attentats
meurtriers contre Charlie Hebdo, les
massacres de Boko Haram au Nigéria
ou encore les conflits qui ne cessent de
s’aggraver en Ukraine et au Yémen…
Tellement d’horreurs en si peu de temps
et pourtant, la justice décide de faire
payer Paul Bennet, ce pauvre Anglais de
45 ans qui voulait seulement se faire du
bien avec sa boîte aux lettres. Bilan: 1 an
de soins contre l’alcoolisme, 260 livres
sterling (340 euros) d’amende, plus les
frais de justice et une signature dans le
registre national des délinquants sexuels.
Pourtant, si tous suivaient son exemple…
Face à tant d’injustice, on se console
grâce à Marc Dorcel et sa campagne
« Sans les mains » qui propose de
regarder gratuitement des films porno,
à condition d’appuyer sur les touches
A, S, P et L de son clavier en même
temps. Donc sans vraiment en profiter.
En Grèce, Alexis Tsipras promet de
faire banquer l’ensemble du capitalisme
mondial pour redistribuer aux pauvres.
Le Robin des Bois des temps modernes
est arrivé, on espère qu’il sera meilleur
que Russell Crowe.
..... Février : Rien n’est
plus dangereux qu’une femme fatale.
Contactés sur Skype, des rebelles syriens
pensaient tchater avec une bimbo mais au
final ont perdu des documents secrets en
cliquant sur la photo coquine. Les hackers
avaient sûrement vu le Dalaï Lama
disant « pour tuer un ennemi, il faut en
faire un ami ». Un conseil que Poutine
n’a visiblement pas suivi avec l’opposant
Boris Nemtsov, abattu par balles en
pleine rue alors qu’il devait participer
à une manifestation anti-Poutine. En
clair, pour le big boss russe, « pour tuer
ennemi, il faut tuer ennemi ». Plus
troublant, Simon Parkes, élu de Whitby
en Angleterre, affirme que le numéro
un du Kremlin est conseillé par un
extraterrestre. N’aurait-il pas confondu
avec les A.M.G., véritables ovnis
musicaux qui rappent leur soutien avec
la chanson « Go hard like Putine » ?
..... Mars : Mars est marqué
par la première greffe réussie d’un pénis
en Afrique du Sud. L’homme de 21 ans
avait dû se faire amputer le sien suite à
une circoncision approximative, il est
maintenant de nouveau
« sexuellement actif et très heureux ».
Est-ce cette nouvelle qui a poussé un
homme à exhiber son engin devant le
commissariat du Kremlin-Bicêtre (94) ?
Il sera renversé quelques minutes plus
tard sur l’A6 après une course-poursuite
Du sexe, des aliens et la disparition tragique de la chatte de Marine Le Pen. Ce n’est pas seulement
dans les grands titres de l’actualité que se joue le destin du monde. Retour sur le début d’année 2015.
Par Andrea Chazy, Guillaume Blanchard et Corentin Gouriou textes
.....
en train de s’accorder une pause solitaire
sur un parking de supermarché. « J’étais
hyper stressé, j’ai un emploi du temps
surbooké ». Un moyen comme un autre
de vider les urnes.
..... Avril : En Turquie,
de jeunes autochtones demandent la
construction d’un temple Jedi pour
se préparer à la bataille finale contre
l’Empereur Erdogan. La pétition
intervient en riposte à la création d’une
mosquée dans les environs d’Izmir,
une manière originale de lutter pour
la laïcité. Autre pays autres mœurs, au
Royaume-Uni une application appelée
Polipets lutte contre le désintérêt des
jeunes pour la politique en leur proposant
de gérer les candidats aux élections
comme des animaux de compagnie.
Et les programmes, on en parle ?
Visiblement, Rachel Lenhardt, mère
américaine de 35 ans, n’avait pas révélé
le sien : non contente de fournir herbe et
alcool pour l’anniversaire de sa fille de
16 ans, elle a couché avec le petit ami
de cette dernière. Pour une fois qu’un
In da Putin club
« Jeanne, au secours !!! »
La chatte de Marine
Cat woman
La médaille de bronze
mec s’entend bien avec sa belle-mère…
La famille, c’est sacré aussi pour les
Le Pen. Alors qu’en début de mois,
Jean-Marie a confirmé pour la cinquième
fois de sa carrière ce qu’il pensait des
chambres à gaz, Marine révèle sur I-télé
que « la dernière fois que j’ai pleuré, c’est
quand ma petite chatte est morte tuée par
un chien. » Les efforts d’humanisation
du FN vont peut-être un peu loin…
©VK.com
©AFP
©NawakIllustrations
©DR
©AFP
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THE ¬ JUIN 2015Dossier Humour
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THE ¬ JUIN 2015
Par Clémence Maillochon,
Andrea Chazy, Rafaëlle
Laurence et Victor Boisson.
Vous avez vu, Salomon ?
Ils ont des voitures,
maintenant, hé, hé, hé...
Ils ont des Rolls
blanches, les Noirs.
Victor Pivert (interprété par
Louis De Funès) dans
Les aventures
de Rabi Jacob (1973)
MINI SOMMAIRE
©
””
”
P14-15 > DIEU EST HUMOUR
P16 > 2015 : L’APOGÉE DE LA SURRÉACTION
P17 > « GAI-RIRE » OU LE RIRE THÉRAPEUTHIQUE
P18-19 > CRITIQUES ET AUTOCENSURES
12-19_dossier_humour_BAT.indd 12-13 16/06/15 17:43
14 15
THE ¬ JUIN 2015Dossier Humour
dans le monde de l’humour, d’autres sont plus
mesurés. C’est le cas de Marie Misset, qui co-
anime sur Radio Nova l’émission 2H15 avant la
fin du monde : « sur les religions, je vais être un
peu moins à l’aise, parce que je ne sais pas toujours
avec qui je ris. » Son acolyte Armel Hemme pense
qu’il est facile de rire sur la religion, le racisme ou
tout autre sujet, « c’est juste que tu n’as pas envie de
te prendre la tête avec des gens qui ne vont pas te
lâcher après, qui ne vont pas le prendre à la rigo-
lade du tout. » Et pourtant, ces sujets les plus sen-
sibles sont les plus propices selon l’animateur : « on
pourrait écrire des sketchs dessus, c’est pas compli-
qué. Il y a des points saillants. Mais c’est prendre
le risque de se faire emmerder. »
“Se faire emmerder”, Gérard Oury n’y pensait
sans doute pas une seule seconde lorsque son der-
nier film Rabbi Jacob sortait en salles en 1973.
Partie intégrante du patrimoine culturel fran-
çais, sa comédie serait-elle encore acceptée par la
communauté juive si elle sortait en 2015 ? Même
constat pour Pierre Desproges. Xavier Mauduit,
chroniqueur sur France Inter, se souvient : « dans
Panique au Mangin Palace était passé un extrait
de Desproges, disant que pendant la Seconde
Guerre mondiale, il aurait hésité. Car lorsqu’on
était collabo, il fallait combattre les juifs et quand
on était résistant, il fallait vivre avec et qu’il ne
savait pas ce qui était le plus dur. Dans les années
80 c’était très drôle. Mais nous, on a passé ça dans
les années 2000 et on a reçu un mail d’une jeune
femme de 25 ans qui ne connaissait pas Desproges
et qui était outrée. “Mais comment osez-vous
passer des choses comme ça ?” C’est étonnant car
Desproges fait partie du patrimoine de l’humour
et on voit bien que là où on rigolait il y 20-30 ans,
on ne rigole plus aujourd’hui. »
Si la religion semble aujourd’hui un terrain miné
pour les humoristes, le racisme est à peine moins
dangereux. Au lendemain des municipales du 30
mars 2015, le comédien Saga Love avait réagi au
succès du FN en se pointant dans le métro parisien
pour réclamer “une femme blanche”. Histoire de
se mettre d’équerre avec les attentes du prochain
gouvernement… Adepte des punchlines envers
Le 7 janvier 2015, la France
s’est retrouvée confrontée
à l’horreur : en pleine
conférence de rédaction, l’équipe
de Charlie Hebdo est attaquée
par deux terroristes affiliés à AQPA,
Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique.
Armés de fusils d’assaut, les deux hommes
sèment la mort sur leur passage, épargnent
les femmes qui ont survécu aux premières
salves, puis prennent la fuite avec sang-froid.
Deux phrases résonnent dans leurs bouches :
« Dieu est grand » et « Venger le prophète ». Le
journal satirique était menacé de longue date pour
avoir osé caricaturer Mahomet, un blasphème
impardonnable aux yeux des islamistes les plus
radicaux. En France comme dans le reste du
monde, ce déchaînement de violence a suscité
indignation, vague de soutien (Je suis Charlie,
la marche républicaine) mais aussi un vrai
débat sur ce dont on peut rire, et ce dont on ne
peut pas. Certaines communautés ont refusé
“d’être Charlie”, d’autres comme au Pakistan,
en Afghanistan ou en Tchétchénie ont même
manifesté suite à la première Une post-attentat,
qui représentait le Prophète de l’Islam. Au centre
de la division, la religion.
Humoriste révélé sur Youtube, Moussier Tombola
y voit un interdit car « c’est sacré, personnel. » Son
compère Bayou Sarr adopte une posture compa-
rable : « je pense qu’il y a matière à rire de plein
de trucs, donc c’est trop facile de se moquer du
physique, de la religion et des couleurs de peau. »
Mais si ce côté “sacro-saint interdit” est une réalité
la communauté asiatique, il a conscience de mar-
cher sur des œufs. « Si tu ne sais pas manier ta
langue comme une épée tu es dans la merde ! ». Au
contraire, Marc Hervez, journaliste pour le groupe
So Press (So Foot, Society) et ancien Mark The U
sur Canal Street pense que l’humour noir ne doit
pas être réservé à une caste : « j’aime pas trop le
côté “il faut être noir pour faire des blagues sur les
noirs, seuls les handicapés peuvent faire des bla-
gues sur les handicapés”, n’importe qui peut faire
des blagues sur n’importe qui. Il faut juste que ce
soit malin et bien fait. » Et pourtant, à l’heure
d’Internet et des réseaux sociaux, il semblerait qu’il
ne soit plus permis à tout le monde de rire de tout
le monde.
Dossier Humour
THE
¬ JUIN 2015
Le rire. Unique à chaque être humain,
« propre à l’homme » selon Rabelais
et bon pour la santé. Qu’il soit étouffé,
contagieux, nerveux, même ridicule,
le rire détend, soigne, apaise…
Grâce à l’adrénaline et l’endorphine
qu’il libère ainsi qu’à la dopamine qu’il produit,
il rend heureux. Il accélère la circulation sanguine,
dilate les vaisseaux sanguins et permet une meilleure
circulation cardio-vasculaire. Anti-stress naturel
et efficace, le rire n’est peut-être pas vital comme l’eau,
le repos ou la nourriture, il n’en est pas moins nécessaire
à notre bien-être. Une minute de rire correspondrait
à 45 minutes de relaxation et 15 minutes de marche.
10 minutes par jour suffisent au bonheur et pourtant,
depuis plusieurs années, on ne peut le faire librement,
comme l’a rappelé en début d’année l’attentat chez
Charlie Hebdo. Pourtant, quel meilleur symbole de
la démocratie et du bien-être que le rire ? à croire
que Desproges détient la vérité absolue quand il dit
« on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. »
« On peut rire de tout,
mais pas avec n’importe qui ».
Pierre Desproges
La vierge Marie
et la vierge mariée
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Dossier Humour
THE
¬ JUIN 2015
Internet rassemble un lectorat bien au-delà
des autres types de supports. C’est peut
être ça la limite, blesser par inad-
vertance un public à qui ce dessin
n’était pas destiné. »
Nawak a d’ailleurs décidé de
supprimer l’une de ses carica-
ture suite à des réactions violentes  :
« elles sont toujours plus vives sur Twitter que
sur Facebook. Twitter n’invite pas au débat, c’est
une simplification des propos. Le problème, c’est
qu’en 140 signes, on ne peut pas développer une
idée, donc il n’y a rien à dire, la discussion est
vide. Et quand on ose émettre une critique, il y
a toujours quelqu’un pour se plaindre » regrette-
t-il. Et certaines associations ne manquent pas
de lui compliquer la vie. Il donne l’exemple d’une
« association de protection animale, qui m’a repro-
ché le fait que je fasse souvent des dessins (cf; illus-
tration ci-dessous) où je me moque de mon chat !
À force de se ‘victimiser’ on finit par taper sur les
gens de bonne volonté... »
Si certains s’offusquent de ce qui fait rire d’autres,
doit-on en conclure que l’humour est devenu un
objet de division ? Humour de droite, humour de
jeunes, humour noir... Le but est-il de dédramati-
ser pour mieux comprendre les autres ou reste-t-on
dans la moquerie ? Selon le philosophe Bergson,
le rire est au contraire un “geste social”, “quelque
chose de mécanique dans quelque chose de vivant”,
qui grâce à sa fonction corrective, permet aux gens
de vivre en société. « Nous vivions une drôle de
période, admet Nawak. Pendant un mois, tout
le monde parlait de la liberté d’expression. Mais
un certain parti est aux portes du pouvoir : on va
tous, que l’on soit lesbienne, femme ou homme,
prendre un coup. Mais on continue à se tirer dans
les pattes, c’est consternant. » L’idéal serait-il de
s’imposer des limites ?
2015, gazouillis maudits
Les enjeux du rire ont bien
changé  : dans les années 80,
Coluche pouvait lancer “vous
savez ce qui frappe le plus les
Algériens qui viennent en France ? C’est
la police !” ou “la France, c’est le seul pays
arabe à ne pas être en guerre !”. Aujourd’hui
ce temps est révolu comme le confirme Xavier
Mauduit : « il y a des propos dits dans les années
80 qui, aujourd’hui, passeraient mal. Dans
le travail d’archives sonores qu’on peut faire à
l’INA, on le constate tous les jours. » Ce qui relève
d’une certaine logique avec l’avènement d’Internet
et des réseaux sociaux car on ne parle plus à un
public cible mais à un public global. « Les gens qui
achètent Charlie Hebdo ou le Canard Enchaîné
savent quel ton les dessins vont adopter », explique
Pierre, alias Nawak, qui s’est fait un nom en dif-
fusant ses caricatures sur sa page Facebook. « Via
Facebook ou Twitter, on parle à des gens que l’on
n’aurait finalement jamais pensé pouvoir toucher.
Votre dernier fou rire vous a-t-il aidé
à gérer une situation stressante ? La
rigologie est peut-être faite pour vous !
PEINT PAR TOULOUSE-LAUTREC
en 1896, filmé par les frères Lu-
mière mais aussi source d’inspi-
ration pour le philosophe Henri
Bergson qui théorisa les méca-
nismes du rire, Chocolat a créé,
sans le savoir, le concept de thé-
rapie par le rire. Abandonné par
ses parents à l’âge de 10 ans à La
Havane, il est vendu à un mar-
chand portugais qui l’emmène
en Espagne. Il s’enfuit à 14 ans
et enchaîne les petits boulots
jusqu’à se faire remarquer par
le célèbre clown anglais Tony
Grice, impressionné par son po-
tentiel comique. Après deux ans
de tournées en Europe, il arrive
à Paris et intègre le Nouveau
Cirque, où il a son propre spec-
tacle dès 20 ans sous
le pseudonyme Chocolat. Bien
avant Joséphine Baker, Choco-
lat devient un phénomène régu-
lièrement acclamé par la presse.
Et lorsqu’il ne captive plus les
foules au début du siècle, il se
rend dans des hôpitaux pour en-
fants. Les médecins constatent
qu’après ses visites, l’état des
patients s’améliore et certains
présentent même des signes de
guérison.
Omar Sy tourne actuellement
Chocolat de Roschdy Zem, ins-
piré du livre de Gérard Noiriel
Chocolat, clown nègre, qui re-
vient sur la vie de Rafael Padilla,
au début du XXe
siècle.
CHOCOLAT LE CLOWN, PRÉCURSEUR DE LA “RIGOLOGIE”
RIRE PERMET DE
RÉDUIRE LA PERCEPTION
DE LA DOULEUR ET DU STRESS,
d’oxygéner l’organisme, de réduire les tensions
musculaires en plus de faire travailler le diaphragme.
Cela favorise entre autres l’élimination des résidus
présents dans les poumons et augmente la
capacité respiratoire. Avoir le sens de l’humour
veut également dire plus d’estime de soi, cela
permet d’être plus à l’aise et de recadrer son ego.
Les individus avec de l’humour seraient d’ailleurs
mieux adaptés socialement et plus « séduisants
». Et contrairement à ce qu’en pense Guy Bedos,
“le rire c’est comme le désir : on ne peut pas faire
semblant de bander”, la nature fait tellement bien les
choses que le cerveau ne différencie pas un vrai rire
et un rire provoqué ! Dans les deux cas, il génère de
l’endorphine, l’hormone du bonheur et du plaisir. Les
médecins recommandent d’ailleurs de rire au moins
10 minutes par jour pour être en bonne santé.
Les sur-réactions
16 17
« Les gens qui achètent Charlie Hebdo
ou le Canard Enchaîné savent quel ton
les dessins vont adopter »
Xavier Mauduit
©Nawak
Au début des années 1980, vêtu d’un habit de
clown, le Dr Patch Adams – incarné au cinéma par
Robin Williams - commençait à soigner ses patients
en utilisant le rire et l’humour comme des outils
thérapeutiques. Aujourd’hui, dans des hôpitaux un
peu partout à travers le monde, les patients peuvent
bénéficier de la présence de clowns thérapeutiques
ou de clowns professionnels.
Des Clubs de rire ont ensuite été créés en Inde
par le Dr Madan Kataria en 1995. On en compte
aujourd’hui plus de 6 000, répartis dans plus de 60
pays.
« C’est un anti-stress naturel, le rire est unique,
c’est un secoueur de rigidité, il a des bienfaits
somato-psychiques. Au niveau du corps, il accélère
la circulation sanguine, il dilate les vaisseaux donc
améliore la circulation cardio-vasculaire. Le rire
est donc bon pour le cœur » explique Clémantine
Dunne, qui a fondé l’association Coeur de Rire en
2003, laquelle propose un grand nombre de stages,
destinés aussi bien au grand public qu’aux milieux
hospitaliers, professionnels ou scolaires.
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Dossier Humour
THE
¬ JUIN 2015
18 19
« Un jour j’étais en Italie,
en ‘prime time’ sur une grosse
émission de la “Rai Uno” un ven-
dredi soir. On va dans les loges et je
vois un costume de singe et je me dis : “Ça
tue, je veux le mettre ! Je me suis fait des-
cendre par mon producteur qui m’a dit : “Mais
t’es malade, on est en Italie, ils n’ont pas l’habi-
tude de voir des noirs et tu veux en plus mettre un
costume de singe avec un bonnet de Noël.” Je lui
ai fait la gueule sur le coup, mais je me suis rendu
compte qu’il avait raison » se souvient Moussier
Tombola. Aujourd’hui, avec Internet, la critique
est de plus en plus facile et de plus en plus rapide.
Certains humoristes et journalistes préfèrent,
comme Moussier Tombola, se retenir afin d’évi-
ter le scandale. Pour Xavier Mauduit, cette auto-
censure est presque naturelle et peut se manifester
sous deux formes : la censure personnelle et celle
liée à l’environnement dans lequel on se trouve.
« Quand on travaille sur
France Inter ou Arte, on sait
qu’on ne peut pas rire de tout, parce
que le but c’est de ne pas blesser les gens,
c’est de ne pas faire scandale. » A contra-
rio, certains humoristes se sont donnés pour
règle de ne respecter aucune limite, à l’image
d’un Stéphane Guillon* qui, sur Twitter, a fait
l’analogie entre les drames de la Germanwings
et de Dropped, ou encore Dieudonné se sentant
“Charlie Coulibaly” après l’attentat à Paris. Dans
certains cas, la portée humoristique est évidente,
avec la volonté de repousser les limites au nom du
principe de la liberté d’expression, ou tout simple-
ment pour générer un buzz. Dans d’autres, c’est la
dimension polémique voire politique qui pourrit
le débat, comme lorsque Dieudonné dit “regretter
les chambres à gaz lorsqu’il entend parler Patrick
Cohen”. Une simple blague selon l’auteur, un
propos antisémite selon ses détracteurs. La ligne
de défense de l’accusé est simple : profiter, dans
une société qui se veut laïque, de la même liberté
d’expression que les journaux et médias satyriques.
À la différence près que Dieudonné a fondé un
parti politique – Réconciliation nationale – avec
l’ancien proche du FN Alain Soral. Peut-on vrai-
ment invoquer la plaisanterie à propos de la “que-
nelle” lorsque l’on a présenté une liste “anti-sion-
niste” aux élections européennes de 2009 ?
Entre toutes ces condamnations, ces débats, ces
drames et ces dérives, l’humour n’est pas toujours
drôle. Ce droit naturel a été détourné, tantôt pour
dénoncer des scandales, tantôt pour propager des
idées politiques, tantôt pour faire mal, tout sim-
plement. Le marché de l’humour est à l’image de
notre société : clivé, divisé, susceptible et prompt
à s’indigner. L’adage dit qu’il faut regarder devant
pour s’inspirer et progresser, mais question
humour, nous ferions mieux de regarder derrière.
Quarante ans plus tôt, Coluche traitait à la fois
de religion, de racisme et d’injustice sociale. Un
propos qui, quatre décennies après, garde toute sa
vérité grâce à la sincérité qu’il portait. « Y paraît
qu’il a existé, Dieu. C’est un mec, Dieu, quand il
est arrivé sur Terre y avait rien, tu vois ! Rien,
pas une boîte, pas un troquet, pas une mobylette ...
Rien ! Il a dit “il y aura des hommes blancs, il
y aura des hommes noirs, il y aura des hommes
grands, il y aura des hommes petits, il y aura des
hommes beaux, il y aura des hommes moches et
tous seront égaux, mais ça sera pas facile !”
Et puis il a dit “Y en aura même qui seront noirs,
petits et moches, et pour eux ça sera très dur !” »
« L’adage dit qu’il faut regarder devant
pour s’inspirer et progresser, mais
question humour, nous ferions mieux
de regarder derrière. »
*
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THE ¬ JUIN 2015Société
20 21
« Je suis allée sur adopteunmec.com.
Je trouvais le système assez marrant.
C’est-à-dire que seules les filles choisissent
à quels garçons parler. » Comme Stéphanie,
beaucoup de Français fréquentent les sites dits
“de rencontres”. Deux sur dix avouent avoir déjà
fréquenté un site de ce genre nouveau en 2010.
Cinq ans plus tard, ils sont le double.
pas d’indicateur pour dire si la personne est libre
ou pas. »
En résumé, prouvez que vous êtes célibataire en
vous inscrivant sur un site de rencontre. « Très
peu de gens portent des alliances et pourtant, ils
sont en couple. Il y a vraiment ce souhait d’avoir
un endroit où il y a une base de données de gens
contactables. »
Du coté des utilisateurs, la raison est tout autre,
d’où cette réaction de Stéphanie : « L’avenir de
l’amour n’est pas sur Internet pour moi. Les sites
de rencontre c’est juste pour s’amuser. Comment
peux-t-on tomber amoureux de quelqu’un qu’on
ne connaît pas ? Certes on discute avec quelqu’un,
on peut l’apprécier, mais de là à dire que c’est de
l’amour... »
L’amour virtuel, c’est possible
Stéphanie se trompe peut être. 62% des utilisateurs
de l’amour en ligne déclarent rechercher l’amour
sérieux et désirent fonder une véritable histoire.
Mieux : deux utilisateurs sur dix se marient ou se
Se cacher derrière un écran ?
Peur de la réalité ? Timidité trop présente ? La
population française aurait-elle peur du râteau
au point de se cacher derrière un écran ? Pour
Catherine Lejealle, sociologue et auteure de
« J’arrête d’être hyper connecté », la société évolue
et ses principes également. « La demande est de
plus en plus élevée parce que malheureusement la
durée de vie d’un couple et les attentes qu’on a vis-
à-vis du conjoint sont plus importantes. Il y a une
forme d’insatisfaction. »
D’après les études, les relations amoureuses
aujourd’hui durent environ trois ans et un mariage
sur deux se solde par un divorce en région pari-
sienne. Pour la sociologue, c’est l’une des raisons
principales de l’essor de Meetic et consort car
« il y a de la demande ». La société a également
changé car « il y a 30 ans, à 20 ans grâce à l’école,
l’église, les bals et les sorties, tout le monde se
mariait au même moment. Or aujourd’hui, on
a des gens qui se retrouvent sur le marché de la
rencontre et il faut qu’il y ait un endroit où l’on
puisse rencontrer des gens. Aujourd’hui, il n’y a
Meetic, Adopte un mec, l’application Tinder… Les sites de rencontre
sont de plus en plus présents dans nos vies. Amour, amitié et
problèmes dans certains cas, ces plateformes ouvrent les portes d’un
monde virtuel autant qu’elles érigent des barrières dans la vie réelle.
Décryptage d’un fait de société banalisé mais pas sans risques.
Par Jordan Brest, Christie Marquigny, Maëlle Gramond et Corentin Gouriou.
Quand les liens
am ureux se tissent
sur la toile
CATHERINE LEJEALLE, AUTEURE DE…
… J’ARRÊTE D’ÊTRE HYPERCONNECTÉ (ÉDITIONS EYROLLES)
©DR
©Captured’écransMeeticetGleeden(AFP)
©DR
SociétéTHE ¬ JUIN 2015
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SociétéTHE ¬ JUIN 2015 THE ¬ JUIN 2015Société
pacsent à la suite d’une rencontre sur Internet. Des
chiffres fous qui montrent que l’amour semble
possible sur le net, notamment parce que les sites
sont de plus en plus nombreux.
« Aujourd’hui, les sites de rencontre peuvent être
segmentés selon des pratiques sexuelles, des choix
politiques, des conditions de vie. On a un nou-
veau type de rencontres à la Tinder, basé sur la
géolocalisation et sur des choses plus rapides et
plutôt basées sur le hasard. » Alors que vous soyez
fermier, fonctionnaire, musicien, chirurgien,
sadomasochiste ou même sodomite, vous aurez
certainement un site de rencontre qui correspond
à vos attentes et à vos passions.
Des dangers sur les sites de rencontre ?
Le problème avec ce genre de site, c’est bel et
bien l’identité. Prenons l’exemple de Robert,
65 ans, qui veut avoir une relation extra conjugale
avec une jeune fille de 16 ans. L’inconvénient,
c’est qu’il se fait passer pour un mannequin de
25 ans. Bizarre mais véridique. C’est ce qu’a connu
une jeune fille, victime d’un homme de 69 ans
qui occupait ses journées à “chasser” des femmes
pour les inviter dans son lit. Une histoire à la fois
stupéfiante et effrayante que dévoile le quotidien
Nice-Matin le 8 mai. Le principe du sexagénaire
est simple : emprunter l’identité d’un mannequin
et s’inscrire sur différentes plateformes en ligne,
histoire d’améliorer sa crédibilité.
Une fois mises en confiance, les victimes étaient
invitées dans un hôtel, avec toujours le même
rituel  : bandage des yeux dès l’entrée dans la
chambre et ligotage aux barreaux du lit. Ce n’est
qu’une fois l’acte réalisé que l’homme montrait
sa vraie nature, comme en témoigne une de ses
victimes au micro de nos confrères de France 2 :
« c’est lui qui m’a contacté la première fois via un
site Internet. Sur Facebook et d’autres sites, j’ai vu
que les photos correspondaient et les informations
concordaient. [...] » Jusqu’à ce qu’elle découvre les
formes de son partenaire dans le noir. « J’ai vu que
ce n’était pas une silhouette athlétique. Il avait le
ventre bedonnant. Je me suis dit qu’il y avait un
soucis et que ce n’était pas lui sur les photos. »
L’homme a été mis en examen pour viol par sur-
prise après plusieurs plaintes. Pour Catherine
Lejealle, ces actes restent tout de même isolés :
« Ce n’est pas du tout ce qu’on observe dans la
réalité. Ce sont des peurs qui sont totalement
dépassées. Aujourd’hui, on a tellement de sites de
rencontre d’inconnus et on voit que ça marche très
bien. On voit qu’il y a une vraie confiance en la
mise en relation avec un tiers inconnu. Et puis
il y a toujours du bon bouche-à-oreille avec une
personne qui a vécu une bonne expérience via les
sites de rencontre. » Ce qui ne doit pas empêcher
les utilisateurs de rester prudents.
Propos de Catherine Lejealle et Stéphanie
recueillis par Jordan Brest.
Dans la galaxie des sites de rencontre
en ligne, quelques exemples atypiques
sortent du lot. C’est le cas de « Amours-
bio » qui se veut ouvert aux adeptes
du bio, de l’écologie ou de la protection
animale. Plus qu’un site pour trouver l’âme
sœur, ce portail se veut un lieu d’échanges
pour trouver des amis et échanger sur
des thématiques qui dépassent le cadre
de l’alimentation. Une manière pour
les pratiquants d’un mode de vie bio
de se retrouver plus facilement que
dans le monde réel, où ils ont souvent
l’impression d’être pris pour des hippies,
comme nous l’explique Lucie, une
utilisatrice : « les gens me voient comme
quelqu’un en décalage avec la réalité, c’est
un manque d’ouverture ». Pour Sylvie, il
n’est « pas facile de rencontrer naturellement
des gens avec les mêmes centres d’intérêts », d’où
l’objectif d’Amour-bio, loin d’être le seul sur ce marché
de la rencontre bio.
Note : les prénoms ont été modifiés
L’a
mour vert
ParC
orentin Gouriou
©AFP©AFP/PhilippeHuguen
Chassez le naturel,
il revient par internet.
“À l’heure où notre belle France subit les terribles consé-
quences d’une immigration incontrôlée, il n’est pas toujours
permis d’affirmer en société ses préférences patriotiques
et son adhésion aux idées du Front National. Pour consa-
crer votre liberté de pensée et optimiser vos chances de
rencontrer celui ou celle qui comblera toutes vos attentes,
notre site est réservé aux célibataires patriotes de tout le
pays qui cherchent l’amour”. La description du site front-
rencontre.fr est sans ambiguïté. Pour s’inscrire, un pre-
mier formulaire : pseudo, adresse e-mail, mot de passe et
sexe. Pour la seconde étape, les questions se veulent plus
précises quant à vos caractéristiques physiques, attentes
affectives et orientations sexuelles. Côté interface, front-
rencontre ne se révèle pas en pointe de la modernité et
compte peu de membres actifs, entre 30 et 65 ans, refu-
sant le plus souvent les discussions politiques. Histoire de
ne pas parasiter la vie de couple ?
RENCONTRES FRONTALES
Par Maëlle Gramond
22 23
Les Français et les sites
de rencontre
« J’ai été parrainée
par Marine »
©JordanBrestviaPiktochart
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24 25
Interview the ¬ juin 2015Interviewthe ¬ juin 2015
E N T R E T I E N
E X C L U S I F
E N T R E T I E N
E X C L U S I F
Au lendemain des éléctions départemen-
tales, vous avez parlé de « malentendu entre
le peuple et la gauche du gouvernement. »
Ce n’est pas plutôt un ras-le-bol général ?
Ras‐le‐bol général, c’est un peu excessif mais
incontestablement, il y a des gens qui ont cru
en nous qui ne viennent plus voter pour nous...
Pourquoi j’ai utilisé l’expression malentendu ? On
a promis des choses, les gens y ont cru mais voient
autre chose. J’ai également l’impression qu’on
assiste à un dérèglement de la vie politique où la
gauche singe la droite, la droite se sent carrément
bien à l’extrême droite et l’extrême droite défend
la retraite à 60 ans...
Donc pour vous la gauche ne fait plus une
politique de gauche ?
Fort heureusement, dans le domaine de la santé,
avec la généralisation du tiers payant, en matière
de politique éducative, en matière de justice, grâce
à Christiane Taubira, il y a encore des fondamen-
taux de gauche. Aujourd’hui, militer pour une
forme de dérégulation sociale, de contrôle des
chômeurs, faciliter de licenciement, faire le choix
d’une politique qui consiste à d’abord restaurer les
marges des entreprises et minorer l’importance
du pouvoir d’achat des ménages, on est sur une
politique libérale standard mise en place par des
gouvernements conservateurs ou sociaux‐ démo-
crates. Il n’y a quand même rien de pire pour un
gouvernement de gauche que d’échouer, non pas
parce que ses solutions étaient mauvaises, mais
parce qu’il ne les a même pas essayées.
Cet échec, c’est également le vôtre ?
C’est un échec collectif. Si on est parti, c’est déjà
un échec, ce n’est plus le gouvernement de tous
les Socialistes ni de toute la gauche. Pour résumer,
on constate que la société se “droitise.” Il y a deux
options à gauche, ceux qui disent que parce que la
société se droitise “soyons nous même plus à droite
et on convaincra plus de monde” et ceux qui disent
“parce que la société se droitise il faut assumer
de manière décomplexée nos valeurs de gauche.
Moins on les affirme, plus la société se droitise.”
C’est quand même invraisemblable qu’on mette
en place un compte pénibilité pour les retraites et
qu’on ne l’assume pas. Pourtant, c’est une grande
conquête sociale.
Je serai
en première ligne
en 2017
Quatre mois et 23 jours, c’est le temps-record passé par Benoît Hamon
à la tête du ministère de l’Éducation Nationale. Le frondeur se voit malgré
tout « en première ligne pour la gauche en 2017. » La politique de François
Hollande et Manuel Valls, la réforme des rythmes scolaires ou encore la
montée des extrêmes, le député des Yvelines se livre. Entretien exclusif.
Propos recueillis à Elancourt (78) par Christie Marquigny, Andrea Chazy et Jordan Brest.
.....
« la gauche singe la Droite,
la Droite se sent carréMent bien À
l’extrêMe Droite et l’extrêMe Droite
DéFenD la retraite À 60 ans. »
Benoît Hamon
s’échauffe
pour 2017
©Maëllegramond
«
«
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26 27
Interview the ¬ juin 2015Interviewthe ¬ juin 2015
Dans Paris Match vous avez déclaré :
« La division ne vient pas de nous mais
des provocations faites quand on demande
à des députés de gauche de voter des
mesures contraires à leurs valeurs. » Que
doit-on faire pour réunir la gauche ? Mettre
dehors le Premier ministre et le président ?
Aujourd’hui, notre politique a deux conséquences :
d’une part la division de la gauche, on n’est plus
d’accord et ça s’entend publiquement; et d’autre
part la division de notre électorat qui reste à la mai-
son pour une grande partie. La question quand on
est parlementaire est de prendre acte d’un choix
du gouvernement avec lequel on n’est pas d’accord
mais de se taire, ou de l’ouvrir. Et si on l’ouvre, on
rajoute à la déception politique. Il y a une forme
de dilemme... L’expression des positions des « fron-
deurs » n’est que la conséquence de choix politiques
pensés par le Premier ministre en particulier. Ce
n’est pas moi qui ai été dire qu’une partie du Parti
Socialiste était conservateur et passéiste, ce n’est
pas moi qui ai milité pour le contrôle des chômeurs
comme la droite le proposait avant, pas moi qui ai
proposé une extension du travail le dimanche alors
que quelques mois plus tôt, on était contre. Je ne
sais pas si Manuel Valls veut scissurer le PS mais
moi je ne veux pas. Après, il sera toujours le bienve-
nue dans la minorité de mon parti [ rires ].
premier vote, il y a plus d’un jeune sur quatre qui
vote Front National. Dans toutes les études d’opi-
nions, Marine Le Pen nous domine largement au
premier tour. Le sujet n’est pas de savoir qui sera
face au candidat de droite, mais qui sera en face
de Marine Le Pen. En l’état actuel des choses, si
il n’y a pas d’empreinte sociale forte, si il n’y a pas
une réorientation des politiques, nous ne serons
pas au second tour.
Benoît Hamon a-t-il été un bon ministre de
l’Éducation Nationale ?
Trop court pour le dire. Pendant les 147 jours
où j’ai été Ministre de l’Éducation Nationale, il
y a eu trois dossiers que j’ai principalement eu à
gérer, dont la généralisation de la réforme des
rythmes scolaires et sa mise en œuvre. Une fois
que vous avez un texte, c’est très bien, mais après
il faut prendre son téléphone, usiner... Il a fallu
que j’appelle Estrosi, Gaudin et Juppé pour désa-
morcer un certain nombre de postures politiques,
parfois un peu menacées. Si cette réforme est
devenue impopulaire, c’est parce que les adultes
s’en sont mêlés. Le fait d’adapter l’enseignement
aux rythmes chronobiologiques de l’enfant n’a pas
empêché l’intérêt des parents de prendre le dessus.
Pourquoi avoir maintenu une réforme
impopulaire ?
On a fait cette réforme pour les enfants et non
pour les parents. Le niveau en CP baisse. Il baisse
sur quoi  ? La numération, le français (à l’écrit
et à l’oral), le niveau de lecture. Dans certaines
régions, 20% des élèves à la sortie du CM2
ne
maîtrisent pas correctement ce qu’on attend d’eux
en français et en mathématiques. Tous les chrono-
biologistes le disent, les enfants apprennent le
mieux le matin entre 9h et 11h. On a donc dis-
patché les programmes sur 9 demi‐journées avec
une matinée supplémentaire pour permettre aux
enfants, notamment ceux issus des familles les
plus modestes, de mieux maîtriser les fondamen-
taux en arrivant au collège.
Justement parlons du classement PISA
(évaluation du système éducatif par pays,
ndlr). En 2012, la France était classée entre
le 20e
et le 25e
rang à tous les niveaux, loin
derrière certains voisins européens comme
la Finlande et l’Allemagne, qui à l’inverse
travaillent moins, notamment l’après-midi.
Alors pourquoi vouloir imposer une demi-
journée de plus ?
[ Il coupe ] Le matin ! Parce que c’est ça le point
commun de toutes les écoles françaises, elles
travaillent cinq matinées. Certaines libèrent des
après‐midi comme le vendredi, mais l’essentiel
Lorsque vous étiez au gouvernement, vous
en avez parlé à François Hollande ou à
Manuel Valls ?
Si je ne suis plus au gouvernement avec Arnaud
Montebourg, c’est que ce désaccord nous l’avons
eu. Un moment, je leur ai dit « je ne tiens plus »
et Arnaud Montebourg aussi. Les choix ont été
maintenus, les arbitrages ont été confirmés dans le
sens d’une politique toujours plus libérale donc on
s’est exprimé publiquement. Tout le monde était
au courant des positions des uns et des autres. Ils
m’ont demandé de rester, mais je n’ai pas voulu me
prêter à un calcul. Cela a été une douleur pour moi
de quitter l’Éducation Nationale mais en même
temps, c’était une décision politique naturelle que
de ne pas rester au sein d’un gouvernement dont je
ne partageais plus les orientations économiques.
Dans cette même interview, vous dites
“Peut-il être (François Hollande) au second
tour si ce quinquennat ne laisse pas une
empreinte sociale forte ? Dans l’état actuel
de désespérance de nos électeurs, je ne
crois pas.”
Trois quarts des ministres disent la même chose
que moi... Aux départementales, vous savez com-
bien le FN a fait au premier tour chez les jeunes
(18‐24 ans)  ? 28%... Le PS : 15 %. Pour son
c’est les cinq demi‐journées le matin, le plus sou-
vent du lundi au vendredi. La semaine optimale
pour un enfant, d’un point de vue chronobiolo-
giste, c’est lundi, mardi, jeudi/vendredi et samedi
matin. Sauf que le samedi matin a beaucoup de
conséquences, parce qu’il y a beaucoup de familles
recomposées, et si vous cassez le week‐end, c’est
compliqué au niveau de la garde des enfants. On a
tenu compte aussi de cette réalité sociale, c’est une
concession dans l’intérêt des parents. Mais vous
avez raison, dans les classements PISA, on chute,
et cela montre qu’on a l’école la plus inégalitaire
d’Europe. Alors qu’on a accumulé les discours sur
l’égalité, on a la déclaration universelle des droits
de l’Homme dans tous les établissements, mais le
destin scolaire des enfants est souvent corrélé à
leur origine sociale.
N’avez-vous pas peur que cette réforme
accroisse les inégalités entre les
municipalités?
C’est un vrai sujet. Ce n’est pas la couleur politique
ou la richesse des mairies mais l’ancienneté du
« Dans toutes
les études
d’opinions,
Marine Le Pen
nous domine
largement au
premier tour »
« On n’est plus
d’accord et
ça s’entend
publiquement »
I have a dream !
On vous avait prévenu,
fallait pas le placer à droite
de Hollande
©AFP
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Interview the ¬ juin 2015Interviewthe ¬ juin 2015
projet éducatif qui fait la différence. Là où on
a une ville qui a pensé son projet éducatif, qui a
pensé à ses équipements et qui a réfléchi depuis
longtemps en fonction des projets pédagogiques
de ses établissements, et bien on a eu un dévelop-
pement des activités fluide. Ce qui m’intéresse
tout particulièrement dans cette réforme, c’est
l’évolution des élèves en mathématiques et en
français dans 10 ans, et c’est là‐dessus que je veux
qu’on soit jugé.
Votre meilleur souvenir en tant que ministre ?
Quand je fais voter la loi sur l’économie sociale et
solidaire et la loi sur la consommation. Il a fallu
vaincre la résistance et l’offensive des lobbies ban-
caires, des assurances, beaucoup de lobbies écono-
miques privés qui ont essayé de détruire cette loi.
On a résisté, on l’a voulu, on l’a eu.
Qu’est-ce qui vous a poussé vers une
carrière politique ?
Je me suis engagé contre la loi Devaquet en
1986, et puis par conviction antiraciste contre
Sarkozy vous n’en vouliez plus et il est parti. Mais
si on votait pour Marine Le Pen, ce n’est pas sûr
qu’elle s’en irait. Peut‐être qu’elle le ferait, mais
elle créerait un précédent dans toute l’histoire.
Jamais ce n’est arrivé, donc je demande à ceux qui
votent pour elle, aux élections nationales, de bien
y réfléchir à deux fois.
Pensez-vous que l’on peut revenir comme
en 2002 à un face à face Chirac/Le Pen ?
Si on ne change pas de politique c’est presque sûr,
oui.
Que pensez-vous du retour de Nicolas
Sarkozy ?
Plutôt réussi. Je pense que ça le fatigue de devoir
refaire campagne pour redevenir président, ça
l’arrangerait bien de retrouver le job d’avant sans
passer par la case électorale. Il faudra qu’il gère
les primaires, mais incontestablement il sort vain-
queur des élections départementales. Derrière il
fait l’unité, ça complique le jeu de Juppé. Cela
étant dit, c’est le même qu’avant. Avec les mêmes
idées, voire même un peu plus à droite encore.
Il a ses chances pour les présidentielles ?
Il a quand même un certain passif, des
affaires qui traînent...
Oui mais si vous saviez le nombre d’élus pourris
qu’il y a à élire... Moi ça me désole, il n’y a pas du
tout de prime à l’intégrité en politique.
Jean‐ Marie Le Pen. Qu’est‐ce qui m’a mené
à ça ? Des rendez‐vous, des chances. Je n’avais
absolument pas prévu d’avoir des responsabilités
quand je me suis engagé, cela a été un chemine-
ment naturel.
Il y a pas une personnalité au sein du PS
qui vous a permis de vous épanouir ?
Martine Aubry, Lionel Jospin, ce sont des person-
nalités que j’ai croisées, aux côtés desquelles j’ai
milité et je me suis construit. Mais je n’ai pas de
“papa” en politique.
Vous avez commencé en tant qu’assistant
parlementaire...
J’étais militant et étudiant en même temps. Il me
fallait un job et j’ai pu découvrir le pinard grâce à
ce job [ rires ]. Quand on est assistant parlemen-
taire, on rédige des questions, on fait des photo-
copies, on ramène le café. Des choses que parfois
on peut trouver ingrates. Mais encore mainte-
nant, je peux ramener le café pour les autres. Voilà
ce que c’est qu’être assistant parlementaire, un job
pas très glamour.
Selon vous, quel est l’avenir de la France
avec la montée des extrêmes ?
Trouvez‐moi un pays où l’extrême droite est arri-
vée au pouvoir par les urnes, et a quitté le pouvoir
par les urnes. Personne ne sait répondre à cela.
Si Hollande vous n’en voulez plus, il s’en ira.
Autant à droite qu’à gauche ? D’après vous ?
Oui, oui, oui, ce n’est ni droite ni gauche. En
nombre, je dirais quand même moins chez nous.
D’ailleurs regardez les affaires aujourd’hui autour
de Marine Le Pen. Le financement, on n’a guère
de doute. Mais pour le coup, leur électorat leur
pardonne tout, comme à chaque fois.
N’avez-vous pas le sentiment aujourd’hui
que les électeurs votent contre des
personnalités plutôt que pour des idées ?
Si, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’imaginaire
positif dans la vie politique française. Ce qui est
frappant, c’est qu’aujourd’hui dans la jeunesse
il y a deux imaginaires qui prospèrent : l’imagi-
naire djihadiste, fondamentaliste et l’imaginaire
d’extrême droite qui repose aussi sur la haine de
l’autre, et on n’arrive pas à enrayer ces tendances
avec un imaginaire positif.
N’y a-t-il pas un manque de figures
emblématiques en politique à l’heure
actuelle ?
Oui bien entendu, on n’adhère pas seulement
à une idée, surtout en France où on a beaucoup
le culte du chef. C’est mieux quand c’est incarné
mais il faut aussi voir les limites de cet exercice là.
On voit qu’un Président de la République peut être
élu pour un programme et faire tout à fait à l’in-
verse sans que ça remette quoique ce soit en cause.
On a des institutions qui poussent beaucoup à la
personnalisation de la vie politique. Je pense que
c’est un défaut de notre démocratie. Il faut trouver
un équilibre entre une approche plus collective et
une incarnation qui reste nécessaire.
Vous serez où en 2017 ?
Je serai en première ligne pour la gauche. »
« Dans la jeunesse, il y a deux imaginaires
qui prospèrent : l’imaginaire djihadiste,
fondamentaliste et l’imaginaire d’extrême
droite qui repose sur la haine de l’autre. »
« Je n’ai pas
de papa en
politique »
« 22 mois à l’éducation
Nationale, not too bad,
not too bad Vincent ! »
« La marche
de l’Empereur »
Les tontons frondeurs
©AFP
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THE ¬ JUIN 2015Cahier International
La jeune bangladaise, Wasfia Nazreen œuvre
pour les droits de l’Homme depuis ses vingt
ans. Une vocation née de frustrations et d’inter-
dits durant sa jeunesse : « quand j’étais petite, j’ai
vu un couple d’étrangers, les premiers gens de couleur
blanche que je voyais. Leur fille avait un Hula Hoop
et quand je l’ai essayé, une femme de mon village m’a
dit que les filles ne devaient pas remuer leurs hanches
ou faire du vélo, de peur de perdre leur virginité. »
Le Hula Hoop, symbole de la liberté retrouvée
Faire bouger les lignes au Bangladesh
Une manière comme une autre d’en-
fermer les femmes dans leur condi-
tion de naissance et l’ignorance.
Plusieurs décennies ont passé et la
jeune Bangladaise a décidé de faire
du Hula Hoop son arme symbo-
lique : « on m’a retiré le droit de jouer
comme une petite fille normale, c’est ma
manière de dire “Jamais plus ! »
Qui a dit que faire du Hula Hoop était réservé aux petites filles ?
L’activiste bangladaise Wasfia Nazreen, 32 ans, en a fait sur les sept sommets
du monde pour faire valoir le droit des femmes de son pays natal.
Par Swapna Sattentau et Camille Ferrandon textes
.....
Autoportrait
de Wasfia Nazreen
Wasfia Nazreen
la quête des sept sommets
30 31
En 2006, Wasfia Nazreen
se lance dans l’activisme, d’abord pour
le compte d’ONG étrangères comme CARE
en 2010 – dont le but était de sortir femmes et
enfants bangladais de la pauvreté et de l’industrie
du sexe – ou encore au Tibet, en 2006, pour protester
contre les JO de Pékin et les violations des droits humains
par la capitale chinoise. Mais rapidement, avec la fermeture
du projet CARE par faute de moyens, l’activiste comprend que
son peuple, 152 millions d’âmes, est trop dépendant des aides
extérieures et doit se prendre en main. La jeune femme a alors
une idée de génie : associer ses convictions à sa passion pour
l’alpinisme, développée alors qu’elle travaillait dans les hauts
plateaux tibétains. En mars 2011, elle lance Bangladesh Seven
Summits, projet qui consiste à gravir les sept plus hauts
sommets de la planète et d’y déposer un Hula Hoop,
le symbole de son enfance volée. L’idée est d’inciter
les femmes et les jeunes de son pays à dépasser
les carcans de la société bangladaise
et ainsi pousser son pays à se
moderniser.
Lorsque Wasfia Nazreen gravit l’Eve-
rest, les médias internationaux com-
mencent à raconter son histoire et relayer
son combat. Une opportunité pour elle
de faire évoluer les mœurs et de rendre
fiers ses compatriotes : “80% d’entre eux
n’ont jamais vu une montagne. Me rendre
sur chaque continent, c’est comme si je les y
emmenais, cela a nourri leur fierté”. Alors
qu’elle avait dû vendre une partie de son
patrimoine et contracter d’importants
prêts bancaires pour se lancer, l’activiste
est aujourd’hui une figure internatio-
nale et une célébrité dans son pays natal,
ce qui lui a permis de créer la fondation
The Ösel, afin d’aider les femmes margi-
nalisées à se réinsérer dans la société. Son
objectif est de faire bouger les lignes dans
la société patriarcale du Bangladesh, en
encourageant entre autres les pratiques
sportives chez les filles pour favoriser leur
émancipation.
Les propos de Wasfia Nazreen sont
extraits du National Geographic
©JaredRawlings
Sources:7summits.cometpeaklist.org
©WasfiaNazreen
Wasfia et son Hula Hoop
se lance dans l’activisme, d’abord pour
le compte d’ONG étrangères comme CAREle compte d’ONG étrangères comme CARE
en 2010 – dont le but était de sortir femmes et
enfants bangladais de la pauvreté et de l’industrie
du sexe – ou encore au Tibet, en 2006, pour protester
contre les JO de Pékin et les violations des droits humains
par la capitale chinoise. Mais rapidement, avec la fermeture
du projet CARE par faute de moyens, l’activiste comprend que
son peuple, 152 millions d’âmes, est trop dépendant des aides
extérieures et doit se prendre en main. La jeune femme a alors
une idée de génie : associer ses convictions à sa passion pour
l’alpinisme, développée alors qu’elle travaillait dans les hauts
plateaux tibétains. En mars 2011, elle lance Bangladesh Seven
Summits, projet qui consiste à gravir les sept plus hauts
sommets de la planète et d’y déposer un Hula Hoop,
le symbole de son enfance volée. L’idée est d’inciter
les femmes et les jeunes de son pays à dépasser
les carcans de la société bangladaise
Wasfia et son Hula Hoop
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the ¬ juin 2015Portrait
p o r t r a i t s t r e e t a r t
Sculpter, détruire, déchirer, exploser… Des termes auxquels on ne pense pas forcément
lorsqu’on parle de street-art. Pourtant, cette méthode permet de bousculer les codes de l’art
et son questionnement de la société. Une philosophie qui a trouvé son ambassadeur à Lisbonne
avec Vhils. Portrait d’un des artistes les plus novateurs de sa génération. Par Maxime Ruban texte
.....
tard, HION, dans des dépôts de chemins de fer. Puis de ten-
ter le pochoir : « je voulais créer quelque chose qui puisse parler
à chacun, notamment les profanes. » Avant d’être un étudiant
aux Beaux-Arts de la Central Saint Martins College of Art and
Design à Londres en 2007, il étudie dans la meilleure école qui
soit pour un artiste urbain : la rue.
Depuis, l’adolescent a fait du chemin, ou plutôt des murs, car ils
« absorbent l’histoire de leur ville, la reçoivent couche par couche.
Mon idée n’est pas de couvrir ces différentes couches mais de les
creuser pour les exposer. » En 2008, il connaît sa première consé-
cration via Banksy qui l’invite à exposer à ses côtés au CANS
festival. Un défi difficile : « quand tu travailles en extérieur, c’est
pour attirer l’attention, quand tu travailles en intérieur, c’est
plus introspectif et pour des connaisseurs. » Mais vu qu’il assure,
son travail finit en couverture du Times...
Portrait Street Art
Projet Scratching the Surface Fondation EDP
Disposable Utopia Series
©JPMore
©GalerieMagdaDanysz©IanCox
©RuiGaiola©AlexandreSilva
vant d’en arriver à casser des murs
à l’aide d’explosifs, d’acides ou de
burins pour y dessiner des visages,
Alexandre Farto – alias Vhils – a
eu un parcours pour le moins aty-
pique. Tout prend son origine dans
le contexte politique et économique
du Portugal, qui en 1986 devient le 12e
État européen. Un an avant
la naissance de Vhils. Malgré ses promesses, l’adhésion à la com-
munauté économique européenne cause surtout une urbanisation
massive. Les campagnes sont rasées au profit du ciment et Lisbonne
devient une vraie métropole par l’expansion de sa banlieue.
C’est donc au milieu des chantiers, de la pollution visuelle et
sonore que ses idées créatrices prennent forme. A l’âge de 10 ans,
il se lance dans le graffiti posant HOPIO puis, trois ans plus
Rio de Janeiro,
2012
Lisbonne 2014
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Portrait Portraitthe ¬ juin 2015 Portrait Street Art
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Un homme face à la mondialisation
L’idée principale du Lisboète est de littéralement creuser des
portraits d’anonymes dans les murs, pour simplement « faire face
à l’anonymat des gens qui habitent la ville. Avec la mondia-
lisation, cet anonymat lie les villes entre elles, c’est un facteur
commun. L’idée est d’humaniser l’espace urbain. » L’artiste
questionne et remet en question notre modèle de développement.
« Pourquoi n’y a-t-il pas de dialogue ? Pourquoi cet endroit est
vide et cette personne sans rien ? Mon travail consiste à réfléchir
sur ce modèle de développement globalisé qui ne se soucie pas des
différences culturelles, linguistiques, économiques. »
w
Tel un archéologue, Vhils enquête auprès des habitants du quar-
tier dans lequel il s’apprête à oeuvrer, avant d’entamer un dia-
logue avec son support de création, qui ne se désagrège pas forcé-
ment comme l’artiste l’avait imaginé : « l’idée que j’ai en tête, je
sais dès le départ que cela ne sera pas le résultat final, mais ce que
j’obtiens à la fin, c’est ce que je souhaitais dès le départ, à savoir
que le mur raconte son histoire. » Un souhait qui traduit la crainte
de voir tous les caractères culturels disparaître sous un amas de
béton sans âme. Des bâtiments uniformisant même les valeurs de
la société. « Veut-on perdre toutes nos différences et tendre vers
l’uniformisation ? »
Exemple à Shanghai, les grands projets de rénovation et la
croissance démographique ont obligé des populations à quitter
le centre-ville pour s’installer dans des tours en périphérie. Les
réfractaires ont été passés à tabac sans procès. Un jour, Vhils
arpente les rues d’un ancien quartier traditionnel et y trouve au
milieu des décombres une famille qui n’a cessé de se battre pour
garder son bien. L’artiste décide alors de graver le portrait de la
petite fille de la famille sur un mur encore debout. Un portrait
depuis repris par les médias locaux et utilisé par des associa-
tions luttant contre la réurbanisation intensive. L’art qui se rend
utile…
Propos recueillis par Nicolas Jucha
Une philosophie qui se ressent dans ses projets
L’artiste se veut toujours plus audacieux en découvrant de nou-
veaux supports : le métal, le bois, le polystyrène et même des
affiches publicitaires. Ces dernières lui permettent d’interro-
ger sur la place du capitalisme et les dégâts culturels qu’il pro-
voque. Ce touche-à-tout a beaucoup voyagé. De Shanghai à Rio
de Janeiro en passant par Paris, Moscou ou Londres, Vhils est
un globe-trotter du street art. En travaillant les murs du monde
entier, il a pu rendre compte d’une aseptisation des sociétés qui
cédaient aux sirènes de la mondialisation. Le bien-être social des
gens et les espaces publics doivent-ils être mis en danger par des
intérêts financiers et la loi du marché ? Une question que Vhils
a longtemps laissé mûrir dans un coin de sa tête : “C’est intéres-
sant de voyager car ces couches tendent à se ressembler entre les
différentes villes, je sensibilise donc à ce que cette évolution nous
fait perdre : au nom du confort, on perd ce qui faisait notre dif-
férence, notre identité culturelle.”
Benfiquiste dans l’âme
Si l’artiste aime remuer les valeurs capitalistes,
il n’en reste pas moins un fan de football, du
Benfica Lisbonne pour être précis. Et lorsque
le choc contre Porto arrive – un PSG-Marseille
saveur locale –, Vhils rappelle l’aspect sociétal.
« Porto a été la capitale du Portugal avant
Lisbonne ; Porto-Benfica, c’est le Nord du pays
contre le Sud. C’est plus qu’une rivalité entre
clubs, c’est une rivalité historique entre deux
identités culturelles. » Mais c’est aussi selon lui le
bon moment pour aller graffer sur un mur, la police
comme l’ensemble de la société étant à l’arrêt pour
regarder le match.
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HistoireTHE ¬ JUIN 2015
Cupidité et vengeance...
Il ne faut pas exalter le pouvoir féminin en
l’opposant à la lâcheté évidente de certains
pirates. Les femmes pirates, bien qu’elles
jouissent communément de plus grandes
convictions, n’en avaient pas moins après le
sang et l’argent. Marie-Ève Sténuit, historienne
et archéologue, l’affirme. Les femmes allaient vers la
piraterie « par nécessité ». « C’est pour survivre. Ce sont des
filles dans la misère à une époque où il n’y a pas d’avenir pour
les misérables. S’embarquer, c’est prendre son destin en main et
essayer d’échapper à une vie désespérante. » Il existe des contre-
exemples, comme Lady Killigrew, au XVIe
siècle en Angleterre.
« C’est une femme qui a une fortune, une position sociale et qui
est simplement attirée par le gain et certainement par un petit
grain d’aventure dans une vie trop rangée. »
Patrick Villiers, professeur d’histoire, écrivain et vice-président à
la Société française d’Histoire Maritime, pense que les femmes
sont poussées vers la piraterie par le système légal lui-même. Il
présente dans son livre l’histoire d’une « femme de planteur qui a
été mariée 4 fois, veuve autant de fois, et dont le gouverneur exige
absolument qu’elle se remarie une 5e
. » Les femmes pirates les plus
célèbres se seraient échappées de ce joug sociétal, d’où la légende
du refus de soumission. Théorie qui inspire Nicolas Meylaender,
auteur des trois tomes Shi Xiu, Femme pirate : « une femme qui se
retrouve, au début du XIXe
siècle, à la tête d’une flotte de plus de
60 000 hommes, c’est forcément intéressant, sachant qu’avant elle
était prostituée. Cela laisse imaginer un parcours incroyable. »
D’impératrice des mers à aubergiste,
l’après-piraterie
Bien que la piraterie éveille une vision proche de
l’épopée, la vérité est bien plus sanglante, angoissante,
dramatique et meurtrière. Tous les systèmes judiciaires
l’ont considérée comme un fléau. Dès lors, comment réhabiliter
un pirate à la vie civile ? Marie-Ève Sténuit donne l’exemple du
« roi d’Angleterre, qui donne l’amnistie complète au XVIIIe
siècle aux pirates des Caraïbes. À la même époque, en Chine,
la dynastie des Qing échoue face à Madame Tsching, si bien
que l’empereur utilise une dernière arme, la meilleure et la plus
sage, proposer une amnistie totale », le pardon comme stratégie
payante face à un ennemi invincible. Même la fameuse Madame
Tsching accepte de se rendre après que ses propres lieutenants se
soient ligués contre elle. L’empereur tenant parole, celle qui avait
mis une nation à ses genoux se retrouve à tenir une auberge sur
la plage, « de laquelle elle conduisait tout de même des activités
illégales », affirme Marie-Ève Sténuit…
Mais parfois, le besoin de liberté est trop fort, comme pour Mary
Read et Anne Bonny, qui sévissaient le long des côtes mexicaines
et jamaïquaines, au début du XVIIIe
siècle. L’historienne raconte
que « le jour où leur équipage a été pris, elles étaient les deux
dernières à se battre. Au moment où tous les hommes se cachaient,
elles étaient seules avec leurs sabres. » Histoire de défendre leur
liberté, mais aussi de renforcer leur mythe.
36 37
Écumeuses des mers
et pirates en corsages...
les
femmes
pirates Cupidité et vengeance...
Il ne faut pas exalter le pouvoir féminin en
HISTORIENNE DE L’ART ET ARCHÉO-
LOGUE — ELLE PRATIQUE NOTAMMENT
L’ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE — MARIE-
ÈVE STÉNUIT PARTICIPE À DES FOUILLES
TERRESTRES AU PROCHE-ORIENT ET
A DÉJÀ ÉCRIT CINQ OUVRAGES, DONT
FEMMES PIRATES, ÉCUMEUSES DES MERS
À RETROUVER AUX ÉDITIONS DU TRÉSOR.
COMMENT EST ARRIVÉE CETTE PASSION
POUR LES FEMMES PIRATES ?
C’est en travaillant sur des archives que
j’ai croisé la route des pirates, qui laissent
bien évidemment des traces en perturbant
le commerce maritime. C’est leur fonction
MARIE-ÈVE STÉNUIT
principale ! D’où mon intérêt pour ce sujet-
là, pour ces femmes-là.
EN TANT QUE FEMME, CES GUERRIÈRES
VOUS TOUCHENT-ELLES ?
Je les admire oui, parce que ce sont des
femmes qui ont décidé de prendre en main
leur destin. Cela se ressent dans tous mes
livres. J’aime les gens qui ne se laissent pas
imposer leur vie par le sort, par le destin.
CE NE SONT POURTANT PAS DES MO-
DÈLES  : BELLIGÉRANTES SANGUINAIRES
ET VOLEUSES INSATIABLES.
Pas plus que les pirates hommes ! C’est
vrai, ce sont des hors-la-loi avec parfois des
motivations très basses qui sont simplement
la cupidité, l’appât du gain. Parfois il y a un
petit peu plus derrière, et c’est ici que leur
charme réside.
À la sempiternelle question de la place histo-
rique des femmes, les XVIIIe
et XIXe
siècles
apportent une réponse absolue : de toutes
époques et de toutes nationalités, des femmes
pirates ont pris la mer, les armes et les navires
pour se faire entendre. En 2015, leurs exploits
continuent d’alimenter l’imaginaire des écri-
vains et créateurs en tout genre. Découverte.
Par Julien Mallet et Jordan Brest.
Écumeuses des mers
THE ¬ JUIN 2015Histoire
©Bibliohergé
ve Sténuit, historienne
et archéologue, l’affirme. Les femmes allaient vers la
Bien que la piraterie éveille une vision proche de
l’épopée, la vérité est bien plus sanglante, angoissante,
dramatique et meurtrière. Tous les systèmes judiciaires
©ÉditionsduTrésorPorträteinerDameGerardterBorch.IllustrationPolineHarbali
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Histoire THE ¬ JUIN 2015THE ¬ JUIN 2015 Histoire Histoire THE ¬ JUIN 2015¬ JUIN 2015 HistoireTHE ¬ JUIN 2015
Anne Bonny et Mary Read : plus douces que leur
figure de proue, plus dures que le métal de leur sabre Au-delà des jeux vidéos ou des films, les
femmes pirates inspirent aussi les éditeurs de
jeux de société. « Madame Ching : Jonques en
mer de Chine » est l’un des derniers nés dans
le domaine. Considéré comme un jeu d’explora-
tion par ses créateurs, il vous propose de jouer
via un plateau et d’incarner des forbans en quête
de richesses et de gloire. L’objectif est simple :
cumuler le plus de richesses – de simples pièces
jusqu’aux objectifs annexes comme le contrôle
du China Pearl –
en fin de partie.
Éditions Hurrican
2 à 4 joueurs,
à partir de 8 ans.
Durée: 40 minutes
Prix: 30,00 €
JEU DE SOCIÉTÉ
38 39
©EditionsHurrican©ifeng
©ÉcoleAnglaisedePeinture,18èmesiècle
Madame Tsching
l’impératrice des mers chinoises
Alors que les deux
pirates sont régulièrement
revisitées dans les créations
d’aujourd’hui (présentes dans
Assassin’s Creed: Black Flags
et la série télévisée Black
Sails), l’histoire de Mary Read
et d’Anne Bonny est bien moins
romantique. Tout oppose les
deux femmes: Anne Bonny est
lafilled’unhommeriche,tandis
que la mère de Mary Read,
dans une misère accablante,
déguise sa fille pour toucher
une aide financière. Les deux
jeunes femmes passeront par
une jeunesse émancipée de
leurs parents, bien souvent
en mauvaise compagnie, qui
mèneraàlapiraterie.Autravers
de combats, d’abordages et de
butins conséquents, les deux
pirates vivront le pinacle de
leur carrière ensemble, dans
un trio amoureux comprenant
le légendaire – mais couard –
pirate, Rackham le rouge.
Lors d’une dernière bataille
à la fin du XVIIIe
siècle, où les
hommes avaient forcé sur la
bouteille de rhum, les deux
compagnes furent capturées
et jugées avec la hargne
d’un gouvernement en échec.
Condamnées à la pendaison,
leurs destins semblaient
scellés. Mary Read mourra
en prison, selon les rapports,
suite à des complications
de l’enfant qui germait en
elle. Anne Bonny, quant à
elle, aurait réussi à attirer les
grâces d’hommes puissants,
très probablement son père,
et aurait quitté toute illégalité
pour se remarier et mener une
vie juste.
39
JEANNE DE BELLEVILLE :
LA LOI DU TALION
EN EXÉCUTION
Le destin de la pirate française Jeanne de
Belleville est si tragique que l’histoire se
prête à un roman digne des plus grandes
histoires d’amour.
Épouse d’Olivier de Clisson, fier serviteur
de l’armée française capturé par les
soldats britanniques au xive
siècle et tué
suite à une rumeur de trahison, Jeanne
de Belleville est l’une des plus féroces
pirates ayant sévi. La guerre de Cent
Ans, l’exécution abusive de son mari et la
passivité du pouvoir français de l’époque
furent le terreau de sa rage, mue par
un désir de vengeance sans précédant.
D’abord sur Terre, où elle saccage et pille
le camp de Charles de Blois – qu’elle juge
responsable des rumeurs – la Tigresse
bretonnecontinuerapidementsavendetta
sur mer en envoyant par le fond tous
naviresbattantpavillonfrançais.Sacarrière
en piraterie, bien qu’intense, fut de courte
durée après que le pouvoir français eut
anéanti tout espoir de continuer la bataille.
Réfugiée en Angleterre, elle terminera
sa vie avec un fils devenu connétable
de France, soit le plus grand chef des
armées. La Lionne Sanglante aura
marqué l’histoire de son empreinte
âpre et vengeresse.
Madame Tsching est l’une des pirates les plus célèbres
et sa réputation est d’être viscéralement juste. Alors
que les récits la font apparaître comme une prostituée
relativement pauvre et misérable, tout change lorsqu’elle
se marie avec un riche pirate. À la mort de celui-ci, elle
se retrouve à la tête d’une flotte monumentale. Plus
de 600 jonques, près de 60 000 hommes… La pirate
a de quoi rivaliser avec un pays entier. Au-delà d’une
petite armée, c’est aussi l’organisation de la pirate qui
est célèbre. Avec tout un lot de règles qu’elle applique
de façon intransigeante, elle régnera sur les mers
chinoises pendant de nombreuses et fructueuses années.
Malgré ses alliés partout sur terre dans les villages
pêcheurs, l’empire chinois se montre de plus en plus
impatient et livre une véritable guerre
contre la pirate, qui résiste sans difficulté.
Finalement, l’empereur de l’époque (xixe
siècle) offre l’amnistie à tous les pirates,
qui acceptent la sécurité offerte, profitant
enfin de leurs trésors durement gagnés...
illustrationdefond,photomontagedesplanchedelaBD«ShiXiu,reinedespirates»©EditionsFei
36-39_BM01_femmes_pirates_ok.indd 38-39 16/06/15 17:49
40 4140 41
2012est une année charnière.
Apparu un an auparavant
aux côtés de Leonardo Di Caprio dans
le film J. Edgar de Clint Eastwood,
Adam Driver intègre le casting de Girls,
série pour ado qui lui offre une visibilité
planétaire via le rôle d’Adam Sackler.
Efficace même si le comédien n’en est
pas très fier, à tel point que selon son
beau-père Rodney Wright, interrogé
par le Daily Mail, tous les proches sont
interdits “de regarder cette série”. “Mais
on regarde tous ses autres films” souligne
Wright. Et il y a de quoi faire car avant
d’incarner le petit ami prétentieux de
l’héroïne de Girls, Adam Driver a connu
une dizaine de tournages télé pour le
petit et grand écran.
Des champs de batailles
aux studios de cinéma
Un changement de vie complet pour
celui qui s’était engagé dans les Marines
après les attentats du 11 septembre 2001,
à 22 ans, avant d’être démobilisé moins
de trois ans après, suite à un accident de
vélo et une grosse blessure au sternum.
Et ainsi d’éviter des missions en Irak.
Il troque alors son uniforme militaire
pour les costumes d’acteur en entrant
à la Julliard School de New York, école
des arts du spectacle à la réputation
internationale. Il y crée l’association
Arts in the Armed Forces pour divertir
les Marines avant d’entrer dans une
dynamique vertueuse entamée dans The
Unusuals en 2009. Adam Driver avale
les marches qui le séparent du sommet
par des rôles secondaires dans des séries
cultes – New York, police judiciaire en
2010, New York, unité spéciales, deux ans
plus tard – puis dans des longs métrages
comme Inside Llewyn Davis (2013) aux
côtés d’Oscar Isaac ou Justin Timberlake.
Mais c’est bien depuis qu’il apparaît au
casting de Girls que les studios américains
se l’arrachent. Son futur s’écrit en lettres
dorées entre le prochain Star Wars puis
Midnight Special de Jeff Nichols et
Silence de Martin Scorsese. Et le tout,
en continuant Girls, cette opérette dont
il a si honte...
ADAM DRIVER
des US Marines à Star Wars
À contrecourant de son rôle dans la série Girls, Adam Driver va incarner l’un des “vilains” du prochain
Star Wars : le réveil de la force. Portrait d’un acteur au talent aussi imposant que ses oreilles.
Corentin Gouriou et Rafaëlle Laurence TEXTE
.....
Adam Driver et sa femme
Joanne Tucker à New York
lors de la première de Girls
par HBO le 5 janvier 2015.
©JamesMcCarthy/GettyImagesNorthAmerica/AFP
Cinéma THE ¬ JUIN 2015CinémaTHE ¬ JUIN 2015
40-41_BM01_cinema_ok.indd 40-41 16/06/15 17:50
42 4342 43
La mode est- elle élitiste?Elle passionne et fait rêver, ses défilés sont
réservés à une élite, plus rares encore sont ceux
qui peuvent se l’offrir. La mode, que ce soit par ses
événements privés, ses prix prohibitifs et la plastique
de ses mannequins, donne parfois l’impression
de vouloir entretenir un mythe et rester interdite
aux profanes. Alors, la mode est­-elle snob ?
Maëlle Gramond texte
.....
ce serait le nombre d’acheteurs régu-
liers de Haute Couture dans le monde.
1 236 000, c’était le nombre de lecteurs
du magazine Vogue en 2012. Il y a un
véritable fossé entre ceux qui aiment
la mode et ceux qui peuvent réelle-
ment la vivre.
200
John Galliano, Printemps/été 2015,
Paris Fashion Week
©AFP
Mode the ¬ juin 2015Modethe ¬ juin 2015
Du standing – les places debout en fond de salle – jusqu’au
premier rang, toutes les places sont prises pour ce défilé Anne
Sofie Madsen automne/­hiver 2015-2016. Un homme âgé s’est
installé à proximité du podium. Pensant profiter des privilèges
de son âge avancé, il voit pourtant une femme blonde lui
subtiliser son siège après consultation avec les organisateurs. Sans
provoquer la moindre indignation du reste du public car le carton
d’invitation du vieil homme stipule bien « standing. » Jeune ou
pas, il doit donc rester debout en dépit de sa mobilité réduite, car
ici on n’est ni dans un bus ni dans un métro mais à la Fashion
Week. Ici c’est la notoriété qui prime avec un premier rang pour
personnes influentes. Pour le reste du monde, rentrer à la Fashion
Week est déjà un privilège...
« On n’éduque pas mais on partage seulement »
« Il y a un côté élitiste pour la mode des défilés et des créateurs » admet
le créateur indépendant Christophe Guillarmé. « Par moments,
on pêche un peu par vanité et par snobisme. On peut dire que c’est un
monde d’initiés. » Anecdote à l’appui :
« une grande acheteuse de Hong Kong disait “on n’éduque pas mais
on partage seulement” et je trouve ça assez horrible comme idée. Il y a
toute une jeune génération qui a envie de la mode, c’est dommage de
seulement la partager et de ne pas essayer d’expliquer pourquoi. »
Auteur du livre La mode comme observatoire du monde qui change,
Gérald Cohen se veut à contre­courant de la théorie d’un
microcosme de la mode fermé sur lui-­même. « Si le monde de
la mode était fermé il n’y aurait pas de création. » Lui qui travaille
dans les relations publiques autour du luxe estime que « la mode
précède et accompagne les évolutions de la société » quand Christophe
Guillarmé la voit plutôt contrainte de s’ouvrir face à sa
médiatisation, portée entre autres par l’émergence de blogueuses
internationales comme Chiara Ferragni.
©DR
Quand la mode devient un cirque
Au rôle commercial de la Fashion Week, ­véritable vitrine du
secteur­s’est greffé un aspect spectacle. Pendant une semaine,
on y croise célébrités et toutes les excentricités vestimentaires
possibles pour attirer les photographes de streetstyle. La célèbre
journaliste de mode Suzy Menkes n’a pas hésité à qualifier la
tendance de “cirque de la mode.” Pour elle, toute cette agitation
a dénaturé l’événement, quand Christophe Guillarmé y voit un
complément des défilés. « La mode vient de la rue et aujourd’hui,
on le voit avec le streetstyle qui s’est développé et qui dépasse presque
le côté front row du défilé. Pendant des années, on ne voyait pas la
rue, et maintenant on la voit avec Instagram et tous les médias. C’est
une manière de démocratiser la mode. » Démocratiser la mode par
la télévision  ? Autre vecteur : le petit écran, une dynamique
enclenchée aux États­-Unis quand la France a tenté l’expérience
cette année avec Projet Fashion sur D8. Le programme présente
des candidats qui tous les mardis soir ont un vêtement à réaliser
avec des contraintes budgétaires, de matériaux et de temps, avant
de faire défiler un mannequin portant leurs créations. Un concept
simple mais au succès mitigé.
Tous propos recueillis par M. G.
christophe guillarmé : «  aux États­-Unis, il y a beaucoup
d’émissions sur la mode comme Project Runway ou America’s Next
Top Model et ce sont des émissions extrêmement fédératrices. En
France, je ne sais pas si les gens choisis pour Projet Fashion vont
permettre aux téléspectateurs de s’identifier. Je ne suis pas sûr que
nous sommes dans le bon ton, c’est un peu cliché. » L’émission a
du potentiel mais n’est pas assez pédagogique.« Il aurait fallu
un Jean­-Paul Gaultier et là les gens auraient suivi parce qu’il est
connu du grand public et a une vraie légitimité. Le vrai débat, c’est
pourquoi la mode ne passionne pas le public français. La mode est
quand même un métier ultra­important en France, alors j’espère
qu’on y arrivera un jour [rires]. »
Christophe Guillarmé entouré de ses mannequins
à la fin du défilé Printemps/été 2015
42-43_BM01_mode_ok.indd 42-43 16/06/15 17:51
Grand Angle
44
Grand Angle
45
ont osé partir à sa rencontre sans la
protection d’une cage. Une méthode
qui peut paraître dangereuse face au
plus grand prédateur marin, fort d’une
ouïe et d’un odorat ultra développés.
« Si vous voulez attirer un requin
blanc, la première chose à faire est
de taper sur l’eau, de faire du bruit, il
l’entendra de très loin … » explique
l’océanologue. L’odorat passe par les
molécules organiques véhiculées dans
l’eau, que l’animal perçoit comme des
goûts : « le courant transporte le goût,
le requin croise ce courant puis le
remonte pour arriver jusqu’à la source
». Un point commun avec l’homme ?
Le sens du toucher, particulièrement
sensible au niveau du museau et de ses
flancs, lui permettant de connaître la
nature de l’organisme qui lui fait face.
Son don pour la chasse s’explique en
partie par sa capacité à percevoir les
très petits champs électromagnétiques
et ainsi ressentir l’activité physique
de ses proies même si elles tentent de
se cacher. Dernier atout : maintenir
sa température corporelle à 10 degrés
au-dessus de la température de son
milieu : « une température basse
ralentit le métabolisme alors qu’avec
une température élevée, notre activité
musculaire est régulière donc on va très
vite. Le requin est entre les deux, ni
sang froid, ni sang chaud, c’est donc un
atout par rapport aux poissons qu’il va
chasser. »
Le dialogue entre l’homme
et le requin
L’homme communique avec le requin
avant même de plonger, dès qu’il tape
sur l’eau pour l’attirer. L’animal, lui,
peut s’exprimer par le positionnement
de ses nageoires ou de son corps :
nageoires à l’horizontale, il est calme,
mais baissées, cela traduit une nervosité
et donc une agressivité potentielle,
comme l’a expérimenté le plongeur :
« un requin est arrivé très vite sur
moi, les nageoires baissées puis il
m’a évité au dernier moment. Ce
moyen d’intimidation est courant
car le requin blanc n’a pas appris ce
qu’est un plongeur qu’il considère plus
comme un concurrent que comme une
À SAVOIR…
François Sarano est plongeur profession-
nel et océanologue depuis 30 ans. Il a travaillé avec
le commandant Cousteau, à bord du « Calypso » et
a participé à la réalisation du film « Océans », sorti
en 2010. Il anime des conférences dans le but de
mieux faire connaître le monde marin pour nous
apprendre à le préserver.
À SAVOIR…À SAVOIR…
4545
THE ¬ JUIN 2015Grand AngleGrand AngleTHE ¬ JUIN 2015
« C’était en Afrique du sud, il y a
maintenant 15 ans, avec des amis
plongeurs qui, eux aussi, découvraient
pour la première fois le grand requin
blanc. Cette première rencontre a été
pleine d’émotions, on ne savait pas du
tout ce qui allait se passer. » Les années
ont passé mais le souvenir reste intact
pour François Sarano. « Nous étions
très attentifs mais nous n’avions pas peur
parce qu’avant de se mettre à l’eau nous
avions ra-tio-na-li-sé. Cela veut dire que
nous avions essayé d’analyser la situation
en regardant les faits, en regardant
ce que nous savions sur l’animal et non
pas en écoutant les rumeurs. »
Au risque de surprendre, ce plongeur
passionné affirme que les accidents
n’existent pas.
Faux monstre sanguinaire
Dans les années 70, Steven Spielberg
dépeint un animal assoiffé de sang dans
« Les dents de la mer ». Un mythe est
né, il va nourrir toute une génération
de cinéastes mais aussi alimenter
une vision collective sans nuance :
le requin est un monstre marin.
44
Une image que rejette François Sarano,
même si l’imaginaire traduit une
relation particulière entre l’Homme
et l’animal : « c’est le dernier grand
prédateur sur cette planète, le symbole
le plus fort de cette nature sauvage,
libre, indomptée, sur lequel l’homme
n’a pas de prise, symbole de ce qu’on
ne contrôle pas. » Mais si le requin
fascine par cette impression qu’il
donne de pouvoir broyer une vie en
quelques secondes, son agressivité est
en décalage avec la réalité.
François Sarano fait partie de ceux qui
Connaissons-nous vraiment le grand requin blanc ?
Le plongeur et océanologue François Sarano combat les préjugés
en plongeant à la rencontre du roi des océans. Entretien.
Alexandra Colas TEXTE
.....
©StéphaneGranzotto
©AldoFerrucci
©DR
VaVaV lse avava ec le grgrg arar ndrreeqquuiin blanana c
proie ». La meilleure attitude à adopter :
l’impassibilité. Car le requin, comme
beaucoup de prédateurs, a l’habitude
d’intimider et de faire fuir les autres
animaux. « Si nous ne fuyons pas, il est
un peu décontenancé ». Pour François
Sarano, aller à la rencontre du grand
requin blanc dans son milieu est un peu
une manière de montrer la voie à suivre
à l’ensemble de l’humanité, car « si tout
le monde allait à la rencontre de ce qui
lui fait peur, il y aurait beaucoup moins
de problèmes dans ce monde. »
Propos recueillis par A. C.
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THE ¬ JUIN 2015Tous en Cène !
46 47
THE ¬ JUIN 2015
La Cène version Big Mag est l’œuvre de Didier Marandin www.marandin.com
Julien Mallet
ses confrères moquent sa pingrerie.
En même temps, si vous lui offrez
des chouquettes,
il bouffe même le sucre
au fond du paquet.
Maxime Ruban
ami intime de C215 et JonOne.
Il aime le street art
mais le street art ne l’aime pas...
Mathias Motrot
incollable sur Roland Garros 2015,
pile poil pendant le bouclage
de ce magazine. Préfère claquer
500 pompes plutôt que 500 signes.
Camille Ferrandon
prête à offrir sa chasteté,
ses économies et son
bouledogue français à
Benedict Cumberbatch.
Et pourtant, à première vue
elle semble normale...
Swapna Sattentau
re-forwarde plus de mails en une heure
qu’elle n’écrit de feuillets en un mois.
Rafaëlle Laurence
du XIXème à Elancourt, elle ne sort jamais sans sa kalash
et ses TN. Dans ses poches, tu trouveras
surtout des mini-BN.
Maëlle Gramond
écrit sur la mode tout en
portant perpétuellement
des pulls à capuche.
Costaud.
Christie Marquigny
sa spécialité,
se lever du mauvais pied.
Personne d’autre ne peut
écrire 3000 signes
sur les godemichets,
alors on l’a gardée.
Clémence Maillochon
un matin, s’est pointée à 12h en disant
« désolée, j’ai fêté la St-Patrick hier ».
Malheureusement, chez elle,
la St-Patrick c’est tous les jours.
Alexandra Colas
avant n’aimait que les gros
chevaux, grâce au Big Mag
elle aime aussi les gros
poissons.
Guillaume Blanchard
24h pour trouver un sujet,
48h pour trouver un titre,
mais sinon un chic type
qui passe ses week-ends
en calbute sur SportCle.com
Victor Boisson
allo maman bobo,
maman comment
tu m’as fait
chuis pas beau..
Corentin Gouriou
une syntaxe à la maître Yoda, des punchlines
à la Jean-Claude Vandamme. Adore les filles
qui mangent bio.
Andrea Chazy
capable de se mettre à
nu -au sens premier du
terme- pour les besoins
d’un tournage. Fan de
Prodigy, Rocco Siffredi
et Franck Annese, donc
gros bordel dans sa tête.
Jordan Brest
ardennais, qui plus est de Charleville.
Une moyenne de 18 blagues
sur la consanguinité par heure
et un gros Grec à chaque petit déjeuner.
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Nicolas Jucha
aime l’Asie dans la vie et dans son lit.
Il ne sort jamais sans son kimono
tandis que sa fille le met
souvent dans la merde,
littéralement.
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t
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InterviewTHE BIG MAG ¬ JUIN 2015
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The Big Mag !

  • 1. T H E dossier Religion, Racisme, Handicap, peut-on rire de tout en 2015 ? interview Benoît Hamon « Je serai en première ligne en 2017 » portrait VHILS Artiste explosif reportage Sites de rencontre à la recherche du grand amour virtuel sur place ou à emporter # 1THE 01_BM01_couv_ok.indd 1 16/06/15 17:33
  • 2. Interview THE ¬ JUIN 2015ÉditoTHE ¬ JUIN 2015 2 3 THE ¬ JUIN 2015Édito Page de couverture : Coluche. © : Francis Apesteguy, Maxppp «  On ne peut insulter la foi des autres  ». Son visage est alors crispé, déterminé et surtout convaincu. Lorsque ces mots sortent de la bouche de l’actuel souverain pontife, il n’y a pas de compromis possible. Certes, le pape François a condamné le massacre de la rédaction de CHARLIE HEBDO le 7 janvier dernier. Mais ce point de nuance qu’il ajoute alors à son discours est révélateur du caractère « suprême » dont bénéficient les religions depuis toujours. Et encore plus aujourd’hui. Lors de la majorité de nos entretiens avec des personnalités du monde de l’humour, presque tous sont unanimes : la religion est un sujet sensible, dangereux, glissant voire interdit. Un sujet sur lequel « on n’est pas à l’aise », ou tout simplement « sacré ». La décision de Luz d’arrêter de caricaturer Mahomet en est l’exemple le plus révélateur. Même si ce dernier déclare «  être fatigué  », que le personnage n’a «  plus d’intérêt  », on sent la résignation. Les terroristes marquent un point. La réflexion va au-delà : pourrions-nous aujourd’hui réaliser RABBI JACOB en France ? Pourrions-nous tolérer Pierre Desproges ? Cette partie de la liberté d’expression est aujourd’hui menacée… à moins que ce ne soit juste l’évolution programmée de notre société. OURS The BIG MAG Le gros magazine de la rédaction de News-gate.org Par les étudiants journalistes de l’Institut Inter- national de l’Image et du Son (3IS) 4 Rue Blaise Pascal, 78990 Élancourt, France Tél : 01 61 37 34 94 Mél: contactnewsgate@gmail.com Superviseur : Nicolas Jucha Responsable Pédagogique : Sébastien Le Belzic Direction graphique : Étienne Hénocq RÉDACTION: Directeur de la rédaction : Jordan Brest Rédaction en chef : Andrea Chazy, Rafaëlle Laurence Comité de rédaction : Guillaume Blanchard, Victor Boisson, Alexandra Colas, Camille Ferrandon, Corentin Gouriou, Maëlle Gramond, Clémence Maillochon, Julien Mallet, Christie Marquigny, Mathias Motrot, Maxime Ruban, Swapna Sattentau Diffusion: François Richieu Responsable de la communication pour l’Institut International de l’Image et du Son Tél : 01 61 37 34 98 Port : 06 66 28 57 28 http://www.3is.fr/ Impression: Impression saxoprint www.saxoprint.fr Imprimé sur Papier Offset 100g Andrea Chazy 02-03_BM01_edito_ours_ok.indd 2-3 16/06/15 17:34
  • 3. 4 54 5 BusinessTHE ¬ JUIN 2015 THE THE ¬ JUIN 2015Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sex Toys Un business qui se dresse solidement grâce à « Cinquante nuances de Grey ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Reportage Nos journalistes infiltrés vous dévoilent les coulisses des sites de rencontre. . . . . . . . . . . Un peu d’histoire Pirates en corset et flibustières en jupe : les femmes pirates sont à l’honneur. Petite leçon d’histoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jour après Jour Les détails parfois anodins font souvent la différence… voici quelques morceaux de choix. . . Cahier international Wasfia Nazreen gravit l’Everest et le Mont-Blanc pour faire valoir le droit des femmes. Avec son Hula Hoop pour seule arme. . . . . . . . . . . . . Souvenirs Souvenirs Ce qui a fait l’actu début 2015 en 140 caractères et moins… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Benoît Hamon, député des Yvelines et ancien Ministre de l’Éducation Nationale se livre dans un entretien exclusif. INTERVIEW . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un Portugais qui manie le burin c’est cliché ? Cela ne nous a pas empêché de rencontrer Vhils, l’un des street-artistes les plus talentueux de sa génération. PORTRAIT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . On ne sait pas trop qui jouait le rôle de Jésus ni combien il y avait d’apôtres, mais on sait que la confection de ce magazine a été un chemin de croix... TOUS EN CÈNE ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Racisme, religions, politique, pauvreté… En 2015, peut-on vraiment rire de tout ? Enquête sérieuse. 12-19 DOSSIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6-7 . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . .8-9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10-11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20-23 32-35 46-47 24-29 . . . . . . . . . .. . . . . . . . . .36-39 . . . . . . . . . . . . . Salles obscures De séries pour ados américains à la superproduction Star Wars, portrait d’Adam Driver et rétrospective chiffrée de l’année 2014 pour l’industrie du Septième art. . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .40-41 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mode Strass, paillettes et anorexie, enquête sur un monde glamour avec cette question : « La mode est-elle snob ? » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Strass, paillettes et anorexie, enquête 42-43 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Animaux François Sarano casse les préjugés du film « Les Dents de la Mer » en plongeant avec les plus grands requins du monde. Entretien avec un homme qui n’a pas froid aux yeux ni peur de se faire mordre. François Sarano casse les préjugés duFrançois Sarano casse les préjugés du 44-45 . .. .30-31 4 5 04-05_BM01_sommaire_ok.indd 4-5 16/06/15 17:35
  • 4. 6 7 Business THE ¬ JUIN 2015BusinessTHE ¬ JUIN 2015 6 BusinessTHE ¬ JUIN 2015 6 7 par Christian Grey pour attacher sa partenaire, ont également gagné en popularité quand la pratique du bondage, soft ou hard, n’est plus taboue. « Autrefois une activité de niche, elle est aujourd’hui discutée par des millions de personnes », souligne Neal Slateford, copropriétaire de Lovehoney, l’un des sex shops les plus connus du Royaume-Uni. Le crédo de son magasin ? « Le bonheur sexuel des gens ». Mais si les sextoys sont voués au plaisir, une mauvaise utilisation peut en faire des instruments de souffrance. Effet collatéral de l’explosion des ventes, les accidents (graphique ci-dessus) sont de plus en plus courants depuis 2011, selon une étude de la Commission américaine de protection des consommateurs (CPSC). Mauvaise utilisation, mais aussi mauvaise qualité sont pointées du doigt, les produits lowcost ne respectant parfois pas les normes de sécurité (traces de phtalate, bisphénol voire de peinture au plomb). Comme pour les légumes, mieux vaut miser sur les sex-shops 100% bio, un créneau que n’a pas encore adopté le leader européen Marc Dorcel. « On suivra peut être le mouvement, mais encore faut-il avant tout que le plaisir soit optimal » a expliqué à l’AFP la porte- parole, Adeline Anfray. Les sextoys ont beau gagner en popularité, le public français reste timide  : selon une étude réalisée par BVA, seuls 14% des Français possèdent un jouet sexuel contre 49% des Suédois ou 27% d’Allemands. Selon la même étude, plus de 60% des Français songent néanmoins à s’équiper, la preuve que le marché des sextoys n’a pas terminé sa croissance. Depuis la sortie en librairie du livre de la Britannique E.L. James, les ventes de sextoys ont augmenté de 400% aux États-Unis selon le blog de la marque suédoise Lelo. Autres chiffres édifiants : +600% pour les boules de geisha durant la même période, quand les revendeurs de menottes ont subi des pénuries et 68% des acheteurs du livre passaient dans les magasins de lingerie fine. Une dynamique dont le site américain de rencontres extra- conjugales Gleeden a également bénéficié avec 50% d’utilisateurs supplémentaires. Le marché des sextoys a connu un premier essor en 2000 avec la sortie de Sex and The City. « En France, l’image des sextoys a changé depuis la diffusion de l’épisode qui parle du Rabbit » vibromasseur en forme de lapin qui stimule à la fois le vagin et le clitoris, explique Ovidie, réalisatrice et auteur d’Osez les sextoys, au journal 20 minutes. Un premier frisson annon- ciateur du raz-de-marée « 50 nuances de Grey » une décennie plus tard. « Cinquante nuances de Grey a été le plus grand phénomène culturel pour les jouets sexuels que je n’ai jamais vu », explique Claire Cavanah, cofondatrice du célèbre sex shop américain Babeland au journal l’Express. Les Français sont les plus timorés d’Europe La révolution sexuelle de E.L. James affecte le marché des sextoys, mais pas seulement : depuis la sortie du premier livre, les cravates grises, utilisées Depuis la sortie de 50 Nuances de Grey, la vente de sextoys explose. Ou comment les petits jeux d’Ana et Christian Grey mettent en valeur les célèbres accessoires de la chambre rouge. Clémence Maillochon et Christie Marquigny TEXTE ..... SexToysdes La PARIS A SA TOUR EIFFEL, LES SEXTOYS ONT MAINTENANT « LA TOUR EST FOLLE ». TOTALEMENT MADE IN FRANCE, LE SEXTOY EST PRODUIT DANS L’AIN À OYONNAX. SON CRÉATEUR SÉBASTIEN LECCA SE FIXE UN DOUBLE DÉFI : « METTRE EN AVANT LE SAVOIR-FAIRE INDUSTRIEL FRANÇAIS ET CHERCHER DES DÉBOUCHÉS » VIA 20 MINUTES. LE NOMBRE D’ANNÉES QU’UN VIBROMAS- SEUR EST RESTÉ DANS LE VAGIN D’UNE ÉCOSSAISE DE 38 ANS. LA FAUTE À UNE SOIRÉE TROP ARROSÉE. LE POURCENTAGE D’HOMMES QUI ONT EU DES ACCIDENTS DE SEXTOYS. L’ÂGE DE L’ACCIDENTÉ LE PLUS ÂGÉ. UN SEXTOYS MADE IN FRANCE 10 58 85 montée en puissance ©MarcDorcel/MademoseilleScarlett ©pageofficielledelatourestfolle ©pageofficiellede50nuancesdegreyl’étudemenéeparPriceMinister-RakutenetleHuffingtonpost LES CRAVATES GRISES, UTILISÉES PAR GREY POUR ATTACHER SA PARTENAIRE, ONT ÉGALEMENT GAGNÉ EN POPULARITÉ 06-07_BM01_sextoys_ok.indd 6-7 16/06/15 17:41
  • 5. 8 9 the ¬ juin 2015Souvenirsthe ¬ juin 2015 Souvenirs 8 9 Le 7 janvier 2015, la France est sous le choc de l’attentat dans les locaux de Charlie Hebdo. Parmi les victimes, les dessinateurs Cabu,Charb,Honoré,TignousetWolinski.Lasemainedeviolence fait place le dimanche suivant à une marche symbolique, place de la République et à un élan de soutien international autour du thème de la liberté d’expression. Depuis, l’esprit s’est estompé, mais nous restons tous Charlie. Le 23 janvier, Emma Watson délivrait un nouveau discours sur l’égalité des sexes lors du forum de Davos. Elle y a repris les thèmes abordés lors de sa précédente intervention à l’ONU, peu après avoir été nommée ambassadrice des Nations-Unies. Elle a appelé au soutien de la campagne #HeForShe. Ce hashtag féministe a fait twitter Tom Hiddelston, Harry Style, Russel Crowe et de nombreuses autres personalités féminines et masculines… « Adam recherche Eve » a enregistré des audiences correctes. Mais voir des gens nus sur une plage n’a pas plu à tout le monde. Religions et pudeur en ligne de mire, on peut dire que le bilan est mitigé. Le premier épisode a rassemblé près de 1,3 million de téléspectateurs. Mais après la curiosité passée, l’émission a vu ses audiences chuter… 647 000 téléspectateurs avec 1,1 % de part d’audience pour le dernier épisode, le 7 avril. Encore un flop pour D8. Cette fois-ci, « Ce qu’il fallait détourner » a partagé l’audience. Pourtant ce sont 1,30 million de Français qui ont suivi la nouvelle émission de l’animateur de TPMP. Ce que l’on en retiendra : Jean-Marie Le Pen @lepenjm « Les migrants croient que la France est un bateau de sauvetage alors que c’est déjà le Radeau de la Méduse ». Jean.Chr.Cambadélis @jccambadelis « Les Dupond et Dupont@cestrosi et @eciotti se chauffent sur des manipu- lations douteuses. Et dire qu’ils veulent être ministres de l’intérieur ». Jean Roucas @jean-roucas « Les méthodes du PS contre les candidats FN : Incendies, menaces de mort, agressions… » ©Photo:UNWomen/CelesteSloman ©ISHARAS.KODIKARA/AFP ©CatherineWylie/PAWire Six premiers mois de 2015 condensés sur deux pages Dérapages de politiciens, images choc, catastrophes naturelles et drames humains. Retour sur ce qui a marqué le début de l’année 2015. Camille Ferrandon et Swapna Sattentau textes #HeForShe Je suis Charlie Le flop des émissions • 100% télé • Les pires tweets des politiques • 100% vrai • Pub ou propagande ? L’image de l’année Votre corps est-il prêt pour la plage ? à la sortie de l’hiver, les produits minceurs « The Weightloss Collection » de la marque Protein World s’affichaient sur les murs du métro de Londonien. Simple publicité ou diktat de la minceur ? La campagne publicitaire a suscité des réactions corrosives sur les réseaux sociaux, certains dénonçant un « dérapage » et des détournements des affiches initiales, notamment par la marque Dove. Interpellée par 360 plaintes officielles, l’ASA – l’autorité qui régule le marché publicitaire au Royaume-Uni – a décidé d’interdire la campagne Beach Body Ready du métro de Londres. Selon les initiateurs, l’opération a permis à Protein World de tripler les ventes et de faire gagner un bonus au département communication. L’affiche placardée dans le métro de Londres, « Votre corps est-il prêt pour la plage ? » Les blogeuses Fiona Longmuir et Tara Costello posent en maillot de bain devant une affiche de la marque Protein World et twittent : « Vous avez parfaitement raison @Castello et moi avons des corps prêts pour la plage. Pas besoin d’aide, nous sommes #déjàparfaites. » En légende sur le cliché : « Comment avoir un corps de plage ? Ramène ton corps à la plage » Le 25 avril, un séisme d’une magnitude de 7,8 frappe le Népal. Si l’épicentre se situe à 77 km de Katmandou, les secousses se font ressentir jusqu’à New Delhi et entraînent la mort de 8 000 personnes. Avant d’autres répliques terribles le 12 mai… Des Népalais en pleine commémoration du séisme le 25 mai à Katmandou. “Jordan@jordanhthc” Hanouna qui se met en scène lui-même dans tous les sketches. Nul ne peut avoir le niveau des Inconnus #CQFD” ©DR ©J-SEvrard/AFP©A.Jocard/AFP©M.Bureau/AFP ©DR 08-09_souvenirs_BM01_ok.indd 8-9 16/06/15 17:42
  • 6. 10 11 Jour après Jour the ¬ juin 2015Jour après Jourthe ¬ juin 2015 10 11 acharnée. Mais les accidents routiers resteront dans l’ombre des catastrophes aériennes entre le crash de l’hélicoptère de Dropped (10 morts) en Argentine ou le suicide d’Andreas Lubitz, copilote d’un vol German Wings qui a fait 150 morts. Une note positive quand même : le pire a été évité dans un vol entre Londres et Dubaï forcé de faire demi-tour à cause d’un bronze à l’odeur insoutenable. Comme quoi il vaut mieux un pilote incontinent que dépressif. Mais le grand événement du mois reste les élections départementales avec certains candidats qui innovent pour rester sereins, comme ce Lorrain chopé ..... Janvier : L’année 2015 débute dans la violence avec les attentats meurtriers contre Charlie Hebdo, les massacres de Boko Haram au Nigéria ou encore les conflits qui ne cessent de s’aggraver en Ukraine et au Yémen… Tellement d’horreurs en si peu de temps et pourtant, la justice décide de faire payer Paul Bennet, ce pauvre Anglais de 45 ans qui voulait seulement se faire du bien avec sa boîte aux lettres. Bilan: 1 an de soins contre l’alcoolisme, 260 livres sterling (340 euros) d’amende, plus les frais de justice et une signature dans le registre national des délinquants sexuels. Pourtant, si tous suivaient son exemple… Face à tant d’injustice, on se console grâce à Marc Dorcel et sa campagne « Sans les mains » qui propose de regarder gratuitement des films porno, à condition d’appuyer sur les touches A, S, P et L de son clavier en même temps. Donc sans vraiment en profiter. En Grèce, Alexis Tsipras promet de faire banquer l’ensemble du capitalisme mondial pour redistribuer aux pauvres. Le Robin des Bois des temps modernes est arrivé, on espère qu’il sera meilleur que Russell Crowe. ..... Février : Rien n’est plus dangereux qu’une femme fatale. Contactés sur Skype, des rebelles syriens pensaient tchater avec une bimbo mais au final ont perdu des documents secrets en cliquant sur la photo coquine. Les hackers avaient sûrement vu le Dalaï Lama disant « pour tuer un ennemi, il faut en faire un ami ». Un conseil que Poutine n’a visiblement pas suivi avec l’opposant Boris Nemtsov, abattu par balles en pleine rue alors qu’il devait participer à une manifestation anti-Poutine. En clair, pour le big boss russe, « pour tuer ennemi, il faut tuer ennemi ». Plus troublant, Simon Parkes, élu de Whitby en Angleterre, affirme que le numéro un du Kremlin est conseillé par un extraterrestre. N’aurait-il pas confondu avec les A.M.G., véritables ovnis musicaux qui rappent leur soutien avec la chanson « Go hard like Putine » ? ..... Mars : Mars est marqué par la première greffe réussie d’un pénis en Afrique du Sud. L’homme de 21 ans avait dû se faire amputer le sien suite à une circoncision approximative, il est maintenant de nouveau « sexuellement actif et très heureux ». Est-ce cette nouvelle qui a poussé un homme à exhiber son engin devant le commissariat du Kremlin-Bicêtre (94) ? Il sera renversé quelques minutes plus tard sur l’A6 après une course-poursuite Du sexe, des aliens et la disparition tragique de la chatte de Marine Le Pen. Ce n’est pas seulement dans les grands titres de l’actualité que se joue le destin du monde. Retour sur le début d’année 2015. Par Andrea Chazy, Guillaume Blanchard et Corentin Gouriou textes ..... en train de s’accorder une pause solitaire sur un parking de supermarché. « J’étais hyper stressé, j’ai un emploi du temps surbooké ». Un moyen comme un autre de vider les urnes. ..... Avril : En Turquie, de jeunes autochtones demandent la construction d’un temple Jedi pour se préparer à la bataille finale contre l’Empereur Erdogan. La pétition intervient en riposte à la création d’une mosquée dans les environs d’Izmir, une manière originale de lutter pour la laïcité. Autre pays autres mœurs, au Royaume-Uni une application appelée Polipets lutte contre le désintérêt des jeunes pour la politique en leur proposant de gérer les candidats aux élections comme des animaux de compagnie. Et les programmes, on en parle ? Visiblement, Rachel Lenhardt, mère américaine de 35 ans, n’avait pas révélé le sien : non contente de fournir herbe et alcool pour l’anniversaire de sa fille de 16 ans, elle a couché avec le petit ami de cette dernière. Pour une fois qu’un In da Putin club « Jeanne, au secours !!! » La chatte de Marine Cat woman La médaille de bronze mec s’entend bien avec sa belle-mère… La famille, c’est sacré aussi pour les Le Pen. Alors qu’en début de mois, Jean-Marie a confirmé pour la cinquième fois de sa carrière ce qu’il pensait des chambres à gaz, Marine révèle sur I-télé que « la dernière fois que j’ai pleuré, c’est quand ma petite chatte est morte tuée par un chien. » Les efforts d’humanisation du FN vont peut-être un peu loin… ©VK.com ©AFP ©NawakIllustrations ©DR ©AFP 10-11_BM01_jourjour_ok.indd 10-11 16/06/15 17:42
  • 7. 12 13 THE ¬ JUIN 2015Dossier Humour 12 13 THE ¬ JUIN 2015 Par Clémence Maillochon, Andrea Chazy, Rafaëlle Laurence et Victor Boisson. Vous avez vu, Salomon ? Ils ont des voitures, maintenant, hé, hé, hé... Ils ont des Rolls blanches, les Noirs. Victor Pivert (interprété par Louis De Funès) dans Les aventures de Rabi Jacob (1973) MINI SOMMAIRE © ”” ” P14-15 > DIEU EST HUMOUR P16 > 2015 : L’APOGÉE DE LA SURRÉACTION P17 > « GAI-RIRE » OU LE RIRE THÉRAPEUTHIQUE P18-19 > CRITIQUES ET AUTOCENSURES 12-19_dossier_humour_BAT.indd 12-13 16/06/15 17:43
  • 8. 14 15 THE ¬ JUIN 2015Dossier Humour dans le monde de l’humour, d’autres sont plus mesurés. C’est le cas de Marie Misset, qui co- anime sur Radio Nova l’émission 2H15 avant la fin du monde : « sur les religions, je vais être un peu moins à l’aise, parce que je ne sais pas toujours avec qui je ris. » Son acolyte Armel Hemme pense qu’il est facile de rire sur la religion, le racisme ou tout autre sujet, « c’est juste que tu n’as pas envie de te prendre la tête avec des gens qui ne vont pas te lâcher après, qui ne vont pas le prendre à la rigo- lade du tout. » Et pourtant, ces sujets les plus sen- sibles sont les plus propices selon l’animateur : « on pourrait écrire des sketchs dessus, c’est pas compli- qué. Il y a des points saillants. Mais c’est prendre le risque de se faire emmerder. » “Se faire emmerder”, Gérard Oury n’y pensait sans doute pas une seule seconde lorsque son der- nier film Rabbi Jacob sortait en salles en 1973. Partie intégrante du patrimoine culturel fran- çais, sa comédie serait-elle encore acceptée par la communauté juive si elle sortait en 2015 ? Même constat pour Pierre Desproges. Xavier Mauduit, chroniqueur sur France Inter, se souvient : « dans Panique au Mangin Palace était passé un extrait de Desproges, disant que pendant la Seconde Guerre mondiale, il aurait hésité. Car lorsqu’on était collabo, il fallait combattre les juifs et quand on était résistant, il fallait vivre avec et qu’il ne savait pas ce qui était le plus dur. Dans les années 80 c’était très drôle. Mais nous, on a passé ça dans les années 2000 et on a reçu un mail d’une jeune femme de 25 ans qui ne connaissait pas Desproges et qui était outrée. “Mais comment osez-vous passer des choses comme ça ?” C’est étonnant car Desproges fait partie du patrimoine de l’humour et on voit bien que là où on rigolait il y 20-30 ans, on ne rigole plus aujourd’hui. » Si la religion semble aujourd’hui un terrain miné pour les humoristes, le racisme est à peine moins dangereux. Au lendemain des municipales du 30 mars 2015, le comédien Saga Love avait réagi au succès du FN en se pointant dans le métro parisien pour réclamer “une femme blanche”. Histoire de se mettre d’équerre avec les attentes du prochain gouvernement… Adepte des punchlines envers Le 7 janvier 2015, la France s’est retrouvée confrontée à l’horreur : en pleine conférence de rédaction, l’équipe de Charlie Hebdo est attaquée par deux terroristes affiliés à AQPA, Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique. Armés de fusils d’assaut, les deux hommes sèment la mort sur leur passage, épargnent les femmes qui ont survécu aux premières salves, puis prennent la fuite avec sang-froid. Deux phrases résonnent dans leurs bouches : « Dieu est grand » et « Venger le prophète ». Le journal satirique était menacé de longue date pour avoir osé caricaturer Mahomet, un blasphème impardonnable aux yeux des islamistes les plus radicaux. En France comme dans le reste du monde, ce déchaînement de violence a suscité indignation, vague de soutien (Je suis Charlie, la marche républicaine) mais aussi un vrai débat sur ce dont on peut rire, et ce dont on ne peut pas. Certaines communautés ont refusé “d’être Charlie”, d’autres comme au Pakistan, en Afghanistan ou en Tchétchénie ont même manifesté suite à la première Une post-attentat, qui représentait le Prophète de l’Islam. Au centre de la division, la religion. Humoriste révélé sur Youtube, Moussier Tombola y voit un interdit car « c’est sacré, personnel. » Son compère Bayou Sarr adopte une posture compa- rable : « je pense qu’il y a matière à rire de plein de trucs, donc c’est trop facile de se moquer du physique, de la religion et des couleurs de peau. » Mais si ce côté “sacro-saint interdit” est une réalité la communauté asiatique, il a conscience de mar- cher sur des œufs. « Si tu ne sais pas manier ta langue comme une épée tu es dans la merde ! ». Au contraire, Marc Hervez, journaliste pour le groupe So Press (So Foot, Society) et ancien Mark The U sur Canal Street pense que l’humour noir ne doit pas être réservé à une caste : « j’aime pas trop le côté “il faut être noir pour faire des blagues sur les noirs, seuls les handicapés peuvent faire des bla- gues sur les handicapés”, n’importe qui peut faire des blagues sur n’importe qui. Il faut juste que ce soit malin et bien fait. » Et pourtant, à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, il semblerait qu’il ne soit plus permis à tout le monde de rire de tout le monde. Dossier Humour THE ¬ JUIN 2015 Le rire. Unique à chaque être humain, « propre à l’homme » selon Rabelais et bon pour la santé. Qu’il soit étouffé, contagieux, nerveux, même ridicule, le rire détend, soigne, apaise… Grâce à l’adrénaline et l’endorphine qu’il libère ainsi qu’à la dopamine qu’il produit, il rend heureux. Il accélère la circulation sanguine, dilate les vaisseaux sanguins et permet une meilleure circulation cardio-vasculaire. Anti-stress naturel et efficace, le rire n’est peut-être pas vital comme l’eau, le repos ou la nourriture, il n’en est pas moins nécessaire à notre bien-être. Une minute de rire correspondrait à 45 minutes de relaxation et 15 minutes de marche. 10 minutes par jour suffisent au bonheur et pourtant, depuis plusieurs années, on ne peut le faire librement, comme l’a rappelé en début d’année l’attentat chez Charlie Hebdo. Pourtant, quel meilleur symbole de la démocratie et du bien-être que le rire ? à croire que Desproges détient la vérité absolue quand il dit « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. » « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Pierre Desproges La vierge Marie et la vierge mariée 12-19_dossier_humour_BAT.indd 14-15 16/06/15 17:43
  • 9. Dossier Humour THE ¬ JUIN 2015 Internet rassemble un lectorat bien au-delà des autres types de supports. C’est peut être ça la limite, blesser par inad- vertance un public à qui ce dessin n’était pas destiné. » Nawak a d’ailleurs décidé de supprimer l’une de ses carica- ture suite à des réactions violentes  : « elles sont toujours plus vives sur Twitter que sur Facebook. Twitter n’invite pas au débat, c’est une simplification des propos. Le problème, c’est qu’en 140 signes, on ne peut pas développer une idée, donc il n’y a rien à dire, la discussion est vide. Et quand on ose émettre une critique, il y a toujours quelqu’un pour se plaindre » regrette- t-il. Et certaines associations ne manquent pas de lui compliquer la vie. Il donne l’exemple d’une « association de protection animale, qui m’a repro- ché le fait que je fasse souvent des dessins (cf; illus- tration ci-dessous) où je me moque de mon chat ! À force de se ‘victimiser’ on finit par taper sur les gens de bonne volonté... » Si certains s’offusquent de ce qui fait rire d’autres, doit-on en conclure que l’humour est devenu un objet de division ? Humour de droite, humour de jeunes, humour noir... Le but est-il de dédramati- ser pour mieux comprendre les autres ou reste-t-on dans la moquerie ? Selon le philosophe Bergson, le rire est au contraire un “geste social”, “quelque chose de mécanique dans quelque chose de vivant”, qui grâce à sa fonction corrective, permet aux gens de vivre en société. « Nous vivions une drôle de période, admet Nawak. Pendant un mois, tout le monde parlait de la liberté d’expression. Mais un certain parti est aux portes du pouvoir : on va tous, que l’on soit lesbienne, femme ou homme, prendre un coup. Mais on continue à se tirer dans les pattes, c’est consternant. » L’idéal serait-il de s’imposer des limites ? 2015, gazouillis maudits Les enjeux du rire ont bien changé  : dans les années 80, Coluche pouvait lancer “vous savez ce qui frappe le plus les Algériens qui viennent en France ? C’est la police !” ou “la France, c’est le seul pays arabe à ne pas être en guerre !”. Aujourd’hui ce temps est révolu comme le confirme Xavier Mauduit : « il y a des propos dits dans les années 80 qui, aujourd’hui, passeraient mal. Dans le travail d’archives sonores qu’on peut faire à l’INA, on le constate tous les jours. » Ce qui relève d’une certaine logique avec l’avènement d’Internet et des réseaux sociaux car on ne parle plus à un public cible mais à un public global. « Les gens qui achètent Charlie Hebdo ou le Canard Enchaîné savent quel ton les dessins vont adopter », explique Pierre, alias Nawak, qui s’est fait un nom en dif- fusant ses caricatures sur sa page Facebook. « Via Facebook ou Twitter, on parle à des gens que l’on n’aurait finalement jamais pensé pouvoir toucher. Votre dernier fou rire vous a-t-il aidé à gérer une situation stressante ? La rigologie est peut-être faite pour vous ! PEINT PAR TOULOUSE-LAUTREC en 1896, filmé par les frères Lu- mière mais aussi source d’inspi- ration pour le philosophe Henri Bergson qui théorisa les méca- nismes du rire, Chocolat a créé, sans le savoir, le concept de thé- rapie par le rire. Abandonné par ses parents à l’âge de 10 ans à La Havane, il est vendu à un mar- chand portugais qui l’emmène en Espagne. Il s’enfuit à 14 ans et enchaîne les petits boulots jusqu’à se faire remarquer par le célèbre clown anglais Tony Grice, impressionné par son po- tentiel comique. Après deux ans de tournées en Europe, il arrive à Paris et intègre le Nouveau Cirque, où il a son propre spec- tacle dès 20 ans sous le pseudonyme Chocolat. Bien avant Joséphine Baker, Choco- lat devient un phénomène régu- lièrement acclamé par la presse. Et lorsqu’il ne captive plus les foules au début du siècle, il se rend dans des hôpitaux pour en- fants. Les médecins constatent qu’après ses visites, l’état des patients s’améliore et certains présentent même des signes de guérison. Omar Sy tourne actuellement Chocolat de Roschdy Zem, ins- piré du livre de Gérard Noiriel Chocolat, clown nègre, qui re- vient sur la vie de Rafael Padilla, au début du XXe siècle. CHOCOLAT LE CLOWN, PRÉCURSEUR DE LA “RIGOLOGIE” RIRE PERMET DE RÉDUIRE LA PERCEPTION DE LA DOULEUR ET DU STRESS, d’oxygéner l’organisme, de réduire les tensions musculaires en plus de faire travailler le diaphragme. Cela favorise entre autres l’élimination des résidus présents dans les poumons et augmente la capacité respiratoire. Avoir le sens de l’humour veut également dire plus d’estime de soi, cela permet d’être plus à l’aise et de recadrer son ego. Les individus avec de l’humour seraient d’ailleurs mieux adaptés socialement et plus « séduisants ». Et contrairement à ce qu’en pense Guy Bedos, “le rire c’est comme le désir : on ne peut pas faire semblant de bander”, la nature fait tellement bien les choses que le cerveau ne différencie pas un vrai rire et un rire provoqué ! Dans les deux cas, il génère de l’endorphine, l’hormone du bonheur et du plaisir. Les médecins recommandent d’ailleurs de rire au moins 10 minutes par jour pour être en bonne santé. Les sur-réactions 16 17 « Les gens qui achètent Charlie Hebdo ou le Canard Enchaîné savent quel ton les dessins vont adopter » Xavier Mauduit ©Nawak Au début des années 1980, vêtu d’un habit de clown, le Dr Patch Adams – incarné au cinéma par Robin Williams - commençait à soigner ses patients en utilisant le rire et l’humour comme des outils thérapeutiques. Aujourd’hui, dans des hôpitaux un peu partout à travers le monde, les patients peuvent bénéficier de la présence de clowns thérapeutiques ou de clowns professionnels. Des Clubs de rire ont ensuite été créés en Inde par le Dr Madan Kataria en 1995. On en compte aujourd’hui plus de 6 000, répartis dans plus de 60 pays. « C’est un anti-stress naturel, le rire est unique, c’est un secoueur de rigidité, il a des bienfaits somato-psychiques. Au niveau du corps, il accélère la circulation sanguine, il dilate les vaisseaux donc améliore la circulation cardio-vasculaire. Le rire est donc bon pour le cœur » explique Clémantine Dunne, qui a fondé l’association Coeur de Rire en 2003, laquelle propose un grand nombre de stages, destinés aussi bien au grand public qu’aux milieux hospitaliers, professionnels ou scolaires. 12-19_dossier_humour_BAT.indd 16-17 16/06/15 17:43
  • 10. Dossier Humour THE ¬ JUIN 2015 18 19 « Un jour j’étais en Italie, en ‘prime time’ sur une grosse émission de la “Rai Uno” un ven- dredi soir. On va dans les loges et je vois un costume de singe et je me dis : “Ça tue, je veux le mettre ! Je me suis fait des- cendre par mon producteur qui m’a dit : “Mais t’es malade, on est en Italie, ils n’ont pas l’habi- tude de voir des noirs et tu veux en plus mettre un costume de singe avec un bonnet de Noël.” Je lui ai fait la gueule sur le coup, mais je me suis rendu compte qu’il avait raison » se souvient Moussier Tombola. Aujourd’hui, avec Internet, la critique est de plus en plus facile et de plus en plus rapide. Certains humoristes et journalistes préfèrent, comme Moussier Tombola, se retenir afin d’évi- ter le scandale. Pour Xavier Mauduit, cette auto- censure est presque naturelle et peut se manifester sous deux formes : la censure personnelle et celle liée à l’environnement dans lequel on se trouve. « Quand on travaille sur France Inter ou Arte, on sait qu’on ne peut pas rire de tout, parce que le but c’est de ne pas blesser les gens, c’est de ne pas faire scandale. » A contra- rio, certains humoristes se sont donnés pour règle de ne respecter aucune limite, à l’image d’un Stéphane Guillon* qui, sur Twitter, a fait l’analogie entre les drames de la Germanwings et de Dropped, ou encore Dieudonné se sentant “Charlie Coulibaly” après l’attentat à Paris. Dans certains cas, la portée humoristique est évidente, avec la volonté de repousser les limites au nom du principe de la liberté d’expression, ou tout simple- ment pour générer un buzz. Dans d’autres, c’est la dimension polémique voire politique qui pourrit le débat, comme lorsque Dieudonné dit “regretter les chambres à gaz lorsqu’il entend parler Patrick Cohen”. Une simple blague selon l’auteur, un propos antisémite selon ses détracteurs. La ligne de défense de l’accusé est simple : profiter, dans une société qui se veut laïque, de la même liberté d’expression que les journaux et médias satyriques. À la différence près que Dieudonné a fondé un parti politique – Réconciliation nationale – avec l’ancien proche du FN Alain Soral. Peut-on vrai- ment invoquer la plaisanterie à propos de la “que- nelle” lorsque l’on a présenté une liste “anti-sion- niste” aux élections européennes de 2009 ? Entre toutes ces condamnations, ces débats, ces drames et ces dérives, l’humour n’est pas toujours drôle. Ce droit naturel a été détourné, tantôt pour dénoncer des scandales, tantôt pour propager des idées politiques, tantôt pour faire mal, tout sim- plement. Le marché de l’humour est à l’image de notre société : clivé, divisé, susceptible et prompt à s’indigner. L’adage dit qu’il faut regarder devant pour s’inspirer et progresser, mais question humour, nous ferions mieux de regarder derrière. Quarante ans plus tôt, Coluche traitait à la fois de religion, de racisme et d’injustice sociale. Un propos qui, quatre décennies après, garde toute sa vérité grâce à la sincérité qu’il portait. « Y paraît qu’il a existé, Dieu. C’est un mec, Dieu, quand il est arrivé sur Terre y avait rien, tu vois ! Rien, pas une boîte, pas un troquet, pas une mobylette ... Rien ! Il a dit “il y aura des hommes blancs, il y aura des hommes noirs, il y aura des hommes grands, il y aura des hommes petits, il y aura des hommes beaux, il y aura des hommes moches et tous seront égaux, mais ça sera pas facile !” Et puis il a dit “Y en aura même qui seront noirs, petits et moches, et pour eux ça sera très dur !” » « L’adage dit qu’il faut regarder devant pour s’inspirer et progresser, mais question humour, nous ferions mieux de regarder derrière. » * 12-19_dossier_humour_BAT.indd 18-19 16/06/15 17:43
  • 11. THE ¬ JUIN 2015Société 20 21 « Je suis allée sur adopteunmec.com. Je trouvais le système assez marrant. C’est-à-dire que seules les filles choisissent à quels garçons parler. » Comme Stéphanie, beaucoup de Français fréquentent les sites dits “de rencontres”. Deux sur dix avouent avoir déjà fréquenté un site de ce genre nouveau en 2010. Cinq ans plus tard, ils sont le double. pas d’indicateur pour dire si la personne est libre ou pas. » En résumé, prouvez que vous êtes célibataire en vous inscrivant sur un site de rencontre. « Très peu de gens portent des alliances et pourtant, ils sont en couple. Il y a vraiment ce souhait d’avoir un endroit où il y a une base de données de gens contactables. » Du coté des utilisateurs, la raison est tout autre, d’où cette réaction de Stéphanie : « L’avenir de l’amour n’est pas sur Internet pour moi. Les sites de rencontre c’est juste pour s’amuser. Comment peux-t-on tomber amoureux de quelqu’un qu’on ne connaît pas ? Certes on discute avec quelqu’un, on peut l’apprécier, mais de là à dire que c’est de l’amour... » L’amour virtuel, c’est possible Stéphanie se trompe peut être. 62% des utilisateurs de l’amour en ligne déclarent rechercher l’amour sérieux et désirent fonder une véritable histoire. Mieux : deux utilisateurs sur dix se marient ou se Se cacher derrière un écran ? Peur de la réalité ? Timidité trop présente ? La population française aurait-elle peur du râteau au point de se cacher derrière un écran ? Pour Catherine Lejealle, sociologue et auteure de « J’arrête d’être hyper connecté », la société évolue et ses principes également. « La demande est de plus en plus élevée parce que malheureusement la durée de vie d’un couple et les attentes qu’on a vis- à-vis du conjoint sont plus importantes. Il y a une forme d’insatisfaction. » D’après les études, les relations amoureuses aujourd’hui durent environ trois ans et un mariage sur deux se solde par un divorce en région pari- sienne. Pour la sociologue, c’est l’une des raisons principales de l’essor de Meetic et consort car « il y a de la demande ». La société a également changé car « il y a 30 ans, à 20 ans grâce à l’école, l’église, les bals et les sorties, tout le monde se mariait au même moment. Or aujourd’hui, on a des gens qui se retrouvent sur le marché de la rencontre et il faut qu’il y ait un endroit où l’on puisse rencontrer des gens. Aujourd’hui, il n’y a Meetic, Adopte un mec, l’application Tinder… Les sites de rencontre sont de plus en plus présents dans nos vies. Amour, amitié et problèmes dans certains cas, ces plateformes ouvrent les portes d’un monde virtuel autant qu’elles érigent des barrières dans la vie réelle. Décryptage d’un fait de société banalisé mais pas sans risques. Par Jordan Brest, Christie Marquigny, Maëlle Gramond et Corentin Gouriou. Quand les liens am ureux se tissent sur la toile CATHERINE LEJEALLE, AUTEURE DE… … J’ARRÊTE D’ÊTRE HYPERCONNECTÉ (ÉDITIONS EYROLLES) ©DR ©Captured’écransMeeticetGleeden(AFP) ©DR SociétéTHE ¬ JUIN 2015 20-23_sites_rencontres_BM01_ok.indd 20-21 16/06/15 17:44
  • 12. SociétéTHE ¬ JUIN 2015 THE ¬ JUIN 2015Société pacsent à la suite d’une rencontre sur Internet. Des chiffres fous qui montrent que l’amour semble possible sur le net, notamment parce que les sites sont de plus en plus nombreux. « Aujourd’hui, les sites de rencontre peuvent être segmentés selon des pratiques sexuelles, des choix politiques, des conditions de vie. On a un nou- veau type de rencontres à la Tinder, basé sur la géolocalisation et sur des choses plus rapides et plutôt basées sur le hasard. » Alors que vous soyez fermier, fonctionnaire, musicien, chirurgien, sadomasochiste ou même sodomite, vous aurez certainement un site de rencontre qui correspond à vos attentes et à vos passions. Des dangers sur les sites de rencontre ? Le problème avec ce genre de site, c’est bel et bien l’identité. Prenons l’exemple de Robert, 65 ans, qui veut avoir une relation extra conjugale avec une jeune fille de 16 ans. L’inconvénient, c’est qu’il se fait passer pour un mannequin de 25 ans. Bizarre mais véridique. C’est ce qu’a connu une jeune fille, victime d’un homme de 69 ans qui occupait ses journées à “chasser” des femmes pour les inviter dans son lit. Une histoire à la fois stupéfiante et effrayante que dévoile le quotidien Nice-Matin le 8 mai. Le principe du sexagénaire est simple : emprunter l’identité d’un mannequin et s’inscrire sur différentes plateformes en ligne, histoire d’améliorer sa crédibilité. Une fois mises en confiance, les victimes étaient invitées dans un hôtel, avec toujours le même rituel  : bandage des yeux dès l’entrée dans la chambre et ligotage aux barreaux du lit. Ce n’est qu’une fois l’acte réalisé que l’homme montrait sa vraie nature, comme en témoigne une de ses victimes au micro de nos confrères de France 2 : « c’est lui qui m’a contacté la première fois via un site Internet. Sur Facebook et d’autres sites, j’ai vu que les photos correspondaient et les informations concordaient. [...] » Jusqu’à ce qu’elle découvre les formes de son partenaire dans le noir. « J’ai vu que ce n’était pas une silhouette athlétique. Il avait le ventre bedonnant. Je me suis dit qu’il y avait un soucis et que ce n’était pas lui sur les photos. » L’homme a été mis en examen pour viol par sur- prise après plusieurs plaintes. Pour Catherine Lejealle, ces actes restent tout de même isolés : « Ce n’est pas du tout ce qu’on observe dans la réalité. Ce sont des peurs qui sont totalement dépassées. Aujourd’hui, on a tellement de sites de rencontre d’inconnus et on voit que ça marche très bien. On voit qu’il y a une vraie confiance en la mise en relation avec un tiers inconnu. Et puis il y a toujours du bon bouche-à-oreille avec une personne qui a vécu une bonne expérience via les sites de rencontre. » Ce qui ne doit pas empêcher les utilisateurs de rester prudents. Propos de Catherine Lejealle et Stéphanie recueillis par Jordan Brest. Dans la galaxie des sites de rencontre en ligne, quelques exemples atypiques sortent du lot. C’est le cas de « Amours- bio » qui se veut ouvert aux adeptes du bio, de l’écologie ou de la protection animale. Plus qu’un site pour trouver l’âme sœur, ce portail se veut un lieu d’échanges pour trouver des amis et échanger sur des thématiques qui dépassent le cadre de l’alimentation. Une manière pour les pratiquants d’un mode de vie bio de se retrouver plus facilement que dans le monde réel, où ils ont souvent l’impression d’être pris pour des hippies, comme nous l’explique Lucie, une utilisatrice : « les gens me voient comme quelqu’un en décalage avec la réalité, c’est un manque d’ouverture ». Pour Sylvie, il n’est « pas facile de rencontrer naturellement des gens avec les mêmes centres d’intérêts », d’où l’objectif d’Amour-bio, loin d’être le seul sur ce marché de la rencontre bio. Note : les prénoms ont été modifiés L’a mour vert ParC orentin Gouriou ©AFP©AFP/PhilippeHuguen Chassez le naturel, il revient par internet. “À l’heure où notre belle France subit les terribles consé- quences d’une immigration incontrôlée, il n’est pas toujours permis d’affirmer en société ses préférences patriotiques et son adhésion aux idées du Front National. Pour consa- crer votre liberté de pensée et optimiser vos chances de rencontrer celui ou celle qui comblera toutes vos attentes, notre site est réservé aux célibataires patriotes de tout le pays qui cherchent l’amour”. La description du site front- rencontre.fr est sans ambiguïté. Pour s’inscrire, un pre- mier formulaire : pseudo, adresse e-mail, mot de passe et sexe. Pour la seconde étape, les questions se veulent plus précises quant à vos caractéristiques physiques, attentes affectives et orientations sexuelles. Côté interface, front- rencontre ne se révèle pas en pointe de la modernité et compte peu de membres actifs, entre 30 et 65 ans, refu- sant le plus souvent les discussions politiques. Histoire de ne pas parasiter la vie de couple ? RENCONTRES FRONTALES Par Maëlle Gramond 22 23 Les Français et les sites de rencontre « J’ai été parrainée par Marine » ©JordanBrestviaPiktochart 20-23_sites_rencontres_BM01_ok.indd 22-23 16/06/15 17:45
  • 13. 24 25 Interview the ¬ juin 2015Interviewthe ¬ juin 2015 E N T R E T I E N E X C L U S I F E N T R E T I E N E X C L U S I F Au lendemain des éléctions départemen- tales, vous avez parlé de « malentendu entre le peuple et la gauche du gouvernement. » Ce n’est pas plutôt un ras-le-bol général ? Ras‐le‐bol général, c’est un peu excessif mais incontestablement, il y a des gens qui ont cru en nous qui ne viennent plus voter pour nous... Pourquoi j’ai utilisé l’expression malentendu ? On a promis des choses, les gens y ont cru mais voient autre chose. J’ai également l’impression qu’on assiste à un dérèglement de la vie politique où la gauche singe la droite, la droite se sent carrément bien à l’extrême droite et l’extrême droite défend la retraite à 60 ans... Donc pour vous la gauche ne fait plus une politique de gauche ? Fort heureusement, dans le domaine de la santé, avec la généralisation du tiers payant, en matière de politique éducative, en matière de justice, grâce à Christiane Taubira, il y a encore des fondamen- taux de gauche. Aujourd’hui, militer pour une forme de dérégulation sociale, de contrôle des chômeurs, faciliter de licenciement, faire le choix d’une politique qui consiste à d’abord restaurer les marges des entreprises et minorer l’importance du pouvoir d’achat des ménages, on est sur une politique libérale standard mise en place par des gouvernements conservateurs ou sociaux‐ démo- crates. Il n’y a quand même rien de pire pour un gouvernement de gauche que d’échouer, non pas parce que ses solutions étaient mauvaises, mais parce qu’il ne les a même pas essayées. Cet échec, c’est également le vôtre ? C’est un échec collectif. Si on est parti, c’est déjà un échec, ce n’est plus le gouvernement de tous les Socialistes ni de toute la gauche. Pour résumer, on constate que la société se “droitise.” Il y a deux options à gauche, ceux qui disent que parce que la société se droitise “soyons nous même plus à droite et on convaincra plus de monde” et ceux qui disent “parce que la société se droitise il faut assumer de manière décomplexée nos valeurs de gauche. Moins on les affirme, plus la société se droitise.” C’est quand même invraisemblable qu’on mette en place un compte pénibilité pour les retraites et qu’on ne l’assume pas. Pourtant, c’est une grande conquête sociale. Je serai en première ligne en 2017 Quatre mois et 23 jours, c’est le temps-record passé par Benoît Hamon à la tête du ministère de l’Éducation Nationale. Le frondeur se voit malgré tout « en première ligne pour la gauche en 2017. » La politique de François Hollande et Manuel Valls, la réforme des rythmes scolaires ou encore la montée des extrêmes, le député des Yvelines se livre. Entretien exclusif. Propos recueillis à Elancourt (78) par Christie Marquigny, Andrea Chazy et Jordan Brest. ..... « la gauche singe la Droite, la Droite se sent carréMent bien À l’extrêMe Droite et l’extrêMe Droite DéFenD la retraite À 60 ans. » Benoît Hamon s’échauffe pour 2017 ©Maëllegramond « « 24-29_BM01_intvw_hamon_ok.indd 24-25 16/06/15 17:45
  • 14. 26 27 Interview the ¬ juin 2015Interviewthe ¬ juin 2015 Dans Paris Match vous avez déclaré : « La division ne vient pas de nous mais des provocations faites quand on demande à des députés de gauche de voter des mesures contraires à leurs valeurs. » Que doit-on faire pour réunir la gauche ? Mettre dehors le Premier ministre et le président ? Aujourd’hui, notre politique a deux conséquences : d’une part la division de la gauche, on n’est plus d’accord et ça s’entend publiquement; et d’autre part la division de notre électorat qui reste à la mai- son pour une grande partie. La question quand on est parlementaire est de prendre acte d’un choix du gouvernement avec lequel on n’est pas d’accord mais de se taire, ou de l’ouvrir. Et si on l’ouvre, on rajoute à la déception politique. Il y a une forme de dilemme... L’expression des positions des « fron- deurs » n’est que la conséquence de choix politiques pensés par le Premier ministre en particulier. Ce n’est pas moi qui ai été dire qu’une partie du Parti Socialiste était conservateur et passéiste, ce n’est pas moi qui ai milité pour le contrôle des chômeurs comme la droite le proposait avant, pas moi qui ai proposé une extension du travail le dimanche alors que quelques mois plus tôt, on était contre. Je ne sais pas si Manuel Valls veut scissurer le PS mais moi je ne veux pas. Après, il sera toujours le bienve- nue dans la minorité de mon parti [ rires ]. premier vote, il y a plus d’un jeune sur quatre qui vote Front National. Dans toutes les études d’opi- nions, Marine Le Pen nous domine largement au premier tour. Le sujet n’est pas de savoir qui sera face au candidat de droite, mais qui sera en face de Marine Le Pen. En l’état actuel des choses, si il n’y a pas d’empreinte sociale forte, si il n’y a pas une réorientation des politiques, nous ne serons pas au second tour. Benoît Hamon a-t-il été un bon ministre de l’Éducation Nationale ? Trop court pour le dire. Pendant les 147 jours où j’ai été Ministre de l’Éducation Nationale, il y a eu trois dossiers que j’ai principalement eu à gérer, dont la généralisation de la réforme des rythmes scolaires et sa mise en œuvre. Une fois que vous avez un texte, c’est très bien, mais après il faut prendre son téléphone, usiner... Il a fallu que j’appelle Estrosi, Gaudin et Juppé pour désa- morcer un certain nombre de postures politiques, parfois un peu menacées. Si cette réforme est devenue impopulaire, c’est parce que les adultes s’en sont mêlés. Le fait d’adapter l’enseignement aux rythmes chronobiologiques de l’enfant n’a pas empêché l’intérêt des parents de prendre le dessus. Pourquoi avoir maintenu une réforme impopulaire ? On a fait cette réforme pour les enfants et non pour les parents. Le niveau en CP baisse. Il baisse sur quoi  ? La numération, le français (à l’écrit et à l’oral), le niveau de lecture. Dans certaines régions, 20% des élèves à la sortie du CM2 ne maîtrisent pas correctement ce qu’on attend d’eux en français et en mathématiques. Tous les chrono- biologistes le disent, les enfants apprennent le mieux le matin entre 9h et 11h. On a donc dis- patché les programmes sur 9 demi‐journées avec une matinée supplémentaire pour permettre aux enfants, notamment ceux issus des familles les plus modestes, de mieux maîtriser les fondamen- taux en arrivant au collège. Justement parlons du classement PISA (évaluation du système éducatif par pays, ndlr). En 2012, la France était classée entre le 20e et le 25e rang à tous les niveaux, loin derrière certains voisins européens comme la Finlande et l’Allemagne, qui à l’inverse travaillent moins, notamment l’après-midi. Alors pourquoi vouloir imposer une demi- journée de plus ? [ Il coupe ] Le matin ! Parce que c’est ça le point commun de toutes les écoles françaises, elles travaillent cinq matinées. Certaines libèrent des après‐midi comme le vendredi, mais l’essentiel Lorsque vous étiez au gouvernement, vous en avez parlé à François Hollande ou à Manuel Valls ? Si je ne suis plus au gouvernement avec Arnaud Montebourg, c’est que ce désaccord nous l’avons eu. Un moment, je leur ai dit « je ne tiens plus » et Arnaud Montebourg aussi. Les choix ont été maintenus, les arbitrages ont été confirmés dans le sens d’une politique toujours plus libérale donc on s’est exprimé publiquement. Tout le monde était au courant des positions des uns et des autres. Ils m’ont demandé de rester, mais je n’ai pas voulu me prêter à un calcul. Cela a été une douleur pour moi de quitter l’Éducation Nationale mais en même temps, c’était une décision politique naturelle que de ne pas rester au sein d’un gouvernement dont je ne partageais plus les orientations économiques. Dans cette même interview, vous dites “Peut-il être (François Hollande) au second tour si ce quinquennat ne laisse pas une empreinte sociale forte ? Dans l’état actuel de désespérance de nos électeurs, je ne crois pas.” Trois quarts des ministres disent la même chose que moi... Aux départementales, vous savez com- bien le FN a fait au premier tour chez les jeunes (18‐24 ans)  ? 28%... Le PS : 15 %. Pour son c’est les cinq demi‐journées le matin, le plus sou- vent du lundi au vendredi. La semaine optimale pour un enfant, d’un point de vue chronobiolo- giste, c’est lundi, mardi, jeudi/vendredi et samedi matin. Sauf que le samedi matin a beaucoup de conséquences, parce qu’il y a beaucoup de familles recomposées, et si vous cassez le week‐end, c’est compliqué au niveau de la garde des enfants. On a tenu compte aussi de cette réalité sociale, c’est une concession dans l’intérêt des parents. Mais vous avez raison, dans les classements PISA, on chute, et cela montre qu’on a l’école la plus inégalitaire d’Europe. Alors qu’on a accumulé les discours sur l’égalité, on a la déclaration universelle des droits de l’Homme dans tous les établissements, mais le destin scolaire des enfants est souvent corrélé à leur origine sociale. N’avez-vous pas peur que cette réforme accroisse les inégalités entre les municipalités? C’est un vrai sujet. Ce n’est pas la couleur politique ou la richesse des mairies mais l’ancienneté du « Dans toutes les études d’opinions, Marine Le Pen nous domine largement au premier tour » « On n’est plus d’accord et ça s’entend publiquement » I have a dream ! On vous avait prévenu, fallait pas le placer à droite de Hollande ©AFP ©AFP 24-29_BM01_intvw_hamon_ok.indd 26-27 16/06/15 17:45
  • 15. 28 29 Interview the ¬ juin 2015Interviewthe ¬ juin 2015 projet éducatif qui fait la différence. Là où on a une ville qui a pensé son projet éducatif, qui a pensé à ses équipements et qui a réfléchi depuis longtemps en fonction des projets pédagogiques de ses établissements, et bien on a eu un dévelop- pement des activités fluide. Ce qui m’intéresse tout particulièrement dans cette réforme, c’est l’évolution des élèves en mathématiques et en français dans 10 ans, et c’est là‐dessus que je veux qu’on soit jugé. Votre meilleur souvenir en tant que ministre ? Quand je fais voter la loi sur l’économie sociale et solidaire et la loi sur la consommation. Il a fallu vaincre la résistance et l’offensive des lobbies ban- caires, des assurances, beaucoup de lobbies écono- miques privés qui ont essayé de détruire cette loi. On a résisté, on l’a voulu, on l’a eu. Qu’est-ce qui vous a poussé vers une carrière politique ? Je me suis engagé contre la loi Devaquet en 1986, et puis par conviction antiraciste contre Sarkozy vous n’en vouliez plus et il est parti. Mais si on votait pour Marine Le Pen, ce n’est pas sûr qu’elle s’en irait. Peut‐être qu’elle le ferait, mais elle créerait un précédent dans toute l’histoire. Jamais ce n’est arrivé, donc je demande à ceux qui votent pour elle, aux élections nationales, de bien y réfléchir à deux fois. Pensez-vous que l’on peut revenir comme en 2002 à un face à face Chirac/Le Pen ? Si on ne change pas de politique c’est presque sûr, oui. Que pensez-vous du retour de Nicolas Sarkozy ? Plutôt réussi. Je pense que ça le fatigue de devoir refaire campagne pour redevenir président, ça l’arrangerait bien de retrouver le job d’avant sans passer par la case électorale. Il faudra qu’il gère les primaires, mais incontestablement il sort vain- queur des élections départementales. Derrière il fait l’unité, ça complique le jeu de Juppé. Cela étant dit, c’est le même qu’avant. Avec les mêmes idées, voire même un peu plus à droite encore. Il a ses chances pour les présidentielles ? Il a quand même un certain passif, des affaires qui traînent... Oui mais si vous saviez le nombre d’élus pourris qu’il y a à élire... Moi ça me désole, il n’y a pas du tout de prime à l’intégrité en politique. Jean‐ Marie Le Pen. Qu’est‐ce qui m’a mené à ça ? Des rendez‐vous, des chances. Je n’avais absolument pas prévu d’avoir des responsabilités quand je me suis engagé, cela a été un chemine- ment naturel. Il y a pas une personnalité au sein du PS qui vous a permis de vous épanouir ? Martine Aubry, Lionel Jospin, ce sont des person- nalités que j’ai croisées, aux côtés desquelles j’ai milité et je me suis construit. Mais je n’ai pas de “papa” en politique. Vous avez commencé en tant qu’assistant parlementaire... J’étais militant et étudiant en même temps. Il me fallait un job et j’ai pu découvrir le pinard grâce à ce job [ rires ]. Quand on est assistant parlemen- taire, on rédige des questions, on fait des photo- copies, on ramène le café. Des choses que parfois on peut trouver ingrates. Mais encore mainte- nant, je peux ramener le café pour les autres. Voilà ce que c’est qu’être assistant parlementaire, un job pas très glamour. Selon vous, quel est l’avenir de la France avec la montée des extrêmes ? Trouvez‐moi un pays où l’extrême droite est arri- vée au pouvoir par les urnes, et a quitté le pouvoir par les urnes. Personne ne sait répondre à cela. Si Hollande vous n’en voulez plus, il s’en ira. Autant à droite qu’à gauche ? D’après vous ? Oui, oui, oui, ce n’est ni droite ni gauche. En nombre, je dirais quand même moins chez nous. D’ailleurs regardez les affaires aujourd’hui autour de Marine Le Pen. Le financement, on n’a guère de doute. Mais pour le coup, leur électorat leur pardonne tout, comme à chaque fois. N’avez-vous pas le sentiment aujourd’hui que les électeurs votent contre des personnalités plutôt que pour des idées ? Si, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’imaginaire positif dans la vie politique française. Ce qui est frappant, c’est qu’aujourd’hui dans la jeunesse il y a deux imaginaires qui prospèrent : l’imagi- naire djihadiste, fondamentaliste et l’imaginaire d’extrême droite qui repose aussi sur la haine de l’autre, et on n’arrive pas à enrayer ces tendances avec un imaginaire positif. N’y a-t-il pas un manque de figures emblématiques en politique à l’heure actuelle ? Oui bien entendu, on n’adhère pas seulement à une idée, surtout en France où on a beaucoup le culte du chef. C’est mieux quand c’est incarné mais il faut aussi voir les limites de cet exercice là. On voit qu’un Président de la République peut être élu pour un programme et faire tout à fait à l’in- verse sans que ça remette quoique ce soit en cause. On a des institutions qui poussent beaucoup à la personnalisation de la vie politique. Je pense que c’est un défaut de notre démocratie. Il faut trouver un équilibre entre une approche plus collective et une incarnation qui reste nécessaire. Vous serez où en 2017 ? Je serai en première ligne pour la gauche. » « Dans la jeunesse, il y a deux imaginaires qui prospèrent : l’imaginaire djihadiste, fondamentaliste et l’imaginaire d’extrême droite qui repose sur la haine de l’autre. » « Je n’ai pas de papa en politique » « 22 mois à l’éducation Nationale, not too bad, not too bad Vincent ! » « La marche de l’Empereur » Les tontons frondeurs ©AFP ©AFP ©AFP 24-29_BM01_intvw_hamon_ok.indd 28-29 16/06/15 17:45
  • 16. THE ¬ JUIN 2015Cahier International La jeune bangladaise, Wasfia Nazreen œuvre pour les droits de l’Homme depuis ses vingt ans. Une vocation née de frustrations et d’inter- dits durant sa jeunesse : « quand j’étais petite, j’ai vu un couple d’étrangers, les premiers gens de couleur blanche que je voyais. Leur fille avait un Hula Hoop et quand je l’ai essayé, une femme de mon village m’a dit que les filles ne devaient pas remuer leurs hanches ou faire du vélo, de peur de perdre leur virginité. » Le Hula Hoop, symbole de la liberté retrouvée Faire bouger les lignes au Bangladesh Une manière comme une autre d’en- fermer les femmes dans leur condi- tion de naissance et l’ignorance. Plusieurs décennies ont passé et la jeune Bangladaise a décidé de faire du Hula Hoop son arme symbo- lique : « on m’a retiré le droit de jouer comme une petite fille normale, c’est ma manière de dire “Jamais plus ! » Qui a dit que faire du Hula Hoop était réservé aux petites filles ? L’activiste bangladaise Wasfia Nazreen, 32 ans, en a fait sur les sept sommets du monde pour faire valoir le droit des femmes de son pays natal. Par Swapna Sattentau et Camille Ferrandon textes ..... Autoportrait de Wasfia Nazreen Wasfia Nazreen la quête des sept sommets 30 31 En 2006, Wasfia Nazreen se lance dans l’activisme, d’abord pour le compte d’ONG étrangères comme CARE en 2010 – dont le but était de sortir femmes et enfants bangladais de la pauvreté et de l’industrie du sexe – ou encore au Tibet, en 2006, pour protester contre les JO de Pékin et les violations des droits humains par la capitale chinoise. Mais rapidement, avec la fermeture du projet CARE par faute de moyens, l’activiste comprend que son peuple, 152 millions d’âmes, est trop dépendant des aides extérieures et doit se prendre en main. La jeune femme a alors une idée de génie : associer ses convictions à sa passion pour l’alpinisme, développée alors qu’elle travaillait dans les hauts plateaux tibétains. En mars 2011, elle lance Bangladesh Seven Summits, projet qui consiste à gravir les sept plus hauts sommets de la planète et d’y déposer un Hula Hoop, le symbole de son enfance volée. L’idée est d’inciter les femmes et les jeunes de son pays à dépasser les carcans de la société bangladaise et ainsi pousser son pays à se moderniser. Lorsque Wasfia Nazreen gravit l’Eve- rest, les médias internationaux com- mencent à raconter son histoire et relayer son combat. Une opportunité pour elle de faire évoluer les mœurs et de rendre fiers ses compatriotes : “80% d’entre eux n’ont jamais vu une montagne. Me rendre sur chaque continent, c’est comme si je les y emmenais, cela a nourri leur fierté”. Alors qu’elle avait dû vendre une partie de son patrimoine et contracter d’importants prêts bancaires pour se lancer, l’activiste est aujourd’hui une figure internatio- nale et une célébrité dans son pays natal, ce qui lui a permis de créer la fondation The Ösel, afin d’aider les femmes margi- nalisées à se réinsérer dans la société. Son objectif est de faire bouger les lignes dans la société patriarcale du Bangladesh, en encourageant entre autres les pratiques sportives chez les filles pour favoriser leur émancipation. Les propos de Wasfia Nazreen sont extraits du National Geographic ©JaredRawlings Sources:7summits.cometpeaklist.org ©WasfiaNazreen Wasfia et son Hula Hoop se lance dans l’activisme, d’abord pour le compte d’ONG étrangères comme CAREle compte d’ONG étrangères comme CARE en 2010 – dont le but était de sortir femmes et enfants bangladais de la pauvreté et de l’industrie du sexe – ou encore au Tibet, en 2006, pour protester contre les JO de Pékin et les violations des droits humains par la capitale chinoise. Mais rapidement, avec la fermeture du projet CARE par faute de moyens, l’activiste comprend que son peuple, 152 millions d’âmes, est trop dépendant des aides extérieures et doit se prendre en main. La jeune femme a alors une idée de génie : associer ses convictions à sa passion pour l’alpinisme, développée alors qu’elle travaillait dans les hauts plateaux tibétains. En mars 2011, elle lance Bangladesh Seven Summits, projet qui consiste à gravir les sept plus hauts sommets de la planète et d’y déposer un Hula Hoop, le symbole de son enfance volée. L’idée est d’inciter les femmes et les jeunes de son pays à dépasser les carcans de la société bangladaise Wasfia et son Hula Hoop 30-31_BM01_cahier_international_ok.indd 30-31 16/06/15 17:46
  • 17. 32 33 the ¬ juin 2015Portrait p o r t r a i t s t r e e t a r t Sculpter, détruire, déchirer, exploser… Des termes auxquels on ne pense pas forcément lorsqu’on parle de street-art. Pourtant, cette méthode permet de bousculer les codes de l’art et son questionnement de la société. Une philosophie qui a trouvé son ambassadeur à Lisbonne avec Vhils. Portrait d’un des artistes les plus novateurs de sa génération. Par Maxime Ruban texte ..... tard, HION, dans des dépôts de chemins de fer. Puis de ten- ter le pochoir : « je voulais créer quelque chose qui puisse parler à chacun, notamment les profanes. » Avant d’être un étudiant aux Beaux-Arts de la Central Saint Martins College of Art and Design à Londres en 2007, il étudie dans la meilleure école qui soit pour un artiste urbain : la rue. Depuis, l’adolescent a fait du chemin, ou plutôt des murs, car ils « absorbent l’histoire de leur ville, la reçoivent couche par couche. Mon idée n’est pas de couvrir ces différentes couches mais de les creuser pour les exposer. » En 2008, il connaît sa première consé- cration via Banksy qui l’invite à exposer à ses côtés au CANS festival. Un défi difficile : « quand tu travailles en extérieur, c’est pour attirer l’attention, quand tu travailles en intérieur, c’est plus introspectif et pour des connaisseurs. » Mais vu qu’il assure, son travail finit en couverture du Times... Portrait Street Art Projet Scratching the Surface Fondation EDP Disposable Utopia Series ©JPMore ©GalerieMagdaDanysz©IanCox ©RuiGaiola©AlexandreSilva vant d’en arriver à casser des murs à l’aide d’explosifs, d’acides ou de burins pour y dessiner des visages, Alexandre Farto – alias Vhils – a eu un parcours pour le moins aty- pique. Tout prend son origine dans le contexte politique et économique du Portugal, qui en 1986 devient le 12e État européen. Un an avant la naissance de Vhils. Malgré ses promesses, l’adhésion à la com- munauté économique européenne cause surtout une urbanisation massive. Les campagnes sont rasées au profit du ciment et Lisbonne devient une vraie métropole par l’expansion de sa banlieue. C’est donc au milieu des chantiers, de la pollution visuelle et sonore que ses idées créatrices prennent forme. A l’âge de 10 ans, il se lance dans le graffiti posant HOPIO puis, trois ans plus Rio de Janeiro, 2012 Lisbonne 2014 32-35_BM01_Vhils_ok.indd 32-33 16/06/15 17:46
  • 18. Portrait Portraitthe ¬ juin 2015 Portrait Street Art 34 35 Un homme face à la mondialisation L’idée principale du Lisboète est de littéralement creuser des portraits d’anonymes dans les murs, pour simplement « faire face à l’anonymat des gens qui habitent la ville. Avec la mondia- lisation, cet anonymat lie les villes entre elles, c’est un facteur commun. L’idée est d’humaniser l’espace urbain. » L’artiste questionne et remet en question notre modèle de développement. « Pourquoi n’y a-t-il pas de dialogue ? Pourquoi cet endroit est vide et cette personne sans rien ? Mon travail consiste à réfléchir sur ce modèle de développement globalisé qui ne se soucie pas des différences culturelles, linguistiques, économiques. » w Tel un archéologue, Vhils enquête auprès des habitants du quar- tier dans lequel il s’apprête à oeuvrer, avant d’entamer un dia- logue avec son support de création, qui ne se désagrège pas forcé- ment comme l’artiste l’avait imaginé : « l’idée que j’ai en tête, je sais dès le départ que cela ne sera pas le résultat final, mais ce que j’obtiens à la fin, c’est ce que je souhaitais dès le départ, à savoir que le mur raconte son histoire. » Un souhait qui traduit la crainte de voir tous les caractères culturels disparaître sous un amas de béton sans âme. Des bâtiments uniformisant même les valeurs de la société. « Veut-on perdre toutes nos différences et tendre vers l’uniformisation ? » Exemple à Shanghai, les grands projets de rénovation et la croissance démographique ont obligé des populations à quitter le centre-ville pour s’installer dans des tours en périphérie. Les réfractaires ont été passés à tabac sans procès. Un jour, Vhils arpente les rues d’un ancien quartier traditionnel et y trouve au milieu des décombres une famille qui n’a cessé de se battre pour garder son bien. L’artiste décide alors de graver le portrait de la petite fille de la famille sur un mur encore debout. Un portrait depuis repris par les médias locaux et utilisé par des associa- tions luttant contre la réurbanisation intensive. L’art qui se rend utile… Propos recueillis par Nicolas Jucha Une philosophie qui se ressent dans ses projets L’artiste se veut toujours plus audacieux en découvrant de nou- veaux supports : le métal, le bois, le polystyrène et même des affiches publicitaires. Ces dernières lui permettent d’interro- ger sur la place du capitalisme et les dégâts culturels qu’il pro- voque. Ce touche-à-tout a beaucoup voyagé. De Shanghai à Rio de Janeiro en passant par Paris, Moscou ou Londres, Vhils est un globe-trotter du street art. En travaillant les murs du monde entier, il a pu rendre compte d’une aseptisation des sociétés qui cédaient aux sirènes de la mondialisation. Le bien-être social des gens et les espaces publics doivent-ils être mis en danger par des intérêts financiers et la loi du marché ? Une question que Vhils a longtemps laissé mûrir dans un coin de sa tête : “C’est intéres- sant de voyager car ces couches tendent à se ressembler entre les différentes villes, je sensibilise donc à ce que cette évolution nous fait perdre : au nom du confort, on perd ce qui faisait notre dif- férence, notre identité culturelle.” Benfiquiste dans l’âme Si l’artiste aime remuer les valeurs capitalistes, il n’en reste pas moins un fan de football, du Benfica Lisbonne pour être précis. Et lorsque le choc contre Porto arrive – un PSG-Marseille saveur locale –, Vhils rappelle l’aspect sociétal. « Porto a été la capitale du Portugal avant Lisbonne ; Porto-Benfica, c’est le Nord du pays contre le Sud. C’est plus qu’une rivalité entre clubs, c’est une rivalité historique entre deux identités culturelles. » Mais c’est aussi selon lui le bon moment pour aller graffer sur un mur, la police comme l’ensemble de la société étant à l’arrêt pour regarder le match. Fondation EDP Fondation EDP Fondation EDP Fondation EDP ©BrunoLopes©RuiGaiola ©BrunoLopes ©RuiGaiola ©SilviaLopes ©DioramaSeries ©PatriciaDeMeloMoreira/AFP Fonfation EDP 32-35_BM01_Vhils_ok.indd 34-35 16/06/15 17:46
  • 19. HistoireTHE ¬ JUIN 2015 Cupidité et vengeance... Il ne faut pas exalter le pouvoir féminin en l’opposant à la lâcheté évidente de certains pirates. Les femmes pirates, bien qu’elles jouissent communément de plus grandes convictions, n’en avaient pas moins après le sang et l’argent. Marie-Ève Sténuit, historienne et archéologue, l’affirme. Les femmes allaient vers la piraterie « par nécessité ». « C’est pour survivre. Ce sont des filles dans la misère à une époque où il n’y a pas d’avenir pour les misérables. S’embarquer, c’est prendre son destin en main et essayer d’échapper à une vie désespérante. » Il existe des contre- exemples, comme Lady Killigrew, au XVIe siècle en Angleterre. « C’est une femme qui a une fortune, une position sociale et qui est simplement attirée par le gain et certainement par un petit grain d’aventure dans une vie trop rangée. » Patrick Villiers, professeur d’histoire, écrivain et vice-président à la Société française d’Histoire Maritime, pense que les femmes sont poussées vers la piraterie par le système légal lui-même. Il présente dans son livre l’histoire d’une « femme de planteur qui a été mariée 4 fois, veuve autant de fois, et dont le gouverneur exige absolument qu’elle se remarie une 5e . » Les femmes pirates les plus célèbres se seraient échappées de ce joug sociétal, d’où la légende du refus de soumission. Théorie qui inspire Nicolas Meylaender, auteur des trois tomes Shi Xiu, Femme pirate : « une femme qui se retrouve, au début du XIXe siècle, à la tête d’une flotte de plus de 60 000 hommes, c’est forcément intéressant, sachant qu’avant elle était prostituée. Cela laisse imaginer un parcours incroyable. » D’impératrice des mers à aubergiste, l’après-piraterie Bien que la piraterie éveille une vision proche de l’épopée, la vérité est bien plus sanglante, angoissante, dramatique et meurtrière. Tous les systèmes judiciaires l’ont considérée comme un fléau. Dès lors, comment réhabiliter un pirate à la vie civile ? Marie-Ève Sténuit donne l’exemple du « roi d’Angleterre, qui donne l’amnistie complète au XVIIIe siècle aux pirates des Caraïbes. À la même époque, en Chine, la dynastie des Qing échoue face à Madame Tsching, si bien que l’empereur utilise une dernière arme, la meilleure et la plus sage, proposer une amnistie totale », le pardon comme stratégie payante face à un ennemi invincible. Même la fameuse Madame Tsching accepte de se rendre après que ses propres lieutenants se soient ligués contre elle. L’empereur tenant parole, celle qui avait mis une nation à ses genoux se retrouve à tenir une auberge sur la plage, « de laquelle elle conduisait tout de même des activités illégales », affirme Marie-Ève Sténuit… Mais parfois, le besoin de liberté est trop fort, comme pour Mary Read et Anne Bonny, qui sévissaient le long des côtes mexicaines et jamaïquaines, au début du XVIIIe siècle. L’historienne raconte que « le jour où leur équipage a été pris, elles étaient les deux dernières à se battre. Au moment où tous les hommes se cachaient, elles étaient seules avec leurs sabres. » Histoire de défendre leur liberté, mais aussi de renforcer leur mythe. 36 37 Écumeuses des mers et pirates en corsages... les femmes pirates Cupidité et vengeance... Il ne faut pas exalter le pouvoir féminin en HISTORIENNE DE L’ART ET ARCHÉO- LOGUE — ELLE PRATIQUE NOTAMMENT L’ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE — MARIE- ÈVE STÉNUIT PARTICIPE À DES FOUILLES TERRESTRES AU PROCHE-ORIENT ET A DÉJÀ ÉCRIT CINQ OUVRAGES, DONT FEMMES PIRATES, ÉCUMEUSES DES MERS À RETROUVER AUX ÉDITIONS DU TRÉSOR. COMMENT EST ARRIVÉE CETTE PASSION POUR LES FEMMES PIRATES ? C’est en travaillant sur des archives que j’ai croisé la route des pirates, qui laissent bien évidemment des traces en perturbant le commerce maritime. C’est leur fonction MARIE-ÈVE STÉNUIT principale ! D’où mon intérêt pour ce sujet- là, pour ces femmes-là. EN TANT QUE FEMME, CES GUERRIÈRES VOUS TOUCHENT-ELLES ? Je les admire oui, parce que ce sont des femmes qui ont décidé de prendre en main leur destin. Cela se ressent dans tous mes livres. J’aime les gens qui ne se laissent pas imposer leur vie par le sort, par le destin. CE NE SONT POURTANT PAS DES MO- DÈLES  : BELLIGÉRANTES SANGUINAIRES ET VOLEUSES INSATIABLES. Pas plus que les pirates hommes ! C’est vrai, ce sont des hors-la-loi avec parfois des motivations très basses qui sont simplement la cupidité, l’appât du gain. Parfois il y a un petit peu plus derrière, et c’est ici que leur charme réside. À la sempiternelle question de la place histo- rique des femmes, les XVIIIe et XIXe siècles apportent une réponse absolue : de toutes époques et de toutes nationalités, des femmes pirates ont pris la mer, les armes et les navires pour se faire entendre. En 2015, leurs exploits continuent d’alimenter l’imaginaire des écri- vains et créateurs en tout genre. Découverte. Par Julien Mallet et Jordan Brest. Écumeuses des mers THE ¬ JUIN 2015Histoire ©Bibliohergé ve Sténuit, historienne et archéologue, l’affirme. Les femmes allaient vers la Bien que la piraterie éveille une vision proche de l’épopée, la vérité est bien plus sanglante, angoissante, dramatique et meurtrière. Tous les systèmes judiciaires ©ÉditionsduTrésorPorträteinerDameGerardterBorch.IllustrationPolineHarbali 36-39_BM01_femmes_pirates_ok.indd 36-37 16/06/15 17:48
  • 20. Histoire THE ¬ JUIN 2015THE ¬ JUIN 2015 Histoire Histoire THE ¬ JUIN 2015¬ JUIN 2015 HistoireTHE ¬ JUIN 2015 Anne Bonny et Mary Read : plus douces que leur figure de proue, plus dures que le métal de leur sabre Au-delà des jeux vidéos ou des films, les femmes pirates inspirent aussi les éditeurs de jeux de société. « Madame Ching : Jonques en mer de Chine » est l’un des derniers nés dans le domaine. Considéré comme un jeu d’explora- tion par ses créateurs, il vous propose de jouer via un plateau et d’incarner des forbans en quête de richesses et de gloire. L’objectif est simple : cumuler le plus de richesses – de simples pièces jusqu’aux objectifs annexes comme le contrôle du China Pearl – en fin de partie. Éditions Hurrican 2 à 4 joueurs, à partir de 8 ans. Durée: 40 minutes Prix: 30,00 € JEU DE SOCIÉTÉ 38 39 ©EditionsHurrican©ifeng ©ÉcoleAnglaisedePeinture,18èmesiècle Madame Tsching l’impératrice des mers chinoises Alors que les deux pirates sont régulièrement revisitées dans les créations d’aujourd’hui (présentes dans Assassin’s Creed: Black Flags et la série télévisée Black Sails), l’histoire de Mary Read et d’Anne Bonny est bien moins romantique. Tout oppose les deux femmes: Anne Bonny est lafilled’unhommeriche,tandis que la mère de Mary Read, dans une misère accablante, déguise sa fille pour toucher une aide financière. Les deux jeunes femmes passeront par une jeunesse émancipée de leurs parents, bien souvent en mauvaise compagnie, qui mèneraàlapiraterie.Autravers de combats, d’abordages et de butins conséquents, les deux pirates vivront le pinacle de leur carrière ensemble, dans un trio amoureux comprenant le légendaire – mais couard – pirate, Rackham le rouge. Lors d’une dernière bataille à la fin du XVIIIe siècle, où les hommes avaient forcé sur la bouteille de rhum, les deux compagnes furent capturées et jugées avec la hargne d’un gouvernement en échec. Condamnées à la pendaison, leurs destins semblaient scellés. Mary Read mourra en prison, selon les rapports, suite à des complications de l’enfant qui germait en elle. Anne Bonny, quant à elle, aurait réussi à attirer les grâces d’hommes puissants, très probablement son père, et aurait quitté toute illégalité pour se remarier et mener une vie juste. 39 JEANNE DE BELLEVILLE : LA LOI DU TALION EN EXÉCUTION Le destin de la pirate française Jeanne de Belleville est si tragique que l’histoire se prête à un roman digne des plus grandes histoires d’amour. Épouse d’Olivier de Clisson, fier serviteur de l’armée française capturé par les soldats britanniques au xive siècle et tué suite à une rumeur de trahison, Jeanne de Belleville est l’une des plus féroces pirates ayant sévi. La guerre de Cent Ans, l’exécution abusive de son mari et la passivité du pouvoir français de l’époque furent le terreau de sa rage, mue par un désir de vengeance sans précédant. D’abord sur Terre, où elle saccage et pille le camp de Charles de Blois – qu’elle juge responsable des rumeurs – la Tigresse bretonnecontinuerapidementsavendetta sur mer en envoyant par le fond tous naviresbattantpavillonfrançais.Sacarrière en piraterie, bien qu’intense, fut de courte durée après que le pouvoir français eut anéanti tout espoir de continuer la bataille. Réfugiée en Angleterre, elle terminera sa vie avec un fils devenu connétable de France, soit le plus grand chef des armées. La Lionne Sanglante aura marqué l’histoire de son empreinte âpre et vengeresse. Madame Tsching est l’une des pirates les plus célèbres et sa réputation est d’être viscéralement juste. Alors que les récits la font apparaître comme une prostituée relativement pauvre et misérable, tout change lorsqu’elle se marie avec un riche pirate. À la mort de celui-ci, elle se retrouve à la tête d’une flotte monumentale. Plus de 600 jonques, près de 60 000 hommes… La pirate a de quoi rivaliser avec un pays entier. Au-delà d’une petite armée, c’est aussi l’organisation de la pirate qui est célèbre. Avec tout un lot de règles qu’elle applique de façon intransigeante, elle régnera sur les mers chinoises pendant de nombreuses et fructueuses années. Malgré ses alliés partout sur terre dans les villages pêcheurs, l’empire chinois se montre de plus en plus impatient et livre une véritable guerre contre la pirate, qui résiste sans difficulté. Finalement, l’empereur de l’époque (xixe siècle) offre l’amnistie à tous les pirates, qui acceptent la sécurité offerte, profitant enfin de leurs trésors durement gagnés... illustrationdefond,photomontagedesplanchedelaBD«ShiXiu,reinedespirates»©EditionsFei 36-39_BM01_femmes_pirates_ok.indd 38-39 16/06/15 17:49
  • 21. 40 4140 41 2012est une année charnière. Apparu un an auparavant aux côtés de Leonardo Di Caprio dans le film J. Edgar de Clint Eastwood, Adam Driver intègre le casting de Girls, série pour ado qui lui offre une visibilité planétaire via le rôle d’Adam Sackler. Efficace même si le comédien n’en est pas très fier, à tel point que selon son beau-père Rodney Wright, interrogé par le Daily Mail, tous les proches sont interdits “de regarder cette série”. “Mais on regarde tous ses autres films” souligne Wright. Et il y a de quoi faire car avant d’incarner le petit ami prétentieux de l’héroïne de Girls, Adam Driver a connu une dizaine de tournages télé pour le petit et grand écran. Des champs de batailles aux studios de cinéma Un changement de vie complet pour celui qui s’était engagé dans les Marines après les attentats du 11 septembre 2001, à 22 ans, avant d’être démobilisé moins de trois ans après, suite à un accident de vélo et une grosse blessure au sternum. Et ainsi d’éviter des missions en Irak. Il troque alors son uniforme militaire pour les costumes d’acteur en entrant à la Julliard School de New York, école des arts du spectacle à la réputation internationale. Il y crée l’association Arts in the Armed Forces pour divertir les Marines avant d’entrer dans une dynamique vertueuse entamée dans The Unusuals en 2009. Adam Driver avale les marches qui le séparent du sommet par des rôles secondaires dans des séries cultes – New York, police judiciaire en 2010, New York, unité spéciales, deux ans plus tard – puis dans des longs métrages comme Inside Llewyn Davis (2013) aux côtés d’Oscar Isaac ou Justin Timberlake. Mais c’est bien depuis qu’il apparaît au casting de Girls que les studios américains se l’arrachent. Son futur s’écrit en lettres dorées entre le prochain Star Wars puis Midnight Special de Jeff Nichols et Silence de Martin Scorsese. Et le tout, en continuant Girls, cette opérette dont il a si honte... ADAM DRIVER des US Marines à Star Wars À contrecourant de son rôle dans la série Girls, Adam Driver va incarner l’un des “vilains” du prochain Star Wars : le réveil de la force. Portrait d’un acteur au talent aussi imposant que ses oreilles. Corentin Gouriou et Rafaëlle Laurence TEXTE ..... Adam Driver et sa femme Joanne Tucker à New York lors de la première de Girls par HBO le 5 janvier 2015. ©JamesMcCarthy/GettyImagesNorthAmerica/AFP Cinéma THE ¬ JUIN 2015CinémaTHE ¬ JUIN 2015 40-41_BM01_cinema_ok.indd 40-41 16/06/15 17:50
  • 22. 42 4342 43 La mode est- elle élitiste?Elle passionne et fait rêver, ses défilés sont réservés à une élite, plus rares encore sont ceux qui peuvent se l’offrir. La mode, que ce soit par ses événements privés, ses prix prohibitifs et la plastique de ses mannequins, donne parfois l’impression de vouloir entretenir un mythe et rester interdite aux profanes. Alors, la mode est­-elle snob ? Maëlle Gramond texte ..... ce serait le nombre d’acheteurs régu- liers de Haute Couture dans le monde. 1 236 000, c’était le nombre de lecteurs du magazine Vogue en 2012. Il y a un véritable fossé entre ceux qui aiment la mode et ceux qui peuvent réelle- ment la vivre. 200 John Galliano, Printemps/été 2015, Paris Fashion Week ©AFP Mode the ¬ juin 2015Modethe ¬ juin 2015 Du standing – les places debout en fond de salle – jusqu’au premier rang, toutes les places sont prises pour ce défilé Anne Sofie Madsen automne/­hiver 2015-2016. Un homme âgé s’est installé à proximité du podium. Pensant profiter des privilèges de son âge avancé, il voit pourtant une femme blonde lui subtiliser son siège après consultation avec les organisateurs. Sans provoquer la moindre indignation du reste du public car le carton d’invitation du vieil homme stipule bien « standing. » Jeune ou pas, il doit donc rester debout en dépit de sa mobilité réduite, car ici on n’est ni dans un bus ni dans un métro mais à la Fashion Week. Ici c’est la notoriété qui prime avec un premier rang pour personnes influentes. Pour le reste du monde, rentrer à la Fashion Week est déjà un privilège... « On n’éduque pas mais on partage seulement » « Il y a un côté élitiste pour la mode des défilés et des créateurs » admet le créateur indépendant Christophe Guillarmé. « Par moments, on pêche un peu par vanité et par snobisme. On peut dire que c’est un monde d’initiés. » Anecdote à l’appui : « une grande acheteuse de Hong Kong disait “on n’éduque pas mais on partage seulement” et je trouve ça assez horrible comme idée. Il y a toute une jeune génération qui a envie de la mode, c’est dommage de seulement la partager et de ne pas essayer d’expliquer pourquoi. » Auteur du livre La mode comme observatoire du monde qui change, Gérald Cohen se veut à contre­courant de la théorie d’un microcosme de la mode fermé sur lui-­même. « Si le monde de la mode était fermé il n’y aurait pas de création. » Lui qui travaille dans les relations publiques autour du luxe estime que « la mode précède et accompagne les évolutions de la société » quand Christophe Guillarmé la voit plutôt contrainte de s’ouvrir face à sa médiatisation, portée entre autres par l’émergence de blogueuses internationales comme Chiara Ferragni. ©DR Quand la mode devient un cirque Au rôle commercial de la Fashion Week, ­véritable vitrine du secteur­s’est greffé un aspect spectacle. Pendant une semaine, on y croise célébrités et toutes les excentricités vestimentaires possibles pour attirer les photographes de streetstyle. La célèbre journaliste de mode Suzy Menkes n’a pas hésité à qualifier la tendance de “cirque de la mode.” Pour elle, toute cette agitation a dénaturé l’événement, quand Christophe Guillarmé y voit un complément des défilés. « La mode vient de la rue et aujourd’hui, on le voit avec le streetstyle qui s’est développé et qui dépasse presque le côté front row du défilé. Pendant des années, on ne voyait pas la rue, et maintenant on la voit avec Instagram et tous les médias. C’est une manière de démocratiser la mode. » Démocratiser la mode par la télévision  ? Autre vecteur : le petit écran, une dynamique enclenchée aux États­-Unis quand la France a tenté l’expérience cette année avec Projet Fashion sur D8. Le programme présente des candidats qui tous les mardis soir ont un vêtement à réaliser avec des contraintes budgétaires, de matériaux et de temps, avant de faire défiler un mannequin portant leurs créations. Un concept simple mais au succès mitigé. Tous propos recueillis par M. G. christophe guillarmé : «  aux États­-Unis, il y a beaucoup d’émissions sur la mode comme Project Runway ou America’s Next Top Model et ce sont des émissions extrêmement fédératrices. En France, je ne sais pas si les gens choisis pour Projet Fashion vont permettre aux téléspectateurs de s’identifier. Je ne suis pas sûr que nous sommes dans le bon ton, c’est un peu cliché. » L’émission a du potentiel mais n’est pas assez pédagogique.« Il aurait fallu un Jean­-Paul Gaultier et là les gens auraient suivi parce qu’il est connu du grand public et a une vraie légitimité. Le vrai débat, c’est pourquoi la mode ne passionne pas le public français. La mode est quand même un métier ultra­important en France, alors j’espère qu’on y arrivera un jour [rires]. » Christophe Guillarmé entouré de ses mannequins à la fin du défilé Printemps/été 2015 42-43_BM01_mode_ok.indd 42-43 16/06/15 17:51
  • 23. Grand Angle 44 Grand Angle 45 ont osé partir à sa rencontre sans la protection d’une cage. Une méthode qui peut paraître dangereuse face au plus grand prédateur marin, fort d’une ouïe et d’un odorat ultra développés. « Si vous voulez attirer un requin blanc, la première chose à faire est de taper sur l’eau, de faire du bruit, il l’entendra de très loin … » explique l’océanologue. L’odorat passe par les molécules organiques véhiculées dans l’eau, que l’animal perçoit comme des goûts : « le courant transporte le goût, le requin croise ce courant puis le remonte pour arriver jusqu’à la source ». Un point commun avec l’homme ? Le sens du toucher, particulièrement sensible au niveau du museau et de ses flancs, lui permettant de connaître la nature de l’organisme qui lui fait face. Son don pour la chasse s’explique en partie par sa capacité à percevoir les très petits champs électromagnétiques et ainsi ressentir l’activité physique de ses proies même si elles tentent de se cacher. Dernier atout : maintenir sa température corporelle à 10 degrés au-dessus de la température de son milieu : « une température basse ralentit le métabolisme alors qu’avec une température élevée, notre activité musculaire est régulière donc on va très vite. Le requin est entre les deux, ni sang froid, ni sang chaud, c’est donc un atout par rapport aux poissons qu’il va chasser. » Le dialogue entre l’homme et le requin L’homme communique avec le requin avant même de plonger, dès qu’il tape sur l’eau pour l’attirer. L’animal, lui, peut s’exprimer par le positionnement de ses nageoires ou de son corps : nageoires à l’horizontale, il est calme, mais baissées, cela traduit une nervosité et donc une agressivité potentielle, comme l’a expérimenté le plongeur : « un requin est arrivé très vite sur moi, les nageoires baissées puis il m’a évité au dernier moment. Ce moyen d’intimidation est courant car le requin blanc n’a pas appris ce qu’est un plongeur qu’il considère plus comme un concurrent que comme une À SAVOIR… François Sarano est plongeur profession- nel et océanologue depuis 30 ans. Il a travaillé avec le commandant Cousteau, à bord du « Calypso » et a participé à la réalisation du film « Océans », sorti en 2010. Il anime des conférences dans le but de mieux faire connaître le monde marin pour nous apprendre à le préserver. À SAVOIR…À SAVOIR… 4545 THE ¬ JUIN 2015Grand AngleGrand AngleTHE ¬ JUIN 2015 « C’était en Afrique du sud, il y a maintenant 15 ans, avec des amis plongeurs qui, eux aussi, découvraient pour la première fois le grand requin blanc. Cette première rencontre a été pleine d’émotions, on ne savait pas du tout ce qui allait se passer. » Les années ont passé mais le souvenir reste intact pour François Sarano. « Nous étions très attentifs mais nous n’avions pas peur parce qu’avant de se mettre à l’eau nous avions ra-tio-na-li-sé. Cela veut dire que nous avions essayé d’analyser la situation en regardant les faits, en regardant ce que nous savions sur l’animal et non pas en écoutant les rumeurs. » Au risque de surprendre, ce plongeur passionné affirme que les accidents n’existent pas. Faux monstre sanguinaire Dans les années 70, Steven Spielberg dépeint un animal assoiffé de sang dans « Les dents de la mer ». Un mythe est né, il va nourrir toute une génération de cinéastes mais aussi alimenter une vision collective sans nuance : le requin est un monstre marin. 44 Une image que rejette François Sarano, même si l’imaginaire traduit une relation particulière entre l’Homme et l’animal : « c’est le dernier grand prédateur sur cette planète, le symbole le plus fort de cette nature sauvage, libre, indomptée, sur lequel l’homme n’a pas de prise, symbole de ce qu’on ne contrôle pas. » Mais si le requin fascine par cette impression qu’il donne de pouvoir broyer une vie en quelques secondes, son agressivité est en décalage avec la réalité. François Sarano fait partie de ceux qui Connaissons-nous vraiment le grand requin blanc ? Le plongeur et océanologue François Sarano combat les préjugés en plongeant à la rencontre du roi des océans. Entretien. Alexandra Colas TEXTE ..... ©StéphaneGranzotto ©AldoFerrucci ©DR VaVaV lse avava ec le grgrg arar ndrreeqquuiin blanana c proie ». La meilleure attitude à adopter : l’impassibilité. Car le requin, comme beaucoup de prédateurs, a l’habitude d’intimider et de faire fuir les autres animaux. « Si nous ne fuyons pas, il est un peu décontenancé ». Pour François Sarano, aller à la rencontre du grand requin blanc dans son milieu est un peu une manière de montrer la voie à suivre à l’ensemble de l’humanité, car « si tout le monde allait à la rencontre de ce qui lui fait peur, il y aurait beaucoup moins de problèmes dans ce monde. » Propos recueillis par A. C. 44-45_BM01_gdangle_ok.indd 44-45 16/06/15 17:51
  • 24. THE ¬ JUIN 2015Tous en Cène ! 46 47 THE ¬ JUIN 2015 La Cène version Big Mag est l’œuvre de Didier Marandin www.marandin.com Julien Mallet ses confrères moquent sa pingrerie. En même temps, si vous lui offrez des chouquettes, il bouffe même le sucre au fond du paquet. Maxime Ruban ami intime de C215 et JonOne. Il aime le street art mais le street art ne l’aime pas... Mathias Motrot incollable sur Roland Garros 2015, pile poil pendant le bouclage de ce magazine. Préfère claquer 500 pompes plutôt que 500 signes. Camille Ferrandon prête à offrir sa chasteté, ses économies et son bouledogue français à Benedict Cumberbatch. Et pourtant, à première vue elle semble normale... Swapna Sattentau re-forwarde plus de mails en une heure qu’elle n’écrit de feuillets en un mois. Rafaëlle Laurence du XIXème à Elancourt, elle ne sort jamais sans sa kalash et ses TN. Dans ses poches, tu trouveras surtout des mini-BN. Maëlle Gramond écrit sur la mode tout en portant perpétuellement des pulls à capuche. Costaud. Christie Marquigny sa spécialité, se lever du mauvais pied. Personne d’autre ne peut écrire 3000 signes sur les godemichets, alors on l’a gardée. Clémence Maillochon un matin, s’est pointée à 12h en disant « désolée, j’ai fêté la St-Patrick hier ». Malheureusement, chez elle, la St-Patrick c’est tous les jours. Alexandra Colas avant n’aimait que les gros chevaux, grâce au Big Mag elle aime aussi les gros poissons. Guillaume Blanchard 24h pour trouver un sujet, 48h pour trouver un titre, mais sinon un chic type qui passe ses week-ends en calbute sur SportCle.com Victor Boisson allo maman bobo, maman comment tu m’as fait chuis pas beau.. Corentin Gouriou une syntaxe à la maître Yoda, des punchlines à la Jean-Claude Vandamme. Adore les filles qui mangent bio. Andrea Chazy capable de se mettre à nu -au sens premier du terme- pour les besoins d’un tournage. Fan de Prodigy, Rocco Siffredi et Franck Annese, donc gros bordel dans sa tête. Jordan Brest ardennais, qui plus est de Charleville. Une moyenne de 18 blagues sur la consanguinité par heure et un gros Grec à chaque petit déjeuner. 1 2 3 4 5 6 7 8 q Nicolas Jucha aime l’Asie dans la vie et dans son lit. Il ne sort jamais sans son kimono tandis que sa fille le met souvent dans la merde, littéralement. 9 0 w e r t y 46-47_BM01_caricature.indd 46-47 16/06/15 17:51
  • 25. InterviewTHE BIG MAG ¬ JUIN 2015 1 48_BM01_ok.indd 1 16/06/15 17:52