L'Internet des Objets, les nouvelles frontières de l'industrie
vendredi 15 et samedi 16 avril 2016 l’Opinion I
Révolution4.0
Robots, machines à assembler, produits
industriels et manufacturés… D’ici à 2020,
21 milliards d’objets devraient être connec-
tés dans le monde, sans compter les smart-
phones et les ordinateurs. L’essor de pla-
teformes industrielles risque de bous-
culer la face du monde bien plus que ne
l’ont fait les géants du Web jusqu’à pré-
sent. Un challenge qui demande audace et
confiance.
Hugo Sedouramane
« Le plus grand défaut de la race humaine
est son incapacité à comprendre la fonction
exponentielle. » La formule du physicien Al-
bert A. Bartlett décrit bien notre incapacité à
appréhender les effets de réseaux offerts par
le numérique, qu’il s’agisse de productivité ou
de connectivité. Et en particulier la croissance
exponentielle des données. L’appréhender est
pourtant une condition nécessaire à la compré-
hensiondecequevontvivrelesindustrielsdans
les prochaines années.
Pour le grand public, l’Internet des objets
se résume souvent à une avalanche de pro-
duits ou de gadgets connectés. Pour l’indus-
trie, il annonce sa plus importante révolution,
sa quatrième. Cette révolution industrielle 4.0
aura des conséquences socio-économiques
notables. L’essor des machines communicantes
offrira dans un premier temps une meilleure
optimisation des actifs et une amélioration de
la productivité. Puis les machines deviendront
auto-apprenantes, jusqu’à finir par être auto-
nomes. Cette perspective repousse les fron-
tières de l’industrie.
C’est un paradigme difficile à toucher du
doigt qui nous attend tant l’Internet industriel
n’en est qu’à ses débuts. Un exemple : la notion
de temps réel. Car c’est bien le temps réel qui
dans les usines ou les réseaux « intelligents » de
transport ou d’électricité changera la manière
dont seront fabriqués les produits, dont seront
maintenues les infrastructures. Avec le temps
réel de la donnée, la source du langage n’est pas
incarnée par des millisecondes, mais par des
microsecondes.
Dans ce monde, tout devient données : de la
manière dont a été fixée une vis de moteur à la
résistance de cette vis lorsque le produit fini est
en utilisation, en passant par la température de
la salle lors de l’assemblage du moteur. L’idée?
Que la connectivité devienne continue, de la
conception à l’usage. Les promesses de l’Inter-
net des objets industriel sont ainsi immenses :
l’alliance des capteurs, du cloud, de l’analyse
des données, des algorithmes intelligents ou
encore des systèmes de cryptographie associée
à des plateformes et des écosystèmes plus ou-
verts bouleverseront notre manière de penser
une production qui deviendra plus proche du
client.
Cette convergence technologique va aussi
pousser à redéfinir le cycle de vie des produits,
à réinventer les métiers de maintenance. Dia-
gnostiquerunefailleàdistancepermettraderé-
duire déplacements et temps de maintenance.
Un produit ne sera d’ailleurs plus regardé
comme un produit, mais comme un système.
Dans cet univers, l’arme de la compétitivité
n’est plus le seul produit. Ce qui fera la diffé-
rence, c’est la capacité des industriels à laisser
émettre des données, à les exploiter et à en tirer
des profits. Place dès lors à la personnalisation :
pour chaque produit, un logiciel répondra aux
attentes des clients. C’est par exemple l’alliance
des logiciels et des capteurs qui permet aux vé-
hicules Tesla de devenir autonomes. Un début,
car, au final, tous les secteurs seront impactés :
énergie, transport, logistique, etc.
Avant d’en arriver là, l’Internet des objets
industriel devra, pour émerger, passer les
obstacles de la sécurité et de la confiance. La
plus importantes des contraintes sera, pour
l’Europe notamment, l’appréhension cultu-
relle face à ces technologies et aux injonctions
contradictoires qu’elles impliquent. Depuis les
années 1980, automatisation rime souvent avec
destructiond’emploi.Etilfaudradutempspour
convaincre les plus critiques que ce modèle
de pensée est dépassé. C’est vrai, les nouvelles
générations de robots changent la manière
dont les hommes travaillent, et mais conserver
d’anciens modèles sous prétexte de sauvegarde
d’emplois n’aura pour conséquence qu’une ac-
célération de la délocalisation…
Enjeu colossal. En 2014, GE a expliqué
avoir réalisé un milliard de dollars de revenus
supplémentaires en aidant ses clients à connec-
ter davantage leurs machines. Autant dire un
milliard de nouvelles capacités d’investisse-
ment. L’Allemagne l’a bien compris. Son ambi-
tion de soutenir l’industrie 4.0 n’est pas ano-
dine : elle associe recherche académique, PME,
industriels et gouvernement. C’est un projet
national dont les résultats ne pourront se faire
ressentir que sur le long terme.
De fait, cette transition industrielle ne se fe-
ra pas en un jour. Elle sera le résultat de change-
ments structurels, progressifs. Nul ne sait si elle
aura d’ailleurs une fin : les promesses encore
imprécises de l’intelligence artificielle ouvri-
ront un jour de nouvelles opportunités.
Coauteur du Deuxième âge de la machine :
Travail et prospérité à l’heure de la révolution
technologique(OdileJacob,2015),ErikBrynjolfs-
son explique que lorsque la technologie avance
trop vite sans que l’éducation suive, les inégali-
tés augmentent rapidement. Il semble cepen-
dant trop tard pour être en mesure de ralentir
la croissance des technologies. L’enjeu est donc
colossal, tant la demande est grande, et l’offre
encore trop maigre. Les systèmes éducatifs
doivent se réveiller…
Progressivement, l’éclosion de systèmes
complexes se fait sentir dans les chaînes indus-
trielles au point que l’on parle désormais de
systèmes de systèmes. De quoi rendre plus dif-
ficile encore la formation et l’enseignement. Le
risque ? Prendre un retard pour ne pas savoir
comment le rattraper. C’est la raison pour la-
quelle il est nécessaire de sensibiliser les plus
jeunes, dès leurs études et quelles que soient
leurs études, à ce changement de paradigme.
Ainsi les étudiants en école de commerce ou
d’ingénieur doivent se doter d’un nouveau
langage : celui de la transformation des mo-
dèles économiques et de l’innovation ouverte,
condition nécessaire à l’éclosion d’écosystèmes
connectés. Il en est de même pour les managers
et dirigeants qui doivent faire face à cette transi-
tion dont l’enjeu compétitif est sans précédent.
Standards de communication, analyse de don-
nées et industrie 4.0 doivent devenir le b.a.-ba
de nombreuses formations.
Réussir cet immense chantier peut amener
la France à renouer avec la croissance. A condi-
tion de favoriser l’ouverture, avant tout hu-
maine. Les grands groupes doivent ouvrir leurs
portes à des profils de développeurs, designers
ou « intrapreneurs » s’ils veulent réussir ce pari
fou. L’organisation dite classique des entre-
prises est aujourd’hui remise en cause, tant la
structure pyramidale en silos n’est pas adaptée
à l’appréhension de l’Internet des objets dans
l’industrie. Ce risque à prendre est aussi une
opportunité de créations d’emplois.
@Indixit t
Etsilesobjetsconnectésétaient
lechaînonmanquant ?Depuis
l’apparitiond’Internet,leséconomistes
s’interrogentsurlaréelleportéedela
révolutionnumérique.Lespluscritiquent
constatentqu’àladifférencedela
machineàvapeurdeJamesWatt,dela
centraleélectriquedeThomasEdison
oudel’« électronique »desautomates
programmables,Internetn’apasentraîné
debouleversementsfondamentauxdans
lafaçondeproduireetdeconsommer.En
clair,laquatrièmerévolutionindustrielle
seferaittoujoursattendre.Etlanouvelle
économieneseraitqu’uneversionrévisée
d’uncapitalismepasvraimentchamboulé
depuislefordisme.
Sansdoutelesexpertsont-ilssures-
timélavitessedediffusiondesnouvelles
technologies.Etsous-estimélefaitqu’une
mutationpeutencacheruneautre.Si
laconnexiond’individusentreeux,la
circulationaccéléréed’informationsetle
boomdesréseauxsociauxn’ontmodifié
qu’àlamargelesrègleséconomiques
traditionnelles,notammentenmatièrede
productivité,lesliaisonsentreobjets,la
collecteetl’exploitationdesdonnées–les
fameusesdata–ouvrentdesperspectives
bienplusrévolutionnaires.Davantage
connectéesetrobotisées,lesusinesdeve-
nues« smart »serontconstituéesdelignes
deproductionintelligentes,capablesde
garderlecontactavecleproduitpendant
safabrication,maisaussiàl’extérieur,une
foiscommercialisé.
Cettefois-ci,laconception,la
production,letransportouencorela
maintenancedesproduitscommencentà
êtreréinventésdefondencomble.Cette
quatrièmevaguetientdeladéferlante :
200 milliardsd’objetsconnectésavant
2020,prévoitGartner ;6 000milliardsde
dollarsd’impactéconomiqued’icià2025,
anticipeMcKinsey.Avecl’industrie4.0,la
machinedevientintelligente.
Rémi Godeau
@remigodeaut
Lesnouvellesfrontières de l’industrie
Editorial
L’èredusmart
Souventdansl’ombredesgadgetsconnectés,larévolutionprovoquéeparl’Internetdesobjets
industrielsseral’undesplusgrandchantierdel’histoireindustrielle
Objetsconnectés
Lasélectionde
sélection DE « L’OPINION » N° 8 – vendredi 15 et samedi 16 avril 2016
L’alliancedescapteurs,
ducloud,del’analyse
desdonnéesetdes
algorithmesintelligents
bouleverserontnotre
manièredepenserla
productionindustrielle
Unrobothumanoïde
travailleauxcôtés
d’employésdansune
usinededistributeurs
demonnaie,à Kazo,
auJapon.
Reuters
II l’Opinion vendredi 15 et samedi 16 avril 2016
Transport
C’est l’un des marchés les plus importants
au monde. Et pourtant, les acteurs his-
toriques de l’automobile, malgré leurs
démonstrations à l’occasion de grands
salons, menacent d’être dépassés. Ils
sont soumis à de nouvelles forces qu’ils ne
maîtrisent pas et n’ont qu’une obligation :
innover.
Hugo Sedouramane
Dans un monde merveilleux, l’erreur humaine
deviendrait une exception sur la route, les
embouteillages une rareté et les automobiles
moins consommatrices de carburant, le prix
des déplacements chuterait, le marché de la lo-
gistique serait remodelé, la recherche de place
de parking inutile… Un monde imaginaire, vrai-
ment ? Avec la convergence des technologies
grâce aux systèmes embarqués, de nouvelles
voies s’ouvrent : embouteillages, accidents de
la route, pollution, fatigue ou sous-exploitation
des véhicules, rien ne sera plus comme avant.
Même les Etats profiteraient de toutes ces avan-
cées pour faire des économies en contrôlant à
distance l’activité sur la route. La banque Mor-
gan Stanley explique dans un rapport que l’in-
dustrie automobile est « disruptée » « bien plus
tôt, bien plus rapidement et bien plus puissam-
ment que quiconque aurait pu l’imaginer ». Des
alliances avec les géants du Web sont pour ces
raisons régulièrement annoncées : la puissance
de calcul de Google étant difficilement rattra-
pable, autant faire appel à ses services pour
gagner du temps…
Depuis deux à trois ans, c’est moins le sa-
lon de Detroit aux Etats-Unis qui fait vibrer les
constructeurs automobiles que le Consumer
Electronics Show de Las Vegas, temple
du gadget et de l’informatique où tous
exposent leurs véhicules autonomes.
Ces prouesses technologiques sont le
résultat de la convergence du savoir
faire de deux types d’acteurs, dont la
rencontre n’était pas prévisible. Au-
jourd’hui, géants du Web et acteurs
des nouvelles technologies sont de
fait les plus aptes à développer des
logiciels pour mettre une voiture à jour,
tout comme on est capable de mettre un
téléphone à jour à distance. Une réussite déjà
vérifiée chez Tesla, où une simple mise à jour
logicielle a offert un degré d’autonomie inégalé
à toute une flotte de véhicules.
La convergence technologique entre
constructeurs automobiles et éditeurs de
logiciels n’est pas suffisante. Les acteurs des
semi-conducteurs et des capteurs sont aussi
de la partie. Valeo, Bosch, STMicroelectronics
et autres équipementiers comme Mobileye
se battent pour ce marché. Ils ne sont pas les
seuls à s’investir. Acteurs de la cyber-sécurité,
recherche universitaire et start-up veulent tirer
profit de ce marché. Le niveau de détail est tel
que des sociétés françaises comme IDnomics se
repositionnent pour fournir en masse des solu-
tions d’identité numérique aux véhicules, tout
comme les passeports biométriques ont des
identifiants numériques.
Goût du risque. Les acteurs du marché de
l’automobile seront jugés à leur capacité à tra-
vailler de manière plus ouverte. Et les décisions
qu’ilsdoiventprendrenesontpassimples :leurs
retours sur investissement ont été faibles au
coursdesdernièresannéesetlesdépensesenca-
pital nécessaires à la production d’une nouvelle
génération de véhicule sont incertaines. Reste-
ront-ils de simples fabricants ou devront-ils faire
évoluer leurs modèles pour, progressivement,
devenir des prestataires de services sur lesquels
ils sont loin d’avoir le monopole ? La réponse
à cette question se trouve dans leur capacité à
réinventer leurs organisations, leurs chaînes
de production et à intégrer des briques tech-
nologiques qu’ils ne peuvent développer seuls.
Cette gestion de la complexité est inédite pour
l’industrie automobile : il faut inno-
ver vite tout en ne sachant
pas quelles seront les
évolutions réglementaires quant aux véhicules
autonomes.Ilssontsoumisaugoûtdurisque.
Dans une étude intitulée « Le futur de la
mobilité » parue en septembre 2015 et réalisée
par Deloitte, quatre scénarios sont à envisager.
Le premier suppose que toute innovation soit
incrémentale, tenant compte des lourds héri-
tages industriels du passé. Dans ce paradigme,
le changement sera long et progressif car les
modèles économiques peineront à évoluer. Le
second scénario met l’accent sur un monde où
l’auto-partage et le covoiturage deviennent la
norme : le passager ou conducteur devient un
usager. Le troisième scénario envisagé par De-
loitte n’est autre que « la révolution du véhicule
autonome », où le véhicule connecté est fiable
et les investissements nécessaires ont été mas-
sifs. Ici les automobilistes préfèrent être pro-
priétaires de leurs véhicules et les changements
chez les constructeurs sont les plus lourds.
Un dernier scénario baptisé « le nouvel âge
de l’autonomie accessible » promet un savant
mélange entre les véhicules autonomes et le
partage qui connaîtra un franc succès en zone
urbaine où des services à la demande permet-
tront par exemple de commander un véhicule
autonome à un point A pour se rendre à un
point B. Un paradigme dans lequel les flottes
automobiles n’appartiennent pas aux construc-
teurs, mais à des géants du Web, comme Uber,
Google, etc. @Indixit t
Véhiculesconnectés:laquêtedel’ultime
convergencetechnologique
SelonDeloitte,l’avenirdumarchédel’automobileestincertain.
UndesscénariosfaitlapartbelleàdenouveauxentrantscommeUber
tème de triangularisation par radio. « Le vélo ne
consomme pas d’énergie sinon celle produite
par sa dynamo, ce qui évite aux villes qui sou-
haitent adopter notre système d’investir trop
lourdement dans des infrastructures », poursuit
l’entrepreneur.
Chez Smoove, le succès est au rendez-vous :
la start-up dispose aujourd’hui d’un parc de
20 000 vélos dans le monde et a réussi à séduire
des villes comme Moscou ou Vancouver. Pro-
chaine étape : profiter du renouvellement des
flottes dans les grandes villes européennes
comme Paris qui devrait bientôt lancer un appel
d’offres.
Pour autant, le développement de Smoove
ne s’est pas fait sans encombre. « Nous avons
accepté l’entrée de Transdev à notre capital en
C’est une histoire entrepreneuriale hors
norme. Après dix années passées en tant que
consultant en mobilité durable, Laurent Mercat
a décidé de créer Smoove, start-up dont le seul
objectifestdedevenirl’undestroisleadersmon-
diaux du vélo en libre-service. Et sa recette origi-
nale rompt avec les modèles traditionnels bien
connus des JCDecaux et consorts. Sa première
innovation ? La sécurisation des vélos. Laurent
Mercat explique : « Nos concurrents ont des
parcsfragilescarleursvélossefontdésolidariser
de leurs supports. Nous avons donc créé un sys-
tème anti-vandalisme permettant un contrôle
d’accès du vélo, à commencer par un cadenas
qui est intégré dans la fourche. Il n’y a donc pas
de bornes connectées pour emprunter un vélo
car il suffit de passer sa carte de transport sur
ce dernier ou d’entrer un code reçu par smart-
phonespourl’emprunter. »
Le vélo reste géolocalisable grâce à un sys-
2010, mais rien ne s’est réalisé après le rachat
du groupe par Veolia, raconte Laurent Mercat.
Nous avons donc racheté nos parts en 2010 ».
Qu’importe : en 2015, c’est le groupe Mobivia
(Nauroto, Midas, etc.) qui a investi dans Smoove.
« Ils ont souhaité se diversifier dans l’éco-mobi-
lité avec nous, précise le start-upeur. Cet accord
capitalistique se traduit quotidiennement par
une synergie sur des sujets industriels ou tech-
nologiques. Cela nous permet d’utiliser de nou-
velles ressources et d’être plus flexibles sans
avoiràrecrutermassivement. »
Depuis, Smoove a signé avec la ville d’Hel-
sinki un contrat de dix ans d’une valeur de
13 millions d’euros. « Ce partenariat a fait évo-
luer notre stratégie, car nous sommes deve-
nus aussi exploitants avec Citybike Finland. La
start-up, qui compte 20 salariés et bientôt 25, a
réalisé 6 millions d’euros de chiffre d’affaires en
2015 et en prévoit plus de 10 millions à fin 2016.
S’attaquant désormais à des projets de taille
industrielle, elle travaille sur des dossiers pour
lesquels les parcs de vélos pourraient atteindre
20 000 unités, soit près de 10 fois plus qu’à Mos-
cou. Sa force concurrentielle réside notamment
dans sa vision des objets connectés. Smoove sait
contrôler le niveau de batterie, localiser le vélo,
le bloquer à distance et même envoyer un mes-
sage à l’usager sur son smartphone quand il ne
rendpaslevélodanslestemps… H.S.
Smoovefaitpédalerlemarchédu vélo
Lastart-upareçuuninvestissementdeMobiviaavecquiellepartage
dessynergiesindustriellespours’attaqueràl’ensembleduglobe
#Pépite
Comptant un parc de 20000 vélos connec-
tés en libre service, Smoove n’a qu’un
rêve: prendre la place de JCDecaux sur
le marché du vélo urbain en libre ser-
vice. Moscou, Vancouver, Helsinki, Malac-
ca, Bangkok…
L’Internetdesobjets:unerévolution
industrielle encore inachevée
Indice de performance sur le marché de l’Internet
des objets industriels (sur 100)
Revenus générés par l’Internet
des objets par secteur
En milliards de dollars
La valeur estimée du marché
de l’Internet des objets devrait
atteindre 14 400 milliards
de dollars d’ici 2022
L’Internet des objets en plein essor
Appareils connectés d’ici 2020, en millions
64
63,9
63,2
62,4
61,8
59
58,8
55
54,4
54,3
54,1
52,2
50,9
47,1
45,7
33
32,4
31,3
29,9
21,3
Etat-Unis
Suisse
Finlande
Suède
Norvège
Pays-Bas
Danemark
Royaume-Uni
Japon
Allemagne
Australie
Corée du Sud
Canada
Chine
France
Espagne
Brésil
Italie
Inde
Russie
70
Villes intelligentes
Mobiles, montres bracelet... Véhicules connectés
Internet industriel
60
50
40
30
20
10
Internet des objets
TV
Tablettes
Smartphones
Grâce à l’amélioration de l’expérience du consommateur
Grâce à la réduction des délais de commercialisation
Grâce aux chaînes d’approvisionnement et la logistique
PC
2014 2020
0
2012 2013 2014 2015*
(*) Estimation
SOURCES : INDUSTRY FORCASTS COMPILATION,
2020 FORECAST FROM IDC, PWC ANALYSIS
SOURCE: CISCO
SOURCE: IC MARKET DRIVERS 2015 UPDATE
SOURCES : ACCENTURE AND FRONTIER ECONOMICS
Maisons connectées
3 200
5 000
6 000
5 500
3 300
30 000
4 100
3 700
3 000
2 700
2500
2500
5 400
En réduction de coûts
En augmentant la productivité des employés
Laurent
Mercat,
créateur
deSmoove.
Unesimplemiseàjourde
logiciel,effectuéeàdistance
parTesla,aoffertundegré
d’autonomieinégaléàtoute
uneflottedevéhicules
Depuis les années
1980, automatisation
rimesouventavec
destructiond’emploi.
Et il faudra du temps
pour convaincre les plus
critiques que ce modèle
de pensée est dépassé.
Reuters
vendredi 15 et samedi 16 avril 2016 l’Opinion III
Domotique
Et s’il était possible de piloter sa maison à
distance grâce à une unique application sur
son smartphone ? C’est le rêve d’Emmanuel
Joumard qui dirige chez Somfy la stratégie
du groupe pour développer des solutions
rendant l’habitat plus intelligent. Visio-
phones, serrures connectées, volets,
portails, garages… le leader français
veut s’imposer comme un acteur incon-
tournable.
Réseaux
Considérécommeunvisionnaire,LudovicLe
Moan a fondé Sigfox en 2009 avec l’idée de
fournir une connexion bas débit aux objets
connectésetdefairedesastart-uplepremier
réseau de télécommunication internatio-
nal sur ce marché. Il a réussi une levée de
fonds de 100 millions d’euros l’an der-
nier et en envisage une autre de 200 à 300
millionsavantuneintroductionenBourse.
Interview Hugo Sedouramane
Comment Somfy se réinvente pour ré-
pondre aux attentes du marché de l’habitat
connecté ?
Somfy a ouvert une activité dédiée aux
objets connectés en juin pour créer des solu-
tions globales pour la maison et le bâtiment.
Notre précédent plan stratégique actait notre
conviction qu’une mutation arrivait dans notre
métier et que cette mutation transformerait en
profondeur nos solutions, notre métier mais
plus globalement l’ensemble de notre filière.
Nous développons donc une offre spécifique
au marché Europe-Moyen Orient-Afrique, une
autre pour le marché Asie-Amérique car nous
nous appuyons davantage sur des centres de
développement locaux. Enfin, une entité bap-
tisée Overkiz, spin off dans le giron de Somfy,
développe des solutions pour connecter des
équipements dans la maison. Elle travaille
avec des partenaires comme Atlantic, Rexel
et d’autres acteurs de la maison. Overkiz a en
charge la gestion des solutions de connectivité
pour ces industriels. A l’horizon de notre plan
2020, notre ambition est de connecter 50 %
des équipements vendus de solutions radio,
contre environ 10 % aujourd’hui.
Qu’elle est votre vision à long terme ?
L’ensemble des équipements de la maison
sera connecté et les utilisateurs en attendront
des nouveaux bénéfices. Nous travaillons pour
rendre accessible ces nouveaux usages aux tra-
vers de nos solutions. Quand un livreur arri-
vera chez vous, vous serez en mesure de lui ou-
vrir votre garage à distance où que vous soyez
sur la planète. Même chose pour la gestion de
l’énergie : votre maison sera capable de s’adap-
ter intelligemment aux conditions d’ensoleil-
lement, au coût de l’énergie. On peut imaginer
dématérialiser les clés sur smartphone grâce à
une serrure connectée, sujet sur lequel nous
travaillonsavecunesociétécommeOpenways,
qui vient d’intégrer le groupe.
Etes-vous dans une approche ouverte ou pri-
vilégiez-vous des solutions propriétaires ?
En 2010, nous avons lancé Tahoma, notre
première solution connectée. Cela représente
500 000 équipements connectés principale-
ment en France et en Allemagne. Il s’agit d’une
box qui intègre des produits de domotique et
de sécurité. Au travers des packs Tahoma sere-
nity, elle permet aujourd’hui pour moins de
1 000 euros de rendre sa maison intelligente
en améliorant le confort, la sécurité et son effi-
cacité énergétique. Cette solution très ouverte
intègre plus de 15 protocoles et permet de pi-
loter des équipements de multiples marques
comme les systèmes de chauffage Atlantic ou
De Dietrich, les lumières Philips Hue et beau-
coup d’autres solutions de partenaires. Pour
l’utilisateur, il est essentiel de ne pas être ver-
rouillé par une marque et nous travaillons à
intégrer à nos plateformes toutes les solutions
innovantes dans le monde de la domotique.
Nous lançons également une évolution de Ta-
homa, plus simple, baptisée Connexoon pour
moins de 200 euros.
Votre métier de maintenance est-il aussi
amené à changer ?
La dimension de maintenance est un autre
atout. Nous travaillons avec PTC pour propo-
ser une plateforme permettant à nos installa-
teurs d’améliorer les solutions de maintenance
à distance sur l’ensemble d’une installation,
à condition bien sûr que le consommateur
donne son accord préalable. L’objectif est de
fournir des plateformes de maintenance pré-
dictives et proactives. Ces solutions sont nou-
velles et les besoins évoluent rapidement d’où
notre collaboration avec ThingWorx qui per-
met une vraie réactivité et d’adaptation dans
cette phase d’exploration (ThingWorx est une
plateforme permettant la création et l’exécu-
tion d’applications pour l’Internet des objets
que PTC a racheté fin 2013). Ils ont développé
une interface entre les données des produits et
les installateurs. Grâce à un tableau de bord,
ces derniers ont une vision d’ensemble sur les
éléments de maintenance.
Interview Hugo Sedouramane
Où en est le développement de votre réseau
dédié à l’Internet des objets ?
Notre réseau est présent dans une quin-
zaine de pays et à travers une dizaine de mil-
liers d’antennes. Nous comptabilisons environ
7 millions d’objets connectés au réseau auprès
d’une centaine de clients, dont une dizaine
de très gros clients, comme Engie ou Miche-
lin. Certains clients sont petits pour nous au-
jourd’hui, mais ils représentent un important
potentiel de croissance. Un exemple : La Poste,
avec ses boutons connectés qui transforment
votre boîte aux lettres en vrai bureau de poste.
N’est-il pas difficile de faire face aux diffé-
rentes normes internationales ?
Nous sommes pour l’instant uniquement
concentrés sur le B to B ; le B to C viendra après.
Dans notre stratégie de déploiement à l’inter-
national, nous sommes confrontés à plusieurs
réglementations différentes. En Europe, les
étoiles sont plutôt alignées dans le sens où les
contraintes techniques et les réalités sont les
mêmes. Aux États-Unis, nous devons nous
plier à la Federal Communications commis-
sion tandis qu’en Asie, le marché est plus flou à
ce sujet. Quoi qu’il en soit, Sigfox a sur tous les
continents à peu près les mêmes possibilités en
matière de déploiement de réseaux.
L’alliance LoRa, consortium souhaitant im-
poser un autre standard de communication,
incarne-t-elle une concurrence sérieuse ?
Il y a eu beaucoup de dénigrement de la
part des membres de l’alliance LoRa à l’égard
de Sigfox. Le problème est qu’elle fait des an-
nonces ahurissantes car ils n’ont pas encore
de réseau alors que nous commercialisons
le nôtre déjà dans plusieurs pays. Et puis nos
spécificités techniques nous offrent une flexi-
bilité importante. Par exemple, si nous souhai-
tons augmenter notre débit par dix, nous ne
sommes pas obligés de multiplier le nombre de
cellules par dix mais par un facteur de quatre à
cinq. En ça, nous sommes différents.
Les partenariats avec les opérateurs tradi-
tionnels sont-ils nécessaires à votre survie ?
Non, il n’est pas obligatoire pour nous
d’avoir des relations avec les opérateurs pour
assurer notre développement. Si un accord a
été signé avec Altice et SFR, c’est parce qu’ils
sont malins : ils ont compris que l’Internet des
objets n’est pas le prolongement naturel de
l’activité traditionnelle des opérateurs. C’est
au contraire un faux ami car il s’agit d’un es-
pace nouveau avec des contraintes nouvelles.
Il faut partir de zéro pour bâtir une stratégie,
ce que Sigfox fait. Et Altice a compris que pour
que leurs clients soient satisfaits, ce n’est pas la
propriété de l’infrastructure qui compte, mais
une solution qui fonctionne de bout en bout.
Les clients attendent aussi une couche logi-
cielle spécifique à leurs métiers…
C’est la raison pour laquelle nous annon-
çons un partenariat avec Microsoft, qui inté-
grera Sigfox dans son cloud Azure, ce qui
veut dire que les clients Microsoft pourront
bénéficier de notre connectivité tandis que
nous allons pouvoir bénéficier de la force de
distribution du réseau Microsoft. En somme,
Microsoft devient revendeur Sigfox et prend
une marge sur le volume d’affaires généré. Ils
ont aussi vocation à intégrer des applications
plus complexes dédiées à des métiers précis,
comme le tracking de palettes ou de contai-
ners pour la logistique, la gestion agricole, etc.
D’autres acteurs comme SAP envisagent aussi
d’intégrer notre offre, tout comme d’autres
géants du cloud.
« Noussouhaitonsvendre50%
d’équipementsconnectésd’icià2020 »
« Microsoft va
intégrer Sigfox
dans son cloud »
LudovicLeMoan,fondateur
EmmanuelJoumardpilotelastratégiegroupedeSomfy.L’entreprise
veuts’imposersurlemarchédelamaisonconnectéeenoffrantdes
solutionsdemaintenanceprédictiveàsespartenaires
L’opérateurde
télécommunication
basdébitpoursuitsa
percéeinternationale
Pour Emmanuel Joumard, « on
peut imaginer dématérialiser les
clés sur smartphone grâce à une
serrure connectée ».
Laurent cousin
objets dans la gestion des bâtiments, celui qui
bénéficie des gains n’est pas forcément celui qui
enassumelescoûts »,poursuitlaspécialiste.
Maislesgainssemblentcertains :« Grâceaux
données,lavaleurdessystèmesseconstruitdans
le temps : plus on contrôle des équipements sur
la durée, plus ils deviennent intelligents. Tem-
pérature, humidité, température extérieure,
nombredepersonnesquicirculentdansunbâti-
ment… de nombreux capteurs nous permettent
d’enrichir ces modèles. Et le machine learning
(apprentissage automatique) permet d’appré-
hender les comportements des infrastructures
etd’empêcherdesdéfectionsoudespannes. »
La vraie révolution viendra du renouve-
lable.Al’échelled’unpaysetdesstratégiesdéve-
loppées par les services publics, le sujet est bien
plus complexe. La croissance de la demande en
énergie est faible et les fournisseurs subissent
une double pression : l’une politique, en faveur
d’une baisse des coûts des énergies renouve-
lables, et l’autre portant sur l’amélioration de
l’efficacité énergétique tout en investissant dans
la maintenance et la modernisation des infras-
tructures.
Cette rupture de modèle est différente de
celle que connaissent les acteurs du marché des
télécommunications : les producteurs d’énergie
voient la demande se réduire et s’ils insistent
pour faire croître leurs prix, les consommateurs
Energie
AMoffettField,enCalifornie,dansleslabo-
ratoires de la Nasa, Thomas Chung et son équipe
fêtaient il y a quelques semaines leur dernière
levée de fonds : 9 millions de dollars ! Un joli
pactole pour leur start-up Verdigris et pour une
idée simple : la société a développé un système
d’analyse de consommation d’énergie pour
les grandes infrastructures – usines, hôpitaux,
hôtels, etc. Il récolte les données en temps réel
de toutes les installations ; l’idée est ensuite de
fournir un tableau de bord aux gestionnaires
grâce à des capteurs connectés essaimés sur les
réseaux électriques et capables de savoir où, par
quoi et quelle quantité d’énergie est utilisée. Un
exemple très parlant des promesses de l’Inter-
net des objets en matière d’optimisation de la
consommationénergétique.
« La connectivité qui arrive dans l’énergie
va impacter la manière dont nous consommons
l’énergie dans l’habitat ; et les conséquences sur
le business seront exponentielles », explique
Christel Heydemann, Senior vice-president cor-
porate strategy, alliances development chez
Schneider Electric. Il semble facile de perce-
voir ce que l’Internet des objets peut changer
sur l’analyse énergétique des bâtiments, mais
la rupture avec les anciens modèles n’est pas si
évidente. « Le premier frein est les organisations
elles-mêmes, car quand on parle d’Internet des
chercheront des sources alternatives. Pour
Christel Heydemann, « il y a une vraie prise de
conscience sur les énergies renouvelables et le
stockage d’énergie. Les réseaux sont contraints
de devenir plus intelligents, notamment grâce
à des systèmes de capteurs autonomes qui per-
mettent d’optimiser la distribution de l’énergie.
Mais la vraie révolution viendra du renouve-
lable : l’énergie solaire n’est qu’au début de ce
que l’on peut connaître. Dans les pays émer-
gents, nous risquons d’assister aux mêmes phé-
nomènes que dans les télécoms : il est possible
que certaines zones voient l’électricité arriver
sansêtreconnectéesàunréseaucentralisé ».
Dans les pays développés, ce scénario serait
synonyme de catastrophe pour les fournisseurs
qui n’ont alors pas d’autres choix que de se réin-
venter. L’Internet des objets dans le marché de
l’énergie est ainsi le catalyseur de cette rupture
par sa capacité à produire de l’information. Les
résultats attendus sont triples. D’abord, la rési-
lience des réseaux s’améliore grâce au déploie-
ment de capteurs. Ensuite intervient l’optimisa-
tion :ellenepeutseconcrétisersansuneanalyse
précise des data émises sur le réseau. Enfin, une
meilleure gestion du réseau peut intervenir, et
donc une stratégie d’investissement éclairée,
clefdusuccèsdansunenvironnementdeplusen
pluscompétitif.Cesontlestroisclésdelarévolu-
tionénergétiqueàvenir. H.S.
Versunnouveaumodèleénergétique
Lacapacitéd’analysedeconsommationsurlesréseauxélectriquesest
lapremièrephasederupturepourlemarchédel’énergie
« Quandunlivreur
arriverachezvous,vous
serezenmesuredelui
ouvrirvotregarageà
distanceoùquevous
soyezsurlaplanète »
vendredi 15 et samedi 16 avril 2016 l’Opinion IV
Depuis quand PTC est-il installé en France et
quel est son métier ?
PTC est arrivé en France en 1989, par l’inter-
médiaire de solutions de conception assistée
par ordinateur (CAO). Ces solutions permettent
de créer le modèle numérique d’un produit afin
de le tester, le fabriquer et s’assurer que des
produits complexes comme des voitures ou
plus simples comme des téléphones répondent
aux cahiers des charges. De nombreux para-
mètres entrent alors en jeu dans l’idée de ré-
pondre aux questions suivantes : comment ce
téléphone est-il fabriqué ? Avec quelles pièces ?
Venant de quels sous-traitants ? Quelles sont
les modifications qui interviennent sur le pro-
duit ? Est-il conforme aux normes de sécurité
ou écologiques, etc. A la fin des années 1980,
PTC a introduit une notion révolutionnaire de
« paramètres » dans le design des produits. En
clair, les formes n’étaient pas de simples formes
mais le résultat d’un calcul mathématique basé
sur des paramètres. En les modifiant on pouvait
modifier simplement les formes et tout ce qui
en découlait (programmations des machines,
plans…). Aujourd’hui, nous sommes toujours
sur le marché de la CAO avec une stratégie ou-
verte pour s’assurer que nos clients peuvent
utiliser nos solutions ainsi que des solutions
concurrentes de la manière la plus neutre et la
plus transparente possible. PTC croit pouvoir
gagner par la force de ses produits, avec une po-
litique de collaboration ouverte. La CAO repré-
sente 40 % de notre chiffre d’affaires.
Outre la conception assistée par ordinateur,
quels sont vos autres métiers ?
Nos autres revenus sont générés par le déve-
loppement de logiciels qui gèrent les processus
de développements (« PLM ») ou bien les pro-
cessus de maintenance (« SLM »). Ils permettent
à nos clients de collaborer entre les différentes
fonctions de l’entreprise, pour les aider par
exemple à augmenter le nombre des variantes
de produits, offrir plus de customisations sur la
basedeplateformescommunes,optimiserleurs
stocks de pièces détachées par rapport à un ni-
veau de service, ou encore améliorer l’efficacité
de leurs opérations de maintenance. Nos outils
permettent par exemple de déterminer, dès la
conception des produits, quand et comment
changer des pièces. L’idée est de raccourcir la
durée totale de mise sur le marché d’un pro-
duit tout en augmentant sa qualité tout au long
de son cycle de vie. Tous les paramètres sur les
produits que nous intégrons dans nos logiciels
sontdesdonnéesquiserventautantauxchaînes
de montage qu’à la maintenance et même aux
sous-traitants. Cela doit se faire en collabora-
tion avec d’autres éditeurs de progiciels comme
Oracle ou SAP, qui eux interviennent sur la par-
tie « physique » du produit. Pour résumer, on
leur transmet les informations du produit « digi-
tal » qu’ils exécutent pour donner naissance au
produit physique.
Pourquoi l’Internet des objets devient un
sujet stratégique ?
PTC travaille sur l’Internet des objets (IoT)
depuis 2013. C’est devenu notre cœur de straté-
gie depuis 2014. Nous avons investi 700 millions
de dollars dans ce domaine en dix-huit mois.
Nous avons réalisé des rachats de sociétés dans
divers domaines de l’IoT, dont ThingWorx, une
société spécialisée dans le développement d’ap-
plications qui permet de faire remonter dans le
cloud des informations provenant de produits
physiques et développer des applications pour
fournir de nouveaux services. ThingWorx est
depuis devenu notre marque IoT. Nous avons
racheté d’autres sociétés, comme Coldlight qui
édite un outil d’analyse de données et repré-
sente notre offre sur les sujets big data et intel-
ligence artificielle. Avec Kepware, nous avons
investi dans la connectivité afin de pouvoir
intégrer à nos plateformes les machines et les
produits qui fonctionnent sur des protocoles
variés, modernes comme plus anciens. Nous
avons enfin racheté Vuforia au géant américain
Qualcomm, une plateforme dédiée à la réalité
augmentée et réalité virtuelle : il y a une énorme
opportunité à combiner la réalité physique et la
réalité numérique pour fournir des interfaces
sur les objets connectés compréhensibles par
l’humain, par exemple en permettant de visua-
liser les données émises par des pièces ou des
machines.
Vous parlez d’intelligence artificielle, de
big data. PTC est-il concurrent d’IBM ou de
Cisco ?
Nous sommes sur des segments différents
malgré des zones de recouvrement. Notre solu-
tion « Neuron » fait face au Watson d’IBM. Mais
si l’on regarde l’ensemble de la plate-forme que
PTC développe, on s’aperçoit que nous avons
finalement plus de complémentarité avec IBM
que de zones de recouvrement. Ces sociétés,
commeCiscoadoptentdavantageuneapproche
généraliste, avec un focus sur les protocoles de
communication. Notre métier se concentre sur
lacréationdeplateformesIoT,marchéquenous
estimons à plusieurs dizaines de milliards d’eu-
ros par an et sur lequel nous souhaitons nous
différencier en nous spécialisant sur l’industrie
et la gestion des « assets », tandis que Cisco, HP,
ou d’autres opérateurs vont aller opérer sur des
marchés plus grand public, de volume, poten-
tiellement d’ailleurs en intégrant nos technolo-
gies dans leurs solutions.
Vous êtes donc contraints d’adopter des
logiques de partenariats…
Dans une perspective de verticalisation des
métiers, les partenariats sont clefs. D’ailleurs
la plupart de nos clients deviennent des parte-
naires quand ils distribuent par exemple une
solution de gestion d’un parc automobile. Nous
travaillons par exemple avec GE sur un Manu-
facturing Execution System (MES), c’est-à-dire
unsystèmedegestiondesprocessusindustriels.
Avec Bosch, c’est sur les outils intelligents que
nous travaillons dans la mesure où le groupe
allemand intègre notre technologie dans ses
systèmes en open source. Récemment, c’est un
accord avec Altice (SFR) et Sigfox qui a été signé.
La « coopétition » au sens propre du terme est
nécessaire tant notre domaine d’activité est
immense, d’où la nécessité de nouer des parte-
nariats avec des sociétés qui peuvent être par
ailleurs concurrentes sur certains domaines,
comme Microsoft ou IBM.
Quelles sont les perspectives du marché
européen de l’Internet des objets industriel ?
En Europe, le dynamisme de ce marché est
très fort. Le taux de croissance de nos parts de
marché est similaire avec celui que nous avons
aux États-Unis. Il est d’ailleurs intéressant de
voirquelaFranceestexcessivementdynamique
surlapartieIoT :denombreusesstart-upsesont
lancées dans ce secteur et le taux d’adoption
des grands groupes est élevé. En Allemagne,
l’angle de ce marché est davantage industriel et
se concentre plus sur les chaînes d’assemblage
et de fabrication (Industrie 4.0). Au Royaume-
Uni, c’est un habile mélange entre les tendances
françaisesetallemandes.L’année2016seramar-
quéeparunecroissanceàtroischiffres.PTCvise
en Europe une cinquantaine de millions de dol-
lars de chiffre d’affaires. Sur le Moyen-Orient et
en Afrique, on observe un début de croissance
avec des problématiques intéressantes comme
la gestion de l’eau, des pipelines connectés,
des mines « automatiques ». Les opérateurs
souhaitent se lancer dans l’Internet des objets
dans un marché pour lequel les centres de com-
pétence techniques peuvent être éloignés, ce
particulièrement pour le marché militaire ou
l’industrie médicale. Nous avons par exemple
un partenariat avec Etilasat, qui distribue nos
solutions dans la région. Nous voyons aussi des
développementsdanslasantéenAfrique.
Qui sont vos grands clients en Europe et quels
secteurs sont les plus prometteurs ?
Dans l’Internet des objets, nous travaillons
avec Schneider Electric, Airbus, John Deere,
Bosch, MBDA, GE Healthcare etc. Les construc-
teurs automobiles comme PSA Peugeot Citroën
ou Renault ont aujourd’hui leurs propres initia-
tives ;cesontsouventdessociétésdeservicesqui
travaillentsurcessujetsaveceux.Celapeutrapi-
dement évoluer en fonction des stratégies adop-
tées. Il y a aujourd’hui d’importants débats dans
l’industrie médicale et l’agriculture pour savoir
silesplateformesdéveloppéesparlesindustriels
ne seront pas ouvertes à leurs propres concur-
rents. C’est en quelque sorte similaire au fait
d’ouvrir la plateforme Uber pour les taxis. Pour-
quoi Philips ne fournirait-il pas sa plateforme
IoT à GE par exemple ? Et est-ce
que la commercialisation de ces
plateformes ne deviendrait-elle
pas une part importante de ces
modèles économiques ? C’est
quelquechosequel’onvoitaussi
dans le monde agricole. Cette
industrie est très avancée sur
l’Internet des objets, puisqu’in-
terviennent satellites, capteurs
au sol, systèmes de distribution
d’engrais et autres technologies
d’ensemencement. D’autres
secteurs comme les transports
sont concernés : nous travail-
lons avec CNH Industrial qui
cherche à développer des appli-
cationsquipeuventallerau-delà
du simple camion connecté,
et par exemple permettre de comprendre la
manière dont travaillent les chauffeurs les plus
efficaces dans l’idée de faire un retour qualitatif
capable d’optimiser leur conduite pour réaliser
des économies de carburant. Les économies et
gainsécologiquessonténormes.
Comment les industriels doivent-ils appré-
hender le sujet de la propriété des données ?
On voit que de plus en plus de nos clients
mettre en place des directions digitales. No-
tamment parce que les sujets comme la pro-
priété des données doivent être traités au ni-
veau stratégique. La question est de savoir ce
que l’on souhaite faire de ces données issues
de différents processus et capteurs. Certaines
doivent être partagées, d’autres protégées.
Peut-être qu’un industriel peut les vendre à
son concurrent, à ses clients, pour en faire une
source de revenus supplémentaires. Ce qui
semble sûr est que la donnée est un actif stra-
tégique, et que les entreprises qui sauront au
mieux l’exploiter gagneront. C’est sur ce sujet
que l’on pourra voir des ruptures dans les mo-
dèles économiques.
Interview Hugo Sedouramane
@Indixit t
« La“coopétition”estnécessairetant
notredomained’activitéestimmense »
PaulGrenet(PTC) :« Nousavonsinvesti700 millionsdedollars
dansl’Internetdesobjetsendix-huitmois,principalement
encroissanceexterne »
Paul Grenet : « L’Internet des
objets est devenu notre coeur de
stratégie depuis 2014. Nous avons
investi 700 millions de dollars dans
ce domaine en dix-huit mois. »
Xavier Popy/REA
Tribunelibre
PascalLaurin
Unenouvelle
histoireentre
l’hommeet
lamachine
ChezBosch,lesobjetsconnectés
incarnentunevisionglobale,que
l’onparledelamaisonintelligente,
delavoitureintelligente,del’énergie
intelligente,delasantéconnectéeoude
l’usineintelligente.Celasetraduiraen
14 000prochainesembauchessurles
sujetslogicielsetobjetsconnectésdans
lemonde,carBoschentenddevenirun
acteurmajeurdanslelogiciel.Al’hori-
zon2020,onparled’unmilliardd’euros
d’économiesgrâceànossystèmes
technologiquesindustrie4.0(i4.0)
implémentésdansnos 250usines.
EnFrance,noussommesengagés
danslatransformationnumériquede
l’industrieenétantmembredel’Alliance
IndustrieduFutur.L’idéeestd’implé-
menternotrevisiondel’industrie4.0
dansnosdixusinespourconserver
leurcompétitivité.Legroupeveutaussi
proposerauxautresindustrielsses
technologiesi4.0etgénérerunmilliard
d’eurosdeventessupplémentairesd’ici
à2020,notammentvianosdivisions
commeBoschRexroth,quipropose
dessystèmesd’automatisationpour
l’industrie.
Mi-mars,leCEOdeBosch,Volkmar
Denner,aannoncélelancementdu
cloudBosch.Cecloudavocationà
répondreànospropresbesoinsdans
lesdomainestelsquel’industrie,la
mobilitéetlesbiensdeconsommation.
Nousleproposeronsaussiànosclients.
Pourlesopérationsd’assemblagesurles
lignesdeproduction,nousproposons
desvisseusesconnectées(Nexo) ;elles
remontentdesinformationssurle
coupleetl’angledeserragedelapièce.
Cesdonnéessontensuiteintégréesdans
uncloudoùl’ensembledesinformations
delapièceassembléesontagrégées.
D’autresdispositifscommelerobot
APAS,unrobotcollaboratif,facilitele
travailhomme-machinesurdeschaînes
d’assemblage :ilestdotéd’unepeau
hypersensiblequiluipermetdes’arrê-
terquandils’approchedel’opérateur
àquelquesmillimètres.Danscepara-
digme,l’hommeasaplaceaucentrede
l’industriedufutur.
Avatarnumérique.Notrevision
estdecontinueràfairecequel’onsait
faireentermesdeproductiondemasse
avecunequalitéoptimum,maisen
ajoutantdescapacitésdepersonnali-
sationdeproduitsetderéponseàdes
spécificationsclient.Noussouhaitons
aussiaccompagnerleclientdanssa
digitalisation.Lecloudnouspermet
ainsidecommuniquerauclientun
avatarnumériquedelapièceproduite
pourqu’ilaitaccèsàtouteslesdonnées :
qualité,cotation,performance,etc.Si
onlivreàunconstructeurautomobile
uninjecteur,cedernierestalorsidenti-
fiéviasa« datamatrix ».L’opensource
estaussiimportantpourBosch.Nous
voulonslepluspossibleouvrirnosappli-
cationsànotreécosystème,ycomprisà
nosconcurrents.
Lamodernisationdenosusinesva
avoirunimpactsurnosmodèleséco-
nomiquesauniveaudenotrerelation
client.ADrancy,usinespécialiséedans
lafabricationdeschaudièresgazELM
Leblanc,ledéploiementdessolutions
industrie4.0vadelaRDauservice
après-venteenpassantparlaproduc-
tion.Lesdonnéessontremontéestout
aulongduprocessusdefabricationdela
chaudièregarantissantlatraçabilitédes
produits.Quandelleestlivréeauclient
final,lachaudièrecommuniqueréguliè-
rementsesdonnéesdefonctionnement
qui,unefoisanalysée,facilitelesinter-
ventionsdestechniciensduSAVetper-
mettentaussil’améliorationconstante
desproduitsparnosservicesRDetde
concevoirainsideschaudièresencore
plusperformantes.
PascalLaurinestchefdeprojetIndustrie
4.0chezBoschFrance
Parcours
PaulGrenet a rejoint
PTC en 1996 et a occupé
diverses fonctions clés
dans l’entreprise. Avant
d’être nommé à son poste
actuel de vice-président de
la division EMEA, il était
vice-président Europe
de l’Ouest et auparavant
Responsable de la Division
aéronautique et défense
pour l’Europe. Entre
1996 et 2008, il a occupé
successivement des postes
de direction des ventes
toujours dans le domaine
des grands comptes
aéronautique et défense.
« Nosoutilspermettent
dedéterminer,dèsla
conceptiondesproduits,
quandetcomment
changerdespièces »
« Laplupartdenos
clientsdeviennentdes
partenairesquandils
distribuentparexemple
unesolutiondegestion
d’unparcautomobile »