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Regnabit. Revue universelle du Sacré-Coeur. 1921/08.




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"
  La       bienvenue                    à       ï^egnabit"

    Les témoignages de sympathie continuent             à nous parvenir,
reconnaissants, enthousiastes, encourageants.
    J'en choisis quelques-uns.
                               *                                      '

                                            »     Évêché de Perpignan.
           MONSIEURE DIRECTEUR,
                     L
    Veuillez me permettre de vous adresser mes félicitations pour la
revue universelle du Sacré-Coeur, Regnabit, qui se présente fort bien,
avec une abondance d'information et de doctrine qui lui assurera son
succès.
    Je vous donne l'assurance que votre revue va entrer dans le
grand Catalogue du Prêt-Revues et je suis sûr que je vous procurerai
plusieurs abonnements.
   1Daignez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de mon respect.
                                                        J. MARTY.
                               Archevêché de Valence, 5 juin 1921.
           MON RÉVÉREND     PÈRE,
    J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre très aimable
de mai, avec le programme de la nouvelle revue Regnabit qui l'accom-
pagne.
    Et l'objet et le but de la revue sont d'une utilité très grande, et
répondent à merveille aux besoins d'aujourd'hui.
    Je vous prie d'agréer, mon Révérend Père, ma reconnaissance,
mes voeux les plus sincères et ma bénédiction pour le succès de cette
publication, avec l'assurance de mes sentiments tout religieusement
 dévoués.
                                                           ENRIQUE.
                                                  Archev. de Valence.
                               ALEXANDRIE (Egypte) 1 Juin 1921.
           MONSIEUR   L'ABBÉ,
     J'ai parcouru la revue Regnabitque vous avez eu l'amabilité de
, m'erivoyer. J'en apprécie fort le but, le programme, l'esprit et l'utilité.
— 146 —

Aussi' je me fais un agréable devoir de vous remercier de votre envoi
et j'inscris ma maison épiscopale pour un abonnement à la revue
Regnabit.
     Puisse la revue Regnabit, que je bénis ainsi que ses rédacteurs,
attirer au Divin Coeurde nombreux et très fidèles amis. Ils trouveront-
en Lui : force, consolation, espérance et mettront leur sàiut personnel
en sécurité.
     Avec ma bénédiction, veuillez agréer, Monsieur l'Abbé, l'assurance
de mon entier dévouement en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
                                           AURÈLEBRIANTE,
                           Arch. de Cyrène, Vicaire apostolique de l'Egypte. .
      Du R. P. Pègues, 0. P. :
             MON RÉVÉREND      PÈRE,
      ...J'ai déjà dit autour de moi combien votre titre me paraissait
 heureux. Regnabit ne pouvait être mieux choisi. Il dit tout, à lui seul.
 Le premier numéro m'a beaucoup plu. Je crois que la Revue «prendra »
 et je lui souhaite le meilleur succès.
       Du R. P. Dom Gaspar Lefebvre, Prieur de l'Abbaye de Saint-
  André, Belgique.
              BIEN CHER RÉVÉREND
                          ET             MONSIEUR'ABBÉ,
                                                    L
       Votre excellente Revue universelle du Sacré-Coeurme paraît appelée
  au plus brillant avenir et devoir exercer un apostolat des plus fructueux-
       L'heure de la lancer est admirablement choisie, et d'emblée elle
  aura conquis toutes les sympathies.
        D'une petite employée :
       Je suis heureuse de vous dire, Monsieur l'Abbé, que votre Revue
  est aussi belle que je la désirais. La méditation sur l'apostolat du
  Sacré-Coeur m'a plu particulièrement. Je pense que cette publication
  trouvera des lecteurs très fidèles, dans un public qui sera du même
  genre que celui des Etudes ou de la Vie spirituelle. Pour ma part, j'en
  espère beaucoup de bien.
       Je ne suis qu'une petite employée ; d'une instruction moyenne.
  Je compte bien être aidée par cette Revue à aimer davantage Notre-
   Seigneur et à le faire aimer.
         Enfin, bien des périodiques ont déjà salué Regnabit. Pour
   faire connaître quel a été leur accueil, il me suffira de citer
   l'Action catholique de Québec :
         « Sous le titre : Regnabit, vient de paraître une revue universelle
   consacrée à la gloire du Sacré-Coeur. Elle a pour fondateur et directeur,
   M. l'abbé Félix Anizan, dont on connaît les nombreux et importants
   travaux pour l'extension et l'affermissement du Règne social du Sacré-
   Coeur de Jésus : Vers Lui, Par Lui, En lui, Élévations, etc. La nouvelle
'/publication se présente sous le patronage distingué de S. E. le Cardinal
    Dubois, archevêque dé Paris, et avec une bénédiction de l'Ordinaire de
    Paray-le-Monial, S. G. Mgr Berthoin, évêque d'Autun.
         Cette Revue est particulièrement sympathique et s'annonce d'un
    intérêt captivant, avec la collaboration qu'elle s'est assuréede la part
de quelques théologiens, parmi les.plus éminents du monde entier,
heureux de vouer leur talent à la propagande du Règne social du
Divin Maître.
                                  *
                                 * *
     J'ai d'abord hésité à transcrire ces lignes dont quelques-unes
sont trop flatteuses pour moi. Mais ces louanges, c'est à l'idée de
Regnabit qu'elles vont ; c'est à son esprit ; c'est à son programme ;
c'est aux amis ardents qui le réaliseront.
     Je l'ai maintes fois senti, la joie qui sourit à Regnabit vient
 de ce que bien des amis du « Roi universel » avaient besoin
 d'une revue qui soit universelle... à Son image : d'une revue où
 toutes les voix puissent se faire entendre, où toutes les oeuvres
 puissent se présenter !
    Vive le Sacré-Coeur, « Roi et Centre de tous les coeurs ! »
    Regnabit est etjrestera « la Revue Universelle du Sacré-Coeur ».
                                         „ F. ANIZAN,
                                  Secrétaire général de Rédaction.
-.—148 —

                                          /.   LES   IDÉES



           La      Dévotion             au      Sacré

 dans        les     Missions           du      Mackenzie

     C'est sans doute pour affirmer qu'ils ne refusent aucune
collaboration, si humble soit-elle, que les Directeurs du Regnabit
ont sollicité quelques pages du Vicaire Apostolique du Mackenzie.
Ils ont voulu aussi donner une preuve évidente de leur intention
d'étendre l'objet de la revue à tout l'univers.
  - Le Vicariat du Mackenzie est bien, en effet, aux extrémités
du monde, puisqu'il comprend la majeure partie des îles que
possède le Canada dans l'océan Glacial et n'a d'autres limites,
au nord, que le pôle.
      La Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, dont les
 Missionnaires s'y dévouent depuis plus de trois quarts de siècle,
 fut choisie de Dieu pour aller, la première, visiter les immenses
 régions qui s'étendent, de la baie d'Hudson aux extrémités de
 l'Alaska. Par ses enfants, pour la première fois, sur divers points
 de ces vastes solitudes, fut offert le « Sacrifice Saint » que, suivant
 la prophétie de Malachie, Dieu voulait se voir offrir en tous lieux,
 jusqu'aux extrémités du monde.
      Me sera-t-il permis d'ajouter que deux de nos Missionnaires,
  en arrosant de leur sang ce champ de neige, ont eu l'insigne
  honneur de suppléer à ce qui manquait au sang du Rédempteur
  pour faire bénéficier du salut les pauvres habitants de ces déserts
  de glace ?
       Mais je ne veux traiter ici que de la « dévotion au Sacré-Coeur
  dans les Missions du Mackenzie. » Je dirai donc : 1° Comment
  nos chrétiens comprennent le Sacré-Coeur ; 2° Comment ils le
   servent.
                                    * **

.'.'.'.. I. Comment nos chrétiens comprennent le Sacré-Coeur.
         Je me rappelle la parole d'un vétéran de nos missions à un
     bon prêtre qui, il y a trente ans, cherchait à le convaincre des
     effets que produirait chez nos indiens, la diffusion d'une image,
     du reste très belle, du Sacré-Coeur représenté tout seul avec les
     emblèmes habituels. « Mon cher Monsieur, lui dit en toute
     franchise le missionnaire, nos sauvages n'y comprendront rien
     du tout. Il ne faut pas oublier que, dans nos missions, nous en
     sommes encore aux premiers temps de l'Église. »
— 149 —

       Quelques mois plus tard, arrivant à la mission de Notre-Dame
des Sept-Douleurs où je devais faire mes premières armes, je fus
frappé par un beau Sacré-Coeur lui aussi tout seul, qu'un de nos
bons frères convers avait peint sur le devant de l'autel. « Ce coeur
là est en effet un petit chef-d'oeuvre de peinture pour nos contrées,
me fit remarquer mon mentor à barbe grisonnante. Mais ça ne
dit pas plus à nos sauvages que ferait un coeur de caribou. Ils en
manipulent tant durant leurs chasses. »
        Il est certain que, par attrait, nos chrétiens vont plutôt et
 directement à la Personne même de Notre-Seigneur,                  qu'ils
 appellent « Sacré-Coeur » quand ils Le voient le coeur sur la
 poitrine.
        Je suis heureux de pouvoir en extraire la preuve d'une lettre
 sortie de la plume d'une de nos anciennes élèves de la Providence.
 Elle avait quinze ou seize ans. A la suite de la perte vivement
 sentie d'une personne aimée, elle m'écrivait •— en français — :
   « Mon unique consolation est de la retrouver tous les jours dans
  le Coeur du Sacré-Coeur. » Pour cette enfant des bois, le Sacré-
  Coeur est bien la personne même de Notre-Seigneur montrant
  son Coeur.
         Autre exemple. C'est à la veille de quitter notre mission
  Saint-Joseph pour me rendre en Europe. Louyson Dos-Noir, un
  des gros personnages Montagnais, venant me donner la poignée
   de main d'adieu, en profite pour me confier toute sa joie d'avoir
   le Sacré-Coeur intronisé depuis quelque temps dans sa petite
   cabane. « C'est très bon ! me dit-il. Il vit avec nous ! Il est le
   Maître de la maison. Devant Lui nous prions réunis. Quand je
   suis à la chasse, Il veille sur ma femme qui ne se sent plus seule.
    Et cette pensée me rend le coeur fort et plus alerte pour chercher
   la vie de la famille. D'autant plus que en même temps II me
    protège partout où je vais dans les bois. Ainsi, par Lui, malgré
    la distance, ma femme et moi restons toujours unis, et nous avons
    le coeur plus fort. Oui ! c'est très bon ! Je te remercie de nous
    l'avoir donné ! »                                           v        .
          Inutile de multiplier les faits. Il n'y a aucun doute. C'est bien
     Notre-Seigneur que nos Indiens veulent honorer directement.
     Et je crois que le génie même de leurs différents dialectes les y
     pousse.
          Chez nous, pas de mots abstraits. Pour exprimer les réalités
     que les mots abstraits représentent dans les autres langues, nous
      devons avoir recours à des verbes employés à l'impersonnel, ou à
     des périphrases.
           Ainsi deux mots sont en usage pour dire : aimer. Le premier
      beganyenigest' an, plus général, signifie" éthymologiquement          :
       « Je mets, ou mieux, j'ai mis mon esprit (ma pensée) auprès de
      lui ». — Le second plus affectueux, plus tendre, begandareschie
      veut dire : « je mè pousse (je me grandis) vers lui par désir où
— 150

par souffrance ». Quel que soit celui que l'on applique à Notre-
Seigneur pour traduire son amour, il faudra toujours construire
la phrase comme suit : « Jésus son amour (son-il-nous-aime) ».
Comme on le voit, nous sommes contraints de mettre tout de.
suite en avant la personne même, —- et agissante — du Verbe.
De même, si nous parlons du Sacré Coeur, nous devrons dire :
 « Jésus, son Coeur-Saint, Jésus son Coeur bienveillant »... Et
l'amour du Sacré-Coeur de Jésus s'exprimera ainsi : Jésus son
 Coeur, son-Il-nous-aime.          Grammaticalement,      impossible de
 s'expliquer autrement...
       Pour nos Dénés, le Sacré-Coeur n'a donc jamais été que le
 Verbe Incarné. Mais c'est le Verbe Incarné se manifestant à eux
 sous une forme nouvelle plus attrayante. C'est Jésus les aimant
 de tout son Coeur, et leur montrant son Coeur pour mieux leur
 faire comprendre son amour et leur en rappeler le souvenir.
        Et c'est bien sous cette forme qu'ils préfèrent Jésus : avec le
 Coeur embrasé sur la poitrine.
        Il leur parle plus au coeur : La Croix, la Couronne, la Plaie
  leur redisant sans cesse les excès auxquels l'amour l'a porté pour
  les sauver.
        Chez nos Indiens, comme chez tous les peuples, le coeur est
  considéré comme le siège de l'amour. Ils disent couramment :
   « Je t'aime de tout mon coeur. » Pour eux aussi le coeur donne à
  l'homme sa vraie valeur morale ; suivant les qualités de son coeur,
  un Montagnais est bon ou mauvais
         Ils ne trouvèrent donc point étrange que, pour mieux leur
   faire comprendre, estimer et aimer le Rédempteur, on s'appliquât
   plus spécialement à'leur montrer toutes les richesses de son Coeur
   adorable et à faire remonter vers Lui, comme à sa source, le
   fleuve de miséricordes dont les ondes purifiantes et vivifiantes
   parvenaient jusqu'à eux.
         Chez eux, le Coeur est-il considéré comme symbole de l'amour ?
    Il n'y a pas à en douter, bien que les mots symbole et le verbe
   symboliser ne se trouvent pas dans leur vocabulaire. Ils ont en
    effet l'expression qu'emploient les amis pour affirmer plus énèr-
    giquement leurs sentiments : « Si tu voyais mon coeur : je voudrais
    pouvoir te montrer mon coeur... »
          Eh bien, nos sauvages n'ont vu, dans le récit des manifes-
    tations que Notre-Seigneur a daigné faire de son Coeur, que la
    réalisation d'une chose impossible à l'amitié humaine... Et ils
    ont trouvé cette manifestation toute naturelle à un Dieu tout
    puissant.
          On leur a dit que' le Verbe, le Fils de Dieu est l'image parfaite'
    substantielle, vivante du Père. De même que de toute éternité,
     Il dit au Père ses amabilités infimes, le Père trouvant ses complai-
     sances dans la contemplation de cette parole vivante, le Verbe
a pour mission de parler à l'homme, dont l'intelligence est â
l'image de celle du Père, et de lui dire que Dieu est parfait,
surtout qu' Il est tout amour, infiniment aimable. Son discours à
l'humanité a commencé à la création : chaque être sorti du néant
au souffle de cette parole toute puissante, porte le reflet de
quelque amabilité divine.
       Il a continué par ses révélations aux prophètes. Il s'est fait
 plus vivant par l'Incarnation dans les exemples, les enseigne-
 ments, les miracles de Notre-Seigneur, plus pressant, plus explicite
 encore à mesure qu'approche la démonstration si éloquente du
 calvaire... Quid potui facere et non feci ?... Il semblerait toucher à
 la fin quand on l'entend prier pour ses bourreaux, les excuser
 même!...      Encore un gémissement : Sitio ! Appel suprême
 d'un amour insatiable !... Le « Tout est consommé » n'est
 qu'une pause impressionnante... Defunctus adhuc loquitur /...
 Les apôtres, continuateurs du Verbe qui vit en eux et qui confirme
 leur parole par dés miracles, s'en vont à travers le monde prêcher
 l'amour de Dieu... Sic Deus dilexit mundum !... Amour dont ils
  ont été les témoins, amour qu'ils ont, en quelque sorte touché du
  doigt avec saint Thomas dans les plaies sacrées... Avec saint
  Jean ils répètent : « Nos autem credidimus caritati » et leur
                  ils le scellent de leur sang !...                  •
  témoignage,
        Après eux, des milliers, des millions de martyrs marchent sur
  leurs pas. Comme eux ils attestent, sous les coups de fouet, au
  milieu des tortures, sous là dent des bêtes fauves, que biens,
  plaisirs et honneurs de la terre, ne sont que boue repoussante en
 Iface des amabilités divines... Peu à peu l'Évangile se répand,
  Striaisavec quelle lenteur pour l'Amour du Sauveur impatient
   du salut des hommes ses frères !...
        Alors, comme dans une péroraison sublime, pour jeter la
   conviction dans nos âmes, non content de porter sa main à la
   poitrine pour nous crier avec une émotion profonde : « Ah ! si
   vous pouviez voir mon coeur, vous verriez combien je vous aime ! »
    Lui à qui rien n'est impossible, dans un geste de suprême élo-
    quence, — geste vraiment divin — Il arrache pour ainsi dire
    son coeur de sa poitrine, Il le met en relief, avec ses flammes
    débordantes, la croix plongée dans son intime, la couronne
    d'épines, là plaie encore béante, le sang qui en coule toujours, et
     Il lance à l'univers cet appel suprême d'un amour méconnu.
     « Voilà ce coeur qui a tant aimés les hommes »... N'y aura-t-il
     donc personne pour l'aimer en retour ?...

         Il, Comment nos chrétiens aiment le Sacré-Coeur,
      Alors qu'il était encore rattaché à celui d'Athabaskâ, Te
  vicariat du Mackenzie fut officiellement consacré, avec ce dernier,
  au Sacré-Coeur de Jésus, vers 1893, par Mrg Grouard, récemment
.:>?;;' '"./
      -Vv:--'             ...:;';'.-—.' 152 V-,---.

  nommé Vicaire Apostolique des deux districts. Depuis lors, en
  union avec Montmartre, le jour de Noël, qui voit toujours
   accourir dans nos missions le plus grand nombre de nos Indiens,
   le Saint Sacrement est exposé à leur piété simple et naïve.Dans
   certains centres l'adoration est organisée par familles : ce sont
   les plus fervents.
         Si cette consécration solennelle à donné un nouvel essor à
   la dévotion au Sacré-Coeur, elle était cependant connue et aimée
, longtemps auparavant. En font foi nos livres de piété dans
   différents dialectes. Sans parler des cantiques qu'ils contiennent,
   mentionnons l'acte de Consécration en Montagnais. Il a pour
   titre : Jésus son Coeur Saint, on le console, on le loue, on se
    donne à Lui, pour cela on Le prie.
         Il serait difficile de préciser à quelle date fut introduite
 'telle forme plus spéciale de la piété. Tous les Missionnaires
    rivalisèrent sans doute de zèle pour maintenir toujours leurs
    petites chrétientés à l'unisson dans l'hommage que le monde
    catholique, sous de multiples formes, comme pour attester son
    impuissance à Le louer assez, se plaît à rendre au Roi divin
    qui ne craint pas de s'humilier jusqu'à se faire mendiant d'amour
    auprès de ses plus humbles créatures.
         Les premiers vendredis de chaque mois sont en honneur dans
    nos missions. Souvent nos gens retarderont ou abrégeront leur
    chasse pour pouvoir répondre au désir du Sacré-Coeur et com-
    munier ce jour-là
       • Dès la
                  veille, plusieurs de nos petites chapelles réunissent
    les fidèles de l'Heure Sainte. Avec quelle piété en suivent l'exer-
    cice ces pauvres sauvages.
         Dans l'adoration, la louange, la réparation et la prière, ils
    se préparent à recevoir le lendemain, dans l'Eucharistie, l'Ago-
     nisant de Gethsémani.
          Un certain nombre, parmi les plus fervents, ont envoyé leur
     nom à Paray-le-Monial avec leur jour choisi de communion
     hebdomadaire ou mensuel, pour l'avènement du Règne social
     du Sacré-Coeur.
          La pratique de F Intronisation a pénétré elle aussi dans le
     vicariat. « Dieu soit béni ! nous écrit le P. Duport, nos fidèles de
     la Mission Saint-Joseph ont entendu les appels du Coeur de Jésus ;
     peu à peu la porte de leur tente s'ouvre pour laisser passage au
      Divin Roï, qu'ils intronisent avec une grande piété, à la place
      d'honneur dans leur foyer ; cette intronisation est une vraie
      consécration de toute la famille (1). Il y a du reste peu de huttes,
      qu'elles soient de bois ou de peau, qui n'aient une image du Sacré-
      Coeur. Devant elle les mamans apprennent aux enfants à balbutier

     (1)Cettelettre a étécitéepar la Revue           Marie
                                         Apostolique.de Immaculée
                                                                (Lyon),
   mars 1921.
— 153 —

leurs premières prières ; elle préside la réunion du dimanche en
l'absence du Missionnaire; elle console les derniers instants des
mourants, et c'est vers elle que monte comme un encens parfumé,
l'acceptation généreusement résignée de la séparation suprême.
      La fête du Sacré-Coeur se célèbre avec une solennité, de plus
 en plus grande, et le mois qui lui est consacré est fidèlement
 observé, là où les circonstances le permettent.
      Enfin chez nous, cpmme partout, l'amour du Sacré-Coeur
 amène les âmes à la Sainte Eucharistie. Tel est bien le désir du
 Sacré-Coeur. N'est-ce pas en effet pour rapprocher les âmes de
 Lui, les convoquer à l'union la plus intime toute d'amour, que
 Notre-Seigneur a manifesté son Coeur Sacré à Sainte Marguerite-
 Marie, lui faisant les plus attrayantes promesses pour les fidèles
 du premier vendredi de chaque mois, lui redisant si souvent sa
 soif d'être visité, consolé,.reçu au Saint Sacrement?... Et pourrait-
 on trouver une âme vraiment passionnée d'amour pour le Sacré-
 Coeur qui ne le soit pour la .SainteEucharistie ?
       Eh bien ! dans toutes nos missions le chiffre des communions
  augmente graduellement. Qu'il me suffise de citer la plus septen-
  trionales de toutes, — celle du Saint-Nom de Marie. — C'est un '
  tout petit poste fréquenté seulement pendant quelques mois de
  l'année par 190 Loucheux... Nous y avons eu l'année dernière
  près de 3.000 communions.
       Il est vrai que cette mission compte parmi les plus ferventes.
  Peu nombreux sont les sauvages qui n'y sont pas fidèles à la
  visite quotidienne au très Saint Sacrement.
     1                                *

       Voilà comment nos chrétiens comprennent et servent le
  Sacré-Coeur.
       Pour eux, le Sacré-Coeur, c'est bien le Verbe divin fait homme'
  pour leur apporter la Rédemption. C'est le Fils de Dieu leur
   disant l'amour de son Père, leur Père, pour eux !... Ils ont trouvé
  tout naturel que pour leur faire comprendre que Dieu est tout
 . amour, le Verbe se soit fait tout Coeur, prenant un coeur dejehair,
   et l'ait montré tout endolori, avec les insignes de la passion !.,. ;
        Ils sont heureux de se joindre aux bergers, aux mages, aux
   chrétiens de tous les siècles... Devant Lui, se prosternant^ ils
                                       "
   L'adorent, et ils L'aiment !...         '.,
                          f G. BREYNAT, . M. i., év. d'Adramyte,
                                           o
                        Vicaire Apostolique du Mackenzie.
154


          Les       Révélations
                                            privées


      II. - La Révélation pMpe      et les Bévélations .privées

     Par un dessein de son incompréhensible amour, Dieu veut
nous communiquer sa vie, ses perfections, son bonheur, et nous
avoir avec lui dans le ciel comme compagnons de son éternité
Sa toute-puissance aurait pu, dès l'instant même où elle nous
tirait du néant, nous placer dans ce bienheureux état de la vie
céleste et nous admettre aussitôt dans cette intimité qui doit
constituer un jour notre bonheur suprême. Cependant, selon les
sages méthodes de sa Providence qui gouverne toutes choses avec
une force irrésistible, mais aussi avec la plus grande suavité, Dieu
 a jugé plus glorieux pour lui, et plus profitable pour nous, de
 nous préparer peu à peu à cette ineffable société qu'il veut avoir
 éternellement avec nous .dans le ciel.
      Or, à la base de cette économie de l'amour divin qui nous
 saisit dès notre arrivée à l'existence et qui nous enveloppe durant
 toute notre vie terrestre, se trouve la Révélation : parole divine
 exprimée en langage humain, par laquelle Dieu, condescendant
 à notre faiblesse, se met à la portée de notre esprit et se fait lui-
 même notre maître et notre guide dans les voies qui conduisent
 à la vie pleine et parfaite du salut éternel. Ayant voulu nous
  adopter dans son adorable famille, et nous avoir pour enfants,
 il se conduit avec nous comme le plus aimant des pères, se char-
  geant lui-même de notre instruction, de notre éducation, de notre
  formation à la vie divine.
      L'Écriture nous le montre, dès l'origine, conversant familiè-
  rement avec nos premiers parents ; il continue dans la suite des
  siècles à parler directement aux patriarches et aux prophètes ; il
  nous parle surtout par Jésus-Christ et ses apôtres qui nous
  apportent la grande révélation ; il continue encore de nos jours,
   et il continuera toujours à parier à quelques âmes de choix,
   jusqu'à ce qu'enfin vienne la pleine manifestation, celle qui nous
   le montrera à découvert, face à face, tel qu'il est dans la splendeur
   de sa gloire.
                                     * *
       .. Cependant, dans cet ensemble de communications intellec-
     tuelles entre Dieu et l'humanité, il faut absolument distinguer
     deux sortes de paroles de Dieu : celles qu'il adresse à tout le
      genre humain, et celles qu'il adresse à quelques âmes seulement
      qu'il fait les confidentes intimes de son coeur. De là, d'après
;'. : Renseignement de la théologie, deux révélations tout à fait
;'..   — 155 —        ;.'.' ';•-'',

distinctes, et d'importance tout à fait inégale : la Révélation
publique et les révélations privées.        .
     Si nous ne considérions que les documents du magistère
officiel de l'Église, il semblerait cependant, au premier abord,
qu'il n'y a d'autre révélation que celle qui s'impose à. tous les
hommes et qui nous vient par Jésus-Christ et ses apôtres. Offi-
ciellement, l'Église n'en connaît pas d'autre que celle-là ; elle
n'a donc pas à lui donner un nom spécial et à l'appeler «publique»,    .
 en opposition à une autre révélation qui serait moins universelle.
 Elle distingue bien la Révélation d'après l'Ordre du temps où
 d'après les auteurs inspirés qui l'ont reçue de Dieu ; elle parle
 donc de révélation « mosaïque » ou de révélation « chrétienne » ;
 elle la distingue encore selon la forme d'expression qu'a revêtue
 la parole de Dieu pour arriver jusqu'à nous : elle parle donc de
 révélation « écrite » ou de révélation « oralement transmise »;
  elle la distingue enfin selon le degré de perfection ou de clarté
  qu'a eu la vérité révélée à diverses époques : par conséquent elle
  dit que sous la loi ancienne la révélation était « incomplète et
  imparfaite », tandis que sous la loi évangélique, elle est arrivée
  par Jésus-Christ et les Apôtres à sa perfection et à sa plénitude.
  Mais jamais elle ne la distingue selon sa destination, ou parti-
  culière, ou universelle. En ce sens, l'Église ne connaît officielle- .
. ment que la Révélation universelle qu'elle appelle tout simple-
   ment « la Révélation ».
       La théologie dogmatique, qui n'est que l'exposé rationnel et
  , méthodiq uede la doctrine révélée, ne traite, elle aussi, que delà
  jseule révélation publique, celle qui est contenue dans l'Écriture
   iou dans la Tradition apostolique. Sous le nom tout court de
   ^Révélation, jamais elle n'entendra une révélation privée.

       Est-ce à dire que en dehors de la doctrine révélée que l'Église
   propose à tous, il n'y ait pas d'autres révélations véritablement
   divines ? où, s'il y en a, qu'on n'ait pas à s'en occuper, et qu'on
   doive les laisser aux heureux privilégiés qui les ont reçues de Dieu?
   Cette conclusion serait certainement trop rapide. Autre chose,
   en effet, que dans son enseignement officiel, qui s'impose obliga-
   toirement à tous, l'Église ne parle que de la Révélation faite
   par Dieu à tous les hommes ; et autre chose que, outre cette
   révélation universelle, l'Église n'en connaisse ou n'en admette
   pas d'autre.
        Toute l'histoire de l'Église n'est-elle pas remplie d'inter-
    ventions manifestes et immédiates de la divine Providence ?
 '
    N'y voit-on pas à toute époque, et dans tous pays, d'innombrables
    miracles et de fréquentes manifestations de l'esprit prophétique ?
    N'y lit-on pas bien souvent des récits de révélations • divines,
    rapportés par ceux-là même qui en sont les dépositaires et que
—::i5&

l'Église compte parmi les plus éjclalrésët les plus reeomtnandables
de ses enfants ? Sans doute, l'Église ne veut pas que nous accep-
tions sans discernement tous les récits merveilleux de la vie des
saints ; elle nous donne elle-même l'exemple de la plus sage
réserve. Mais ce serait certainement aller contre ses directions,
 et même contre son enseignement, que de rejeter en bloc toute
intervention personnelle, directe et immédiate de la puissance
 et de la bonté de Dieu dans la conduite des âmes.
      L'Église est fière de son histoire. Elle nous en recommande la
 lecture assidue et l'étude approfondie ; mais elle veut que nous
 y apportions un esprit sincèrement croyant qui sache voir, à
 travers les siècles, l'accomplissement, même sensible, de cette
 promesse de Jésus-Christ : «Voici que je suis avec vous jusqu'à la
 consommationdes siècles. » Elle nous exhorte surtout à étudier
 la vie des saints pour nourrir notre âme de leur céleste doctrine
  et y contempler des modèles de toutes les vertus. Or, la vie d'un
 grand nombre de saints, notamment parmi les plus illustres et les
 plus honorés, est toute remplie dedivines confidences, de véritables
  entretiens avec Dieu, avec Notre-Seigneur ou avec les esprits
  Célestes. Ne serait-ce donc pas une insupportable témérité pour
  un chrétien que de rejeter d'avance tous les récits de ce genre_?
  Ne serait-ce pas mépriser la conduite et les décisions de l'Église
  elle-même qui examine avec un si grand soin les révélations des
  saints qu'elle canonise? Ne serait-ce pas porter un jugement
  contraire à celui de l'Église que de traiter d'illusions et de pures
  imaginations les révélations d'une Sainte Gertrude, d'une Sainte
  Jeanne d'Arc, d'une Sainte Marguerite-Marie, et de tant d'autres
  saints si hautement loués par l'autorité suprême de l'Église ?
  Certains auteurs, anciens et modernes, qui s'étaient engagés un
  peu trop loin dans la voie du doute au sujet de ces interventions
  directes de Dieu, ont pu apprendre, à leurs dépens, combien
   cette tendance était contraire à la pensée de l'Église : la lecture
   de leurs ouvrages a été interdite, tandis que celle des livres
   racontant la vie des saints avec tous leurs miracles et leurs
   révélations, reste toujours fortement recommandée aux fidèles.
        Il est bien vrai, comme nous l'avons indiqué plus haut, que
  y Église ne se prononce jamais, en vertu de son magistère infaillible
   ni sur l'authenticité ni sur le contenu de telle ou telle révélation
   privée, mais, dans l'ensemble, elle admet et enseigne comme
   certain que Dieu intervient encore parfois dans le monde d'une
   manière directe et sensible, soit par les miracles de sa puissance
   soit par les communications immédiates de sa pensée.
        Prise ainsi dans sa gènéralitéj l'existence des révélations
   privées est admise sans conteste par tous les théologiens : saint
    Thomas affirme sans hésiter que de tout temps il y à eu des
    âmes éclairées par l'esprit de prophétie(11-11, Q. 174, a.6.ad3) ;
le Cardinal Bona est plus explicite encore quand il dit : « Aussi    ;:
bien l'Écriture que les documents de l'histoire nous prouvent
jusqu'à l'évidence que, de tout temps et dans toute condition,       r
depuis l'origine jusqu'à nos jours, il a existé des révélations
privées. » (De Discret. Spirit. cap. 20). Tel est le langage de tous
les théologiens, notamment des mystiques et des canonistes qui,
avec Benoît XIV {De Canon. Sanct. Iib, 3), tracent minutieuse-
ment les règles à suivre pour discerner les révélations divines de
leurs imitations ou contrefaçons.
     Nous n'insisterons donc pas davantage sur ce point qui ne
 fait doute pour personne parmi les catholiques. Ce que nous
 voudrions déterminer avec un peu plus de soin, parce que la chose
 est beaucoup moins claire, c'est la différence caractéristique qui
 existe entre ces deux sortes de révélations : publique et privée.
 D'où vient que l'une est obligatoire pour tous, tandis que l'autre
 est sans force pour obliger ceux qui ne la reçoivent pas directe-
 ment ? Il semble en effet que, de part et d'autre, c'est la même
 parole de Dieu qui, une fois commue, devrait s'imposer également
 à tous les hommes.
      Écartons tout d'abord quelques réponses manifestement
 fausses ou insuffisantes ; nous essayerons ensuite d'expliquer ce
  qui distingue radicalement la Révélation publique de toutes les
  révélations privées.

                                 * *

  ; En premier lieu, là différence que nous cherchons ne saurait
 se trouver dans le fait matériel de la plus ou moins grande
 publicité de la parole de Dieu. Il est évident en effet, que certaines
 parties de la Révélation publique, par exemple certains dogmes
 sur la Trinité, la grâce ou les Sacrements, sont moins connues que
 plusieurs révélations privées, comme sont les révélations du
 Sacré-Coeur.
      Nous ne la trouverions pas non plus dans l'objet même de la
 révélation, selon qu'il concernerait ou bien tout le genre humain
 ou bien seulement quelques personnes en particulier. Comment
 soutenir, par exemple, que le détail du festin d'Assuérus qui nous.t
  est rapporté dans le livre d'Esther, et qui fait partie de la Révé-
  lation publique, intéresse le genre humain plus que les récentes
  manifestations de l'amour du Sacré-Coeur, qui cependant ne sont
  que des révélations privées ?
      Il ne faudrait pas la chercher davantage dans le terme immédiat
  de l'action divine. Dans l'une et dans l'autre révélation^ en effet.
   Dieu ne: s'adresse directement qu'à telle ou telle personne, et il
  Féclâire de la même manière. Il est même fort probable que Dieu
   a parié ou parle encore personnellement à plusieurs saints beau-
158 —

coup plus intimement et plus clairement qu'il ne l'a fait à quelques-
uns des anciens prophètes dont les écrits font cependant partie de
la Révélation publique.
      La différence provient uniquement de la destination de la
parole de Dieu. Dieu veut-il s'adresser à tous les hommes par
l'intermédiaire du confident qu'il a choisi ? Dans ce cas, la parole
 de Dieu sera Révélation publique, bien que peut-être elle ne soit
 pas encore publiée, et qu'elle soit, pour le moment, connue de
 celui-là seul qui la reçoit. Dieu veut-il au contraire ne s'adresser
 qu'à la personne qui l'écoute ? La parole divine ne sera qu'une
 révélation privée, bien que, peut-être, le contenu de cette révé-
 lation ait été ensuite publié et soit maintenant connu partout.
 Telle est la réponse donnée par tous les théologiens pour établir
 la distinction entre la Révélation publique et les révélations
 privées.
      Si on veut se contenter, sur ce point, d'une idée générale et
  un peu vague, cette réponse est complète et suffisante. Mais ne
  devrait-on pas pousser l'analyse un peu plus loin, et résoudre par
  exemple cette question : Comment se fait-il que telles épîtres de
  saint Paul, adressées par leur auteur à telle personne déterminée :
  à Timothée, ou à Philémon, sont adressées par Dieu à toute
  l'humanité ? Comment se fait-il, au contraire que telles révé-
  lations publiées dans toute l'Église par les confidents de Dieu, et
  sur l'ordre même de Dieu, ne soient que des révélations privées ?
  Essayons ici encore de donner quelques détails un peu plus précis
  pour mieux comprendre la notion que nous étudions.
                                    *
                                   *. *
      Comme chrétiens, nous ne reconnaissons d'autre maître que
  Jésus-Christ : c'est de lui que nous tenons tout ce que nous
  croyons ; c'est par lui que Dieunous a dit tout ce qu'il voulait
  nous dire, c'est lui qui est l'auteur de toute notre religion, le
  docteur de toute vérité révélée.
      Ce que Dieu avait révélé autrefois aux prophètes d'Israël,
  il nous l'a redit par Jésus-Christ qui a de nouveau promulgué
' pour nous l'antique révélation ; ce que Dieu voulait manifester
  au monde, dans la plénitude des temps, pour établir la religion
  définitive et éternelle, il nous le dit par son propre Fils, le Verbe
   Incarné. Jésus apparaît sur la terre, non pas seulement comme
  envoyé de Dieu ; il vient comme la Parole substantielle même de
  Dieu, comme Verbe de Dieu uni à notre nature. Et, tout comme
  là-haut, dans le ciel, le Verbe éternel exprime Dieu parfaitement
   et immuablement, de même,, parmi nous, sur la terre, le Verbe
   Incarné exprimera Dieu aussi parfaitement que cela est possible
   par des expressions humaines et pour des intelligences humaines.
       Jésus se forme donc un petit groupe de disciples, pusillus grex,
'"-—159'—      -

germe de la société immense des croyants à venir, et il leur dit
tout ce qu'ils peuvent comprendre et porter de la vérité divine.
Ce qui les dépasse encore, et qu'il ne peut leur faire entendre
pendant sa vie mortelle, il le leur dira bientôt, en leur envoyant
son Esprit qui leur apprendra toute vérité, et leur suggérera le
sens profond de tout ce qu'il leur aura dit lui-même auparavant.
     La mission visible de Jésus est finie ; la Parole divine a été
 entendue sur la terre ; par elle les apôtres ont reçu toute la vérité
 que Dieu voulait faire connaître au monde. A eux maintenant de
 l'exprimer, de la répandre au dehors, et de là faire arriver partout
 jusqu'aux extrémités de la terre.
     Puisque les apôtres sont les organes divins de toute la Révé-
 lation chrétienne, il nous suffira, pour comprendre la différence
 entre la révélation publique et les révélations privées, de comparer
 le rôle que les apôtres ont à remplir au nom du Christ et celui
 qu'exercent les autres saints par la communication des confi-
 dences dont Dieu daigne les honorer.
                                  *
                                 * *
     Tant que Jésus était resté visiblement sur la terre, il avait
 été le centre, visible de toute sa religion et l'unique chef de tous
 ceux qui croyaient en lui. L'église était alors, humainement, une
 bien petite Société ; mais Jésus, sachant qu'elle devait se déve-
 lopper partout et se perpétuer à traversées siècles, veut, avant de
 remonter au ciel, se donner des remplaçants qui continueront
 a guider visiblement la multitude de plus en plus nombreuse des
 fidèles. Dans un moment solennel entre tous, Jésus réunit donc
 les siens sur le mont des Oliviers ; et là, juste avant de retourner
  à son Père, en présence de cette assemblée qui constitue presque
  toute l'Église ou qui du moins la représente tout entière, il
  proclame et promulgue la mission officielle qu'il confie aux
  Apôtres. Interpellant spécialement les Onze, il leur dit : « Toute
  puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc,
  enseignez toutes les nations, leur apprenant à garder tout ce que
  je vous ai commandé. » (Matt., xxviii, 18-22). Par le fait que les
  apôtres reçoivent de Jésus là mission publique de prêcher partout
  son enseignement, les fidèles reçoivent aussi l'ordre divin de se
   soumettre aux apôtres comme à Jésus lui-même. « Celui qui croira
  sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné (Marc, xvi, 16.
   Voila le premier caractère de la parole des apôtres : elle est la loi
   suprême de l'Église, et cela d'après la volonté expresse et
   manifeste de Jésus-Christ.
       Or,çe premier caractère fait totalement défaut dans toutes les
   révélations qui ont existé depuis en dehors des apôtres. On ne
   peut citer aucun saint qui ait voulu imposer à l'Église sa parole
   ou son enseignement comme venant de Dieu ; aucun qui ait
160

 prétendu avoir une mission divine de parler à l'Église avec
 autorité, de telle sorte que les fidèles fussent obligés de le croire
 sur parole. Au contraire, tous les saints, même les plus favorisés
 des révélations célestes, ont soumis en toutes choses et leurs
 écrits et leurs paroles, au jugement suprême de l'autorité de
 l'Église. Qui plus est,l'Église n'a jamais reçu et ne recevra jamais
 aucune parole, aucun ordre qu'on prétendrait lui imposer au nom
 de Dieu. Elle enseigne et elle croit que tout ce que Dieu a voulu
 lui dire, ou lui faire dire, comme règle obligatoire de sa foi et de
 sa conduite, il Fa fait dire par les apôtres. Après eux, c'est elle
 qui gouverne en souveraine maîtresse pour tout ce qui concerne
  et la foi et les moeurs.
     Donc, première différence radicale entre la révélation publique
".et les révélations privées. La Révélation publique est donnée à
 l'Église entière par les apôtres au nom de Jésus-Christ. Les autres
 ne sont jamais adressées à l'Église au nom de Dieu ; pour l'Église,
 elles ne sont qu'un témoignage humain et d'ordre privé, de ce
 que Dieu a opéré dans telle ou telle âme.

     Parmi les hommes, un initiateur, un fondateur ne peut
 exercer d'influence personnelle que de son vivant sur la terre.
 A sa mort, il disparaît et laisse ses anciens collaborateurs complè-
 tement à eux-mêmes, de telle sorte que son oeuvre ne dépend plus
 de lui, mais uniquement de ceux qui lui ont succédé. Il n'en est
 pas ainsi de Jésus-Christ. Après avoir confié à ses apôtres l'exercice
 visible de ses pouvoirs, il disparaît bien lui aussi ; mais il ne meurt
 pas et il ne quitte pas son Église. Il en reste toujours le chef
 vivant et agissant, quoique d'une manière différente. Il a donné
 à ses apôtres la mission de prêcher partout sa doctrine ; mais
 ceux-ci sont évidemment incapables par eux-mêmes d'enseigner
 à toutes les nations une doctrine si profonde et si complète sans
 jamais en altérer le sens, et sans jamais y introduire des idées
 étrangères ou contraires à la pensée du Christ. Par son assistance
 invisible, Jésus suppléera à leur impuissance et leur fera éviter
 toute erreur, quand ils parleront en son nom et qu'ils exposeront
 son enseignement. Ce n'est pas tout cependant. Les apôtres
 n'auront pas seulement à prêcher la doctrine du Christ sans
 commettre d'erreur ; il faudra encore qu'ils l'enseignent tout
  entière sans en rien omettre. Comment pourraient-ils y arriver
  eux qui sont naturellement si ignorants, si Jésus, ici encore, ne les
  aidait et ne leur suggérait tout ce qu'ils auront à enseigner.
      Cette double assistance, Jésus-Christ la leur promet quand il
  leur dit : « Allez, enseignez toutes lés nations, leur apprenant à
  garder tout ce que je vous ai commandé. Voici que je suis avec vous
  tous les jours jusqu'à la fin du monde ». En fait, elle leur confère
  un double privilège que l'Église leur reconnaît expressément,:
le privilège AèVtnfMUlhïfflè.ptïsonfâlte.~$ë;t lequel chaque âpôtfè
est préservé de toute erreur dans son éhséigîièinént, et le privilège
de Yinspiration divine par lequel les apôtres sont, non plus sèulê-f
ment lès envoyés de Dieu parlant en son nom, mais pour ainsi
dire ses secrétaires, né disant où fi'écrivàht que eë qùê.bièû lui-
même leur suggère et leur dicte. C'est pourquoi leurs pardiè's où
leurs écrits, tout en leur appartenant véritablement, sont plus
encore les paroles ou les écrits de Dieu qui lès dicte à leur esprit.;
     Ce deuxième caractère de la parole des apôtres manque encore .
totalement aux révélations privées. La personne qui lès reçoit
 a beau mettre toute l'exactitude possible dans les récits qu'elle
 nous en fait, rien ne nous garantit son infaillibilité.. Puisqu'elle
 ne parlé pas au nom de Diéùj niais en son propre noïh, Dieu n'a
 pas à l'assister spécialement, ni à donner à ses récits une perfectiôti
 supérieure à celle qui convient à une parole purement nùmàihèi
 Nous n'avons donc aucun critère absolument certain pouf savoir
 si les paroles qu'on nous fait "entendre rendent exactement lé
 sens dé là parole intérieure que Dieu a dite à tel de ses confidents.
 — A plus forte raison, aucun récit dé révélation privée ne jouit
 du privilège de l'inspiration divine ; l'Église n'en reçoit absolu-
 ment aucun comme écrit sous là dictée de Dieu, aucun qui soit .
  considéré comme parole, de Dieu.
      Donc, deuxième différence radicale entre ces deux sortes de
  révélations. La révélation publique nous arrive par le ministère
  des apôtres, non seulement tomme parole qui exprime infailli-
  blement le sens de la vérité dite par Dieu, mais comme parole
  vraiment divine, écrite du prononcée sous là dictée même de
  Dieu ; les révélations privées au contraire nous arrivent comme
  parole simplement humaine, nous rapportant d'après les seuls
  moyens humains la vérité révélée par Dieu à l'intime de l'âme,

     Ce n'est pas tout encore. Là Révélation, soit publique, soit
 privée, a été faite par Dieu à telle époque déjà lointaine, dont
 rioùs sommes séparés peut-être pair une longue séfièjdé siècles. Par
 quels moyens ést-élle arrivée jusqu'à nous, et âfriverâ-t-êllè plus
 tard à tous ceux qui seront après nous ?
      S'agit-il de Révélation publique, Jésus-Christ a pourvu k
 cette nécessité dé la manière la plus simple et la plus efficace par
 là mission qu'il a donnée à ses apôtresi Ceux-ci, en effet, outre
 leur mission personnelle et temporaire d'établir l'Église et de
 constituer le dépôt de la'Révélation» avaient encore la mission
 sociale et perpétuelle de gouverner l'Ëglise^ et d'enseigner tous
 les fidèles jusqu'à la fin des temps: Cette mission se transmet
  donc absolumefit la même dans leurs successeurs ; te Pape et
  les Évêqués, Tout comme autrefois les apôtres pariaient au nom
   du Christ, de même aujourd'hui ie Magistère suprême de l'Église.
— 162 —

De part et d'autre, c'est la même autorité, s'exerçant sous la même
assistance de Jésus-Christ, avec le même privilège del'inf aillibilité.
C'est la même parole du Christ, reçue et transmise en vertu de
la même mission divine résidant autrefois dans les apôtres, et
aujourd'hui dans leurs successeurs ! C'est donc aussi de la part des
fidèles la même obligation de se soumettre au Magistère de
l'Église, exercé au début par les Apôtres, et ensuite par leurs
successeurs. En vérité, les fidèles reçoivent encore, et recevront
toujours la parole de Jésus-Christ, aussi directement et aussi
authentiquement      que les premiers fidèles la recevaient de la
bouche même des apôtres.
     S'agit-il de révélations privées, nous ne trouvons rien de
 semblable comme moyen de transmission ou de conservation.
 Après la mort de ceux qui les ont reçues de Dieu et qui nous les
 ont rapportées, elles tombent purement et simplement dans la
 condition de tous les autres écrits humains, soumises à des
 altérations, à de fausses interprétations comme tous les autres
 documents de l'histoire. En aucune manière elles ne nous arrivent
 au nom de Dieu, parce que personne n'a mission divine officielle
 de les conserver et de les transmettre. Et en cela nous avons une
  troisième différence radicale entre la Révélation publique et les
  révélations privées.


     En un mot, ce qui constitue la différence essentielle entre ces
 deux formes de la parole de Dieu, ce n'est au fond que la
 mission divine officielle que Jésus-Christ a confiée aux Apôtres
 et qui n'est partagée par aucun autre. D'autres voyants ont pu,
 dans la suite, recevoir peut-être à l'intime de leur âme, plus de
 lumière divine que n'en ont eu les Apôtres eux-mêmes ; mais
 comme Dieu n'a pas manifesté lui-même à son Église qu'ils
 parlent en son nom et qu'on doit les écouter et leur obéir, tout
 ce qu'ils disent ou rapportent des révélations qu'ils ont reçues
 n'a d'autre valeur que celle de leur assertion personnelle. Et leur
 assertion ne s'impose à personne ; elle n'arrive pas à d'autres
  avec le caractère authentique de parole de Dieu, mais tout
  simplement de parole humaine. Les Apôtres au contraire, en
  vertu de leur mission, sont présentés à tous publiquement et
  explicitement par Jésus-Christ lui-même, comme ses représen-
  tants et ses porte-parole officiels, auxquels tous doivent se
  soumettre. Toute sa doctrine nous arrive authentiquement par
  leur intermédiaire ; par son action personnelle invisible, il les
  assistera ou.les inspirera pour qu'ils la transmettent parfaitement;
  mais nous, nous aurons l'ordre, divin de recevoir ce que les
   Apôtres ou leurs successeurs nous diront au nom de Jésus-Christ
   comme, si Jésus-Christ nous le disait lui-même directement;
— 163 —

     On comprend maintenant pourquoi l'Église dans son ensei-
gnement qui s'adresse à tous les fidèles ne connaît qu'une révé-
lation, qu'une parole de Dieu : celle qui lui vient de Jésus-Christ
et des Apôtres ; pourquoi nous aussi, comme fidèles, nous ne
recevons pour objet de notre foi que ia seule Révélation divine
qui nous est proposée par le Magistère infaillible institué autrefois
par Jésus-Christ dans la personne des Apôtres, et toujours
vivant, indéfectible, dans l'Église catholique, apostolique et
 romaine.
                                         AUG. ESTÈVE, 0. M. I.
—. 164 —

                LA          SOCIÉTÉ

          dû,   Règne     Social     de   Jésus-Christ.


  II. - BUT      ET     MOYENS        D'ACTION.
             DÉVELOPPEMENT                 DE LA SOCIÉTÉ.
      Le P. Drevon eut l'intuition immédiate, en voyant M. de
Sarachaga, de ce qu'il pourrait obtenir de cette âme et de cette
intelligence d'élite. Pendant trois ans, de 1873 à 1876, il forma ce
novice aux choses saintes, aux moeurs eucharistiques, à la commu-
nion- quotidienne, à ces adorations pendant lesquelles Sarachaga
restait à genoux, immobile deux et trois heures de suite, sans
 épuiser jamais le sujet divin, sans se lasser; y trouvant, disait-il,
 autant de saveur et de grandeur, que le monde lui avait découvert
 de petitesse et d'objets de dégoût. D'ailleurs à partir de sa
 conversion, de ce monde il n'eut plus cure. Jamais un mot de ses
 anciennes relations, de ses plaisirs d'autrefois, de ses parents, de
 ses succès. En retournant le mot de saint François on pouvait
  pleinement le lui appliquer : « Trouvant la Vérité, il avait quitté
  toute vanité. » Le P. Drevon le voua d'abord à la « Communion
  Réparatrice » pour laquelle il avait obtenu de Pie IX le Bref
  contenant ce rare éloge : « Elle est une OEuvre propre à sauver la
  Société, » et à laquelle Léon XIII prodigua les bienfaits spirituels.
   Elle formait comme le premier échelon dé cette création que le
   Père et le disciple, devenus deux amis inséparables, méditaient
   et ébauchaient ensemble : « La société du Règne social de Jésus-
   Christ » qu'on peut ainsi définir: Une société de piété,d'étude, et
   d'action destinée à reconnaître et à promouvoir le Règne Social de
   Jésus-Christ (1).
        Le Règne Social de Jésus-Christ ! Cette expression qui est
   maintenant sur toutes les lèvres, souleva, à cette époque, des
   objections infinies, et fit couler des flots d'encre. On la trouvait
   inutile et provocante. Mais le P. Drevon écoutait d'un côté
    l'Hôte divin du Tabernacle, réclamant à Marguerite-Marie le
    culte public de son amour infini ; de l'autre, il recueillait toutes
    les brises qui, de tous les coins du monde moral, lui apportaient^
    comme un écho des tendances de ses contemporains (2). Il en
    concluait : La gloire et la justice de Dieu ne peuvent être satis-
    faites que si les Nations qu'il lui a toutes données en héritage

      (1) Cette heureuseformule,répandue partout actuellementpar Y Association
  Catholique ela Jeunesse:
              d            Française,avait été trouvée,longtemps
                                                               auparavant,par
  la Société RègneSocial.
             du
      (2) Le Règnesocialde Jésus-ChrisHostie.Articlede M. de Sarachaga, année
  1886,page 19.'
— 165 —

reconnaissent la Souveraineté de son Christ. Les hommes, eux-
mêmes, ne peuvent vivre dans la-justice et la paix, que s'ils
soumettent non seulement leurs destinées éternelles, mais leur
existence temporelle, en tant que sociétés et peuples, à la Royauté
puissante et bienfaisante du Christ Jésus.
      Et, où se fera la rencontre du Dieu assoiffé de l'amour dé ses
 créatures, et de ses créatures vouées à toutes les chimères; actuelles,
 mais qui, sans le savoir, sont aussi en recherche et assoiffées de
 leur Dieu ? Dans l'Eucharistie, où le Christ vivant s'est mis à la
 portée de Fhumanité, et où, en 1689, Il est venu, par un suprême
  effort, les attirer sur son Coeur,
      Le P. Drevon et Sarachaga maintinrent donc avec fermeté
 la devise si attaquée de leur société : Le Règne Social de Jésus-
  Christ ; l'estimant, au rebours de l'opinion du monde : nécessaire
  et pacificatrice.
       En analysant la définition de leur oeuvre, nous verrons
  toutes les idées fondamentales qui la motivèrent, et nous décri-
  rons sommairement sa vie intime et extérieure.

                          A    -   PIÉTÉ

      En effet, depuis le xvie siècle, où la Réforme, rompant avec
 la tradition catholique, a tout à coup posé la raison humaine en .
 juge de la parole divine, la discutant et l'interprétant à sa guise ; •
 depuis que la Révolution Française a osé nier ouvertement les
  Droits souverains de Dieu, toutes les constitutions modernes
 les ont peu à peu niés pratiquement. Elles ont méconnu, oublié
 le Christ vivant dans l'Eucharistie ; elles ne l'ont rappelé à leur
 •souvenir, que pour l'enfermer étroitement dans les sacristies,
 -dans les consciences individuelles, pour réduire le nombre de ses
  ministres, pour Lui disputer même la possession de ses Temples,
  après avoir fait disparaître, en certaines contrées, son Nom des.
  Tribunaux, des écoles, et de la presse officielle.
       Or, si l'on outrage le drapeau d'une nation, si un ambassadeur .
  reçoit au loin, ne fût-ce qu'un coup d'éventail, on voit soudain la
  ^nation blessée se dresser frémissante, demandant à laver son
   injure dans le sang des coupables.
       Et Dieu resterait insensible à l'honneur de son propre Fils
   auquel on refuse tous lesjhomrnages dus à son rang ! (1)
       La société pourrait traiter en paria le Créateur dans sa
   çrçation, refusant, à Lui et à ses ambassadeurs- la justice qu'elle
   se vante de rendre même au paria (2).

     0 Causeries " nos OEuvres. .-V. Le Règnesocialde Jésus-Hostie,
               ' sur          J :-=--.,-                          tome 1er.'
     (2) Idem.
— 166 —

       Mais il devenait de plus en plus impossible au coeur du petit-
fils de Bayard, de laisser traiter ainsi Celui dont l'honneur lui
était infiniment plus cher que l'honneur de François Ier ne
l'avait été à son ancêtre. Pour tant d'injustice et de révoltante
ingratitude,      il fallait que, non seulement dans les monastères,
mais au sein même de la société civile, il y ait des hommes faisant
profession de réparer et de compenser, par une piété profonde,
les outrages commis envers leur « Dieu sacramenté».
       La piété des sociétaires ne devait rien avoir d'individuel dans
 le sens restrictif du mot. Leurs communions, toujours très fré-
 quentes . et pour la plupart quotidiennes (devançant ainsi le
 décret Sacra Tridentina Synodus de Pie X), leur assistance à la
 Messe journalière,         et en tous cas, paroissiale, leurs prières,
 devaient être : réparations, compensations, impêtrations sociales.
        L'oreille toujours tendue vers les attaques des sociétés aux
  Droits souverains du Christ, ils devaient les réparer en tirant de
  leur propre coeur un baume qui panserait les blessures divines,
  une huile qui oindrait à nouveau ce Christ, Roi absolu d'eux-
  mêmes, de leurs foyers, de la portion du territoire sur lequel ils
  avaient droit, de la partie de ia famille humaine sur laquelle ils
  exerçaient leur influence.
        Trente ans plus tard, une personne qui avait longtemps
   critiqué l'oeuvre du P. Drevon, disait : « J'ai reconnu son bon
   esprit à ce signe particulier 1:c'est que, quelque temps qu'il passe
   devant le Saint Sacrement, pas un sociétaire qui ne paraisse
                                     — Je le crois bien, reprenait un des
   toujours attentif et occupé.
   membres de la Société du Règne Social, on a toujours, hélas!
   tellement à réparer et à compenser ! Entre le dû et le rendu des
   hommes la marge est si effrayante, que, sans l'Eucharistie,           qui
    est à la fois Victime, Rançon et Actions de grâces, nous ne
   saurions jamais la combler. Avec une telle tâche, l'ennui ne
    peut venir, et le temps d'adoration est toujours trop bref pour
    nous ».
  .. v La piété de la Société du Règne Social doit encore prouver
    sa sincérité par un acte que les monastères, réparateurs et
    compensateurs        admirables,  ne peuvent cependant        effectuer.
     Elle doit les presser d'instaurer un ordre nouveau de la société
     et de ne point pactiser avec le désordre actuel.
         De là vient qu'elle a inspiré à ses membres, comme nous le
     verrons plus tard, de faire la Consécration au Sacré-Coeur, de
   . leur commune, de leur canton, de leur arrondissement, de toutes
     les forces vives de la Nation qu'ils possèdent, et qu'il devront
     tâcher de plus en plus d'obtenir.
          Que de fois leur a-t-on dit : Quelle illusion est la vôtre ; vous
      voulez que la Société soit convertie par la reconnaissance du
      Règne de Jésus-Christ ; ne voyez-vous pas que la Société ne
— 167 —

reconnaîtra le Règne Social de Jésus-Christ que lorsqu'elle sera
convertie ?
     A quoi la Société du Règne Social répond : Pourquoi les premiers
Apôtres n'ont-ils pas attendu que les moeurs cruelles et volup-
tueuses du paganisme aient disparu pour oser prêcher Je Règne
de la Croix ? Le Christ a-t-il dit seulement : « Je suis la Vérité
 et la Vie. » N'a-t-il pas affirmé aussi : « Je suis la Voie, » la
 seule par laquelle on puisse arriver à la vraie Vie. Étant le but
 suprême, n'est-il pas en même temps le Moyen ? Étant l'Oméga,
 a-t-il cessé d'être l'Alpha de toutes choses ?
      — Mais, leur disait-on encore : serez-vous plus ambitieux
 pour Jésus-Christ que Lui-Même ne l'était lorsqu'il affirmait :
  « Mon royaume n'est pas de ce monde. » — Sans doute, repartait
 1a Société du Règne Social, le royaume de Jésus-Christ ne tire pas
 son origine de ce monde ; mais pourquoi venait-Il sur la terre et
  mourait-Il en Croix ; pourquoi fondait-Il son Église, si ce n'était
 pour établir son. Règne en ce bas monde ? Qu'avait-il besoin de
  nous apprendre ce cri quotidien : Adveniat Regnum tuum ?
       Apparemment, nous n'avions point à demander une chose
  déjà existante : sa Domination dans les Cieux...
       Les sectaires, quand ils n'étaient qu'une poignée, se sont .
  donnés pour les seuls interprètes de la Société et lui ont fait
  renier son Roi ; aujourd'hui, ils parlent imprudemment, au nom
  de l'humanité entière. Pourquoi nous, les catholiques, aurions-
  nous moins d'audace pour rétablir la vérité, qu'eux, pour installer
  l'erreur ? Pourquoi nos adorations, nos réparations sociales ne
  diraient-elles 'pas à Dieu, pourquoi nos pèlerinages, nos consé-
  crations, nos hommages publics ne rediraient-ils pas aux peuples
  que les sectaires en ont menti, et que les sociétés de demain,
  comme celles d'hier, n'ont d'autre Roi que le Christ, leur Auteur
  vivant dans son Eucharistie, et leur montrant son Coeur par
  lequel II veut régner. « Fundamentum aliud nemo ponere potest
   proeter id quod positum est Christus Jésus » (1) Aucun fondement
   pour les Sociétés, sinon Celui qui a été posé : le Christ Jésus.
                        B   - ÉTUDE
      Ce sont les idées qui mènent le monde, ont affirmé Platon,
 Leibnitz et Bossuet. Comment donc, alors que pendant des
 siècles, les nations européennes formant la « chrétienté » s'inspi-
 raient du Christ d'ans les grandes lignes de leurs Constitutions,
 de même qu'elles étaient nées des Pactes conclus avec Lui,
 (Tolbiac, Rutli, Covadonga, etc.) comment, après avoir grandi
 et prospéré sous son Règne, sont-elles parvenues à Le nier, à Le
 reléguer dans son Ciel, à vivre en dehors de Lui, c'est-à-dire, en
 perpétuelles convulsions sociales, résultantes des déliquescences
     (1) Ad. Apost, IV, 12, 13.
—w       —

rnprales ?•— Par les idées.fausses infiltrées dans les veines de la
Société, et émanant des Luther, des Encyclopédistes, des Karl
Max, de tous les fauteurs en mal de rationalisme,' de libéralisme,
de socialisme, dont la dernière conséquence est l'anarchie et le
nihilisme;
      Il faut noter ici, qu'aucune erreur n'a osé se présenter au
début, sans se couvrir de quelques loques de vérités empruntées
au christianisme. Tous les meneurs intellectuels ont attaqué la
puissance du Christ dans Fhistqire, dans les arts, dans les sciences,
 par atténuation, oblitération, oublis, traits perfides et cauteleux.
      La Société du Règne Social prit donc à sa charge le soin de
 rétablir la notion intégrale de la Royauté du Christ, non seule-
 ment par FéVângélisation de cette vérité (î) mais par l'histoire,
 les sciences et les arts.
      A- — Par l'Histoire. Jésus-Christ est le premier Personnage
 historique. Avant que de paraître sur terre, Il était annoncé, Il
 était préfiguré par îes sacrifices constants de l'Humanité.
       Personne n'habite et n'agit ici-bas depuis aussi longtemps que
  Lui. Pourquoi donc n'aurait-Il pas l'histoire de son Règne, aussi
  bien et plus que tant d'autres dont, l'influence a été passagère
  et réduite, tandis que la sienne est immense et permanente?
       L'Histoire actuelle se tait sur son rôle ou l'oblitère. La Société
  du Règne Social la forcera à parler ; elle déterrera les monuments,
  die fouillera dans tous les sens les archives humaines et leur fera
  dire, tout ce qu'elles contiennent sur l'action sociale de son
  Christ. Qr, le Christ vivant parmi nous, c'est l'Eucharistie. Elle
  est Mus Çhristus comme dit saint Thomas. Elle est Ipse Rex
  Âdest, ce Rqi présent, ainsi, que parle saint Jean Chrysostoriie,
  C'est donc l'histoire de l'Eucharistie à travers les siècles et par
  çpnséquent, tout le système; social de la chrétienté, que la Société
  du Règne Social poursuivra.
        Or, dès la fin de 1875, la nouvelle Bibliothèque de Paray avait
   déjà posé ses premiers jalons.
        La Société du Règne Social avait dû d'abord s'informer de
   tout ce qui avait jusqu'alors été créé à la gloire de l'Eucharistie,
   tamiser dans d'autres ouvrages ce qui Lui revenait, combler
   ensuite de nombreux déficits. Elle avait acquis les catalogues
   publiés de toutes les anciennes bibliothèques, des universités,
    célèbres d'Europe, de monastères et de collèges; elle avait
    sollicité et obtenu à des prix divers, les catalogues manuscrits de
    quelques bibliothécaires actuels importants. Enfin, elle s'était
    procuré, à prix d'or, de remarquables ouvrages ; et, là où toute
    offre de tractation eût été peu respectueuse et repoussée d'avance,

     (1)Beaucoupd'entre eux étaientprêtres ou religieux.
— 169 —

elle avait copié ou fait copier des extraits de livres d'une haute
valeur. Dès 1885, un compte rendu présenté à Turin, à la première
réunion solennelle de la filiale italienne de la Société, par le Père
Sanna Solaro, put faire l'exposé suivant :
       « Paray possède aujourd'hui une Bibliothèque de cinq mille
volumes contenant les oeuvres lesplus appréciées jusqu'à présent,
sur l'Eucharistie et le Sacré-Coeur. » (1)
       Depuis, elle s'est augmentée de manuscrits, d'incunables
 précieux, et d'ouvrages dûs à la plume des membres de la Société.
       B. — Par les arts. — L'art est une expression très juste d'un
 état d'âme social. C'est un effet plein de révélations sur les causes
 qui le produisent. Si donc, en fouillant les Beaux-Arts à travers
 les âges, toiles, sculptures, architecture, objets divers, on trouve
 les plus nombreux et les plus précieux convergeant autour de
 Jésus-Christ, rappelant, pour la plupart, sa fonction éminemment
 sociale de Jésus-Hostie, du sacrifié Divin se livrant par amour ,
  pour l'humanité, on'prouvera,        d'une façon évidente la grande
  place occupée par l'Eucharistie dans la pensée et la Vie des
  peuples.
        Telle fut l'idée qui présida, en 1878, à la fondation du Musée
  du Règne Social de Jésus-Christ. Pendant trente années, M. de• •
  Sarachaga fit appel à toutes ses nombreuses relations possédant
  des peintures remarquables ; il Visita les Musées du Continent ;
  il obtint, au nom de la gloire du Christ Jésus, ou à prix parfois
  considérable, une collection unique en son genre, de près de cinq
  cents tableaux sur toile, sur bois ou sur cuivre, dont une cinquam-
   taine sont des originaux de grands Maîtres, tels que Guido Reni,
   Sasso-Ferrato, les Carrache, le Titien, le Tintoret, Carlo Dolce,
   Camoncini, Van Eick, Véronèse, Lebrun, Mignard, etc.
         En 1882, le futur archevêque de Besançon, l'abbé Gauthey,
   pouvait recommander, au Congrès Eucharistique international
    d'Avignon, la visite du Hiéron comme un complément indispen-
   sable de tout pèlerinage au Sacré-Coeur, en affirmant « que la
    Foi en serait fortifiée, le Coeur réjoui, et qu'on y concevrait une
    invincible espérance du Règne Magnifique et prochain de l'Eucha-
    ristie sur le Monde ».
         C. — Par la science. — Là l'entreprise : « Prouver le Règne
    de Jésus-Christ par la science », était grosse de difficultés et
     d'obstacles. Aujourd'hui, en effet, la science s'est sécularisée,
    et, au fond de la plupart de ses informations, on entend affirmer
     cette première erreur : La science n'a aucun rapport avec la
     religion dont elle s'est heureusement émancipée (2).

    (1) Compterendu du R. P. Sanna Solaro,traduit de l'italien par le baron de
  Maricourt,Lyon, Imprimerie jévain, 42, rue Sala.
    (2) On connaît d'illustres exceptions,telles en France les Pasteur, Cauly,
  Lapparent,Branly; Secchien Italie, etc.
— 170 —

      La science marche en avant, elle évolue, elle se transforme,
sous l'impulsion de nouvelles découvertes, tandis que la Religion
fixée à ses Dogmes, et immobilisée parlaroutine, reste statiohnaire.
Entre la Science et la religion, aucune entente n'est possible.
 L'une, c'est l'avenir et ses espérances, l'autre, c'est le passé avec
ses déceptions.
      Or, pour la Société du Règne Social, comme pour Léon XIII,
 qui le déclare dans son Encyclique Mterni Patris : « Le Christ
 est le Restaurateur      de la science, puisqu'il est la Force et la
 Sagesse de Dieu, et qu'en Lui sont cachés tous les trésors de la
 Sagesse et de la Science ».
       Il est, conjointement avec son Père, l'Artiste infini de toute
 la Création. Rien dans l'univers, depuis le minerai caché dans les
  entrailles de la terre, jusqu'à l'astre perdu dans les deux, qui ne
  révèle sa Sagesse et ne doive chanter sa gloire.
       De plus, comme il est essentiellement Un et Vrai, rien dans
 les ouvrages de ses mains qui puisse démentir les paroles de sa
 révélation. La Société du Règne Social se mit donc à chercher les
  preuves abondantes par lesquelles la vraie science confirme de
  tous points le plan divin de la Création, tel que la Genèse nous
  l'a montré.
       En outre, par des collections scientifiques réunies dans les
  salles du Hiéron, on s'est essayé à mettre en lumière que Jésus-
   Hostie est bien le Fondement de l'ordre cosmologique et biolo-
   gique. Une fois de plus, il faut que les esprits qui ne sont point de
   parti, pris conviennent que « Tout a été fait pour le Verbe et que
   rien n'a été fait sans Lui ».
           (A suivre)'                      G. DE NOAILLAT
                                          Directeur du Hiéron
                                    et de la Société du R. S. de J.-C.
-— 171 —
                                            *                      ...      •

   La       Fête         du       Coeur          de        Jésus

         dans   la Congrégation       de Jésus        et Marie.




      Ni les bienheureux dans le ciel, ni les amis du Sacré-Coeur sur
 la terre, ne pourraient être « particularistes » sans froisser le Christ
 dont l'amour est infini.
      En cette année jubilaire où tous les yeux se tournent avec
 bonheur vers sainte Marguerite-Marie,          l'un des bonheurs de
 l'heureuse Apôtre est de voir rendre à ses devanciers les honneurs
  qui leur sont dûs.
      Parfois, pendant que j'écoutais ses panégyristes, il m'a semblé
  la voir se tourner vers quelques-uns de ses amis et leur rendre
  justice...
       ...Cher et vénéré Père Lebrun, soyez sûr que vous faites plaisir
. à sainte Marguerite-Marie,     en rappelant ce que fit le bienheureux
  Jean Eudes, pour établir une fête qu'elle désira de toute son âme,
  qu'elle promut de tout son pouvoir.
                                     * **
        « C'est dans la Congrégation de Jésus et Marie dit le bienheu-
  reux Jean Eudes, que l'on a commencé à célébrer solennellement
  les fêtes du Coeur admirable de Jésus et de Marie. Et l'on ne doit
. pas avoir égard à l'extrême et infinie indignité de celui dont
  Dieu s'est servi pour les établir, qui est le dernier de tous les
  hommes, le premier de tous les pécheurs et le plus indigne de
  tous les prêtres. Mais le grand Dieu qui a fait le monde de rien
   et qui l'a racheté sans qu'il ait en rien contribué à sa rédemption,
   a coutume de choisir les choses les plus viles et les plus basses
   et qui ne sont point, pour., faire ce qu'il lui plaît. Ne s'est-il pas
   servi de sainte Julienne, qui était une pauvre religieuse de l'ordre
   de Cîteaux pour porter le pape Urbain IV à établir la solennité
   du Très Saint Sacrement de l'autel (1) ? »
        C'est en 1680, au plus tard, que le P. Eudes tenait ce langage.
   A cette époque, personne ne songeait à contester l'exactitude
    de ses paroles, car la fête du Coeur de Jésus, comme la fête du
    Coeur de Marie, n'existait que dans ses instituts ou dans les
    milieux soumis à son influence. Aujourd'hui^ peut-être surpren-
    dront-elles plus d'un lecteur. Nous voudrions consacrer le présent
    article à en montrer le bien-fondé en racontant l'institution de

     (1) B. JEAN     Coeur dmirable, . VIII, en. m, sect. 12.
                EUDES,   a         L
-. — 173 —

la fête du Coeur de Jésus dans la Congrégation de Jésus et Marie
et en étudiant les rapports qui existent entre la fête établie par
le P^ Eudes et celle du vendredi après l'octave du Saint Sacrement.
                                   I

      Jean Eudes naquit à Ri, près d'Argentan, diocèse de Séez,
le 14 novembre 1601. Après de brillantes études chez les Jésuites
de Caen, il entra dans la Congrégation de l'Oratoire où il fut reçu
le 25 mars 1623, Il quitta l'Oratoire, le 25 mars 1643 pour fonder
une société nouvelle, la Congrégation de Jésus et Marie, à laquelle
il assigna comme fin principale la formation des clercs dans les
séminaires et comme fin secondaire le renouvellement de l'esprit
chrétien dans le peuple par les exercices des missions. Il dédia
 la société naissante aux Sacrés Coeurs, ou, epmme il disait
 volontiers, au Sacré Coeur de Jésus et de Marie, expression qui
 nous étonne aujourd'hui, niais qui, de son temps, était conforme
 au langage courant (1). il affirme même que c'est en grande partie
 pour honorer les Sacrés Coeurs qu'il avait institué sa société.
  « Cette Congrégation, dit-il, est toute dédiée et consacrée à ce
 divin Coeur (de Jésus et de Marie); et une des principales fins
 pour lesquelles elle a été établie est pour honorer particuliè-
  rement ce Coeur très auguste qu'elle regarde et respecte comme
  son premier et principal Patrùn et comme la règle et l'exem
  plaire qu'elle propose à ses enfants, afin qu'ils s'étudient d'y
  conformer les sentiments et affections de leur Coeur (2) ».
        On voit par là que pour les enfants du P. Eudes, la dévotion
  aux Sacrés Coeurs n'est pas une pratique secondaire, ajoutée
  après coup; elle est, au contraire, fondamentale, puisquel a Congré-
  gation a été établie pour honorer les Sacrés Coeurs, qu'elle leur
   est entièrement dédiée et qu'elle les considère comme ses patrons
   et sa règle principale. D'où ces paroles du Bienheureux dans son
   office du Coeur de Jésus :
                      Pars nostra, spes et gaudium,
                      Coetusquetiosiri gloria.
                      Car, flamma, dux, oràculum
                      Orlgo, finis, omniù (3).
        Voilà certes une nouveauté digne de remarque et qui fait
   grand honneur au P. Eudes. Avant lui, les Sacrés Coeurs avaient
   trouvé des adorateurs dévoués dans beaucoup d'instituts religieux,
    mais aucune société, pas plus la Visitation que les autres, ne
    s'était placée sous leur patronage et vouée à leur culte.

      (1) Voirce que nous avonsdit de cette expression
                                                     danslesOEuvres complètes
  duB. Jean Eudes,VI, p. Lxxxyiii-xciv. pjraussiLa dévotion Coeur e Marie,
                                         V                 w        d
  p,'52 ; Le Bienheureux EudesetlecultepublicduCoeiirde
                       Jean                               Jésus,$. 17.
      (2)Coeur dmirable,h.VIII, ch. in, sect;12.
               a
      (3)Hymnedé Matines, e strophe.
                            4                            Ï
— 173—:                                  -'
                                                                            ;

     Nous h'àVons pas à raconter ici tout ce que lé P.'Eudes à
fait pour l'organisation du culte des Sacrés Coeurs dans sort
institut : cela nous entraînerait trop loin. Occupons-nous séù*-
lement de ce qui fait le sujet de cet article, la fête du Coeur dé
Jésus.
      Il semble que, dès 1643, trente ans aVant les premières révé-
lations de sainte Marguerite-Marie, le Bienheureux s'était décidé
 à établir cette fête dans sa société. « Dès le 26 octobre 1643;
 c'est-à-dire sept mois après qu'il eût jeté les fondements dé sa
 Congrégation, dit le P. Martine, le P. Eudes écrivit au P. Matt-
 noury une lettre dans laquelle il lui marquait quand et de quelle
 manière on devait réciter la salutation du Très Saint Coeur (1).
  Il lui marquait aussi les deux fêtes qu'il fallait célébrer tous les
 ans en l'honneur de ces deux Coeurs (2) ». Dès cette époque, en
 effet, avec l'approbation de Mgr d'Angennes, évêque de Bayeux,
 il fit célébrer dans sa Congrégation une fête solennelle du Coeur
  de Marie qui plus tard fut approuvée par un assez grand nombre
  d'archevêques et d'évêqùes et même par le Cardinal Louis de
  Vendôme, légat à lalerè du Pape Clément IX. La fête nouvelle
  fut adoptée par bon nombre de communautés (3). Dès qu'il la
  vit solidement établie, ie P. Eudes songea à compléter son oeuvre
  eri instituant une fêté semblable en l'honneur dû Coeur de Jésus.
       Dans ce but, il composa un office et une messe propres qui
  furent approuvés lé 20 avril 1670, par Mgr de la VieùVillë, êvêqué
  de Rennes, le 29 juillet par Mgr de Loiriénie de Brieririe, évêque
   de Coûtantes, le 8 octobre par Mgr de Maùpas du Tour, éyêqûe
   d'Évreux, le 3 février 1671, par Mgr de Hârlay de Chàmpvâlibn,
   archevêque de Rouen, lé 16 mars de la même année par Mgr de
   Nèsmond, évêque de Bayeux et le 27 septembre suivant par
   Mgr de Matignon; ëvèquè de Lisiéùx (4).
        L'office Composé par le P. Eudes est ûri office coriiplët avec
   dès leçons pour les huit jours dé l'octâvé. Antiennes, psâùhîès,
   versets, leçons, répons, bràisbn, irivitatôïre, tout est propre dans
   cet office comme dans celui des grandes fêtés de l'Église. Les
   hymnes ont été composées par lé'Bienhëûfeux ; les autres parties
    de l'office sont empruntées à la Sainte Écriture et aux écrits
    du Pères ; mails en combinant les textes choisis et en les adaptant
    à la dévotion du Sacré-Coeur, lé P, Eudes a su imprimer à son
    office un caractère personnel très marqué et en faire ùrie oeuvre
    à la fois très Originale et très une. La pensée dominante est telle

     (1) Voircette salutationdans notre livrésur là Dévotion Coeur eMarie.
                                                           au    d
     (2) MARTINE,  Viedu P. Eudes,L. VIII, n. 25.
     (3? Nousavonslonguement arlé,de Cettefête dans notre livresur là Dévotion
                                p
  au Coeur e Marie.
          d
     (4}Voircesapprobations, ont quelques-unes très belles,dansnotre livre:
                              d                   sont
  LeBienheureux EudesettecultepublicditCoeur eJésus, p. 29-36.
                 Jean                                d
— 174 —

que Notre-Seigneur développe dans le discours après la Cène,
lorsqu'il rappelle à ses apôtres l'amour qu'il n'a cessé de leur
témoigner et les exhorte à demeurer dans son amour et à s'aimer
étroitement les uns les autres.
       La messe roule sur le même thème que l'office et ne lui est
 inférieure à aucun point de vue. La prose, imitée du Lauda Sion,
 est remarquable. Le P. Eudes y célèbre avec des transports de
 joie et d'amour les gloires du Sacré-Coeur. L'élévation de la pensée,
 la vivacité du sentiment et la perfection.de la forme en font un
 vrai chef d'oeuvre.
        Les écrivains qui se sont occupés de la messe et de l'office
 du Bienheureux sont unanimes à en faire l'éloge.
        « On n'y respire, disait Zaccharia (1), que la plus suave dévo-
 tion et, en les lisant, il est aisé de voir que, pour les composer,
  le P. Eudes s'est encore plus inspiré des sentiments de son coeur
  que des lumières de son esprit. »
        « Cet office, disait naguère le cardinal Satolli, est empreint
  d une piété si suave et si ardente que seul le coeur d'un saint peut
  rencontrer de pareilles formules (2) ».
        « C'est là, en effet, écrit le P. Bainvel (3), une oeuvre originale,
   qui rappelle par endroits l'incomparable office du Saint Sacrement
   pour le mélange harmonieux d'une pensée riche et profonde, de
   l'enthousiasme poétique, de la piété suave et solide, toute nourrie
   de l'Écriture et des Pères... C'est de la grande et belle liturgie,
   qui étendra et prolongera l'influence du P. Eudes jusque dans les
   milieux les plus imprégnés de la dévotion de Paray. »
         « Le P. Eudes, dit de son côté M. Gastoué (4), a. composé une
    admirable messe avec office pour une fête propre du Sacré Coeur
    de Jésus... Dans son oeuvre, le Bienheureux réunissant la moelle
    la plus suave de tout ce qu'on avait écrit sur ce sujet, arrive à une
    élévation de pensée et de forme rarement atteinte. Le sens litur-
    gique le plus pur a inspiré ce bel office... Quel lyrisme dans toute
    la messe..., surtout dans l'admirable prose où le P. Eudes sut
    chanter l'amour de Jésus pour nous avec des accents dignes des
    plus grands poètes liturgiques du Moyen-Age. »
         Dans son livre sur la Mère de Saumaise (5), le P. de Curley
     étudie la messe du P. Eudes, qu'il attribuait par erreur à la mère
     Joly : « Si nous avions, dit-il, à donner un nom à cette messe,
     nous l'appellerions la Messe de feu. C'est' l'éternel amour éclatant
     en notes suppliantes et attendries ».
     (1)ApudLEDORÉ,     LesSacrésCoeurs,, p. 231.
                                          I
     (2) LEDORÉ,  circulairedu 6 janvier 1909,p. 6. .
     (3) La dévotionu Sacré-Coeur, êdit, p. 400^01.
                    a              3e
     (4) L'Eucharistie,16 juin 1912.
     (5) Page 181.
— 175 —

      Les évêques de Rennes, de Coutances, d'Évreux, de Rouen,
de Bayeux et de Lisieux avaient autorisé le P. Eudes à célébrer
la fête du Coeur de Jésus dans les séminaires fondés par lui dans
leur diocèse (1). Presque tous lui avaient même permis d'en faire
l'office le premier jeudi de chaque mois non occupé par un office
à neuf leçons. Tout était donc pfêt pour l'inauguration de cette
grande fête. Le 29 juillet 1772, le P. Eudes en prescrivit la célé-
 bration dans ses séminaires, par une circulaire imprimée dont
 voici le texte :
              « MES BIEN CHERS ET TRÈS AIMÉS FRÈRES,
       « C'est une grâce inexplicable que, notre très aimable Sauveur
 nous a faite de nous avoir donné dans notre Congrégation le
 Coeur admirable de sa très sainte Mère ; mais sa bonté, qui est
 sans bornes, a passé bien plus outre, en nous donnant son propre
 Coeur pour être, avec le Coeur de sa glorieuse Mère, le fondateur
 et le supérieur, le principe et la fin, le coeur et la vie de cette
 Congrégation.
       « Il nous a fait ce grand don dès la naissance de la même
 Congrégation ; car, quoique jusqu'ici nous n'ayons pas célébré
  une fête propre et particulière du Coeur adorable de Jésus, nous
  n'avons pourtant jamais eu intention de séparer deux choses que
  Dieu a unies si étroitement ensemble,' comme sont le Coeur très
  auguste du Fils de Dieu et celui de sa bénite Mère : au contraire,
  notre dessein a toujours été, dès les commencements de notre
  Congrégation, de regarder et honorer ces deux aimables Coeurs .
  comme un même coeur en unité d'esprit, de sentiment et d'affec-
  tion, ainsi qu'il paraît manifestement en la salutation que nous
  disons tous les jours au divin Coeur de Jésus et de Marie, comme
  aussi en l'oraison et en plusieurs endroits de l'office et de la messe
  que nous célébrons en la fête du Coeur sacré de la même Viere.g
        « Mais la divine Providence, qui conduit toutes choses avec
  une merveilleuse sagesse, a voulu faire marcher la fête du Coeur
   de la Mère avant la fête du Coeur du Fils, pour préparer les voies
   dans les coeurs des fidèles à la vénération de ce Coeur adorable,
   et pour les disposer à obtenir du Ciel la grâce de cette seconde
   fêter par la grande dévotion avec laquelle ils ont célébré la pre-
   mière. Car encore que celle-ci ait été combattue par l'esprit du
   monde, qui nç manque jamais de s'opposer à tout ce qui procède
   de l'esprit de Dieu, aussitôt néanmoins qu'elle commença à
   paraître aux yeux de ceux qui font profession d'honorer parti-
   culièrement la très sainte Mère de Dieu, ils la regardèrent avec
   joie, l'embrassèrent avec ardeur et Font célébrée depuis plusieurs
   années avec beaucoup de ferveur ; et aujourd'hui elle est solen-
   riisée par toute la France, et en plusieurs ordres et congrégations
                                 0
       (1) On sait que, au XVII et au xvine siècle, es évêquesde Francese croyaient
                                                    l
    le droit d'établir des fêtes nouvellesdans leur diocèseet que Rometolérait leur
    manièred'agir.
- .
                           y,: ^' 176 —   -,

religieuses, àvëé tant dë: bénédictions qu'il y à sujet d'espérer
qu'elle se célébrera un jour très solennellement par tout FùniversL
       « C'est cette ardente dévotion des vrais enfants dû Coeur delà
Mère, d'amour, qui l'a obligée d'obtenir de son Fils bien-aimé
cette faveur très signalée qu'il a faite à son Église, de lui donner
là fête de son Coeur royal, qui sera une nouvelle source d'une
infinité dé bénédictions pour ceux qui se disposeront à la célébrer
saintement.
        « Mais qui est-ce qui ne le ferait pas ? Quelle solennité plus
 digne* plus sainte, plus excellente que celle-ci qui est le principe
 de tout ce qu'il y a de grand, de saint et de vénérable dans toutes
 les autres solennités ? Quel coeur plus adorable, plus admirable
 et plus aimable que le Coeur de cet Homme-Dieu qui s'appelle
 Jésus ? Quel honneur mérite ce Coeur divin qui a toujours rendu
 et rendra éternellement à Dieu plus de gioire et d'amour en chaque
 moment que tous les coeurs des hommes et des Anges, ne lui en
 pourront rendre en toute l'éternité ? Quel zèle devons-nous
 avoir pour honorer ce Coeur auguste qui est la source de notre
 salût, qui est l'origine de toutes les félicités du ciel et de la terre,
  qui est une fournaise immense d'amour Vers nous et qui ne songe,
 jour et nuit* qu'à nous faire une infinité de biens, et qui est enfin
  crevé de douleur pour nous en la croix, ainsi que le Fils de Dieu
  et sa très sainte Mère l'ont déclaré à sainte Brigitte* au rapport
  d*un excellent docteur, M. Bail.
     ,.. « Si on objecte la nouveauté de cette dévotion*-je répondrai
  qùë la nouveauté dans les choses de la foi est très pernicieuse,
  niais qu'elle est très bonne'dans les choses de la piété. Autrement
  il faudrait réprouver toutes lès fêtes qui se font dans l'Église* qui
  ont été nouvelles quand on a commencé de les célébrer; spécia*-
  lement celles qui ont été établies les dernières, comme les fêtes
   du Très Saint Sacrement; du saint Nom de Jésus, de la Conception
  immaculée de la sainte Vierge; de son saint nom de Marie, de ses
   grandeurs, de Notre-Dame de Pitié, de l'Expectation, de Notre--
  Dame de là Victoire au diocèse de Paris; et plusieurs autres; et
   un grand nombre dé nouvelles fêtes de saints qu'on à ajoutées
   au bréviaire romain. Si on dit que cela s'est fait par l'autorité
   de Notre Saint-Pèré le Pape; je répondrai avec saint François
   dé Sales et un très grand nombre de très illustrés et" savants
   Prélats et de grands docteurs, que chaque évêque dans son diocèse*
   spécialement en France* a le même pouvoir en ce sujet que le
   souverain pontife en toute F Églises
          « Reconnaissonsdonc,    nies très chers Frères, là grâce infime
    et la faveur ihcompréhéùsiblë dont notre très bon Sàùyèùr honore
    notre Congrégation de lui donner son très aimable Coeur avec le
    Coeur très aimable dé sa saihte Mère. Ce sont deux trésors ines-
    timables qui comprennent une immensité de biens célestes et de
— .177 —.-"'

richesses éternelles, dont il la rend dépositaire pour ensuite les
répandre par elle dans les coeurs des fidèles.
      « Humilions-nous infiniment en la vue de notre indignité
infinie au regard de choses si grandes. Entrons dans une profonde
reconnaissance vers la bonté ineffable de notre très bénin Sauveur
et la charité incomparable de sa très chère Mère et la nôtre. Ne
cessons point de les bénir, louer et glorifier et d'inviter tous les
Saints et toutes les créatures à les bénir et remercier avec nous.
Embrassons avec joie et jubilation la solennité du divin Coeur
                                    '
 de notre très aimable Jésus.
      « En voilà l'office et la messe que je vous envoie, approuvés
de tous Messieurs nos Prélats ; employons tout le soin, la dili -
 gence et la ferveur possible pour la bien célébrer.
      « Pour cet effet :
      1° Invitez-y tous nos amis et toutes les personnes de dévotion.
      2° Si vous recevez ce paquet assez tôt, faites-la publier ;
 s'il y avait du temps, il faudrait y prêcher.
      3. Jeûnez la veille de la fête.
                                                                      '
      4. Faites dîner douze pauvres au réfectoire en la veille ou
 surveille.                                  N
      « Enfin, je vous conjure, mes très chers Frères, de célébrer
 cette fête avec toute la dévotion et solennité que vous pourrez
 et de me récrire ensuite comme elle se sera passée, et vous
 réjouirez celui qui vous désire les plus saintes bénédictions dé
 notre très bon Sauveur et de sa très douce Mère et qui est dans
 l'amour sacré de leur divin Coeur, mes très chers Frères,
                                           « Votre indigne serviteur,
                                               « JEAN EUDES».
 Paris, 29 juillet 1672.
      Plus on étudie cette circulaire et plus on la trouve remar-
 quable. En même temps qu'elfe inaugure dans l'Eglise catholique
 la fête du Coeur de Jésus, elle en détermine l'objet avec précision,
 en montre l'excellence, et en établit la légitimité en écartant à
 l'avance cette objection de nouveauté qu'on a ressassée dans
 tout le cours du XVIII»siècle.
      Le 20 octobre 1672, deux ans avant les premières révélations
 de Paray-le-Monial, dans les séminaires de Rennes, de Coutances,
 de Caen, de Lisieux et d'Evreux, on célébra donc solennellement
  la fête du Coeur de Jésus sous le rite double de lre classe avec
 octave. A Rouen, Mgr de Médary, qui venait de succéder à
  Mgr de Harlay, refusa d'en permettre la célébration ; mais dès
  l'année suivante, au dire du P. Martine, il revint sur sa décision,
  et, le 20 octobre, la fête du Coeur de Jésus put être célébrée au
178 —

 Séminaiie de Rouen comme dans les autres séminaires du
 P. Eudes.
        Dès 1674, le Bienheureux eut la consolation de voir la fête
  nouvelle adoptée par les Bénédictines de Montmartre. ,
     -..A une époque que nous ne pouvons préciser elle fut également
  reçue par les Bénédictines du Saint Sacrement.
        Toutefois le déclin de ses forces et la persécution dont il fut
  l'objet pendant les dernières années de sa vie empêchèrent le
 saint missionnaire de propager comme il l'aurait voulu la fête
  établie par lui. Epuisé par le travail et la souffrance plus encore
  que par l'âge, il mourut à Caen, le 19 août 1680, dans lessenti-
; rflents de la plus vive piété.
     • Il laissait un testament dont l'article 10 est ainsi
                                                                conçu :
        « De toute l'étendue de ma volonté, je me donne à l'amour
   incompréhensible par lequel mon Jésus et ma toute bonne Mère
   m'ont donné leur très aimable Coeur d'une manière spéciale, et
  en union de ce même amour, je donne ce même Coeur comme
  une chose qui est à moi et dont je puis disposer pour la gloire de
   mon Dieu ; je le donne, dis-je, à la petite Congrégation de Jésus
   et Marie pour être le partage, le trésor, le patron principal, le
   coeur, la vie et la règle des vrais enfants de cette Congrégation.
   Comme aussi je donne et dédie cette même Congrégation à ce
   divin Coeur pour être consacrée à son honneur et à sa louange
   dans le temps et l'éternité, suppliant et conjurant tous mes bien-
   aimés frères de s'efforcer d'y rendre et faire rendre tout l'honneur
   qui leur sera possible ; d'en célébrer les fêtes et les offices aux jours
   qui sont marqués dans notre Propre, avec toute la plus grande
   dévotion qu'ils pourront, et de faire quelques exhortations sur
   ce sujet dans toutes les missions; de s'étudier à imprimer dans
   leurs coeurs une image parfaite des vertus de ce très saint Coeur,
   de le regarder et de le suivre comme la règle primitive de leur
   vie et de leurs déportements, et de se donner à Jésus et à Marie
   dans toutes leurs actions et exercices pour les faire dans, l'amour,
   dans l'humilité et dans toutes les autres, dispositions de leur
    Sacré Coeur, afin que, par ce moyen, ils aiment et glorifient
    Dieu avec un coeur qui soit digne de Dieu, Corde magno et anima
    volenti, et qu'ils soient selon le Coeur de Dieu et les vrais enfants
    du Coeur de Jésus et de Marie. »
         Quelles paroles !
         On en chercherait vainement de pareilles sous la plume des
    autres apôtres du Coeur de Jésus.
         Le P. Eudes affirme avec une splendide assurance que Jésus
    et Marie lui ont donné leur coeur et qu'il en peut disposer comme
    d'un bien propre pour la gloire de Dieu. Et de fait, il dispose des
    Sacrés Coeurs, il les lègue à sa Congrégation et il veut qu'ils
    soient U partage, k• trésor, le patron principal, le coeur, la vie et
. '.,   . • —'.179-,—: :

la règle de ses enfants, D'autre part* il dédie et consacre une der-
nière fois sa Congrégation aux Sacrés Coeurs et il supplie ses
enfants d'être fidèles à les honorer de diverses manières, mais
spécialement par la célébration des fêtes qu'il avait instituées
en l'honneur de l'un et de l'autre.
       Les enfants du Bienheureux se sont montrés fidèles aux
recommandations de leur Père. Le Coeur de Jésus est resté, avec
le Coeur de Marie, l'objet préféré de leur dévotion et de leur
 apostolat. Le Souverain Pontife a daigné les autoriser à conserver
 les fêtes établies par leur bienheureux Fondateur et à se servir
 pour les célébrer des messes et offices composés par lui. Aujour-
 d'hui, comme en 1672, ils ont donc la consolation de célébrer la
 fête du Coeur de Jésus, le 20 octobre, sous le rite double de pre-
 mière classe avec octave; et les Religieuses de Notre-Dame de
  Charité du Refuge et du Bon Pasteur, dont les couvents au
  nombre de plus de 300 se rencontrent dans toutes les parties
  du monde, jouissent du même privilège.
                                     II
       Nous venons de raconter l'origine et l'histoire de la fête
  instituée par le P. Eudes en l'honneur du Coeur de Jésus. Tout
  le monde sait que, dans les dernières années du xvne siècle, à la
  suite des révélations de Paray-le-Monial, une autre fête du Sacré-
  Coeur fut établie dans les monastères de la Visitation et fixée au
  vendredi qui suit l'octave du Saint Sacrement. Beaucoup de
  communautés l'adoptèrent ; plusieurs évêques la firent célébrer
  dans leur diocèse et finalement, après de longues discussions,
   le Saint Siège l'approuva le 26 janvier 1765.
        Cm peut se demander quel rapport il y a entre la fête du
   P. Eudes et celle du vendredi après l'octave du Saint Sacrement.
    Il est incontestable qu'elles sont indépendantes l'une de l'autre
   dans leur origine, que la fête de Paray-le-Monial se rattache plus
   étroitement à l'Eucharistie que celle du Bienheureux et que la
   réparation y occupe plus de place ; mais, à cela près, ces deux
   fêtes ont le même objet et la même fin. Leur objet commun, c'est
   le coeur de Jésus, son coeur de chair qui constitue l'objet sensible
    de la dévotion, et son amour, qui en est l'objet spirituel, son
    amour incréé aussi bien que son amour créé, son amour pour
    son Père aussi bien que son amour pour nous. Leur fin commune,
    c'est de rendre au Coeur de Jésus, le culte auquel il a droit et
    tout spécialement de répondre à son amour en l'aimant de tout
    notre coeur.
         Bien entendu, il y a des nuances dans la manière d'envisager
    le Coeur de Jésus et il va de soi qu'elles influent sur la pratiqué
     de la dévotion. Il n'en est pas, en effet, du Coeur de Jésus comme
     des mystères particuliers de la vie du Sauveur que l'Eglise honore
     par dés fêtes spéciales. Ces mystères, celui de F Incarnation, de la
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  • 1. Regnabit. Revue universelle du Sacré-Coeur. 1921/08. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés sauf dans le cadre de la copie privée sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source Gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue par un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.
  • 2. " La bienvenue à ï^egnabit" Les témoignages de sympathie continuent à nous parvenir, reconnaissants, enthousiastes, encourageants. J'en choisis quelques-uns. * ' » Évêché de Perpignan. MONSIEURE DIRECTEUR, L Veuillez me permettre de vous adresser mes félicitations pour la revue universelle du Sacré-Coeur, Regnabit, qui se présente fort bien, avec une abondance d'information et de doctrine qui lui assurera son succès. Je vous donne l'assurance que votre revue va entrer dans le grand Catalogue du Prêt-Revues et je suis sûr que je vous procurerai plusieurs abonnements. 1Daignez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de mon respect. J. MARTY. Archevêché de Valence, 5 juin 1921. MON RÉVÉREND PÈRE, J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre très aimable de mai, avec le programme de la nouvelle revue Regnabit qui l'accom- pagne. Et l'objet et le but de la revue sont d'une utilité très grande, et répondent à merveille aux besoins d'aujourd'hui. Je vous prie d'agréer, mon Révérend Père, ma reconnaissance, mes voeux les plus sincères et ma bénédiction pour le succès de cette publication, avec l'assurance de mes sentiments tout religieusement dévoués. ENRIQUE. Archev. de Valence. ALEXANDRIE (Egypte) 1 Juin 1921. MONSIEUR L'ABBÉ, J'ai parcouru la revue Regnabitque vous avez eu l'amabilité de , m'erivoyer. J'en apprécie fort le but, le programme, l'esprit et l'utilité.
  • 3. — 146 — Aussi' je me fais un agréable devoir de vous remercier de votre envoi et j'inscris ma maison épiscopale pour un abonnement à la revue Regnabit. Puisse la revue Regnabit, que je bénis ainsi que ses rédacteurs, attirer au Divin Coeurde nombreux et très fidèles amis. Ils trouveront- en Lui : force, consolation, espérance et mettront leur sàiut personnel en sécurité. Avec ma bénédiction, veuillez agréer, Monsieur l'Abbé, l'assurance de mon entier dévouement en Notre-Seigneur Jésus-Christ. AURÈLEBRIANTE, Arch. de Cyrène, Vicaire apostolique de l'Egypte. . Du R. P. Pègues, 0. P. : MON RÉVÉREND PÈRE, ...J'ai déjà dit autour de moi combien votre titre me paraissait heureux. Regnabit ne pouvait être mieux choisi. Il dit tout, à lui seul. Le premier numéro m'a beaucoup plu. Je crois que la Revue «prendra » et je lui souhaite le meilleur succès. Du R. P. Dom Gaspar Lefebvre, Prieur de l'Abbaye de Saint- André, Belgique. BIEN CHER RÉVÉREND ET MONSIEUR'ABBÉ, L Votre excellente Revue universelle du Sacré-Coeurme paraît appelée au plus brillant avenir et devoir exercer un apostolat des plus fructueux- L'heure de la lancer est admirablement choisie, et d'emblée elle aura conquis toutes les sympathies. D'une petite employée : Je suis heureuse de vous dire, Monsieur l'Abbé, que votre Revue est aussi belle que je la désirais. La méditation sur l'apostolat du Sacré-Coeur m'a plu particulièrement. Je pense que cette publication trouvera des lecteurs très fidèles, dans un public qui sera du même genre que celui des Etudes ou de la Vie spirituelle. Pour ma part, j'en espère beaucoup de bien. Je ne suis qu'une petite employée ; d'une instruction moyenne. Je compte bien être aidée par cette Revue à aimer davantage Notre- Seigneur et à le faire aimer. Enfin, bien des périodiques ont déjà salué Regnabit. Pour faire connaître quel a été leur accueil, il me suffira de citer l'Action catholique de Québec : « Sous le titre : Regnabit, vient de paraître une revue universelle consacrée à la gloire du Sacré-Coeur. Elle a pour fondateur et directeur, M. l'abbé Félix Anizan, dont on connaît les nombreux et importants travaux pour l'extension et l'affermissement du Règne social du Sacré- Coeur de Jésus : Vers Lui, Par Lui, En lui, Élévations, etc. La nouvelle '/publication se présente sous le patronage distingué de S. E. le Cardinal Dubois, archevêque dé Paris, et avec une bénédiction de l'Ordinaire de Paray-le-Monial, S. G. Mgr Berthoin, évêque d'Autun. Cette Revue est particulièrement sympathique et s'annonce d'un intérêt captivant, avec la collaboration qu'elle s'est assuréede la part
  • 4. de quelques théologiens, parmi les.plus éminents du monde entier, heureux de vouer leur talent à la propagande du Règne social du Divin Maître. * * * J'ai d'abord hésité à transcrire ces lignes dont quelques-unes sont trop flatteuses pour moi. Mais ces louanges, c'est à l'idée de Regnabit qu'elles vont ; c'est à son esprit ; c'est à son programme ; c'est aux amis ardents qui le réaliseront. Je l'ai maintes fois senti, la joie qui sourit à Regnabit vient de ce que bien des amis du « Roi universel » avaient besoin d'une revue qui soit universelle... à Son image : d'une revue où toutes les voix puissent se faire entendre, où toutes les oeuvres puissent se présenter ! Vive le Sacré-Coeur, « Roi et Centre de tous les coeurs ! » Regnabit est etjrestera « la Revue Universelle du Sacré-Coeur ». „ F. ANIZAN, Secrétaire général de Rédaction.
  • 5. -.—148 — /. LES IDÉES La Dévotion au Sacré dans les Missions du Mackenzie C'est sans doute pour affirmer qu'ils ne refusent aucune collaboration, si humble soit-elle, que les Directeurs du Regnabit ont sollicité quelques pages du Vicaire Apostolique du Mackenzie. Ils ont voulu aussi donner une preuve évidente de leur intention d'étendre l'objet de la revue à tout l'univers. - Le Vicariat du Mackenzie est bien, en effet, aux extrémités du monde, puisqu'il comprend la majeure partie des îles que possède le Canada dans l'océan Glacial et n'a d'autres limites, au nord, que le pôle. La Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, dont les Missionnaires s'y dévouent depuis plus de trois quarts de siècle, fut choisie de Dieu pour aller, la première, visiter les immenses régions qui s'étendent, de la baie d'Hudson aux extrémités de l'Alaska. Par ses enfants, pour la première fois, sur divers points de ces vastes solitudes, fut offert le « Sacrifice Saint » que, suivant la prophétie de Malachie, Dieu voulait se voir offrir en tous lieux, jusqu'aux extrémités du monde. Me sera-t-il permis d'ajouter que deux de nos Missionnaires, en arrosant de leur sang ce champ de neige, ont eu l'insigne honneur de suppléer à ce qui manquait au sang du Rédempteur pour faire bénéficier du salut les pauvres habitants de ces déserts de glace ? Mais je ne veux traiter ici que de la « dévotion au Sacré-Coeur dans les Missions du Mackenzie. » Je dirai donc : 1° Comment nos chrétiens comprennent le Sacré-Coeur ; 2° Comment ils le servent. * ** .'.'.'.. I. Comment nos chrétiens comprennent le Sacré-Coeur. Je me rappelle la parole d'un vétéran de nos missions à un bon prêtre qui, il y a trente ans, cherchait à le convaincre des effets que produirait chez nos indiens, la diffusion d'une image, du reste très belle, du Sacré-Coeur représenté tout seul avec les emblèmes habituels. « Mon cher Monsieur, lui dit en toute franchise le missionnaire, nos sauvages n'y comprendront rien du tout. Il ne faut pas oublier que, dans nos missions, nous en sommes encore aux premiers temps de l'Église. »
  • 6. — 149 — Quelques mois plus tard, arrivant à la mission de Notre-Dame des Sept-Douleurs où je devais faire mes premières armes, je fus frappé par un beau Sacré-Coeur lui aussi tout seul, qu'un de nos bons frères convers avait peint sur le devant de l'autel. « Ce coeur là est en effet un petit chef-d'oeuvre de peinture pour nos contrées, me fit remarquer mon mentor à barbe grisonnante. Mais ça ne dit pas plus à nos sauvages que ferait un coeur de caribou. Ils en manipulent tant durant leurs chasses. » Il est certain que, par attrait, nos chrétiens vont plutôt et directement à la Personne même de Notre-Seigneur, qu'ils appellent « Sacré-Coeur » quand ils Le voient le coeur sur la poitrine. Je suis heureux de pouvoir en extraire la preuve d'une lettre sortie de la plume d'une de nos anciennes élèves de la Providence. Elle avait quinze ou seize ans. A la suite de la perte vivement sentie d'une personne aimée, elle m'écrivait •— en français — : « Mon unique consolation est de la retrouver tous les jours dans le Coeur du Sacré-Coeur. » Pour cette enfant des bois, le Sacré- Coeur est bien la personne même de Notre-Seigneur montrant son Coeur. Autre exemple. C'est à la veille de quitter notre mission Saint-Joseph pour me rendre en Europe. Louyson Dos-Noir, un des gros personnages Montagnais, venant me donner la poignée de main d'adieu, en profite pour me confier toute sa joie d'avoir le Sacré-Coeur intronisé depuis quelque temps dans sa petite cabane. « C'est très bon ! me dit-il. Il vit avec nous ! Il est le Maître de la maison. Devant Lui nous prions réunis. Quand je suis à la chasse, Il veille sur ma femme qui ne se sent plus seule. Et cette pensée me rend le coeur fort et plus alerte pour chercher la vie de la famille. D'autant plus que en même temps II me protège partout où je vais dans les bois. Ainsi, par Lui, malgré la distance, ma femme et moi restons toujours unis, et nous avons le coeur plus fort. Oui ! c'est très bon ! Je te remercie de nous l'avoir donné ! » v . Inutile de multiplier les faits. Il n'y a aucun doute. C'est bien Notre-Seigneur que nos Indiens veulent honorer directement. Et je crois que le génie même de leurs différents dialectes les y pousse. Chez nous, pas de mots abstraits. Pour exprimer les réalités que les mots abstraits représentent dans les autres langues, nous devons avoir recours à des verbes employés à l'impersonnel, ou à des périphrases. Ainsi deux mots sont en usage pour dire : aimer. Le premier beganyenigest' an, plus général, signifie" éthymologiquement : « Je mets, ou mieux, j'ai mis mon esprit (ma pensée) auprès de lui ». — Le second plus affectueux, plus tendre, begandareschie veut dire : « je mè pousse (je me grandis) vers lui par désir où
  • 7. — 150 par souffrance ». Quel que soit celui que l'on applique à Notre- Seigneur pour traduire son amour, il faudra toujours construire la phrase comme suit : « Jésus son amour (son-il-nous-aime) ». Comme on le voit, nous sommes contraints de mettre tout de. suite en avant la personne même, —- et agissante — du Verbe. De même, si nous parlons du Sacré Coeur, nous devrons dire : « Jésus, son Coeur-Saint, Jésus son Coeur bienveillant »... Et l'amour du Sacré-Coeur de Jésus s'exprimera ainsi : Jésus son Coeur, son-Il-nous-aime. Grammaticalement, impossible de s'expliquer autrement... Pour nos Dénés, le Sacré-Coeur n'a donc jamais été que le Verbe Incarné. Mais c'est le Verbe Incarné se manifestant à eux sous une forme nouvelle plus attrayante. C'est Jésus les aimant de tout son Coeur, et leur montrant son Coeur pour mieux leur faire comprendre son amour et leur en rappeler le souvenir. Et c'est bien sous cette forme qu'ils préfèrent Jésus : avec le Coeur embrasé sur la poitrine. Il leur parle plus au coeur : La Croix, la Couronne, la Plaie leur redisant sans cesse les excès auxquels l'amour l'a porté pour les sauver. Chez nos Indiens, comme chez tous les peuples, le coeur est considéré comme le siège de l'amour. Ils disent couramment : « Je t'aime de tout mon coeur. » Pour eux aussi le coeur donne à l'homme sa vraie valeur morale ; suivant les qualités de son coeur, un Montagnais est bon ou mauvais Ils ne trouvèrent donc point étrange que, pour mieux leur faire comprendre, estimer et aimer le Rédempteur, on s'appliquât plus spécialement à'leur montrer toutes les richesses de son Coeur adorable et à faire remonter vers Lui, comme à sa source, le fleuve de miséricordes dont les ondes purifiantes et vivifiantes parvenaient jusqu'à eux. Chez eux, le Coeur est-il considéré comme symbole de l'amour ? Il n'y a pas à en douter, bien que les mots symbole et le verbe symboliser ne se trouvent pas dans leur vocabulaire. Ils ont en effet l'expression qu'emploient les amis pour affirmer plus énèr- giquement leurs sentiments : « Si tu voyais mon coeur : je voudrais pouvoir te montrer mon coeur... » Eh bien, nos sauvages n'ont vu, dans le récit des manifes- tations que Notre-Seigneur a daigné faire de son Coeur, que la réalisation d'une chose impossible à l'amitié humaine... Et ils ont trouvé cette manifestation toute naturelle à un Dieu tout puissant. On leur a dit que' le Verbe, le Fils de Dieu est l'image parfaite' substantielle, vivante du Père. De même que de toute éternité, Il dit au Père ses amabilités infimes, le Père trouvant ses complai- sances dans la contemplation de cette parole vivante, le Verbe
  • 8. a pour mission de parler à l'homme, dont l'intelligence est â l'image de celle du Père, et de lui dire que Dieu est parfait, surtout qu' Il est tout amour, infiniment aimable. Son discours à l'humanité a commencé à la création : chaque être sorti du néant au souffle de cette parole toute puissante, porte le reflet de quelque amabilité divine. Il a continué par ses révélations aux prophètes. Il s'est fait plus vivant par l'Incarnation dans les exemples, les enseigne- ments, les miracles de Notre-Seigneur, plus pressant, plus explicite encore à mesure qu'approche la démonstration si éloquente du calvaire... Quid potui facere et non feci ?... Il semblerait toucher à la fin quand on l'entend prier pour ses bourreaux, les excuser même!... Encore un gémissement : Sitio ! Appel suprême d'un amour insatiable !... Le « Tout est consommé » n'est qu'une pause impressionnante... Defunctus adhuc loquitur /... Les apôtres, continuateurs du Verbe qui vit en eux et qui confirme leur parole par dés miracles, s'en vont à travers le monde prêcher l'amour de Dieu... Sic Deus dilexit mundum !... Amour dont ils ont été les témoins, amour qu'ils ont, en quelque sorte touché du doigt avec saint Thomas dans les plaies sacrées... Avec saint Jean ils répètent : « Nos autem credidimus caritati » et leur ils le scellent de leur sang !... • témoignage, Après eux, des milliers, des millions de martyrs marchent sur leurs pas. Comme eux ils attestent, sous les coups de fouet, au milieu des tortures, sous là dent des bêtes fauves, que biens, plaisirs et honneurs de la terre, ne sont que boue repoussante en Iface des amabilités divines... Peu à peu l'Évangile se répand, Striaisavec quelle lenteur pour l'Amour du Sauveur impatient du salut des hommes ses frères !... Alors, comme dans une péroraison sublime, pour jeter la conviction dans nos âmes, non content de porter sa main à la poitrine pour nous crier avec une émotion profonde : « Ah ! si vous pouviez voir mon coeur, vous verriez combien je vous aime ! » Lui à qui rien n'est impossible, dans un geste de suprême élo- quence, — geste vraiment divin — Il arrache pour ainsi dire son coeur de sa poitrine, Il le met en relief, avec ses flammes débordantes, la croix plongée dans son intime, la couronne d'épines, là plaie encore béante, le sang qui en coule toujours, et Il lance à l'univers cet appel suprême d'un amour méconnu. « Voilà ce coeur qui a tant aimés les hommes »... N'y aura-t-il donc personne pour l'aimer en retour ?... Il, Comment nos chrétiens aiment le Sacré-Coeur, Alors qu'il était encore rattaché à celui d'Athabaskâ, Te vicariat du Mackenzie fut officiellement consacré, avec ce dernier, au Sacré-Coeur de Jésus, vers 1893, par Mrg Grouard, récemment
  • 9. .:>?;;' '"./ -Vv:--' ...:;';'.-—.' 152 V-,---. nommé Vicaire Apostolique des deux districts. Depuis lors, en union avec Montmartre, le jour de Noël, qui voit toujours accourir dans nos missions le plus grand nombre de nos Indiens, le Saint Sacrement est exposé à leur piété simple et naïve.Dans certains centres l'adoration est organisée par familles : ce sont les plus fervents. Si cette consécration solennelle à donné un nouvel essor à la dévotion au Sacré-Coeur, elle était cependant connue et aimée , longtemps auparavant. En font foi nos livres de piété dans différents dialectes. Sans parler des cantiques qu'ils contiennent, mentionnons l'acte de Consécration en Montagnais. Il a pour titre : Jésus son Coeur Saint, on le console, on le loue, on se donne à Lui, pour cela on Le prie. Il serait difficile de préciser à quelle date fut introduite 'telle forme plus spéciale de la piété. Tous les Missionnaires rivalisèrent sans doute de zèle pour maintenir toujours leurs petites chrétientés à l'unisson dans l'hommage que le monde catholique, sous de multiples formes, comme pour attester son impuissance à Le louer assez, se plaît à rendre au Roi divin qui ne craint pas de s'humilier jusqu'à se faire mendiant d'amour auprès de ses plus humbles créatures. Les premiers vendredis de chaque mois sont en honneur dans nos missions. Souvent nos gens retarderont ou abrégeront leur chasse pour pouvoir répondre au désir du Sacré-Coeur et com- munier ce jour-là • Dès la veille, plusieurs de nos petites chapelles réunissent les fidèles de l'Heure Sainte. Avec quelle piété en suivent l'exer- cice ces pauvres sauvages. Dans l'adoration, la louange, la réparation et la prière, ils se préparent à recevoir le lendemain, dans l'Eucharistie, l'Ago- nisant de Gethsémani. Un certain nombre, parmi les plus fervents, ont envoyé leur nom à Paray-le-Monial avec leur jour choisi de communion hebdomadaire ou mensuel, pour l'avènement du Règne social du Sacré-Coeur. La pratique de F Intronisation a pénétré elle aussi dans le vicariat. « Dieu soit béni ! nous écrit le P. Duport, nos fidèles de la Mission Saint-Joseph ont entendu les appels du Coeur de Jésus ; peu à peu la porte de leur tente s'ouvre pour laisser passage au Divin Roï, qu'ils intronisent avec une grande piété, à la place d'honneur dans leur foyer ; cette intronisation est une vraie consécration de toute la famille (1). Il y a du reste peu de huttes, qu'elles soient de bois ou de peau, qui n'aient une image du Sacré- Coeur. Devant elle les mamans apprennent aux enfants à balbutier (1)Cettelettre a étécitéepar la Revue Marie Apostolique.de Immaculée (Lyon), mars 1921.
  • 10. — 153 — leurs premières prières ; elle préside la réunion du dimanche en l'absence du Missionnaire; elle console les derniers instants des mourants, et c'est vers elle que monte comme un encens parfumé, l'acceptation généreusement résignée de la séparation suprême. La fête du Sacré-Coeur se célèbre avec une solennité, de plus en plus grande, et le mois qui lui est consacré est fidèlement observé, là où les circonstances le permettent. Enfin chez nous, cpmme partout, l'amour du Sacré-Coeur amène les âmes à la Sainte Eucharistie. Tel est bien le désir du Sacré-Coeur. N'est-ce pas en effet pour rapprocher les âmes de Lui, les convoquer à l'union la plus intime toute d'amour, que Notre-Seigneur a manifesté son Coeur Sacré à Sainte Marguerite- Marie, lui faisant les plus attrayantes promesses pour les fidèles du premier vendredi de chaque mois, lui redisant si souvent sa soif d'être visité, consolé,.reçu au Saint Sacrement?... Et pourrait- on trouver une âme vraiment passionnée d'amour pour le Sacré- Coeur qui ne le soit pour la .SainteEucharistie ? Eh bien ! dans toutes nos missions le chiffre des communions augmente graduellement. Qu'il me suffise de citer la plus septen- trionales de toutes, — celle du Saint-Nom de Marie. — C'est un ' tout petit poste fréquenté seulement pendant quelques mois de l'année par 190 Loucheux... Nous y avons eu l'année dernière près de 3.000 communions. Il est vrai que cette mission compte parmi les plus ferventes. Peu nombreux sont les sauvages qui n'y sont pas fidèles à la visite quotidienne au très Saint Sacrement. 1 * Voilà comment nos chrétiens comprennent et servent le Sacré-Coeur. Pour eux, le Sacré-Coeur, c'est bien le Verbe divin fait homme' pour leur apporter la Rédemption. C'est le Fils de Dieu leur disant l'amour de son Père, leur Père, pour eux !... Ils ont trouvé tout naturel que pour leur faire comprendre que Dieu est tout . amour, le Verbe se soit fait tout Coeur, prenant un coeur dejehair, et l'ait montré tout endolori, avec les insignes de la passion !.,. ; Ils sont heureux de se joindre aux bergers, aux mages, aux chrétiens de tous les siècles... Devant Lui, se prosternant^ ils " L'adorent, et ils L'aiment !... '., f G. BREYNAT, . M. i., év. d'Adramyte, o Vicaire Apostolique du Mackenzie.
  • 11. 154 Les Révélations privées II. - La Révélation pMpe et les Bévélations .privées Par un dessein de son incompréhensible amour, Dieu veut nous communiquer sa vie, ses perfections, son bonheur, et nous avoir avec lui dans le ciel comme compagnons de son éternité Sa toute-puissance aurait pu, dès l'instant même où elle nous tirait du néant, nous placer dans ce bienheureux état de la vie céleste et nous admettre aussitôt dans cette intimité qui doit constituer un jour notre bonheur suprême. Cependant, selon les sages méthodes de sa Providence qui gouverne toutes choses avec une force irrésistible, mais aussi avec la plus grande suavité, Dieu a jugé plus glorieux pour lui, et plus profitable pour nous, de nous préparer peu à peu à cette ineffable société qu'il veut avoir éternellement avec nous .dans le ciel. Or, à la base de cette économie de l'amour divin qui nous saisit dès notre arrivée à l'existence et qui nous enveloppe durant toute notre vie terrestre, se trouve la Révélation : parole divine exprimée en langage humain, par laquelle Dieu, condescendant à notre faiblesse, se met à la portée de notre esprit et se fait lui- même notre maître et notre guide dans les voies qui conduisent à la vie pleine et parfaite du salut éternel. Ayant voulu nous adopter dans son adorable famille, et nous avoir pour enfants, il se conduit avec nous comme le plus aimant des pères, se char- geant lui-même de notre instruction, de notre éducation, de notre formation à la vie divine. L'Écriture nous le montre, dès l'origine, conversant familiè- rement avec nos premiers parents ; il continue dans la suite des siècles à parler directement aux patriarches et aux prophètes ; il nous parle surtout par Jésus-Christ et ses apôtres qui nous apportent la grande révélation ; il continue encore de nos jours, et il continuera toujours à parier à quelques âmes de choix, jusqu'à ce qu'enfin vienne la pleine manifestation, celle qui nous le montrera à découvert, face à face, tel qu'il est dans la splendeur de sa gloire. * * .. Cependant, dans cet ensemble de communications intellec- tuelles entre Dieu et l'humanité, il faut absolument distinguer deux sortes de paroles de Dieu : celles qu'il adresse à tout le genre humain, et celles qu'il adresse à quelques âmes seulement qu'il fait les confidentes intimes de son coeur. De là, d'après ;'. : Renseignement de la théologie, deux révélations tout à fait
  • 12. ;'.. — 155 — ;.'.' ';•-'', distinctes, et d'importance tout à fait inégale : la Révélation publique et les révélations privées. . Si nous ne considérions que les documents du magistère officiel de l'Église, il semblerait cependant, au premier abord, qu'il n'y a d'autre révélation que celle qui s'impose à. tous les hommes et qui nous vient par Jésus-Christ et ses apôtres. Offi- ciellement, l'Église n'en connaît pas d'autre que celle-là ; elle n'a donc pas à lui donner un nom spécial et à l'appeler «publique», . en opposition à une autre révélation qui serait moins universelle. Elle distingue bien la Révélation d'après l'Ordre du temps où d'après les auteurs inspirés qui l'ont reçue de Dieu ; elle parle donc de révélation « mosaïque » ou de révélation « chrétienne » ; elle la distingue encore selon la forme d'expression qu'a revêtue la parole de Dieu pour arriver jusqu'à nous : elle parle donc de révélation « écrite » ou de révélation « oralement transmise »; elle la distingue enfin selon le degré de perfection ou de clarté qu'a eu la vérité révélée à diverses époques : par conséquent elle dit que sous la loi ancienne la révélation était « incomplète et imparfaite », tandis que sous la loi évangélique, elle est arrivée par Jésus-Christ et les Apôtres à sa perfection et à sa plénitude. Mais jamais elle ne la distingue selon sa destination, ou parti- culière, ou universelle. En ce sens, l'Église ne connaît officielle- . . ment que la Révélation universelle qu'elle appelle tout simple- ment « la Révélation ». La théologie dogmatique, qui n'est que l'exposé rationnel et , méthodiq uede la doctrine révélée, ne traite, elle aussi, que delà jseule révélation publique, celle qui est contenue dans l'Écriture iou dans la Tradition apostolique. Sous le nom tout court de ^Révélation, jamais elle n'entendra une révélation privée. Est-ce à dire que en dehors de la doctrine révélée que l'Église propose à tous, il n'y ait pas d'autres révélations véritablement divines ? où, s'il y en a, qu'on n'ait pas à s'en occuper, et qu'on doive les laisser aux heureux privilégiés qui les ont reçues de Dieu? Cette conclusion serait certainement trop rapide. Autre chose, en effet, que dans son enseignement officiel, qui s'impose obliga- toirement à tous, l'Église ne parle que de la Révélation faite par Dieu à tous les hommes ; et autre chose que, outre cette révélation universelle, l'Église n'en connaisse ou n'en admette pas d'autre. Toute l'histoire de l'Église n'est-elle pas remplie d'inter- ventions manifestes et immédiates de la divine Providence ? ' N'y voit-on pas à toute époque, et dans tous pays, d'innombrables miracles et de fréquentes manifestations de l'esprit prophétique ? N'y lit-on pas bien souvent des récits de révélations • divines, rapportés par ceux-là même qui en sont les dépositaires et que
  • 13. —::i5& l'Église compte parmi les plus éjclalrésët les plus reeomtnandables de ses enfants ? Sans doute, l'Église ne veut pas que nous accep- tions sans discernement tous les récits merveilleux de la vie des saints ; elle nous donne elle-même l'exemple de la plus sage réserve. Mais ce serait certainement aller contre ses directions, et même contre son enseignement, que de rejeter en bloc toute intervention personnelle, directe et immédiate de la puissance et de la bonté de Dieu dans la conduite des âmes. L'Église est fière de son histoire. Elle nous en recommande la lecture assidue et l'étude approfondie ; mais elle veut que nous y apportions un esprit sincèrement croyant qui sache voir, à travers les siècles, l'accomplissement, même sensible, de cette promesse de Jésus-Christ : «Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommationdes siècles. » Elle nous exhorte surtout à étudier la vie des saints pour nourrir notre âme de leur céleste doctrine et y contempler des modèles de toutes les vertus. Or, la vie d'un grand nombre de saints, notamment parmi les plus illustres et les plus honorés, est toute remplie dedivines confidences, de véritables entretiens avec Dieu, avec Notre-Seigneur ou avec les esprits Célestes. Ne serait-ce donc pas une insupportable témérité pour un chrétien que de rejeter d'avance tous les récits de ce genre_? Ne serait-ce pas mépriser la conduite et les décisions de l'Église elle-même qui examine avec un si grand soin les révélations des saints qu'elle canonise? Ne serait-ce pas porter un jugement contraire à celui de l'Église que de traiter d'illusions et de pures imaginations les révélations d'une Sainte Gertrude, d'une Sainte Jeanne d'Arc, d'une Sainte Marguerite-Marie, et de tant d'autres saints si hautement loués par l'autorité suprême de l'Église ? Certains auteurs, anciens et modernes, qui s'étaient engagés un peu trop loin dans la voie du doute au sujet de ces interventions directes de Dieu, ont pu apprendre, à leurs dépens, combien cette tendance était contraire à la pensée de l'Église : la lecture de leurs ouvrages a été interdite, tandis que celle des livres racontant la vie des saints avec tous leurs miracles et leurs révélations, reste toujours fortement recommandée aux fidèles. Il est bien vrai, comme nous l'avons indiqué plus haut, que y Église ne se prononce jamais, en vertu de son magistère infaillible ni sur l'authenticité ni sur le contenu de telle ou telle révélation privée, mais, dans l'ensemble, elle admet et enseigne comme certain que Dieu intervient encore parfois dans le monde d'une manière directe et sensible, soit par les miracles de sa puissance soit par les communications immédiates de sa pensée. Prise ainsi dans sa gènéralitéj l'existence des révélations privées est admise sans conteste par tous les théologiens : saint Thomas affirme sans hésiter que de tout temps il y à eu des âmes éclairées par l'esprit de prophétie(11-11, Q. 174, a.6.ad3) ;
  • 14. le Cardinal Bona est plus explicite encore quand il dit : « Aussi ;: bien l'Écriture que les documents de l'histoire nous prouvent jusqu'à l'évidence que, de tout temps et dans toute condition, r depuis l'origine jusqu'à nos jours, il a existé des révélations privées. » (De Discret. Spirit. cap. 20). Tel est le langage de tous les théologiens, notamment des mystiques et des canonistes qui, avec Benoît XIV {De Canon. Sanct. Iib, 3), tracent minutieuse- ment les règles à suivre pour discerner les révélations divines de leurs imitations ou contrefaçons. Nous n'insisterons donc pas davantage sur ce point qui ne fait doute pour personne parmi les catholiques. Ce que nous voudrions déterminer avec un peu plus de soin, parce que la chose est beaucoup moins claire, c'est la différence caractéristique qui existe entre ces deux sortes de révélations : publique et privée. D'où vient que l'une est obligatoire pour tous, tandis que l'autre est sans force pour obliger ceux qui ne la reçoivent pas directe- ment ? Il semble en effet que, de part et d'autre, c'est la même parole de Dieu qui, une fois commue, devrait s'imposer également à tous les hommes. Écartons tout d'abord quelques réponses manifestement fausses ou insuffisantes ; nous essayerons ensuite d'expliquer ce qui distingue radicalement la Révélation publique de toutes les révélations privées. * * ; En premier lieu, là différence que nous cherchons ne saurait se trouver dans le fait matériel de la plus ou moins grande publicité de la parole de Dieu. Il est évident en effet, que certaines parties de la Révélation publique, par exemple certains dogmes sur la Trinité, la grâce ou les Sacrements, sont moins connues que plusieurs révélations privées, comme sont les révélations du Sacré-Coeur. Nous ne la trouverions pas non plus dans l'objet même de la révélation, selon qu'il concernerait ou bien tout le genre humain ou bien seulement quelques personnes en particulier. Comment soutenir, par exemple, que le détail du festin d'Assuérus qui nous.t est rapporté dans le livre d'Esther, et qui fait partie de la Révé- lation publique, intéresse le genre humain plus que les récentes manifestations de l'amour du Sacré-Coeur, qui cependant ne sont que des révélations privées ? Il ne faudrait pas la chercher davantage dans le terme immédiat de l'action divine. Dans l'une et dans l'autre révélation^ en effet. Dieu ne: s'adresse directement qu'à telle ou telle personne, et il Féclâire de la même manière. Il est même fort probable que Dieu a parié ou parle encore personnellement à plusieurs saints beau-
  • 15. 158 — coup plus intimement et plus clairement qu'il ne l'a fait à quelques- uns des anciens prophètes dont les écrits font cependant partie de la Révélation publique. La différence provient uniquement de la destination de la parole de Dieu. Dieu veut-il s'adresser à tous les hommes par l'intermédiaire du confident qu'il a choisi ? Dans ce cas, la parole de Dieu sera Révélation publique, bien que peut-être elle ne soit pas encore publiée, et qu'elle soit, pour le moment, connue de celui-là seul qui la reçoit. Dieu veut-il au contraire ne s'adresser qu'à la personne qui l'écoute ? La parole divine ne sera qu'une révélation privée, bien que, peut-être, le contenu de cette révé- lation ait été ensuite publié et soit maintenant connu partout. Telle est la réponse donnée par tous les théologiens pour établir la distinction entre la Révélation publique et les révélations privées. Si on veut se contenter, sur ce point, d'une idée générale et un peu vague, cette réponse est complète et suffisante. Mais ne devrait-on pas pousser l'analyse un peu plus loin, et résoudre par exemple cette question : Comment se fait-il que telles épîtres de saint Paul, adressées par leur auteur à telle personne déterminée : à Timothée, ou à Philémon, sont adressées par Dieu à toute l'humanité ? Comment se fait-il, au contraire que telles révé- lations publiées dans toute l'Église par les confidents de Dieu, et sur l'ordre même de Dieu, ne soient que des révélations privées ? Essayons ici encore de donner quelques détails un peu plus précis pour mieux comprendre la notion que nous étudions. * *. * Comme chrétiens, nous ne reconnaissons d'autre maître que Jésus-Christ : c'est de lui que nous tenons tout ce que nous croyons ; c'est par lui que Dieunous a dit tout ce qu'il voulait nous dire, c'est lui qui est l'auteur de toute notre religion, le docteur de toute vérité révélée. Ce que Dieu avait révélé autrefois aux prophètes d'Israël, il nous l'a redit par Jésus-Christ qui a de nouveau promulgué ' pour nous l'antique révélation ; ce que Dieu voulait manifester au monde, dans la plénitude des temps, pour établir la religion définitive et éternelle, il nous le dit par son propre Fils, le Verbe Incarné. Jésus apparaît sur la terre, non pas seulement comme envoyé de Dieu ; il vient comme la Parole substantielle même de Dieu, comme Verbe de Dieu uni à notre nature. Et, tout comme là-haut, dans le ciel, le Verbe éternel exprime Dieu parfaitement et immuablement, de même,, parmi nous, sur la terre, le Verbe Incarné exprimera Dieu aussi parfaitement que cela est possible par des expressions humaines et pour des intelligences humaines. Jésus se forme donc un petit groupe de disciples, pusillus grex,
  • 16. '"-—159'— - germe de la société immense des croyants à venir, et il leur dit tout ce qu'ils peuvent comprendre et porter de la vérité divine. Ce qui les dépasse encore, et qu'il ne peut leur faire entendre pendant sa vie mortelle, il le leur dira bientôt, en leur envoyant son Esprit qui leur apprendra toute vérité, et leur suggérera le sens profond de tout ce qu'il leur aura dit lui-même auparavant. La mission visible de Jésus est finie ; la Parole divine a été entendue sur la terre ; par elle les apôtres ont reçu toute la vérité que Dieu voulait faire connaître au monde. A eux maintenant de l'exprimer, de la répandre au dehors, et de là faire arriver partout jusqu'aux extrémités de la terre. Puisque les apôtres sont les organes divins de toute la Révé- lation chrétienne, il nous suffira, pour comprendre la différence entre la révélation publique et les révélations privées, de comparer le rôle que les apôtres ont à remplir au nom du Christ et celui qu'exercent les autres saints par la communication des confi- dences dont Dieu daigne les honorer. * * * Tant que Jésus était resté visiblement sur la terre, il avait été le centre, visible de toute sa religion et l'unique chef de tous ceux qui croyaient en lui. L'église était alors, humainement, une bien petite Société ; mais Jésus, sachant qu'elle devait se déve- lopper partout et se perpétuer à traversées siècles, veut, avant de remonter au ciel, se donner des remplaçants qui continueront a guider visiblement la multitude de plus en plus nombreuse des fidèles. Dans un moment solennel entre tous, Jésus réunit donc les siens sur le mont des Oliviers ; et là, juste avant de retourner à son Père, en présence de cette assemblée qui constitue presque toute l'Église ou qui du moins la représente tout entière, il proclame et promulgue la mission officielle qu'il confie aux Apôtres. Interpellant spécialement les Onze, il leur dit : « Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » (Matt., xxviii, 18-22). Par le fait que les apôtres reçoivent de Jésus là mission publique de prêcher partout son enseignement, les fidèles reçoivent aussi l'ordre divin de se soumettre aux apôtres comme à Jésus lui-même. « Celui qui croira sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné (Marc, xvi, 16. Voila le premier caractère de la parole des apôtres : elle est la loi suprême de l'Église, et cela d'après la volonté expresse et manifeste de Jésus-Christ. Or,çe premier caractère fait totalement défaut dans toutes les révélations qui ont existé depuis en dehors des apôtres. On ne peut citer aucun saint qui ait voulu imposer à l'Église sa parole ou son enseignement comme venant de Dieu ; aucun qui ait
  • 17. 160 prétendu avoir une mission divine de parler à l'Église avec autorité, de telle sorte que les fidèles fussent obligés de le croire sur parole. Au contraire, tous les saints, même les plus favorisés des révélations célestes, ont soumis en toutes choses et leurs écrits et leurs paroles, au jugement suprême de l'autorité de l'Église. Qui plus est,l'Église n'a jamais reçu et ne recevra jamais aucune parole, aucun ordre qu'on prétendrait lui imposer au nom de Dieu. Elle enseigne et elle croit que tout ce que Dieu a voulu lui dire, ou lui faire dire, comme règle obligatoire de sa foi et de sa conduite, il Fa fait dire par les apôtres. Après eux, c'est elle qui gouverne en souveraine maîtresse pour tout ce qui concerne et la foi et les moeurs. Donc, première différence radicale entre la révélation publique ".et les révélations privées. La Révélation publique est donnée à l'Église entière par les apôtres au nom de Jésus-Christ. Les autres ne sont jamais adressées à l'Église au nom de Dieu ; pour l'Église, elles ne sont qu'un témoignage humain et d'ordre privé, de ce que Dieu a opéré dans telle ou telle âme. Parmi les hommes, un initiateur, un fondateur ne peut exercer d'influence personnelle que de son vivant sur la terre. A sa mort, il disparaît et laisse ses anciens collaborateurs complè- tement à eux-mêmes, de telle sorte que son oeuvre ne dépend plus de lui, mais uniquement de ceux qui lui ont succédé. Il n'en est pas ainsi de Jésus-Christ. Après avoir confié à ses apôtres l'exercice visible de ses pouvoirs, il disparaît bien lui aussi ; mais il ne meurt pas et il ne quitte pas son Église. Il en reste toujours le chef vivant et agissant, quoique d'une manière différente. Il a donné à ses apôtres la mission de prêcher partout sa doctrine ; mais ceux-ci sont évidemment incapables par eux-mêmes d'enseigner à toutes les nations une doctrine si profonde et si complète sans jamais en altérer le sens, et sans jamais y introduire des idées étrangères ou contraires à la pensée du Christ. Par son assistance invisible, Jésus suppléera à leur impuissance et leur fera éviter toute erreur, quand ils parleront en son nom et qu'ils exposeront son enseignement. Ce n'est pas tout cependant. Les apôtres n'auront pas seulement à prêcher la doctrine du Christ sans commettre d'erreur ; il faudra encore qu'ils l'enseignent tout entière sans en rien omettre. Comment pourraient-ils y arriver eux qui sont naturellement si ignorants, si Jésus, ici encore, ne les aidait et ne leur suggérait tout ce qu'ils auront à enseigner. Cette double assistance, Jésus-Christ la leur promet quand il leur dit : « Allez, enseignez toutes lés nations, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde ». En fait, elle leur confère un double privilège que l'Église leur reconnaît expressément,:
  • 18. le privilège AèVtnfMUlhïfflè.ptïsonfâlte.~$ë;t lequel chaque âpôtfè est préservé de toute erreur dans son éhséigîièinént, et le privilège de Yinspiration divine par lequel les apôtres sont, non plus sèulê-f ment lès envoyés de Dieu parlant en son nom, mais pour ainsi dire ses secrétaires, né disant où fi'écrivàht que eë qùê.bièû lui- même leur suggère et leur dicte. C'est pourquoi leurs pardiè's où leurs écrits, tout en leur appartenant véritablement, sont plus encore les paroles ou les écrits de Dieu qui lès dicte à leur esprit.; Ce deuxième caractère de la parole des apôtres manque encore . totalement aux révélations privées. La personne qui lès reçoit a beau mettre toute l'exactitude possible dans les récits qu'elle nous en fait, rien ne nous garantit son infaillibilité.. Puisqu'elle ne parlé pas au nom de Diéùj niais en son propre noïh, Dieu n'a pas à l'assister spécialement, ni à donner à ses récits une perfectiôti supérieure à celle qui convient à une parole purement nùmàihèi Nous n'avons donc aucun critère absolument certain pouf savoir si les paroles qu'on nous fait "entendre rendent exactement lé sens dé là parole intérieure que Dieu a dite à tel de ses confidents. — A plus forte raison, aucun récit dé révélation privée ne jouit du privilège de l'inspiration divine ; l'Église n'en reçoit absolu- ment aucun comme écrit sous là dictée de Dieu, aucun qui soit . considéré comme parole, de Dieu. Donc, deuxième différence radicale entre ces deux sortes de révélations. La révélation publique nous arrive par le ministère des apôtres, non seulement tomme parole qui exprime infailli- blement le sens de la vérité dite par Dieu, mais comme parole vraiment divine, écrite du prononcée sous là dictée même de Dieu ; les révélations privées au contraire nous arrivent comme parole simplement humaine, nous rapportant d'après les seuls moyens humains la vérité révélée par Dieu à l'intime de l'âme, Ce n'est pas tout encore. Là Révélation, soit publique, soit privée, a été faite par Dieu à telle époque déjà lointaine, dont rioùs sommes séparés peut-être pair une longue séfièjdé siècles. Par quels moyens ést-élle arrivée jusqu'à nous, et âfriverâ-t-êllè plus tard à tous ceux qui seront après nous ? S'agit-il de Révélation publique, Jésus-Christ a pourvu k cette nécessité dé la manière la plus simple et la plus efficace par là mission qu'il a donnée à ses apôtresi Ceux-ci, en effet, outre leur mission personnelle et temporaire d'établir l'Église et de constituer le dépôt de la'Révélation» avaient encore la mission sociale et perpétuelle de gouverner l'Ëglise^ et d'enseigner tous les fidèles jusqu'à la fin des temps: Cette mission se transmet donc absolumefit la même dans leurs successeurs ; te Pape et les Évêqués, Tout comme autrefois les apôtres pariaient au nom du Christ, de même aujourd'hui ie Magistère suprême de l'Église.
  • 19. — 162 — De part et d'autre, c'est la même autorité, s'exerçant sous la même assistance de Jésus-Christ, avec le même privilège del'inf aillibilité. C'est la même parole du Christ, reçue et transmise en vertu de la même mission divine résidant autrefois dans les apôtres, et aujourd'hui dans leurs successeurs ! C'est donc aussi de la part des fidèles la même obligation de se soumettre au Magistère de l'Église, exercé au début par les Apôtres, et ensuite par leurs successeurs. En vérité, les fidèles reçoivent encore, et recevront toujours la parole de Jésus-Christ, aussi directement et aussi authentiquement que les premiers fidèles la recevaient de la bouche même des apôtres. S'agit-il de révélations privées, nous ne trouvons rien de semblable comme moyen de transmission ou de conservation. Après la mort de ceux qui les ont reçues de Dieu et qui nous les ont rapportées, elles tombent purement et simplement dans la condition de tous les autres écrits humains, soumises à des altérations, à de fausses interprétations comme tous les autres documents de l'histoire. En aucune manière elles ne nous arrivent au nom de Dieu, parce que personne n'a mission divine officielle de les conserver et de les transmettre. Et en cela nous avons une troisième différence radicale entre la Révélation publique et les révélations privées. En un mot, ce qui constitue la différence essentielle entre ces deux formes de la parole de Dieu, ce n'est au fond que la mission divine officielle que Jésus-Christ a confiée aux Apôtres et qui n'est partagée par aucun autre. D'autres voyants ont pu, dans la suite, recevoir peut-être à l'intime de leur âme, plus de lumière divine que n'en ont eu les Apôtres eux-mêmes ; mais comme Dieu n'a pas manifesté lui-même à son Église qu'ils parlent en son nom et qu'on doit les écouter et leur obéir, tout ce qu'ils disent ou rapportent des révélations qu'ils ont reçues n'a d'autre valeur que celle de leur assertion personnelle. Et leur assertion ne s'impose à personne ; elle n'arrive pas à d'autres avec le caractère authentique de parole de Dieu, mais tout simplement de parole humaine. Les Apôtres au contraire, en vertu de leur mission, sont présentés à tous publiquement et explicitement par Jésus-Christ lui-même, comme ses représen- tants et ses porte-parole officiels, auxquels tous doivent se soumettre. Toute sa doctrine nous arrive authentiquement par leur intermédiaire ; par son action personnelle invisible, il les assistera ou.les inspirera pour qu'ils la transmettent parfaitement; mais nous, nous aurons l'ordre, divin de recevoir ce que les Apôtres ou leurs successeurs nous diront au nom de Jésus-Christ comme, si Jésus-Christ nous le disait lui-même directement;
  • 20. — 163 — On comprend maintenant pourquoi l'Église dans son ensei- gnement qui s'adresse à tous les fidèles ne connaît qu'une révé- lation, qu'une parole de Dieu : celle qui lui vient de Jésus-Christ et des Apôtres ; pourquoi nous aussi, comme fidèles, nous ne recevons pour objet de notre foi que ia seule Révélation divine qui nous est proposée par le Magistère infaillible institué autrefois par Jésus-Christ dans la personne des Apôtres, et toujours vivant, indéfectible, dans l'Église catholique, apostolique et romaine. AUG. ESTÈVE, 0. M. I.
  • 21. —. 164 — LA SOCIÉTÉ dû, Règne Social de Jésus-Christ. II. - BUT ET MOYENS D'ACTION. DÉVELOPPEMENT DE LA SOCIÉTÉ. Le P. Drevon eut l'intuition immédiate, en voyant M. de Sarachaga, de ce qu'il pourrait obtenir de cette âme et de cette intelligence d'élite. Pendant trois ans, de 1873 à 1876, il forma ce novice aux choses saintes, aux moeurs eucharistiques, à la commu- nion- quotidienne, à ces adorations pendant lesquelles Sarachaga restait à genoux, immobile deux et trois heures de suite, sans épuiser jamais le sujet divin, sans se lasser; y trouvant, disait-il, autant de saveur et de grandeur, que le monde lui avait découvert de petitesse et d'objets de dégoût. D'ailleurs à partir de sa conversion, de ce monde il n'eut plus cure. Jamais un mot de ses anciennes relations, de ses plaisirs d'autrefois, de ses parents, de ses succès. En retournant le mot de saint François on pouvait pleinement le lui appliquer : « Trouvant la Vérité, il avait quitté toute vanité. » Le P. Drevon le voua d'abord à la « Communion Réparatrice » pour laquelle il avait obtenu de Pie IX le Bref contenant ce rare éloge : « Elle est une OEuvre propre à sauver la Société, » et à laquelle Léon XIII prodigua les bienfaits spirituels. Elle formait comme le premier échelon dé cette création que le Père et le disciple, devenus deux amis inséparables, méditaient et ébauchaient ensemble : « La société du Règne social de Jésus- Christ » qu'on peut ainsi définir: Une société de piété,d'étude, et d'action destinée à reconnaître et à promouvoir le Règne Social de Jésus-Christ (1). Le Règne Social de Jésus-Christ ! Cette expression qui est maintenant sur toutes les lèvres, souleva, à cette époque, des objections infinies, et fit couler des flots d'encre. On la trouvait inutile et provocante. Mais le P. Drevon écoutait d'un côté l'Hôte divin du Tabernacle, réclamant à Marguerite-Marie le culte public de son amour infini ; de l'autre, il recueillait toutes les brises qui, de tous les coins du monde moral, lui apportaient^ comme un écho des tendances de ses contemporains (2). Il en concluait : La gloire et la justice de Dieu ne peuvent être satis- faites que si les Nations qu'il lui a toutes données en héritage (1) Cette heureuseformule,répandue partout actuellementpar Y Association Catholique ela Jeunesse: d Française,avait été trouvée,longtemps auparavant,par la Société RègneSocial. du (2) Le Règnesocialde Jésus-ChrisHostie.Articlede M. de Sarachaga, année 1886,page 19.'
  • 22. — 165 — reconnaissent la Souveraineté de son Christ. Les hommes, eux- mêmes, ne peuvent vivre dans la-justice et la paix, que s'ils soumettent non seulement leurs destinées éternelles, mais leur existence temporelle, en tant que sociétés et peuples, à la Royauté puissante et bienfaisante du Christ Jésus. Et, où se fera la rencontre du Dieu assoiffé de l'amour dé ses créatures, et de ses créatures vouées à toutes les chimères; actuelles, mais qui, sans le savoir, sont aussi en recherche et assoiffées de leur Dieu ? Dans l'Eucharistie, où le Christ vivant s'est mis à la portée de Fhumanité, et où, en 1689, Il est venu, par un suprême effort, les attirer sur son Coeur, Le P. Drevon et Sarachaga maintinrent donc avec fermeté la devise si attaquée de leur société : Le Règne Social de Jésus- Christ ; l'estimant, au rebours de l'opinion du monde : nécessaire et pacificatrice. En analysant la définition de leur oeuvre, nous verrons toutes les idées fondamentales qui la motivèrent, et nous décri- rons sommairement sa vie intime et extérieure. A - PIÉTÉ En effet, depuis le xvie siècle, où la Réforme, rompant avec la tradition catholique, a tout à coup posé la raison humaine en . juge de la parole divine, la discutant et l'interprétant à sa guise ; • depuis que la Révolution Française a osé nier ouvertement les Droits souverains de Dieu, toutes les constitutions modernes les ont peu à peu niés pratiquement. Elles ont méconnu, oublié le Christ vivant dans l'Eucharistie ; elles ne l'ont rappelé à leur •souvenir, que pour l'enfermer étroitement dans les sacristies, -dans les consciences individuelles, pour réduire le nombre de ses ministres, pour Lui disputer même la possession de ses Temples, après avoir fait disparaître, en certaines contrées, son Nom des. Tribunaux, des écoles, et de la presse officielle. Or, si l'on outrage le drapeau d'une nation, si un ambassadeur . reçoit au loin, ne fût-ce qu'un coup d'éventail, on voit soudain la ^nation blessée se dresser frémissante, demandant à laver son injure dans le sang des coupables. Et Dieu resterait insensible à l'honneur de son propre Fils auquel on refuse tous lesjhomrnages dus à son rang ! (1) La société pourrait traiter en paria le Créateur dans sa çrçation, refusant, à Lui et à ses ambassadeurs- la justice qu'elle se vante de rendre même au paria (2). 0 Causeries " nos OEuvres. .-V. Le Règnesocialde Jésus-Hostie, ' sur J :-=--.,- tome 1er.' (2) Idem.
  • 23. — 166 — Mais il devenait de plus en plus impossible au coeur du petit- fils de Bayard, de laisser traiter ainsi Celui dont l'honneur lui était infiniment plus cher que l'honneur de François Ier ne l'avait été à son ancêtre. Pour tant d'injustice et de révoltante ingratitude, il fallait que, non seulement dans les monastères, mais au sein même de la société civile, il y ait des hommes faisant profession de réparer et de compenser, par une piété profonde, les outrages commis envers leur « Dieu sacramenté». La piété des sociétaires ne devait rien avoir d'individuel dans le sens restrictif du mot. Leurs communions, toujours très fré- quentes . et pour la plupart quotidiennes (devançant ainsi le décret Sacra Tridentina Synodus de Pie X), leur assistance à la Messe journalière, et en tous cas, paroissiale, leurs prières, devaient être : réparations, compensations, impêtrations sociales. L'oreille toujours tendue vers les attaques des sociétés aux Droits souverains du Christ, ils devaient les réparer en tirant de leur propre coeur un baume qui panserait les blessures divines, une huile qui oindrait à nouveau ce Christ, Roi absolu d'eux- mêmes, de leurs foyers, de la portion du territoire sur lequel ils avaient droit, de la partie de ia famille humaine sur laquelle ils exerçaient leur influence. Trente ans plus tard, une personne qui avait longtemps critiqué l'oeuvre du P. Drevon, disait : « J'ai reconnu son bon esprit à ce signe particulier 1:c'est que, quelque temps qu'il passe devant le Saint Sacrement, pas un sociétaire qui ne paraisse — Je le crois bien, reprenait un des toujours attentif et occupé. membres de la Société du Règne Social, on a toujours, hélas! tellement à réparer et à compenser ! Entre le dû et le rendu des hommes la marge est si effrayante, que, sans l'Eucharistie, qui est à la fois Victime, Rançon et Actions de grâces, nous ne saurions jamais la combler. Avec une telle tâche, l'ennui ne peut venir, et le temps d'adoration est toujours trop bref pour nous ». .. v La piété de la Société du Règne Social doit encore prouver sa sincérité par un acte que les monastères, réparateurs et compensateurs admirables, ne peuvent cependant effectuer. Elle doit les presser d'instaurer un ordre nouveau de la société et de ne point pactiser avec le désordre actuel. De là vient qu'elle a inspiré à ses membres, comme nous le verrons plus tard, de faire la Consécration au Sacré-Coeur, de . leur commune, de leur canton, de leur arrondissement, de toutes les forces vives de la Nation qu'ils possèdent, et qu'il devront tâcher de plus en plus d'obtenir. Que de fois leur a-t-on dit : Quelle illusion est la vôtre ; vous voulez que la Société soit convertie par la reconnaissance du Règne de Jésus-Christ ; ne voyez-vous pas que la Société ne
  • 24. — 167 — reconnaîtra le Règne Social de Jésus-Christ que lorsqu'elle sera convertie ? A quoi la Société du Règne Social répond : Pourquoi les premiers Apôtres n'ont-ils pas attendu que les moeurs cruelles et volup- tueuses du paganisme aient disparu pour oser prêcher Je Règne de la Croix ? Le Christ a-t-il dit seulement : « Je suis la Vérité et la Vie. » N'a-t-il pas affirmé aussi : « Je suis la Voie, » la seule par laquelle on puisse arriver à la vraie Vie. Étant le but suprême, n'est-il pas en même temps le Moyen ? Étant l'Oméga, a-t-il cessé d'être l'Alpha de toutes choses ? — Mais, leur disait-on encore : serez-vous plus ambitieux pour Jésus-Christ que Lui-Même ne l'était lorsqu'il affirmait : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » — Sans doute, repartait 1a Société du Règne Social, le royaume de Jésus-Christ ne tire pas son origine de ce monde ; mais pourquoi venait-Il sur la terre et mourait-Il en Croix ; pourquoi fondait-Il son Église, si ce n'était pour établir son. Règne en ce bas monde ? Qu'avait-il besoin de nous apprendre ce cri quotidien : Adveniat Regnum tuum ? Apparemment, nous n'avions point à demander une chose déjà existante : sa Domination dans les Cieux... Les sectaires, quand ils n'étaient qu'une poignée, se sont . donnés pour les seuls interprètes de la Société et lui ont fait renier son Roi ; aujourd'hui, ils parlent imprudemment, au nom de l'humanité entière. Pourquoi nous, les catholiques, aurions- nous moins d'audace pour rétablir la vérité, qu'eux, pour installer l'erreur ? Pourquoi nos adorations, nos réparations sociales ne diraient-elles 'pas à Dieu, pourquoi nos pèlerinages, nos consé- crations, nos hommages publics ne rediraient-ils pas aux peuples que les sectaires en ont menti, et que les sociétés de demain, comme celles d'hier, n'ont d'autre Roi que le Christ, leur Auteur vivant dans son Eucharistie, et leur montrant son Coeur par lequel II veut régner. « Fundamentum aliud nemo ponere potest proeter id quod positum est Christus Jésus » (1) Aucun fondement pour les Sociétés, sinon Celui qui a été posé : le Christ Jésus. B - ÉTUDE Ce sont les idées qui mènent le monde, ont affirmé Platon, Leibnitz et Bossuet. Comment donc, alors que pendant des siècles, les nations européennes formant la « chrétienté » s'inspi- raient du Christ d'ans les grandes lignes de leurs Constitutions, de même qu'elles étaient nées des Pactes conclus avec Lui, (Tolbiac, Rutli, Covadonga, etc.) comment, après avoir grandi et prospéré sous son Règne, sont-elles parvenues à Le nier, à Le reléguer dans son Ciel, à vivre en dehors de Lui, c'est-à-dire, en perpétuelles convulsions sociales, résultantes des déliquescences (1) Ad. Apost, IV, 12, 13.
  • 25. —w — rnprales ?•— Par les idées.fausses infiltrées dans les veines de la Société, et émanant des Luther, des Encyclopédistes, des Karl Max, de tous les fauteurs en mal de rationalisme,' de libéralisme, de socialisme, dont la dernière conséquence est l'anarchie et le nihilisme; Il faut noter ici, qu'aucune erreur n'a osé se présenter au début, sans se couvrir de quelques loques de vérités empruntées au christianisme. Tous les meneurs intellectuels ont attaqué la puissance du Christ dans Fhistqire, dans les arts, dans les sciences, par atténuation, oblitération, oublis, traits perfides et cauteleux. La Société du Règne Social prit donc à sa charge le soin de rétablir la notion intégrale de la Royauté du Christ, non seule- ment par FéVângélisation de cette vérité (î) mais par l'histoire, les sciences et les arts. A- — Par l'Histoire. Jésus-Christ est le premier Personnage historique. Avant que de paraître sur terre, Il était annoncé, Il était préfiguré par îes sacrifices constants de l'Humanité. Personne n'habite et n'agit ici-bas depuis aussi longtemps que Lui. Pourquoi donc n'aurait-Il pas l'histoire de son Règne, aussi bien et plus que tant d'autres dont, l'influence a été passagère et réduite, tandis que la sienne est immense et permanente? L'Histoire actuelle se tait sur son rôle ou l'oblitère. La Société du Règne Social la forcera à parler ; elle déterrera les monuments, die fouillera dans tous les sens les archives humaines et leur fera dire, tout ce qu'elles contiennent sur l'action sociale de son Christ. Qr, le Christ vivant parmi nous, c'est l'Eucharistie. Elle est Mus Çhristus comme dit saint Thomas. Elle est Ipse Rex Âdest, ce Rqi présent, ainsi, que parle saint Jean Chrysostoriie, C'est donc l'histoire de l'Eucharistie à travers les siècles et par çpnséquent, tout le système; social de la chrétienté, que la Société du Règne Social poursuivra. Or, dès la fin de 1875, la nouvelle Bibliothèque de Paray avait déjà posé ses premiers jalons. La Société du Règne Social avait dû d'abord s'informer de tout ce qui avait jusqu'alors été créé à la gloire de l'Eucharistie, tamiser dans d'autres ouvrages ce qui Lui revenait, combler ensuite de nombreux déficits. Elle avait acquis les catalogues publiés de toutes les anciennes bibliothèques, des universités, célèbres d'Europe, de monastères et de collèges; elle avait sollicité et obtenu à des prix divers, les catalogues manuscrits de quelques bibliothécaires actuels importants. Enfin, elle s'était procuré, à prix d'or, de remarquables ouvrages ; et, là où toute offre de tractation eût été peu respectueuse et repoussée d'avance, (1)Beaucoupd'entre eux étaientprêtres ou religieux.
  • 26. — 169 — elle avait copié ou fait copier des extraits de livres d'une haute valeur. Dès 1885, un compte rendu présenté à Turin, à la première réunion solennelle de la filiale italienne de la Société, par le Père Sanna Solaro, put faire l'exposé suivant : « Paray possède aujourd'hui une Bibliothèque de cinq mille volumes contenant les oeuvres lesplus appréciées jusqu'à présent, sur l'Eucharistie et le Sacré-Coeur. » (1) Depuis, elle s'est augmentée de manuscrits, d'incunables précieux, et d'ouvrages dûs à la plume des membres de la Société. B. — Par les arts. — L'art est une expression très juste d'un état d'âme social. C'est un effet plein de révélations sur les causes qui le produisent. Si donc, en fouillant les Beaux-Arts à travers les âges, toiles, sculptures, architecture, objets divers, on trouve les plus nombreux et les plus précieux convergeant autour de Jésus-Christ, rappelant, pour la plupart, sa fonction éminemment sociale de Jésus-Hostie, du sacrifié Divin se livrant par amour , pour l'humanité, on'prouvera, d'une façon évidente la grande place occupée par l'Eucharistie dans la pensée et la Vie des peuples. Telle fut l'idée qui présida, en 1878, à la fondation du Musée du Règne Social de Jésus-Christ. Pendant trente années, M. de• • Sarachaga fit appel à toutes ses nombreuses relations possédant des peintures remarquables ; il Visita les Musées du Continent ; il obtint, au nom de la gloire du Christ Jésus, ou à prix parfois considérable, une collection unique en son genre, de près de cinq cents tableaux sur toile, sur bois ou sur cuivre, dont une cinquam- taine sont des originaux de grands Maîtres, tels que Guido Reni, Sasso-Ferrato, les Carrache, le Titien, le Tintoret, Carlo Dolce, Camoncini, Van Eick, Véronèse, Lebrun, Mignard, etc. En 1882, le futur archevêque de Besançon, l'abbé Gauthey, pouvait recommander, au Congrès Eucharistique international d'Avignon, la visite du Hiéron comme un complément indispen- sable de tout pèlerinage au Sacré-Coeur, en affirmant « que la Foi en serait fortifiée, le Coeur réjoui, et qu'on y concevrait une invincible espérance du Règne Magnifique et prochain de l'Eucha- ristie sur le Monde ». C. — Par la science. — Là l'entreprise : « Prouver le Règne de Jésus-Christ par la science », était grosse de difficultés et d'obstacles. Aujourd'hui, en effet, la science s'est sécularisée, et, au fond de la plupart de ses informations, on entend affirmer cette première erreur : La science n'a aucun rapport avec la religion dont elle s'est heureusement émancipée (2). (1) Compterendu du R. P. Sanna Solaro,traduit de l'italien par le baron de Maricourt,Lyon, Imprimerie jévain, 42, rue Sala. (2) On connaît d'illustres exceptions,telles en France les Pasteur, Cauly, Lapparent,Branly; Secchien Italie, etc.
  • 27. — 170 — La science marche en avant, elle évolue, elle se transforme, sous l'impulsion de nouvelles découvertes, tandis que la Religion fixée à ses Dogmes, et immobilisée parlaroutine, reste statiohnaire. Entre la Science et la religion, aucune entente n'est possible. L'une, c'est l'avenir et ses espérances, l'autre, c'est le passé avec ses déceptions. Or, pour la Société du Règne Social, comme pour Léon XIII, qui le déclare dans son Encyclique Mterni Patris : « Le Christ est le Restaurateur de la science, puisqu'il est la Force et la Sagesse de Dieu, et qu'en Lui sont cachés tous les trésors de la Sagesse et de la Science ». Il est, conjointement avec son Père, l'Artiste infini de toute la Création. Rien dans l'univers, depuis le minerai caché dans les entrailles de la terre, jusqu'à l'astre perdu dans les deux, qui ne révèle sa Sagesse et ne doive chanter sa gloire. De plus, comme il est essentiellement Un et Vrai, rien dans les ouvrages de ses mains qui puisse démentir les paroles de sa révélation. La Société du Règne Social se mit donc à chercher les preuves abondantes par lesquelles la vraie science confirme de tous points le plan divin de la Création, tel que la Genèse nous l'a montré. En outre, par des collections scientifiques réunies dans les salles du Hiéron, on s'est essayé à mettre en lumière que Jésus- Hostie est bien le Fondement de l'ordre cosmologique et biolo- gique. Une fois de plus, il faut que les esprits qui ne sont point de parti, pris conviennent que « Tout a été fait pour le Verbe et que rien n'a été fait sans Lui ». (A suivre)' G. DE NOAILLAT Directeur du Hiéron et de la Société du R. S. de J.-C.
  • 28. -— 171 — * ... • La Fête du Coeur de Jésus dans la Congrégation de Jésus et Marie. Ni les bienheureux dans le ciel, ni les amis du Sacré-Coeur sur la terre, ne pourraient être « particularistes » sans froisser le Christ dont l'amour est infini. En cette année jubilaire où tous les yeux se tournent avec bonheur vers sainte Marguerite-Marie, l'un des bonheurs de l'heureuse Apôtre est de voir rendre à ses devanciers les honneurs qui leur sont dûs. Parfois, pendant que j'écoutais ses panégyristes, il m'a semblé la voir se tourner vers quelques-uns de ses amis et leur rendre justice... ...Cher et vénéré Père Lebrun, soyez sûr que vous faites plaisir . à sainte Marguerite-Marie, en rappelant ce que fit le bienheureux Jean Eudes, pour établir une fête qu'elle désira de toute son âme, qu'elle promut de tout son pouvoir. * ** « C'est dans la Congrégation de Jésus et Marie dit le bienheu- reux Jean Eudes, que l'on a commencé à célébrer solennellement les fêtes du Coeur admirable de Jésus et de Marie. Et l'on ne doit . pas avoir égard à l'extrême et infinie indignité de celui dont Dieu s'est servi pour les établir, qui est le dernier de tous les hommes, le premier de tous les pécheurs et le plus indigne de tous les prêtres. Mais le grand Dieu qui a fait le monde de rien et qui l'a racheté sans qu'il ait en rien contribué à sa rédemption, a coutume de choisir les choses les plus viles et les plus basses et qui ne sont point, pour., faire ce qu'il lui plaît. Ne s'est-il pas servi de sainte Julienne, qui était une pauvre religieuse de l'ordre de Cîteaux pour porter le pape Urbain IV à établir la solennité du Très Saint Sacrement de l'autel (1) ? » C'est en 1680, au plus tard, que le P. Eudes tenait ce langage. A cette époque, personne ne songeait à contester l'exactitude de ses paroles, car la fête du Coeur de Jésus, comme la fête du Coeur de Marie, n'existait que dans ses instituts ou dans les milieux soumis à son influence. Aujourd'hui^ peut-être surpren- dront-elles plus d'un lecteur. Nous voudrions consacrer le présent article à en montrer le bien-fondé en racontant l'institution de (1) B. JEAN Coeur dmirable, . VIII, en. m, sect. 12. EUDES, a L
  • 29. -. — 173 — la fête du Coeur de Jésus dans la Congrégation de Jésus et Marie et en étudiant les rapports qui existent entre la fête établie par le P^ Eudes et celle du vendredi après l'octave du Saint Sacrement. I Jean Eudes naquit à Ri, près d'Argentan, diocèse de Séez, le 14 novembre 1601. Après de brillantes études chez les Jésuites de Caen, il entra dans la Congrégation de l'Oratoire où il fut reçu le 25 mars 1623, Il quitta l'Oratoire, le 25 mars 1643 pour fonder une société nouvelle, la Congrégation de Jésus et Marie, à laquelle il assigna comme fin principale la formation des clercs dans les séminaires et comme fin secondaire le renouvellement de l'esprit chrétien dans le peuple par les exercices des missions. Il dédia la société naissante aux Sacrés Coeurs, ou, epmme il disait volontiers, au Sacré Coeur de Jésus et de Marie, expression qui nous étonne aujourd'hui, niais qui, de son temps, était conforme au langage courant (1). il affirme même que c'est en grande partie pour honorer les Sacrés Coeurs qu'il avait institué sa société. « Cette Congrégation, dit-il, est toute dédiée et consacrée à ce divin Coeur (de Jésus et de Marie); et une des principales fins pour lesquelles elle a été établie est pour honorer particuliè- rement ce Coeur très auguste qu'elle regarde et respecte comme son premier et principal Patrùn et comme la règle et l'exem plaire qu'elle propose à ses enfants, afin qu'ils s'étudient d'y conformer les sentiments et affections de leur Coeur (2) ». On voit par là que pour les enfants du P. Eudes, la dévotion aux Sacrés Coeurs n'est pas une pratique secondaire, ajoutée après coup; elle est, au contraire, fondamentale, puisquel a Congré- gation a été établie pour honorer les Sacrés Coeurs, qu'elle leur est entièrement dédiée et qu'elle les considère comme ses patrons et sa règle principale. D'où ces paroles du Bienheureux dans son office du Coeur de Jésus : Pars nostra, spes et gaudium, Coetusquetiosiri gloria. Car, flamma, dux, oràculum Orlgo, finis, omniù (3). Voilà certes une nouveauté digne de remarque et qui fait grand honneur au P. Eudes. Avant lui, les Sacrés Coeurs avaient trouvé des adorateurs dévoués dans beaucoup d'instituts religieux, mais aucune société, pas plus la Visitation que les autres, ne s'était placée sous leur patronage et vouée à leur culte. (1) Voirce que nous avonsdit de cette expression danslesOEuvres complètes duB. Jean Eudes,VI, p. Lxxxyiii-xciv. pjraussiLa dévotion Coeur e Marie, V w d p,'52 ; Le Bienheureux EudesetlecultepublicduCoeiirde Jean Jésus,$. 17. (2)Coeur dmirable,h.VIII, ch. in, sect;12. a (3)Hymnedé Matines, e strophe. 4 Ï
  • 30. — 173—: -' ; Nous h'àVons pas à raconter ici tout ce que lé P.'Eudes à fait pour l'organisation du culte des Sacrés Coeurs dans sort institut : cela nous entraînerait trop loin. Occupons-nous séù*- lement de ce qui fait le sujet de cet article, la fête du Coeur dé Jésus. Il semble que, dès 1643, trente ans aVant les premières révé- lations de sainte Marguerite-Marie, le Bienheureux s'était décidé à établir cette fête dans sa société. « Dès le 26 octobre 1643; c'est-à-dire sept mois après qu'il eût jeté les fondements dé sa Congrégation, dit le P. Martine, le P. Eudes écrivit au P. Matt- noury une lettre dans laquelle il lui marquait quand et de quelle manière on devait réciter la salutation du Très Saint Coeur (1). Il lui marquait aussi les deux fêtes qu'il fallait célébrer tous les ans en l'honneur de ces deux Coeurs (2) ». Dès cette époque, en effet, avec l'approbation de Mgr d'Angennes, évêque de Bayeux, il fit célébrer dans sa Congrégation une fête solennelle du Coeur de Marie qui plus tard fut approuvée par un assez grand nombre d'archevêques et d'évêqùes et même par le Cardinal Louis de Vendôme, légat à lalerè du Pape Clément IX. La fête nouvelle fut adoptée par bon nombre de communautés (3). Dès qu'il la vit solidement établie, ie P. Eudes songea à compléter son oeuvre eri instituant une fêté semblable en l'honneur dû Coeur de Jésus. Dans ce but, il composa un office et une messe propres qui furent approuvés lé 20 avril 1670, par Mgr de la VieùVillë, êvêqué de Rennes, le 29 juillet par Mgr de Loiriénie de Brieririe, évêque de Coûtantes, le 8 octobre par Mgr de Maùpas du Tour, éyêqûe d'Évreux, le 3 février 1671, par Mgr de Hârlay de Chàmpvâlibn, archevêque de Rouen, lé 16 mars de la même année par Mgr de Nèsmond, évêque de Bayeux et le 27 septembre suivant par Mgr de Matignon; ëvèquè de Lisiéùx (4). L'office Composé par le P. Eudes est ûri office coriiplët avec dès leçons pour les huit jours dé l'octâvé. Antiennes, psâùhîès, versets, leçons, répons, bràisbn, irivitatôïre, tout est propre dans cet office comme dans celui des grandes fêtés de l'Église. Les hymnes ont été composées par lé'Bienhëûfeux ; les autres parties de l'office sont empruntées à la Sainte Écriture et aux écrits du Pères ; mails en combinant les textes choisis et en les adaptant à la dévotion du Sacré-Coeur, lé P, Eudes a su imprimer à son office un caractère personnel très marqué et en faire ùrie oeuvre à la fois très Originale et très une. La pensée dominante est telle (1) Voircette salutationdans notre livrésur là Dévotion Coeur eMarie. au d (2) MARTINE, Viedu P. Eudes,L. VIII, n. 25. (3? Nousavonslonguement arlé,de Cettefête dans notre livresur là Dévotion p au Coeur e Marie. d (4}Voircesapprobations, ont quelques-unes très belles,dansnotre livre: d sont LeBienheureux EudesettecultepublicditCoeur eJésus, p. 29-36. Jean d
  • 31. — 174 — que Notre-Seigneur développe dans le discours après la Cène, lorsqu'il rappelle à ses apôtres l'amour qu'il n'a cessé de leur témoigner et les exhorte à demeurer dans son amour et à s'aimer étroitement les uns les autres. La messe roule sur le même thème que l'office et ne lui est inférieure à aucun point de vue. La prose, imitée du Lauda Sion, est remarquable. Le P. Eudes y célèbre avec des transports de joie et d'amour les gloires du Sacré-Coeur. L'élévation de la pensée, la vivacité du sentiment et la perfection.de la forme en font un vrai chef d'oeuvre. Les écrivains qui se sont occupés de la messe et de l'office du Bienheureux sont unanimes à en faire l'éloge. « On n'y respire, disait Zaccharia (1), que la plus suave dévo- tion et, en les lisant, il est aisé de voir que, pour les composer, le P. Eudes s'est encore plus inspiré des sentiments de son coeur que des lumières de son esprit. » « Cet office, disait naguère le cardinal Satolli, est empreint d une piété si suave et si ardente que seul le coeur d'un saint peut rencontrer de pareilles formules (2) ». « C'est là, en effet, écrit le P. Bainvel (3), une oeuvre originale, qui rappelle par endroits l'incomparable office du Saint Sacrement pour le mélange harmonieux d'une pensée riche et profonde, de l'enthousiasme poétique, de la piété suave et solide, toute nourrie de l'Écriture et des Pères... C'est de la grande et belle liturgie, qui étendra et prolongera l'influence du P. Eudes jusque dans les milieux les plus imprégnés de la dévotion de Paray. » « Le P. Eudes, dit de son côté M. Gastoué (4), a. composé une admirable messe avec office pour une fête propre du Sacré Coeur de Jésus... Dans son oeuvre, le Bienheureux réunissant la moelle la plus suave de tout ce qu'on avait écrit sur ce sujet, arrive à une élévation de pensée et de forme rarement atteinte. Le sens litur- gique le plus pur a inspiré ce bel office... Quel lyrisme dans toute la messe..., surtout dans l'admirable prose où le P. Eudes sut chanter l'amour de Jésus pour nous avec des accents dignes des plus grands poètes liturgiques du Moyen-Age. » Dans son livre sur la Mère de Saumaise (5), le P. de Curley étudie la messe du P. Eudes, qu'il attribuait par erreur à la mère Joly : « Si nous avions, dit-il, à donner un nom à cette messe, nous l'appellerions la Messe de feu. C'est' l'éternel amour éclatant en notes suppliantes et attendries ». (1)ApudLEDORÉ, LesSacrésCoeurs,, p. 231. I (2) LEDORÉ, circulairedu 6 janvier 1909,p. 6. . (3) La dévotionu Sacré-Coeur, êdit, p. 400^01. a 3e (4) L'Eucharistie,16 juin 1912. (5) Page 181.
  • 32. — 175 — Les évêques de Rennes, de Coutances, d'Évreux, de Rouen, de Bayeux et de Lisieux avaient autorisé le P. Eudes à célébrer la fête du Coeur de Jésus dans les séminaires fondés par lui dans leur diocèse (1). Presque tous lui avaient même permis d'en faire l'office le premier jeudi de chaque mois non occupé par un office à neuf leçons. Tout était donc pfêt pour l'inauguration de cette grande fête. Le 29 juillet 1772, le P. Eudes en prescrivit la célé- bration dans ses séminaires, par une circulaire imprimée dont voici le texte : « MES BIEN CHERS ET TRÈS AIMÉS FRÈRES, « C'est une grâce inexplicable que, notre très aimable Sauveur nous a faite de nous avoir donné dans notre Congrégation le Coeur admirable de sa très sainte Mère ; mais sa bonté, qui est sans bornes, a passé bien plus outre, en nous donnant son propre Coeur pour être, avec le Coeur de sa glorieuse Mère, le fondateur et le supérieur, le principe et la fin, le coeur et la vie de cette Congrégation. « Il nous a fait ce grand don dès la naissance de la même Congrégation ; car, quoique jusqu'ici nous n'ayons pas célébré une fête propre et particulière du Coeur adorable de Jésus, nous n'avons pourtant jamais eu intention de séparer deux choses que Dieu a unies si étroitement ensemble,' comme sont le Coeur très auguste du Fils de Dieu et celui de sa bénite Mère : au contraire, notre dessein a toujours été, dès les commencements de notre Congrégation, de regarder et honorer ces deux aimables Coeurs . comme un même coeur en unité d'esprit, de sentiment et d'affec- tion, ainsi qu'il paraît manifestement en la salutation que nous disons tous les jours au divin Coeur de Jésus et de Marie, comme aussi en l'oraison et en plusieurs endroits de l'office et de la messe que nous célébrons en la fête du Coeur sacré de la même Viere.g « Mais la divine Providence, qui conduit toutes choses avec une merveilleuse sagesse, a voulu faire marcher la fête du Coeur de la Mère avant la fête du Coeur du Fils, pour préparer les voies dans les coeurs des fidèles à la vénération de ce Coeur adorable, et pour les disposer à obtenir du Ciel la grâce de cette seconde fêter par la grande dévotion avec laquelle ils ont célébré la pre- mière. Car encore que celle-ci ait été combattue par l'esprit du monde, qui nç manque jamais de s'opposer à tout ce qui procède de l'esprit de Dieu, aussitôt néanmoins qu'elle commença à paraître aux yeux de ceux qui font profession d'honorer parti- culièrement la très sainte Mère de Dieu, ils la regardèrent avec joie, l'embrassèrent avec ardeur et Font célébrée depuis plusieurs années avec beaucoup de ferveur ; et aujourd'hui elle est solen- riisée par toute la France, et en plusieurs ordres et congrégations 0 (1) On sait que, au XVII et au xvine siècle, es évêquesde Francese croyaient l le droit d'établir des fêtes nouvellesdans leur diocèseet que Rometolérait leur manièred'agir.
  • 33. - . y,: ^' 176 — -, religieuses, àvëé tant dë: bénédictions qu'il y à sujet d'espérer qu'elle se célébrera un jour très solennellement par tout FùniversL « C'est cette ardente dévotion des vrais enfants dû Coeur delà Mère, d'amour, qui l'a obligée d'obtenir de son Fils bien-aimé cette faveur très signalée qu'il a faite à son Église, de lui donner là fête de son Coeur royal, qui sera une nouvelle source d'une infinité dé bénédictions pour ceux qui se disposeront à la célébrer saintement. « Mais qui est-ce qui ne le ferait pas ? Quelle solennité plus digne* plus sainte, plus excellente que celle-ci qui est le principe de tout ce qu'il y a de grand, de saint et de vénérable dans toutes les autres solennités ? Quel coeur plus adorable, plus admirable et plus aimable que le Coeur de cet Homme-Dieu qui s'appelle Jésus ? Quel honneur mérite ce Coeur divin qui a toujours rendu et rendra éternellement à Dieu plus de gioire et d'amour en chaque moment que tous les coeurs des hommes et des Anges, ne lui en pourront rendre en toute l'éternité ? Quel zèle devons-nous avoir pour honorer ce Coeur auguste qui est la source de notre salût, qui est l'origine de toutes les félicités du ciel et de la terre, qui est une fournaise immense d'amour Vers nous et qui ne songe, jour et nuit* qu'à nous faire une infinité de biens, et qui est enfin crevé de douleur pour nous en la croix, ainsi que le Fils de Dieu et sa très sainte Mère l'ont déclaré à sainte Brigitte* au rapport d*un excellent docteur, M. Bail. ,.. « Si on objecte la nouveauté de cette dévotion*-je répondrai qùë la nouveauté dans les choses de la foi est très pernicieuse, niais qu'elle est très bonne'dans les choses de la piété. Autrement il faudrait réprouver toutes lès fêtes qui se font dans l'Église* qui ont été nouvelles quand on a commencé de les célébrer; spécia*- lement celles qui ont été établies les dernières, comme les fêtes du Très Saint Sacrement; du saint Nom de Jésus, de la Conception immaculée de la sainte Vierge; de son saint nom de Marie, de ses grandeurs, de Notre-Dame de Pitié, de l'Expectation, de Notre-- Dame de là Victoire au diocèse de Paris; et plusieurs autres; et un grand nombre dé nouvelles fêtes de saints qu'on à ajoutées au bréviaire romain. Si on dit que cela s'est fait par l'autorité de Notre Saint-Pèré le Pape; je répondrai avec saint François dé Sales et un très grand nombre de très illustrés et" savants Prélats et de grands docteurs, que chaque évêque dans son diocèse* spécialement en France* a le même pouvoir en ce sujet que le souverain pontife en toute F Églises « Reconnaissonsdonc, nies très chers Frères, là grâce infime et la faveur ihcompréhéùsiblë dont notre très bon Sàùyèùr honore notre Congrégation de lui donner son très aimable Coeur avec le Coeur très aimable dé sa saihte Mère. Ce sont deux trésors ines- timables qui comprennent une immensité de biens célestes et de
  • 34. — .177 —.-"' richesses éternelles, dont il la rend dépositaire pour ensuite les répandre par elle dans les coeurs des fidèles. « Humilions-nous infiniment en la vue de notre indignité infinie au regard de choses si grandes. Entrons dans une profonde reconnaissance vers la bonté ineffable de notre très bénin Sauveur et la charité incomparable de sa très chère Mère et la nôtre. Ne cessons point de les bénir, louer et glorifier et d'inviter tous les Saints et toutes les créatures à les bénir et remercier avec nous. Embrassons avec joie et jubilation la solennité du divin Coeur ' de notre très aimable Jésus. « En voilà l'office et la messe que je vous envoie, approuvés de tous Messieurs nos Prélats ; employons tout le soin, la dili - gence et la ferveur possible pour la bien célébrer. « Pour cet effet : 1° Invitez-y tous nos amis et toutes les personnes de dévotion. 2° Si vous recevez ce paquet assez tôt, faites-la publier ; s'il y avait du temps, il faudrait y prêcher. 3. Jeûnez la veille de la fête. ' 4. Faites dîner douze pauvres au réfectoire en la veille ou surveille. N « Enfin, je vous conjure, mes très chers Frères, de célébrer cette fête avec toute la dévotion et solennité que vous pourrez et de me récrire ensuite comme elle se sera passée, et vous réjouirez celui qui vous désire les plus saintes bénédictions dé notre très bon Sauveur et de sa très douce Mère et qui est dans l'amour sacré de leur divin Coeur, mes très chers Frères, « Votre indigne serviteur, « JEAN EUDES». Paris, 29 juillet 1672. Plus on étudie cette circulaire et plus on la trouve remar- quable. En même temps qu'elfe inaugure dans l'Eglise catholique la fête du Coeur de Jésus, elle en détermine l'objet avec précision, en montre l'excellence, et en établit la légitimité en écartant à l'avance cette objection de nouveauté qu'on a ressassée dans tout le cours du XVIII»siècle. Le 20 octobre 1672, deux ans avant les premières révélations de Paray-le-Monial, dans les séminaires de Rennes, de Coutances, de Caen, de Lisieux et d'Evreux, on célébra donc solennellement la fête du Coeur de Jésus sous le rite double de lre classe avec octave. A Rouen, Mgr de Médary, qui venait de succéder à Mgr de Harlay, refusa d'en permettre la célébration ; mais dès l'année suivante, au dire du P. Martine, il revint sur sa décision, et, le 20 octobre, la fête du Coeur de Jésus put être célébrée au
  • 35. 178 — Séminaiie de Rouen comme dans les autres séminaires du P. Eudes. Dès 1674, le Bienheureux eut la consolation de voir la fête nouvelle adoptée par les Bénédictines de Montmartre. , -..A une époque que nous ne pouvons préciser elle fut également reçue par les Bénédictines du Saint Sacrement. Toutefois le déclin de ses forces et la persécution dont il fut l'objet pendant les dernières années de sa vie empêchèrent le saint missionnaire de propager comme il l'aurait voulu la fête établie par lui. Epuisé par le travail et la souffrance plus encore que par l'âge, il mourut à Caen, le 19 août 1680, dans lessenti- ; rflents de la plus vive piété. • Il laissait un testament dont l'article 10 est ainsi conçu : « De toute l'étendue de ma volonté, je me donne à l'amour incompréhensible par lequel mon Jésus et ma toute bonne Mère m'ont donné leur très aimable Coeur d'une manière spéciale, et en union de ce même amour, je donne ce même Coeur comme une chose qui est à moi et dont je puis disposer pour la gloire de mon Dieu ; je le donne, dis-je, à la petite Congrégation de Jésus et Marie pour être le partage, le trésor, le patron principal, le coeur, la vie et la règle des vrais enfants de cette Congrégation. Comme aussi je donne et dédie cette même Congrégation à ce divin Coeur pour être consacrée à son honneur et à sa louange dans le temps et l'éternité, suppliant et conjurant tous mes bien- aimés frères de s'efforcer d'y rendre et faire rendre tout l'honneur qui leur sera possible ; d'en célébrer les fêtes et les offices aux jours qui sont marqués dans notre Propre, avec toute la plus grande dévotion qu'ils pourront, et de faire quelques exhortations sur ce sujet dans toutes les missions; de s'étudier à imprimer dans leurs coeurs une image parfaite des vertus de ce très saint Coeur, de le regarder et de le suivre comme la règle primitive de leur vie et de leurs déportements, et de se donner à Jésus et à Marie dans toutes leurs actions et exercices pour les faire dans, l'amour, dans l'humilité et dans toutes les autres, dispositions de leur Sacré Coeur, afin que, par ce moyen, ils aiment et glorifient Dieu avec un coeur qui soit digne de Dieu, Corde magno et anima volenti, et qu'ils soient selon le Coeur de Dieu et les vrais enfants du Coeur de Jésus et de Marie. » Quelles paroles ! On en chercherait vainement de pareilles sous la plume des autres apôtres du Coeur de Jésus. Le P. Eudes affirme avec une splendide assurance que Jésus et Marie lui ont donné leur coeur et qu'il en peut disposer comme d'un bien propre pour la gloire de Dieu. Et de fait, il dispose des Sacrés Coeurs, il les lègue à sa Congrégation et il veut qu'ils soient U partage, k• trésor, le patron principal, le coeur, la vie et
  • 36. . '., . • —'.179-,—: : la règle de ses enfants, D'autre part* il dédie et consacre une der- nière fois sa Congrégation aux Sacrés Coeurs et il supplie ses enfants d'être fidèles à les honorer de diverses manières, mais spécialement par la célébration des fêtes qu'il avait instituées en l'honneur de l'un et de l'autre. Les enfants du Bienheureux se sont montrés fidèles aux recommandations de leur Père. Le Coeur de Jésus est resté, avec le Coeur de Marie, l'objet préféré de leur dévotion et de leur apostolat. Le Souverain Pontife a daigné les autoriser à conserver les fêtes établies par leur bienheureux Fondateur et à se servir pour les célébrer des messes et offices composés par lui. Aujour- d'hui, comme en 1672, ils ont donc la consolation de célébrer la fête du Coeur de Jésus, le 20 octobre, sous le rite double de pre- mière classe avec octave; et les Religieuses de Notre-Dame de Charité du Refuge et du Bon Pasteur, dont les couvents au nombre de plus de 300 se rencontrent dans toutes les parties du monde, jouissent du même privilège. II Nous venons de raconter l'origine et l'histoire de la fête instituée par le P. Eudes en l'honneur du Coeur de Jésus. Tout le monde sait que, dans les dernières années du xvne siècle, à la suite des révélations de Paray-le-Monial, une autre fête du Sacré- Coeur fut établie dans les monastères de la Visitation et fixée au vendredi qui suit l'octave du Saint Sacrement. Beaucoup de communautés l'adoptèrent ; plusieurs évêques la firent célébrer dans leur diocèse et finalement, après de longues discussions, le Saint Siège l'approuva le 26 janvier 1765. Cm peut se demander quel rapport il y a entre la fête du P. Eudes et celle du vendredi après l'octave du Saint Sacrement. Il est incontestable qu'elles sont indépendantes l'une de l'autre dans leur origine, que la fête de Paray-le-Monial se rattache plus étroitement à l'Eucharistie que celle du Bienheureux et que la réparation y occupe plus de place ; mais, à cela près, ces deux fêtes ont le même objet et la même fin. Leur objet commun, c'est le coeur de Jésus, son coeur de chair qui constitue l'objet sensible de la dévotion, et son amour, qui en est l'objet spirituel, son amour incréé aussi bien que son amour créé, son amour pour son Père aussi bien que son amour pour nous. Leur fin commune, c'est de rendre au Coeur de Jésus, le culte auquel il a droit et tout spécialement de répondre à son amour en l'aimant de tout notre coeur. Bien entendu, il y a des nuances dans la manière d'envisager le Coeur de Jésus et il va de soi qu'elles influent sur la pratiqué de la dévotion. Il n'en est pas, en effet, du Coeur de Jésus comme des mystères particuliers de la vie du Sauveur que l'Eglise honore par dés fêtes spéciales. Ces mystères, celui de F Incarnation, de la