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Tribunal administratif N° 46416 du rôle
du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 août 2021
Audience publique du 24 septembre 2021
Requête en institution d’une mesure de sauvegarde
introduite par Monsieur X, … (France)
par rapport à une décision de l’administration des Contributions directes
en matière d’échange automatique de renseignements et de protection des données
___________________________________________________________________________
ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 46416 du rôle et déposée le 31 août 2021 au greffe
du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois
NAUTADUTILH AVOCATS LUXEMBOURG S.AR.L., inscrite sur la Liste V du Tableau
de l’Ordre des Avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1233
Luxembourg, 2, rue Jean Bertholet, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de
Luxembourg sous le numéro B 189.905, représentée aux fins des présentes par Maître Vincent
WELLENS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, inscrit au tableau de l’Ordre des
avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur X, demeurant à … (France), …, tendant à voir
instituer un sursis à exécution par rapport à une décision du directeur de l’administration des
Contributions directes datée du 22 mars 2021 ayant rejeté une demande d’arrêt de l’échange
automatique d’informations entre l’administration fiscale du Grand-Duché de Luxembourg et
celle des Etats-Unis d’Amérique en application du « Foreign Account Tax Compliance Act »
approuvé par la loi du 24 juillet 2015, un recours en annulation, inscrit sous le numéro 45851
du rôle, dirigé contre la même décision ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en
date du 2 avril 2021 par le requérant ainsi que par l’association de droit français Y ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de
procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée au fond ;
Maître Vincent WELLENS, en représentation de la société NAUTADUTILH
AVOCATS LUXEMBOURG S.AR.L., pour la partie requérante, et Monsieur le délégué du
gouvernement Sandro LARRUCIA entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience
publique du 21 septembre 2021.
___________________________________________________________________________
Par courrier d’un institut bancaire luxembourgeois du 19 mai 2020, Monsieur X,
résidant français, se considérant comme un américain « accidentel », c’est-à-dire comme une
personne possédant tant les nationalités française et américaine et s’étant vu attribuer
automatiquement la nationalité américaine du seul fait de sa naissance sur le territoire des Etats-
Unis sans avoir d’autre lien significatif avec ce pays, se vit informer que des informations
relatives à son compte bancaire auprès de cet institut financier seraient transmises aux autorités
fiscales luxembourgeoises au plus tard le 30 juin 2020, autorités fiscales luxembourgeoises qui
échangeraient ensuite ces données avec les autorités fiscales américaines en exécution de la loi
du 24 juillet 2015 portant approbation de l’Accord entre le Gouvernement du Grand-Duché de
2
Luxembourg et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des
obligations fiscales à l’échelle internationale et relatif aux dispositions des Etats-Unis
d’Amérique concernant l’échange d’informations communément appelées le « Foreign
Account Tax Compliance Act » (« FATCA »), pour le 30 septembre 2020.
L’Y, association sans but lucratif de droit français, et Monsieur X s’adressèrent en date
du 22 décembre 2020 par le biais de leur avocat à l’administration des Contributions directes
pour lui demander « d’effacer les données à caractère personnel des américains accidentels
français et de Monsieur X obtenues en application de l’Accord FATCA, voire de limiter leur
traitement et, en tout état de cause, de procéder à l’arrêt immédiat des échanges d’informations
entre l’ACD et le fisc américain ayant lieu chaque année sur base de l’Accord et, pour l’année
2019, avant le 31 décembre 2020, en ce que ce transfert de données méconnait plusieurs
principes clés du droit à la protection des données personnelles, tel qu’applicable au Grand-
Duché du Luxembourg et, plus généralement, au sein de l’Union européenne ».
Par décision du 22 mars 2021, le directeur de l’administration des Contributions
directes rejeta la prédite demande comme suit :
« Par la présente, je reviens à votre courrier sous rubrique nous parvenu le 22
décembre 2020 véhiculant pour le compte de l’Y, laquelle a pour objet de défendre et de
représenter les intérêts des personnes de nationalité franco-américaine qui résident hors des
Etats-Unis, ainsi que de Monsieur X plusieurs demandes d’exercice de droits accordés par le
règlement général sur la protection des données (RGPD) aux personnes concernées.
Votre mandante, l’Y, a son siège social à Paris et a pour objet la défense des intérêts
des personnes physiques de nationalité franco-américaine résidant hors des Etats-Unis, contre
les effets néfastes du caractère extraterritorial de la législation américaine. L’Y n’est pas à
considérer comme une personne concernée au sens du RGPD, c’est-à-dire une personne
physique identifiée ou identifiable. Puisque le RGPD limite le cercle des bénéficiaires des
droits RGPD aux seules personnes concernées, je ne suis pas en mesure de réserver une suite
favorable à vos demandes pour le compte de l’Y.
Vous exercez aussi des droits RGPD pour le compte des américains accidentels
français. Or, puisque la seule formulation « américains accidentels français » ne permet pas
à l’Administration des contributions directes (ACD) d’identifier les personnes concernées par
ses propres moyens de manière précise et que vous ne fournissez aucun élément en vue de leur
identification certaine, je vous informe qu’en application de l’article 12(2) RGPD je regrette
de ne pas pouvoir donner une suite favorable à vos demandes concernant les américains
accidentels français.
Concernant l’exercice du droit à l’effacement pour le compte de Monsieur X, je vous
informe qu’en application de l’article 17(3b) RGPD je ne saurais y donner une suite favorable
puisque le traitement des données à caractère personnel de Monsieur X est nécessaire au
respect de la loi modifiée du 24 juillet 2015 relative à FATCA à laquelle le responsable du
traitement est soumis.
Concernant l’exercice du droit à la limitation du traitement pour le compte de Monsieur
X, je vous informe que l’article 18(1b) cité ne s’applique pas puisque le traitement est
nécessaire en vue du respect de la loi modifiée du 24 juillet 2015 relative à FATCA.
3
Si souhaité, une réclamation peut être adressée à l’autorité de contrôle :
Commission nationale pour la protection des données 15, Boulevard du Jazz, L-4370
Belvaux.
Alternativement un recours juridictionnel peut être formé. (…) »
Par requête déposée le 2 avril 2021 au greffe du tribunal administratif et enrôlée sous
le n° 45851, l’Y et Monsieur X ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la
décision précitée du 22 mars 2021.
Par requête déposée postérieurement en date du 31 août 2021, inscrite sous le n° 46416
du rôle, Monsieur X a encore fait introduire une demande tendant à voir interdire à
l’administration des Contributions directes de communiquer aux autorités fiscales américaines
toutes informations collectées le concernant.
La partie requérante estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11
de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions
administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause.
Au titre de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, la partie requérante
affirme que si certes elle pourrait, le cas échéant, réclamer des dommages et intérêts, cette
circonstance ne ferait aucunement obstacle à l’existence d’un préjudice grave dans son chef.
En l’espèce, elle estime que le caractère grave du préjudice ne saurait faire aucun doute
alors que le refus de l’administration des Contributions directes de s’abstenir de communiquer
ses données au fisc américain violerait les droits parmi les plus fondamentaux, à savoir le droit
à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, tels que garantis par les
articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 8 de la
Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 11(3) de la
Constitution. Monsieur X rappelle à cet égard que la Cour administrative aurait, sous référence
de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme et celle de la Cour de justice
de l’Union européenne, explicitement confirmé que les informations bancaires portant sur la
situation financière d’une personne rentrent dans la notion des données personnelles sans égard
au degré de sensibilité qu’il faille ou non leur reconnaître et que la transmission de données
bancaires de clients par l’Etat de l’établissement bancaire dépositaire du compte aux autorités
d’un autre Etat, en l’occurrence l’Etat de résidence, dans le cadre d’un échange de
renseignements est à qualifier, au plus tard au moment de la transmission effective à l’Etat de
résidence, comme ingérence dans le droit au respect de la vie privée qui ne serait justifiée que
si elle répond à certaines exigences.
Or, il considère que son propre cas s’apparente à une telle situation en ce que la
communication de ses données au fisc américain serait en toute circonstance disproportionnée
et, de plus, constituerait un transfert de données illicite.
Il affirme encore que le juge des référés procèderait à une mise en balance des intérêts
dans le cadre d’un référé de mesures de sauvegarde, son avocat ayant exposé oralement qu’une
demande de mesure de sauvegarde au sens de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999
portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne serait pas soumise
aux conditions contraignantes de l’article 11 de la même loi.
4
Or, en l’espèce, son intérêt de ne pas voir ses données indûment communiquées aux
autorités américaines, au vu du risque qu’elles fassent l’objet de manipulations indues, voire
des fuites de données, serait largement supérieur à l’intérêt de l’administration des
Contributions directes, voire à celui du fisc américain, pour la simple raison qu’au vu de la
faible valeur du solde du compte bancaire, ces données n’auraient même pas dû être rapportées.
Finalement, il s’empare de l’article 79 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016
relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère
personnel et à la libre circulation des données, et abrogeant la directive 95/46/CE, ci-après le
« règlement général sur la protection des données » ou « RGPD », lequel prévoit un droit à un
recours juridictionnel effectif contre un responsable du traitement ou un sous-traitant. Or, si
une personne concernée ne peut pas agir dans le cadre d’une procédure de référé contre une
décision d’un responsable de traitement relevant du secteur public, elle verrait ses droits
fondamentaux et ceux découlant du RGPD bafoués de manière manifeste (ce qui serait évité
dans le cadre d’un référé) et ne disposerait ainsi pas d’un recours effectif.
Monsieur X estime encore que son recours au fond présenterait de sérieuses chances de
succès.
Ainsi, après avoir retracé les rétroactes de la présente affaire et exposé le régime
FATCA tel que mis en œuvre au Luxembourg et ses conséquences pour les américains dits
« accidentels », le requérant expose en substance, tel que résumé dans son recours en
annulation - étant souligné que la requête en institution d’une mesure de sauvegarde, en ce
qu’elle sollicite une mesure provisoire, s’appuie directement et uniquement sur les moyens
invoqués au fond - que la décision déférée devrait encourir l’annulation alors que
l’administration des Contributions directes n’aurait pas répondu à une demande explicite lui
adressée, tendant à obtenir l’arrêt des transferts d’informations opérés entre l’administration
des Contributions directes et le fisc américain sur base de l’Accord FATCA, de sorte que
l’administration des Contributions directes aurait violé son obligation de motivation découlant
de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les
administrations relevant de l’Etat et des communes.
Il fait ensuite plaider que le transfert des données à caractère personnel de
l’administration des Contributions directes vers le fisc américain enfreindrait plusieurs
dispositions et principes clés du RGPD, ce que l’administration des Contributions directes
aurait omis de prendre en considération dans sa décision, de sorte que cette dernière aurait dû
répondre favorablement aux demandes qui lui ont été adressée en date du 22 décembre 2020
Dans ce contexte, Monsieur X considère que l’administration des Contributions
directes aurait dû, sur la base des principes de licéité, de transparence, de minimisation de
données et de responsabilité découlant des articles 5 et 24 RGPD arrêter le transfert des données
en question, étant entendu que l’illégalité du transfert découlerait non seulement de la non-
conformité du transfert avec les articles 45 et suivants du RGPD sur les transferts de données
en dehors de l’UE/EEA mais constituerait aussi d’une infraction aux articles 5(b) (limitation
des finalités), 5.1(c) (minimisation des données), 5.1(e) (limitation de conservation), 6 (licéité
du traitement), 12 (transparence), 14 (obligation d’information) et 35 (analyse d’impact) du
RGPD.
5
Plus précisément, il affirme que le transfert de données à caractère personnel vers le
fisc américain en vertu de l’Accord FATCA ne serait pas licite au vu des articles 45, 46 et 49
RGPD ; de même, il estime que l’administration des Contributions directes ne saurait non plus
se fonder sur l’article 96 du RGPD selon lequel les accords internationaux impliquant le
transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers qui ont été conclus par les États
membres avant le 24 mai 2016, tel que l’Accord FATCA, restent en vigueur jusqu’à leur
modification, leur remplacement ou leur révocation, mais uniquement s’ils respectent le droit
communautaire tel qu’il est applicable avant cette date. Or, en l’occurrence, la directive
95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données
à caractère personnel et à la libre circulation de ces données aurait constitué le droit de l’Union
Européenne avant le 24 mai 2016, dont les dispositions relative aux transferts internationaux
seraient « quasi-identiques à celles du RGPD », de sorte que l’administration des Contributions
directes ne saurait dès lors pas non plus se baser sur le fondement de l’ « intérêt public » au
sens de l’article 26.1.d) de ladite directive.
Il en conclut que dans la mesure où la loi du 24 juillet 2015 portant approbation de
l’Accord entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement des
Etats-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle
internationale et relatif aux dispositions des Etats-Unis d’Amérique concernant l’échange
d’informations communément appelées le « Foreign Account Tax Compliance Act », donnerait
une base légale à ces transferts illicites, l’administration des Contributions directes aurait dû la
laisser hors application.
Or, comme l’administration des Contributions directes aurait dû laisser la loi FATCA
hors application, il serait évident que l’administration des Contributions directes ne pourrait
pas non plus invoquer que le traitement des données est « nécessaire au respect d’une
obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis » (art. 6.1.c) du RGPD),
voire « à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité
publique dont est investi le responsable du traitement » (art. 6.1.e) du RGPD). En d’autres
mots, les traitements de données entrepris par l’administration des Contributions directes dans
le contexte de la Loi FATCA et de l’Accord FATCA seraient dénués de base de licéité de
traitement et violeraient de ce fait l’article 6 du RGPD qui requiert justement une telle base.
Le requérant conclut ensuite devant les juges du fond à ce que la décision critiquée
violerait les principes de limitation des finalités, de proportionnalité et de minimisation de
données.
Ainsi, les finalités poursuivies par l’Accord FATCA consisteraient en l’amélioration de
l’observation des règles fiscales internationales et la mise en œuvre des obligations issues de
la loi américaine FATCA visant à lutter contre l’évasion fiscale des ressortissants américains.
Or, le principe de limitation des finalités contenu dans l’article 5.1(b) RGPD prévoirait
que les données personnelles devraient être collectées pour des finalités « déterminées,
explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec
ces finalités ». En l’espèce toutefois, les finalités auxquelles répond l’Accord FATCA ne
seraient pas déterminées et explicites et ne permettraient pas aux personnes concernées
d’appréhender correctement le traitement de leurs données réalisé sur base de ce dernier.
Le requérant conteste encore le caractère légitime des finalités poursuivies, puisque
l’échange des informations semblerait profiter uniquement au fisc américain.
6
Enfin, Monsieur X estime que l’Accord FATCA, en ce qu’il permettrait le transfert
systématique et le stockage de données personnelles de grande ampleur - nom, adresse, numéro
de compte, solde du compte, etc et sans oublier le numéro d’identification fiscale américaine
que les américains « accidentels » devraient encore obtenir d’abord - relatives à de très
nombreuses personnes présentant des indices d’américanité (indices définis de façon
extrêmement large), irait à l’encontre des principes de proportionnalité et de minimisation des
données.
Le requérant expose ensuite que la décision déférée violerait également le principe de
transparence, lequel imposerait conformément aux articles 12 à 14 RGPD au responsable de
traitement, en l’occurrence l’administration des Contributions directes, mais également le fisc
américain pour les traitements effectués une fois les données réceptionnées, de fournir aux
personnes concernées un certain nombre d’informations concernant le traitement qui est fait de
leurs données, en particulier, les catégories de données collectées, comment celles-ci sont
utilisées, qui y a accès, les garanties appropriées entourant leur transfert, leur période de
conservation, informations devant être transmises aux personnes concernées d’une façon
concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples,
ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, aucune de ces informations n’étant mises à disposition
par l’administration des Contributions directes aux contribuables concernés par le biais de son
site internet ou par tout autre moyen.
Enfin, il critique l’administration des Contributions directes pour ne pas avoir effectué,
conformément à l’article 35.1 RGPD, une analyse d’impact relative à la protection des données.
Le délégué du gouvernement soutient quant à lui qu’aucune des conditions requises
pour l’institution d’une mesure provisoire ne serait remplie en l’espèce.
Ainsi, après avoir exposé le contexte de l’accord FATCA et des obligations en
découlant pour l’administration des Contributions directes, il s’empare essentiellement de
l’article 96 RGPD, pour, après avoir relevé que le requérant exposerait la quasi-totalité de son
argumentaire sur base du RGPD, soutenir que dans la mesure où l’accord FATCA serait
antérieur au 24 mai 2016, ce serait donc le droit de l’Union applicable avant cette date qui lui
serait applicable et non le RGPD postérieur à l’accord FATCA. Or, si le droit de l’Union
applicable avant la date du 24 mai 2016 serait la directive 95/46/CE, transposée en droit
national par la loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement
des données à caractère personnel, par rapport auxquelles l’accord FATCA devrait être
apprécié, le requérant ne se référant toutefois ni à la directive 95/46/CE ni à la loi du 2 août
2002.
Le délégué du gouvernement conteste également tout risque de préjudice grave et
définitif, en relevant notamment l’absence de tout risque d’imposition du requérant aux Etats-
Unis d’Amérique ; quant au risque d’un usage abusif ou illégitime des données transférées, il
relève que le requérant ne ferait qu’avancer un risque purement hypothétique, non étayé par
une quelconque preuve.
En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de
procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 »,
un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution
de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que,
7
d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent
comme sérieux.
Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous
peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au
sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif.
Le requérant fait pourtant plaider que les conditions pour prétendre à une mesure de
sauvegarde ne seraient pas les mêmes que celles pour prétendre à l’obtention d’un sursis à
exécution, Monsieur X soutenant plus particulièrement qu’une demande de mesure de
sauvegarde ne pourrait pas se voir appliquer la double condition prévue à l’article 11,
paragraphe 2, au même titre et avec la même intensité que ceux avec lesquels cette double
condition est requise pour fonder une demande en sursis à exécution de la décision attaquée
par le recours au fond; pour en déduire que dans le cadre d’une demande de mesure de
sauvegarde le juge pourrait procéder à une mise en balance des intérêts en cause.
Cette argumentation est toutefois à rejeter.
En effet, il convient de rappeler que sous peine de vider de sa substance l’article 11 de
la loi du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double
condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un
préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé
contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une
mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du
préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en
effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les
conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant
pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde1
.
Il convient encore de rappeler que la possibilité d’accorder une mesure de sauvegarde
n’a pas été instaurée par le législateur en tant que mesure autonome, mais uniquement afin de
pallier au fait que la seule mesure provisoire initialement prévue, à savoir le sursis à exécution,
ne pouvait pas être accordée par rapport à une décision administrative négative, telle qu’un
refus, qui ne modifie pas une situation de droit ou de fait antérieure et, comme telle, ne saurait
faire l’objet de conclusions à fin de sursis à exécution2
, de sorte que dans un tel cas de figure,
le justiciable ne disposait d’aucune procédure pour éviter un préjudice grave qui lui est causé
par une décision administrative négative. La possibilité d’une mesure de sauvegarde s’entend
dès lors comme une procédure complémentaire3
à celle de l’effet suspensif, soumise
nécessairement aux mêmes conditions strictes4
. Admettre le contraire reviendrait en effet à
autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions
posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori,
un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde5
.
1
Trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 11735, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 553 et 722.
2
Proposition de loi 4326 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, avis du Conseil
d’Etat, 9 février 1999, p.6.
3
Ibidem.
4
Trib. adm. (prés.) 13 novembre 2020, n° 45149.
5
Trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 11735, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 553 et 722 ; voir
aussi trib. adm. (prés.) 30 novembre 2020, n° 45220 ; trib. adm.(prés.) 30 novembre 2020, n° 45222.
8
L’argumentation de la partie requérante, visant à vouloir contourner les conditions
prévues pour l’obtention d’un sursis à exécution, tout en sollicitant sous couvert d’une mesure
de sauvegarde une suspension du transfert des données litigieuses, est partant à rejeter.
L’affaire au fond ayant été introduite le 2 avril 2021 et compte tenu des délais légaux
d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, elle ne saurait être considérée comme pouvant
être plaidée à brève échéance.
En ce qui concerne les deux autres conditions, à savoir l’existence éventuelle de moyens
sérieux avancés devant les juges du fond et l’existence d’un risque d’un préjudice grave et
définitif dans leur chef, il convient de rappeler que ces deux conditions doivent être
cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle
seule l’échec de la demande.
Comme relevé ci-avant, le sursis à exécution (respectivement une mesure de
sauvegarde) ne peut être décrété que lorsque notamment (mais non exclusivement) l’exécution
de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, un
préjudice étant grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa
nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit
dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les
charges publiques.
En effet, comme l’acte administratif bénéficie du privilège du préalable et d’exécution
d’office, le référé a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave
et définitif, les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre
l’exécution de la décision suspendue.
En l’espèce, tel que figurant dans la requête introductive d’instance et développé à
l’audience, le requérant se prévaut d’un préjudice grave et définitif lié à la violation de ses
droits fondamentaux, à savoir de son droit au respect de la vie privée et du droit à la protection
des données à caractère personnel, en ce qu’une fois les informations demandées
communiquées, aucun recours ne permettrait d’empêcher les autorités américaines d’utiliser -
prétendument illégalement - les informations reçues en sa défaveur.
Or, il convient d’une part de rappeler que pour l’appréciation du caractère définitif du
dommage, il n’y a pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application
de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait à
remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes
administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal
cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de
dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans
le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation
antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par
l’article 11 de la loi du 21 juin 19996
.
6
Trib. adm. prés. 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 619.
9
D’autre part, un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne
saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution
immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne
trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué7
, le risque dénoncé devant en effet
découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours8
.
Or, si le requérant semble situer le préjudice grave et définitif tel qu’allégué dans la
seule collecte des informations par les autorités fiscales luxembourgeoises et leur transmission
aux autorités fiscales américaines, à l’exclusion de leur traitement aux fins éventuelles
d’imposition par ces dernières, collecte et transmission qui porteraient atteinte au droit du
requérant au respect de sa vie privée et à la protection des données, un tel préjudice ne saurait
être considéré, à défaut de toute autre précision ou circonstance particulière, comme grave et
définitif.
Il convient de prime abord de rappeler que la seule invocation d’une atteinte à des droits
fondamentaux ne suffit pas pour justifier d’un préjudice grave et définitif, une telle atteinte
devant encore, dans le cadre de l’analyse du sérieux des moyens invoqués, revêtir une
apparence de sérieux.
En second lieu, il convient de rappeler que toute atteinte à de tels droits
indépendamment de toute circonstance, n’est pas interdite, de sorte que toute atteinte n’est pas
automatiquement à considérer comme illégale.
Ainsi, l’article 8 de la CEDH autorise à travers son paragraphe 2 sous certaines
conditions une ingérence de l’administration fiscale dans le droit a priori puissant du droit au
respect de la vie privée, ledit article disposant que : « Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité
publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi
et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à
la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d’autrui ».
La Cour européenne des droits de l’Homme a à plusieurs fois admis la légalité d’une
ingérence dans la vie privée et sa proportionnalité au regard du but fiscal poursuivi par les
échanges de renseignements9
: ainsi, plus particulièrement, la Cour européenne des droits de
l’Homme10
a admis que les intérêts économiques en jeu importants pour un pays requis ainsi
que l’intérêt pour ce même pays à pouvoir respecter ses engagements internationaux résultant
d’une convention d’entraide administrative prévalaient sur l’intérêt individuel des personnes
concernées par la mesure, et ce notamment lorsque la mesure de transmission d’informations
concerne des informations purement financières11
, et non des données intimes ou liées
étroitement à l’identité des personnes concernées qui auraient mérité une protection accrue12
et
lorsque les personnes concernées ont bénéficié de garanties procédurales, notamment en ayant
7
Voir les jurisprudences citées sous Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 631
8
Ph. Coenraets, Le contentieux de la suspension devant le Conseil d’Etat, synthèses de jurisprudence, 1998, n°
92, p.41.
9
CEDH, 16 juin 2015, Othymia Investments BV c. Pays-Bas, n° 75292/10.
10
CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 83.
11
Encore que des informations relevant des comptes bancaires sont à considérer comme des données personnelles
protégées par l’article 8 CEDH.
12
CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 93.
10
la possibilité d’introduire un recours auprès du Tribunal administratif, condition sine qua non
de légalité d’une telle ingérence par ailleurs soulignée par la même Cour européenne des droits
de l’Homme13
.
La Cour de Justice de l’Union Européenne, pour sa part, a récemment rappelé14
,
notamment par rapport aux articles 7 et 8 de la Charte, consacrant le droit au respect de la vie
privée respectivement le droit à la protection des données à caractère personnel, qu’aucun de
ces droits fondamentaux ne constitue une prérogative absolue, chacun d’entre eux devant, en
effet, être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société.
A cet égard, elle a retenu que l’objectif de contribuer à la lutte contre la fraude et
l’évasion fiscales internationales, en renforçant la coopération entre les autorités nationales
compétentes en ce domaine « constitue un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, au
sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, susceptible de permettre qu’une limitation
soit apportée à l’exercice des droits garantis par les articles 7, 8 et 47 de celle-ci, pris
individuellement ou conjointement », cet objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
internationales se traduisant « notamment […] par la mise en place d’une procédure d’échange
d’informations sur demande permettant aux autorités nationales compétentes de coopérer
efficacement et rapidement entre elles, en vue de recueillir des informations dans le cadre
d’enquêtes visant tel ou tel contribuable donné »15
.
Le soussigné relève par ailleurs que l’article 26, § 1er
de la directive 95/46/CE autorise
à certaines conditions le transfert « nécessaire ou rendu juridiquement obligatoire pour la
sauvegarde d’un intérêt public important ». Or, les « échanges internationaux de données entre
les administrations fiscales » sont reconnus comme nécessaire à « la sauvegarde d’un intérêt
public important » dans le considérant (58) de la directive.
Il convient ensuite de relever que même à admettre - thèse défendue par le requérant -
une ingérence illégitime et partant une violation illégale de l’article 7 de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 8 de la Convention des droits de l’homme et
des libertés fondamentales et de l’article 11(3) de la Constitution tels qu’invoqués par le
requérant, une telle situation n’entrainerait pas ipso facto un préjudice grave et définitif dans
son chef.
A cet égard, il convient de souligner que si, en ce qui concerne la seconde condition, à
savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens
invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en
obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence
d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au
référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire: la preuve de la gravité du préjudice
implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature
et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du
préjudice, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le
13
CEDH, 7 juillet 2015, M.N. et autres c/ San Marin, n° 28005/12 ; voir également CEDH, 22 décembre 2015,
G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 90 : la législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher
toute communication ou divulgation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de l’article 8 CEDH.
14
CJUE (gr. ch.) 6 octobre 2020, aff. C 245/19 et C 246/19.
15
Dans le même sens : CJUE 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund, aff. C-682/15.
11
juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête
et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première
fois, à l’audience.
Il n’appartient par ailleurs pas au juge du provisoire d’analyser de son propre chef et sa
propre initiative le recours au fond pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de
constituer dans le cadre du recours en obtention d’une mesure provisoire des moyens relatifs à
l’existence d’un préjudice grave et définitif, l’office du juge du provisoire ne consistant pas à
rechercher lui-même dans un autre acte de procédure les moyens qui auraient pu se trouver à
la base de ses conclusions, le juge du provisoire ne pouvant avoir égard qu’aux arguments
contenus dans la requête et devant écarter les éléments développés par le conseil de la partie
requérante, pour la première fois, à l’audience16
.
Or, la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne
concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui
démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice17
.
Force est toutefois de constater que le requérant, hormis de soutenir abstraitement
l’existence d’un préjudice grave et définitif résultant de la violation alléguée des dispositions
et normes citées ci-avant, ne précise pas la nature d’un tel préjudice, dont la matérialité échappe
au soussigné.
En effet, si le soussigné peut éventuellement concevoir un risque de répercussions
fiscales négatives résultant de la communication des informations litigieuses aux autorités
fiscales américaines, le requérant a toutefois en l’espèce exclu de son argumentaire un tel risque
matériel - le requérant ayant plaidé lui-même, au vu de la modicité des sommes par lui détenues
auprès de l’institut bancaire luxembourgeois l’absence de toute imposition aux Etats-Unis -,
lequel, en tout état de cause devrait en l’état actuel du dossier être considéré comme
hypothétique, sinon comme évitable sinon réparable, alors qu’il ne résulte d’aucun élément
communiqué au soussigné que les parties visées éventuellement par une telle imposition ne
pourraient pas bénéficier aux Etats-Unis de voies de recours suffisantes18
.
En ce qui concerne ensuite un éventuel risque de préjudice immatériel, il est vrai qu’un
préjudice purement moral serait concevable, préjudice résultant de la violation ressentie des
droits fondamentaux du requérant. Force est encore à cet égard de constater que la doctrine
française19
, reposant sur la jurisprudence européenne et française, semble admettre, en cas
d’atteinte illicite aux droits fondamentaux, l’existence d’une présomption de préjudice
impliquant un droit à réparation, la réparation dépendant de la nature du droit lésé et de
l’intensité de l’atteinte.
16
Voir trib. adm. (prés.) 9 février 2018, n° 40722 ; trib. adm. (prés.) 7 novembre 2018, n° 41907.
17
Trib. adm. (prés.) 10 juillet 2013, n° 32820, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 626.
18
En ce sens : trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39887 et trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39889.
19
X. Dupré de Boulois, La présomption de préjudice : un élément du régime juridique des droits fondamentaux,
http://www.revuedlf.com/droit-fondamentaux/droits-fondamentaux-et-presomption-de-prejudice/
12
En ce qui concerne plus particulièrement l’indemnisation des atteintes à la vie privée,
la réparation - et partant l’appréciation de la gravité en amont - dépend des circonstances, soit
aggravantes, soit minorantes, de l’atteinte20
: au titre d’une aggravation figure essentiellement
le caractère public de l’atteinte, c’est-à-dire la diffusion des données collectées en violation du
droit au respect de la vie privée et à la protection des données.
Or, à cet égard, tel que souligné opportunément par le délégué du gouvernement, les
données collectées et transmises le seront par des autorités fiscales tenues à la confidentialité
de ces mêmes données : il échet à cet égard de rappeler qu’aux termes de l’article 3 de la loi du
24 juillet 2015 « (1) Le traitement des informations à communiquer aux Etats-Unis d’Amérique
ou reçues de la part des Etats-Unis d’Amérique se fait sous garantie d’un accès sécurisé, limité
et contrôlé. Les informations ne peuvent être utilisées qu’aux fins prévues par l’Accord »,
tandis que l’article 3.7. de l’Accord FATCA précise que « All information exchanged shall be
subject to the confidentiality and other protections provided for in the Convention, including
the provisions limiting the use of the information exchanged ».
Il échet par ailleurs de constater que précisément par rapport au traitement de données
résultant de l’Accord FATCA, le Conseil d’Etat français21
a retenu que « compte tenu des
précautions dont il est assorti, le traitement litigieux ne méconnaît pas le droit à la protection
des données à caractère personnel des personnes qu’il concerne ni ne porte au droit de ces
dernières au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels
il a été créé.
Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance, par l’accord du 14 novembre 2013,
des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne peut qu’être
écarté ».
S’agissant de l’incompatibilité avec l’article 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le même Conseil d’Etat
français a encore retenu que l’accord FATCA « n’est en tout état de cause incompatible ni avec
les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales qui garantit le droit au respect de la vie privée ni avec celles de
la convention n° 108 du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du
traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 qui subordonne
l’autorisation d’un traitement de données à caractère personnel à l’existence d’une finalité
légitime et à des modalités de collecte licites et loyales ».
Aussi, au vu de cette obligation de confidentialité et de l’absence de toute divulgation
des données collectées à autrui qu’aux autorités fiscales luxembourgeoises et américaines, le
soussigné ne décèle en l’état actuel du dossier et des éléments lui soumis, au-delà d’un éventuel
préjudice moral intangible et immatériel et en tout état de cause ni quantifié ni quantifiable, pas
de risque de préjudice grave.
20
Voir F. Gras, L’indemnisation des atteintes à la vie privée, https://www.cairn.info/revue-legicom-1999-4-page-
21.htm
21
CdE fr 19 juillet 2019, n° 424216.
13
Le soussigné ne saurait dès lors retenir, à ce stade et en l’état actuel du dossier, des
moyens y contenus ainsi qu’au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, que l’exécution
de la décision déférée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif au sens de
la loi.
Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure
provisoire, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de
moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être
cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle
seule l’échec de la demande.
A titre tout à fait superfétatoire, en ce qui concerne l’examen de cette deuxième
condition énoncée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 pour justifier une mesure provisoire,
à savoir que les moyens présentés par la partie requérante à l’appui de son recours au fond
soient suffisamment sérieux, il y a lieu de rappeler que concernant les moyens invoqués à
l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux
ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se
retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire
du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde
lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la
réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution,
respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure
exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable
et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder
doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif
à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction,
les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit
arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de
l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation
étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part,
non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse
nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés
par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante
l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis
d’exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’il constitue une dérogation
apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives,
les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif
à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction,
les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit
arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès. Il
s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît
pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les
moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire : en
14
d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de
vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte22
.
Le juge du référé appréciera partant si un moyen est propre à créer, en l’état de
l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, et ce eu égard à son office.
Il prendra donc en compte la situation juridique en s’en tenant à l’évidence et sans trancher des
questions de droit qui ne l’ont pas encore été. L’évidence se définit communément comme la
« qualité de ce qui emporte l’assentiment immédiat de l’esprit en s’imposant à lui de façon
claire et distincte »23
. Elle est caractérisée par son immédiateté, par ce qu’elle ne nécessite
aucune démonstration ni aucun raisonnement préalable pour être regardée comme vraie24
:
l’évidence est partant une qualité dont est paré le fait ou le raisonnement qui, portant en lui
révélation de son existence ou de son bien-fondé, vaut preuve de lui-même et dispense d’autre
preuve ou d’autre démonstration25
.
Le juge du référé ne peut ainsi en aucun cas tirer d’enseignements et encore moins de
conclusions définitives lorsqu’il analyse la condition du caractère sérieux car il ne devra
procéder uniquement qu’à un « premier examen » sans anticiper sur l’appréciation, sur le
contrôle qu’effectuera le juge du fond. Cet examen se veut sommaire et basé sur les seuls
éléments en possession de ce juge ou qui peuvent lui être apportés lors de l’audience. Il doit,
en quelque sorte, seulement s’en référer à son intuition provenant de la lecture du dossier, tout
en gardant à l’esprit que le juge du fond pourra toujours revenir sur la mesure prononcée en
effectuant un contrôle approfondi du dossier.
Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse
sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une
annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se
caractérise par son caractère prima facie.
Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un
élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas
appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère
sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des
droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du
fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer
de ce point de vue insuffisant.
C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions
jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du
litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un
aléa.
Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un
simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou
minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux
22
Trib. adm (prés.) 14 avril 2016, n° 37733, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 592, et les autres
références y citées.
23
Trésor de la langue française.
24
Le Littré la définit ainsi comme « notion si parfaite d’une vérité qu’elle n’a pas besoin d’autre preuve ».
25
G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 8e
éd., 2000.
15
questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond,
surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la
première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de
la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné
à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une
position adoptée par une autre juridiction26
.
Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique
motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la
mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc
forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de
bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses
pouvoirs27
.
Il convient encore tout particulièrement de souligner que comme la requête en obtention
d’une mesure provisoire s’appuie directement et uniquement sur les moyens invoqués au fond,
le juge statuant au provisoire est uniquement appelé à apprécier le sérieux des moyens invoqués
au fond : il n’est partant appelé qu’à apprécier le sérieux des moyens produits devant le juge
du fond, c’est-à-dire les moyens figurant à ce stade dans la requête introductive d’instance
enrôlée devant le juge au fond, le juge du provisoire ne pouvant plus particulièrement pas tenir
compte de moyens qui pourraient figurer postérieurement à sa saisine dans de futurs et
hypothétiques mémoires ampliatifs.
En ce qui concerne le premier moyen du requérant, tiré en substance d’un défaut de
motivation de la décision déférée et d’une violation en conséquence de l’article 6 du règlement
grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de
l’Etat et des communes, il échet de relever que les juges du fond admettent la possibilité pour
l’autorité administrative ayant pris une décision de produire ou compléter les motifs
postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif, la jurisprudence
semblant encore considérer comme sanction adéquate d’un éventuel défaut de motivation la
suspension des délais de recours28
, voire l’attribution d’une indemnité de procédure.
En effet, si l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tel qu’invoqué par le
requérant, impose certes pour certaines décisions une obligation de motivation formelle, en ce
sens que les décisions administratives, notamment lorsqu’elles portent un refus, doivent reposer
sur des motifs légaux et formellement indiquer lesdits motifs par l’énoncé au moins sommaire
de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, il résulte
toutefois d’une jurisprudence solidement établie, assise sur un arrêt de la Cour administrative
du 20 octobre 2009, n° 25783C du rôle, que les juges du fond refusent de sanctionner une
violation par l’administration de son obligation de motivation par l’annulation, au motif que la
sanction de l’annulation serait « disproportionnée par rapport au but poursuivi consistant à
mettre l’administré le plus tôt possible en mesure d’apprécier la réalité et la pertinence de la
motivation à la base d’une décision administrative », la juridiction suprême ayant retenu « par
26
J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit,
Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.
27
Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Strasbourg, 1993, p. 96 et 97.
28
Voir tout spécifiquement trib. adm. 14 janvier 2008, n° 22756, par rapport à une problématique analogue à celle
sous analyse.
16
souci de protéger les intérêts bien compris du justiciable » qu’il appartiendrait plutôt au juge
de la légalité, statuant en matière d’annulation, de permettre à l’administration de produire
ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase
contentieuse, le juge de la légalité, statuant comme en l’espèce sur un recours dirigé contre
une décision administrative intervenue en violation de la loi et des formes destinées à protéger
les intérêts privés, ayant en effet à sa disposition « une sanction plus adéquate se dégageant
d’une législation postérieure à la législation sur la procédure administrative non contentieuse,
à savoir la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions
administratives, prise en ses articles 32 et 33 permettant aux juridictions administratives de
condamner par décision motivée une partie ayant gagné son procès à une fraction ou la totalité
des dépens ou de mettre à charge de cette partie la totalité ou une partie des sommes exposées
par l’autre partie et non comprises dans les dépens, dont plus particulièrement les frais
d’avocat, pour l’hypothèse où il paraît inéquitable de laisser ces frais à charge de cette autre
partie ».
Il s’ensuit dès lors que l’éventuelle insuffisance formelle de motivation de la décision
déférée, ne paraît pas, au vu de la jurisprudence citée ci-dessus et de ce constat provisoire et
sommaire, devoir entraîner ipso facto l’annulation par les juges du fond de la décision déférée29
.
Il appert ensuite, tel que soulevé par le délégué du gouvernement, que Monsieur X base
la quasi-totalité de son argumentaire dans son recours en annulation, sinon en réformation sur
base du RGPD, à savoir, pour rappel, le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la
protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel
et à la libre circulation des données, et abrogeant la directive 95/46/CE, lequel est,
conformément à son article 99 (2), « applicable à partir du 25 mai 2018 ».
Il résulte encore de l’article 96 RGPD que « Les accords internationaux impliquant le
transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers ou à des organisations
internationales qui ont été conclus par les Etats membres avant le 24 mai 2016 et qui respectent
le droit de l’Union tel qu’il est applicable avant cette date restent en vigueur jusqu’à leur
modification, leur remplacement ou leur révocation ». Il résulte clairement de ces dispositions
que les auteurs du règlement ont entièrement déterminé les conditions de la relation entre le
droit de l’Union européenne et les accords conclus antérieurement à sa signature qui impliquent
le transfert de données personnelles vers des Etats tiers30
.
Enfin, il est incontestable que l’Accord FATCA, tel qu’approuvé par la législation
luxembourgeoise, est antérieur à cette date, la loi nationale d’approbation datant du 24 juillet
2015 et l’Accord FATCA datant du 24 mars 2014.
Il appert dès lors, à première vue, que, tel que soutenu par le délégué du gouvernement,
que les normes communautaires censées étalonner la légalité de l’Accord FATCA seraient
celles en vigueur au 24 mai 2016, ce qui a priori exclu le RGPD, mais vise plutôt la directive
95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données
à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, constat explicitement admis par
le requérant dans son recours au fond, directive transposée en droit national par la loi du 2 août
29
Voir notamment trib.adm. (prés) 8 janvier 2021, n° 45349
30
CdE fr 19 juillet 2019, n° 424216.
17
2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère
personnel.
Si, comme exposé par le requérant, les dispositions de la directive en question et de la
loi du 2 août 2002 se recoupent éventuellement largement avec les principes, voire avec les
dispositions du RGPD tel qu’invoqué à l’appui de son recours, il convient de souligner qu’il
n’appartient pas au soussigné, juge de l’évident et du manifeste, de procéder de sa propre
initiative à une instruction juridique du dossier en procédant à une confrontation et à une
comparaison des deux textes communautaires et nécessitant, le cas échéant, de reformuler les
moyens juridiques du requérant afin de les mettre au diapason de la directive 95/46/CE, le juge
du provisoire n’étant pas compétent pour procéder à une analyse poussée aux seuls fins de
comprendre la finalité et l’argumentation de la requête, étant par ailleurs souligné qu’un tel
argumentaire adapté ne se trouve, en tout cas pour l’heure, pas libellé dans l’affaire au fond,
étant rappelé que le magistrat appelé à prendre une mesure provisoire ne peut avoir égard, au
niveau de l’analyse du sérieux des moyens présentés qu’aux seuls moyens présentés par le
requérant en question dans l’instance au fond au jour où le juge du provisoire est appelé à
statuer.
Le soussigné ne saurait à ce stade tenir compte de l’objection de l’avocat du requérant
selon laquelle l’administration des Contributions directes aurait en premier, dans le cadre de la
décision déférée, fait application du RGPD et que le requérant n’aurait fait, dans le contexte de
son recours contentieux, que se défendre par rapport à cette motivation, de sorte que
l’administration des Contributions directes serait en quelque sorte « déloyale » pour soutenir
actuellement la non-application du RGPD et lui reprocher de ne pas avoir pris position par
rapport à la directive 95/46/CE et à la loi du 2 août 2002.
Il est en effet admis par la jurisprudence que l’administration peut, de manière générale,
compléter la motivation à la base d’une décision administrative en cours d’instance
contentieuse, sous réserve du droit du demandeur de pouvoir y prendre utilement position à
travers un éventuel mémoire en réplique. En effet, au-delà de la motivation expressément
fournie par l’administration à la base des décisions déférées, il lui est loisible de la compléter
en cours d’instance, tout comme le tribunal dispose de la possibilité de procéder par substitution
de motifs légaux à partir des éléments du dossier régulièrement produits en cause, entraînant
d’un autre côté que la partie demanderesse est admise à amplifier ses moyens en cours
d’instance au-delà des développements déployés dans le cadre de la requête introductive
d’instance31
.
Or, le soussigné constate d’abord que le requérant, dans sa demande initiale adressée
en date du 22 décembre 2020 conjointement avec l’Y à l’administration des Contributions
directes, a limité la portée de ses arguments au seul RGPD ; si ensuite le directeur de
l’administration des Contributions directes a - très brièvement - pris position en date du 22
mars 2021 par rapport à deux demandes déterminées des impétrants basées sur le même RGPD,
force est de constater que le requérant, après avoir été confronté au mémoire en réponse de
l’Etat du 30 juin 2021, a introduit un recours gracieux en date du 12 juillet 2021 dans lequel il
a rectifié son argumentation en basant celle-ci également sur la directive 95/46/CE ; il n’a
toutefois, à ce jour pas rectifié son argumentation au niveau contentieux, aucun mémoire en
réplique n’ayant été produit au jour de la prise en délibéré de la présente affaire.
31
Voir notamment la jurisprudence citée sous Pas.adm.2020, V° Procédure contentieuse, n° 838.
18
Le fait que le requérant n’a pas fait usage de la possibilité jurisprudentielle lui offerte
de rectifier, en réponse à la nouvelle argumentation étatique, sa propre argumentation, ne
saurait ériger ipso facto le fait que l’Etat, de son côté, ait rectifié sa propre argumentation dans
le sens d’une bonne coopération avec la Justice et d’un éclairage adéquat de celle-ci, le service
public de la justice comportant en effet notamment que le juge puisse dire le droit, en attitude
déloyale, le requérant devant supporter seul les conséquences de ses propres choix
procéduraux, sans pouvoir exiger une dénaturation du référé consistant à permettre à ce
contentieux une évolution déliée de son évolution devant les juges du fond.
Il s’ensuit encore que de ce point de vue et au stade actuel d’instruction du dossier, les
moyens du requérant, reposant essentiellement sur des violations du seul RGPD, ne présentent
pas le sérieux nécessaire.
Monsieur X doit partant être déboutée de sa demande en obtention d’une mesure
provisoire, aucune des conditions devant être cumulativement remplies n’étant données en
l’espèce.
La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros tel
que sollicitée par le requérant laisse d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas
remplies en cause.
Par ces motifs,
le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en
audience publique ;
rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire ;
rejette encore la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le requérant aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 septembre 2021 par Marc Sünnen,
président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 24 septembre 2021
Le greffier du tribunal administratif

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Décision du Tribunal administratif

  • 1. 1 Tribunal administratif N° 46416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 août 2021 Audience publique du 24 septembre 2021 Requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur X, … (France) par rapport à une décision de l’administration des Contributions directes en matière d’échange automatique de renseignements et de protection des données ___________________________________________________________________________ ORDONNANCE Vu la requête inscrite sous le numéro 46416 du rôle et déposée le 31 août 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois NAUTADUTILH AVOCATS LUXEMBOURG S.AR.L., inscrite sur la Liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1233 Luxembourg, 2, rue Jean Bertholet, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B 189.905, représentée aux fins des présentes par Maître Vincent WELLENS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur X, demeurant à … (France), …, tendant à voir instituer un sursis à exécution par rapport à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes datée du 22 mars 2021 ayant rejeté une demande d’arrêt de l’échange automatique d’informations entre l’administration fiscale du Grand-Duché de Luxembourg et celle des Etats-Unis d’Amérique en application du « Foreign Account Tax Compliance Act » approuvé par la loi du 24 juillet 2015, un recours en annulation, inscrit sous le numéro 45851 du rôle, dirigé contre la même décision ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2021 par le requérant ainsi que par l’association de droit français Y ; Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ; Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée au fond ; Maître Vincent WELLENS, en représentation de la société NAUTADUTILH AVOCATS LUXEMBOURG S.AR.L., pour la partie requérante, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARRUCIA entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 septembre 2021. ___________________________________________________________________________ Par courrier d’un institut bancaire luxembourgeois du 19 mai 2020, Monsieur X, résidant français, se considérant comme un américain « accidentel », c’est-à-dire comme une personne possédant tant les nationalités française et américaine et s’étant vu attribuer automatiquement la nationalité américaine du seul fait de sa naissance sur le territoire des Etats- Unis sans avoir d’autre lien significatif avec ce pays, se vit informer que des informations relatives à son compte bancaire auprès de cet institut financier seraient transmises aux autorités fiscales luxembourgeoises au plus tard le 30 juin 2020, autorités fiscales luxembourgeoises qui échangeraient ensuite ces données avec les autorités fiscales américaines en exécution de la loi du 24 juillet 2015 portant approbation de l’Accord entre le Gouvernement du Grand-Duché de
  • 2. 2 Luxembourg et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et relatif aux dispositions des Etats-Unis d’Amérique concernant l’échange d’informations communément appelées le « Foreign Account Tax Compliance Act » (« FATCA »), pour le 30 septembre 2020. L’Y, association sans but lucratif de droit français, et Monsieur X s’adressèrent en date du 22 décembre 2020 par le biais de leur avocat à l’administration des Contributions directes pour lui demander « d’effacer les données à caractère personnel des américains accidentels français et de Monsieur X obtenues en application de l’Accord FATCA, voire de limiter leur traitement et, en tout état de cause, de procéder à l’arrêt immédiat des échanges d’informations entre l’ACD et le fisc américain ayant lieu chaque année sur base de l’Accord et, pour l’année 2019, avant le 31 décembre 2020, en ce que ce transfert de données méconnait plusieurs principes clés du droit à la protection des données personnelles, tel qu’applicable au Grand- Duché du Luxembourg et, plus généralement, au sein de l’Union européenne ». Par décision du 22 mars 2021, le directeur de l’administration des Contributions directes rejeta la prédite demande comme suit : « Par la présente, je reviens à votre courrier sous rubrique nous parvenu le 22 décembre 2020 véhiculant pour le compte de l’Y, laquelle a pour objet de défendre et de représenter les intérêts des personnes de nationalité franco-américaine qui résident hors des Etats-Unis, ainsi que de Monsieur X plusieurs demandes d’exercice de droits accordés par le règlement général sur la protection des données (RGPD) aux personnes concernées. Votre mandante, l’Y, a son siège social à Paris et a pour objet la défense des intérêts des personnes physiques de nationalité franco-américaine résidant hors des Etats-Unis, contre les effets néfastes du caractère extraterritorial de la législation américaine. L’Y n’est pas à considérer comme une personne concernée au sens du RGPD, c’est-à-dire une personne physique identifiée ou identifiable. Puisque le RGPD limite le cercle des bénéficiaires des droits RGPD aux seules personnes concernées, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour le compte de l’Y. Vous exercez aussi des droits RGPD pour le compte des américains accidentels français. Or, puisque la seule formulation « américains accidentels français » ne permet pas à l’Administration des contributions directes (ACD) d’identifier les personnes concernées par ses propres moyens de manière précise et que vous ne fournissez aucun élément en vue de leur identification certaine, je vous informe qu’en application de l’article 12(2) RGPD je regrette de ne pas pouvoir donner une suite favorable à vos demandes concernant les américains accidentels français. Concernant l’exercice du droit à l’effacement pour le compte de Monsieur X, je vous informe qu’en application de l’article 17(3b) RGPD je ne saurais y donner une suite favorable puisque le traitement des données à caractère personnel de Monsieur X est nécessaire au respect de la loi modifiée du 24 juillet 2015 relative à FATCA à laquelle le responsable du traitement est soumis. Concernant l’exercice du droit à la limitation du traitement pour le compte de Monsieur X, je vous informe que l’article 18(1b) cité ne s’applique pas puisque le traitement est nécessaire en vue du respect de la loi modifiée du 24 juillet 2015 relative à FATCA.
  • 3. 3 Si souhaité, une réclamation peut être adressée à l’autorité de contrôle : Commission nationale pour la protection des données 15, Boulevard du Jazz, L-4370 Belvaux. Alternativement un recours juridictionnel peut être formé. (…) » Par requête déposée le 2 avril 2021 au greffe du tribunal administratif et enrôlée sous le n° 45851, l’Y et Monsieur X ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du 22 mars 2021. Par requête déposée postérieurement en date du 31 août 2021, inscrite sous le n° 46416 du rôle, Monsieur X a encore fait introduire une demande tendant à voir interdire à l’administration des Contributions directes de communiquer aux autorités fiscales américaines toutes informations collectées le concernant. La partie requérante estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause. Au titre de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, la partie requérante affirme que si certes elle pourrait, le cas échéant, réclamer des dommages et intérêts, cette circonstance ne ferait aucunement obstacle à l’existence d’un préjudice grave dans son chef. En l’espèce, elle estime que le caractère grave du préjudice ne saurait faire aucun doute alors que le refus de l’administration des Contributions directes de s’abstenir de communiquer ses données au fisc américain violerait les droits parmi les plus fondamentaux, à savoir le droit à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, tels que garantis par les articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 8 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 11(3) de la Constitution. Monsieur X rappelle à cet égard que la Cour administrative aurait, sous référence de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme et celle de la Cour de justice de l’Union européenne, explicitement confirmé que les informations bancaires portant sur la situation financière d’une personne rentrent dans la notion des données personnelles sans égard au degré de sensibilité qu’il faille ou non leur reconnaître et que la transmission de données bancaires de clients par l’Etat de l’établissement bancaire dépositaire du compte aux autorités d’un autre Etat, en l’occurrence l’Etat de résidence, dans le cadre d’un échange de renseignements est à qualifier, au plus tard au moment de la transmission effective à l’Etat de résidence, comme ingérence dans le droit au respect de la vie privée qui ne serait justifiée que si elle répond à certaines exigences. Or, il considère que son propre cas s’apparente à une telle situation en ce que la communication de ses données au fisc américain serait en toute circonstance disproportionnée et, de plus, constituerait un transfert de données illicite. Il affirme encore que le juge des référés procèderait à une mise en balance des intérêts dans le cadre d’un référé de mesures de sauvegarde, son avocat ayant exposé oralement qu’une demande de mesure de sauvegarde au sens de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne serait pas soumise aux conditions contraignantes de l’article 11 de la même loi.
  • 4. 4 Or, en l’espèce, son intérêt de ne pas voir ses données indûment communiquées aux autorités américaines, au vu du risque qu’elles fassent l’objet de manipulations indues, voire des fuites de données, serait largement supérieur à l’intérêt de l’administration des Contributions directes, voire à celui du fisc américain, pour la simple raison qu’au vu de la faible valeur du solde du compte bancaire, ces données n’auraient même pas dû être rapportées. Finalement, il s’empare de l’article 79 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation des données, et abrogeant la directive 95/46/CE, ci-après le « règlement général sur la protection des données » ou « RGPD », lequel prévoit un droit à un recours juridictionnel effectif contre un responsable du traitement ou un sous-traitant. Or, si une personne concernée ne peut pas agir dans le cadre d’une procédure de référé contre une décision d’un responsable de traitement relevant du secteur public, elle verrait ses droits fondamentaux et ceux découlant du RGPD bafoués de manière manifeste (ce qui serait évité dans le cadre d’un référé) et ne disposerait ainsi pas d’un recours effectif. Monsieur X estime encore que son recours au fond présenterait de sérieuses chances de succès. Ainsi, après avoir retracé les rétroactes de la présente affaire et exposé le régime FATCA tel que mis en œuvre au Luxembourg et ses conséquences pour les américains dits « accidentels », le requérant expose en substance, tel que résumé dans son recours en annulation - étant souligné que la requête en institution d’une mesure de sauvegarde, en ce qu’elle sollicite une mesure provisoire, s’appuie directement et uniquement sur les moyens invoqués au fond - que la décision déférée devrait encourir l’annulation alors que l’administration des Contributions directes n’aurait pas répondu à une demande explicite lui adressée, tendant à obtenir l’arrêt des transferts d’informations opérés entre l’administration des Contributions directes et le fisc américain sur base de l’Accord FATCA, de sorte que l’administration des Contributions directes aurait violé son obligation de motivation découlant de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. Il fait ensuite plaider que le transfert des données à caractère personnel de l’administration des Contributions directes vers le fisc américain enfreindrait plusieurs dispositions et principes clés du RGPD, ce que l’administration des Contributions directes aurait omis de prendre en considération dans sa décision, de sorte que cette dernière aurait dû répondre favorablement aux demandes qui lui ont été adressée en date du 22 décembre 2020 Dans ce contexte, Monsieur X considère que l’administration des Contributions directes aurait dû, sur la base des principes de licéité, de transparence, de minimisation de données et de responsabilité découlant des articles 5 et 24 RGPD arrêter le transfert des données en question, étant entendu que l’illégalité du transfert découlerait non seulement de la non- conformité du transfert avec les articles 45 et suivants du RGPD sur les transferts de données en dehors de l’UE/EEA mais constituerait aussi d’une infraction aux articles 5(b) (limitation des finalités), 5.1(c) (minimisation des données), 5.1(e) (limitation de conservation), 6 (licéité du traitement), 12 (transparence), 14 (obligation d’information) et 35 (analyse d’impact) du RGPD.
  • 5. 5 Plus précisément, il affirme que le transfert de données à caractère personnel vers le fisc américain en vertu de l’Accord FATCA ne serait pas licite au vu des articles 45, 46 et 49 RGPD ; de même, il estime que l’administration des Contributions directes ne saurait non plus se fonder sur l’article 96 du RGPD selon lequel les accords internationaux impliquant le transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers qui ont été conclus par les États membres avant le 24 mai 2016, tel que l’Accord FATCA, restent en vigueur jusqu’à leur modification, leur remplacement ou leur révocation, mais uniquement s’ils respectent le droit communautaire tel qu’il est applicable avant cette date. Or, en l’occurrence, la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données aurait constitué le droit de l’Union Européenne avant le 24 mai 2016, dont les dispositions relative aux transferts internationaux seraient « quasi-identiques à celles du RGPD », de sorte que l’administration des Contributions directes ne saurait dès lors pas non plus se baser sur le fondement de l’ « intérêt public » au sens de l’article 26.1.d) de ladite directive. Il en conclut que dans la mesure où la loi du 24 juillet 2015 portant approbation de l’Accord entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et relatif aux dispositions des Etats-Unis d’Amérique concernant l’échange d’informations communément appelées le « Foreign Account Tax Compliance Act », donnerait une base légale à ces transferts illicites, l’administration des Contributions directes aurait dû la laisser hors application. Or, comme l’administration des Contributions directes aurait dû laisser la loi FATCA hors application, il serait évident que l’administration des Contributions directes ne pourrait pas non plus invoquer que le traitement des données est « nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis » (art. 6.1.c) du RGPD), voire « à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement » (art. 6.1.e) du RGPD). En d’autres mots, les traitements de données entrepris par l’administration des Contributions directes dans le contexte de la Loi FATCA et de l’Accord FATCA seraient dénués de base de licéité de traitement et violeraient de ce fait l’article 6 du RGPD qui requiert justement une telle base. Le requérant conclut ensuite devant les juges du fond à ce que la décision critiquée violerait les principes de limitation des finalités, de proportionnalité et de minimisation de données. Ainsi, les finalités poursuivies par l’Accord FATCA consisteraient en l’amélioration de l’observation des règles fiscales internationales et la mise en œuvre des obligations issues de la loi américaine FATCA visant à lutter contre l’évasion fiscale des ressortissants américains. Or, le principe de limitation des finalités contenu dans l’article 5.1(b) RGPD prévoirait que les données personnelles devraient être collectées pour des finalités « déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités ». En l’espèce toutefois, les finalités auxquelles répond l’Accord FATCA ne seraient pas déterminées et explicites et ne permettraient pas aux personnes concernées d’appréhender correctement le traitement de leurs données réalisé sur base de ce dernier. Le requérant conteste encore le caractère légitime des finalités poursuivies, puisque l’échange des informations semblerait profiter uniquement au fisc américain.
  • 6. 6 Enfin, Monsieur X estime que l’Accord FATCA, en ce qu’il permettrait le transfert systématique et le stockage de données personnelles de grande ampleur - nom, adresse, numéro de compte, solde du compte, etc et sans oublier le numéro d’identification fiscale américaine que les américains « accidentels » devraient encore obtenir d’abord - relatives à de très nombreuses personnes présentant des indices d’américanité (indices définis de façon extrêmement large), irait à l’encontre des principes de proportionnalité et de minimisation des données. Le requérant expose ensuite que la décision déférée violerait également le principe de transparence, lequel imposerait conformément aux articles 12 à 14 RGPD au responsable de traitement, en l’occurrence l’administration des Contributions directes, mais également le fisc américain pour les traitements effectués une fois les données réceptionnées, de fournir aux personnes concernées un certain nombre d’informations concernant le traitement qui est fait de leurs données, en particulier, les catégories de données collectées, comment celles-ci sont utilisées, qui y a accès, les garanties appropriées entourant leur transfert, leur période de conservation, informations devant être transmises aux personnes concernées d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, aucune de ces informations n’étant mises à disposition par l’administration des Contributions directes aux contribuables concernés par le biais de son site internet ou par tout autre moyen. Enfin, il critique l’administration des Contributions directes pour ne pas avoir effectué, conformément à l’article 35.1 RGPD, une analyse d’impact relative à la protection des données. Le délégué du gouvernement soutient quant à lui qu’aucune des conditions requises pour l’institution d’une mesure provisoire ne serait remplie en l’espèce. Ainsi, après avoir exposé le contexte de l’accord FATCA et des obligations en découlant pour l’administration des Contributions directes, il s’empare essentiellement de l’article 96 RGPD, pour, après avoir relevé que le requérant exposerait la quasi-totalité de son argumentaire sur base du RGPD, soutenir que dans la mesure où l’accord FATCA serait antérieur au 24 mai 2016, ce serait donc le droit de l’Union applicable avant cette date qui lui serait applicable et non le RGPD postérieur à l’accord FATCA. Or, si le droit de l’Union applicable avant la date du 24 mai 2016 serait la directive 95/46/CE, transposée en droit national par la loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, par rapport auxquelles l’accord FATCA devrait être apprécié, le requérant ne se référant toutefois ni à la directive 95/46/CE ni à la loi du 2 août 2002. Le délégué du gouvernement conteste également tout risque de préjudice grave et définitif, en relevant notamment l’absence de tout risque d’imposition du requérant aux Etats- Unis d’Amérique ; quant au risque d’un usage abusif ou illégitime des données transférées, il relève que le requérant ne ferait qu’avancer un risque purement hypothétique, non étayé par une quelconque preuve. En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que,
  • 7. 7 d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Une mesure de sauvegarde, prévue à l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, requiert, sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, les mêmes conditions tenant au sérieux des moyens et au risque d’un préjudice grave et définitif. Le requérant fait pourtant plaider que les conditions pour prétendre à une mesure de sauvegarde ne seraient pas les mêmes que celles pour prétendre à l’obtention d’un sursis à exécution, Monsieur X soutenant plus particulièrement qu’une demande de mesure de sauvegarde ne pourrait pas se voir appliquer la double condition prévue à l’article 11, paragraphe 2, au même titre et avec la même intensité que ceux avec lesquels cette double condition est requise pour fonder une demande en sursis à exécution de la décision attaquée par le recours au fond; pour en déduire que dans le cadre d’une demande de mesure de sauvegarde le juge pourrait procéder à une mise en balance des intérêts en cause. Cette argumentation est toutefois à rejeter. En effet, il convient de rappeler que sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde1 . Il convient encore de rappeler que la possibilité d’accorder une mesure de sauvegarde n’a pas été instaurée par le législateur en tant que mesure autonome, mais uniquement afin de pallier au fait que la seule mesure provisoire initialement prévue, à savoir le sursis à exécution, ne pouvait pas être accordée par rapport à une décision administrative négative, telle qu’un refus, qui ne modifie pas une situation de droit ou de fait antérieure et, comme telle, ne saurait faire l’objet de conclusions à fin de sursis à exécution2 , de sorte que dans un tel cas de figure, le justiciable ne disposait d’aucune procédure pour éviter un préjudice grave qui lui est causé par une décision administrative négative. La possibilité d’une mesure de sauvegarde s’entend dès lors comme une procédure complémentaire3 à celle de l’effet suspensif, soumise nécessairement aux mêmes conditions strictes4 . Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde5 . 1 Trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 11735, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 553 et 722. 2 Proposition de loi 4326 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, avis du Conseil d’Etat, 9 février 1999, p.6. 3 Ibidem. 4 Trib. adm. (prés.) 13 novembre 2020, n° 45149. 5 Trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 11735, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 553 et 722 ; voir aussi trib. adm. (prés.) 30 novembre 2020, n° 45220 ; trib. adm.(prés.) 30 novembre 2020, n° 45222.
  • 8. 8 L’argumentation de la partie requérante, visant à vouloir contourner les conditions prévues pour l’obtention d’un sursis à exécution, tout en sollicitant sous couvert d’une mesure de sauvegarde une suspension du transfert des données litigieuses, est partant à rejeter. L’affaire au fond ayant été introduite le 2 avril 2021 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance. En ce qui concerne les deux autres conditions, à savoir l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond et l’existence d’un risque d’un préjudice grave et définitif dans leur chef, il convient de rappeler que ces deux conditions doivent être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande. Comme relevé ci-avant, le sursis à exécution (respectivement une mesure de sauvegarde) ne peut être décrété que lorsque notamment (mais non exclusivement) l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, un préjudice étant grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. En effet, comme l’acte administratif bénéficie du privilège du préalable et d’exécution d’office, le référé a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif, les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. En l’espèce, tel que figurant dans la requête introductive d’instance et développé à l’audience, le requérant se prévaut d’un préjudice grave et définitif lié à la violation de ses droits fondamentaux, à savoir de son droit au respect de la vie privée et du droit à la protection des données à caractère personnel, en ce qu’une fois les informations demandées communiquées, aucun recours ne permettrait d’empêcher les autorités américaines d’utiliser - prétendument illégalement - les informations reçues en sa défaveur. Or, il convient d’une part de rappeler que pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi du 21 juin 19996 . 6 Trib. adm. prés. 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 619.
  • 9. 9 D’autre part, un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué7 , le risque dénoncé devant en effet découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours8 . Or, si le requérant semble situer le préjudice grave et définitif tel qu’allégué dans la seule collecte des informations par les autorités fiscales luxembourgeoises et leur transmission aux autorités fiscales américaines, à l’exclusion de leur traitement aux fins éventuelles d’imposition par ces dernières, collecte et transmission qui porteraient atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et à la protection des données, un tel préjudice ne saurait être considéré, à défaut de toute autre précision ou circonstance particulière, comme grave et définitif. Il convient de prime abord de rappeler que la seule invocation d’une atteinte à des droits fondamentaux ne suffit pas pour justifier d’un préjudice grave et définitif, une telle atteinte devant encore, dans le cadre de l’analyse du sérieux des moyens invoqués, revêtir une apparence de sérieux. En second lieu, il convient de rappeler que toute atteinte à de tels droits indépendamment de toute circonstance, n’est pas interdite, de sorte que toute atteinte n’est pas automatiquement à considérer comme illégale. Ainsi, l’article 8 de la CEDH autorise à travers son paragraphe 2 sous certaines conditions une ingérence de l’administration fiscale dans le droit a priori puissant du droit au respect de la vie privée, ledit article disposant que : « Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». La Cour européenne des droits de l’Homme a à plusieurs fois admis la légalité d’une ingérence dans la vie privée et sa proportionnalité au regard du but fiscal poursuivi par les échanges de renseignements9 : ainsi, plus particulièrement, la Cour européenne des droits de l’Homme10 a admis que les intérêts économiques en jeu importants pour un pays requis ainsi que l’intérêt pour ce même pays à pouvoir respecter ses engagements internationaux résultant d’une convention d’entraide administrative prévalaient sur l’intérêt individuel des personnes concernées par la mesure, et ce notamment lorsque la mesure de transmission d’informations concerne des informations purement financières11 , et non des données intimes ou liées étroitement à l’identité des personnes concernées qui auraient mérité une protection accrue12 et lorsque les personnes concernées ont bénéficié de garanties procédurales, notamment en ayant 7 Voir les jurisprudences citées sous Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 631 8 Ph. Coenraets, Le contentieux de la suspension devant le Conseil d’Etat, synthèses de jurisprudence, 1998, n° 92, p.41. 9 CEDH, 16 juin 2015, Othymia Investments BV c. Pays-Bas, n° 75292/10. 10 CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 83. 11 Encore que des informations relevant des comptes bancaires sont à considérer comme des données personnelles protégées par l’article 8 CEDH. 12 CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 93.
  • 10. 10 la possibilité d’introduire un recours auprès du Tribunal administratif, condition sine qua non de légalité d’une telle ingérence par ailleurs soulignée par la même Cour européenne des droits de l’Homme13 . La Cour de Justice de l’Union Européenne, pour sa part, a récemment rappelé14 , notamment par rapport aux articles 7 et 8 de la Charte, consacrant le droit au respect de la vie privée respectivement le droit à la protection des données à caractère personnel, qu’aucun de ces droits fondamentaux ne constitue une prérogative absolue, chacun d’entre eux devant, en effet, être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. A cet égard, elle a retenu que l’objectif de contribuer à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales, en renforçant la coopération entre les autorités nationales compétentes en ce domaine « constitue un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, susceptible de permettre qu’une limitation soit apportée à l’exercice des droits garantis par les articles 7, 8 et 47 de celle-ci, pris individuellement ou conjointement », cet objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales se traduisant « notamment […] par la mise en place d’une procédure d’échange d’informations sur demande permettant aux autorités nationales compétentes de coopérer efficacement et rapidement entre elles, en vue de recueillir des informations dans le cadre d’enquêtes visant tel ou tel contribuable donné »15 . Le soussigné relève par ailleurs que l’article 26, § 1er de la directive 95/46/CE autorise à certaines conditions le transfert « nécessaire ou rendu juridiquement obligatoire pour la sauvegarde d’un intérêt public important ». Or, les « échanges internationaux de données entre les administrations fiscales » sont reconnus comme nécessaire à « la sauvegarde d’un intérêt public important » dans le considérant (58) de la directive. Il convient ensuite de relever que même à admettre - thèse défendue par le requérant - une ingérence illégitime et partant une violation illégale de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 8 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 11(3) de la Constitution tels qu’invoqués par le requérant, une telle situation n’entrainerait pas ipso facto un préjudice grave et définitif dans son chef. A cet égard, il convient de souligner que si, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire: la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le 13 CEDH, 7 juillet 2015, M.N. et autres c/ San Marin, n° 28005/12 ; voir également CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 90 : la législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux exigences de l’article 8 CEDH. 14 CJUE (gr. ch.) 6 octobre 2020, aff. C 245/19 et C 246/19. 15 Dans le même sens : CJUE 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund, aff. C-682/15.
  • 11. 11 juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience. Il n’appartient par ailleurs pas au juge du provisoire d’analyser de son propre chef et sa propre initiative le recours au fond pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de constituer dans le cadre du recours en obtention d’une mesure provisoire des moyens relatifs à l’existence d’un préjudice grave et définitif, l’office du juge du provisoire ne consistant pas à rechercher lui-même dans un autre acte de procédure les moyens qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, le juge du provisoire ne pouvant avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et devant écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience16 . Or, la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice17 . Force est toutefois de constater que le requérant, hormis de soutenir abstraitement l’existence d’un préjudice grave et définitif résultant de la violation alléguée des dispositions et normes citées ci-avant, ne précise pas la nature d’un tel préjudice, dont la matérialité échappe au soussigné. En effet, si le soussigné peut éventuellement concevoir un risque de répercussions fiscales négatives résultant de la communication des informations litigieuses aux autorités fiscales américaines, le requérant a toutefois en l’espèce exclu de son argumentaire un tel risque matériel - le requérant ayant plaidé lui-même, au vu de la modicité des sommes par lui détenues auprès de l’institut bancaire luxembourgeois l’absence de toute imposition aux Etats-Unis -, lequel, en tout état de cause devrait en l’état actuel du dossier être considéré comme hypothétique, sinon comme évitable sinon réparable, alors qu’il ne résulte d’aucun élément communiqué au soussigné que les parties visées éventuellement par une telle imposition ne pourraient pas bénéficier aux Etats-Unis de voies de recours suffisantes18 . En ce qui concerne ensuite un éventuel risque de préjudice immatériel, il est vrai qu’un préjudice purement moral serait concevable, préjudice résultant de la violation ressentie des droits fondamentaux du requérant. Force est encore à cet égard de constater que la doctrine française19 , reposant sur la jurisprudence européenne et française, semble admettre, en cas d’atteinte illicite aux droits fondamentaux, l’existence d’une présomption de préjudice impliquant un droit à réparation, la réparation dépendant de la nature du droit lésé et de l’intensité de l’atteinte. 16 Voir trib. adm. (prés.) 9 février 2018, n° 40722 ; trib. adm. (prés.) 7 novembre 2018, n° 41907. 17 Trib. adm. (prés.) 10 juillet 2013, n° 32820, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 626. 18 En ce sens : trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39887 et trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39889. 19 X. Dupré de Boulois, La présomption de préjudice : un élément du régime juridique des droits fondamentaux, http://www.revuedlf.com/droit-fondamentaux/droits-fondamentaux-et-presomption-de-prejudice/
  • 12. 12 En ce qui concerne plus particulièrement l’indemnisation des atteintes à la vie privée, la réparation - et partant l’appréciation de la gravité en amont - dépend des circonstances, soit aggravantes, soit minorantes, de l’atteinte20 : au titre d’une aggravation figure essentiellement le caractère public de l’atteinte, c’est-à-dire la diffusion des données collectées en violation du droit au respect de la vie privée et à la protection des données. Or, à cet égard, tel que souligné opportunément par le délégué du gouvernement, les données collectées et transmises le seront par des autorités fiscales tenues à la confidentialité de ces mêmes données : il échet à cet égard de rappeler qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 24 juillet 2015 « (1) Le traitement des informations à communiquer aux Etats-Unis d’Amérique ou reçues de la part des Etats-Unis d’Amérique se fait sous garantie d’un accès sécurisé, limité et contrôlé. Les informations ne peuvent être utilisées qu’aux fins prévues par l’Accord », tandis que l’article 3.7. de l’Accord FATCA précise que « All information exchanged shall be subject to the confidentiality and other protections provided for in the Convention, including the provisions limiting the use of the information exchanged ». Il échet par ailleurs de constater que précisément par rapport au traitement de données résultant de l’Accord FATCA, le Conseil d’Etat français21 a retenu que « compte tenu des précautions dont il est assorti, le traitement litigieux ne méconnaît pas le droit à la protection des données à caractère personnel des personnes qu’il concerne ni ne porte au droit de ces dernières au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été créé. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance, par l’accord du 14 novembre 2013, des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne peut qu’être écarté ». S’agissant de l’incompatibilité avec l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le même Conseil d’Etat français a encore retenu que l’accord FATCA « n’est en tout état de cause incompatible ni avec les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit au respect de la vie privée ni avec celles de la convention n° 108 du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 qui subordonne l’autorisation d’un traitement de données à caractère personnel à l’existence d’une finalité légitime et à des modalités de collecte licites et loyales ». Aussi, au vu de cette obligation de confidentialité et de l’absence de toute divulgation des données collectées à autrui qu’aux autorités fiscales luxembourgeoises et américaines, le soussigné ne décèle en l’état actuel du dossier et des éléments lui soumis, au-delà d’un éventuel préjudice moral intangible et immatériel et en tout état de cause ni quantifié ni quantifiable, pas de risque de préjudice grave. 20 Voir F. Gras, L’indemnisation des atteintes à la vie privée, https://www.cairn.info/revue-legicom-1999-4-page- 21.htm 21 CdE fr 19 juillet 2019, n° 424216.
  • 13. 13 Le soussigné ne saurait dès lors retenir, à ce stade et en l’état actuel du dossier, des moyens y contenus ainsi qu’au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, que l’exécution de la décision déférée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif au sens de la loi. Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande. A titre tout à fait superfétatoire, en ce qui concerne l’examen de cette deuxième condition énoncée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 pour justifier une mesure provisoire, à savoir que les moyens présentés par la partie requérante à l’appui de son recours au fond soient suffisamment sérieux, il y a lieu de rappeler que concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère. L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès. Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère. L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès. Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire : en
  • 14. 14 d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte22 . Le juge du référé appréciera partant si un moyen est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, et ce eu égard à son office. Il prendra donc en compte la situation juridique en s’en tenant à l’évidence et sans trancher des questions de droit qui ne l’ont pas encore été. L’évidence se définit communément comme la « qualité de ce qui emporte l’assentiment immédiat de l’esprit en s’imposant à lui de façon claire et distincte »23 . Elle est caractérisée par son immédiateté, par ce qu’elle ne nécessite aucune démonstration ni aucun raisonnement préalable pour être regardée comme vraie24 : l’évidence est partant une qualité dont est paré le fait ou le raisonnement qui, portant en lui révélation de son existence ou de son bien-fondé, vaut preuve de lui-même et dispense d’autre preuve ou d’autre démonstration25 . Le juge du référé ne peut ainsi en aucun cas tirer d’enseignements et encore moins de conclusions définitives lorsqu’il analyse la condition du caractère sérieux car il ne devra procéder uniquement qu’à un « premier examen » sans anticiper sur l’appréciation, sur le contrôle qu’effectuera le juge du fond. Cet examen se veut sommaire et basé sur les seuls éléments en possession de ce juge ou qui peuvent lui être apportés lors de l’audience. Il doit, en quelque sorte, seulement s’en référer à son intuition provenant de la lecture du dossier, tout en gardant à l’esprit que le juge du fond pourra toujours revenir sur la mesure prononcée en effectuant un contrôle approfondi du dossier. Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie. Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant. C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa. Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux 22 Trib. adm (prés.) 14 avril 2016, n° 37733, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 592, et les autres références y citées. 23 Trésor de la langue française. 24 Le Littré la définit ainsi comme « notion si parfaite d’une vérité qu’elle n’a pas besoin d’autre preuve ». 25 G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 8e éd., 2000.
  • 15. 15 questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction26 . Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs27 . Il convient encore tout particulièrement de souligner que comme la requête en obtention d’une mesure provisoire s’appuie directement et uniquement sur les moyens invoqués au fond, le juge statuant au provisoire est uniquement appelé à apprécier le sérieux des moyens invoqués au fond : il n’est partant appelé qu’à apprécier le sérieux des moyens produits devant le juge du fond, c’est-à-dire les moyens figurant à ce stade dans la requête introductive d’instance enrôlée devant le juge au fond, le juge du provisoire ne pouvant plus particulièrement pas tenir compte de moyens qui pourraient figurer postérieurement à sa saisine dans de futurs et hypothétiques mémoires ampliatifs. En ce qui concerne le premier moyen du requérant, tiré en substance d’un défaut de motivation de la décision déférée et d’une violation en conséquence de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, il échet de relever que les juges du fond admettent la possibilité pour l’autorité administrative ayant pris une décision de produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif, la jurisprudence semblant encore considérer comme sanction adéquate d’un éventuel défaut de motivation la suspension des délais de recours28 , voire l’attribution d’une indemnité de procédure. En effet, si l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tel qu’invoqué par le requérant, impose certes pour certaines décisions une obligation de motivation formelle, en ce sens que les décisions administratives, notamment lorsqu’elles portent un refus, doivent reposer sur des motifs légaux et formellement indiquer lesdits motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, il résulte toutefois d’une jurisprudence solidement établie, assise sur un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2009, n° 25783C du rôle, que les juges du fond refusent de sanctionner une violation par l’administration de son obligation de motivation par l’annulation, au motif que la sanction de l’annulation serait « disproportionnée par rapport au but poursuivi consistant à mettre l’administré le plus tôt possible en mesure d’apprécier la réalité et la pertinence de la motivation à la base d’une décision administrative », la juridiction suprême ayant retenu « par 26 J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197. 27 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Strasbourg, 1993, p. 96 et 97. 28 Voir tout spécifiquement trib. adm. 14 janvier 2008, n° 22756, par rapport à une problématique analogue à celle sous analyse.
  • 16. 16 souci de protéger les intérêts bien compris du justiciable » qu’il appartiendrait plutôt au juge de la légalité, statuant en matière d’annulation, de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse, le juge de la légalité, statuant comme en l’espèce sur un recours dirigé contre une décision administrative intervenue en violation de la loi et des formes destinées à protéger les intérêts privés, ayant en effet à sa disposition « une sanction plus adéquate se dégageant d’une législation postérieure à la législation sur la procédure administrative non contentieuse, à savoir la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, prise en ses articles 32 et 33 permettant aux juridictions administratives de condamner par décision motivée une partie ayant gagné son procès à une fraction ou la totalité des dépens ou de mettre à charge de cette partie la totalité ou une partie des sommes exposées par l’autre partie et non comprises dans les dépens, dont plus particulièrement les frais d’avocat, pour l’hypothèse où il paraît inéquitable de laisser ces frais à charge de cette autre partie ». Il s’ensuit dès lors que l’éventuelle insuffisance formelle de motivation de la décision déférée, ne paraît pas, au vu de la jurisprudence citée ci-dessus et de ce constat provisoire et sommaire, devoir entraîner ipso facto l’annulation par les juges du fond de la décision déférée29 . Il appert ensuite, tel que soulevé par le délégué du gouvernement, que Monsieur X base la quasi-totalité de son argumentaire dans son recours en annulation, sinon en réformation sur base du RGPD, à savoir, pour rappel, le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation des données, et abrogeant la directive 95/46/CE, lequel est, conformément à son article 99 (2), « applicable à partir du 25 mai 2018 ». Il résulte encore de l’article 96 RGPD que « Les accords internationaux impliquant le transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers ou à des organisations internationales qui ont été conclus par les Etats membres avant le 24 mai 2016 et qui respectent le droit de l’Union tel qu’il est applicable avant cette date restent en vigueur jusqu’à leur modification, leur remplacement ou leur révocation ». Il résulte clairement de ces dispositions que les auteurs du règlement ont entièrement déterminé les conditions de la relation entre le droit de l’Union européenne et les accords conclus antérieurement à sa signature qui impliquent le transfert de données personnelles vers des Etats tiers30 . Enfin, il est incontestable que l’Accord FATCA, tel qu’approuvé par la législation luxembourgeoise, est antérieur à cette date, la loi nationale d’approbation datant du 24 juillet 2015 et l’Accord FATCA datant du 24 mars 2014. Il appert dès lors, à première vue, que, tel que soutenu par le délégué du gouvernement, que les normes communautaires censées étalonner la légalité de l’Accord FATCA seraient celles en vigueur au 24 mai 2016, ce qui a priori exclu le RGPD, mais vise plutôt la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, constat explicitement admis par le requérant dans son recours au fond, directive transposée en droit national par la loi du 2 août 29 Voir notamment trib.adm. (prés) 8 janvier 2021, n° 45349 30 CdE fr 19 juillet 2019, n° 424216.
  • 17. 17 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Si, comme exposé par le requérant, les dispositions de la directive en question et de la loi du 2 août 2002 se recoupent éventuellement largement avec les principes, voire avec les dispositions du RGPD tel qu’invoqué à l’appui de son recours, il convient de souligner qu’il n’appartient pas au soussigné, juge de l’évident et du manifeste, de procéder de sa propre initiative à une instruction juridique du dossier en procédant à une confrontation et à une comparaison des deux textes communautaires et nécessitant, le cas échéant, de reformuler les moyens juridiques du requérant afin de les mettre au diapason de la directive 95/46/CE, le juge du provisoire n’étant pas compétent pour procéder à une analyse poussée aux seuls fins de comprendre la finalité et l’argumentation de la requête, étant par ailleurs souligné qu’un tel argumentaire adapté ne se trouve, en tout cas pour l’heure, pas libellé dans l’affaire au fond, étant rappelé que le magistrat appelé à prendre une mesure provisoire ne peut avoir égard, au niveau de l’analyse du sérieux des moyens présentés qu’aux seuls moyens présentés par le requérant en question dans l’instance au fond au jour où le juge du provisoire est appelé à statuer. Le soussigné ne saurait à ce stade tenir compte de l’objection de l’avocat du requérant selon laquelle l’administration des Contributions directes aurait en premier, dans le cadre de la décision déférée, fait application du RGPD et que le requérant n’aurait fait, dans le contexte de son recours contentieux, que se défendre par rapport à cette motivation, de sorte que l’administration des Contributions directes serait en quelque sorte « déloyale » pour soutenir actuellement la non-application du RGPD et lui reprocher de ne pas avoir pris position par rapport à la directive 95/46/CE et à la loi du 2 août 2002. Il est en effet admis par la jurisprudence que l’administration peut, de manière générale, compléter la motivation à la base d’une décision administrative en cours d’instance contentieuse, sous réserve du droit du demandeur de pouvoir y prendre utilement position à travers un éventuel mémoire en réplique. En effet, au-delà de la motivation expressément fournie par l’administration à la base des décisions déférées, il lui est loisible de la compléter en cours d’instance, tout comme le tribunal dispose de la possibilité de procéder par substitution de motifs légaux à partir des éléments du dossier régulièrement produits en cause, entraînant d’un autre côté que la partie demanderesse est admise à amplifier ses moyens en cours d’instance au-delà des développements déployés dans le cadre de la requête introductive d’instance31 . Or, le soussigné constate d’abord que le requérant, dans sa demande initiale adressée en date du 22 décembre 2020 conjointement avec l’Y à l’administration des Contributions directes, a limité la portée de ses arguments au seul RGPD ; si ensuite le directeur de l’administration des Contributions directes a - très brièvement - pris position en date du 22 mars 2021 par rapport à deux demandes déterminées des impétrants basées sur le même RGPD, force est de constater que le requérant, après avoir été confronté au mémoire en réponse de l’Etat du 30 juin 2021, a introduit un recours gracieux en date du 12 juillet 2021 dans lequel il a rectifié son argumentation en basant celle-ci également sur la directive 95/46/CE ; il n’a toutefois, à ce jour pas rectifié son argumentation au niveau contentieux, aucun mémoire en réplique n’ayant été produit au jour de la prise en délibéré de la présente affaire. 31 Voir notamment la jurisprudence citée sous Pas.adm.2020, V° Procédure contentieuse, n° 838.
  • 18. 18 Le fait que le requérant n’a pas fait usage de la possibilité jurisprudentielle lui offerte de rectifier, en réponse à la nouvelle argumentation étatique, sa propre argumentation, ne saurait ériger ipso facto le fait que l’Etat, de son côté, ait rectifié sa propre argumentation dans le sens d’une bonne coopération avec la Justice et d’un éclairage adéquat de celle-ci, le service public de la justice comportant en effet notamment que le juge puisse dire le droit, en attitude déloyale, le requérant devant supporter seul les conséquences de ses propres choix procéduraux, sans pouvoir exiger une dénaturation du référé consistant à permettre à ce contentieux une évolution déliée de son évolution devant les juges du fond. Il s’ensuit encore que de ce point de vue et au stade actuel d’instruction du dossier, les moyens du requérant, reposant essentiellement sur des violations du seul RGPD, ne présentent pas le sérieux nécessaire. Monsieur X doit partant être déboutée de sa demande en obtention d’une mesure provisoire, aucune des conditions devant être cumulativement remplies n’étant données en l’espèce. La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros tel que sollicitée par le requérant laisse d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause. Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ; rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire ; rejette encore la demande en allocation d’une indemnité de procédure ; condamne le requérant aux frais et dépens. Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 septembre 2021 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt. s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 septembre 2021 Le greffier du tribunal administratif