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Croissance,
compétitivité, Emploi,
pourquoi ça ne peut
pas marcher !

Frédéric Lutaud
Membre du bureau national
du Parti Socialiste

2013
	
  

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Croissance, compétitivité, emploi,
pourquoi ça ne peut pas marcher !
Par Frédéric Lutaud membre du Bureau national du Parti socialiste

Le Parti socialiste a repris à son compte les préceptes économiques hérités d’une
pensée économique libérale. Le pacte croissance, compétitivité, emploi ne peut aboutir
qu’à la désillusion politique et aux désaveux de son électorat. Le gouvernement laisse
entendre que la croissance, garantie de la prospérité nationale, sera obtenue au prix de la
compétitivité de nos entreprises avec pour bénéfice l’embauche massive de salariés. Ce
serait la martingale pour résorber le chômage de masse. Malheureusement, la logique
apparente de ce raisonnement est totalement erronée. Pire encore, la croissance et la
compétitivité ne peuvent qu’aggraver le situation de l’emploi et dégrader nos conditions
de vie. C’est ainsi que le remède ne fera qu’empirer le mal. En fondant sa politique de
relance sur un schéma de pensée dépassé, la France court à sa perte, entrainant avec elle
ses partenaires économiques dans une surenchère suicidaire pour l’économie mondiale.

Le mythe de la croissance
Pourquoi la croissance n’est-elle pas un objectif ? Quand nous parlons de
croissance nous parlons de croissance du PIB, autrement dit de la croissance de valeur
ajoutée sur les biens et les services produits sur le territoire national. La croissance est
donc un indicateur marchand qui ne rend pas compte de ce qui échappe à la transaction
financière. Par exemple, une association de parent d’élèves qui donnent gratuitement des
cours de soutien à des enfants en difficultés ne rentre pas dans le PIB. Par contre, « les
embouteillages peuvent accroître le PIB puisqu'ils entraînent une augmentation de la
consommation d'essence, mais pas le bien-être1 ». Par conséquent, la croissance du PIB
ne distingue pas les activités qui dégradent notre environnement et nos conditions de vie
de celles qui les améliorent, mais elle ne prend pas, non plus, en compte les biens gratuits
fournis par les services publics ou le bénévolat. Tout ce qui fait la richesse de la solidarité
nationale Républicaine en est écarté. La croissance ne renseigne en rien sur le bien-être
social de nos concitoyens et ne peut servir de boussole économique.
La croissance n’est pas non plus la garantie d’une bonne répartition des richesses.
On peut très bien avoir une forte croissance avec une faible redistribution des richesses
qui ne profite qu’à une minorité, comme on peut avoir une croissance faible et une forte
redistribution des richesses au bénéfice de toute la population.
La croissance du PIB s’avère donc un indicateur obsolète quand il s’agit de savoir si
nous devons produire autrement ou, simplement, si nous produisons déjà suffisamment.
Et si nous produisions déjà trop et que la question était plutôt d’orienter notre production
vers la satisfaction des besoins sociaux ? La croissance aveugle du PIB ne nous le dit pas.
Mais une chose est certaine, si nous mettons en œuvre la société durable dont nous avons
impérativement besoin pour surmonter la crise écologique, autrement dit une économie
de la sobriété énergétique, du recyclage, de la chasse au gaspillage et aux surplus
alimentaires, de la rationalisation des transports collectifs, de la fin de l’obsolescence
programmée et de la surconsommation… cela se traduira immanquablement par un

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
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Rapport Stiglitz, Mesurer la croissance autrement, 2009.

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déficit de croissance selon les critères du PIB. Donc, exit la croissance verte qui, en soi, est
une contradiction dans les termes. En abandonnant de l’idée de croissance, nous pouvons
adopter un autre modèle de développement fondé sur l’optimisation des ressources et la
répartition des richesses et du travail. Aujourd’hui, l’obstination des gouvernements à
courir après la croissance n’a d’égal que leur incapacité à formuler un projet de
transformation sociale.
Une absence de projet

Relancer la croissance aujourd’hui revient à relancer la consommation intérieure
qui représente 58% du PIB français. Quoi qu’on dise, c’est une pression supplémentaire
sur les ressources naturelles qu’on nous demande d’exercer alors que la crise écologique
nous invite à sortir du consumérisme pour adopter un modèle de développement
durable. Mais encore, relancer la consommation pour consommer quoi ? La question
mérite d’être posée quand les marchés sont saturés depuis les années soixante. La
majorité des ménages sont équipés de télévisions, machines à laver, grille-pains, voitures,
téléphones portables, etc. La révolution informatique a fait rentrer dans les foyers un
équipement déjà surpuissant pour les besoins du particulier. Certes, il faut faire en sorte
que tout le monde accède aux biens de consommations courants. Seulement, l’ensemble
de la société n’a pas pour seul but de nourrir le feu de la consommation, mais d’offrir une
qualité de vie en harmonie avec le développement personnel de chacun. En épousant
l’idéologie de la croissance, notre société dissimule son absence de projet.
La croissance, ni soutenable, ni souhaitable

Bien sûr, des investissements d’avenir doivent être effectués : énergies
renouvelables, biotechnologies, nano technologies, intelligence artificielle, recherche &
développement en tout genre… Mais leur finalité doit être double, d’une part économiser
de la matière première et du temps de travail. Avec l’amélioration des outils de
production comme celui des matériaux, nous supprimons des taches ingrates et
répétitives tout en soulageant la pression sur les ressources naturelles ce qui ne générera
pas de croissance du PIB. D’autre part, améliorer notre qualité de vie et notre santé ne
générera pas non plus de croissance du PIB dans la mesure où cela implique une
consommation moindre, mieux adaptée et responsable. Là encore, le dogme de la
croissance rentre en total contradiction avec les enjeux de notre époque.
Pour finir, nous nous contenterons
de rappeler les faits. Retrouver les taux de
croissance que nous avons connu durant
les Trente glorieuses est impossible. La
France est reconstruite et les grands
chantiers industriels (trains, réseaux
routiers,
télécommunications…)
sont
achevés. Le taux de croissance ne fait que
décliner depuis 1960. C’est courir après
une chimère que d’espérer renouer
aujourd’hui avec une croissance soutenue
rencontrée dans certains pays en
développement.

Croissance du PIB depuis 1960
Source Insee

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Aussi, devons-nous garder à l’esprit que les points de croissance que nous exigeons
chaque année ne sont pas ceux de l’année précédente2. La croissance suit une évolution
exponentielle. C’est donc à une surenchère permanente que se trouve confrontée notre
capacité de production. Comme dit le physicien Albert A. Bartlett : « Une des grandes
faiblesses de la race humaine, c'est son incompréhension de la fonction
exponentielle ». Une croissance élevée n’est tout simplement pas soutenable ni du point
de vue économique ni du point de vue écologique.

Mirage de la compétitivité
La compétitivité est devenu le maître-mot de la politique économique, à droite
comme à gauche. Que la droite souhaite mettre en compétition les travailleurs du monde
entier pour tirer les salaires vers le bas et augmenter les profits, cela se comprend
aisément. Mais que la gauche reprenne à son compte un tel concept a de quoi choquer.
En adoptant la rhétorique de la « compétition », elle renonce aux valeurs fondatrices de
son identité : « la coopération » et la « solidarité ». Le coût du travail serait devenu trop
important pour l’entreprise, cautionnant par là-même ce pernicieux déplacement
sémantique qui rebaptise les « cotisations sociales » en « charges sociales ». Nos sociétés
modernes ont pourtant fixé un prix au travail, c’est le prix de la dignité humaine. Chaque
travailleur a le droit à une couverture maladie, une indemnisation chômage et une
allocation retraite, qu’il est souhaitable de percevoir quand nous sommes encore en
bonne santé. Ces acquis sociaux ne sont pas une charge mais bien le prix à payer pour
échapper à la barbarie du capitalisme. Mettre en compétition le prix du travail avec des
pays qui n’ont pas encore obtenu ces protections sociales, ou dont les régimes
autoritaires encouragent l’esclavage salarial, est une impasse qui revient à tourner le dos
au principe de civilisation.
La compétitivité se révèle d’autant plus une impasse que, non seulement, « le coût
horaire du travail en 2008 — dernière année de comparaison disponible — dans l’industrie
manufacturière française est inférieure à celui de l’Allemagne (33,16 euros contre
33,37 euros), mais la productivité par personne est en France l’une des meilleures
d’Europe : elle est de 21 % supérieure à la moyenne de l’Union à vingt-sept et de 15 %
supérieure à celle de l’Allemagne3 ». Par conséquent, la stratégie systématique de baisse
continue du coût du travail entraine les pays industrialisés dans la spirale de la déflation
salariale, privant ainsi la consommation intérieure de son pouvoir d’achat, avec pour voie
de conséquence la diminution des importations. Gagner en compétitivité est donc une
victoire à la Pyrrhus. Les parts de marché gagnées à l’étranger se feront au détriment des
travailleurs des pays concernés qui consommeront moins, privant de débouchés nos
exportations. L’univers concurrentiel généré par l’idéologie de la compétitivité ne fait que

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
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« Au cours des quinze années « tristes » qui vont de 1980 à 1995, la France a connu une
croissance moyenne de 2 % l’an. Ce chiffre qui paraîtra dérisoire à certains représente pourtant une
hausse de près du tiers de la production nationale : c’est par exemple la même hausse que celle
qu’a connue la France tout au long du XVIIIe siècle ! », Daniel Cohen, Richesse du Monde, Pauvreté
des Nations, 1997.
3
Industrie, socle de la puissance, Laurent Carroué, directeur de recherche à l’Institut français de
géopolitique (IFG, université Paris-VIII), Monde Diplomatique, Mars 2012.

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déplacer le problème comme une patate chaude que chaque nation se repasserait dans
une fuite en avant suicidaire pour l’économie mondiale.
L’Allemagne n’y arrive pas, pourquoi faire pareil ?

Reste maintenant la compétitivité hors prix, autrement dit la capacité d’innovation
des entreprises et la performance des outils de production. Le débat fait rage pour sortir
l’industrie française de son déclin face à l’Allemagne et la croissance des pays émergeants
qui se positionnent de plus en plus sur les produits haut-de-gamme. Là encore nous
sommes confronté à une impasse.
Le modèle allemand repose sur la délocalisation massive de sa production bas de
gamme dans les pays de l’est pour se concentrer sur une production nationale haut de
gamme. Est-ce que la France doit souscrire à ce genre de pratiques pour concurrencer
son voisin outre-Rhin ? Sans compter que la méthode reste insuffisante. Pour être
compétitifs avec l’industrie allemande, nous devons moderniser notre appareil productif.
Nous avons actuellement deux fois moins de robots qu’en Allemagne, qu’en Italie ou aux
Etats-Unis. Que se passera-t-il quand nous rattraperons notre retard ? Le gouvernement a
annoncé son plan de relance de 33 millions d'euros pour mettre à niveau l'appareil
productif Français. Les conséquences sont évidentes : la robotisation, qui augmentera la
productivité horaire, causera la destruction de nombreux emplois.
L’Allemagne avec ses 200 milliards d’excédent commercial affiche malgré tout un
taux de chômage de 5,4 % en 2013, contre 11% pour la France. Mais ce chiffre dissimule
un taux de précarité record. Dans ce pays qui n’a pas de smic, un emploi sur trois est
désormais à temps partiel ou un CDD, un souvent un emploi subit. 2,5 millions de
personnes sorties des statistiques du chômage travaillent pour 5€ de l’heure. L’Allemagne
a fait le choix de la déflation salarial, autrement dit celui des travailleurs pauvres. Elle
masque son déficit d’emplois par une dérèglementation du marché du travail.
Si la première puissance industrielle d’Europe est confrontée aux mêmes
problèmes sociaux, comment pourrions espérer réussir avec les mêmes recettes, là où elle
échoue ? C’est bien la démonstration que la compétitivité n’est en rien la solution qui
permettra de renouer avec le plein-emploi.

Quand l’emploi va mal, tout va mal
Le fond du problème reste la crise de l’emploi. Tant que le travail restera le moyen
de gagner sa vie, le devoir de nos sociétés impose de créer les conditions du pleinemploi, sans quoi nous nous résignons à condamner à l’exclusion sociale une partie de la
population et aucune politique sécuritaire ne saurait contenir indéfiniment la colère des
peuples confrontés à l’injustice. Pourtant la France manque à son devoir depuis les années
1980. Le chômage de masse gangrène l’ensemble des sociétés industrialisées comme
une fatalité insurmontable. Le fait que nous n’échappions pas à la conjoncture mondiale
n’a rien de satisfaisant. Plus de 9 millions de Français, soit près d’un tiers de la population
active, sont à la recherche d’un emploi permettant de vivre dignement, un chiffre qui
comptabilise les chômeurs, les emplois partiel subits, les RSA et les découragés4. Tel est le
constat affligeant d’une société qui n’a jamais été aussi riche et aussi développée de son
histoire.

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
4

	
  Source	
  Insee/Dares	
  

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Les vraies causes du chômage

Comment apporter un revenu digne à chacun quand il n’y a pas assez de travail
pour tout le monde ? Il manque des emplois, et bien que 91 % des actifs soient salariés et
que le CDI reste la norme, déjà les entreprises multiplient les temps partiels et les CDD.
On peut considérer que l’intégralité de la progression de l’emploi depuis les années 1982
correspond à des formes d’emplois précaires, partiels, souvent sous-payés. La cause en
est simple : dans nos économies évoluées, nous produisons toujours plus avec toujours
moins de travail humain. Le développement des forces productives économise de la main
d’œuvre dans tous les compartiments de l’activité économique, du coup les entreprises
considèrent les ressources humaines comme la variable d’ajustement. Si la modernité
créée de nouveaux emplois pour répondre à de nouveaux besoins, ceux-ci ne
compensent pas les emplois détruits par les gains de productivité. Il n’y a pas d’effet
compensatoire. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les chiffres de l’Insee à la
disposition de tous. Depuis 1950, les gains de productivité ont économisé environ 10%
d’heures travaillées tandis que la croissance a augmenté de 1000%. La croissance n’est
donc pas la solution contrairement à ce que raconte la vulgate économique.
L’aveuglement de nos dirigeants sur le sujet est consternant. Les yeux rivés sur le
compteur de la croissance, ils ne voient pas la sortie de route qui nous mènera dans le
mur.
La révolution informatique a largement modifiée le paysage du marché de l’emploi
en généralisant le temps partiel, le travail à distance, la sous-traitance. Tous les
économistes s’accordent à dire que la « 3e économie » permise par la mise en réseau à
grande échelle et le haut débit va marquer un nouveau tournant dans l’efficacité
productive, jusque dans les services. Le modèle « collaboratif » devient la norme pour nos
entreprises et supprime inexorablement de nombreux emplois chez les cols blancs, dans
les banques, les assurances, les secteurs de la vente en gros et au détail, de la
comptabilité, des centres d’appels… aussi sûrement que l’automatisation a décimé la
classe ouvrière occidentale.
Des conséquences sociales néfastes

Parallèlement, l’intensification des rythmes professionnels et la pression exercée
par la peur du chômage se traduit par une souffrance au travail dans les entreprises qui a
pris des proportions inquiétantes. Allons-nous continuer longtemps à ignorer un
problème de société qui touche en France quatre salariés sur dix avec des répercussions
importantes en pertes de qualité, en augmentation des arrêts maladie, en absentéisme et
en turnover ? La productivité horaire française qui est l’une des meilleures au monde est
révélatrice des cadences particulièrement soutenues. Les nouvelles technologies
accentuent la pression et le surmenage intellectuel.
Quant à l’accélération des rythmes de vie, elle entraîne un état de somnolence qui
touche un Français sur cinq. Près d’un tiers des Français dorment 6 heures ou moins par
nuit, quand un repos de 7 à 8 heures est préconisé. Nos performances économiques et
nos modes de vie contemporains s’accompagnent ainsi d’un stress dont les risques pour
la santé psychique sont de plus en plus importants.
Au-delà des approches comptables sur les dégâts économiques et sanitaires
enregistrés par l’inspection du travail, se pose la question de notre appartenance à la
collectivité des actifs, donc des modalités de notre vivre ensemble au sein même de
l’entreprise. Il faut que l’organisation du travail soit reconnue et traitée, enfin, comme un
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problème politique à part entière, qui n’est réductible à aucun autre. Nous touchons, ici, à
un enjeu de société qui dépasse largement celui de la pénibilité physique, le rapport de
l’OCDE 2011 a décrété « la santé mentale » comme « le nouveau défi prioritaire pour le
marché du travail ».
Pour toutes ces raisons invoquées, nous devons mettre l’accent prioritaire sur une
autre répartition de l’activité économique qui appelle à une baisse significative de la
durée légale du temps de travail et à une transformation de la façon dont les hommes
travaillent. Encore un domaine où la gauche de gouvernement a depuis trop longtemps
démissionné.

Mobiliser l’intelligence collective
Le fantasme d’une société qui soudainement se mettrait à créer un surplus de
richesses permettant de résorber le chômage de masse ne fait qu’aggraver la situation. La
croissance n’est pas la solution et elle n’est pas soutenable. La compétitivité de l’appareil
productif ne fera qu’accélérer le déclin du volume d’heures travaillées. En refusant de
regarder la réalité en face, non seulement nous faisons fausse route mais nous alimentons
une idéologie en complète contradiction avec les solutions que seule la gauche peut
apporter à la crise : la coopération, le partage des richesses et la justice sociale.
L’ignorance des vérités économiques les plus élémentaires met en péril tout l’édifice
social. L’appauvrissement et l’exclusion d’une part croissante de la population ont toujours
été le lisier de l’extrême-droite dont le score électoral ne cesse de progresser. Quand la
concurrence généralisée engendre un tel climat d’insécurité, les nationalismes et les
communautarismes refont surface, tandis que les décisions courageuses ne sont pas
prises. Nous devrions diminuer le temps le travail pour mieux le répartir, développer une
économie du temps libre, lutter contre la souffrance au travail et harmoniser sa législation
pour une Europe sociale, encadrer les salaires, planifier d’urgence une transition
écologique à grande échelle, lancer un programme de coopération ambitieux pour venir
en aide aux pays du Sud… Sans oublier l’enjeu central que représente la remise en cause
de notre invraisemblable modèle de création monétaire. Celui-ci constitue une prise en
otage de l’activité économique par les marchés financiers, acculant les Etats à
l’endettement permanent avec pour ultime reddition la détérioration de nos acquis
sociaux.
Seulement, mobiliser l’intelligence collective devient impossible quand les
orientations sont prises en dépit du bon sens. Comment associer la population aux
décisions démocratiques quand chacun est prisonnier de sa charge de travail tandis que
des millions de chômeurs cherchent désespérément un emploi ? Cette perte de sens
contamine la nature même des rapports sociaux et ne peut déboucher que sur des conflits
politiques ou militaires qui pourraient bien tout emporter.
Frédéric Lutaud,
Membre du bureau national
du Parti socialiste, 2013

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  • 1. Croissance, compétitivité, Emploi, pourquoi ça ne peut pas marcher ! Frédéric Lutaud Membre du bureau national du Parti Socialiste 2013   1  
  • 2. Croissance, compétitivité, emploi, pourquoi ça ne peut pas marcher ! Par Frédéric Lutaud membre du Bureau national du Parti socialiste Le Parti socialiste a repris à son compte les préceptes économiques hérités d’une pensée économique libérale. Le pacte croissance, compétitivité, emploi ne peut aboutir qu’à la désillusion politique et aux désaveux de son électorat. Le gouvernement laisse entendre que la croissance, garantie de la prospérité nationale, sera obtenue au prix de la compétitivité de nos entreprises avec pour bénéfice l’embauche massive de salariés. Ce serait la martingale pour résorber le chômage de masse. Malheureusement, la logique apparente de ce raisonnement est totalement erronée. Pire encore, la croissance et la compétitivité ne peuvent qu’aggraver le situation de l’emploi et dégrader nos conditions de vie. C’est ainsi que le remède ne fera qu’empirer le mal. En fondant sa politique de relance sur un schéma de pensée dépassé, la France court à sa perte, entrainant avec elle ses partenaires économiques dans une surenchère suicidaire pour l’économie mondiale. Le mythe de la croissance Pourquoi la croissance n’est-elle pas un objectif ? Quand nous parlons de croissance nous parlons de croissance du PIB, autrement dit de la croissance de valeur ajoutée sur les biens et les services produits sur le territoire national. La croissance est donc un indicateur marchand qui ne rend pas compte de ce qui échappe à la transaction financière. Par exemple, une association de parent d’élèves qui donnent gratuitement des cours de soutien à des enfants en difficultés ne rentre pas dans le PIB. Par contre, « les embouteillages peuvent accroître le PIB puisqu'ils entraînent une augmentation de la consommation d'essence, mais pas le bien-être1 ». Par conséquent, la croissance du PIB ne distingue pas les activités qui dégradent notre environnement et nos conditions de vie de celles qui les améliorent, mais elle ne prend pas, non plus, en compte les biens gratuits fournis par les services publics ou le bénévolat. Tout ce qui fait la richesse de la solidarité nationale Républicaine en est écarté. La croissance ne renseigne en rien sur le bien-être social de nos concitoyens et ne peut servir de boussole économique. La croissance n’est pas non plus la garantie d’une bonne répartition des richesses. On peut très bien avoir une forte croissance avec une faible redistribution des richesses qui ne profite qu’à une minorité, comme on peut avoir une croissance faible et une forte redistribution des richesses au bénéfice de toute la population. La croissance du PIB s’avère donc un indicateur obsolète quand il s’agit de savoir si nous devons produire autrement ou, simplement, si nous produisons déjà suffisamment. Et si nous produisions déjà trop et que la question était plutôt d’orienter notre production vers la satisfaction des besoins sociaux ? La croissance aveugle du PIB ne nous le dit pas. Mais une chose est certaine, si nous mettons en œuvre la société durable dont nous avons impérativement besoin pour surmonter la crise écologique, autrement dit une économie de la sobriété énergétique, du recyclage, de la chasse au gaspillage et aux surplus alimentaires, de la rationalisation des transports collectifs, de la fin de l’obsolescence programmée et de la surconsommation… cela se traduira immanquablement par un                                                                                                                 1 Rapport Stiglitz, Mesurer la croissance autrement, 2009. 2  
  • 3. déficit de croissance selon les critères du PIB. Donc, exit la croissance verte qui, en soi, est une contradiction dans les termes. En abandonnant de l’idée de croissance, nous pouvons adopter un autre modèle de développement fondé sur l’optimisation des ressources et la répartition des richesses et du travail. Aujourd’hui, l’obstination des gouvernements à courir après la croissance n’a d’égal que leur incapacité à formuler un projet de transformation sociale. Une absence de projet Relancer la croissance aujourd’hui revient à relancer la consommation intérieure qui représente 58% du PIB français. Quoi qu’on dise, c’est une pression supplémentaire sur les ressources naturelles qu’on nous demande d’exercer alors que la crise écologique nous invite à sortir du consumérisme pour adopter un modèle de développement durable. Mais encore, relancer la consommation pour consommer quoi ? La question mérite d’être posée quand les marchés sont saturés depuis les années soixante. La majorité des ménages sont équipés de télévisions, machines à laver, grille-pains, voitures, téléphones portables, etc. La révolution informatique a fait rentrer dans les foyers un équipement déjà surpuissant pour les besoins du particulier. Certes, il faut faire en sorte que tout le monde accède aux biens de consommations courants. Seulement, l’ensemble de la société n’a pas pour seul but de nourrir le feu de la consommation, mais d’offrir une qualité de vie en harmonie avec le développement personnel de chacun. En épousant l’idéologie de la croissance, notre société dissimule son absence de projet. La croissance, ni soutenable, ni souhaitable Bien sûr, des investissements d’avenir doivent être effectués : énergies renouvelables, biotechnologies, nano technologies, intelligence artificielle, recherche & développement en tout genre… Mais leur finalité doit être double, d’une part économiser de la matière première et du temps de travail. Avec l’amélioration des outils de production comme celui des matériaux, nous supprimons des taches ingrates et répétitives tout en soulageant la pression sur les ressources naturelles ce qui ne générera pas de croissance du PIB. D’autre part, améliorer notre qualité de vie et notre santé ne générera pas non plus de croissance du PIB dans la mesure où cela implique une consommation moindre, mieux adaptée et responsable. Là encore, le dogme de la croissance rentre en total contradiction avec les enjeux de notre époque. Pour finir, nous nous contenterons de rappeler les faits. Retrouver les taux de croissance que nous avons connu durant les Trente glorieuses est impossible. La France est reconstruite et les grands chantiers industriels (trains, réseaux routiers, télécommunications…) sont achevés. Le taux de croissance ne fait que décliner depuis 1960. C’est courir après une chimère que d’espérer renouer aujourd’hui avec une croissance soutenue rencontrée dans certains pays en développement. Croissance du PIB depuis 1960 Source Insee 3  
  • 4. Aussi, devons-nous garder à l’esprit que les points de croissance que nous exigeons chaque année ne sont pas ceux de l’année précédente2. La croissance suit une évolution exponentielle. C’est donc à une surenchère permanente que se trouve confrontée notre capacité de production. Comme dit le physicien Albert A. Bartlett : « Une des grandes faiblesses de la race humaine, c'est son incompréhension de la fonction exponentielle ». Une croissance élevée n’est tout simplement pas soutenable ni du point de vue économique ni du point de vue écologique. Mirage de la compétitivité La compétitivité est devenu le maître-mot de la politique économique, à droite comme à gauche. Que la droite souhaite mettre en compétition les travailleurs du monde entier pour tirer les salaires vers le bas et augmenter les profits, cela se comprend aisément. Mais que la gauche reprenne à son compte un tel concept a de quoi choquer. En adoptant la rhétorique de la « compétition », elle renonce aux valeurs fondatrices de son identité : « la coopération » et la « solidarité ». Le coût du travail serait devenu trop important pour l’entreprise, cautionnant par là-même ce pernicieux déplacement sémantique qui rebaptise les « cotisations sociales » en « charges sociales ». Nos sociétés modernes ont pourtant fixé un prix au travail, c’est le prix de la dignité humaine. Chaque travailleur a le droit à une couverture maladie, une indemnisation chômage et une allocation retraite, qu’il est souhaitable de percevoir quand nous sommes encore en bonne santé. Ces acquis sociaux ne sont pas une charge mais bien le prix à payer pour échapper à la barbarie du capitalisme. Mettre en compétition le prix du travail avec des pays qui n’ont pas encore obtenu ces protections sociales, ou dont les régimes autoritaires encouragent l’esclavage salarial, est une impasse qui revient à tourner le dos au principe de civilisation. La compétitivité se révèle d’autant plus une impasse que, non seulement, « le coût horaire du travail en 2008 — dernière année de comparaison disponible — dans l’industrie manufacturière française est inférieure à celui de l’Allemagne (33,16 euros contre 33,37 euros), mais la productivité par personne est en France l’une des meilleures d’Europe : elle est de 21 % supérieure à la moyenne de l’Union à vingt-sept et de 15 % supérieure à celle de l’Allemagne3 ». Par conséquent, la stratégie systématique de baisse continue du coût du travail entraine les pays industrialisés dans la spirale de la déflation salariale, privant ainsi la consommation intérieure de son pouvoir d’achat, avec pour voie de conséquence la diminution des importations. Gagner en compétitivité est donc une victoire à la Pyrrhus. Les parts de marché gagnées à l’étranger se feront au détriment des travailleurs des pays concernés qui consommeront moins, privant de débouchés nos exportations. L’univers concurrentiel généré par l’idéologie de la compétitivité ne fait que                                                                                                                 2 « Au cours des quinze années « tristes » qui vont de 1980 à 1995, la France a connu une croissance moyenne de 2 % l’an. Ce chiffre qui paraîtra dérisoire à certains représente pourtant une hausse de près du tiers de la production nationale : c’est par exemple la même hausse que celle qu’a connue la France tout au long du XVIIIe siècle ! », Daniel Cohen, Richesse du Monde, Pauvreté des Nations, 1997. 3 Industrie, socle de la puissance, Laurent Carroué, directeur de recherche à l’Institut français de géopolitique (IFG, université Paris-VIII), Monde Diplomatique, Mars 2012. 4  
  • 5. déplacer le problème comme une patate chaude que chaque nation se repasserait dans une fuite en avant suicidaire pour l’économie mondiale. L’Allemagne n’y arrive pas, pourquoi faire pareil ? Reste maintenant la compétitivité hors prix, autrement dit la capacité d’innovation des entreprises et la performance des outils de production. Le débat fait rage pour sortir l’industrie française de son déclin face à l’Allemagne et la croissance des pays émergeants qui se positionnent de plus en plus sur les produits haut-de-gamme. Là encore nous sommes confronté à une impasse. Le modèle allemand repose sur la délocalisation massive de sa production bas de gamme dans les pays de l’est pour se concentrer sur une production nationale haut de gamme. Est-ce que la France doit souscrire à ce genre de pratiques pour concurrencer son voisin outre-Rhin ? Sans compter que la méthode reste insuffisante. Pour être compétitifs avec l’industrie allemande, nous devons moderniser notre appareil productif. Nous avons actuellement deux fois moins de robots qu’en Allemagne, qu’en Italie ou aux Etats-Unis. Que se passera-t-il quand nous rattraperons notre retard ? Le gouvernement a annoncé son plan de relance de 33 millions d'euros pour mettre à niveau l'appareil productif Français. Les conséquences sont évidentes : la robotisation, qui augmentera la productivité horaire, causera la destruction de nombreux emplois. L’Allemagne avec ses 200 milliards d’excédent commercial affiche malgré tout un taux de chômage de 5,4 % en 2013, contre 11% pour la France. Mais ce chiffre dissimule un taux de précarité record. Dans ce pays qui n’a pas de smic, un emploi sur trois est désormais à temps partiel ou un CDD, un souvent un emploi subit. 2,5 millions de personnes sorties des statistiques du chômage travaillent pour 5€ de l’heure. L’Allemagne a fait le choix de la déflation salarial, autrement dit celui des travailleurs pauvres. Elle masque son déficit d’emplois par une dérèglementation du marché du travail. Si la première puissance industrielle d’Europe est confrontée aux mêmes problèmes sociaux, comment pourrions espérer réussir avec les mêmes recettes, là où elle échoue ? C’est bien la démonstration que la compétitivité n’est en rien la solution qui permettra de renouer avec le plein-emploi. Quand l’emploi va mal, tout va mal Le fond du problème reste la crise de l’emploi. Tant que le travail restera le moyen de gagner sa vie, le devoir de nos sociétés impose de créer les conditions du pleinemploi, sans quoi nous nous résignons à condamner à l’exclusion sociale une partie de la population et aucune politique sécuritaire ne saurait contenir indéfiniment la colère des peuples confrontés à l’injustice. Pourtant la France manque à son devoir depuis les années 1980. Le chômage de masse gangrène l’ensemble des sociétés industrialisées comme une fatalité insurmontable. Le fait que nous n’échappions pas à la conjoncture mondiale n’a rien de satisfaisant. Plus de 9 millions de Français, soit près d’un tiers de la population active, sont à la recherche d’un emploi permettant de vivre dignement, un chiffre qui comptabilise les chômeurs, les emplois partiel subits, les RSA et les découragés4. Tel est le constat affligeant d’une société qui n’a jamais été aussi riche et aussi développée de son histoire.                                                                                                                 4  Source  Insee/Dares   5  
  • 6. Les vraies causes du chômage Comment apporter un revenu digne à chacun quand il n’y a pas assez de travail pour tout le monde ? Il manque des emplois, et bien que 91 % des actifs soient salariés et que le CDI reste la norme, déjà les entreprises multiplient les temps partiels et les CDD. On peut considérer que l’intégralité de la progression de l’emploi depuis les années 1982 correspond à des formes d’emplois précaires, partiels, souvent sous-payés. La cause en est simple : dans nos économies évoluées, nous produisons toujours plus avec toujours moins de travail humain. Le développement des forces productives économise de la main d’œuvre dans tous les compartiments de l’activité économique, du coup les entreprises considèrent les ressources humaines comme la variable d’ajustement. Si la modernité créée de nouveaux emplois pour répondre à de nouveaux besoins, ceux-ci ne compensent pas les emplois détruits par les gains de productivité. Il n’y a pas d’effet compensatoire. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les chiffres de l’Insee à la disposition de tous. Depuis 1950, les gains de productivité ont économisé environ 10% d’heures travaillées tandis que la croissance a augmenté de 1000%. La croissance n’est donc pas la solution contrairement à ce que raconte la vulgate économique. L’aveuglement de nos dirigeants sur le sujet est consternant. Les yeux rivés sur le compteur de la croissance, ils ne voient pas la sortie de route qui nous mènera dans le mur. La révolution informatique a largement modifiée le paysage du marché de l’emploi en généralisant le temps partiel, le travail à distance, la sous-traitance. Tous les économistes s’accordent à dire que la « 3e économie » permise par la mise en réseau à grande échelle et le haut débit va marquer un nouveau tournant dans l’efficacité productive, jusque dans les services. Le modèle « collaboratif » devient la norme pour nos entreprises et supprime inexorablement de nombreux emplois chez les cols blancs, dans les banques, les assurances, les secteurs de la vente en gros et au détail, de la comptabilité, des centres d’appels… aussi sûrement que l’automatisation a décimé la classe ouvrière occidentale. Des conséquences sociales néfastes Parallèlement, l’intensification des rythmes professionnels et la pression exercée par la peur du chômage se traduit par une souffrance au travail dans les entreprises qui a pris des proportions inquiétantes. Allons-nous continuer longtemps à ignorer un problème de société qui touche en France quatre salariés sur dix avec des répercussions importantes en pertes de qualité, en augmentation des arrêts maladie, en absentéisme et en turnover ? La productivité horaire française qui est l’une des meilleures au monde est révélatrice des cadences particulièrement soutenues. Les nouvelles technologies accentuent la pression et le surmenage intellectuel. Quant à l’accélération des rythmes de vie, elle entraîne un état de somnolence qui touche un Français sur cinq. Près d’un tiers des Français dorment 6 heures ou moins par nuit, quand un repos de 7 à 8 heures est préconisé. Nos performances économiques et nos modes de vie contemporains s’accompagnent ainsi d’un stress dont les risques pour la santé psychique sont de plus en plus importants. Au-delà des approches comptables sur les dégâts économiques et sanitaires enregistrés par l’inspection du travail, se pose la question de notre appartenance à la collectivité des actifs, donc des modalités de notre vivre ensemble au sein même de l’entreprise. Il faut que l’organisation du travail soit reconnue et traitée, enfin, comme un 6  
  • 7. problème politique à part entière, qui n’est réductible à aucun autre. Nous touchons, ici, à un enjeu de société qui dépasse largement celui de la pénibilité physique, le rapport de l’OCDE 2011 a décrété « la santé mentale » comme « le nouveau défi prioritaire pour le marché du travail ». Pour toutes ces raisons invoquées, nous devons mettre l’accent prioritaire sur une autre répartition de l’activité économique qui appelle à une baisse significative de la durée légale du temps de travail et à une transformation de la façon dont les hommes travaillent. Encore un domaine où la gauche de gouvernement a depuis trop longtemps démissionné. Mobiliser l’intelligence collective Le fantasme d’une société qui soudainement se mettrait à créer un surplus de richesses permettant de résorber le chômage de masse ne fait qu’aggraver la situation. La croissance n’est pas la solution et elle n’est pas soutenable. La compétitivité de l’appareil productif ne fera qu’accélérer le déclin du volume d’heures travaillées. En refusant de regarder la réalité en face, non seulement nous faisons fausse route mais nous alimentons une idéologie en complète contradiction avec les solutions que seule la gauche peut apporter à la crise : la coopération, le partage des richesses et la justice sociale. L’ignorance des vérités économiques les plus élémentaires met en péril tout l’édifice social. L’appauvrissement et l’exclusion d’une part croissante de la population ont toujours été le lisier de l’extrême-droite dont le score électoral ne cesse de progresser. Quand la concurrence généralisée engendre un tel climat d’insécurité, les nationalismes et les communautarismes refont surface, tandis que les décisions courageuses ne sont pas prises. Nous devrions diminuer le temps le travail pour mieux le répartir, développer une économie du temps libre, lutter contre la souffrance au travail et harmoniser sa législation pour une Europe sociale, encadrer les salaires, planifier d’urgence une transition écologique à grande échelle, lancer un programme de coopération ambitieux pour venir en aide aux pays du Sud… Sans oublier l’enjeu central que représente la remise en cause de notre invraisemblable modèle de création monétaire. Celui-ci constitue une prise en otage de l’activité économique par les marchés financiers, acculant les Etats à l’endettement permanent avec pour ultime reddition la détérioration de nos acquis sociaux. Seulement, mobiliser l’intelligence collective devient impossible quand les orientations sont prises en dépit du bon sens. Comment associer la population aux décisions démocratiques quand chacun est prisonnier de sa charge de travail tandis que des millions de chômeurs cherchent désespérément un emploi ? Cette perte de sens contamine la nature même des rapports sociaux et ne peut déboucher que sur des conflits politiques ou militaires qui pourraient bien tout emporter. Frédéric Lutaud, Membre du bureau national du Parti socialiste, 2013 7