Tu es né en chinois ?
Représentations sur le langage et les
langues chez des enfants de 5-6 ans.
Projet de recherche en collaboration avec Isabelle
Audras et Marité Vasseur
Violaine BIGOT, Diltec,
1
Questions de recherches / Outils de recherche
Qu’est-ce que les enfants
comprennent des enjeux
langagiers de leurs
apprentissages scolaires (MS-GS)
Quelle compréhension ont-ils de leur
environnement plurilingue ?
Attitudes d’ouverture/fermeture vis-
à-vis de la diversité des langues et
de l’enrichissement de leur
répertoire.
Entretiens chercheurs / élèves sur :
les apprentissages (notamment
langagiers) à l’école, les
répertoires langagiers des élèves
et celui de leur entourage
immédiat et plus lointain / leur
envie, leurs représentations
concernant l’apprentissage
d’autres langues
25 entretiens dans des classes
d’écoles ZEP / 8 entretiens d’école
centre ville
Observations (enregistrements) des
classes
2
Questions de recherches / Outils de recherche
• Comment l’école peut-elle
contribuer à
• 1. enrichir la compréhension
qu’ont les élèves de leur
environnement plurilingue
(valorisation des langues du
répertoire familial, ouverture à la
diversité)
• 2. développer des attitudes
d’ouverture à cette diversité.
Expérimentation de démarches
pédagogiques d’éveil au langage
et à la diversité des langues
construites par les enseignants.
Recueil de données ethnographiques
(notes d’observation, entretiens,
enregistrements d’activités de
classes) pour étudier le
développement de ces
expérimentations
Evaluation de l’impact de ces
séances par des entretiens post-
expérimentations 22 entretiens,
conduits après les séquences
d’éveil au langage et à la diversité
des langues
3
Etudes préalables de ces données :
Question sur les apprentissages à l’école et les
activités langagières
• Rappel : les IO recommandent que les élèves apprennent à
dire : « la spécificité de l’école, ce qu’ils y font, ce qui est
attendu d’eux, ce qu’on apprend à l’école et pourquoi on
l’apprend » QUID de l’ORAL
• Analyse de contenu des réponses à la question « qu’est-ce
qu’on apprend à l’école » : analyser la manière dont les
apprentissages langagiers sont perçus, construits par les
élèves / / des observations et enregistrements de séances
ayant le développement du langage comme objet direct ou
indirect
• Les élèves se montrent peu capables de « dire ce qu’ils font à
l’école » en termes d’activités langagières orales (= objet non-
identifié)
4
Quelles langues parles-tu ?
Est-ce que tu connais des gens qui
parlent d’autres langues que le
français ? Et dans la classe ?
Orienter leurs discours sur les langues vers
d’autres contextes que les pratiques
langagières
Comment parlent-ils de la diversité des langues
? Capacité à identifier des répertoires
plurilingues, à nommer des langues ?
5
Méthodologie d’analyse des entretiens
Tension entre nécessité de faire des explorations
systématiques du corpus sur certaines questions ET les
risques liés à la « décotextualisation » de données sorties
des dynamiques interactionnelles dans lesquelles elles ont
émergé.
Aller-retour : Décotextualisation – recontextualisation
Exemple de traitement des données pour étudier la question
de la diversité des langues nommées par les enfants des
deux populations étudiées.
6
La dimension comparative
Non prévue initialement – hasard des terrains –
guide pour le questionnement
Y a-t-il des différences du point de vue du sens
que les élèves donnent aux activités
langagières de l’école ? (pas aujourd’hui)
Quelles différences dans les discours tenus sur
les langues ?
7
Diversité du panorama des langues
Analyse des réponses apportées aux questions sur « répertoires
langagiers » des enfants, de leur entourage + langues entendues
(quartier, télé…)
25 Entretiens ZEP 8 Entretiens école de
centre-ville
Nombre moyen de langues
(autres que le français) cité
dans chaque entretien
2,6 1,8
Nombre d’entretiens où
sont citées 3 langues et
plus
9
7 langues : 1
6 langues : 2
5 langues : 3
4 langues : 1
3 langues : 2
2 (3 langues citées)
Nombre de langues
citées
18 langues différentes 5 langues
8
La capacité à dire la diversité
langagière
Sur la question de la diversité langagière, et avec
ce maigre indicateur du nombre de langues
citées, les élèves de milieux « défavorisés »
manifestent des savoirs plus étendus que ceux
de milieu favorisé.
9
24
entretiens
école ZEP
8 entretiens
école centre -v
Anglais 20 6
chinois 5 3
Espagn. 4 3
Arabe* 6 + 2 Ø
Portug. 5 Ø
tchétchè 5 Ø
Langues les plus citées (au moins 5 fois)
tableau : nombre d’entretiens où les langues sont citées
* + 2 = une référence à l’algérien et une
référence au marocain
10
L’anglais : langue à tout faire
• L’anglais est cité dans 26 entretiens sur 33
Sur 7 entretiens où l’anglais n’est pas cité : 2 entretiens : aucune langue citée / 3
entretiens : une seule langue citée / 2 ent : 3 et 4 langues citées.
L’anglais est cité autant comme langue des répertoires des élèves, que
comme langue des répertoires des parents, que comme langue entendue
(à la télévision notamment).
• Anglais = terme générique pour désigner toute langue
étrangère dont on ne connaît pas le nom. Par exemple
1 élève (parents de langue wolof) : « eh ben maman + elle parle anglais et
papa aussi (…) ils ont pas la même langue que moi. » (ent. 14)
1 élève : « ben ma petite sœur quand elle parle et ben ma petite sœur elle
parle comme anglais ma petite sœur » (ent. 11)
1 élève (à propos de la maman d’un camarade tchétchène) : eh ben Ayub sa
maman elle parle chin anglais (ent.33)
(Dialogue élève-enquêteur) L’anglais : Bah moi des fois ils parlent en anglais
Toi ? Non qui ça ? Des noirs ah des noirs ? D’accord mais pas sur les blancs
11
L’anglais dans les entretiens pré
Langue sans domicile ni
locuteurs fixes
• Langue clairement
évoquée comme langue
véhiculaire, langue 2.
Une seule exception, réf. à
des cousins en Amérique
par une élève de l’école
centre-ville.
Langue « incarnée »
• Référence à des locuteurs
et pays de l’étranger
(cousins, amis de divers
pays en centre ville) et
(Docteur House en ZEP)
• Exhibition de compétence
(2 fois chez des élèves de
centre ville) : seule langue
exhibée
12
Le chinois
• // avec l’anglais (= prototype de la langue
étrangère)
1 élève (à propos de la maman d’un camarade
tchétchène) : eh ben Ayub sa maman elle parle
chin anglais (ent.33)
+ ent 22
• A la différence de l’anglais – associé à des
éléments culturels (karaté, films violents, Japon)
• Langue d’évasion : « Moi j’suis le seul à parler en
chinois » enquêteur : « et tu parles chinois avec
qui avec ta maman ou avec ton papa » « Ben
j’suis j’parle tout seul » un autre élève : « ça veut
dire que t’es né en chinois » 13
le tchétchène : langue étrangère / langue étrange
• Ent 7– int 111 : « Mon petit frère i parle un ptit
peu en tchétchène il a dit mama papa
teuteu »
• Entretien 29 « je sais en anglais et aussi en
tchétché / tchétché ? c’est quoi tchétché / ben
oui / c’est quoi tchétché ?/ en tchétché ça veut
dire que tu parles une autre langue. »
• Mais également langue repérée chez les
camarades
14
Les projets pédagogiques
Ecole Lucie Aubrac (ZEP) :
2009-2010 : séquence autour de la comptine du
petit cheval en différentes langues
2010-2011 : projet petit train des langues construit
avec des parents venus, à tour de rôle, dans les
deux classes, présenter leur(s) langue(s).
Ecole Volney (centre-ville) :
2010-2011 : projet : les doudous autour du monde.
15
Le plurilinguisme de l’environnement
immédiat
• Très peu identifié :
Seules langues repérées chez les camarades : le
tchétchène (3 occurrences)
L’arabe (1)
L’anglais (1)
16
Résistances à l’apprentissage
Bcp de réponses négatives à la question « as-tu envie
d’apprendre d’autres langues ? »
• P.221 – int. 64 Mon papa et ma maman avant ils
parlaient français et maintenant ils parlent chinois
• p.158 int 58 A propos de Enzo, qui nous a déclaré le
sénégalais dans son répertoire : un élève, lors d’une
interview dit « ben Enzo avant il parlait anglais
maintenant il parle français »
• P. 149 int. 215 : à la question Veux-tu apprendre une
autre langue : « non parce qu’on oublie l’autre langue
qu’on parlait avant »
• + peur de ne plus se comprendre
17
Partageons nos langues :
Projet « Petit train des langues »
Conçu et réalisé par Maud Dargent
et Dominique Calles avec la
complicité des parents de leurs
classes de Moyen-Grands.
Ecole Maternelle Lucie Aubrac, Le Mans, 72.
Projet suivi par Isabelle Audras, Violaine Bigot et M-T
Vasseur.
Photos et ppt : V. Bigot
18
Ils se sont inscrits sur des plannings affichés devant la classe
19
On partage un petit goûter puis Maud-Oceane et sa maman chantent une comptine en
KiKongo.
Pour entendre la comptine chantée par Maud-Oceane et sa maman :
20
Des doudous venus d’ailleurs
Classe de moyenne section
(Projet mis en œuvre par F. Lhéritier, dans sa classe
de MS, Ecole Volney, Angers)
Projet suivi par V. Bigot
Photos et Ppt : V. Bigot
21
Entretiens post-Jopachim 1
23
j : xx toutJoachim 1
candice : chinois
j : pas le chinois
c : pas le chinois ++
j : xxx
c : qu’est-ce que tu dis joachim ?
s : on a fait l’espagnol
c : vous avez fait l’espagnol syrine ? et joachim tu demandais quoi tu disais quoi là ?
j : je disais la langue à mohamed c’est quoi ?
c : ah la langue à mohamed c’était quoi ? ++puisque mohamed il vous a présenté sa langue
aussi ?
j : oui
s : c’est la maman de mohamed et souareba
c : la maman de sohamed et de mohamed et souareba
j : mais moi j’étais pas là
c : d’accord ah d’accord est-ce que vous pouvez me dire on va en reparler encore est-ce que vo
pouvez me dire chacun quelle langue vous parlez ?
j : moi euh capvert france portugal
c : alors toi joachim c’est cap vert france portugal c’est des langues ça cap vert france portuga
Entretiens post Joachim 2
24
1.j : moui joachim
2.ohamed il parle le ki congo
3.c: oui
4.j: c’est ça ?
5.c: non je sais pas
6.j: le ki congo mohamed
7.c: et quelles langues ? d’autres langues encore?
8.j : le ki congo
9.c : oui
10.s : y a aussi l’espagne
11.c : l’espagnol oui syrine est-ce qu’y a d’autres enfants qui parlent d’autres langues ?
12.s : aussi la maman de junior
13.c : ah elle est venue aussi la maman de junior ?
14.candice : oui
15.j : ah je me rappelle plus
16.c : non non non joachim ah tu voudrais aller dans la classe pour qu’est-ce que tu
voudrais faire là on peut pas
17c : tu veux regarder dans la classe ? qu’est-ce que tu
xx regarder alors joachim ?
18 c : oui mais comment vous allez faire pour la
retrouver ?dans la classe ?
19. candice : le le la langue de la maman de soareba
20 j : dans les trains
21c : ah dans les trains vous allez regarder les trains ?
c’est écrit le nom de la langue ?
22.j : non
23 c : non ?
24. j : je veux regarder
25.j : y a le pays
26.C ah y a le pays le drapeau donc tout à l’heure on
regardera quand on retourne
25
Entretiens Post -Icham
26
c : est ce que tu parles d’autres langues achim ?
a : non oui
c : lesquelles alors ? ++
a : la langue de cyrill
l-a : cyrill
c : est-ce que tu parles la même langue que cyrill ?
a : oui
c : c’est quoi cette langue ?
a : je sais pas
j : moi je sais
c : tu sais jessica ? c’est quoi ?
j : c’est l’arabe
c : l’arabe d’accord
a : oui c’est ça
c : tu parles arabe ?
a : oui
c : d’accord
a :j’avais oublé moi
c : t’avais oublié alors chez toi tu parles arabe ?
Références bibliographiques
(hors champ plurilinguisme)
Bautier, Elisabeth, Les inégalités d’apprentissage,
Presses Universitaires de France, 2009.
Bautier, Elisabeth, Apprendre à l’école, apprendre
l’école, Des risques de construction d’inégalités
dès l’école maternelle, Chronique sociale, 2006.
Rayou, P : La grande école, approche sociologique
des compétences enfantines, PUF, 1999.
Danic, Dalalande, Rayou : Enquêter auprès d’enfants
et de jeunes, Presses Universitaires de Rennes,
2006.
27
Notes de l'éditeur
Préciser que le corpus n’avait pas le degré de complétude qu’il a maintenant
Analyse de contenu des réponses à la question « qu’est-ce qu’on apprend à l’école » pour analyser la manière dont les apprentissages langagiers sont perçus, construits par les élèves / analyse conduite au regard des observations et enregistrements de séances ayant le développement du langage comme objet direct ou indirect (Inrp 2010 –Edilic 2010) : le travail sur le langage oral Vs absent du discours des élèves sur les apprentissages à l’école / manifeste dans les échanges de la classe. Ecrit très présent dans les discours, quand recentration sur oral (à l’initiative des chercheurs) : écouter la maîtresse, se taire
Etude en cours sur la nécessité / possibilité de dépasser la forme scolaire pour mettre en œuvre un travail de réflexivité sur les pratiques langagières – notamment interrogations sur les relations de transmission de savoirs et d’expertise lors de la venue des parents (recherche en cours)
1ère ligne du tableau : les langues ne sont comptées qu’une fois (= si l’arabe est cité plusieurs fois dans l’entretien, on ne le compte qu’une fois. ) puisque ce qui nous intéresse ici c’est la diversité des langues citées.
Les langues sont comptabilisées même lorsque elles sont « mal nommées » à partir du moment où le contexte pragmatique « quelle langue tu entends dans le quartier ? Anglais OU syntaxique « ma tata elle parle Espagne » permet de reconnaître que l’enfant a voulu nommer une langue.
Annoncer que cette diversité en nombre de langues citées
Certaines langues passent la frontière ZEP-CV d’autres non
Mais les références à ces langues se font dans des co-textes bien différents, ce que masque bien sûr un tel tableau.
On peut distinguer les emplois de où la langue est clairement associée à des pratiques de locuteurs/interlocuteurs précis et semble renvoyer à une réalité assez tangible pour l’enfant des emplois où la langue est cité avec quasiment un sens générique de langue étrangère ou de langue étrange.
Dans certains emplois de ces noms de langue, le nom de langue choisi semble plutôt a un sens quasi « générique » de « langue étrangère » ou de « langue étrange », « langue mystérieuse ». L’anglais remplit souvent cette fonction-là
L’anglais est cité autant dans les entretiens ZEP que les entretiens centre-ville
eh ben maman + elle parle anglais et papa aussi (…) ils ont pas la même langue que moi. Il s’agit de l’’entretien 14 – c’est Fatima qui dit cela or La maman de Fatima présentera le Wolof pendant l’activité « petit train des langues » l’année suivante
Concernant l’exemple de Ayub (Rassoul), l’entretien se développe ainsi : moi j’ai entendu de la maman de rassoul . ah oui / et ben rassoul sa maman elle parle chin anglais / (un autre élève) chinois ? / non anglais / ah oui donc vous avez entendu aussi rassoul parlerune autre langue / non c’est la maman de rassoul / parler rassoul / non non rassoul il parle anglais aussi / avec sa maman ? oui/ dans la classe il parle pas anglais
L’anglais : Bah moi des fois ils parlent en anglais Toi ? Non qui ça ? Des noirs ah des noirs ? D’accord mais pas sur les blancs
Anglais : langue sans locuteur fixe : dans les entretiens, dans beaucoup d’usage, l’anglais est donc pris comme une sorte de terme générique pour désigner « les langues étrangères » de manière générale. Elle apparaît paradoxalement comme une langue + abstraite et + concrètes que les autres langues citées. Plus abstraite parce qu’elle n’est associée à aucun pays (contrairement aux autres langues citées où il y a des confusions et-ou associations explicites nombreuses Territoire/langue : Afrique-africain / Espagne-espagnol / algérie-algérien / congo-congolais etc. etc. Rien de tel pour l’anglais. L’Angleterre et l’Amérique sont absolument absentes des entretiens. L’anglais est très souvent mentionné comme langue du répertoire des parents, comme langue du répertoire des enfants, même plusieurs fois comme langue de communication dans la famille). Deux exceptions dans l’école de centre-ville où un él explique « j’ai des cousins qui sont en anglais (…) aux Etats-Unis » et une autre explique « ma sœur elle a pris des cours d’anglais », qui constituent deux évocations concrètes et possibles de communication en anglais.
Mais c’est aussi la seule langue pour laquelle, dans deux entretiens (un ZEP, un centre ville) les enfants disent quelques mots pour montrer leur compétence. C’est de ce point de vue que je considère qu’elle est plus « incarnée » que d’autres langues fréquemment citées comme le chinois (voir diapo suivante).
Dans l’entretien 7 et dans l’entretien 29 il n’y a aucun enfant de langue tchétchène
On ne compte plus les papis, mamis, les tatas etc. qui parlent chinois,
Il n’en sera pas vraiment question dans cette présentation. Je les évoque ici rapidement pour donner une vision plus complète de l’ensemble du projet. Concernant notre manière de concevoir l’innovation et la collaboration avec les enseignants, pour ceux qui ont assisté à la présentation d’hier sur le projet en école primaire : nous sommes dans la même démarche.
Je m’excuse pour le caractère stigmatisant et très réducteur de la distinction « école zep VS école centre-ville » Il est ici tout simplement commode
Ces deux projets font l’objet d’un compte-rendu sous forme de diaporama déposé sur le site.
Pour l’anglais – cas d’un élève bilingue dans la classe de centre ville – pas mal commenté en classe
Le papa d’Achim est venu présenter l’arabe standard