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1  sur  65
JosEPh l’insoumis
                                                                  une aventure cinématographique

                                                                   Photographies Elisabeth Roger
                                                                           ∂
                                                                                 Textes
                                                                             Jacques Weber
                                                                            Anouk Grinberg
                                                                            Caroline Glorion
                                                                       et les équipes artistiques
                                                                       et techniques du film…
Photos de couverture : François Philiponeau / Elisabeth Roger


© ELYTIS 2011
51, avenue Jeanne d’Arc 33000 BORDEAUX
www.elytis-edition.com
ISBN : 978-2-35639-083-7                                                         elytis
PRéfACE


   CE QUE CAROLINE GLORION a réussi dans le film Joseph l’insoumis et
qu’Elisabeth Roger a su restituer avec intensité dans les photos de ce
livre, inscrit dans le réel l’utopie rêvée par le Père Joseph quand il a fondé
le Mouvement ATD Quart-Monde en 1957.
   Il n’y a plus ici d’un côté des acteurs professionnels et de l’autre des
figurants confrontés dans leur vie quotidienne à la misère, il y a des
deux côtés des acteurs qui prennent ensemble le risque de faire revivre,
face à une caméra, une histoire qui mène inévitablement à la trans-
formation de tous.
   Les uns et les autres, en décidant de s’associer dans cette création
artistique extraordinairement exigeante, parviennent avec force vérité et
authenticité à faire en sorte qu’il n’y ait plus d’un côté une histoire de
fiction, et de l’autre une histoire de réalité.
   De son vivant, Joseph, l’insoumis, a exprimé le rêve qu’un jour
l’humanité n’ait plus qu’une seule Histoire à raconter à ses enfants,
celle où l’égale dignité voulue et reconnue par tous a raison de
l’humiliation et de l’assistance.
   Qui aurait pu penser, au milieu de cette boue du bidonville de
Noisy-le-Grand, que des femmes et des hommes initieraient une
nouvelle histoire d’alliance aussi espérée qu’inattendue ?
   Qui aurait imaginé que, cinquante ans plus tard, cette histoire
essaimerait aussi bien au flanc des ravines à Port-au-Prince, que dans
les quartiers où l’eau monte d’année en année à Dakar, sur les
décharges à Guatemala City, ou dans les banlieues les plus
abandonnées de l’Occident ? C’est là en effet que des citoyens


                                     .5.
reconnus ou méconnus, s’inspirant de l’aventure vécue par le père
Joseph et ces familles de Noisy-le-Grand, agissent aujourd’hui ensemble
pour que, dans l’égale dignité, chacun puisse offrir à tous sa dimension
d’acteur à part entière.                                                        BIENVENUE DANS CE LIVRE construit comme un voyage à travers
                                                                              des photos, des témoignages ou des textes assemblés comme les
   C’est pourquoi ce film est attendu aussi bien à Manille qu’à Varsovie,     pièces d’un puzzle. Nous l’avons voulu impressionniste, une
à Ouagadougou qu’à New-York.                                                  invitation à partager notre aventure cinématographique à travers les
   Il est attendu partout où les Droits de l’Homme sont piétinés, forçant     allées du décor, le croisement d’un regard, le moment d’une
à l’exil, chassant et privant de tout des communautés entières.               rencontre ou le mystère d’une silhouette en silence.
   Il est attendu aussi là où certains s’emmurent dans des sécurités            Je n’ai découvert ces photos que le dernier jour du tournage.
illusoires, au prix d’une totale insécurité pour d’autres.                    Elisabeth Roger avait été si discrète et moi sans doute si concentrée sur
   Il est attendu encore là où les uns continuent à réfléchir, à décider à    le plateau… Nous ne nous étions pas parlé, à peine croisées mais en
la place des autres, sous prétexte de les protéger.                           regardant ses images, j’ai été saisie par la simplicité des cadres, la force
   Il est attendu par tous ceux, riches et pauvres, qui s’investissent        des regards, l’intelligence avec laquelle elle avait capté des moments de
ensemble dans le monde de l’art, dans celui des sphères politiques,           calme et de confiance, de concentration, de gravité et de légèreté. Qui
économiques, environnementales.                                               est qui ? Acteurs ou figurants ? Professionnels ou non ? Techniciens ou
   Il est attendu par ceux qui agissent dans le champ de la paix, de la       artisans ? Réalité ou fiction ?
spiritualité.                                                                   C’étaient les coulisses du plateau, l’énergie et l’humanité de
   Parce que ce film crée et rend compte des possibles qui rapprochent        toutes ces personnes qui ont travaillé ensemble.
les humains, il est attendu partout. Ainsi, comme le dit dans ces pages         Partager les coulisses de ce tournage, c’est partager nos émotions,
Geneviève Avril :                                                             notre travail mais c’est aussi raconter une démarche, celle que j’ai
   “Celui qui va me voir pour la première fois, il va peut-être partir en     souhaité en rassemblant, pour réaliser le film, des acteurs talentueux,
courant mais s’il accepte de parler avec moi, on va peut-être devenir amis,   des techniciens chevronnés mais aussi des hommes et des femmes qui
comme si on se connaissait depuis toujours.”                                  étaient étrangers au monde du cinéma. Des familles qui aujourd’hui,
                                                                              en 2011, se battent encore quotidiennement pour vivre dignement
                                                                              dans une société dure où le travail, le logement manquent
                                                         EUGEN BRAND,         cruellement, où les plus fragiles sont laissés de côté.
                          DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU   MOUVEMENT INTERNATIONAL
                                                                                 Avec Julie Lecœur, nous les avons rencontré grâce au centre social
                                                    ATD QUART-MONDE
                                                                              de Bègles, ville où le tournage s’est déroulé, et à l’équipe du
                                                                              Mouvement ATD Quart-Monde de Bordeaux. Ils ont accepté ainsi de
                                                                              prêter leur voix, leur corps, leur visage, pour incarner les personnages


                                                                                                                  .7.
UN FILM INSPIRÉ DU COMBAT DU PÈRE JOSEPH WRESINSKI
du film. Au cours de la préparation, nous nous sommes retrouvés                    FONDATEUR DU MOUVEMENT ATD QUART-MONDE
plusieurs fois pour improviser, découvrir ensemble le scénario, nous
apprivoiser et apprivoiser ce “métier” d’acteur de complément, plus                   Début des années 60, un bidonville aux portes de Paris. Des familles
connu sous le nom de “figurant”. Souvent je répétais : “C’est ce qui se            survivent sous des abris en forme d’igloos dans une misère effroyable et une
passe à l’intérieur de vous que je vais filmer, ce qui se passe dans votre         violence quotidienne. Un homme, le Père Joseph Wresinski, vit là, au milieu
esprit, dans votre cœur… Ce sont vos émotions, vos pensées qui                     de ceux qu’il appelle “son peuple”.
imprimeront la pellicule…”                                                            Parmi ces familles, celle de Jacques et de sa mère Alicia.
                                                  Alors précisément c’est             Leur vie va être transformée par leur rencontre avec le Père Joseph. Celles
                                                cette intimité qui se dévoile à    aussi de ceux qui vont rejoindre le combat de ce curé révolutionnaire. Un
                                                travers les photos et les textes   combat contre l’assistance et la charité qui, dit-il, “enfoncent les pauvres dans
                                                de ce livre. Avec pudeur et        l’indignité”. Joseph chasse les soupes populaires et installe dans le bidonville
                                                                                   un jardin d’enfants, une bibliothèque mais aussi un salon d’esthétique et un
                                                générosité. L’expérience de la
                                                                                   foyer pour les femmes. Il propose aux familles de se rassembler pour faire
                                                vie dure, du combat quoti-         entendre leur voix.
                                                dien a nourri l’interprétation        Venus du monde des nantis, des jeunes gens s’engagent à ses côtés ;
                                                de chacun et a permis              Suzanne, Catherine mais aussi Geneviève de Gaulle, la nièce du général,
                                                d’incarner avec fierté la vie et   ancienne résistante et déportée qui va lui ouvrir les portes vers les pouvoirs
le combat de ceux qui entouraient, à l’aube des années 60, le Père Joseph          politiques. Mais les oppositions sont farouches, les responsables politiques
Wresinski dans le bidonville de Noisy-le-Grand.                                    traitent Joseph de “curé de la racaille” et le considèrent comme un dangereux
   Je crois fermement à la force du partage des expériences, à la rencontre        agitateur. Dans le bidonville, certains, habitués à survivre de la charité
d’univers souvent très éloignés. Ce qui nous a rassemblés, c’est                   publique et de trafics en tous genres, réclament le départ de ce curé qu’ils
l’exigence dans le travail, la curiosité et le respect de chacun, le plaisir de    prennent pour un illuminé.
créer et la responsabilité de raconter cette histoire.                                Bagarres, incendies criminels, dénonciations et coups tordus vont ébranler
                                                                                   la lente progression qui réunit ceux qui suivent le Père Joseph.
    Joseph l’Insoumis est mon premier film de fiction. C’était pour moi
                                                                                      Un quartier en dur sera pourtant construit à la place du bidonville. Pour le
aussi une aventure inédite, intimidante et parfois un peu effrayante. La           Père Joseph c’est un échec car il rêvait “d’un vrai projet politique ambitieux”
confiance et l’engagement de chacun a été un moteur puissant. Tous                 mais comme il le dit à Jacques à la fin du film : “Nous avons tout de même
m’ont encouragée avec fermeté et enthousiasme à raconter cette histoire            gagné une chose : la dignité, la fierté d’avoir lutté ensemble… et on va
d’hier qui résonne si fort avec la réalité et nos combats d’aujourd’hui.           continuer…”
                                                                                      Trente ans plus tard au cours d’une grande manifestation en plein Paris, le
                                                        CAROLINE GLORION           Père Joseph, fondateur du Mouvement ATD Quart-Monde rassemble des
                                                                  RÉALISATRICE     familles venues des quatre coins de la planète.
                                                                                      Ce jour-là, ils prennent la parole et le monde les écoute.



                                                                                                                          .9.
I
DES REGARDS QUI S’APPRIVOISENT
 tnesiovirppa’s iuq sdrager seD
        La misère est l’œuvre des hommes,
    seuls les hommes pourront la détruire.

                      JOSEPH WRESINSKI
Dans les réunions de préparation, il fallait accepter l’idée que
       je représentais “une gueule”, celle de quelqu’un qui vivait dans
       un bidonville dans les années 60. Il fallait accepter que
       j’avais été choisie pour            ça. Il me fallait m’accepter
       telle que j’étais. Mais au fur et à mesure du tournage, la
       manière dont on était regardé par la caméra, par les acteurs,
       par Caroline, j’ai oublié. Nous n’étions pas simplement des
       images en fond de décor.

                                                    GHISLAINE GERARD




         Dans le film, je suis Madame Dubois. Comme je savais
       tricoter, on m’a demandé de montrer à Anouk comment faire
       pour qu’elle apprenne. On s’est donné une semaine, une
       heure par jour. Elle n’avait jamais touché à des aiguilles, ne
       savait pas comment on monte des mailles. On n’a fait que le
       jersey et la maille à l’endroit.

                                                    FRANÇOISE HAMEL




.12.                                .13.
De mon bureau, j’ai souvent jeté un coup d’œil sur ces
“figurants” qui attendaient leur tour avec une patience infinie.
Jamais un soupir, jamais de lassitude, les amoureux
semblaient bienheureux sous le             barnum et ne
voyaient pas le temps passer, les enfants passaient le temps à
jouer. Aucun malaise n’émanait de cette discrétion étonnante.
Puis tout le monde se mettait au boulot.

                                                 ISABELLE GIES




  Anouk Grinberg, c’était pas une    actrice, c’est quelqu’un
               qui s’est mélangé à notre                   vécu.
                                               DOMINIQUE DHONT

                              .14.
La peur d’être rejetée, de ne pas réussir ma vie, de rester au bord
       de la société… Je vis avec cette hantise en permanence. Sur le
       tournage, j’ai rencontré des personnes, des “vrais gens” qui
       connaissent ce sentiment, qui ont éprouvé ou éprouvent réellement
       cette peur car leurs conditions de vie sont dures, précaires. Leur
       courage, leur force   et leur dignité m’ont convaincue
       que j’avais tort d’avoir peur.                   Et plusieurs fois, en
       leur présence sincère et chaleureuse, je pensais au vers de Rimbaud :
       “Et le regard qu’il me jeta me fit baisser les yeux de honte”.

                                                            LAURENCE CÔTE



.18.                                   .19.
C’est autour d’un poème que j’ai rencontré Anouk
Grinberg. Elle voulait savoir comment j’avais connu le
Mouvement ATD Quart-Monde. “En écrivant des poèmes”
lui ai-je répondu… Elle a voulu les lire.
  Voici un extrait de mon poème :

 Le marcheur aux semelles de vent
 Le marcheur aux semelles de vent
 C’est le cri de désespoir
 Que tous veulent ignorer
 Ou ignorent d’ignorer
 C’est le Poulbot dans les mauvais souvenirs
 Et toutes les déceptions
 Qui pleuvent en grêlons
 Sur son cœur meurtri,
 Son cœur en agonie.

 Le marcheur aux semelles de vent
 C’est l’enfant aux illusions perdues,
 Aux rêves ensevelis
 Dans les décombres de nos vieux passés,
 Au Noël interdit.

 Le marcheur aux semelles de vent
 C’est ce petit prince
 Qui, passant devant une boulangerie,
 Touche avec les yeux,
 Regarde avec les mains.
 Comment peut-on le laisser souffrir ainsi ?
 Mais l’être est sourd à la douleur.

                                       MARIE-FRANCE TAHAR

                               .20.
Nous nous sommes apprivoisés si rapidement. Aujourd’hui, je
ne sais plus si j’ai travaillé avec vous, ceux qu’on appelle les
figurants, ou si c’est vous qui avez travaillé avec moi. Une chose
est sûre : grâce à nos   échanges, j’ai retrouvé une
sensibilité perdue et vous avez très certainement réussi à
me montrer “le vrai sens de la vie”. Du premier au dernier jour,
le courage, l’opiniâtreté et le sérieux dans le travail étaient là.

                                                     JULIE LECŒUR




                                                                       C’est là où c’était magique parce qu’on n’avait pas peur
                                                                      d’être jugés. Moi, j’ai pas   eu peur d’être jugée
                                                                      devant la caméra ! Quand Anouk Grinberg me
                                                                      parlait, je fermais les yeux et puis j’entendais sa voix. Je me
                                                                      suis fait bercer par la voix d’Anouk.

                                                                                                             RAPHAËLLE CHAPOULARD
                                .24.                                                                  .25.
On était tellement complice de ce film. La complicité s’est mise
à l’intérieur de chacun. On s’est retrouvé comme une famille.

                                                 ALEX DEVILLERS




                              .27.
Dans le film, je jouais le rôle d’une
personne très âgée parce que je n’ai pas
de dents devant et que j’ai les cheveux
blancs. On me donne 70 ans alors que
je vais bientôt avoir 56 ans. Un jour
qu’il pleuvait, je me suis retrouvée
abritée sous une baraque avec Jacques
Weber et Anouk. On n’était que tous
les trois. Lui, il me regardait, alors je
lui ai expliqué pour les dents, je lui ai
dit combien on était remboursé et
combien ça coûtait et il a compris. Je
suis comme      je suis.     Celui qui
va me voir pour la première fois, il va
peut-être partir en courant mais s’il
accepte de parler avec moi, on va peut-
être devenir amis, comme si on se
connaissait depuis toujours.

                       GENEVIÈVE AVRIL




   .28.                                     .29.
J’étais loin de penser que ce tournage serait aussi émouvant.
       Il y avait une harmonie chaleureuse avec les techniciens du
       film. La jeune fille blonde de l’équipe déco, par exemple, elle
       offrait souvent des cigarettes, elle était toujours attrayante,
       généreuse. Quand on a vécu dans la solitude, qu’on a jamais
       été entouré d’affection, ces attentions rendent vraiment
       heureux. Moi, j’ai passé mon enfance entre 5 ans et 12 ans à
       l’orphelinat.

                                                          JAMES AVRIL

.30.                               .31.
Les costumières nous aidaient à choisir notre costume, elles nous
aidaient dans le tournage du film, elles nous pomponnaient…
parfois, elles nous mettaient de la terre dans les cheveux pour qu’on
soit plus sale pour le film. Moi j’ai appris avec elles, j’ai bien
compris leur métier.

                                                  MARIE-SOL POYATOS

 Il n’y avait pas de clans, on s’est tous mélangé, et c’était bien parce
qu’on a passé des heures et des heures d’attente… avant de tourner.

                                              PRISCILLA BENMESROUK


                                .34.
Appelons-la Claudine, mais ce pourrait être Jocelyne ou
Maryline. Elle est figurante, l’un de ces visages qui vous sourit
sur les photos. Cette femme est un vrai puits de science…
une conteuse hors-pair. Elle m’a raconté pendant des heures
ses passions, ses combats. Un jour, j’ai dû l’accompagner chez
elle chercher une chemise de jeu. A ma grande surprise, je l’ai
sentie honteuse de me montrer ne serait-ce que la façade de sa
maison. Pourtant, cette femme possédait bien plus de
richesses que si elle avait possédé une
maison cossue ou un appartement moderne.
                                            MARIE SAINT-JOURS



                              .36.
II
   LA RÉALITÉ RENCONTRE LA FICTION
        noitcif al ertnocner étilaér aL
Je n’ai jamais pu accepter que des hommes soient inutiles.
                           C’est un drame et un scandale.

                                      JOSEPH WRESINSKI
Ce qui   est cruel   doit nous ébranler.
                             MANU DE CHAUVIGNY
Lorsqu’on est arrivé   sur le décor du       film, on
se serait cru dans la vraie                     vie. Je ne
sais pas mieux exprimer ce que j’ai ressenti, on se serait cru
dans la réalité. Cette vie-là, je l’ai vécue, je n’avais pas la
lumière, il fallait chauffer des morceaux de bois dans une
brouette, ramener la cendre rouge, la braise, dans la caravane,
pour se chauffer. Pour se baigner, il fallait couper des bidons
d’essence Total pour se faire un genre de baignoire pour se
laver, puis il fallait chauffer de l’eau. Tout ça a duré
longtemps.

                                         JOSIANE DUBOURDIEU



                             .42.
Au début du tournage j’étais paniquée, j’avais peur qu’on
       n’y arrive pas. Dès qu’on a commencé à travailler, je pensais
       aux années de mon enfance, à ce que mes parents avaient
       vécu, eux aussi, dans des baraquements. Mes parents n’avaient
       pas de lumière, ils s’éclairaient avec des bougies, ils allaient
       chercher l’eau dans une citerne dehors, comme dans le film.
       Nous vivions dans le bidonville de Beaudésert et, comme
       dans le film aussi, il y a une maison qui a pris feu. Il n’y a pas
       eu de blessé. Ce n’est pas le seul évènement qui me rappelle
       mon enfance. Lorsque la police vient pour chercher les
       enfants qui se cachent derrière les arbres, elle vient pour les
       placer. Ce moment m’a beaucoup impressionnée.
         Aujourd’hui, je connais des gens qui vont chercher du
       travail et, comme le personnage d’Alicia dans le film
       lorsqu’elle frappe à la porte d’une dame, ils entendent la
       même réponse : “J’ai rien pour vous, pas de travail !”

                                                   MARIE-SOL POYATOS


.44.                              .45.
Sur le tournage, il y avait une figurante à qui j’avais demandé
       comment elle faisait pour être aussi vraie, elle a répondu :
       “Mais c’est mon quotidien !”                   Cette jeune
       maman de trois jeunes enfants ne pouvait pas quitter son
       domicile. Pour elle, ce film, au-delà de l’argent qu’elle gagnait
       pour ce travail de figurante, était une bouffée d’oxygène. Afin
       de pouvoir participer au tournage, elle s’est organisée ; sa
       grand-mère de 80 ans a gardé ses trois gamines et elle a vu
       autre chose que sa maison. Voilà pourquoi tous les gens étaient
       vrais. Pourtant on a travaillé, on a répété et la plupart d’entre
       nous a pris conscience que c’est un sacré métier d’être acteur,
       c’est un sacré boulot. Même le plus petit rôle n’est pas si
       naturel que ça à jouer. Anouk Grinberg disait que ce qu’elle
       souhaitait, c’est qu’on oublie qu’elle était une actrice… C’était
       réussi parce qu’elle a été plongée directement dans le bain…

                                                    GHISLAINE GÉRARD


.48.                                  .49.
Le tournage a fait remonter tous mes souvenirs d’enfance.
       Quand j’ai commencé à travailler, je n’avais pas de diplôme.
       J’ai vécu dans les baraquements américains du Chût. Les rats
       nous rendaient visite sur les lits pour nous tenir compagnie !
       Les baraques étaient aménagées avec du papier goudron qui
       parfois était percé.

         Ce film raconte le Père Joseph, un homme qui a pu bâtir le
       Mouvement avec des familles parce qu’il avait été en difficulté
       lui-même, avec son père émigré polonais et sa maman
       espagnole. Il vivait avec sa mère séparée du père. Il s’est battu
       en se servant de son expérience. Il reste une idole pour les plus
       pauvres. Il a notre soutien    pour que cette misère
       qui nous harcèle puisse prendre                       fin.
                                                         LUIS DE MELO

.52.                                 .53.
.54.
Moi, je me voyais comme un curé de pub pour fromage
                                                         crémeux. Mon ventre sentait l’opulence satisfaite qui plaide
                                                         pour la gourmandise et tait son ennui, cette sorte de
                                                         malveillance de l’esprit. Et puis, devant moi, ce grand abbé,
                                                         Joseph, qui du seul regard me foutait une grande paire de
                                                         taloches.
                                                           J’avais beau détester la soutane depuis tout petit, lui était
                                                         plus près de Jean Valjean que du surplis sacerdotal. Son cœur
                                                         battait tambour et sonnait la révolte. Les orgues et la grand-
                                                         messe, les pater noster et les deo gracias aussi fastueux et
                                                         hypocrites que les ors et les discours de la république étaient
  La scène où les femmes parlent de l’abus sexuel m’a    si loin de l’église du père Joseph, celle des pauvres gens, celle
beaucoup marquée parce que ça nous concerne, c’est       à laquelle j’aurais tant voulu croire.
toujours d’actualité.                                      Seul, j’étais seul devant cet homme seul et devant les
                                                         millions de solitudes de la misère dont on fait une
                                    AURÉLIE JOLIVIÈRES



                       .56.                                                            .57.
communauté générique inéluctable et fatale dans notre
       monde. Un ghetto dit-on, un truc dégueulasse qu’on parque
       autour des villes comme les juifs au Moyen-Age. Ça chlingue,
       c’est sale, alors on tourne le dos, moi le premier, et on espère
       d’autres lois, genre kleenex pour s’essuyer les larmes d’une
       girafe.
         Je suis acteur, alors j’ai continué à faire mon travail dans ce
       décor de bidonville reconstitué adossé à un couvent de
       bonnes sœurs, si près des vignobles fastueux du bordelais,
       tout fut pourtant différent.
         Certes le Pessac-Leognan excitait mes papilles au-delà du
       péché de gourmandise, mais nom de dieu, je buvais à
       l’homme comme aurait dit Gorki et laissait mon nombril
       avec mes chaussettes et mon pantalon dans ma loge. Un petit
       crucifix de bois pendait au-dessus d’un gros lit court, de
       campagne. Et puis j’allais là-bas chez les gens, les autres, ces
       gens-là, ceux du quart-monde, j’allais jouer avec eux.
       Contrairement au discours qui simplifie les choses de la vie
       comme un coup de peinture rafraîchit les latrines, je n’allais
       pas vivre avec eux,        mais jouer avec eux
       et en prendre plein la gueule…
       oui, plein le ventre et la gueule. De beaux visages fatigués à
       20 ans, un sourire qui garde tout dans les yeux parce que les
       dents sont mal soignées et des seins tombés, alourdis, affaissés




.58.                                  .59.
qui essayent de faire bonne figure dans les petits gilets
tricotés. On était loin des nibards qui ne bougent plus, qui
                                     font la roue comme des
                                     paons empaillés.
                                       Il y avait à chaque
                                     seconde, à chaque éternité
                                     des secondes, dans ce
                                     grand naufrage de la
                                     misère, un sourire
                                     inatteignable, une
                                     décision inaccessible et
                                     transcendante de jouer
                                     son propre rôle, de mettre
                                     en jeu, de mettre en joie
                                     la difficulté d’être. Chez
                                     eux c’est simple la
                                     difficulté d’être : avoir
                                     chaud en hiver, être au
                                     frais en été, manger et
                                     dormir ce qu’il faut et
                                     tenter de pouvoir faire
                                     respecter son corps et ses
                                     enfants. Je ne le savais
                                     plus, ou si mal. Alors j’ai
oublié ma détestation des curés, j’ai sali avec joie ma soutane
dans la poussière du camp, au fond j’ai rien foutu !




                              .60.
Le sourire énergique de ma copine qui jouait au rugby, et
puis de Caroline, et puis le chef op qui se taisait mais qui
voyait tout comme Tabarly dans le grand large, la trop maigre
et la si forte, et puis les hommes, les courts et les massifs,
résignés dans l’honneur. Tous reconstituaient une sorte de
grand Dieu mort auquel ils m’ont fait croire. J’ai rien foutu…
touché n’est pas joué dit-on, je suis touché et c’est vrai.
  Après une projection, une enfant en famille d’accueil
réputée difficile, très difficile, une jeune fille si belle, coquette
et provocante, en grosses chaussures et tablier de toile sur le
tournage vint me voir. Elle me sourit fort, très fort. Belle, très
belle, elle s’était mis un peu de rouge à lèvres, elle me dit :
“T’es bien, t’as l’air gentil.” J’étais très ému, elle aussi. Alors
brutale, elle change de ton et me dit : “On m’a beaucoup
coupé dans le film mais je suis jolie non ?”
La vie avait fait coucou et le cinéma
retrouvait sa place.
                                                   JACQUES WEBER




                                .63.
C’était difficile de
rendre à l’extérieur ce
que je portais à
l’intérieur. Un exploit
pour moi a été de
danser, je souffrais
énormément.

       SANDY GAUTHIER
C’est vrai qu’on est
       figurant, mais après on l’est
       plus ! Au mot “Action”,
       j’oubliais parfois que j’étais
       figurant, je faisais une
       action, traîner une charrette
       par exemple, et subitement
       ça me rappelait quand
       j’étais gamin et que je
       récupérais les métaux et que
       je les transportais dans une
       charrette. Cette impression
       ne durait pas longtemps.
       Les gens du film, ils
       appellent ça “mettre en
       scène” ; eh bien, j’oubliais
       parfois que j’étais figurant,
       je ne me posais pas de
       question, je faisais l’action.
       Notre vie à chacun est
       attachée à des souvenirs qui
       remontent du passé.

                  THIERRY SARRAYA




.66.
.69.
Il y a dans le film cette scène cruelle où la police
débarque dans le camp. Cette scène, je l’ai vécue.
Lorsqu’on subit une violence pareille, on est démuni.
Enfant, j’ai été placé et je n’ai jamais revu personne de ma
famille ! J’ai toujours été suivi par les services sociaux.
J’ai commencé à travailler à 15 ans.

                                                JAMES AVRIL




                                                                Ce film, c’est la réalité. Par exemple, le fait qu’une
                                                               famille de dix enfants se retrouve dans la situation où les
                                                               enfants sont pris à leurs parents… J’ai vécu la même chose.
                                                               Mes frères et sœurs ont été placés par la DDASS, c’est la
                                                               vérité, c’est le vécu. Nous étions dix enfants et je ne les ai pas
                                                               connus, mes frères et sœurs, jusqu’à l’âge de 20 ans et quelques
                                                               années. Ma sœur, je l’ai connue il y a vingt-deux ans… J’en ai
                                                               44 aujourd’hui. Jusqu’à 22 ans, je ne connaissais aucun de mes
                                                               frères et sœurs.

                                                                                                           DOMINIQUE DHONT




                                                                                              .71.
III
DES EXPÉRIENCES QUI SE PARTAGENT
 tnegatrap es iuq secneirépxe seD
  Tout est né d’une vie partagée, jamais d’une théorie.

                                   JOSEPH WRESINSKI
Je me souviens du premier jour au camp comme d’un choc
                                                         thermique. Les gens ici étaient si vrais, si massifs. J’étais
                                                         indéniablement avec des guépards, des ours, des mystères.
                                                         Je ne voyais partout que de la noblesse, de la tenue, de la
                                                         beauté. Et surtout, de la solidité. C’était incompréhensible et
                                                         sidérant, quand on sait l’injustice qu’ils doivent bouffer à tous
                                                         les vents, quand on sait la roue comme elle écrase, et quand
                                                         on sait le mépris dont on entoure ceux qui n’ont pas de
                                                         chance et qui sont dans le malheur. Mais ici, dans ce camp,
                                                         pour le tournage et surtout pour une fois, sous l’œil
                                                         réellement affectueux et respectueux de Caroline Glorion,
                                                         la roue avait tourné : ils étaient les héros de l’histoire, et c’est
                                                         indéniable, ce sont des héros de l’histoire. Quiconque a été
                                                         jeté par dessus bord du monde et ne finit pas noyé dans la
                                                         haine ou la paralysie du cœur est un héros. Personne parmi
                                                         les riches ou les chanceux ne pourrait supporter une heure
                                                         pleine de cette vie noire sans devenir méchant ; mais eux
                                                         sourient, ils sourient de cette vie, sourient au mal, et sourient
                                                         à ce qui est bien.
                                                           En arrivant donc, j’ai eu très nettement le sentiment d’avoir
                                                         tout à réapprendre d’eux, question présence, et qu’ici, c’était
                                                         moi la pauvre, un peu comme un caniche avec des loups.
                                                         Mais comme il arrive parfois dans les histoires, les loups
                                                         m’ont adoptée dès la première heure où je me suis trouvée
 Grâce à eux et avec   eux, nous avons fait mentir       dans leur monde, et ils m’ont donné des clés, en me parlant,
ce qui fait honte à la vie.                              ou sans parler.


                                        ANOUK GRINBERG

                                                                                         .75.
Parmi tout ces vrais gens
qui ont joué avec nous,
je me souviens de F. me
racontant sa vie, riant de
tout, mais pas de haut,
comme si elle était ailleurs,
pas là pour vivre la
saloperie, plutôt tournée
vers la joie, les autres.
Le premier jour, elle m’a
appris à tricoter en éclatant
de rire et c’est comme si
elle m’avait fait la courte
échelle pour devenir Alicia.
D’où lui venait sa bonne
humeur, elle qui n’avait
reçu que la vie ? Aussi
impressionnante que les
oiseaux qui ne s’arrêteront
jamais de chanter.
  Et J., femme à la bouille
déchirante, petite fille
trouvée dans une poubelle,
dont le visage s’éclairait
parfois comme un soleil,
et qui tendait les bras parce




              .76.
qu’enfin la vie passait dans son jardin sans tout écrabouiller.
       Jamais je n’oublierai comme elle me prenait dans ses bras et
       me faisait tourner, comme on était heureuses et partageuses.
       Et je n’oublierai jamais non plus ses pleurs le dernier jour.
       Si je pouvais parler au nom des hommes, je voudrais lui
       demander pardon.
         Et sa fille au visage si doux, déjà enfui comme un nuage,
       enfui d’une vie trop âpre sans doute, mais elle ne le dira pas.
         Et G., femme délicate et cultivée, qui m’a offert son livre de
       peinture parce qu’elle a su que j’aimais ça, bonté secrète au
       jour le jour.
         M-F, silencieuse comme un arbre. Un jour, elle m’a tendu
       son livre de poèmes, merveilleux, atroces.
         M., qui me disait qu’il faut se tenir très droit dans le
       malheur, comme un i, et regarder ceux qui offensent comme
       si c’étaient des enfants.
         Et je me demandais où est la pauvreté. Et l’indignité.
       De quel côté ? Chez eux qui vivent de rien, sourient pour de
       vrai et se tiennent debout dans la vie, qui réfléchissent et qui
       pardonnent, ou chez les autres, qui du haut de leur richesse et
       de leur inconscience, les ont mis dehors, de leurs maisons et
       de leurs villes ?
         Je ne peux pas citer tous ceux qui étaient sur le film et qui
       ont contribué à faire sa force mais je voudrais leur dire merci
       pour la leçon de vie, de pardon, et d’oiseaux immémoriaux.

                                                    ANOUK GRINBERG




.78.
Il y a des choses difficiles à raconter mais pourtant je souhaite
                                                                  montrer que les ennuis ne détruisent pas l’individu. J’ai reçu des
                                                                  mauvais coups. Je couchais dans la rue, je couchais sous les ponts, alors
                                                                  je sais ce que c’est la vie dure. Aujourd’hui, je suis contente d’avoir un
                                                                  toit, je suis arrivée au bout de ma carrière, tant bien que mal, mais j’y
                                                                  suis arrivée, et maintenant, j’ai mon fils avec moi. Je ne “tragique” pas.
                                                                  Moi, je dis que    la vie n’est faite que        de combats.
                                                                                                                       CLAUDE MARÉCHAL




   Caroline et Pierre, le chef opérateur, ils ont regardé à
l’intérieur de nous. Ils n’ont pas seulement filmé notre image.
Pour les photos c’est pareil. Ils ont tous réussi à nous faire
ressentir le film intérieurement. C’était vraiment ce qu’on
avait dans les tripes qui ressortait. Mon rôle, par moments,
était celui d’une rebelle, surtout quand je parle à Monsieur le
Maire. Toutes les personnes âgées que je connais me disaient :
“Ah ! de toute manière, ça te va bien, tu es vraiment comme
ça, une rebelle.”

                                            FRANÇOISE HAMEL

                          .80.                                                                        .81.
Avant, je marchais toujours la tête baissée. Depuis, j’ai eu
l’occasion de parler, j’ai       relevé la tête.
J’attendais cette occasion depuis longtemps. Le bien qu’on
m’a fait en me permettant de parler, j’essaie de le faire aux
autres : quand je vois quelqu’un dans la même situation que
moi, je lui fais comprendre qu’il faut oser parler, j’explique
qu’on est comme les autres. Avant j’étais timide, maintenant
j’ose. Quand vous commencez à parler, vous voyez comment
vous êtes estimé. On se sent un peu utile sur la Terre.

                                                  JAMES AVRIL


                              .84.
J’ai fait une dizaine de jours de tournage… je n’ai manqué
la classe que deux ou trois fois… sinon en sortant du collège
j’allais directement au tournage. Mes copains le savaient et
ils m’ont dit : “Qu’est-ce que tu joues ? Avec qui ?”
   Au collège je vais au CDI, je prends des livres… souvent.
Ça, j’ai mis juste deux minutes à l’écrire c’est tout ! Avant,
j’avais réfléchi et après, j’ai écrit, j’ai essayé de l’inventer…
   “Sous le soleil brûlant sont réunis deux amants
   Quand le vent soufflera
   Leur amour triomphera.”
                                              CINDEL DUBOURDIEU


                              .86.
IV
LA FIERTÉ D’AVOIR LUTTÉ ENSEMBLE
      elbmesne éttul riova’d étreif aL
       LA FIERTÉ D’AVOIR JOUÉ ENSEMBLE
   elbmesne éuoj riova’d étreif aL
  Je suis jaloux, comme Dieu se dit jaloux dans la Bible, de
   ceux qui, dès leur enfance, apprirent à aimer la musique
     et la danse, l’art et la poésie. Je n’eus pas cette chance et
        toute ma vie j’en ai souffert. Pouvoir l’offrir aux plus
                                     pauvres a été mon combat.

                                            JOSEPH WRESINSKI
Quand j’ai vu le film, j’ai pleuré pendant    presque
toute la séance car je voyais ce              que
j’avais vécu ! Je suis fière de ce que j’ai joué, la
fierté non pas d’avoir vécu dans la misère mais d’être
capable de le montrer, d’être capable de le dire. C’était
important pour que mon fils voit ce que j’avais vécu et
puis surtout pour lui montrer qu’on peut être pauvre,
vivre dans la misère, et, après, bien tourner.

                                      DOMINIQUE DHONT

  Moi qui suis isolé, qui ai du mal à me voir en photo,
accepter d’être filmé, c’était un défi.

                                         SANDY GAUTHIER


                             .91.
Pour tous ceux qui vivent dans la misère, ce film est une
                                                                 reconnaissance, on n’a plus peur de se montrer. J’espère
                                                                 qu’il va permettre à beaucoup d’ouvrir les yeux.

                                                                                                             ALEX DEVILLERS
  Tourner ce film m’a apporté la reconnaissance, on va
                                                                  Tourner dans ce film m’a donné du courage pour ma vie.
toucher le public avec quelque chose de vrai qui existe encore
aujourd’hui sous d’autres formes.
                                                                                                           SALOMÉ STEVENIN
                                           AURÉLIE JOLIVIÈRES

                           .92.                                                             .93.
La scène qu’on a tournée avec toutes les femmes m’a beaucoup
       touchée, j’en pleure encore. C’était notre vie à beaucoup.
       Jacques Weber lui aussi avait les larmes aux yeux. Je revois
       encore cette scène tous les soirs.

                                                    MARIE-SOL POYATOS

        Sur le tournage, j’y suis allé en tant que personne individuelle,
       humaine, et après j’ai pu rencontrer tout le monde sans fossé.

                                                         ALEX DEVILLERS


.96.                                 .97.
Ça nous a rapproché les uns des autres ; entre nous, les gens
d’ATD, ça a recréé des liens. Ça nous a donné envie de faire
d’autres choses ensemble.

                                            AURÉLIE JOLIVIÈRES

   Pendant le tournage, j’ai retrouvé papa et maman… Je ne
les avais pas vu depuis presque 40 ans car j’ai été placée toute
petite. C’est une de mes sœurs qui m’a reconnue sur Internet
car j’étais en photo dans le journal Sud Ouest qui est venu
faire un reportage sur le tournage du film. Mes parents m’ont
retrouvée et ils m’ont téléphoné. On s’est vu juste une fois et
puis on se téléphone. Mes parents sont maintenant des
personnes âgées, ils ne sortent pas beaucoup. Ma maman a un
cancer. Je ne les avais pas vus depuis toute petite, ils ne m’ont
presque pas élevée.

                                         JOSIANE DUBOURDIEU




                              .100.                                 .101.
Je me suis sentie respectée comme les autres. Les acteurs et les
techniciens nous prenaient comme on était et nous
                                 encourageaient à faire comme on
                                 le sentait, et non comme c’était
                                 parfois écrit dans le texte.
                                 Certaines répliques, on avait du
                                 mal à les dire. “Tu le dis comme
                                 tu veux”, répétait Caroline. “Tu
                                 peux le dire avec tes mots, mais
                                 pas des mots “modernes”.
                                   Il y a une scène pendant
                                 laquelle on racontait notre vie,
                                 nos souffrances de femmes, et
                                 cette scène nous a toutes prises
                                 aux tripes. Raphaëlle, Priscilla,
                                 Anouk, nous étions bouleversées.
                                   Cette scène avait été beaucoup
                                 travaillée en préparation, mais
                                 lorsqu’on l’a jouée, lorsqu’on a
                                 entendu ces mots qui racontaient
                                 la condition de la femme sous-
                                 prolétaire, il y avait une
atmosphère incroyable, pleine de gravité et d’émotion.
  Je me disais que ces femmes qui à l’époque avaient pu parler
ainsi devant un homme, un prêtre, avaient eu un courage énorme.
Cette scène est un hommage à leur courage, on ne pouvait pas
mieux leur rendre hommage.

                                               FRANÇOISE HAMEL


                            .102.
Martine est une amie, militante Quart-Monde, qui est venue
assister au tournage. A son retour, elle a écrit une lettre à
l’attention des techniciens et des acteurs.

  Deux jours et une nuit à rôder sur le tournage…
  (…) J’ai été témoin de votre simplicité à tous, vous, les techniciens
et acteurs du film. Je vous ai vus les uns et les autres vous poser sur
une simple chaise en attendant une prise. Il n’y avait pas de différence
entre ceux du cinéma et les autres… Vous étiez là, tout proche, sans
“privilèges”, et tout votre “savoir être” m’a rassurée.
  C’est une vraie force et du coup, vous tous, réunis, vous avez
contribué à ce que les “miens”, et pas les “pauvres”, se sentent
respectés.
  Ce que vous “avez joué” aujourd’hui, ce que vous “avez tourné”
aujourd’hui, c’est la vie, le combat d’hier qui reste de pleine
actualité.
  Les spectateurs doivent le savoir mais grâce à ce film, ils sauront
aussi que les “pauvres” ne sont pas “que des pauvres”. Ce n’est pas
une identité. Nous sommes des combattants de la vie et comme
tout un chacun, parfois, on n’en peut plus…
  Une dernière chose que je voulais vous dire.
  Quand j’étais enfant j’avais trois rêves, je voulais devenir avocate
(depuis toujours j’ai trouvé normal de défendre ceux qui souffraient
comme moi ou plus encore). Actrice aussi. J’adorais tout
particulièrement le théâtre, puis mon troisième rêve d’enfant c’était
de savoir lire l’heure. Cela venait du fait qu’un jour la police est
venue chez moi pour cherchez ma maman qui ne s’était pas rendue
à une convocation. Du coup, c’est devenue pour moi un rêve ou
peut-être une angoisse. Apprendre à lire l’heure pour ne pas me
laisser surprendre par le temps. Je ne suis jamais, jamais en retard a
un rendez-vous quel qu’il soit ! Donc je sais lire l’heure.


                                .105.
Je ne suis pas devenue avocate car très tôt, on a considéré
que je n’avais rien à faire à l’école et pourtant j’étais une très
bonne élève, j’adorais l’école mais j’avais un gros désavantage,
la pauvreté de ma famille. Mais un jour, dans mon parcours
de vie après une petite incarcération pour vol, j’ai du passer au
tribunal, je n’ai pas pris d’avocat et me suis défendue avec
“fougue” seule… ainsi j’ai été un peu avocate !
  Je ne suis pas devenue comédienne mais je suis devenue
actrice, actrice de ma vie… Cela je le dois au Père Joseph, aux
miens, à tous ceux qui croisent ma vie aujourd’hui donc à
vous aussi maintenant car vous rencontrer me pousse à dire, à
faire, à apprendre et au fond tout cela n’est-il pas le plus beau
des rôles à jouer que celui d’être acteur de sa vie ? Cela je crois
que je le suis aujourd’hui…


                                             MARTINE LE CORRE

  J’ai été
Dans ce théâtre d’une humanité contrariée
Dans ce camp naufragé d’une rare beauté
Emu d’y être bouleversé et fier d’y avoir été.
Improviser avec tous les acteurs sur des “histoires” qui n’en
étaient pas…
Des paroles qui résonnaient tellement fort sur le plateau que
le temps d’une séquence devenait irréel
Et l’improvisation n’était   plus un jeu, mais l’espace
d’une troublante révélation…
                                                VINCENT DEBOST


                               .106.
Ma question reste : qu’est-ce qu’on fait   avec ce film ?
                                                               On a changé de tenue,             mais la
                                                               misère est toujours là.
                                                               Qu’est-ce qu’on en fait ?
  Ma présence sur ce tournage ne pouvait pas être seulement
de la figuration… Pour moi, c’était un coup de gueule… il                                           JOSIANE SAN CLEMENTE
serait temps que les politiques se décident à bouger, qu’ils
regardent au-dessus de leur épaule pour voir ce qu’on vit.

                                             ALEX DEVILLERS
                          .108.                                                        .109.
QUELQUES DATES REPÈRES DANS LA VIE DE JOSEPH WRESINSKI.


                      12 février 1917 : Joseph Wresinski né à Angers d’une mère réfugiée
                    espagnole et d’un père polonais.

                      29 juin 1946 : Ordonné prêtre à Soissons, pendant dix ans il sera curé
                    de campagne dans l’Aisne.

                      14 juillet 1956 : Arrivée au camps de Noisy-le-Grand, bidonville en
                    région parisienne.

                      1957 : Il fonde avec les familles du bidonville la première association

        le “vrai”
                    qui donnera naissance quelques années plus tard à Aide à Toutes
                    Détresses puis, plus tard encore, ce mouvement prendra le nom d’ATD
                    Quart-Monde. Les premières bibliothèques de rue voient le jour, les

Joseph Wresinski.   universités populaires pour les adultes et les pré-écoles pour les tout
                    petits et leurs familles.
      ∂                1960 : Il crée le Bureau de recherches sociales qui deviendra en 1967,
                    l’Institut de recherche et de formation aux relations humaines. Dès cette
                    époque, il commence à voyager à la rencontre des plus pauvres d’abord
                    en Angleterre puis en Inde et aux Etats-Unis. Cette ouverture au monde
                    ne s’arrêtera jamais.

                     1967 : Il crée le mouvement Tapori, la branche enfant d’ATD Quart-
                    Monde.

                      1968 : Il invente le terme quart-monde qui est repris dans le langage
                    courant. Il fait ainsi une référence explicite aux cahiers du Quart-Etat
                    (par analogie au Tiers-Etat) établis au moment de la révolution française


                                                        .111.
et qui rassemblèrent les revendications des plus pauvres pour les             1982 : Jean-Paul II reçoit Joseph Wresinski et une délégation de jeunes
apporter à la nouvelle assemblée constituante. Pour le père Joseph, le       du quart-monde.
quart-monde est le peuple des sous-prolétaires qui se met debout et
revendique ses droits et son égale dignité dans la société.                    1984 : Joseph Wresinski remet au secrétaire général de l’ONU, Perez
                                                                             de Cuellar, une pétition de 235 000 signatures demandant que la misère
                                          1973 : Il crée Alternatives        soit reconnue comme une violation des droits de l’homme.
                                         114, le mouvement des jeunes
                                         du quart-monde.                       1984 : Le président François Mitterrand reçoit Joseph Wresinski
                                                                             accompagné d’une délégation de familles du quart-monde et de la
                                            1977 : A l’occasion des 20 ans   présidente du mouvement Geneviève Anthonioz-De Gaulle.
                                         de la création de la première
                                         association de familles, il lance     1985 : Joseph accueille au Bureau International du Travail, à Genève,
                                         un défi à la Mutualité à Paris      des délégations de jeunes du quart-monde venues des quatre continents.
                                         “Dans dix ans plus un seul
                                         illettré dans notre pays, celui       11 février 1987 : le père Joseph remet au gouvernement français un
                                         qui sait doit apprendre à celui     rapport du Conseil économique et social qu’il a coordonné, “Grande
                                         qui ne sait pas.”                   pauvreté et précarité économique”. Il préconise la mise en place d’un
                                                                             Revenu Minimum d’Insertion (le volet insertion sera vite oublié…) et
 1978 : Le président français Valéry Giscard d’Estaing reçoit Joseph         la création d’une couverture médicale universelle ainsi qu’un droit au
Wresinski et une délégation de familles pauvres à l’Elysée.                  logement réellement respecté.

  1979 : Joseph Wresinski est nommé par Giscard d’Estaing au Conseil           17 octobre 1987 : 100 000 défenseurs des Droits de l’homme venus
économique et social au titre de personnalité qualifiée. Les premières       des quatre coins du monde et des différentes associations et
équipes permanentes de volontaires d’ATD Quart-Monde s’implantent            mouvements politiques se rassemblent au Trocadéro autour de Joseph
dans les pays du sud.                                                        Wresinski et de son mouvement ATD Quart-Monde. Cette journée est
                                                                             déclarée par l’ONU : Journée Mondiale du Refus de la Misère.
  15 mai 1982 : “Pleins droits pour tous les hommes”. Pour les 25 ans
du Mouvement ATD Quart-Monde, Joseph Wresinski lance cet appel                14 février 1988 : Joseph meurt à l’hôpital de Suresnes des suites d’une
devant des milliers de familles et d’amis à Bruxelles. Il place le combat    opération du cœur.
de la lutte contre la misère sur le terrain des Droits de l’homme.
                                                                                                       ∂
                                 .112.
L’appel qui suit, prononcé par le fondateur du Mouvement ATD
                                                    Quart-Monde, est un texte de style oral adressé aux membres de son
                                                    mouvement : les “alliés” comme il les surnomme, sont des citoyens
                                                    bénévoles ; les volontaires permanents, des hommes et des femmes qui
                                                    engagent leur vie et leur activité et sont rémunérés ; et enfin les familles
                                                    du quart-monde. A travers ces lignes, on découvre la radicalité de
                                                    l’engagement qu’il demande, la grande confiance en chaque homme,
                                                    chaque femme à qui il s’adresse et enfin la solennité de son combat
                                                    puisqu’il commence par une interpellation véhémente à l’état français *.
                                                       D’autres appels ont été par la suite lancés à Bruxelles, à Genève, à New
                                                    York et partout dans le monde où le Père Joseph comptait des amis, des
                                                    équipes et des familles qu’il avait rejoints dans leur combat.

                                                      C’est vers l’Etat que je me tourne tout d’abord, vers l’Etat dont la
                                                    mission première est de promouvoir une volonté politique de
                                                    destruction radicale de la misère, vers l’Etat sur lequel les citoyens se sont
                                                    de plus en plus déchargés, depuis les années d’après-guerre, du souci des
                                                    plus défavorisés.

                                                      UN ÉTAT GARANT DE LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS DES EXCLUS.

                                                      Nous demandons d’abord que son Chef, le Président de la République
                                                    se reconnaisse publiquement garant de la défense des intérêts des
 Appel à la solidarité lancé par le Père Joseph     minorités exclues, qu’il veille à ce que le quart-monde obtienne au plus
                                                    vite les moyens de ses libertés économiques, culturelles et politiques,
Wresinski à la fête de la solidarité organisée le   qu’il veille notamment à ce que le quart-monde soit représenté dans
  17 novembre 1977 au Palais de la mutualité à      toutes les instances où les autres citoyens peuvent se faire entendre.
                                                    Nous demandons que pour assumer cette responsabilité dans les
    Paris, à l’occasion du 20ème anniversaire du
                mouvement ATD Quart-monde.
                                                     * Ce texte a été coupé pour les besoins de l’édition de ce livre. Le texte original est dis-
                                                    ponible sur le site internet du Mouvement ATD Quart-Monde.



                                                                                                  .115.
meilleures conditions, le Chef de l’Etat désigne auprès de la Présidence        situation d’infériorité et fait qu’il soit rejeté. Cette contestation nous la
de la République un délégué chargé de suivre et d’évaluer en perma-             mènerons dans notre propre famille, dans notre propre milieu et cela au
nence l’élaboration et l’exécution d’un plan quinquennal pour éliminer          risque de renoncer à des idées rassurantes ou à des privilèges acquis.
la misère et l’exclusion dans la démocratie française. (… ) Ce sur quoi         Cette contestation, nous la poursuivrons dans l’école, le lycée que
nous insisterons ce soir c’est la concertation pour laquelle le Mouvement       fréquentent les nôtres ; par elle nous refuserons que soit délaissé l’enfant
ATD Quart-Monde s’est toujours montré prêt à partager son expérience            le moins doué, l’enfant écrasé par le poids de la misère de sa famille.
et ses connaissances. Par cette concertation sera cassé le cercle vicieux de    Notre contestation sera présente dans les entreprises où nous exigerons
la misère. Nous demandons enfin à l’Etat d’accueillir et de faciliter           que soient admis ceux qui n’ont reçu aucune formation professionnelle.
largement la libre initiative des citoyens dans le combat contre                En cette période de crise nous agirons pour qu’ils ne soient pas les
l’exclusion et de fournir au besoin, les moyens financiers d’initiatives        premiers privés de leur travail, pour que la solidarité ouvrière joue
non-gouvernementales. Soutenir la liberté d’innover des citoyens c’est          pleinement en leur faveur. En un mot, nous n’accepterons plus qu’en
stimuler les administrations et garantir l’aptitude à la réforme des            aucun lieu les plus défavorisés soient oubliés ou négligés. Notre adhésion
structures publiques ; c’est assurer à l’Etat la capacité de se forger un       dans les partis politiques de notre choix orientera les programmes vers
nouveau mode de démocratie qui ne tolèrera plus que des minorités sans          une société sans exclusion. Nous imposerons à l’Etat un projet de société
poids politique puissent être réduites au silence et au paupérisme.             dont la charte sera la défense des plus démunis et le respect de leur droit.
                                                                                Quant à ceux qui croient, qu’ils fassent en sorte que grâce à leur
  UNE ALLIANCE NOUVELLE QUI TRANSFORME.                                         dynamisme et à leur foi, nos Eglises accueillent en premier les plus
                                                                                démunis. Que grâce à ces croyants elles redeviennent les Eglises des sans-
  A côté de l’Etat, c’est à tous les citoyens que je m’adresse car ce sont      défense, des ignorants et des victimes, le lieu de leur espérance, celui du
eux qui, en fin de compte, déterminent les choix et les grandes                 partage et du dépouillement des forts, mais aussi, du refus de Dieu
orientations de toute société. Face à l’exclusion, le quart-monde nous          d’accepter l’oppression, l’injustice et la haine. Notre combat dans les
rappelle donc à nous qui sommes des citoyens reconnus, qu’une                   mouvements de lutte contre la guerre, la faim, pour les droits de
nouvelle alliance s’impose : Alliance entre exclus et non-exclus. Une           l’homme rejoindra ce refus de l’exclusion car en réalité celle-ci n’est autre
alliance qui doit transformer les données de la vie politique, la pensée de     que l’ultime étape de la persécution contre la dignité de l’homme et le
notre temps, l’esprit des institutions et des lois, et la vie des Eglises. Il   respect qui lui est dû. Plus encore, si nous le pouvons, nous donnerons
nous faut donc conclure une alliance nouvelle avec le quart-monde pour          de notre temps pour lutter contre l’ignorance au sein même du quart-
que partout soit défendue la cause des laissés-pour-compte. Mais pour           monde, pour éveiller la population sous-prolétarienne à la lecture, à
être fidèle à cette alliance nous irons jusqu’au bout de notre contestation     l’écriture, au savoir, à l’art, à la poésie, à la musique. C’est pourquoi nous
contre tout projet de société qui exclut les plus faibles et nous               qui sommes éducateurs, instituteurs, nous rejoindrons ceux qui, dans le
imposerons la participation en tout domaine des plus défavorisés. En            Mouvement, ouvrent des “Bibliothèques de rue”, animent des “Pivots
effet, aller jusqu’au bout c’est dénoncer tout ce qui met un homme en           Culturels”. Sociologues, économistes, psychologues, nous participerons


                                   .116.                                                                              .117.
aux recherches que l’Institut du Mouvement mène depuis quinze ans,                                                      à la recherche d’autres
afin de fonder une connaissance scientifique du groupe quart-monde.                                                     oubliés. C’est vous, les
Juristes, nous renforcerons les comités de défense de ses intérêts et de ses                                            permanents du Mouvement
droits. Représentants du pays, responsables à quelque titre que ce soit de                                              qui continuerez à être cette
la solidarité des citoyens, nous travaillerons de tout notre pouvoir à                                                  brèche dans le mur de
rendre aux organes représentatifs du sous-prolétariat leur juste place                                                  l’exclusion. Vous avez opté
dans les institutions de la nation en tant que partenaires sociaux.                                                     pour une communauté de
Infirmières, médecins, nous prendrons la défense du malade sous-                                                        destin avec la population
prolétaire dans les hôpitaux, les centres de planning familial. Gens de                                                 sous-prolétarienne. Vous
lettres, journalistes, nous œuvrerons à la création d’un langage accessible                                             êtes et vous serez les témoins
aux moins instruits, nous nous ferons dénonciateurs de l’exclusion.                                                     dans la population même
Enfin tous, sans exception, nous pouvons et devons notre soutien                                                        que ses espoirs ne sont pas
financier. Ainsi notre contestation deviendra la volonté de la Nation de                                                vains, qu’elle n’est pas
faire disparaître la condition sous-prolétarienne.                                                                      coupable, que son expé-
                                                                                                                        rience au contraire a valeur
  UNE BRÈCHE DANS LE MUR DE L’EXCLUSION.                                                                                pour tous les hommes. Vous
                                                                                                                        êtes et vous serez les plus
  Le combat de libération du quart-monde c’est sur vous, volontaires           proches du scandale. Vous vous compromettrez comme avant avec ses
ATD Quart-Monde, sur vous les permanents du Mouvement qu’il                    victimes et vous dénoncerez tout malheur, affrontant s’il le faut, l’Etat
repose, car c’est vous les premiers qui l’avez entrepris. Sans vous, le        et l’opinion. Vous êtes ceux qui découvrez les nouveaux terrains où il
sous-prolétariat ne serait jamais entré dans l’histoire contemporaine,         faut porter l’action, les nouvelles formes de lutte pour la mener à
les familles sous-prolétaires n’auraient été que des “familles-cas”, des       bien. Vous êtes les garants que les exclus seront les premiers
“familles-problèmes”. Contre vents et marées, contre l’inertie de              bénéficiaires des changements, que ceux-ci seront assez radicaux pour
l’Etat, contre l’incompréhension des institutions, contre l’indif-             ne plus laisser personne de côté. Vous devez garantir que la
férence de l’opinion, contre le mépris de beaucoup, et pendant de              contestation ira jusqu’au bout, que les plus défavorisés ne seront pas
nombreuses années contre le propre refus du quart-monde lui-même,              abandonnés en chemin. C’est un contrat de vie que nous avons
vous avez créé ce Mouvement. Aujourd’hui, la population sous-                  conclu, nous en avons accepté le poids, les risques et aussi tous les
prolétarienne commence à se mettre debout, elle forge des militants            dénuements car le succès de notre cause est dans la montée de ce
issus de ses rangs. Vis-à-vis d’elle, votre rôle devra désormais être de       peuple, dans notre propre disparition pour laisser place à ses leaders.
plus en plus un rôle politique. Mais vous devez aussi vous replonger
toujours plus profondément au milieu des nouveaux exclus, toujours


                                   .118.                                                                           .119.
responsables. Et être responsables, pour
                                                                                                               vous, ce sera d’abord continuer à vous
                                                                                                               former, à vous instruire, à vous regrouper,
                                                                                                               pour réfléchir sur votre condition, pour
                                                                                                               exiger une école adaptée à vos enfants, un
                                                                                                               travail qui vous rende indépendants et qui
                                                                                                               garantisse aux vôtres une vie décente,
                                                                                                               pour exiger aussi une formation
                                                                                                               professionnelle accessible à votre milieu,
                                                                                                               ainsi que les moyens de la culture et de la
                                                                                                               spiritualité. Pour le respect de vos
                                                                                                               familles, pour que vos enfants aient droit
                                                                                                               à votre amour, aient droit à la garantie
                                                                                                               d’être élevés par vous, notre objectif doit
                                                                                                               être, pour les dix ans à venir, qu’il n’y ait
                                                                                                               plus d’illettrés parmi nous, qu’aucun
                                                                                                               enfant non seulement ne manque l’école
 UN CRI DE RÉVOLTE, UN APPEL À LA LIBÉRATION DES PLUS PAUVRES.               mais qu’aucun n’y échoue. Que ceux qui savent lire et écrire apprennent
                                                                             à lire et à écrire à leurs voisins. Etre responsables c’est aussi rejoindre les
  Militants et délégués du quart-monde, c’est à vous que je m’adresse        associations familiales, les associations de parents d’élèves, les comités de
maintenant. Plus que tous vous êtes concernés par les engagements qui        locataires, les syndicats, les partis politiques. Vous avez droit aussi à lutter
seront pris ce soir autour de vous et de vos enfants. C’est votre refus      pour la justice, la paix, les droits de l’homme. Etre responsables, c’est
d’une vie sans espoir, votre refus d’être considérés responsables de votre   participer aux luttes essentielles de l’humanité. Dans ces luttes, vous
souffrance, votre refus d’être considérés comme inexistants et inutiles,     serez des égaux et vous y imposerez la lutte contre la misère. Nous ne
que le Mouvement a repris. En effet, qu’est-ce donc que le Mouvement         pouvons apporter de grand savoir, nous ne pouvons apporter ni or, ni
sinon le cri de votre révolte, mais aussi celui de votre appel.              argent mais nous avons ce que les autres n’ont pas et qu’ils doivent
  Cependant vous savez que personne ne vous libérera sans vous. Vous         connaître, c’est notre expérience, notre expérience de l’exclusion. Mieux
avez l’expérience de trop de lâchages, de trop d’abandons. Vous savez        que tout autre, nous savons réellement ce qu’est la liberté, nous qui
que l’autre société n’a ni les mêmes intérêts, ni les mêmes idées ni les     avons toujours vécu sous la tutelle et la dépendance d’autrui. L’égalité,
mêmes projets que vous. C’est pourquoi de votre libération vous êtes les     nous en connaissons le manque, nous qui sommes traités en inférieurs,
premiers garants du changement de vos vies, vous serez les premiers          en parasites inutiles. L’honneur d’être homme, nous en connaissons le


                                  .120.                                                                             .121.
prix, nous qui supportons le poids du mépris. Nous avons expérimenté              ATD QUART-MONDE, UN PROJET DE SOCIÉTÉ.
tout ce qui humilie et fait souffrir un homme, une famille, un milieu et
si nous rejoignons d’autres combats, ce sera pour les rendre attentifs à          ATD Quart-Monde est un Mouvement humanitaire qui s’est
ceux qui sont au dernier degré de la souffrance, de l’écrasement, du           donné comme objectif prioritaire l’éradication de la misère. Ce
malheur, de la désespérance.                                                   Mouvement veut contribuer à bâtir une société où chacun de ses
  C’est donc une alliance entre les sous-prolétaires et la société que je      membres sera respecté dans son égale dignité et y aura sa place pleine
vous invite à conclure ce soir, une alliance entre exclus et non-exclus,       et entière.
une alliance qui doit transformer les relations entre les hommes, la vie          Depuis ses origines, ce mouvement, qui croit fermement en la
politique, la pensée de notre temps. C’est un véritable contrat que je         capacité de chaque homme, de chaque famille à participer activement
vous demande de passer entre vous ce soir, un contrat entre la                 aux politiques de lutte contre la misère, tourne le dos à toutes actions
population sous-prolétaire, l’état et les citoyens. L’enjeu de ce contrat      d’assistance et met l’accent sur le combat pour que chaque personne
c’est de créer une démocratie qui tire les leçons de son injustice vis-à-vis   ait accès aux droits fondamentaux et notamment aux droits à
des plus défavorisés et leur restitue leurs responsabilités de citoyens.       l’instruction et à la culture.
                          ∂                                                       ATD Quart-Monde rassemble donc des familles issues du milieu
                                                                               sous-prolétaire qui s’engagent dans leurs quartiers, dans leurs villages.
                                                                               A leurs côtés, des volontaires permanents, dont certains vivent au
                                                                               côté de ces familles dans des quartiers de misère, ont choisi un
                                                                               engagement radical.
                                                                                  Actuellement, ils sont quelque 350 femmes et hommes de différentes
                                                                               nationalités, origines, professions, religions ou philosophies, présents
                                                                               dans vingt-trois pays. Ils établissent entre eux un partage des salaires et
                                                                               reçoivent une indemnité identique, équivalente au SMIC en France.
                                                                               Cette caisse du volontariat est alimentée par des subventions publiques
                                                                               mais aussi par des dons privés.
                                                                                  Enfin un peu partout dans le monde, des milliers de personnes se sont
                                                                               “alliées” avec les familles les plus exclues et les plus fragiles de leur pays
                                                                               dont ils retransmettent le courage et les aspirations dans leurs propres
                                                                               milieux (familial, professionnel, associatif, culturel…). Ils tentent ainsi
                                                                               de faire changer le regard que la société porte sur les plus pauvres tout
                                                                               en soutenant des actions avec les équipes de volontaires et les familles
                                                                               dans leur combat pour le logement, le travail, la santé mais aussi à l’école


                                                                                                                     .123.
ou à l’université. Parmi les actions les plus régulières, ATD Quart-                 REMERCIEMENTS
Monde anime dans les quartiers des bibliothèques de rue avec les
                                                                                  Contribution pour les textes :
enfants, des universités populaires où les adultes échangent et
rencontrent des gens venus d’autres milieux pour “s’apprendre”                    Figurants : Ghislaine Gérard, Françoise Hamel, Dominique Dhont,
mutuellement et partager savoirs et expériences. Des clubs dit “du              Marie-France Tahar, Raphaëlle Chapoulard, Alex Devillers, Geneviève
savoir” permettent aux jeunes de se retrouver et des pré-écoles pour les        Avril, James Avril, Marie-Sol Poyatos, Priscilla Benmesrouk, Josiane
petits offrent des lieux inédits qui préparent les enfants à l’entrée à         Dubourdieu, Cindel Dubourdieu, Luis de Melo, Aurélie Jolivières, Thierry
                                                                                Sarraya, Claude Maréchal, Martine Lecorre, Josiane San Clemente.
l’école. Enfin, les membres du Mouvement mènent inlassablement des
actions de formation dans tous les milieux. Ils vont à la rencontre des           Acteurs : Jacques Weber, Anouk Grinberg, Laurence Côte, Salomé
citoyens à l’école, dans les universités, les entreprises pour témoigner de     Stevenin, Vincent Debost.
leurs combats et faire entendre la voix des plus pauvres. Enfin, ils
entretiennent des échanges réguliers avec les partenaires sociaux ou les          Equipe technique et artistique : Julie Lecoeur et Marie Saint-Jours
                                                                                (casting figuration), Isabelle Gies (secrétaire de production), Manu de
responsables politiques, participant souvent au débat public que ce soit        Chauvigny (Chef décorateur).
sur le terrain des lois ou sur celui de l’élaboration de nouvelles politiques
sociales. C’est ainsi qu’en France comme dans de nombreux pays, les                Merci aussi aux acteurs et aux techniciens qui figurent sur ces photos et
équipes du Mouvement ont su gagner à leur cause des responsables                notamment : Patrick Descamps, Nicolas Louis, Anne Coesens, Isabelle de
politiques de haut rang, des intellectuels ou des artistes qui sont des         Hertogh, Jeanne Lepers, Valérie Habermann. Ainsi que : Philippe Dussau
                                                                                et Colo Tavernier pour le scénario, Pierre Milon et Vincent Buron pour
relais ou des portes-voix indispensables.                                       l’image, Jérôme Ayasse pour le son, Véronique Heuchenne, Christophe
   Le Mouvement compte des équipes permanentes ou des amis sur                  Marilier, Colomba et Laura pour la mise en scène, Nathalie Raoul et
les cinq continents. Ces équipes qui ont rejoint les familles les plus          Isabelle Blanc pour les costumes, Jacqueline Mariani pour le montage,
exclues respectent dans chaque pays les singularités culturelles                Frédéric Vercheval pour la musique Fred Lary, François Drouot et Sophie
sociales et politiques. Au niveau international, le Mouvement                   Couecou pour la production.
travaille auprès des grands organismes tels l’ONU ou L’Unesco afin                Merci à Sœur Paule et aux sœurs de la Charité, à Véronique Fayet, Alain
que la voix des plus pauvres de la planète y soit entendue et que les           Juppé et Noël Mamère pour leur accueil en Aquitaine.
politiques s’inspirent des combats quotidiens et du courage de ceux
qui subissent et souffrent de la misère partout dans le monde.                   Merci à Hélène Sireyjol qui a réalisé les entretiens qui ont permis de


                           ∂
                                                                                mettre des mots sur les émotions et les expériences de chacun.

                                                                                  Merci à Emmanuel de Lestrade, première cheville ouvrière, à Laurence
                                                                                Goudeau et l’équipe des alliés ainsi qu’aux témoignages de tous ceux qui ont
                                                                                parlé ou écrit et dont les textes ne figurent pas dans ce livre faute de place…
                                                                                Vous avez largement contribué à nourrir et concevoir cet ouvrage :



                                                                                                                     .125.
Adeline Castellon, Adrien Guillot, Amélie Huyot, Angeline Portes,
Annette Rivalland, Aurélie, André Torres, Angeline Portes, Antoine
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Patricia Broyer, Patrick Emars, Pauline Eyrabide, Père André Castaing,
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Sylvie Maccabiani, Tania Cerqueira, Théo delestrade, Valentin Hirondelle,
Xavier Chapoulard, Yannick Maintenat, Yannick Texier, Yohan Bastiancig,
Yull Brunet, Yves-Michel Fougère.

                          ∂
Joseph l’Insoumis est un film produit par Emmanuel Giraud (Les Films de
     la Croisade, Paris) et Isabelle Truc (Iota Production, Bruxelles). Avec la
   participation de France télévision (Jean Bigot et Vincent Meslet) et diffusé
             sur France 3 (Anne Holmes et Marie Dupuy d’Angeac).

                        Crédits photos additionnelles :
                         Pages 14-29-32 : Marie Baget
                        Pages 24-57 : Anouk Grinberg
                      Pages 80-97 : François Philiponeau
        Photos d’archives p.112-114-119-120-122, ATD Quart-Monde
        Texte p.115, reproduit avec l’autorisation d’ATD Quart-Monde




      Pour visionner le documentaire de Delphine Duquesne retraçant la
          préparation et le tournage du film, se rendre sur le site :
                           www.dailymotion.com

           Contact ATD Quart-Monde : www.atd-quartmonde.org
               Mouvement International ATD Quart-Monde
            114, avenue du Général Leclerc 95480 PIERRELAYE
                        Téléphone : 01 34 30 46 10




Cet ouvrage a bénéficié du soutien du Conseil Régional d’Aquitaine.



                            ∂
             Achevé d’imprimer en septembre 2011, par l’imprimerie
                Présence Graphique, pour le compte des éditions
                                   ELYTIS.
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Joseph L'insoumis

  • 1.
  • 2. JosEPh l’insoumis une aventure cinématographique Photographies Elisabeth Roger ∂ Textes Jacques Weber Anouk Grinberg Caroline Glorion et les équipes artistiques et techniques du film… Photos de couverture : François Philiponeau / Elisabeth Roger © ELYTIS 2011 51, avenue Jeanne d’Arc 33000 BORDEAUX www.elytis-edition.com ISBN : 978-2-35639-083-7 elytis
  • 3. PRéfACE CE QUE CAROLINE GLORION a réussi dans le film Joseph l’insoumis et qu’Elisabeth Roger a su restituer avec intensité dans les photos de ce livre, inscrit dans le réel l’utopie rêvée par le Père Joseph quand il a fondé le Mouvement ATD Quart-Monde en 1957. Il n’y a plus ici d’un côté des acteurs professionnels et de l’autre des figurants confrontés dans leur vie quotidienne à la misère, il y a des deux côtés des acteurs qui prennent ensemble le risque de faire revivre, face à une caméra, une histoire qui mène inévitablement à la trans- formation de tous. Les uns et les autres, en décidant de s’associer dans cette création artistique extraordinairement exigeante, parviennent avec force vérité et authenticité à faire en sorte qu’il n’y ait plus d’un côté une histoire de fiction, et de l’autre une histoire de réalité. De son vivant, Joseph, l’insoumis, a exprimé le rêve qu’un jour l’humanité n’ait plus qu’une seule Histoire à raconter à ses enfants, celle où l’égale dignité voulue et reconnue par tous a raison de l’humiliation et de l’assistance. Qui aurait pu penser, au milieu de cette boue du bidonville de Noisy-le-Grand, que des femmes et des hommes initieraient une nouvelle histoire d’alliance aussi espérée qu’inattendue ? Qui aurait imaginé que, cinquante ans plus tard, cette histoire essaimerait aussi bien au flanc des ravines à Port-au-Prince, que dans les quartiers où l’eau monte d’année en année à Dakar, sur les décharges à Guatemala City, ou dans les banlieues les plus abandonnées de l’Occident ? C’est là en effet que des citoyens .5.
  • 4. reconnus ou méconnus, s’inspirant de l’aventure vécue par le père Joseph et ces familles de Noisy-le-Grand, agissent aujourd’hui ensemble pour que, dans l’égale dignité, chacun puisse offrir à tous sa dimension d’acteur à part entière. BIENVENUE DANS CE LIVRE construit comme un voyage à travers des photos, des témoignages ou des textes assemblés comme les C’est pourquoi ce film est attendu aussi bien à Manille qu’à Varsovie, pièces d’un puzzle. Nous l’avons voulu impressionniste, une à Ouagadougou qu’à New-York. invitation à partager notre aventure cinématographique à travers les Il est attendu partout où les Droits de l’Homme sont piétinés, forçant allées du décor, le croisement d’un regard, le moment d’une à l’exil, chassant et privant de tout des communautés entières. rencontre ou le mystère d’une silhouette en silence. Il est attendu aussi là où certains s’emmurent dans des sécurités Je n’ai découvert ces photos que le dernier jour du tournage. illusoires, au prix d’une totale insécurité pour d’autres. Elisabeth Roger avait été si discrète et moi sans doute si concentrée sur Il est attendu encore là où les uns continuent à réfléchir, à décider à le plateau… Nous ne nous étions pas parlé, à peine croisées mais en la place des autres, sous prétexte de les protéger. regardant ses images, j’ai été saisie par la simplicité des cadres, la force Il est attendu par tous ceux, riches et pauvres, qui s’investissent des regards, l’intelligence avec laquelle elle avait capté des moments de ensemble dans le monde de l’art, dans celui des sphères politiques, calme et de confiance, de concentration, de gravité et de légèreté. Qui économiques, environnementales. est qui ? Acteurs ou figurants ? Professionnels ou non ? Techniciens ou Il est attendu par ceux qui agissent dans le champ de la paix, de la artisans ? Réalité ou fiction ? spiritualité. C’étaient les coulisses du plateau, l’énergie et l’humanité de Parce que ce film crée et rend compte des possibles qui rapprochent toutes ces personnes qui ont travaillé ensemble. les humains, il est attendu partout. Ainsi, comme le dit dans ces pages Partager les coulisses de ce tournage, c’est partager nos émotions, Geneviève Avril : notre travail mais c’est aussi raconter une démarche, celle que j’ai “Celui qui va me voir pour la première fois, il va peut-être partir en souhaité en rassemblant, pour réaliser le film, des acteurs talentueux, courant mais s’il accepte de parler avec moi, on va peut-être devenir amis, des techniciens chevronnés mais aussi des hommes et des femmes qui comme si on se connaissait depuis toujours.” étaient étrangers au monde du cinéma. Des familles qui aujourd’hui, en 2011, se battent encore quotidiennement pour vivre dignement dans une société dure où le travail, le logement manquent EUGEN BRAND, cruellement, où les plus fragiles sont laissés de côté. DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU MOUVEMENT INTERNATIONAL Avec Julie Lecœur, nous les avons rencontré grâce au centre social ATD QUART-MONDE de Bègles, ville où le tournage s’est déroulé, et à l’équipe du Mouvement ATD Quart-Monde de Bordeaux. Ils ont accepté ainsi de prêter leur voix, leur corps, leur visage, pour incarner les personnages .7.
  • 5. UN FILM INSPIRÉ DU COMBAT DU PÈRE JOSEPH WRESINSKI du film. Au cours de la préparation, nous nous sommes retrouvés FONDATEUR DU MOUVEMENT ATD QUART-MONDE plusieurs fois pour improviser, découvrir ensemble le scénario, nous apprivoiser et apprivoiser ce “métier” d’acteur de complément, plus Début des années 60, un bidonville aux portes de Paris. Des familles connu sous le nom de “figurant”. Souvent je répétais : “C’est ce qui se survivent sous des abris en forme d’igloos dans une misère effroyable et une passe à l’intérieur de vous que je vais filmer, ce qui se passe dans votre violence quotidienne. Un homme, le Père Joseph Wresinski, vit là, au milieu esprit, dans votre cœur… Ce sont vos émotions, vos pensées qui de ceux qu’il appelle “son peuple”. imprimeront la pellicule…” Parmi ces familles, celle de Jacques et de sa mère Alicia. Alors précisément c’est Leur vie va être transformée par leur rencontre avec le Père Joseph. Celles cette intimité qui se dévoile à aussi de ceux qui vont rejoindre le combat de ce curé révolutionnaire. Un travers les photos et les textes combat contre l’assistance et la charité qui, dit-il, “enfoncent les pauvres dans de ce livre. Avec pudeur et l’indignité”. Joseph chasse les soupes populaires et installe dans le bidonville un jardin d’enfants, une bibliothèque mais aussi un salon d’esthétique et un générosité. L’expérience de la foyer pour les femmes. Il propose aux familles de se rassembler pour faire vie dure, du combat quoti- entendre leur voix. dien a nourri l’interprétation Venus du monde des nantis, des jeunes gens s’engagent à ses côtés ; de chacun et a permis Suzanne, Catherine mais aussi Geneviève de Gaulle, la nièce du général, d’incarner avec fierté la vie et ancienne résistante et déportée qui va lui ouvrir les portes vers les pouvoirs le combat de ceux qui entouraient, à l’aube des années 60, le Père Joseph politiques. Mais les oppositions sont farouches, les responsables politiques Wresinski dans le bidonville de Noisy-le-Grand. traitent Joseph de “curé de la racaille” et le considèrent comme un dangereux Je crois fermement à la force du partage des expériences, à la rencontre agitateur. Dans le bidonville, certains, habitués à survivre de la charité d’univers souvent très éloignés. Ce qui nous a rassemblés, c’est publique et de trafics en tous genres, réclament le départ de ce curé qu’ils l’exigence dans le travail, la curiosité et le respect de chacun, le plaisir de prennent pour un illuminé. créer et la responsabilité de raconter cette histoire. Bagarres, incendies criminels, dénonciations et coups tordus vont ébranler la lente progression qui réunit ceux qui suivent le Père Joseph. Joseph l’Insoumis est mon premier film de fiction. C’était pour moi Un quartier en dur sera pourtant construit à la place du bidonville. Pour le aussi une aventure inédite, intimidante et parfois un peu effrayante. La Père Joseph c’est un échec car il rêvait “d’un vrai projet politique ambitieux” confiance et l’engagement de chacun a été un moteur puissant. Tous mais comme il le dit à Jacques à la fin du film : “Nous avons tout de même m’ont encouragée avec fermeté et enthousiasme à raconter cette histoire gagné une chose : la dignité, la fierté d’avoir lutté ensemble… et on va d’hier qui résonne si fort avec la réalité et nos combats d’aujourd’hui. continuer…” Trente ans plus tard au cours d’une grande manifestation en plein Paris, le CAROLINE GLORION Père Joseph, fondateur du Mouvement ATD Quart-Monde rassemble des RÉALISATRICE familles venues des quatre coins de la planète. Ce jour-là, ils prennent la parole et le monde les écoute. .9.
  • 6. I DES REGARDS QUI S’APPRIVOISENT tnesiovirppa’s iuq sdrager seD La misère est l’œuvre des hommes, seuls les hommes pourront la détruire. JOSEPH WRESINSKI
  • 7. Dans les réunions de préparation, il fallait accepter l’idée que je représentais “une gueule”, celle de quelqu’un qui vivait dans un bidonville dans les années 60. Il fallait accepter que j’avais été choisie pour ça. Il me fallait m’accepter telle que j’étais. Mais au fur et à mesure du tournage, la manière dont on était regardé par la caméra, par les acteurs, par Caroline, j’ai oublié. Nous n’étions pas simplement des images en fond de décor. GHISLAINE GERARD Dans le film, je suis Madame Dubois. Comme je savais tricoter, on m’a demandé de montrer à Anouk comment faire pour qu’elle apprenne. On s’est donné une semaine, une heure par jour. Elle n’avait jamais touché à des aiguilles, ne savait pas comment on monte des mailles. On n’a fait que le jersey et la maille à l’endroit. FRANÇOISE HAMEL .12. .13.
  • 8. De mon bureau, j’ai souvent jeté un coup d’œil sur ces “figurants” qui attendaient leur tour avec une patience infinie. Jamais un soupir, jamais de lassitude, les amoureux semblaient bienheureux sous le barnum et ne voyaient pas le temps passer, les enfants passaient le temps à jouer. Aucun malaise n’émanait de cette discrétion étonnante. Puis tout le monde se mettait au boulot. ISABELLE GIES Anouk Grinberg, c’était pas une actrice, c’est quelqu’un qui s’est mélangé à notre vécu. DOMINIQUE DHONT .14.
  • 9.
  • 10. La peur d’être rejetée, de ne pas réussir ma vie, de rester au bord de la société… Je vis avec cette hantise en permanence. Sur le tournage, j’ai rencontré des personnes, des “vrais gens” qui connaissent ce sentiment, qui ont éprouvé ou éprouvent réellement cette peur car leurs conditions de vie sont dures, précaires. Leur courage, leur force et leur dignité m’ont convaincue que j’avais tort d’avoir peur. Et plusieurs fois, en leur présence sincère et chaleureuse, je pensais au vers de Rimbaud : “Et le regard qu’il me jeta me fit baisser les yeux de honte”. LAURENCE CÔTE .18. .19.
  • 11. C’est autour d’un poème que j’ai rencontré Anouk Grinberg. Elle voulait savoir comment j’avais connu le Mouvement ATD Quart-Monde. “En écrivant des poèmes” lui ai-je répondu… Elle a voulu les lire. Voici un extrait de mon poème : Le marcheur aux semelles de vent Le marcheur aux semelles de vent C’est le cri de désespoir Que tous veulent ignorer Ou ignorent d’ignorer C’est le Poulbot dans les mauvais souvenirs Et toutes les déceptions Qui pleuvent en grêlons Sur son cœur meurtri, Son cœur en agonie. Le marcheur aux semelles de vent C’est l’enfant aux illusions perdues, Aux rêves ensevelis Dans les décombres de nos vieux passés, Au Noël interdit. Le marcheur aux semelles de vent C’est ce petit prince Qui, passant devant une boulangerie, Touche avec les yeux, Regarde avec les mains. Comment peut-on le laisser souffrir ainsi ? Mais l’être est sourd à la douleur. MARIE-FRANCE TAHAR .20.
  • 12.
  • 13. Nous nous sommes apprivoisés si rapidement. Aujourd’hui, je ne sais plus si j’ai travaillé avec vous, ceux qu’on appelle les figurants, ou si c’est vous qui avez travaillé avec moi. Une chose est sûre : grâce à nos échanges, j’ai retrouvé une sensibilité perdue et vous avez très certainement réussi à me montrer “le vrai sens de la vie”. Du premier au dernier jour, le courage, l’opiniâtreté et le sérieux dans le travail étaient là. JULIE LECŒUR C’est là où c’était magique parce qu’on n’avait pas peur d’être jugés. Moi, j’ai pas eu peur d’être jugée devant la caméra ! Quand Anouk Grinberg me parlait, je fermais les yeux et puis j’entendais sa voix. Je me suis fait bercer par la voix d’Anouk. RAPHAËLLE CHAPOULARD .24. .25.
  • 14. On était tellement complice de ce film. La complicité s’est mise à l’intérieur de chacun. On s’est retrouvé comme une famille. ALEX DEVILLERS .27.
  • 15. Dans le film, je jouais le rôle d’une personne très âgée parce que je n’ai pas de dents devant et que j’ai les cheveux blancs. On me donne 70 ans alors que je vais bientôt avoir 56 ans. Un jour qu’il pleuvait, je me suis retrouvée abritée sous une baraque avec Jacques Weber et Anouk. On n’était que tous les trois. Lui, il me regardait, alors je lui ai expliqué pour les dents, je lui ai dit combien on était remboursé et combien ça coûtait et il a compris. Je suis comme je suis. Celui qui va me voir pour la première fois, il va peut-être partir en courant mais s’il accepte de parler avec moi, on va peut- être devenir amis, comme si on se connaissait depuis toujours. GENEVIÈVE AVRIL .28. .29.
  • 16. J’étais loin de penser que ce tournage serait aussi émouvant. Il y avait une harmonie chaleureuse avec les techniciens du film. La jeune fille blonde de l’équipe déco, par exemple, elle offrait souvent des cigarettes, elle était toujours attrayante, généreuse. Quand on a vécu dans la solitude, qu’on a jamais été entouré d’affection, ces attentions rendent vraiment heureux. Moi, j’ai passé mon enfance entre 5 ans et 12 ans à l’orphelinat. JAMES AVRIL .30. .31.
  • 17.
  • 18. Les costumières nous aidaient à choisir notre costume, elles nous aidaient dans le tournage du film, elles nous pomponnaient… parfois, elles nous mettaient de la terre dans les cheveux pour qu’on soit plus sale pour le film. Moi j’ai appris avec elles, j’ai bien compris leur métier. MARIE-SOL POYATOS Il n’y avait pas de clans, on s’est tous mélangé, et c’était bien parce qu’on a passé des heures et des heures d’attente… avant de tourner. PRISCILLA BENMESROUK .34.
  • 19. Appelons-la Claudine, mais ce pourrait être Jocelyne ou Maryline. Elle est figurante, l’un de ces visages qui vous sourit sur les photos. Cette femme est un vrai puits de science… une conteuse hors-pair. Elle m’a raconté pendant des heures ses passions, ses combats. Un jour, j’ai dû l’accompagner chez elle chercher une chemise de jeu. A ma grande surprise, je l’ai sentie honteuse de me montrer ne serait-ce que la façade de sa maison. Pourtant, cette femme possédait bien plus de richesses que si elle avait possédé une maison cossue ou un appartement moderne. MARIE SAINT-JOURS .36.
  • 20. II LA RÉALITÉ RENCONTRE LA FICTION noitcif al ertnocner étilaér aL Je n’ai jamais pu accepter que des hommes soient inutiles. C’est un drame et un scandale. JOSEPH WRESINSKI
  • 21. Ce qui est cruel doit nous ébranler. MANU DE CHAUVIGNY
  • 22. Lorsqu’on est arrivé sur le décor du film, on se serait cru dans la vraie vie. Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai ressenti, on se serait cru dans la réalité. Cette vie-là, je l’ai vécue, je n’avais pas la lumière, il fallait chauffer des morceaux de bois dans une brouette, ramener la cendre rouge, la braise, dans la caravane, pour se chauffer. Pour se baigner, il fallait couper des bidons d’essence Total pour se faire un genre de baignoire pour se laver, puis il fallait chauffer de l’eau. Tout ça a duré longtemps. JOSIANE DUBOURDIEU .42.
  • 23. Au début du tournage j’étais paniquée, j’avais peur qu’on n’y arrive pas. Dès qu’on a commencé à travailler, je pensais aux années de mon enfance, à ce que mes parents avaient vécu, eux aussi, dans des baraquements. Mes parents n’avaient pas de lumière, ils s’éclairaient avec des bougies, ils allaient chercher l’eau dans une citerne dehors, comme dans le film. Nous vivions dans le bidonville de Beaudésert et, comme dans le film aussi, il y a une maison qui a pris feu. Il n’y a pas eu de blessé. Ce n’est pas le seul évènement qui me rappelle mon enfance. Lorsque la police vient pour chercher les enfants qui se cachent derrière les arbres, elle vient pour les placer. Ce moment m’a beaucoup impressionnée. Aujourd’hui, je connais des gens qui vont chercher du travail et, comme le personnage d’Alicia dans le film lorsqu’elle frappe à la porte d’une dame, ils entendent la même réponse : “J’ai rien pour vous, pas de travail !” MARIE-SOL POYATOS .44. .45.
  • 24.
  • 25. Sur le tournage, il y avait une figurante à qui j’avais demandé comment elle faisait pour être aussi vraie, elle a répondu : “Mais c’est mon quotidien !” Cette jeune maman de trois jeunes enfants ne pouvait pas quitter son domicile. Pour elle, ce film, au-delà de l’argent qu’elle gagnait pour ce travail de figurante, était une bouffée d’oxygène. Afin de pouvoir participer au tournage, elle s’est organisée ; sa grand-mère de 80 ans a gardé ses trois gamines et elle a vu autre chose que sa maison. Voilà pourquoi tous les gens étaient vrais. Pourtant on a travaillé, on a répété et la plupart d’entre nous a pris conscience que c’est un sacré métier d’être acteur, c’est un sacré boulot. Même le plus petit rôle n’est pas si naturel que ça à jouer. Anouk Grinberg disait que ce qu’elle souhaitait, c’est qu’on oublie qu’elle était une actrice… C’était réussi parce qu’elle a été plongée directement dans le bain… GHISLAINE GÉRARD .48. .49.
  • 26.
  • 27. Le tournage a fait remonter tous mes souvenirs d’enfance. Quand j’ai commencé à travailler, je n’avais pas de diplôme. J’ai vécu dans les baraquements américains du Chût. Les rats nous rendaient visite sur les lits pour nous tenir compagnie ! Les baraques étaient aménagées avec du papier goudron qui parfois était percé. Ce film raconte le Père Joseph, un homme qui a pu bâtir le Mouvement avec des familles parce qu’il avait été en difficulté lui-même, avec son père émigré polonais et sa maman espagnole. Il vivait avec sa mère séparée du père. Il s’est battu en se servant de son expérience. Il reste une idole pour les plus pauvres. Il a notre soutien pour que cette misère qui nous harcèle puisse prendre fin. LUIS DE MELO .52. .53.
  • 28. .54.
  • 29. Moi, je me voyais comme un curé de pub pour fromage crémeux. Mon ventre sentait l’opulence satisfaite qui plaide pour la gourmandise et tait son ennui, cette sorte de malveillance de l’esprit. Et puis, devant moi, ce grand abbé, Joseph, qui du seul regard me foutait une grande paire de taloches. J’avais beau détester la soutane depuis tout petit, lui était plus près de Jean Valjean que du surplis sacerdotal. Son cœur battait tambour et sonnait la révolte. Les orgues et la grand- messe, les pater noster et les deo gracias aussi fastueux et hypocrites que les ors et les discours de la république étaient La scène où les femmes parlent de l’abus sexuel m’a si loin de l’église du père Joseph, celle des pauvres gens, celle beaucoup marquée parce que ça nous concerne, c’est à laquelle j’aurais tant voulu croire. toujours d’actualité. Seul, j’étais seul devant cet homme seul et devant les millions de solitudes de la misère dont on fait une AURÉLIE JOLIVIÈRES .56. .57.
  • 30. communauté générique inéluctable et fatale dans notre monde. Un ghetto dit-on, un truc dégueulasse qu’on parque autour des villes comme les juifs au Moyen-Age. Ça chlingue, c’est sale, alors on tourne le dos, moi le premier, et on espère d’autres lois, genre kleenex pour s’essuyer les larmes d’une girafe. Je suis acteur, alors j’ai continué à faire mon travail dans ce décor de bidonville reconstitué adossé à un couvent de bonnes sœurs, si près des vignobles fastueux du bordelais, tout fut pourtant différent. Certes le Pessac-Leognan excitait mes papilles au-delà du péché de gourmandise, mais nom de dieu, je buvais à l’homme comme aurait dit Gorki et laissait mon nombril avec mes chaussettes et mon pantalon dans ma loge. Un petit crucifix de bois pendait au-dessus d’un gros lit court, de campagne. Et puis j’allais là-bas chez les gens, les autres, ces gens-là, ceux du quart-monde, j’allais jouer avec eux. Contrairement au discours qui simplifie les choses de la vie comme un coup de peinture rafraîchit les latrines, je n’allais pas vivre avec eux, mais jouer avec eux et en prendre plein la gueule… oui, plein le ventre et la gueule. De beaux visages fatigués à 20 ans, un sourire qui garde tout dans les yeux parce que les dents sont mal soignées et des seins tombés, alourdis, affaissés .58. .59.
  • 31. qui essayent de faire bonne figure dans les petits gilets tricotés. On était loin des nibards qui ne bougent plus, qui font la roue comme des paons empaillés. Il y avait à chaque seconde, à chaque éternité des secondes, dans ce grand naufrage de la misère, un sourire inatteignable, une décision inaccessible et transcendante de jouer son propre rôle, de mettre en jeu, de mettre en joie la difficulté d’être. Chez eux c’est simple la difficulté d’être : avoir chaud en hiver, être au frais en été, manger et dormir ce qu’il faut et tenter de pouvoir faire respecter son corps et ses enfants. Je ne le savais plus, ou si mal. Alors j’ai oublié ma détestation des curés, j’ai sali avec joie ma soutane dans la poussière du camp, au fond j’ai rien foutu ! .60.
  • 32. Le sourire énergique de ma copine qui jouait au rugby, et puis de Caroline, et puis le chef op qui se taisait mais qui voyait tout comme Tabarly dans le grand large, la trop maigre et la si forte, et puis les hommes, les courts et les massifs, résignés dans l’honneur. Tous reconstituaient une sorte de grand Dieu mort auquel ils m’ont fait croire. J’ai rien foutu… touché n’est pas joué dit-on, je suis touché et c’est vrai. Après une projection, une enfant en famille d’accueil réputée difficile, très difficile, une jeune fille si belle, coquette et provocante, en grosses chaussures et tablier de toile sur le tournage vint me voir. Elle me sourit fort, très fort. Belle, très belle, elle s’était mis un peu de rouge à lèvres, elle me dit : “T’es bien, t’as l’air gentil.” J’étais très ému, elle aussi. Alors brutale, elle change de ton et me dit : “On m’a beaucoup coupé dans le film mais je suis jolie non ?” La vie avait fait coucou et le cinéma retrouvait sa place. JACQUES WEBER .63.
  • 33. C’était difficile de rendre à l’extérieur ce que je portais à l’intérieur. Un exploit pour moi a été de danser, je souffrais énormément. SANDY GAUTHIER
  • 34. C’est vrai qu’on est figurant, mais après on l’est plus ! Au mot “Action”, j’oubliais parfois que j’étais figurant, je faisais une action, traîner une charrette par exemple, et subitement ça me rappelait quand j’étais gamin et que je récupérais les métaux et que je les transportais dans une charrette. Cette impression ne durait pas longtemps. Les gens du film, ils appellent ça “mettre en scène” ; eh bien, j’oubliais parfois que j’étais figurant, je ne me posais pas de question, je faisais l’action. Notre vie à chacun est attachée à des souvenirs qui remontent du passé. THIERRY SARRAYA .66.
  • 35. .69.
  • 36. Il y a dans le film cette scène cruelle où la police débarque dans le camp. Cette scène, je l’ai vécue. Lorsqu’on subit une violence pareille, on est démuni. Enfant, j’ai été placé et je n’ai jamais revu personne de ma famille ! J’ai toujours été suivi par les services sociaux. J’ai commencé à travailler à 15 ans. JAMES AVRIL Ce film, c’est la réalité. Par exemple, le fait qu’une famille de dix enfants se retrouve dans la situation où les enfants sont pris à leurs parents… J’ai vécu la même chose. Mes frères et sœurs ont été placés par la DDASS, c’est la vérité, c’est le vécu. Nous étions dix enfants et je ne les ai pas connus, mes frères et sœurs, jusqu’à l’âge de 20 ans et quelques années. Ma sœur, je l’ai connue il y a vingt-deux ans… J’en ai 44 aujourd’hui. Jusqu’à 22 ans, je ne connaissais aucun de mes frères et sœurs. DOMINIQUE DHONT .71.
  • 37. III DES EXPÉRIENCES QUI SE PARTAGENT tnegatrap es iuq secneirépxe seD Tout est né d’une vie partagée, jamais d’une théorie. JOSEPH WRESINSKI
  • 38. Je me souviens du premier jour au camp comme d’un choc thermique. Les gens ici étaient si vrais, si massifs. J’étais indéniablement avec des guépards, des ours, des mystères. Je ne voyais partout que de la noblesse, de la tenue, de la beauté. Et surtout, de la solidité. C’était incompréhensible et sidérant, quand on sait l’injustice qu’ils doivent bouffer à tous les vents, quand on sait la roue comme elle écrase, et quand on sait le mépris dont on entoure ceux qui n’ont pas de chance et qui sont dans le malheur. Mais ici, dans ce camp, pour le tournage et surtout pour une fois, sous l’œil réellement affectueux et respectueux de Caroline Glorion, la roue avait tourné : ils étaient les héros de l’histoire, et c’est indéniable, ce sont des héros de l’histoire. Quiconque a été jeté par dessus bord du monde et ne finit pas noyé dans la haine ou la paralysie du cœur est un héros. Personne parmi les riches ou les chanceux ne pourrait supporter une heure pleine de cette vie noire sans devenir méchant ; mais eux sourient, ils sourient de cette vie, sourient au mal, et sourient à ce qui est bien. En arrivant donc, j’ai eu très nettement le sentiment d’avoir tout à réapprendre d’eux, question présence, et qu’ici, c’était moi la pauvre, un peu comme un caniche avec des loups. Mais comme il arrive parfois dans les histoires, les loups m’ont adoptée dès la première heure où je me suis trouvée Grâce à eux et avec eux, nous avons fait mentir dans leur monde, et ils m’ont donné des clés, en me parlant, ce qui fait honte à la vie. ou sans parler. ANOUK GRINBERG .75.
  • 39. Parmi tout ces vrais gens qui ont joué avec nous, je me souviens de F. me racontant sa vie, riant de tout, mais pas de haut, comme si elle était ailleurs, pas là pour vivre la saloperie, plutôt tournée vers la joie, les autres. Le premier jour, elle m’a appris à tricoter en éclatant de rire et c’est comme si elle m’avait fait la courte échelle pour devenir Alicia. D’où lui venait sa bonne humeur, elle qui n’avait reçu que la vie ? Aussi impressionnante que les oiseaux qui ne s’arrêteront jamais de chanter. Et J., femme à la bouille déchirante, petite fille trouvée dans une poubelle, dont le visage s’éclairait parfois comme un soleil, et qui tendait les bras parce .76.
  • 40. qu’enfin la vie passait dans son jardin sans tout écrabouiller. Jamais je n’oublierai comme elle me prenait dans ses bras et me faisait tourner, comme on était heureuses et partageuses. Et je n’oublierai jamais non plus ses pleurs le dernier jour. Si je pouvais parler au nom des hommes, je voudrais lui demander pardon. Et sa fille au visage si doux, déjà enfui comme un nuage, enfui d’une vie trop âpre sans doute, mais elle ne le dira pas. Et G., femme délicate et cultivée, qui m’a offert son livre de peinture parce qu’elle a su que j’aimais ça, bonté secrète au jour le jour. M-F, silencieuse comme un arbre. Un jour, elle m’a tendu son livre de poèmes, merveilleux, atroces. M., qui me disait qu’il faut se tenir très droit dans le malheur, comme un i, et regarder ceux qui offensent comme si c’étaient des enfants. Et je me demandais où est la pauvreté. Et l’indignité. De quel côté ? Chez eux qui vivent de rien, sourient pour de vrai et se tiennent debout dans la vie, qui réfléchissent et qui pardonnent, ou chez les autres, qui du haut de leur richesse et de leur inconscience, les ont mis dehors, de leurs maisons et de leurs villes ? Je ne peux pas citer tous ceux qui étaient sur le film et qui ont contribué à faire sa force mais je voudrais leur dire merci pour la leçon de vie, de pardon, et d’oiseaux immémoriaux. ANOUK GRINBERG .78.
  • 41. Il y a des choses difficiles à raconter mais pourtant je souhaite montrer que les ennuis ne détruisent pas l’individu. J’ai reçu des mauvais coups. Je couchais dans la rue, je couchais sous les ponts, alors je sais ce que c’est la vie dure. Aujourd’hui, je suis contente d’avoir un toit, je suis arrivée au bout de ma carrière, tant bien que mal, mais j’y suis arrivée, et maintenant, j’ai mon fils avec moi. Je ne “tragique” pas. Moi, je dis que la vie n’est faite que de combats. CLAUDE MARÉCHAL Caroline et Pierre, le chef opérateur, ils ont regardé à l’intérieur de nous. Ils n’ont pas seulement filmé notre image. Pour les photos c’est pareil. Ils ont tous réussi à nous faire ressentir le film intérieurement. C’était vraiment ce qu’on avait dans les tripes qui ressortait. Mon rôle, par moments, était celui d’une rebelle, surtout quand je parle à Monsieur le Maire. Toutes les personnes âgées que je connais me disaient : “Ah ! de toute manière, ça te va bien, tu es vraiment comme ça, une rebelle.” FRANÇOISE HAMEL .80. .81.
  • 42.
  • 43. Avant, je marchais toujours la tête baissée. Depuis, j’ai eu l’occasion de parler, j’ai relevé la tête. J’attendais cette occasion depuis longtemps. Le bien qu’on m’a fait en me permettant de parler, j’essaie de le faire aux autres : quand je vois quelqu’un dans la même situation que moi, je lui fais comprendre qu’il faut oser parler, j’explique qu’on est comme les autres. Avant j’étais timide, maintenant j’ose. Quand vous commencez à parler, vous voyez comment vous êtes estimé. On se sent un peu utile sur la Terre. JAMES AVRIL .84.
  • 44. J’ai fait une dizaine de jours de tournage… je n’ai manqué la classe que deux ou trois fois… sinon en sortant du collège j’allais directement au tournage. Mes copains le savaient et ils m’ont dit : “Qu’est-ce que tu joues ? Avec qui ?” Au collège je vais au CDI, je prends des livres… souvent. Ça, j’ai mis juste deux minutes à l’écrire c’est tout ! Avant, j’avais réfléchi et après, j’ai écrit, j’ai essayé de l’inventer… “Sous le soleil brûlant sont réunis deux amants Quand le vent soufflera Leur amour triomphera.” CINDEL DUBOURDIEU .86.
  • 45. IV LA FIERTÉ D’AVOIR LUTTÉ ENSEMBLE elbmesne éttul riova’d étreif aL LA FIERTÉ D’AVOIR JOUÉ ENSEMBLE elbmesne éuoj riova’d étreif aL Je suis jaloux, comme Dieu se dit jaloux dans la Bible, de ceux qui, dès leur enfance, apprirent à aimer la musique et la danse, l’art et la poésie. Je n’eus pas cette chance et toute ma vie j’en ai souffert. Pouvoir l’offrir aux plus pauvres a été mon combat. JOSEPH WRESINSKI
  • 46. Quand j’ai vu le film, j’ai pleuré pendant presque toute la séance car je voyais ce que j’avais vécu ! Je suis fière de ce que j’ai joué, la fierté non pas d’avoir vécu dans la misère mais d’être capable de le montrer, d’être capable de le dire. C’était important pour que mon fils voit ce que j’avais vécu et puis surtout pour lui montrer qu’on peut être pauvre, vivre dans la misère, et, après, bien tourner. DOMINIQUE DHONT Moi qui suis isolé, qui ai du mal à me voir en photo, accepter d’être filmé, c’était un défi. SANDY GAUTHIER .91.
  • 47. Pour tous ceux qui vivent dans la misère, ce film est une reconnaissance, on n’a plus peur de se montrer. J’espère qu’il va permettre à beaucoup d’ouvrir les yeux. ALEX DEVILLERS Tourner ce film m’a apporté la reconnaissance, on va Tourner dans ce film m’a donné du courage pour ma vie. toucher le public avec quelque chose de vrai qui existe encore aujourd’hui sous d’autres formes. SALOMÉ STEVENIN AURÉLIE JOLIVIÈRES .92. .93.
  • 48.
  • 49. La scène qu’on a tournée avec toutes les femmes m’a beaucoup touchée, j’en pleure encore. C’était notre vie à beaucoup. Jacques Weber lui aussi avait les larmes aux yeux. Je revois encore cette scène tous les soirs. MARIE-SOL POYATOS Sur le tournage, j’y suis allé en tant que personne individuelle, humaine, et après j’ai pu rencontrer tout le monde sans fossé. ALEX DEVILLERS .96. .97.
  • 50.
  • 51. Ça nous a rapproché les uns des autres ; entre nous, les gens d’ATD, ça a recréé des liens. Ça nous a donné envie de faire d’autres choses ensemble. AURÉLIE JOLIVIÈRES Pendant le tournage, j’ai retrouvé papa et maman… Je ne les avais pas vu depuis presque 40 ans car j’ai été placée toute petite. C’est une de mes sœurs qui m’a reconnue sur Internet car j’étais en photo dans le journal Sud Ouest qui est venu faire un reportage sur le tournage du film. Mes parents m’ont retrouvée et ils m’ont téléphoné. On s’est vu juste une fois et puis on se téléphone. Mes parents sont maintenant des personnes âgées, ils ne sortent pas beaucoup. Ma maman a un cancer. Je ne les avais pas vus depuis toute petite, ils ne m’ont presque pas élevée. JOSIANE DUBOURDIEU .100. .101.
  • 52. Je me suis sentie respectée comme les autres. Les acteurs et les techniciens nous prenaient comme on était et nous encourageaient à faire comme on le sentait, et non comme c’était parfois écrit dans le texte. Certaines répliques, on avait du mal à les dire. “Tu le dis comme tu veux”, répétait Caroline. “Tu peux le dire avec tes mots, mais pas des mots “modernes”. Il y a une scène pendant laquelle on racontait notre vie, nos souffrances de femmes, et cette scène nous a toutes prises aux tripes. Raphaëlle, Priscilla, Anouk, nous étions bouleversées. Cette scène avait été beaucoup travaillée en préparation, mais lorsqu’on l’a jouée, lorsqu’on a entendu ces mots qui racontaient la condition de la femme sous- prolétaire, il y avait une atmosphère incroyable, pleine de gravité et d’émotion. Je me disais que ces femmes qui à l’époque avaient pu parler ainsi devant un homme, un prêtre, avaient eu un courage énorme. Cette scène est un hommage à leur courage, on ne pouvait pas mieux leur rendre hommage. FRANÇOISE HAMEL .102.
  • 53. Martine est une amie, militante Quart-Monde, qui est venue assister au tournage. A son retour, elle a écrit une lettre à l’attention des techniciens et des acteurs. Deux jours et une nuit à rôder sur le tournage… (…) J’ai été témoin de votre simplicité à tous, vous, les techniciens et acteurs du film. Je vous ai vus les uns et les autres vous poser sur une simple chaise en attendant une prise. Il n’y avait pas de différence entre ceux du cinéma et les autres… Vous étiez là, tout proche, sans “privilèges”, et tout votre “savoir être” m’a rassurée. C’est une vraie force et du coup, vous tous, réunis, vous avez contribué à ce que les “miens”, et pas les “pauvres”, se sentent respectés. Ce que vous “avez joué” aujourd’hui, ce que vous “avez tourné” aujourd’hui, c’est la vie, le combat d’hier qui reste de pleine actualité. Les spectateurs doivent le savoir mais grâce à ce film, ils sauront aussi que les “pauvres” ne sont pas “que des pauvres”. Ce n’est pas une identité. Nous sommes des combattants de la vie et comme tout un chacun, parfois, on n’en peut plus… Une dernière chose que je voulais vous dire. Quand j’étais enfant j’avais trois rêves, je voulais devenir avocate (depuis toujours j’ai trouvé normal de défendre ceux qui souffraient comme moi ou plus encore). Actrice aussi. J’adorais tout particulièrement le théâtre, puis mon troisième rêve d’enfant c’était de savoir lire l’heure. Cela venait du fait qu’un jour la police est venue chez moi pour cherchez ma maman qui ne s’était pas rendue à une convocation. Du coup, c’est devenue pour moi un rêve ou peut-être une angoisse. Apprendre à lire l’heure pour ne pas me laisser surprendre par le temps. Je ne suis jamais, jamais en retard a un rendez-vous quel qu’il soit ! Donc je sais lire l’heure. .105.
  • 54. Je ne suis pas devenue avocate car très tôt, on a considéré que je n’avais rien à faire à l’école et pourtant j’étais une très bonne élève, j’adorais l’école mais j’avais un gros désavantage, la pauvreté de ma famille. Mais un jour, dans mon parcours de vie après une petite incarcération pour vol, j’ai du passer au tribunal, je n’ai pas pris d’avocat et me suis défendue avec “fougue” seule… ainsi j’ai été un peu avocate ! Je ne suis pas devenue comédienne mais je suis devenue actrice, actrice de ma vie… Cela je le dois au Père Joseph, aux miens, à tous ceux qui croisent ma vie aujourd’hui donc à vous aussi maintenant car vous rencontrer me pousse à dire, à faire, à apprendre et au fond tout cela n’est-il pas le plus beau des rôles à jouer que celui d’être acteur de sa vie ? Cela je crois que je le suis aujourd’hui… MARTINE LE CORRE J’ai été Dans ce théâtre d’une humanité contrariée Dans ce camp naufragé d’une rare beauté Emu d’y être bouleversé et fier d’y avoir été. Improviser avec tous les acteurs sur des “histoires” qui n’en étaient pas… Des paroles qui résonnaient tellement fort sur le plateau que le temps d’une séquence devenait irréel Et l’improvisation n’était plus un jeu, mais l’espace d’une troublante révélation… VINCENT DEBOST .106.
  • 55. Ma question reste : qu’est-ce qu’on fait avec ce film ? On a changé de tenue, mais la misère est toujours là. Qu’est-ce qu’on en fait ? Ma présence sur ce tournage ne pouvait pas être seulement de la figuration… Pour moi, c’était un coup de gueule… il JOSIANE SAN CLEMENTE serait temps que les politiques se décident à bouger, qu’ils regardent au-dessus de leur épaule pour voir ce qu’on vit. ALEX DEVILLERS .108. .109.
  • 56. QUELQUES DATES REPÈRES DANS LA VIE DE JOSEPH WRESINSKI. 12 février 1917 : Joseph Wresinski né à Angers d’une mère réfugiée espagnole et d’un père polonais. 29 juin 1946 : Ordonné prêtre à Soissons, pendant dix ans il sera curé de campagne dans l’Aisne. 14 juillet 1956 : Arrivée au camps de Noisy-le-Grand, bidonville en région parisienne. 1957 : Il fonde avec les familles du bidonville la première association le “vrai” qui donnera naissance quelques années plus tard à Aide à Toutes Détresses puis, plus tard encore, ce mouvement prendra le nom d’ATD Quart-Monde. Les premières bibliothèques de rue voient le jour, les Joseph Wresinski. universités populaires pour les adultes et les pré-écoles pour les tout petits et leurs familles. ∂ 1960 : Il crée le Bureau de recherches sociales qui deviendra en 1967, l’Institut de recherche et de formation aux relations humaines. Dès cette époque, il commence à voyager à la rencontre des plus pauvres d’abord en Angleterre puis en Inde et aux Etats-Unis. Cette ouverture au monde ne s’arrêtera jamais. 1967 : Il crée le mouvement Tapori, la branche enfant d’ATD Quart- Monde. 1968 : Il invente le terme quart-monde qui est repris dans le langage courant. Il fait ainsi une référence explicite aux cahiers du Quart-Etat (par analogie au Tiers-Etat) établis au moment de la révolution française .111.
  • 57. et qui rassemblèrent les revendications des plus pauvres pour les 1982 : Jean-Paul II reçoit Joseph Wresinski et une délégation de jeunes apporter à la nouvelle assemblée constituante. Pour le père Joseph, le du quart-monde. quart-monde est le peuple des sous-prolétaires qui se met debout et revendique ses droits et son égale dignité dans la société. 1984 : Joseph Wresinski remet au secrétaire général de l’ONU, Perez de Cuellar, une pétition de 235 000 signatures demandant que la misère 1973 : Il crée Alternatives soit reconnue comme une violation des droits de l’homme. 114, le mouvement des jeunes du quart-monde. 1984 : Le président François Mitterrand reçoit Joseph Wresinski accompagné d’une délégation de familles du quart-monde et de la 1977 : A l’occasion des 20 ans présidente du mouvement Geneviève Anthonioz-De Gaulle. de la création de la première association de familles, il lance 1985 : Joseph accueille au Bureau International du Travail, à Genève, un défi à la Mutualité à Paris des délégations de jeunes du quart-monde venues des quatre continents. “Dans dix ans plus un seul illettré dans notre pays, celui 11 février 1987 : le père Joseph remet au gouvernement français un qui sait doit apprendre à celui rapport du Conseil économique et social qu’il a coordonné, “Grande qui ne sait pas.” pauvreté et précarité économique”. Il préconise la mise en place d’un Revenu Minimum d’Insertion (le volet insertion sera vite oublié…) et 1978 : Le président français Valéry Giscard d’Estaing reçoit Joseph la création d’une couverture médicale universelle ainsi qu’un droit au Wresinski et une délégation de familles pauvres à l’Elysée. logement réellement respecté. 1979 : Joseph Wresinski est nommé par Giscard d’Estaing au Conseil 17 octobre 1987 : 100 000 défenseurs des Droits de l’homme venus économique et social au titre de personnalité qualifiée. Les premières des quatre coins du monde et des différentes associations et équipes permanentes de volontaires d’ATD Quart-Monde s’implantent mouvements politiques se rassemblent au Trocadéro autour de Joseph dans les pays du sud. Wresinski et de son mouvement ATD Quart-Monde. Cette journée est déclarée par l’ONU : Journée Mondiale du Refus de la Misère. 15 mai 1982 : “Pleins droits pour tous les hommes”. Pour les 25 ans du Mouvement ATD Quart-Monde, Joseph Wresinski lance cet appel 14 février 1988 : Joseph meurt à l’hôpital de Suresnes des suites d’une devant des milliers de familles et d’amis à Bruxelles. Il place le combat opération du cœur. de la lutte contre la misère sur le terrain des Droits de l’homme. ∂ .112.
  • 58. L’appel qui suit, prononcé par le fondateur du Mouvement ATD Quart-Monde, est un texte de style oral adressé aux membres de son mouvement : les “alliés” comme il les surnomme, sont des citoyens bénévoles ; les volontaires permanents, des hommes et des femmes qui engagent leur vie et leur activité et sont rémunérés ; et enfin les familles du quart-monde. A travers ces lignes, on découvre la radicalité de l’engagement qu’il demande, la grande confiance en chaque homme, chaque femme à qui il s’adresse et enfin la solennité de son combat puisqu’il commence par une interpellation véhémente à l’état français *. D’autres appels ont été par la suite lancés à Bruxelles, à Genève, à New York et partout dans le monde où le Père Joseph comptait des amis, des équipes et des familles qu’il avait rejoints dans leur combat. C’est vers l’Etat que je me tourne tout d’abord, vers l’Etat dont la mission première est de promouvoir une volonté politique de destruction radicale de la misère, vers l’Etat sur lequel les citoyens se sont de plus en plus déchargés, depuis les années d’après-guerre, du souci des plus défavorisés. UN ÉTAT GARANT DE LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS DES EXCLUS. Nous demandons d’abord que son Chef, le Président de la République se reconnaisse publiquement garant de la défense des intérêts des Appel à la solidarité lancé par le Père Joseph minorités exclues, qu’il veille à ce que le quart-monde obtienne au plus vite les moyens de ses libertés économiques, culturelles et politiques, Wresinski à la fête de la solidarité organisée le qu’il veille notamment à ce que le quart-monde soit représenté dans 17 novembre 1977 au Palais de la mutualité à toutes les instances où les autres citoyens peuvent se faire entendre. Nous demandons que pour assumer cette responsabilité dans les Paris, à l’occasion du 20ème anniversaire du mouvement ATD Quart-monde. * Ce texte a été coupé pour les besoins de l’édition de ce livre. Le texte original est dis- ponible sur le site internet du Mouvement ATD Quart-Monde. .115.
  • 59. meilleures conditions, le Chef de l’Etat désigne auprès de la Présidence situation d’infériorité et fait qu’il soit rejeté. Cette contestation nous la de la République un délégué chargé de suivre et d’évaluer en perma- mènerons dans notre propre famille, dans notre propre milieu et cela au nence l’élaboration et l’exécution d’un plan quinquennal pour éliminer risque de renoncer à des idées rassurantes ou à des privilèges acquis. la misère et l’exclusion dans la démocratie française. (… ) Ce sur quoi Cette contestation, nous la poursuivrons dans l’école, le lycée que nous insisterons ce soir c’est la concertation pour laquelle le Mouvement fréquentent les nôtres ; par elle nous refuserons que soit délaissé l’enfant ATD Quart-Monde s’est toujours montré prêt à partager son expérience le moins doué, l’enfant écrasé par le poids de la misère de sa famille. et ses connaissances. Par cette concertation sera cassé le cercle vicieux de Notre contestation sera présente dans les entreprises où nous exigerons la misère. Nous demandons enfin à l’Etat d’accueillir et de faciliter que soient admis ceux qui n’ont reçu aucune formation professionnelle. largement la libre initiative des citoyens dans le combat contre En cette période de crise nous agirons pour qu’ils ne soient pas les l’exclusion et de fournir au besoin, les moyens financiers d’initiatives premiers privés de leur travail, pour que la solidarité ouvrière joue non-gouvernementales. Soutenir la liberté d’innover des citoyens c’est pleinement en leur faveur. En un mot, nous n’accepterons plus qu’en stimuler les administrations et garantir l’aptitude à la réforme des aucun lieu les plus défavorisés soient oubliés ou négligés. Notre adhésion structures publiques ; c’est assurer à l’Etat la capacité de se forger un dans les partis politiques de notre choix orientera les programmes vers nouveau mode de démocratie qui ne tolèrera plus que des minorités sans une société sans exclusion. Nous imposerons à l’Etat un projet de société poids politique puissent être réduites au silence et au paupérisme. dont la charte sera la défense des plus démunis et le respect de leur droit. Quant à ceux qui croient, qu’ils fassent en sorte que grâce à leur UNE ALLIANCE NOUVELLE QUI TRANSFORME. dynamisme et à leur foi, nos Eglises accueillent en premier les plus démunis. Que grâce à ces croyants elles redeviennent les Eglises des sans- A côté de l’Etat, c’est à tous les citoyens que je m’adresse car ce sont défense, des ignorants et des victimes, le lieu de leur espérance, celui du eux qui, en fin de compte, déterminent les choix et les grandes partage et du dépouillement des forts, mais aussi, du refus de Dieu orientations de toute société. Face à l’exclusion, le quart-monde nous d’accepter l’oppression, l’injustice et la haine. Notre combat dans les rappelle donc à nous qui sommes des citoyens reconnus, qu’une mouvements de lutte contre la guerre, la faim, pour les droits de nouvelle alliance s’impose : Alliance entre exclus et non-exclus. Une l’homme rejoindra ce refus de l’exclusion car en réalité celle-ci n’est autre alliance qui doit transformer les données de la vie politique, la pensée de que l’ultime étape de la persécution contre la dignité de l’homme et le notre temps, l’esprit des institutions et des lois, et la vie des Eglises. Il respect qui lui est dû. Plus encore, si nous le pouvons, nous donnerons nous faut donc conclure une alliance nouvelle avec le quart-monde pour de notre temps pour lutter contre l’ignorance au sein même du quart- que partout soit défendue la cause des laissés-pour-compte. Mais pour monde, pour éveiller la population sous-prolétarienne à la lecture, à être fidèle à cette alliance nous irons jusqu’au bout de notre contestation l’écriture, au savoir, à l’art, à la poésie, à la musique. C’est pourquoi nous contre tout projet de société qui exclut les plus faibles et nous qui sommes éducateurs, instituteurs, nous rejoindrons ceux qui, dans le imposerons la participation en tout domaine des plus défavorisés. En Mouvement, ouvrent des “Bibliothèques de rue”, animent des “Pivots effet, aller jusqu’au bout c’est dénoncer tout ce qui met un homme en Culturels”. Sociologues, économistes, psychologues, nous participerons .116. .117.
  • 60. aux recherches que l’Institut du Mouvement mène depuis quinze ans, à la recherche d’autres afin de fonder une connaissance scientifique du groupe quart-monde. oubliés. C’est vous, les Juristes, nous renforcerons les comités de défense de ses intérêts et de ses permanents du Mouvement droits. Représentants du pays, responsables à quelque titre que ce soit de qui continuerez à être cette la solidarité des citoyens, nous travaillerons de tout notre pouvoir à brèche dans le mur de rendre aux organes représentatifs du sous-prolétariat leur juste place l’exclusion. Vous avez opté dans les institutions de la nation en tant que partenaires sociaux. pour une communauté de Infirmières, médecins, nous prendrons la défense du malade sous- destin avec la population prolétaire dans les hôpitaux, les centres de planning familial. Gens de sous-prolétarienne. Vous lettres, journalistes, nous œuvrerons à la création d’un langage accessible êtes et vous serez les témoins aux moins instruits, nous nous ferons dénonciateurs de l’exclusion. dans la population même Enfin tous, sans exception, nous pouvons et devons notre soutien que ses espoirs ne sont pas financier. Ainsi notre contestation deviendra la volonté de la Nation de vains, qu’elle n’est pas faire disparaître la condition sous-prolétarienne. coupable, que son expé- rience au contraire a valeur UNE BRÈCHE DANS LE MUR DE L’EXCLUSION. pour tous les hommes. Vous êtes et vous serez les plus Le combat de libération du quart-monde c’est sur vous, volontaires proches du scandale. Vous vous compromettrez comme avant avec ses ATD Quart-Monde, sur vous les permanents du Mouvement qu’il victimes et vous dénoncerez tout malheur, affrontant s’il le faut, l’Etat repose, car c’est vous les premiers qui l’avez entrepris. Sans vous, le et l’opinion. Vous êtes ceux qui découvrez les nouveaux terrains où il sous-prolétariat ne serait jamais entré dans l’histoire contemporaine, faut porter l’action, les nouvelles formes de lutte pour la mener à les familles sous-prolétaires n’auraient été que des “familles-cas”, des bien. Vous êtes les garants que les exclus seront les premiers “familles-problèmes”. Contre vents et marées, contre l’inertie de bénéficiaires des changements, que ceux-ci seront assez radicaux pour l’Etat, contre l’incompréhension des institutions, contre l’indif- ne plus laisser personne de côté. Vous devez garantir que la férence de l’opinion, contre le mépris de beaucoup, et pendant de contestation ira jusqu’au bout, que les plus défavorisés ne seront pas nombreuses années contre le propre refus du quart-monde lui-même, abandonnés en chemin. C’est un contrat de vie que nous avons vous avez créé ce Mouvement. Aujourd’hui, la population sous- conclu, nous en avons accepté le poids, les risques et aussi tous les prolétarienne commence à se mettre debout, elle forge des militants dénuements car le succès de notre cause est dans la montée de ce issus de ses rangs. Vis-à-vis d’elle, votre rôle devra désormais être de peuple, dans notre propre disparition pour laisser place à ses leaders. plus en plus un rôle politique. Mais vous devez aussi vous replonger toujours plus profondément au milieu des nouveaux exclus, toujours .118. .119.
  • 61. responsables. Et être responsables, pour vous, ce sera d’abord continuer à vous former, à vous instruire, à vous regrouper, pour réfléchir sur votre condition, pour exiger une école adaptée à vos enfants, un travail qui vous rende indépendants et qui garantisse aux vôtres une vie décente, pour exiger aussi une formation professionnelle accessible à votre milieu, ainsi que les moyens de la culture et de la spiritualité. Pour le respect de vos familles, pour que vos enfants aient droit à votre amour, aient droit à la garantie d’être élevés par vous, notre objectif doit être, pour les dix ans à venir, qu’il n’y ait plus d’illettrés parmi nous, qu’aucun enfant non seulement ne manque l’école UN CRI DE RÉVOLTE, UN APPEL À LA LIBÉRATION DES PLUS PAUVRES. mais qu’aucun n’y échoue. Que ceux qui savent lire et écrire apprennent à lire et à écrire à leurs voisins. Etre responsables c’est aussi rejoindre les Militants et délégués du quart-monde, c’est à vous que je m’adresse associations familiales, les associations de parents d’élèves, les comités de maintenant. Plus que tous vous êtes concernés par les engagements qui locataires, les syndicats, les partis politiques. Vous avez droit aussi à lutter seront pris ce soir autour de vous et de vos enfants. C’est votre refus pour la justice, la paix, les droits de l’homme. Etre responsables, c’est d’une vie sans espoir, votre refus d’être considérés responsables de votre participer aux luttes essentielles de l’humanité. Dans ces luttes, vous souffrance, votre refus d’être considérés comme inexistants et inutiles, serez des égaux et vous y imposerez la lutte contre la misère. Nous ne que le Mouvement a repris. En effet, qu’est-ce donc que le Mouvement pouvons apporter de grand savoir, nous ne pouvons apporter ni or, ni sinon le cri de votre révolte, mais aussi celui de votre appel. argent mais nous avons ce que les autres n’ont pas et qu’ils doivent Cependant vous savez que personne ne vous libérera sans vous. Vous connaître, c’est notre expérience, notre expérience de l’exclusion. Mieux avez l’expérience de trop de lâchages, de trop d’abandons. Vous savez que tout autre, nous savons réellement ce qu’est la liberté, nous qui que l’autre société n’a ni les mêmes intérêts, ni les mêmes idées ni les avons toujours vécu sous la tutelle et la dépendance d’autrui. L’égalité, mêmes projets que vous. C’est pourquoi de votre libération vous êtes les nous en connaissons le manque, nous qui sommes traités en inférieurs, premiers garants du changement de vos vies, vous serez les premiers en parasites inutiles. L’honneur d’être homme, nous en connaissons le .120. .121.
  • 62. prix, nous qui supportons le poids du mépris. Nous avons expérimenté ATD QUART-MONDE, UN PROJET DE SOCIÉTÉ. tout ce qui humilie et fait souffrir un homme, une famille, un milieu et si nous rejoignons d’autres combats, ce sera pour les rendre attentifs à ATD Quart-Monde est un Mouvement humanitaire qui s’est ceux qui sont au dernier degré de la souffrance, de l’écrasement, du donné comme objectif prioritaire l’éradication de la misère. Ce malheur, de la désespérance. Mouvement veut contribuer à bâtir une société où chacun de ses C’est donc une alliance entre les sous-prolétaires et la société que je membres sera respecté dans son égale dignité et y aura sa place pleine vous invite à conclure ce soir, une alliance entre exclus et non-exclus, et entière. une alliance qui doit transformer les relations entre les hommes, la vie Depuis ses origines, ce mouvement, qui croit fermement en la politique, la pensée de notre temps. C’est un véritable contrat que je capacité de chaque homme, de chaque famille à participer activement vous demande de passer entre vous ce soir, un contrat entre la aux politiques de lutte contre la misère, tourne le dos à toutes actions population sous-prolétaire, l’état et les citoyens. L’enjeu de ce contrat d’assistance et met l’accent sur le combat pour que chaque personne c’est de créer une démocratie qui tire les leçons de son injustice vis-à-vis ait accès aux droits fondamentaux et notamment aux droits à des plus défavorisés et leur restitue leurs responsabilités de citoyens. l’instruction et à la culture. ∂ ATD Quart-Monde rassemble donc des familles issues du milieu sous-prolétaire qui s’engagent dans leurs quartiers, dans leurs villages. A leurs côtés, des volontaires permanents, dont certains vivent au côté de ces familles dans des quartiers de misère, ont choisi un engagement radical. Actuellement, ils sont quelque 350 femmes et hommes de différentes nationalités, origines, professions, religions ou philosophies, présents dans vingt-trois pays. Ils établissent entre eux un partage des salaires et reçoivent une indemnité identique, équivalente au SMIC en France. Cette caisse du volontariat est alimentée par des subventions publiques mais aussi par des dons privés. Enfin un peu partout dans le monde, des milliers de personnes se sont “alliées” avec les familles les plus exclues et les plus fragiles de leur pays dont ils retransmettent le courage et les aspirations dans leurs propres milieux (familial, professionnel, associatif, culturel…). Ils tentent ainsi de faire changer le regard que la société porte sur les plus pauvres tout en soutenant des actions avec les équipes de volontaires et les familles dans leur combat pour le logement, le travail, la santé mais aussi à l’école .123.
  • 63. ou à l’université. Parmi les actions les plus régulières, ATD Quart- REMERCIEMENTS Monde anime dans les quartiers des bibliothèques de rue avec les Contribution pour les textes : enfants, des universités populaires où les adultes échangent et rencontrent des gens venus d’autres milieux pour “s’apprendre” Figurants : Ghislaine Gérard, Françoise Hamel, Dominique Dhont, mutuellement et partager savoirs et expériences. Des clubs dit “du Marie-France Tahar, Raphaëlle Chapoulard, Alex Devillers, Geneviève savoir” permettent aux jeunes de se retrouver et des pré-écoles pour les Avril, James Avril, Marie-Sol Poyatos, Priscilla Benmesrouk, Josiane petits offrent des lieux inédits qui préparent les enfants à l’entrée à Dubourdieu, Cindel Dubourdieu, Luis de Melo, Aurélie Jolivières, Thierry Sarraya, Claude Maréchal, Martine Lecorre, Josiane San Clemente. l’école. Enfin, les membres du Mouvement mènent inlassablement des actions de formation dans tous les milieux. Ils vont à la rencontre des Acteurs : Jacques Weber, Anouk Grinberg, Laurence Côte, Salomé citoyens à l’école, dans les universités, les entreprises pour témoigner de Stevenin, Vincent Debost. leurs combats et faire entendre la voix des plus pauvres. Enfin, ils entretiennent des échanges réguliers avec les partenaires sociaux ou les Equipe technique et artistique : Julie Lecoeur et Marie Saint-Jours (casting figuration), Isabelle Gies (secrétaire de production), Manu de responsables politiques, participant souvent au débat public que ce soit Chauvigny (Chef décorateur). sur le terrain des lois ou sur celui de l’élaboration de nouvelles politiques sociales. C’est ainsi qu’en France comme dans de nombreux pays, les Merci aussi aux acteurs et aux techniciens qui figurent sur ces photos et équipes du Mouvement ont su gagner à leur cause des responsables notamment : Patrick Descamps, Nicolas Louis, Anne Coesens, Isabelle de politiques de haut rang, des intellectuels ou des artistes qui sont des Hertogh, Jeanne Lepers, Valérie Habermann. Ainsi que : Philippe Dussau et Colo Tavernier pour le scénario, Pierre Milon et Vincent Buron pour relais ou des portes-voix indispensables. l’image, Jérôme Ayasse pour le son, Véronique Heuchenne, Christophe Le Mouvement compte des équipes permanentes ou des amis sur Marilier, Colomba et Laura pour la mise en scène, Nathalie Raoul et les cinq continents. Ces équipes qui ont rejoint les familles les plus Isabelle Blanc pour les costumes, Jacqueline Mariani pour le montage, exclues respectent dans chaque pays les singularités culturelles Frédéric Vercheval pour la musique Fred Lary, François Drouot et Sophie sociales et politiques. Au niveau international, le Mouvement Couecou pour la production. travaille auprès des grands organismes tels l’ONU ou L’Unesco afin Merci à Sœur Paule et aux sœurs de la Charité, à Véronique Fayet, Alain que la voix des plus pauvres de la planète y soit entendue et que les Juppé et Noël Mamère pour leur accueil en Aquitaine. politiques s’inspirent des combats quotidiens et du courage de ceux qui subissent et souffrent de la misère partout dans le monde. Merci à Hélène Sireyjol qui a réalisé les entretiens qui ont permis de ∂ mettre des mots sur les émotions et les expériences de chacun. Merci à Emmanuel de Lestrade, première cheville ouvrière, à Laurence Goudeau et l’équipe des alliés ainsi qu’aux témoignages de tous ceux qui ont parlé ou écrit et dont les textes ne figurent pas dans ce livre faute de place… Vous avez largement contribué à nourrir et concevoir cet ouvrage : .125.
  • 64. Adeline Castellon, Adrien Guillot, Amélie Huyot, Angeline Portes, Annette Rivalland, Aurélie, André Torres, Angeline Portes, Antoine Maccabiani, Aurélie Brun, Bernard, Cécile, Cédric Lavergne, Céline, Céline Dablade, Charlotte, Christine Maillard de la Morandais, Christophe Almy, Christophe Besson, Christophe Portes, Coralie Lavergne, Daniel Balège, Danielle Milleri, Dominique Padovani, Elizabeth Guillemasy, Emmanuel Gauthier, Emmanuel Grandon, Fabien Mairey, Fabienne Borda, Fabienne Cabrera, Fabrice Kaid, Fabrice Tanzella, Falone Guilleminot, Fatima, Florian Seyer, Franck Rouffle, Frédéric Gascon, Frédéric Jeantet, Guillaume Delteil, Hayat Bouachau, Hervé Hirondelle, Hervé Portes, Isabelle Mamère, Isaura Da Conceiçao, Jean-François Paillot, Jeanine Roger, Jean-Louis Leneez, Jean Luc Delval, Jean-Marc Noirot Cosson (Fredo), Jean-Marc Sotille, Jean-Marie Noirot, Jean-Pierre Lepage, Jérôme Dugachard, Johana Filatran, Johana Maintenat Jomathan Padovani, Joss Lanche, Julien Pecheux, Juliette Gentil Cousin, Kamel Benamar, Kheira Boumédienne, Laetitia Padovani, Lena Pilard, Loïck Jean, M. Hincu, Marie José Besson, Marie-Christine Derive, Mathias Kaid, Melodie Peruzzeto, Michael Maintenat, Michel Blanchard, Michel Lachaise, Michel Miramon, Michel Viaud, Mimi Duha, Monique Moulineau, Nadia El Mrini, Nathalie Foltz, Nathalie Huyot, Nathalie Sarailla, Nathalie Saube, Olivier Huyot, Patricia Broyer, Patrick Emars, Pauline Eyrabide, Père André Castaing, Philippe Bouchin, Philippe Maréchal, Reine Barreau, Robert Lagière, Robert Mateo, Romain louvet, Sabrina Pecheux, Samia El Mrini, Sandra, Sandy Guillot, Sébastien Lavergne, Severine Vigot, Sophie Bois, Stavi Beyer, Stéphane Durieux, Stéphane Vaudrecreme, Sylvaine Panabière, Sylvie Maccabiani, Tania Cerqueira, Théo delestrade, Valentin Hirondelle, Xavier Chapoulard, Yannick Maintenat, Yannick Texier, Yohan Bastiancig, Yull Brunet, Yves-Michel Fougère. ∂
  • 65. Joseph l’Insoumis est un film produit par Emmanuel Giraud (Les Films de la Croisade, Paris) et Isabelle Truc (Iota Production, Bruxelles). Avec la participation de France télévision (Jean Bigot et Vincent Meslet) et diffusé sur France 3 (Anne Holmes et Marie Dupuy d’Angeac). Crédits photos additionnelles : Pages 14-29-32 : Marie Baget Pages 24-57 : Anouk Grinberg Pages 80-97 : François Philiponeau Photos d’archives p.112-114-119-120-122, ATD Quart-Monde Texte p.115, reproduit avec l’autorisation d’ATD Quart-Monde Pour visionner le documentaire de Delphine Duquesne retraçant la préparation et le tournage du film, se rendre sur le site : www.dailymotion.com Contact ATD Quart-Monde : www.atd-quartmonde.org Mouvement International ATD Quart-Monde 114, avenue du Général Leclerc 95480 PIERRELAYE Téléphone : 01 34 30 46 10 Cet ouvrage a bénéficié du soutien du Conseil Régional d’Aquitaine. ∂ Achevé d’imprimer en septembre 2011, par l’imprimerie Présence Graphique, pour le compte des éditions ELYTIS. Dépôt légal : septembre 2011.