Les émissions mondiales de CO2, état des lieux et tendance
17 Nov 2015•0 j'aime•766 vues
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Environnement
Présentation par Hubert Flocard, Directeur de Recherche CNRS retraité, de son analyse de dix ans d'émissions de CO2, dans le cadre des Ateliers du Shift du 10 novembre 2015.
Les émissions mondiales de CO2, état des lieux et tendance
1. Les émission mondiales de CO2,
état des lieux et tendance.
(analyse de la première décennie du siècle)
Analyse des données fournies par
l’Agence Internationale de l’Energie (IEA)
(Key World Energy Statistics)
« Tenter de post-dire le passé »
Hubert Flocard
2. D’où viennent les données d’émissions CO2 ? Que valent-elles ?
Les données d’émissions de l’IEA proviennent d’une analyse « critique » des informations
fournies par les états..
Elles dépendent
- De la capacité des états à collecter les données
- De la bonne volonté des états à fournir les données collectées
- De la valeur du regard « critique » que l’IEA peut porter sur ces données.
Il a fallu plus de six ans
pour que la communauté
internationale corrige
les données chinoises
des années 1998-2003
sur le charbon
Les données annuelles
sont moins fiables que
les moyennes pluriannuelles
3. La difficulté semble toujours être d’actualité
China Burns Much More Coal Than Reported, Complicating Climate Talks
http://www.nytimes.com/2015/11/04/world/asia/china-burns-much-more-coal-than-reported-complicating-climate-talks.html?_r=1
En 2014, un miracle a été annoncé :
la croissance mondiale sans augmentation
des émissions de gaz à effet de serre.
En 2015, le miracle semble s’évaporer.
“The sharp upward revision in official figures
means that China has released much more
carbon dioxide — almost a billion more tons
a year according to initial calculations —
than previously estimated.
The increase alone is greater than the
whole German economy
emits annually from fossil fuels.”
(c’est à dire à peu près 2 France)
4. L’espoir de disposer de données objectives à moyen terme est faible
Orbitary Carbon Observatory - 2
Chaque année, la contribution anthropique
est très faible par rapport aux flux naturels.
C’est l’accumulation, année après année
qui crée le problème.
5. Les climatologues ne considèrent que les émissions CO2 totales
Mt
CO2
Dans le classement des émetteurs CO2 2011, la France est 18ème
Depuis 20 ans, année après année, la France recule dans le classement.
Au grand jeu des émissions CO2, la France est et devrait rester un « petit joueur »
Les six premiers du classement comptent pour 60 % des émissions du monde
Les 15 premiers du classement comptent pour les ¾ des émissions du monde
Classement 2011 des pays émetteurs de CO2
6. Les politiques et les citoyens
s’attachent plus aux émissions CO2 par habitant
Fiction de l’égalité des humains : vers une « empreinte écologique universelle »
Diagramme des émissions CO2 annuelle par habitant de chaque pays à partir
de deux critères :
1) quelle est l’émission CO2 aujourd’hui ? (se mesure en t CO2/hab.an)
2) quelle a été le taux d’évolution moyen annuel de ces émissions sur la
première décennie du siècle ; émissions, stables, croissantes, décroissantes ?
Pour juger de la situation et de la politique environnementale de chaque pays :
- Les émissions CO2 d’un pays sont-elles petites, grandes, trop grandes ? ,
- La tendance d’évolution de ses émissions est-elle mauvaise, bonne
et dans ce dernier cas en rapport avec l’enjeu climatique ?
Il faut définir un but souhaitable (sinon ce sont juste des chiffres)
7. A la conférence de Copenhague, l’ensemble des pays du monde se sont
mis d’accord sur un but : « limiter à 2°C l’accroissement de température
moyen du globe par rapport au début du XXème siècle »
Le GIEC montre dans son scénario RCP 2.6 que pour atteindre le but sur lequel
les pays se sont mis d’accord à Copenhague, les émissions mondiales de CO2
ne doivent pas dépasser 11 milliards de t CO2 par an en 2050
(en 2011, les émissions étaient : 31,3 Gt CO2, en 2012 : 31,7 Gt CO2)
On estime qu’en 2050 la population mondiale dépassera 9 milliards
d’humains (en fait en 2013, l’ONU prévoyait 9,6 md pour 2050).
En divisant 11md t de CO2 par 9md ha on peut donc définir un but :
« Pour respecter les engagements pris à Copenhague,
il faudrait qu’en 2050, les émissions CO2 annuelles
de chaque humain soient devenues inférieures à 1,22 t de CO2. »
Un but d’« émission CO2 par habitant »
pour contrôler le réchauffement climatique
8. -7%
-6%
-5%
-4%
-3%
-2%
-1%
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
7%
0 5 10 15 20 25
Emissions CO2/h (tCO2/h)
Taux annuel d’évolution des émissions CO2/h (%)
1,22 tCO2/h
Zone très mauvaise :
Non seulement on émet trop de CO2,
mais en plus la tendance est à l’accroissement
Bonne zone (sous la courbe rouge) :
Le taux d’évolution annuel permet d’atteindre le but d’émissions CO2 en
2050 (ou de rester en dessous).
Diagramme pour repérer si un pays est sur le bon chemin pour atteindre le but.
Zone mauvaise :
On émet trop de CO2 ,
la tendance est à la décroissance
Le rythme de décroissance n’est pas suffisant
5 10 15 20 25
9. Le Monde et la France
1) Le Monde est dans la « très mauvaise zone » (déjà trop d’émissions et qui s’accroissent)
2) La France est dans la « mauvaise zone » (4 fois trop d’émissions qui ne diminuent pas assez)
3) Dans quelques années, l’ « humain moyen » émettra autant que le « Français moyen ».
4) C’est la stagnation économique jointe à la désindustrialisation du pays qui explique la
décroissance des émissions françaises.
10. Taux annuel pour le monde et la France
Le Monde
Le poids de la Chine
L’effet de la crise de 2008
La France
Un pays en déclin économique
11. Les six plus gros émetteurs de CO2 du monde : 60 % des émissions
- 4 pays sont dans la zone très mauvaise et 2 dans la zone mauvaise.
- Même l’Inde émet déjà plus de CO2 par habitant que le but souhaitable pour 2050.
- 5 pays sur 6 ont des émissions par habitant supérieures à celle de la France
- Chaque année l’accroissement des émissions chinoises correspond à « deux Frances »
- L’analyse des taux, année après année, montre que la crise de 2008 a fait baisser le
taux moyen des USA, de l’Allemagne du Japon et de la Russie.
12. Taux annuel pour les six « grands »
Quatre pays
sont frappés
par la crise
de 2008
La Chine est
épargnée.
13. Existe-t-il vraiment une politique européenne en matière d’émissions CO2 ?
- Tous les pays européens sont dans les zones mauvaise ou très mauvaise
Luxembourg
- En matière d’émissions CO2, l’européen moyen n’existe pas. Un allemand ou un danois
émet en moyenne 80 % et 70% de plus de CO2 qu’un français.
- Les taux d’évolution n’indiquent aucune convergence des émissions CO2 par européen.
- Les pays ayant les taux de décroissance d’émissions de CO2 les plus grands sont parmi ceux
qui ont subi une forte crise économique (Portugal, Irlande, Islande)
- 4 des 5 des pays dont chaque citoyen émet moins de CO2 qu’un français ont un programme
nucléaire important (Suisse, Suède, Hongrie, Roumanie)
14. Taux annuel de 4 pays fortes victimes
de la crise de 2008
18. Les exportateurs de combustibles fossiles
Pour accommoder le Qatar il a fallu
étendre l’échelle horizontale
jusqu’à 45 tCO2.h.
Pour accommoder le sultanat d’Oman
il a fallu étendre l’échelle verticale
jusqu’à 9 %.
La croissance démographique de
Certains pays maintient les
Taux par habitant assez bas (Algérie)
Dans ce groupe on trouve le Canada
Et l’Australie
On note le Vietnam qui malgré sa forte
Croissance démographique (75 mh)
Voit ses taux moyens annuels
Proches de 12 %.
20. Bilan de la première décennie du XXIème siècle
(75 pays , 85% population, 96% PIB, 93% émissions CO2)
- Seuls les pays en état de crise économique endémique (Haïti, République du Congo,
Corée du Nord, Bangladesh …) ou partiellement détruits par des conflits (Lybie, Irak)
ont leur points représentatifs dans la bonne zone du diagramme.
- On peut toujours assigner les baisses d’émissions de CO2 par habitant significatives
à une crise économique qu’elle soit forte (Espagne, Grèce) ou rampante (France).
- La crise de 2008 est bien visible sur les courbes d’émissions de tous les pays de l’OCDE.
- Les pays émergés ou émergents (Chine, Inde, Brésil, Vietnam, Indonésie, Mexique,
Turquie, Afrique du Sud) sont tous dans la zone très mauvaise.
Leurs émissions CO2/h qui sont déjà trop grandes sont de plus en forte croissance.
- Les actions de la France (croissance ou décroissance) en matière d’émissions de CO2 ne
peuvent pas influer sur le réchauffement climatique. (« trop petit joueur »).
- C’est pourtant l’intérêt de notre pays de faire décroitre ses émissions CO2
en réduisant notre consommation de combustibles fossiles
mais pour d’autres raisons (balance commerciale, indépendance énergétique)
21. Une « solution » qui ne « marche » pas
Le déploiement massif des énergies renouvelables électrogènes (éolien, solaire)
n’entraine pas de réduction des émissions de CO2 :
exemple de l’Allemagne (mais aussi l’Espagne).
Puissance (MW)
installée en énergies
renouvelables
Électrogènes
en Allemagne
Emissions CO2
du secteur de
la production
électrique
allemande
22. L’essentiel du CO2 émis dans le monde
l’est pour la production d’énergie électrique !
Comparaison des dix premiers producteurs mondiaux d’électricité ( IEA 2014)
Horizontal : quantité totale d’énergie électrique produite ; unité TWh
Vertical : intensité CO2 de l’énergie électrique ; unité gCO2/kWh
Surface tâche bleue : quantité de CO2 émise pour l’électricité (MtCO2)
23. Récapitulation
- L’ensemble des pays du monde émettent trop de CO2 pour tenir les engagements (2°C)
qu’ils se sont pourtant assignés dans l’accord de Copenhague et que l’organisation
de la conférence de Paris (COP21) continue encore à évoquer comme un but atteignable :
Déni de réalité ? Artifice de communication ? Méthode Coué ?
- Sauf crise économique mondiale majeure, ou crise énergétique (la seconde entrainant
la première) l’accroissement de température par rapport à 1900 sera supérieur à 2°C.
Il faudra en gérer les conséquences. Il faudra s’adapter.
- Les 15 pays les plus gros émetteurs (75 % des émissions) détiennent les clés du problème.
Si ces 15 se mettent d’accord sur une méthode de réduction, le reste du monde
(dont la France qui ne fait pas partie des 15) suivra. Sinon…
- Compte tenu de la diversité des situations économiques de ces 15 pays, il leur sera très
difficile de se mettre d’accord. (exemple : les « pseudo-accord » USA-Chine ou de Lima ).
- Tant que l’économie du monde dépendra à 80 % de l’usage des combustibles fossiles, il
n’y aura pas de « croissance verte globale ».
Si la « croissance verte » existe,
aucun pays ne l’a pour l’instant trouvée.