Le Forum des Chefs d’Entreprise a organisé, le 19 octobre 2015 en son siège, un atelier de réflexion sous le thème : «État des lieux et propositions de réformes du droit des affaires en Algérie».
Cette rencontre, animée par des spécialistes et universitaires en droit et des chefs d’entreprises, a été un espace d’échanges et de débat dans l’objectif d’enrichir une étude que réalise le FCE portant : « La refonte du Droit des affaires pour l’amélioration du climat des affaires en Algérie». Celle-ci traitera de trois grands chapitres : la refonte du code de commerce, le droit de l’entreprise en difficulté et le contrat de franchise.
A la lumière des premiers résultats de cette réflexion, il y a lieu de retenir, globalement, que l’évolution de l’économie nationale nécessite plus que jamais une refonte du code de commerce. Dans la forme, le texte en vigueur souffre, d’une écriture médiocre et d’une traduction dans la langue arabe très défectueuse, mettant à mal les magistrats qui se retrouvent en face de deux textes à contenus c variable.
Dans le fond, il est relevé que le code représente d’importantes incohérences. L’on cite à ce sujet la typologie des contrats commerciaux qui doit être enrichie pour être en phase avec ce qui se pratique à travers le monde. De même que les mécanismes de sauvetage de l’entreprise en difficultés sont absents et doivent selon les experts, être impérativement introduits dans le système juridique algérien afin de sauvegarder le tissu des PME qui connaissent un taux de mortalité relativement élevé. Selon les estimations de l’ONS et du CNRC datant de 2013, ce dernier est estimé à 7% alors que le taux de création est de 4%.
Le commerce extérieur algérien au 1er semestre 2015
FCE, le 19 octobre 2015 - Code de commerce etat des lieux et preconisations de reforme
1. Le code de commerce
algérien
Etat des lieux et préconisations de
réforme
AKROUNE Y.Octobre 2015
1
2. Une réforme du code de commerce
pourquoi ?
Le droit commercial, facteur d’instauration d’un climat des affaires attractif,
La législation commerciale, un instrument de mise en concurrence des Etats et un
indicateur de mesure de leur attractivité pour les entreprises,
Les entreprises se dirigent vers les pays dont les législations commerciale, sociale
et fiscale sont avantageuses et sécurisantes,
Le droit des affaires, un droit mondialisé, répondant aux exigences normatives
de l’entreprise,
Le code de commerce, segment important et noyau dur du droit des affaires, doit
s’inscrire dans cette perspective,
3. Une réforme du code de commerce
pourquoi ?
Le code de commerce, instrument de régulation des affaires,
baromètre de son adéquation aux besoins de l’entreprise,
Le code de commerce algérien et les standards universels,
Le code de commerce algérien face à des réformes inaccomplies,
Le code de commerce algérien entre indigence et malfaçons : il ne
remplit pas son rôle convenablement,
Donc : Le code de commerce algérien : une nécessaire mise à niveau.
5. Appréciation générale
Vue d’ensemble
Le rendement du code commerce parait modeste, au regard des critiques que
lui adressent les praticiens et des attentes des chefs d’entreprises.
A l’exclusion des amendements portant sur les baux commerciaux, fortement
salués, l’impact des tentatives de réformes sur le développement de l’entreprise
reste en deçà des résultats escomptés (cas particulier de l’EPE),
Les silences du code ont induit des pratiques des tribunaux contradictoires: les
règles applicables au fonctionnement de la SPA ne sont pas mise à jour : cas des
membres du directoire et du CS oubliés dans le dispositif pénal (art.811à 836),
Un formalisme lourd, paralysant et coûteux : recours inapproprié au notaire,
Le régime juridique du fonds de commerce peu favorable à la transmission et à
la pérennité de l’entreprise individuelle,
La typologie des contrats commerciaux n’est guère en phase avec le
développement des techniques transactionnelles et des mutations
technologiques (commerce électronique) ,
Utilisation du chèque laissée au libre arbitre des commerçants, favorisant, ainsi,
les transactions occultes.
6. Dans la forme, le code de commerce recèle des insuffisances en rendant
l’exploitation fastidieuse, favorisant , ainsi l’insécurité juridique.
Une structure sans cohérence : dispersion des règles ayant le même objet,
dans des chapitres différents (régime des assemblées générales de la SPA),
Des formulations alambiquées : Présentation de quelques échantillons
dans l’étude,
Utilisation, en arabe, d’une terminologie inappropriée ou flottante :
(dénomination, désignation), (prison, réclusion), (siège social, adresse,
centre), (élection, adoption), (assemblée générale, conseil), etc.…
Des erreurs de renvois intra-texte : Présentation de quelques échantillons
dans l’étude,
Des traductions défectueuse ou fausses : bilinguisme et dualisme
juridiques (parfois, deux textes, deux versions) : selon le juge saisi et sa
langue de travail, la décision sera différente,
7. Eléments de diagnostic
Dispositif applicable aux sociétés commerciales
Forte rigidité du dispositif applicable aux sociétés commerciales : mailles très
serrées : sorte de camisole juridique (½ des dispositions du code),
particulièrement pour la SPA (70% du dispositif la concernent),
La loi balise, de manière stricte, la constitution et le fonctionnement des
sociétés, laissant peu de place à l’innovation et aux aménagements
conventionnels : Prédominance de la conception institutionnelle de la société
commerciale, aujourd’hui dépassée et en régression, ailleurs.
Liberté contractuelle des associés sous surveillance : place résiduelle (sociétés
de personnes) de la conception contractualiste de la société, aujourd’hui
prédominante dans les pays industrialisés,
Indigence du dispositif applicable aux sociétés en commandite : SCS, SCA,
Obsolescence de certains concepts : raison sociale, par ex.
Certains dispositifs ont abouti à des perversions : cas de la société en
participation, favorisant la fraude et le commerce informel,
8. Les minimas du capital social sont dérisoires, ne couvrant pas, de
manière suffisante, les besoins financiers de l’entreprise, au
démarrage,
Délai de libération des actions souscrites trop long : 5 ans! A
corroborer avec un montant de capital social insuffisant,
Les mécanismes de contrôle (AG/CAC); restent formels et peu
efficients. Le contrôle par le CAC est souvent un contrôle de
conformité, de régularité et non d’efficacité de l’action des dirigeants,
Absence d’audit et de bilan de l’efficacité du contrôle par le CAC,
Système managérial peu efficace (EPE): le gestionnaire agit en salarié
et non en entrepreneur : il se fonctionnarise!
Eléments de diagnostic
9. Eléments de diagnostic
Système de responsabilité des dirigeants inadapté: faute de gestion
et condamnation au passif, en cas de cessation de paiement,
Absence de mécanismes de prévention et de détection des
difficultés: le CAC a une mission de simple alerte, soumise au bon
vouloir des dirigeants et associés,
Absence de mécanismes de sauvetage de l’entreprise en difficultés:
le régime du concordat en vigueur est centré sur le créancier et non
sur la sauvegarde de l’activité et de l’emploi,
Dispositif applicable au règlement judiciaire et à la faillite lourd,
touffu et indigent ; Il est inefficace : rôle passif du juge qui supervise la
liquidation et le paiement des créanciers,
Dispositif pénal dépassé et ignoré des magistrats, au profit du code
pénal qui inhibe les initiatives (pénalisation de l’acte de gestion).
10. Usage du dispositif relatif aux sociétés
Constats: quelques chiffres éloquents qui interpellent
9,4% de créations d‘entreprises sociétaires : La société est peu utilisée,
90,6% des immatriculations concernent des entreprises individuelles,
50,5 % S.A.R.L pluripersonnelle,
34,6 % E.U.R.L,
8,8 % S.N.C,
5,1 % S.P.A: création volontaire minime; Forme obligatoire pour bcp d’activités,
16 SCS créées en 20 ans (1993-2013),
9 SCA créées en 20 ans (1993-2013),
7% d’augmentation du taux des radiations en 2013 (4% d’immatriculations).
12. Comment faire?
Eléments de démarche au niveau global
Questions :
1.Comment améliorer l’efficience du code de commerce ?
2.Comment corriger ses insuffisances ?
3.Comment en améliorer l'attractivité ?
Une alternative méthodologique: faut-il procéder à la réforme ou à la
refonte du code?
4. Graduellement, par étape, en réformant dispositif par dispositif ?
Risque : inscrire le code dans une spirale de révisions inconfortables pour
l’opérateur et les praticiens du droit,
Avantage : pas de rupture brutale, temps d’adaptation court,
2. Ou opter pour l’approche globale , portant refonte générale du code?
Inconvénient : gestation longue (Option nécessitant du temps et la
mobilisation d’une équipe pluridisciplinaire).
Avantage : Gain en qualité de texte.
.Arbitrage du maitre de l’ouvrage!
13. Comment faire?
Eléments de démarche au niveau global
Contenu de la réforme
Choix entre :
1. Maintenir l’architecture actuelle du code et procéder à sa mise à
niveau,
2. Ou éclater le code en autant de lois spéciales qu’il y a de thématiques
(livres du code).
.La première option parait plus réaliste et plus pratique : elle a notre
préférence : réunion en un document unique d’une matière ayant pour
objet l’entreprise.
.La 2° présente l’inconvénient majeur de l’émiettement, de la
dispersion de règles applicables aux commerçants.
. Arbitrage du maitre de l’ouvrage!
14. Comment faire?
Comment rénover le droit des sociétés?
Exploitation des chiffres du CNRC : Questions:
Faut-il réduire le nombre de formes sociétaires en supprimant celles qui
sont boudées (Commandites)?
Ou introduire de nouvelles structures plus adaptées aux besoins de
l’entreprise algérienne ?
Faut-il au contraire maintenir la typologie actuelle en en réformant le
régime juridique ?
La diversification est-elle synonyme d’un droit des sociétés performant ?
Ou un facteur de confusion et de complexité?
15. Eléments de réforme du droit des sociétés
Définition d’un référentiel
Pour réformer une institution, on ne part pas du néant et on doit avoir une
perspective: il faut construire, à partir des modèles existants, un paradigme
qui servira de référentiel !
Démarche comparative des législations étrangères: Résultats du benchmark
Synthèse de la quintessence des systèmes juridiques, aujourd’hui en vigueur:
Coexistence de 2 modèles, 2 conceptions de la société :
1. La conception institutionnelle dirigiste (choisie par héritage par l’Algérie) en
retrait mais prévalent dans les pays d’inspiration latine (anciennes colonies).
2. La conception contractualiste d’origine anglo-saxonne, plus libérale; en vogue:
elle a entrainé pandémie réformiste.
.Le monde de l’entreprise exprime, avec de plus en plus d’insistance, un besoin
de liberté, d’autonomie par rapport au carcan dans lequel les enferment
certains systèmes juridiques : contre modèle par l’invention de mécanismes
contractuels de contournement de la loi.
16. Eléments de réforme du droit des sociétés
Large mouvement de réforme du droit des sociétés dans une perspective
contractualiste : euphorie réformiste s’exprimant par la multiplication de
nouvelles formes de sociétés, gouvernées par la règle de l’autonomie de la
volonté.
La contractualisation est en voie de devenir un modèle dominant, dans le
processus de production normative :
On estime, dans ce contexte, que la liberté contractuelle permet de rédiger
des statuts adaptés à chaque type de société et aux objectifs des
investisseurs ; ce qui serait un gage d’efficience.
17. Quel modèle pour l’Algérie?
Devant ce vaste mouvement d’ouverture, de retour à un rôle accru de la
liberté contractuelle, quelle attitude adopter lorsque l’on doit penser un
modèle juridique qui servira de socle à la refonte du code de commerce et
aux réformes économiques ?
Quelle philosophie doit irriguer le droit des sociétés ?
Doit-on s’inscrire, d’emblée dans cette tendance et faire table rase du
système actuel ou au contraire s’y projeter mais avec circonspection, sous
réserve d’inventaire ?
D’emblée, se garder de verser dans le mimétisme légal irréfléchi, la
décalcomanie, sous prétexte de s’inscrire dans les tendances lourdes du
droit des sociétés.
Refuser avec vigueur, l’attitude inverse, tout aussi stérile d’ailleurs, de repli
sur soi et de rejet de modèles qui ont fait leurs preuves ailleurs.
18. Quel modèle pour l’Algérie?
Globalement, adoption de la règle du juste milieu :
Trop de liberté ou une liberté débridée dans un contexte
entrepreneurial en herbes, ou les acteurs sont encore en phase
d’apprentissage, comporte des risques.
L’absence de liberté réduisant la loi à une camisole de force
juridique, entravant la prise de risque et l’esprit d’initiative, inhibe
l’esprit entrepreneurial.
Coexistence de règles impératives et de liberté contractuelle dont le
dosage dépend de la forme de société : approche catégorielle
20. Appeler à une refonte globale du code de commerce et abandonner la
démarche actuelle procédant par reformes partielles et récurrentes.
Autoriser la rédaction sous seing privé, des statuts, au choix des associés, qui
peuvent opter pour le recours ou non à un notaire, (les frais de notaire sont
lourds, notamment pour les TPE).
Revoir les dispositions générales applicables à tout type de société pour
éviter les redondances ou les contradictions avec les dispositions spécifiques.
Définir les règles applicables aux conventions extra-statutaires conclues entre
associés : régler les questions de leur validité, leur domaine, de leurs rapports
aux statuts, leurs limites.
Enrichir le dispositif applicable aux groupes de sociétés.
Simplifier et libéraliser le fonctionnement la société par actions,
présentement très lourd,
Distinguer le fonctionnement de la SPA fermée, qu’il faut alléger et la SPA
ouverte, faisant appel public à l’épargne dont il faut renforcer le contrôle.
21. Réduire le nombre minimum des actionnaires dans la SPA,
Relever le montant minimum du capital social de la SPA,
Autoriser la création de SPA, par une seule personne
(SPAU),
Redéfinir et rééquilibrer les pouvoirs entre les organes
sociaux de la SPA,
Codifier les principes de bonne gouvernance dans le code
de commerce,
Simplifier le fonctionnement des assemblées générales,
emprunt d’un formalisme lourd et inutile,
réfléchir à l’introduction de la SPAS.
22. Réformer le conseil d’administration en :
Précisant les conditions que doit remplir une personne pour candidater à un
poste d’administrateur,
Introduisant les administrateurs indépendants, non actionneurs dont il faut
donner la définition,
Redéfinissant les pouvoirs du conseil d’administration, "investi de pouvoirs les
plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société".
Cette formulation est reprise pour le PCA qui également "est investi de
pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la
société ". Lorsqu’il y a fusion entre la PCA et la DG, il y a un risque de blocage.
Revoir le statut des actions de garantie ou les supprimer : autoriser, pour les
administrateurs indépendants non actionnaires, le prêt de consommation des
actions ou les dispenser de la détention d’actions,
Instituant des comités, émanation du CA.
23. Revoir le statut des actions de garantie ou les supprimer : autoriser, pour les
administrateurs indépendants non actionnaires, le prêt de consommation des
actions ou les dispenser de la détention d’actions,
Instituer des comités, émanation du CA,
Imposer la structure directoire-conseil de surveillance dans les SPA, faisant
appel public à l’épargne,
Renforcer le rôle du CAC, dans la prévention des risques de faillite,
Renforcer et diversifier les contrôles dans la SPA ouverte,
Revoir totalement les dispositions relatives au règlement judiciaire et à la
faillite pour introduire des mécanismes de prévention des difficultés et de
règlement amiable de celles-ci,
Mettre à jour le dispositif pénal : revoir les montants des amendes pour les
rendre plus dissuasifs.