Ingrid Kandelman, responsable de l'exploration futur(s) du travail chez thecamp, nous livre sa vision du travail demain pour les organisations et les individus, et des clés de succès pour tracer son chemin dans ces transformations à venir
1. ÉDITOS
INGRID
KANDELMAN
Le futur du travail est un thème à la mode. Des
séminaires professionnels aux cabinets de conseil
en transformation en passant par les évènements et
médias qui lui sont consacrés, impossible d’échapper
au phénomène « Future of work ».
Pourtant, le futur du travail est resté jusqu’ici une
idée assez décevante.
Souventparcequenouscherchonsàfaireautrement
en mobilisant les « façons de faire » d’hier, créant
autant d’injonctions paradoxales. Comment penser,
en effet, les nouveaux collectifs de travail ouverts
alors que notre culture est marquée par les limites
juridiques de l’entreprise ? Comment décréter
la créativité et l’innovation par les collaborateurs
après les avoir poussés à l’exécution sans remise en
question ? Comment penser le travail collaboratif
Responsable de l’exploration Futur(s) du travail thecamp
Ingrid est une de ces personnes avec qui je me suis
tout de suite sentie des atomes crochus. Son envie
d’emmener chacun vers cette destination encore
inconnue qu’est le futur du travail m’a beaucoup
parlé. Le travail qu’elle fait au quotidien à The Camp,
en emmenant les grands groupes sur les sentiers
inexplorés du travail de demain, est d’utilité publique.
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2. alors que les réflexes de protection (notamment la
rétention d’information) sont toujours aussi forts ?
Difficile de ne pas comprendre, dans ce contexte,
le désengagement grandissant des salariés, un
désengagement dont les répercussions sont bien
réelles puisque selon l’Institut Sapiens, le coût caché
de l’absentéisme au travail en France serait de 107
Milliards d’euros en France, soit presque 5% du PIB.
Ensuite,parcequedesidéesreçuescomme«demain
tous automatisés », « demain tous indépendants »,
« demain, le tout collaboratif » deviennent tellement
répandues que les organisations cherchent plus à
s’adapter à ces tendances qu’à dessiner leur propre
trajectoire de besoin.
Enfin, parce que paradoxalement, le futur du travail
semble être victime de son succès. Plus on en
parle et moins il semble évident d’y voir clair. Le
sujet a été tellement abordé que certains discours
nous viennent directement à l’esprit au moment
de questionner la manière dont nous travaillerons
demain. Ainsi, nourrie par les grands récits radicaux
du tout automatisation, de la singularité ou de la
société du loisir, notre vision du futur du travail est
bloquée, obstruée par des projections certes très
sensationnelles mais largement inopérantes.
Comment inverserla logique à l’heure où l’entreprise
fait face au besoin urgent de se réinventer ?
Comment rendre le futur du travail souhaitable ?
Une piste pourrait être de développer et diffuser
une nouvelle culture du travail.
Aujourd’hui, personne n’apprend vraiment à
travailler, dans ce que cela engage avec « les
autres » (et c’est d’ailleurs bien ce dont chacun se
plaintauquotidien !).Onseformeàdescompétences
techniques, éventuellement cognitives.
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3. Mais la question de savoir comment on pourrait
travailler, et comment on voudrait travailler, restent
des points aveugles de nos cursus.Travaillerdemain,
cela passera sans doute par une capacité de chacun
à pouvoir s’adapter à différents environnements,
différentes cultures du travail.
On passera de la startup au grand groupe, on
cumulera de plus en plus un statut de salarié avec
celui de freelance. Il faudra maîtriser les codes et
les cultures de ces différents cadres. Voire même
être capable de proposer de nouvelles pratiques de
travail en collectif à son employeur quand le besoin
s’en fera ressentir.
Et surtout, il faudra que l’on soit capable de savoir ce
dont on a envie et comment y parvenir. Il y a donc
un enjeu majeur à ce que chacun développe une
capacité à se saisir et à agir sur ses pratiques de
travail, à les faire évoluer, à inventer et décider des
modalités adaptées à ses objectifs et au contexte.
Il est primordial que chaque travailleur sache que
l’organisation pyramidale est loin d’être le seul
modèle organisationnel existant, qu’il est possible
de s’organiser en tribus, en cercles, de manière
horizontale ou en réseau. Et que chaque modèle a
ses avantages, et ses inconvénients.
Il est primordial qu’ils sachent que les décisions
peuvent être prises de différentes façons et qu’ils
aient conscience de leurs biais cognitifs ; qu’ils soient
conscients que la manière dont nous organisons
aujourd’hui le travailentre nous, dont nous l’évaluons,
le reconnaissons, n’est qu’un possible parmi un infini
de systèmes.
Et ces logiques ne doivent pas concerner que
les managers ! Bien au contraire ! Elles doivent
concerner tous ceux qui travaillent. Ensemble.
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4. Porter un nouveau regard sur son travail, et sur le
« travailler ensemble » est un facteur fondamental
dans l’équilibre de nos sociétés, pour ne pas subir les
transformations que nous connaissons aujourd’hui,
et pour ne laisser personne sur la route.
Tous les acteurs de l’emploi – les entreprises, les
collaborateurs, les pouvoirs publics…- y ont un rôle
à jouer.
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