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Université de Toulouse 1
Capitole
2 rue du Doyen Gabriel Marty
31042 Toulouse Cedex 9
Université Toulouse 3
Paul Sabatier
118 route de Narbonne
31062 Toulouse Cedex 9
M1 Information-communication
Mémoire de recherche présenté par
Pierre Vincenti
L’EXPOSITION SCIENTIFIQUE
ENJEUX DES DISPOSITIFS DE MEDIATION :
DU PANNEAU AU NUMERIQUE INTERACTIF
Sous la direction de
Muriel LefebvreMai 2013
« J’atteste ne pas avoir utilisé les phrases ou les
travaux d’un autre en les laissant passer pour les
miens et avoir cité l’ensemble de mes sources »
Les expositions scientifiques ont évolué dans leur scénographie pour
permettre à la science de rentrer plus efficacement dans l’espace
public. Ces évolutions ont été accompagnées par l’apparition
successive de nouveaux types de dispositifs. Ces dispositifs de
médiations sont-ils adaptés pour tous les publics et participent-ils
vraiment à l’appropriation par les visiteurs d’un discours scientifique ?
A travers une enquête d’observations dans l’exposition proposée par
Science Animation « Et si la plante idéale existait… », nous apportons
des éléments de réponse.
Mots clés : exposition, média, dispositifs, médiations, culture scientifique
Remerciements :
Je remercie ma directrice de mémoire, Muriel Lefebvre, pour sa disponibilité, son
encadrement, son soutien et son écoute tout au long de la préparation de ce mémoire.
Je remercie également l’équipe de Science Animation pour la conception de
l’exposition « Et si la plante idéale existait… » qui m’a fourni un terreau fertile de recherche.
Je remercie aussi Malvina Artheau pour l’aide apportée au commencement de ce
mémoire.
Je remercie plus particulièrement Julie Poirier, chargée de mission chez Science
Animation, pour ses réponses à mes (nombreuses) questions et pour sa bienveillance.
Sommaire
Introduction
I. L’évolution des espaces muséographiques dédiés aux
savoirs scientifiques : l’évolution des concepts ?
A. L’évolution des discours des muséographes
B. L’évaluation des expositions centrée sur ses visiteurs le
musée un espace public.
C. Une audience en mutation
II. La multiplicité des dispositifs de médiation
A. Les Panneaux : un dispositif « traditionnel de la
médiation »
B. Les manipulations : un ludisme au service de
l’appropriation ?
C. Les médiations de dernière génération : du numérique au
participatif, des dispositifs centrées sur le public ?
III. Les enjeux de l’usage des médiations par le public
familial
A. Méthodologie de l’enquête
B. Résultats des observations
C. Conclusions de l’enquête
Conclusion
1
Introduction
Charles Darwin (1809 -1882) a dit : "Quand je pense à mes adorables orchidées, avec
leurs cinq commencements d'anthères, avec leur unique pistil transformé en rostellum, avec
toute la cohésion de leurs parties, il me semble incroyablement monstrueux de regarder une
orchidée comme si elle avait été créée telle que nous la voyons aujourd'hui." Et si les
expositions contemporaines étaient, elles aussi, le résultat d’une « sélection naturelle »
effectuée par le public ? Et si ces expositions ont été, elles aussi, contraintes, pour survivre, de
s’adapter à leur environnement ?
La science depuis Charles Darwin a connu de nombreuses révolutions, mais la
perception de l’univers scientifique par l’espace public n’en a pas connu énormément pour
autant. La science, ce milieu obscur de laborantins jouant en secret les savants fous, a souvent
fait soulever certaines craintes chez la population profane (et parfois à juste titre). La science
a pourtant modifié le quotidien des individus en profondeur, et a redéfini son environnement
immédiat. Remettre la science au cœur de l’espace public et protéger un patrimoine
scientifique sont autant de missions que cherchent aujourd’hui à accomplir de nombreux
organismes publics ou privés. L’un de leurs outils privilégié reste l’exposition scientifique,
qui s’est transformé en véritable média, avec un fonctionnement propre et des particularités
précises.
Science Animation est une organisation qui promulgue la diffusion de la culture
scientifique en concevant régulièrement des expositions scientifiques et en testant de
nouveaux outils de médiations innovants. Nous en retrouvons dans l’une de ses expositions
« Et si la plante idéale existait… » installée à l’espace EDF Bazacle durant les mois d’avril et
de mai. Mais ces nouvelles médiations sont – elles vraiment de bons outils d’appropriation
d’un savoir scientifique ? De façon plus générale, nous nous pencherons sur la problématique
suivante : Quel type de dispositif de médiation participe le plus à l’appropriation d’un
nouveau savoir par le visiteur ?
Nous nous intéresserons donc dans un premier temps sur l’évolution des espaces
muséographiques dédiés aux savoirs scientifiques, nous nous attacherons ensuite à décrire et à
analyser les différents types de dispositif de médiation, puis nous rendrons compte de
l’enquête d’observations que nous avons mené dans l’exposition afin d’apporter des éléments
de réponse à notre problématique.
2
I. L’évolution des espaces muséographiques dédiés aux
savoirs scientifiques : l’évolution des concepts ?
A. L’évolution des discours des muséographes
1) Le musée transformé en un espace public centré sur le visiteur
Georges-Henri Rivière définissait en 1989 sa conception du musée comme étant un
espace où le public puisse mettre en question les représentations de la culture et leurs
significations. En effet, Paul Rasse (1999) explique que George Pompidou a développé l’idée
dans les années 1970 que le musée doit être un espace public. Avec cette notion d’espace
public, George Pompidou souhaitait créer un brassage des publics dans des lieux
pluridisciplinaires qui permettraient une mise en débat provoquée par un choc entre styles. On
retrouvera dans la suite de ce mémoire la notion de « choc » propre à la troisième génération
d’exposition décrite par J. Davallon (1992), l’exposition d’immersion, dont le but est de
produire un « wow » effect, un émerveillement. Serge Chaumier (2008) démontre en quoi le
musée est un espace public et respecte sa logique : en effet, le musée permet la mise en
dialogue, met en scène et dramatise les controverses, suscite des échanges et des débats. Le
musée transforme l’objet du savoir comme un prétexte à tisser des relations sociales autour de
la production du discours du musée.
George Pompidou accompagne donc un mouvement d’évolution de la muséographie et
de la mise en exposition, mais il stimule également un échange plus important entre le
patrimoine, la culture (et la culture scientifique) et le public. Pour que cet échange ait lieu et
pour que la logique de l’espace public soit respectée, le musée se lance donc vers la quête du
grand public (d’un public large de tous les horizons sociaux). Nous verrons dans une
troisième partie si le public a suivi cette évolution.
Les expositions se sont donc constituées au fil du temps comme un moyen de mettre
en contact une œuvre (ou un savoir, dans le cadre d’exposition scientifique) et un public.
Cette démarche a contribué à donner aux expositions un statut de « média », rajoutant aux
dimensions missionnaires traditionnelles des musées et expositions (conservation, éducation,
…), une nouvelle dimension communicationnelle qui va modifier progressivement la
3
muséographie et la mise en exposition de la culture mais qui va également entrainer deux
phénomènes : l’émergence d’une culture populaire dans les musées et le développement de la
diffusion de la culture scientifique et technique. Paul Rasse (1999) décrit une véritable
poussée de la démocratisation de la culture dans les années 1980 qui a propulsé le musée vers
une quête du grand public.
Ce développement des expositions a transformé, selon Joëlle Le Marec (2007), le
statut de ce qui était donné à voir : « la muséologie centrée sur l’objet a fait place dans de
nombreux type de musées à une muséologie centrée sur le discours. ». L’exposition « Et si la
plante idéale existait … » a bien transformé ce statut. Dans son titre déjà, le visiteur perçoit
directement le sujet comme étant l’objet de plusieurs questionnements sous-jacents : Peut-on
faire exister une plante idéale ? Quelle est pour moi la plante idéale ? Qu’est-ce qu’une plante
« idéale » ? Il comprend dès le titre que l’exposition ne va pas lui proposer une plante idéale
en tant qu’objet concret, qu’il ne verra pas dans l’exposition l’objet « plante idéale », mais
que l’on va lui proposer un discours construit sur ce que pourrait être une plante idéale, quel
pourrait être son environnement, etc… L’exposition est bien centrée sur un discours et non sur
l’objet même. Ce constat peut dérouter potentiellement plusieurs visiteurs quand on le leur
présente avant la visite dans l’exposition. Cependant l’absence de l’objet ne laisse pas
dubitatif les visiteurs sortant de l’exposition. Ils ont assimilé et compris la volonté du
muséographe. Ils ont intégré d’eux même que l’exposition était un discours et ils se placent
volontairement dans l’espace public. Nous reviendrons par la suite sur les dispositifs qui
poussent, au sein de l’exposition, les visiteurs à participer activement à cet espace public.
Quels sont les conséquences de la transformation de l’exposition en média ? Plusieurs
auteurs ont décrit que l’entrée de la dimension communicationnelle a provoqué plusieurs
changements au sein des expositions, et que ces changements ont renforcé la communication
avec le visiteur (nous devons éviter un déterminisme qui dicterait que la volonté de
communication seule a poussé vers ces changements).
- L’exposition enseigne un savoir : Comme nous l’avons vu précédemment, Paul
Rasse (1999) redoute que cette dimension communicationnelle ne se développe au
détriment de la mission éducative du musée. Serge Chaumier (2008) affirme le
contraire : la mission éducative du musée s’est retrouvée renforcée par la perte du
lien avec la culture classique, et les vecteurs de transmission des codes culturels
traditionnels (l’école et la famille) assument de moins en moins cette fonction. Le
4
musée et la médiation culturelle doivent se substituer à cette faiblesse sans
transformer le musée en dispensateur de leçon. Pour l’auteur, « transformer le
musée en école bis n'est pas enthousiasmant et ce n'est pas ce que l'on vient
chercher au musée ». S’il existe bien un lien d’apprentissage entre le musée et son
public, le médiateur ne doit pas voir pas son rôle de médiation transformé en rôle
d’enseignement. Cette dimension d’apprentissage, cette volonté d’enseignement
est présente dans l’exposition « Et si la plante idéale existait… ». Le discours
didactique, la construction de ce discours, et bien d’autres éléments de l’exposition
sont autant de preuves de cette volonté. Certains visiteurs font au sein de
l’exposition un lien avec les savoirs instruits dans un établissement scolaire.
- La construction de l’exposition : nous l’avons vu, désormais l’exposition est
centrée sur un discours. Ce discours, pour être cohérent, doit être construit et
cohérent. L’exposition se construit donc en articulation avec ce discours. Ainsi
Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) remarque une forte montée des
expositions découpées en espaces thématiques. Ce découpage en zone s’oppose à
la classique proposition de monstration de collection des muséographies
vieillissantes. Ce découpage permet, en plus de la structuration du discours,
d’éveiller la curiosité du visiteur, il stimule sa visite et l’assiste dans l’assimilation
du message délivré par les concepteurs de l’exposition. L’exposition « Et si la
plante idéale existait… » est construite autour de trois zones. La première zone
(zone 1) décrit le fonctionnement de la plante, ses attributs, ses formes, etc… La
deuxième zone (zone 2) propose au visiteur de comprendre son propre impact sur
son environnement naturel. La troisième et dernière zone (zone 3) donne une
vision plus globale de l’environnement de la plante et soulève la question de la
biodiversité. Remarquons ici que l’exposition suit une logique d’échelle
croissante : le visiteur passe de l’échelle de la plante elle-même, à celle de
l’homme pour finir à l’échelle de la planète. Remarquons également que cette
construction permet au visiteur de pouvoir inverser sa visite : deux entrées/sorties
sont situées à l’extrémité des zone 1 et 3. Les visiteurs sont donc « contraints », si
leur cheminement ne contient pas de demi-tour, de passer par la zone 2 pour
accéder à la zone suivante. Le visiteur peut donc effectuer deux sens de visite
différents mais tous les deux restent logiquement construits : de la zone 1 à la zone
5
2 pour finir par la zone 3, ou à l’inverse de la zone 3 à la zone 2 pour finir par la
zone 1.
- La multimédiatisation de l’exposition : Geneviève Vidal (1998) stipule que « Le
processus de renforcement des logiques de communication et de service avec les
technologies de l'information et de la communication s'inscrit dans le cadre de la
multimédiatisation des musées ». L’exposition s’adapte aux nouvelles technologies
de communication et multiplie ses supports. Elle change ses supports et ses
supports la modifient. La multiplication de ces supports est née, selon Joëlle Le
Marec (1993) de la préoccupation de rassembler un plus large public. (Ici
l’exposition change ses supports). Mais la diversification de ces supports au sein
de l’exposition multiplie les niveaux d’interprétation selon la déambulation du
visiteur, qui décodent individuellement le message de l’exposition. (Ici les
supports modifient l’exposition et son discours). Grâce à ses médias, l’exposition
va se développer en assimilant les commentaires et les usages qu’elle a produit
(Jean Davallon, Hana Gottesdiener, et Triquet Eric 1993). L’exposition « Et si la
plante idéale existait… » s’est construite également en partie grâce aux médias et à
ses technologies. Le visiteur a pris une part dans sa construction. Nous reviendrons
là-dessus par la suite.
Ces trois changements provoqués par l’introduction de la dimension communicative
dans la muséographie (l’enseignement d’un savoir, la construction de l’exposition en
un découpage discursif et la multimédiatisation) sont d’autant plus observables dans
les expositions scientifiques.
6
2) Spécificité de la muséographie de la Culture Scientifique et
Technique
Joëlle Le Marec (2007) postule que ce sont les musées scientifiques qui ont exploité
l’évolution du langage muséographique et qui ont transformé l’exposition en média. En effet,
en constituant l’exposition comme un média, les musées placent celle-ci comme une manière
d’obtenir une relation centrale avec le public et d’acquérir grâce à cela une source permanente
de nouvelles idées et d’innovations en muséologie, innovations propres au monde
scientifique. Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) ajoutent à cela que le propos explicite
d’une exposition scientifique est la transmission d’information et que par cet objectif, les
expositions scientifiques sont des « expositions messages ». Transmettre un message est le
propre d’une stratégie et d’une pratique communicationnelle. La transmission d’un message
au sein d’une exposition (et par l’exposition elle-même) est réalisée sous la forme de la
médiation publique des sciences. Pour reprendre le schéma classique de la communication de
Shannon et Weaver, l’émetteur est constitué d’un ensemble producteur (directeurs,
conservateurs, concepteurs, etc…), le message est un savoir scientifique et le récepteur est
formé par les visiteurs. A ce schéma rajoutant le feedback effectué par les visiteurs qui
influent par leurs demandes et leurs comportements sur les émetteurs. Mais comment sont
apparues ces expositions scientifiques ? Et ont –elles toujours été propices à la création d’un
espace public où la communication est bilatérale (à la fois de l’émetteur vers le récepteur, et
du récepteur vers l’émetteur) ?
Paul Rasse (1999) revient sur la constitution des sciences naturelles et nous explique
que les cabinets de curiosités étaient les premiers à développer un lieu de sociabilité qui
mettaient en contact les spécialistes scientifiques (savants et personne érudites). C’est en
partant de ce modèle que se sont constitués les musées scientifiques : un lieu qui
institutionnalise la recherche, qui n’est pas ouvert à un public non spécialiste, qui impose un
point de vue unique. Les musées scientifiques étaient alors un dispositif « à sens unique ou le
public n’intervient pas dans les projets muséographiques ». Cependant, avec ces cabinets de
curiosité, nait la volonté de mettre en débat la science, de la placer au sein de l’espace public.
Conjointement, dans les années 1980 qui motivent (nous l’avons vu précédemment) la
diffusion de la Culture Scientifique et Technique, des expositions vulgarisatrices transforment
les visiteurs en public ciblé d’une éducation de masse. Nées d’un projet de médiation globale
cherchant à reconnecter un lien perdu entre scientifiques plongés dans des recherches
7
spécialisées et un public soucieux de la part prise par le monde scientifique dans son
environnement quotidien, ces expositions se développent dans les principales villes de
province conjointement à la création de la machinerie gigantesque de la Cité des Sciences et
de l’Industrie de la Villette. Un point de vue y est imposé et est transmis au public qui doit se
l’approprier sans qu’il puisse y influer de quelque manière que ce soit. Avec ce procédé, nous
perdons ainsi le mouvement démocratique d’une production sociale du savoir chère à l’espace
public. Ici, le musée de science se désolidarise du musée de société car le public y est un
visiteur passif où il ne peut intervenir dans la construction de l’exposition. La science
s’éloigne alors de l’espace public et s’écarte de son rôle dans les enjeux sociétaux.
Les préoccupations environnementales des années suivantes où la science joue un rôle
important (dans l’amélioration ou la dégradation de cet environnement) renvoient la science
au sein des débats publics. Pour Paul Rasse (1999), les musées de sciences se positionnent
ainsi entre un lieu d’information scientifique dont le point de vue est imposé par les
spécialistes et un lieu de débats et d’échanges autour de la protection de l’environnement.
L’auteur dégage alors trois conceptions de la médiation dans les musées scientifiques :
« vulgarisation des savoirs scientifiques, lieu-ressource dans lequel butine le visiteur solitaire,
lieu de discussion et de brassage des idées ».
Comment alors ne pas situer l’exposition « Et si la plante idéale existait » dans ces
conceptions ? Autour de certains dispositifs (que nous analyserons par la suite) au sein de
l’exposition, les visiteurs échangent entre eux et ont la possibilité d’échanger avec les
concepteurs de l’exposition, plaçant de ce fait l’exposition dans l’espace public. Un savoir
scientifique établi et fermé à modifications est également transmis. Enfin, le savoir y est
expliqué de façon didactique accessible au plus large public grâce à une vulgarisation
efficace. L’exposition jongle donc, entre autres, entre ces trois conceptions de la médiation.
Joëlle Le Marec (2007) préfère parler d’un savoir « vrai » plutôt que d’un savoir
fermé. Elle définit ce savoir « vrai » comme un savoir portant sur les choses qui existent
indépendamment des conditions sociales et cognitives qui ont permis leur saisie. Pour les
musées de sciences, la culture doit pouvoir être l’objet d’un partage collectif de
connaissances. Pour l’auteur, ce qui différencie la transmission du savoir scientifique de la
transmission du « savoir culturel », c’est que celui-ci ne se réalise pas par la mise en contact.
L’institution doit mettre en œuvre deux procédés : un émerveillement provoqué par
l’esthétique des merveilles de la nature et, surtout, un déclenchement de la soif de savoir. La
8
savoir y est présenté comme un acquis suite à la suite d’opérations cognitives et sociales qui
sont accessibles au grand public si celui-ci s’en donne les moyens.
Pour cela, les expositions scientifiques ont dû adapter et reconstruire leur discours.
Ainsi, Serge Chaumier (2008), explique que le musée de sciences ne peut plus simplement
adopter un discours purement scientifique mais doit adapter sa médiation à l’ensemble de ses
visiteurs. Afin de réadapter ce discours, ces musées ont adopté une trame narrative, un fil
logique reliant par des démonstrations et des explications les choses qu’ils donnent à voir
(Bernard Schiele et Louise Boucher, 2001). Cette trame narrative adoptée pour une meilleure
médiation est également applicable dans le découpage en zone thématique des expositions
(voir partie précédente).
Pour résumer et globaliser ce que nous venons d’exposer, nous reprenons la théorie de
Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) selon laquelle l’exposition scientifique convoque
trois mondes de référence : le "monde de tout le monde", le 'monde de la classe" et, le "monde
du spécialiste". Le monde du spécialiste est défini comme le monde mis en scène dans
l’exposition car c’est celui qui porte et produit le savoir, qui crée les références scientifiques.
Le monde de tout le monde est celui qui fait référence aux répercussions quotidiennes et
pratiques du savoir scientifique, de l’influence directe et indirecte de la science dans la vie du
grand public. Enfin le monde de la classe est celui qui mobilise les outils pédagogiques. Ces
trois mondes s’articulent dans l’exposition. Le monde de tout le monde y est présent pour
interpeller le visiteur dans sa réalité de tous les jours. Celui-ci opère alors une adhésion
temporelle et partielle lors du moment de sa visite. Le monde du spécialiste légitime
l’exposition et ce qu’elle présente. Ce monde y est présenté sous divers forme : de sa forme la
plus « spécialisée », façon de « prouver » au visiteur le sérieux de ses propos à sa forme la
plus simplifiée, pour « prouver » son adaptation à la vie sociale. Le monde de la classe, quant
à lui, intervient comme l’intervention des moyens pédagogiques pour que le visiteur
s’approprie le monde du spécialiste, pour que le public reconnaisse ces moyens et prouve que
l’institution souhaite intégrer le monde du spécialiste dans la sphère sociale du visiteur.
Pour conclure, nous dirons que ce qui fait la spécificité des expositions scientifiques
c’est sa volonté de communication et de transmission, et que divers moyens sont mobilisés
dans ce but. Ces différents moyens ont tous un point commun, il porte une ambition de
médiation.
9
3) Visiteur au centre de l’exposition et savoir scientifique à diffuser :
la médiation comme priorité
Beaucoup d’auteurs ont cherché à définir le terme de médiation, et chacune de ces
définitions est nuancée par rapport à l’autre. Pour Paul Rasse (1999), (dans une conception
communicative de la médiation) « tout est médiation, à commencer par le langage et le
symbolique car ils assurent au cours de l'usage qu'en est fait par les sujets, l'appropriation
singulière des codes collectifs ». Pour percevoir une médiation, il faut trouver son absence.
Car là où elle fait défaut, la société cherche des remèdes. Il faut, pour Serge Chaumier (2008)
différencier les médiations (au pluriel) et la médiation (au singulier donc). Si les premières
désignent un ensemble de techniques, la deuxième définit une mise en relation entre deux
entités, grâce à des vecteurs de transmission de contenus. Pour l’auteur, il ne faut également
pas mélanger l’action de médiation et l’acteur, le médiateur. L’action comprend les outils, et
le médiateur est celui qui les conçoit. Pour clarifier le concept, choisissons la définition de
médiation adoptée par Sophie Chaumont (2005) « La médiation est la création et l’animation
d’une situation qui favorise la rencontre entre l’objet et le visiteur pour permettre la
connaissance, l’enchantement et le questionnement dans le cadre du musée ». Grâce à cette
définition, nous pouvons désormais mieux conceptualiser la médiation scientifique et
entrevoir l’analyse de l’ensemble des médiations mises en œuvre au sein d’une exposition
scientifique. Nous décortiquerons cette définition et nous la détaillerons dans cette partie.
Nous tenons également à préciser ici que nous ne parlons de médiation que dans le cadre
d’une exposition scientifique, même si certaines médiations sont également applicables dans
un cadre culturel artistique ou historique.
« La création et l’animation d’une situation » : Avant même de voir tout ce qui fait
médiation au sein de l’exposition, observons, à l’instar de Serge Chaumier (2008), que
l’exposition est en elle-même une médiation : elle est constitutive du contexte qui permet la
rencontre entre l’objet et le visiteur. Sa construction donne du sens, sa conception porte un
discours pédagogique. Nous l’avons vu précédemment, son découpage, sa trame narrative
sont autant de médiations.
« Favorise la rencontre entre l’objet et le visiteur » : La médiation agit entre le savoir
(l’objet scientifique), le discours produit et le récepteur. Elle doit donc adopter une stratégie
linguistique facilitatrice, une mise en scène, des outils variés pour favoriser cet échange.
« Favoriser » comprend dans son sens « ne pas contraindre » le visiteur à cette rencontre,
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c’est-à-dire produire les meilleures conditions pour que la rencontre se produise, lui laisser la
possibilité de ce choix. La médiation inscrit le savoir dans l’horizon d’attente habituel du
visiteur afin que celui-ci ne ressente pas de difficultés à rentrer dans les conditions cognitives
de l’appropriation de ce savoir. Serge Chaumier (2008) explique que le médiateur doit
s’efforcer d’aider chacun de ces visiteurs et doit fournir un processus d’adaptation du discours
au visiteur. Le médiateur a pour rôle d’ouvrir et d’aider un échange entre les visiteurs, de se
servir de l’objet pour provoquer cet échange, et de le réguler : il n’est pas uniquement un
producteur de signifiants, il est également générateur de réseaux de discours. Nous entendons
le mot médiateur à la fois comme un médiateur physique présent au sein de l’exposition et
comme le médiateur invisible qui conçoit l’exposition. En effet, Cécilia de Varine (2008)
rappelle que les musées proposent des expositions qui ont pour but une appropriation
autonome du visiteur (pour réduire les coûts budgétaires ?). Une médiation efficace doit donc
permettre au visiteur autonome (sans médiateur physique à ses côtés) qui n’a pas le référent
culturel scientifique approprié de comprendre et de profiter de la rencontre avec l’objet
scientifique.
« Permettre la connaissance, l’enchantement et le questionnement dans le cadre du
musée » : La médiation a donc un rôle de transmission d’un savoir, mais également, comme
nous l’avons vu, de déclencheur de la soif de savoir grâce à un émerveillement notamment.
Serge Chaumier (2008) rappelle que le rapport d’apprentissage ne doit pas être le seul à
s’opérer entre le médiateur et le visiteur : le médiateur ne doit pas rentrer dans un rôle
d’enseignement, il y participe, y amène le visiteur, mais ne doit pas l’y contraindre. La
médiation se doit, pour l’auteur, d’être une forme de « passation », elle façonne un discours
approprié pour le visiteur et lui remet. Et si c’est bien à lui d’en faire ce qu’il veut, la
médiation doit l’amener à vouloir l’intégrer dans ses connaissances, à se l’approprier. C’est-à-
dire à reconstruire et ajouter cognitivement un savoir. La médiation est un « facilitateur de
mise en culture » d’un savoir préalablement culturellement métamorphosé. Elle doit donc
dans ce but, comprendre une notion de plaisir/désir pour le visiteur, mais également faire
ressentir un respect de l’institution pour le visiteur, lui faire comprendre son effort
d’hospitalité dans sa tentative d’expliquer et de démontrer (Paul Rasse, 1999).
La médiation a été modifiée par, nous l’avons dit, la volonté de démocratisation
culturelle et de mise en débat sociétale des sciences. Le développement des nouvelles
technologies d’information et de communication ont renforcé cette volonté et ont fourni des
outils supplémentaires à la médiation. Nous verrons, dans les chapitres suivants si ces
11
nouveaux outils, survendus par leur performance technique sont suffisants en eux même à une
médiation efficace.
La volonté de médiation est omniprésente au sein de l’exposition « Et si la plante
idéale existait… », mais elle est surtout le moteur de sa conception. Rappelons ici que
l’exposition a été conçue par Science Animation CCSTI Midi-Pyrénées dont le slogan même
est « médiateur scientifique » et qui définit ses missions comme étant celles de répondre :
- à une demande croissante de tous les publics sur les avancées scientifiques et
techniques,
- à une nécessité de débats sur les enjeux et les orientations nouvelles de la Science
et de ses applications,
- au désir de dialogue des chercheurs avec le public et les jeunes,
- aux questions concernant des métiers scientifiques, techniques et industriels.
Nous avons maintenant fourni le cadre théorique de l’exposition scientifique, de sa
raison d’être, de son objectif. Dans la partie suivante, nous allons nous doter des outils
nécessaires à l’évaluation de l’exposition, en expliquant ce que nous devons évaluer,
pourquoi, et comment.
12
B. L’évaluation des expositions centrée sur ses visiteurs le
musée un espace public.
1) Evaluer l’exposition par son public et l’appropriation d’un savoir
ou d’une technique
Si le cadre théorique défini précédemment démontre de nombreux atouts et participe à
l’élaboration de l’utopie démocratique, il ne faut pas perdre de vue la réalité tangible de
l’exposition, son application concrète et ses résultats visibles. L’évaluation de l’exposition
participe au renforcement de la mise en débat et de la place sur l’espace public du monde
scientifique. En effet, elle fait remonter les remarques et les pratiques des citoyens-visiteurs
qui influeront sur la conception de nouvelles expositions.
La médiation culturelle et scientifique, en plus de son idéal philosophique, se traduit
par des pratiques réelles, des dispositifs concrets mis en forme et en place par des
professionnels. Ces dispositifs peuvent être analysés dans leur contenu, dans leur forme et
dans leurs actions. Pour pouvoir procéder à l’évaluation d’une exposition scientifique avec le
regard communicationnel précédemment établi, il faut comprendre l’intention de l’émetteur
(concepteur de l’exposition), il faut connaitre son récepteur (le public visitant) et il faut
mesurer le taux de transmission du message : l’appropriation du message et du savoir.
Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) reprennent les spécificités des expositions
scientifiques. Si son organisation structurelle est de plus en plus souvent thématique et
découpée en zone subordonnées les unes aux autres, le visiteur ne considère pas globalement
cette structuration. Il fait face à l’objet qui lui est présenté et lui donne une signification
propre. Il fait avec les autres objets présents une association de nature holistique, il considère
l’objet comme faisant partie d’une intégralité. Cette globalité, pour l’exposition « Et si la
planté idéale existait », c’est la nature, l’environnement, la plante. Si le visiteur de
l’exposition ne conçoit pas forcément la construction structurelle de l’exposition, c’est parce
que l’exposition scientifique montre plus souvent qu’elle ne démontre. En effet, pour les
auteurs, les éléments exposés sont le plus souvent jouxtés les uns aux autres, rapprochés entre
eux par des ellipses d’informations. Ils entretiennent des « rapports d'accumulation,
d'énumération, d'inclusion des parties au tout, de synecdoque, etc. ». Une première partie de
l’évaluation consiste donc à envisager l’exposition dans son intégralité, à procéder à une
lecture du scénario et à identifier ses messages principaux. Ce sont ces messages qui
13
représentent la raison d’être de l’exposition. Elle a été conçue afin (dans le but communicatif
du média exposition) de transmettre ces messages à un public.
Nous nous servirons pour définir la notion de public du point de vue de Joëlle Le
Marec (2007). L’exposition, lieu physique, donne aux individus le statut de public. Le
public, nous l’avons vu a donc été transformé en pôle récepteur par la transformation de
l’exposition en média. Ainsi le public devient cible et la réalisation des objectifs se mesure en
termes d’impact. Le public devient donc l’instrument de mesure de la performance de la
médiation et le destinataire de l’offre « exposition », ce qui le requalifie à la fois en « client »
et en « usager ». L’auteur rappelle qu’il ne faut pas, pour pouvoir étudier le comportement du
public, omettre le contexte de l’exposition et de sa conception (volonté du lien entre
concepteurs et publics), mais également évaluer la maitrise de la pratique culturelle du
visiteur et sa reconnaissance du thème de l’exposition. Pour l’exposition « Et si la plante
idéale existait », nous partirons du constat que la nature est un thème dont le public a une
connaissance préalable de par sa formation scolaire et de par sa proximité quotidienne.
Nous reviendrons, dans la suite de ce mémoire, sur la définition du terme « usage » et
nous fournirons une évaluation de l’exposition grâce à cette requalification du public en
« usager ».
Après voir évalué l’organisation de l’exposition et le type de public, le troisième point
important à regarder c’est l’appropriation. Marie-Anne Brière (1996) la définit comme «
l’intégration à soi d’un élément perçu comme extérieur à soi » : dans l’exposition, le visiteur
qui découvre l’objet crée un lien avec lui et intègre cet objet au sein de ses propres
connaissances, souvenirs ou sensations. Il l’assimile cognitivement à l’univers décrit et
représenté par l’exposition. Il personnifie le message transmis par l’exposition. Vareille et
Fromont-Colin (2000) qualifient l’appropriation de « transformation de savoir préalable ».
L’appropriation ne doit pas cependant être réduite à une intégration de connaissance, elle est
plus complexe que cela. Elle peut, en effet, susciter chez le visiteur :
- un bien être psychologique : grâce aux dispositifs de médiation qui permettent une
autonomisation des visites, l’individu peut ressentir une indépendance personnelle,
une sensation d’enrichissement culturelle. La visite de l’exposition peut lui
procurer des sentiments, quels qu’’il soit (joie, bonheur, tristesse, …). Il peut
également, grâce à la volonté de placer l’exposition comme un média, prendre
14
conscience de sa place au sein de la société. Enfin, la visite peut lui permettre de
resserrer, de créer, ou simplement de maintenir des relations sociales.
- Un confort mental (Kaplan, 1995) : selon les ambiances, une relaxation ou un
stimulation, un plaisir fonctionnel, la satisfaction d’avoir conscience de sa propre
activité intellectuelle.
- Des souvenirs de visite (Vareille et Fromont Colin, 2000) : la visite de l’exposition
peut ancrer chez le visiteur de nouveaux souvenirs associés à l’univers de
l’exposition ou au temps de la visite elle-même.
- De nouvelles connaissances (Dufresne-Tasse Colette et Lefebvre André, 1995) : le
visiteur peut acquérir un nouveau vocabulaire, comprendre de nouveaux concepts,
maitriser un nouveau type de discours, et assimiler de nouveaux usages.
Lucile Bourroux et Mathilde Schneider (2010) ont mis en place une approche
d’évaluation quantitative et qualitative de l’appropriation dans une exposition. Leur
méthodologie consiste à mêler observation discrète du visiteur et entretien postérieur à la
visite. Elles se sont servies d’un barème de nombre de points pour mesurer l’appropriation.
Plus le visiteur, dans son comportement, marquait son attachement au dispositif (nombre de
manipulations, temps passé dessus, etc…) plus son score était élevé : C’est le barème à
plusieurs degrés d’O’Neill (2007). Ces scores rassemblés permettaient alors de calculer un
taux d’appropriation de chaque exhibit, et de constater quels types de dispositifs entrainaient
une meilleure appropriation. Cette méthode est intéressante et fait ressortir de nombreux
points d’efficience dans la transmission du message de l’exposition média. Nous allons, pour
l’exposition « Et si la plante idéale existait », nous en inspirer. Notre méthodologie sera
décrite dans la troisième partie de ce mémoire. Elle sera cependant moins quantitative, et
l’évaluation de l’appropriation du savoir ne sera pas faite en fonction du nombre d’actions
mais en fonction de l’usage fait par le visiteur des différents dispositifs de médiations
présentés.
15
2) Les usages
L’usage c’est le fait de se servir d’un objet, d’une technique. L’usage et la technique
ont fait l’objet d’un courant d’étude en recherche en sociologie des usages des techniques de
la communication. Ces chercheurs ont postulé que l’objet n’est pas prédéterminé mais qu’il se
conçoit en regard de leurs usages par leurs utilisateurs : les concepteurs de l’objet définissent
une ou un ensemble d’actions possibles pour le bon usage de l’objet. Ils lui donnent
également un cadre dans lequel ces actions sont envisageables, dans lequel les utilisateurs
sont censés agir : c’est le cadre d’usage. Le cadre d’usage décrit le public envisagé et un
contexte d’utilisation : un type de lieu particulier, un moment précis dans le quotidien
routinier, une période spécifique, une pratique sociale. Ce cadre organise dont totalement
l’interaction des acteurs avec l’objet, mais peut également organiser les interactions des
acteurs entre eux.
Cependant, il existe souvent un delta entre les usages prévus et configurés par les
concepteurs et les usages réels des utilisateurs. En effet, les usagers donnent leur propre
signification à l’objet. Ils font donc opérer une dimension personnelle et agissent ainsi en
fonction du sens qu’ils lui donnent. Ils agissent également en fonction des interactions
sociales : un usage peut être modifié ou contourné en fonction d’une situation sociale.
Patrice Flichy (2008) postule sur l’existence d’une symétrie : si les concepteurs
configurent les usagers en imposant un certain usage de l’objet, les usagers, en montrant la
possibilité d’un détournement de l’usage, configurent les concepteurs à envisager l’ensemble
des usages et à modifier leur conception en fonction. Ces concepteurs sont d’autant plus
configurés par leurs usagers qu’ils doivent, pour diminuer ce delta entre usage prévu et usage
réel, déterminer par avance la compétence et le comportement de leurs usagers : faisant
généralement face à une cible assez large (spécialement dans les expositions), les concepteurs
optent pour la solution la plus facile. Pour Patrice Flichy (2008), « l’usage d’une technique se
joue sur différents plans, matériel et symbolique, individuel, collectif (dans le groupe
primaire, la famille, l’entreprise) et social (au sein de large public). Il se construit dans des
interactions avec la technique ». Selon lui, l’usage d’une technique n’est jamais individuel de
par sa dimension sociale. Même si l’usager est seul devant l’objet qu’il utilise il fait partie de
ce collectif qui a déjà utilisé cette technique ou qui utilise la même, il doit être considéré
comme partie prenante de cet ensemble d’usagers qui détermine le processus technique. Ce
postulat est particulièrement vrai dans le contexte d’étude des usages des TIC. Pour étudier
16
les usages des TIC, il faut donc observer le comportement de chaque utilisateur avec l’objet,
mais également étudier chaque interaction se produisant autour de cet objet technique, qu’elle
soit provoquée par l’objet lui-même ou par son usage.
Dans l’exposition « Et si la plante idéale existait », chaque dispositif possède un usage
déterminé assez précis, nous reviendrons la dessus dans la seconde partie de ce mémoire.
Pour résumer cette partie et l’appliquer plus concrètement à notre problématique,
nous dirons que notre méthodologie d’évaluation de l’appropriation doit comporter un critère
d’usage déterminant : il ne peut y avoir appropriation si l’usage n’a pas été clairement
imaginé et si il n’est pas indiqué ou au préalablement assimilé par l’usager. L’appropriation
est également limité si l’usage est détourné : le concepteur ne peut délivrer correctement son
message (ce serait le « bruit » provoqué, non pas par le contexte mais par le récepteur lui-
même). Enfin nous devrons examiner comment l’interaction autour de l’objet technique
participe à la réduction ou à l’agrandissement de ce delta entre l’usage réel et l’usage prévu.
Cependant, avant de nous pencher sur chaque type de dispositif et sur les observations
d’appropriations des visiteurs(la partie qui nous intéresse le plus par rapport à la
problématique de ce mémoire), procédons à une évaluation des choix opérés pour la
conception globale de l’exposition afin de déterminer le contexte des usages.
17
3) L’exposition dans sa globalité
L’immersion
Quand le visiteur pénètre dans l’exposition « Et si la plante idéale existait … », il est
plongé dans une ambiance particulière. Ses oreilles perçoivent le bruit d’une faune naturelle :
le grillon d’un criquet, le sifflement du vent traversant un champ de blé, le bourdonnement du
vol d’une guêpe, le hululement d’une chouette sont autant de sonorités qui fournissent à
l’exposition une ambiance végétale et animale. Les yeux sont accrochés par un ensemble de
petites tables en bois veiné collées contre les parois gris claires. Des senteurs d’épices et de
fleurs arrivent à son nez. Plus loin, un banc est entouré par deux faux arbres au tronc vert
fuchsia et aux feuilles roses. Dans cette zone, la lumière est tamisée, l’éclairage est fourni par
une projection de lumières contrôlée par le visiteur.
L’ensemble de ces éléments indiquent clairement que l’exposition s’inscrit dans une
typologie d’immersion. En effet, l’exposition d’immersion met en œuvre un ensemble de
techniques qui font ressentir aux visiteurs, par sa conception en elle-même, des émotions et le
captivent. Pour cela, il faut immerger le visiteur dans le thème de l’exposition à l’aide, si ce
n’est de reconstitutions grandeurs nature, d’évocations multiples et d’exploitation des sens du
visiteur. Dans notre exposition, l’ouïe est sollicitée pour évoquer une nature champêtre,
l’odorat évoque les fleurs, la vue est accrochée par ces arbres colorés, et le toucher est éveillé
par la sensation provoqué par le toucher du bois.
Cette scénographie est créée dans le but d’augmenter l’intérêt du visiteur pour le
thème exploité, d’accrocher davantage son attention. Noémie Drouguet (2005) nous explique
que ce dispositif d’immersion permet de rendre le visiteur perméable au discours des
concepteurs et aux savoirs disséminés à travers les différents dispositifs de médiation. En
effet, ils y sont d’autant plus sensibles que ces scénographies leur évoquent un imaginaire
plutôt qu’une réalité inconfortable. Elle avertit cependant de l’abus excessif de cette
scénographie en expliquant que trop pousser « l’immersivité » des décors entrainent de
nombreuses confusions, approximations et ambiguïtés. Ce trop-plein de scénographie
immersive est surtout constaté dans des expositions « attractions » qui invitent davantage le
visiteur à une consommation culturelle en le plongeant dans un divertissement pur.
L’exposition « Et si la plante idéale existait » a minimisé cette scénographie : le fond sonore
18
reste léger et les décors tiennent plus de l’évocation que de la reconstitution. Elle s’est
cependant habilement servie de cette scénographie pour attirer les visiteurs vers le savoir
proposé : la couleur en bois des dispositifs attirent, les lumières à diriger sont également liées
à des dispositifs, les senteurs participent à une manipulation ludique, etc…
Le parcours
Figure 1 : Reconstitution 3D de l'exposition "Et si la plante idéale existait". Source : Institut Klorane.
Nous l’avons vu précédemment, l’exposition « Et si la plante idéale existait… » a
opté, comme la plupart des expositions scientifiques pour un découpage thématique linéaire :
la zone 1 correspond au fonctionnement de la plante, la zone 2 à l’influence de l’homme sur la
nature, la zone 3 à la biodiversité. Ce découpage est effectif sur un plan structurel : chaque
zone est séparée par des panneaux synthétiques souples suspendus (des panneaux japonais),
elles ont également une orientation différente. Cette linéarité de la visite (le visiteur est obligé
de traverser la zone 2 pour passer de la zone 1 à la zone 3) permet au public de l’exposition de
ne rien manquer. Les concepteurs évitent ainsi le développement du sentiment de frustration
si ceux-ci avaient raté un moment de la visite. Le choix du parcours n’est pas totalement laissé
au visiteur, il lui fournit une autonomie mais pas une totale indépendance. Il retrouve la
logique élaborée par le concepteur par ce cheminement spatial.
Chaque zone de l’exposition peut être parcourue différemment. Les dispositifs étant
disposés sur des murs opposés, la plupart des visiteurs optent pour une visite de la zone en
19
zigzag, passant d’un mur à l’autre, tout en se rapprochant de l’entrée de la zone suivante ;
certains préfèrent voir tous les dispositifs présents sur le mur de droite, avant de revenir sur
leur pas et d’explorer les dispositifs placés contre le mur de gauche. Quand il y a une unité
exploratoire (le visiteur seul, ou un groupe soudé autour du même dispositif), le parcours est
construit, cohérent, quasiment géométrique. Il devient plus chaotique et aléatoire en fonction
du contexte, du nombre de visiteurs qui obligent à aller voir le dispositif d’après avant de
revenir sur le dispositif convoité, en fonction de la rapidité de chaque membre de son groupe
de visiteur, de l’enfant qui ramène à un dispositif déjà exploré pour faire une remarque sur un
point particulier du dispositif. Concevoir ainsi l’organisation de l’exposition rend superflu
l’usage de signaux fléchés, d’indicateurs de parcours (numérotation croissante des dispositifs
par exemple). En choisissant de ne pas en mettre, les concepteurs confortent les visiteurs dans
leur autonomie qui se voient attribués ainsi la compétence de lire l’exposition. Cette liberté de
parcours dans chaque zone, couplée à une séparation nette entre les zones, incite davantage le
visiteur à une exploration approfondie. Il se donne le droit de passer à la zone suivante
seulement si la zone précédente a bien été vue. Lors des observations qui retracent les
parcours des usagers, nous avons pu constater que cette scénographie poussait effectivement
le visiteur a une exploration approfondie, qui ne délaisse que très peu de dispositifs (la
plupart de ces dispositifs sont davantage dans la monstration / photographie / texte). La zone 3
compte le plus de dispositifs délaissés. L’une des explications (nous reviendrons sur les autres
par la suite) réside dans sa construction : la sortie est clairement visible et est assez large, le
visiteur n’a plus ces panneaux qui le coupent d’une autre zone, qui l’aident à se plonger dans
l’univers naturel ; il est déjà, à la vue de cette sortie, replongé dans la réalité, il se déconnecte
du thème.
L’ambiance immersive et le découpage structurel des zones de l’exposition permettent
tous deux, tels qu’ils sont réalisés, d’attirer les visiteurs vers les dispositifs de médiations.
Observons à présent les différents types de dispositifs.
20
4) A l’intérieur de l’expo
Il y a, dans l’exposition, beaucoup de types possibles de dispositifs de médiation.
Serge Chaumier (2008) rappelle que le dispositif lui-même ne suffit pas à faire acte de
transformation chez le visiteur, mais qu’il faut un véritable travail du médiateur et de l’usager
pour cela. Il ajoute que le choix de tel ou tel forme de dispositif importe peu, mais que seul
compte l’esprit dans laquelle est développée la chose (« : leçon de choses, support ludique ou
forme ouverte de questionnement sur soi, sur l'autre au travers d'un rapport à un aspect de
l'existence... » ). Cependant, même si les dispositifs ne se suffisent pas à eux-mêmes, il faut
que ceux-ci soient les plus « performants possibles », c’est-à-dire qu’il faut qu’ils arrivent à
attirer le spectateur, à accrocher son attention, et à lui transmettre son information le plus
efficacement possible (en provoquant des interactions sociales, en lui laissant un souvenir,
etc…). Ainsi, et particulièrement dans les musées de sciences, la diversité des dispositifs a
augmenté avec les besoins de l’ensemble des publics qui n’ont pas tous les mêmes moyens
d’appropriation (Florence Belaën et Marion Blet, 2007). Cecilia de Varine (2008) met, quant
à elle, en garde contre cette multiplication des dispositifs qui pourrait provoquer un vrai
brouillage de l’information à transmettre, et qui donnerait au visiteur le sentiment d’une
surinformation dans laquelle il ne peut faire le tri par lui-même.
Ces nouveaux dispositifs apparus dans les années 80 ont été créés pour proposer aux
individus de développer leur potentiel d’expression (en accord avec la volonté de mise en
espace public de la culture et de la science). Pour Serge Chaumier (2008), c’est le risque pris
par le musée : comme le musée ne veut pas être vu comme un lieu d’apprentissage, il se
transforme en un lieu de loisir. Pour l’auteur les livrets jeux, les jeux de piste, les
manipulations et les dispositifs interactifs ne sont là que pour permettre « à l'individu de
passer un bon moment, de s'éclater, voire de vivre une expérience ». Il met donc en garde les
concepteurs : ce n’est pas parce qu’un outil de médiation est innovant qu’il entraine des effets
positifs sur les pratiques muséales.
Dans l’exposition « Et si la plante idéale existait … », nous retrouvons une diversité
appréciable de dispositifs. En effet, on y trouve des panneaux de schémas accompagnés de
légende textuelle, des vitrines d’exposition d’objets avec cartel, des manipulations, des
vidéos, des interactifs, des jeux (pour enfant et pour adulte) et des dispositifs de collaboration.
Ils traversent donc tout l’évolution technologique de ces dispositifs : de la manipulation en
21
bois jusqu’au détecteur/ reproducteur de mouvements. L’exposition intègre la collaboration
par le biais de deux techniques différentes : internet et le post-it.
Ce panel, cette offre diversifiée sans être saturante est bien accueillie par le public
observé. Chaque catégorie de public a une préférence particulière pour un type de dispositif,
chaque visiteur y trouve son compte, porte son agréable souvenir sur plusieurs dispositifs et
occulte les autres.
L’exposition manque cependant d’un médiateur humain. Il y a bien, à l’entrée de
l’exposition, une personne qui sert de médiateur pour des visites en groupe (des visites
scolaires essentiellement, ou pour une catégorie sociale particulière) mais qui sert juste
d’accueil pour les autres visiteurs. Sa présence au sein de l’exposition pourrait paraitre
facultative, la très grande majorité des dispositifs permettant aux visiteurs d’être autonomes,
si quelques dispositifs ne manquaient pas de consignes d’usage claires et complètes, et encore
moins si l’un des dispositifs ne pouvait être utilisé sans un médiateur. En effet dans la zone 3,
un atelier/jeu est proposé, mais celui-ci requiert la présence d’un médiateur pour expliquer les
règles et animer le jeu. Il est inscrit sous le jeu que les visiteurs peuvent se procurer par eux-
mêmes les règles et les différents éléments à l’accueil de l’espace EDF Bazacle. Cela oblige le
visiteur à sortir de l’espace de l’exposition et à y revenir, alors que ce jeu est proche de la
sortie de l’exposition et situé à la fin du parcours de visite. Nous n’avons observé aucun
visiteur autonome faire cette démarche. De plus, Florence Belaën et Marion Blet (2007)
rappellent que la médiation présentielle est un vecteur de compréhension efficace, car le
médiateur met en discours des théories, possède la capacité de s’adapter à chaque
interlocuteur, de faire évoluer son degré de vulgarisation. L’oral a toujours été le premier
moyen de l’efficacité scolaire en termes de transmission de connaissances. « Sa force et sa
puissance résultent de son emprise avec le réel ».
Après avoir déterminé quel est le public des expositions scientifiques, nous
reviendrons dans la deuxième partie de ce mémoire sur trois types de médiations que nous
décrirons en détail et qui ferons l’objet d’une observation et d’une attention particulière.
22
C. Une audience en mutation
Le mouvement de démocratisation de la culture engagé par André Mallraux a
progressivement fait évoluer les publics et leurs pratiques culturelles. Le public, nous l’avons
vu précédemment, devient donc la cible prioritaire des expositions en donnant au musée un
critère de performance (en nombre de visites) mais également le moteur de l’adaptation de la
médiation muséale.
L’apparition des musées scientifiques et la construction de la Cité de la Science de la
Villette ont contribué à cette évolution. Noémie Drouguet (2005) associe à cette volonté de
démocratisation le recours à des dispositifs analogiques (diorama, panorama, etc…). En effet,
ces dispositifs permettent de s’adresser à des visiteurs qui possèdent peu de connaissances
préalables sur le sujet. Pour s’adresser à un jeune public, les musées de sciences proposent
une forme vécue, et non plus un savoir abstrait. La typologie immersive des expositions
possède le même objectif (cependant, en s’adressant à ce public non spécialisé, elle peut
poser la question de la capacité du visiteur à faire la distinction entre reconstitution améliorée
et réalité). Les musées s’adressent donc maintenant à toutes les catégories sociales.
En se transformant en cible, le public ajoute au musée une dimension de marketing
pure. Les études de public se multiplient et les chiffres statistiques jouent désormais un rôle
important.
23
1) Public des musées et expositions
Les données sur la visite des musées et expositions proviennent du dispositif
d’enquêtes permanentes sur les conditions de vie des ménages (EPCV) de l’INSEE.
Ces chiffres montrent que toutes les tranches d’âge se rendent au musée au moins une
fois par ans. Ils ne prennent cependant pas en compte les visiteurs de moins de 15 ans. Bien
que ces jeunes visiteurs ne puissent pas se rendre de façon autonome dans ces lieux culturels,
ils sont souvent la cible d’une médiation appropriée.
En considérant les catégories socio-professionnelles, grâce à ces statistiques, nous
pouvons remettre en question le processus de démocratisation. Certes, l’ensemble des
catégories se rendent au moins une fois au musée dans l’année, et ce de façon assez équitable,
mais les CSP les moins aisées ne possèdent pas de pratiques culturelles plus régulières.
L’offre culturelle étant essentiellement située dans les milieux urbains, les individus qui ont
une profession dans un milieu rurale possèdent moins d’opportunité de se rendre dans les
musées. Mais la raison principale ne serait-elle pas un manque d’adaptation des médiations ?
24
Les musées et expositions scientifiques sont le quatrième genre de musées à être
visités, pas très loin derrière les musées d’art contemporain et les musées d’histoire. Ils
possèdent cependant un vrai retard de fréquentations. Il y a donc bien une nécessité de
multiplier les offres et les opportunités de visite, ainsi que la nécessité de développer les
médiations pour attirer un public plus large. Ces chiffres mettent en évidence qu’il y a un réel
besoin de développer la diffusion de la culture scientifique et technique.
2) Le public de la Cité des Sciences et de l’Industrie
Ce musée est le plus fréquenté des lieux de la culture scientifique de France. Il est
également le plus représentatif et le plus innovant en matière de dispositifs de médiation. Ces
chiffres permettent de mieux cibler les attentes des visiteurs sur la thématique des
expositions : les expositions les plus visitées sont celles qui traitent d’un sujet touchant au
quotidien contemporain du public. Ainsi les expositions qui parlent de l’environnement et des
nouvelles technologies sont beaucoup visitées : Emballage, nouvelle image et nouveau
réseaux, vive l’eau, climax. On retrouve également bien placées, les expositions qui traitent
d’un sujet se prêtant à une scénographie « spectaculaire », qui peut impressionner le visiteur,
25
qui peut être très esthétique : mesure et démesure, mille milliards de microbes, nouvelle
image et nouveaux réseaux. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » joue sur les deux
tableaux : son thème est pleinement dans l’environnement, et l’affiche dessinée et colorée
évoque un choix esthétique de couleurs pastels et de lignes épurées.
Enfin la courbe du nombre de visiteurs de la Cité des Sciences montre une évolution à
la baisse, même si ce nombre tend à se stabiliser autour des 3 millions de visiteurs annuels, ce
qui en fait le quatrième musée le plus fréquenté de France derrière Le Louvre, Le centre
Pompidou et Versailles.
L’exposition « Et si la plante idéale existait… » a connu un succès public : elle a
rassemblé près de 27 858 visiteurs et a dû allonger de deux semaines sa période d’exposition.
26
II. La multiplicité des dispositifs de médiation
A. Les Panneaux : un dispositif « traditionnel de la médiation »
Le panneau est composé d’images fixes et de texte. C’est le dispositif de médiation
portant le discours des concepteurs le plus traditionnel. Il est très souvent utilisé car son coût
de fabrication est moindre.
L’iconographie
Pour Bernard Schiele et Louise Boucher (2001), l’exposition limite son registre
iconique à la photographie qu’elle privilégie aux autres formes d’illustration possible.
L’exposition « Et si la plante idéale existait… » regroupe plusieurs types de panneaux :
- Des photographies légendées
- Des textes didactiques courts illustrés par des dessins artistiques
- Des textes didactiques courts illustrés de photos
- Des planches botaniques.
Il y a donc trois registres iconiques présents sur ces panneaux : il y a bien la
photographie, mais on retrouve aussi le dessin scientifique, et le dessin artistique.
- La planche botanique légitime la raison d’être de l’exposition, elle ancre le thème
et son traitement dans les sciences. Ces dessins représentent une fleur/plante de
façon détaillée ainsi que ses principaux attributs (pétale, fleur, fruit, organe
reproducteur, etc.). Une dizaine de plantes/fleurs sont ainsi exposées sous cette
forme sur les murs de la zone 1. Chaque planche est titrée (mais pas légendée)
avec le nom commun de la plante et sous-titrée par son nom scientifique latin. Un
texte très court (une ou deux phrases) accompagne l’image et lui est juxtaposée sur
sa droite. Les concepteurs de l’exposition ont encadré ces planches (et pas les
textes qui les accompagnent, à part le nom de la plante) et les ont accroché au mur,
à la manière de tableaux d’artistes. Eriger la science en art, c’est contribuer à
transformer la technique scientifique en culture. On peut également y voir la
métaphore de l’œuvre de la nature, et que ses réalisations méritent le même respect
que pour l’œuvre d’un peintre. Nous gardons malgré tout la dénomination de
27
« panneaux » pour ces cadres, car le texte qui les accompagne n’est pas de l’ordre
du cartel.
- Le dessin artistique contraste le texte explicatif qui l’accompagne. Par son
esthétisme, il attire le regard et engage le visiteur dans sa lecture. La dimension
artistique est présente tout au long de l’exposition. Elle allège l’imaginaire pesant
de la rigueur scientifique. Ces dessins illustrent les propos, ils l’accompagnent,
mais restent sur un second plan. C’est le texte qui est mis en avant, pas le dessin.
Ces panneaux prennent la même forme que les planches botaniques, ils sont
encadrés et sont plus petits que le format A3. En les dispersant sur les murs de la
zone 1, les concepteurs fragmentent l’information, la catégorisent. Ils évitent ainsi
la lassitude du visiteur qui s’attarderait sur un texte trop long. Sur chaque panneau
le texte reste aéré, les paragraphes sont clairement séparés les uns des autres. Nous
reviendrons sur le contenu par la suite.
- La photographie est utilisée de deux façons différentes : soit elle accompagne un
texte didactique, soit elle est elle-même mise en avant. En accompagnant un texte,
elle sert de photo-témoin. Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) explique,
qu’utilisée de cette manière, elle prouve son discours, « elle témoigne du réel ».
C’est un procédé de visualisation obligatoire pour les expositions scientifiques,
selon les auteurs, car il permet d’éviter de devoir construire le réel mais tout en le
dévoilant, ce qui assure un rapport de transparence.
- Pour les photos exposées pour elles-mêmes, on retrouve la même démarche que
pour les planches botaniques : on y retrouve la même scénographie que pour une
exposition culturelle de photographie. Ces photos sont accompagnées d’un petit
texte. Ce texte n’est pas toujours un cartel. Sur certains, on ne retrouve pas le nom
du photographe, ou le titre de la photo, mais, de la même manière que pour les
planches botaniques, une à deux phrases en relation avec le sujet montré.
L’exposition se sert des mêmes codes scénographiques que pour une exposition
simple de monstration, plus traditionnelle (œuvre exposé accompagnée d’un
cartel), mais la détourne en se servant de ces œuvres comme support de leur
discours.
28
Le contenu et la structuration
Il y a deux grands types d’écrits au musée : les textes signalétiques qui indiquent au
visiteur un sens de visite, et les textes informatifs qui communiquent un discours scientifique
directement. Notons que les panneaux contiennent rarement un texte signalétique, et que ce
type de texte est complètement absent de l’espace de l‘exposition « Et si la plante idéale
existait …» : la mise en place de ces trois espaces structurés se suffit en elle-même, de plus, la
surface de l’exposition reste réduite et ne nécessite pas une signalétique directionnelle.
Il y a un type de texte omniprésent dans l’exposition. En effet, les concepteurs ont
choisi d’inscrire à même les murs un texte qui participe à la structuration de l’espace et à
l’organisation du discours. La zone 1 de l’exposition, nous l’avons vu, s’intéresse aux
caractéristiques de la plante. Pour lister ces caractéristiques et faire le lien entre les panneaux
et les autres dispositifs plus matérialisés, les concepteurs ont organisé la zone en sous
thématiques et les ont ainsi titrées. Ces sous titres noirs sont placés sur la partie supérieure
des murs blancs cassés ou sont inscrits en blanc sur un mur gris anthracite. Ce choix de
couleurs leur permet évidemment de ressortir et d’arriver à attirer l’œil du visiteur. Cependant
le choix du placement en hauteur (clairement au-dessus du niveau de l’œil) dénote la volonté
d’une discrétion. Leur forme répond au titre de l’exposition : Ainsi pour évoquer le chapitre
de la croissance des végétaux, on retrouve le texte « Elle se développerait… » ; pour évoquer
la biodiversité (en zone 3), on trouve le sous-titre « Elle interagirait avec son
environnement… ». Ces sous-titres sont donc inséparables du titre de l’exposition et le
complètent (si la plante idéale existait, elle aurait des racines). Les points de suspension
présents à la fin de ces sous titres indiquent que le « listage » des attributs de la plante idéale
n’est pas terminé.
Quelques sous-titres diffèrent de ce processus : par exemple l’un indique simplement
la présence de l’ « atelier », l’autre celui du tableau montrant l’actualité scientifique, trois
autres nous interpellent davantage :
- Un de ces sous-titres, dans la zone 2, interpelle directement le visiteur « Et pour
vous, quelle serait la plante idéale ? ». Nous comprenons ici, rien qu’avec ce texte,
que le visiteur est impliqué dans l’exposition, qu’un rapport plus direct entre
concepteurs et publics s’instaure. Nous reviendrons sur le dispositif concerné
« photo particip » par ce titre par la suite.
29
- Une partie du mur à la fin de la zone 1 de l’exposition est couverte par plusieurs
textes qui reprennent la même police que ces sous-titres. Ce sont des citations
d’auteurs. En les lisant, le visiteur peut s’apercevoir qu’elles concernent toutes la
notion d’ « idéal ». Ce lien entre les citations n’est pas clairement indiqué par un
énième texte. Avec ces citations d’auteur littéraires (Oscar Wilde, Victor Hugo,
George Sand, …), les concepteurs refont le lien entre l’art et la science, comme
nous l’avons vu avec l’iconographie de l’affiche et des panneaux et la mise en
exposition de ces panneaux, et tels que nous le reverrons avec certains dispositifs.
- Enfin, un sous-titre présent deux sur des murs opposés dans la zone 3, marque la
clôture de l’espace de l’exposition et sa conclusion : « Et si finalement l’idéal…
c’était la biodiversité ! », clôturant par l’évidence interloquée (le point
d’exclamation) en réponse à la question suspendue du titre de l’exposition. La
forme qui reste conditionnelle (« et si ») continue à mettre en débat cette
thématique.
On comprend, à la lecture de ces sous-titres que l’exposition doit être bien lue par le
visiteur en partant de la zone 1 pour finir à la zone 3. Insistons cependant sur le fait que la
discontinuité discursive entre ces sous zones marquées par ces sous titres « listes » n’interdit
pas une lecture « à l’envers » (de la zone 3 à la zone 1). Leur placement discret permet
toutefois au visiteur de se situer dans l’exposition si celui-ci est en demande d’indicateurs et
lui facilite une reconstruction cognitive du savoir transmis.
Nous avons analysé la forme de ces sous-titres de l’exposition dans cette partie
« panneaux », car ils titrent ces cadres, qui se constituent alors en paragraphe de la thématique
abordée. On retrouve avec le même procédé d’inscription à même le mur, mais avec une taille
et une couleur différente, des phrases délivrant une information scientifique (emploi du
présent de vérité général). Les concepteurs ont ainsi transformé le mur en panneau. Ce choix
démontre que le savoir scientifique est établi, vrai, qu’il est difficile (à l’image d’un mur) de
le déconstruire, l’information est « gravée dans le marbre ».
Chaque type de panneaux est uniformisé : la police du texte ne varie pas, leur forme
restent sensiblement les mêmes, la palette de couleur est harmonique. Cette uniformisation
permet au visiteur d’adopter le même mode de lecture pour chaque type de panneaux. Il en
reconnait la forme et saisit que la nature des informations restera la même. Elle lui donne un
repère et participe à l’imprégner de la construction de l’exposition : « la mise en place de
30
repères fixes indique, par défaut, ce qu'il y a "d'autre" à voir ou à faire » (Bernard Schiele et
Louise Boucher, 2001). Les panneaux contribuent ainsi à assurer la trame discursive de
l’exposition malgré leur rôle « diminué » dans l’exposition car ils côtoient d’autres dispositifs
plus attractifs : en effet ces panneaux placés sur les murs y sont assimilés matériellement par
les visiteurs (D. et E. Jacobi, 1985). Comment, alors, ne pas faire le lien avec les sous-titres et
les informations inscrites sur les murs ?
Chaque cadre (ceux de textes illustrés par un dessin artistique ou une photo-témoin)
représente donc un chapitre de signification (un cadre expliquant la dénomination des racines,
sous le sous titres « Elle aurait une racine… »). Chaque texte est vulgarisé, les termes
scientifiques sont expliqués, le langage spécialisé est employé mais de façon toujours
abordable par tous.
Une étude de McManus (1992) a démontré que plus de la moitié des visiteurs d’une
exposition ne lisent pas les textes, mais que leur contenu leur est rapporté par ceux qui les
lisent. Cette étude a également démontré que les visiteurs lisent moins d’un tiers des textes
présents dans l’exposition. L’esthétisme des panneaux et leur petit format (que le visiteur
ramène au format du cadre grâce à l’ingéniosité des concepteurs d’inscrire les titres et autres
phrases courtes sur les murs) ne bloquent pas la lecture aux visiteurs qui ont pour habitude de
lire ces panneaux, et attire l’œil de ceux qui sont à priori réticents à cette idée. La conception
de ces panneaux augmente donc le nombre de visiteurs « lecteurs » ainsi que le nombre de
textes lus par un même visiteur et améliorent de cette façon l’efficacité de la médiation.
31
B. Les manipulations : un ludisme au service de
l’appropriation ?
Les dispositifs de type manipulatoire ont été créé dans les musées pour répondre à la
volonté de démocratisation. Originellement, ces dispositifs attiraient le jeune public dans les
expositions : les manipulations rendaient le jeune visiteur actif en sollicitant sa participation,
et éviter la passivité de la contemplation et de la lecture de panneaux. On entre alors dans
l’ère de l’exposition ludique et interactive. Science Animation, l’organisme concepteur de
l’exposition, décrit sa propre exposition comme « stimulante et ludique », on comprend dès
lors, et avant même de pénétrer dans l’espace de l’exposition que le jeune public est sollicité
dans l’exposition. Un dispositif est appelé manipulatoire lorsque il requiert la participation
motrice ou manuelle des visiteurs (Cécile Gasc, 2008).
On trouve dans la zone 1 (et surtout la zone 1) plusieurs dispositifs répondant aux
critères des dispositifs manipulatoires. Dans la prochaine partie, nous allons nous attacher à
la description de ces dispositifs dans l’exposition par le biais de la participation sollicitée chez
le visiteur (et non pas de son contenu).
32
1) Les dispositifs de l’exposition
Tous les dispositifs manipulatoires mécaniques de l’exposition sont séparés les uns des
autres. Ils sont intégrés à des tables en bois brut qui sont toutes sensiblement de la même taille
et de la même forme. Ces séparations et ces ressemblances de format participent à la
compartimentation de l’information. Elles sont toute mises au même niveau : chaque
dispositif délivre une information particulière qui ne possède pas de positionnement
hiérarchique dans l’organisation du discours. Ces dispositifs sont classés par sous thématiques
grâce aux sous-titres inscrits sur les murs décrits précédemment. Le choix de la couleur
possède une signification double : elle rappelle et s’ancre dans la thématique de l’exposition,
et elle ne correspond pas aux couleurs plus criardes et primaires employées habituellement
pour les manipulations ludiques, elle ne repousse pas l’usage des adultes. Nous allons dans un
premier temps lister et décrire ces dispositifs en leur donnant le nom qui apparaitra sur notre
grille d’observation de la troisième partie (chacun de ces dispositifs est accompagné d’un
écran tactile, nous reviendrons sur leur description par la suite) :
- Racines : Sur la table sont disposées trois petites plantes en plastique juchées
sur trois socles dont la face visible est en verre teinté. En appuyant sur un bouton
poussoir, le visiteur peut voir à travers le verre teinté les racines de ces plantes.
Figure 2 : Le dispositif "racine". Photo de Science Animation
- Feuilles : Sur ce dispositif, quatre volets en bois sont présentés, et sur chacun de
ces volets, il y a un dessin pyrogravé représentant une feuille. En soulevant le
volet, le visiteur peut voir le nom de la plante à laquelle appartient la feuille.
33
- Microscope : Un écran d’ordinateur affiche ce que voit le microscope numérique
attaché sur la table. Quatre échantillons à observer sont présents. En déplaçant le
microscope sur ces échantillons, le visiteur peut observer l’image agrandie sur
l’écran d’ordinateur.
- Zootrope : Ce dispositif présente un zootrope (ancêtre des premières images
animées). En faisant tourner le zootrope et en regardant au niveau des fentes, le
visiteur peut voir le cycle de développement d’une plante.
- Durée de vie : Sur le dispositif, le visiteur peut trouver six palets carrés en bois sur
lesquels est gravé le dessin d’un arbre ainsi que son nom. Il y a également une frise
chronologique. Cette frise se compose de six emplacements carrés adaptés pour les
palets. Sous chaque emplacement, il y a une led et une durée. En plaçant un arbre à
la durée de vie correspondante sur la frise, la lumière verte de l’emplacement
s’allume. Si ce n’est pas le bon emplacement, une lumière rouge s’allume.
Figure 3 : : Le dispositif "durée de vie". Photo de Science Animation
- Dendrochronologie : Sous un cadre en verre, les visiteurs peuvent voir la coupe
d’une souche d’un arbre. Deux réglettes graduées sont situées au-dessus et à coté
de cette souche. Une loupe permettant d’observer de plus près le dispositif y est
attachée.
34
Figure 4 : : Le dispositif "dendrochronologie". Photo de Science Animation
- Senteur : Deux dispositifs portent le même nom de « senteur » car ils sont
quasiment identiques. Ce dispositif se compose de cinq fioles alignées remplies à
moitié d’un liquide coloré (les cinq couleurs sont différentes). Ces fioles sont
lumineuses car éclairées par le dessous. Devant chaque fiole, il y a un volet à
soulever, devant chaque volet, un trou pour sentir l’odeur qui s’y échappe lorsque
le visiteur presse la poire située devant le dispositif. Le visiteur presse la poire,
sent l’odeur, et soulève le volet pour voir à quelle fleur (premier dispositif) ou
épice (deuxième dispositif) appartient l’odeur.
Figure 5 : : Le dispositif "senteur". Photo de Science Animation
- Pollen : Sous une cloche transparente fixée au dispositif, le visiteur peut voir trois
maquettes 3D agrandies de pollen numérotées. Un cadre photo numérique
accompagne le dispositif
35
Figure 6 : : Le dispositif "pollen". Photo de Science Animation
- Veg/ani (pour vegétal/animal) : Le visiteur peut soulever six volets divisés en trois
groupes de deux. En soulevant les volets, le visiteur peut découvrir comment le
végétal ou l’animal réagissent tous les deux à certaines conditions de vie (le stress
par exemple).
Plusieurs tables du même format sont présentes dans l’exposition mais ne requiert pas
une manipulation : le visiteur peut observer une maquette de camomille (dispositif
« camomille »), une autre maquette de fleur accompagnée d’un petit écran dont les
commentaires sont écoutables à l’aide d’un téléphone accroché (dispositif « maquette » sur la
grille d’observation »), une observation, à l’aide d’une loupe incorporé, d’un processus de
défense de plante (dispositif «fourmi ») , un dispositif présentant un film écoutable avec un
téléphone (dispositif « écran ») . Notons également dans cette catégorie manipulation la
présence des faux arbres de la zone 2. Le visiteur en appuyant sur certaines feuilles peut
modifier les sons de la nature.
36
2) Les niveaux d’interactivité
Cécile Gasc (2008) a établi une échelle à trois niveaux d’interactivité permettant de
classer les dispositifs manipulatoires :
- Le premier niveau d’interactivité : Une action unique conduit à un résultat
standard. « La forme et le contenu que le dispositif est apte à transmettre sont
toujours les mêmes. » Ce dispositif est qualifié par l’auteur de « presse bouton ».
Beaucoup de dispositifs de l’exposition « Et si la plante idéale existait… »
correspondent à ce niveau d’interaction basique : « racines », « feuilles »,
« pollen », « veg/ani » « microscope », « senteur » et « arbres ». Rajoutons ici le
dispositif « dendrochronologie » et « fourmi » qui correspondent essentiellement à
de l’observation.
Remarquons également que tous les dispositifs
comprennent ce niveau d’interaction avec l’utilisation
de la tablette tactile. En effet, ces tablettes ne sont pas
utilisées comme un outil multimédia dans
l’exposition. Quand l’utilisateur ne la touche pas, la
tablette affiche un texte, en balayant l’écran avec son
doigt, la tablette affiche un deuxième texte. Ces
textes ne varient pas, ils sont fixes. Elles
correspondent donc au même niveau d’interaction
que les volets à soulever.
37
- Le deuxième niveau d’interaction « à actions multiples et réponses affiliés » : Le
dispositif permet de mener plusieurs actions différentes. A chacune d’elle
correspond une réaction spécifique, univoque et invariante. Seul le dispositif
« durée de vie » correspond à ce niveau d’interaction. Si le visiteur place mal
l’arbre sur l’échelle de temps (action A), la led est rouge (réaction A), si il le place
bien (Action B), la led est verte (réaction B).
- Le troisième niveau d’interaction « à actions et réactions en chaîne » : Une
combinaison d’actions conduit à plusieurs réponses possibles. Nous ne faisons ici
qu’évoquer ce niveau car aucun des dispositifs de l’exposition n’y correspond.
Cécile Gasc (2008) décrit ce niveau d’interactivité comme étant le plus proche des
potentialités offertes par l’informatique.
L’exposition « Et si la plante idéale existait… » Comprend donc essentiellement des
dispositifs à faible degré d’interaction. Cela lui est-il dommageable ?
38
3) Les enjeux des dispositifs manipulatoire
Les manipulations sollicitent la motricité des visiteurs. Leurs actions ont des
conséquences directes : elles participent à la découverte d’une réponse. Le savoir en est la
récompense. La métaphore que procure le dispositif est également intéressante pour améliorer
la transmission du message de l’exposition média. Ce message devient effectivement
palpable, « au bout des doigts » (au sens propre comme au figuré). Le savoir scientifique se
matérialise et devient ludique. Le plaisir obtenu par la « récompense » est associé au plaisir de
découverte de la science.
Les dispositifs sollicitent les sens des visiteurs. Le toucher du bois dont les dispositifs
sont constitués ; la vue des maquettes, des souches, des éléments d’une fleur ; la senteur des
épices et des fleurs ; l’écoute des téléphones sont autant de sollicitations des sens qui
participent à l’intégration mémoriel et sensoriel chez le visiteur du message de l’exposition.
Les dispositifs rythment le parcours. Selon leur degré de complexité et la richesse de
leur commentaire, le visiteur va s’y attarder plus ou moins longtemps. C’est donc un degré à
considérer dans la conception de la scénographie de l’exposition : un dispositif plus complexe
entouré de dispositifs plus simple peut contraindre le visiteur à passer son chemin car il est
trop souvent occupé par un autre visiteur. Leur esthétisme participe à cette scénographie
(insertion dans un thème, attraction/répulsion), ce que les concepteurs de Science-animation
ont bien pris en compte.
Les dispositifs sollicitent une réflexion chez le visiteur. En se pliant à l’usage
conforme de la technique proposée par le concepteur, en adoptant la démarche expliquée par
les consignes, le visiteur établit des constructions cognitives. Cet effet de réflexivité n’est
présent que dans des dispositifs dont le degré d’interactivité est supérieur à 1. Un simple
« bouton poussoir » ne pousse pas à une réelle construction cognitive, mais à une simple
action cognitive. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » n’engage donc pas le
visiteur à pousser sa réflexion, seul le dispositif « durée de vie » l’amène à mobiliser des
connaissances préalables, à établir une démarche de raisonnement déductif. Ce choix des
concepteurs peut s’expliquer par le fait que l’exposition tend plus à éveiller les consciences à
la biodiversité plutôt qu’à la comprendre totalement. Elle cherche à déclencher un
changement de point de vue : une plante ne peut être idéale que si elle existe dans un
environnement diversifié. L’exposition tend à mettre en valeur que la richesse de la nature
39
réside dans la diversité de tout ce qui la compose et de leurs attributs. Cette approche explique
également la « diversité » des dispositifs de médiation. Il aurait été d’autant plus préférable
pour la réception de ce message d’augmenter la diversité des actions possibles, le visiteur
pouvant se lasser de n’avoir à soulever qu’un volet. Les dispositifs manipulatoires de degré 1
encouragent donc à la découverte (on « découvre » une réponse en soulevant un volet, la
diversité des plantes par la multiplicité de leur odeur, etc.), et ne sollicitent pas de savoir-faire
ou de connaissances pré-requises.
40
C. Les médiations de dernière génération : du numérique au
participatif, des dispositifs centrées sur le public ?
Les musées scientifiques, nous l’avons vu, veulent placer leur discours dans l’espace
public et participer à l’élaboration des débats sociétaux. Ces vingt dernières années ont vu
l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’essor
démocratisé d’internet, et l’amélioration technique des interfaces entre la machine et
l’homme. Le musée s’est adapté. En effet, les écrans tactiles séduisent autant les publics que
les professionnels du musée qui l’intègrent dans leur institution et dans leurs compétences.
Geneviève Vidal (2012) explique que les écrans aux musées sont l’objet d’une collaboration
entre muséologues, concepteurs, entreprises et laboratoires de recherche et qu’en devenant un
outil de médiation, ils ouvrent un espace d’échange entre le visiteur et le contenu. De par
l’utilisation d’une technologie récente, les concepteurs envisagent ce type de médiation
comme une médiation innovante qui fait évoluer le rapport entre le contenu scientifique et le
visiteur grâce à de nouveaux scénarios d’usage.
Cécilie de Varine (2008) ajoute que si le musée souhaite autant s’équiper du matériel
high tech, c’est essentiellement pour attirer un public plus jeune et désireux de retrouver cette
technologie dans un espace muséal qui vivrait ainsi avec son temps, mais également pour
diversifier les approches de médiation dans l’exposition. Les possibilités techniques permises
par un dispositif informatique permettent effectivement de rendre l’interactivité de la
médiation au centre de l’exposition. L’interactivité de ces dispositifs est donc au cœur de sa
raison d’être comme outil de médiation dans l’exposition scientifique. L’interactivité avec un
système informatisé, numérisé diffère de l’interactivité présentée lors du chapitre sur les
manipulations. Pour Vincent Mabillot (1998), « on peut attribuer un comportement interactif à
l'utilisateur et au système technique, lorsque support et acteur sont indissociables et
coopérants de l'acte d'énonciation du discours» : il y a une forme de communication qui
s’instaure entre l’humain et la technique. L’humain envoie un stimulus à la machine qui y
répond par une production de contenu issue de ce stimulus. La forme du programme, les
informations qu’il contient et la liberté d’utilisation qu’il offre modèlent tous ce contenu
(Cecilia Gasc, 2008). Pour résumer, reprenons les mots de l’auteure : « On considère donc
qu’une communication interactive se noue entre un utilisateur et une manipulation à partir du
moment où l’action de l’utilisateur sur le dispositif en modifie la forme et que le dispositif est
apte à transmettre un nouveau contenu. »
41
1) Les dispositifs numériques interactifs dans l’exposition
Les dispositifs numériques interactifs sont situés dans la zone 2. Cette zone est dans la
pénombre, ce qui permet à la fois d’augmenter la dimension immersive de l’exposition mais
également de pouvoir mieux voir les images projetées. Nous ne comptons pas dans cette
partie les tablettes numériques précédemment décrites qui ne relève pas d’un niveau
d’interactivité suffisant pour intégrer ce chapitre.
- Lumière : Quatre lampes torches allumées sont suspendues à hauteur humaine. A
deux mètre de distance, se situe un écran noir. Sur le bas de cet écran, le visiteur
peut apercevoir quatre graines. En dirigeant la lumière sur ces graines, le visiteur
fait pousser des plantes numériques. Lorsqu’il lui enlève cette lumière, la plante
décroit.
Figure 7 : : Le dispositif "lumière". Photo de Science Animation
- Globe : une en cloche transparente est juchée sur un socle. En son sein, le visiteur
peut voir un morceau de mousse artificielle, une « mini-nature ». A l’arrière de la
cloche, il y a un capteur signalé par une lumière verte. Un écran de projection est
associé au globe. Il projette un dessin artistique d’un paysage naturel. En mettant
le doigt sur le capteur, le visiteur convertit les pulsations de son cœur en
interactions avec la nature visible sur l’écran.
42
Figure 8 : : Le dispositif "globe". Photo de Science Animation
- Kinect : un espace délimité sur le sol par une projection invite le visiteur à s’y
placer. Devant lui, un paysage naturel artistique et artificiel est projeté. En levant
les bras, le visiteur fait pousser des plantes, en écartant ses bras levés, il fait
ramifier sa plante.
Figure 9 : : Le dispositif "kinect". Photo de Science Animation
- Photo particip : le visiteur grâce à une borne proposant une visée tactile, peut
diriger la lumière et voir ainsi les commentaires situés sous la soixantaine de
photos envoyés par les contributeurs. Ces photos sont affichées par groupe de
vingt, changent toutes les minutes et ont toute le même format. Les commentaires
sont courts, écrits en noir (ce qui les rend apparent sur le fond blanc du faisceau de
lumière virtuel, qui est également projeté)
43
Figure 10 : : Le dispositif "photo particip". Photo de Science Animation
44
2) Analyse des dispositifs numériques interactifs
Les dispositifs numériques interactifs de l’exposition « Et si la plante idéale existait.. »
ne diffèrent en fait des dispositifs manipulatoires plus « classiques » et matérialisées que sur
un point. La réponse du dispositif est particulière à l’action d’un l’utilisateur spécifique, elle
lui est unique (en théorie). Les possibilités techniques des dispositifs numériques permettent
en fait de rajouter un quatrième degré sur l’échelle d’interactivité proposée précédemment. Ce
degré décrirait un dispositif manipulatoire sui modifierait ses résultats en fonction des actions
de l’utilisateur. Il n’y a plus un nombre restreint et invariable de résultats « juste » ou
« faux », mais une infinité de réactions adéquates.
Ce degré serait applicable aux trois dispositifs « lumière », « globe » et « kinect », car
il résulte d’une vision créative et artistique du thème scientifique. Ces trois dispositifs utilisent
le même style artistique numérique (fond noir, couleur des plantes vert bleuté, multitude des
formes simples et d’un trait plein). L’utilisateur, par son action, (mise du doigt sur le capteur,
direction des lumières, ou mouvements des bras) influence l’œuvre, la modifie, la recrée. Ces
dispositifs constituent donc le visiteur comme créateur d’un contenu qui lui est propre. Ils
placent le concepteur et le visiteur au même niveau. Ils participent donc à une communication
efficace et moins hiérarchisée entre ces deux entités. L’exposition média y prend d’autant plus
du sens.
Le dispositif ne délivre pas un contenu scientifique, il ne propose pas un savoir
construit, il envoie un message délivré à travers l’art : l’homme possède une influence sur la
nature, son action, sa présence, ses mouvements déterminent un paysage, modifient
l’écosystème, perturbent l’équilibre naturel. Le dispositif « lumière » montre l’importance de
la lumière sur la croissance des plantes. Le dispositif « globe » délivre une métaphore : la
nature vit et possède un rythme caractéristique, autant que l’être humain. Le
dispositif « kinect » compare les branches d’un arbre aux bras d’un homme. Il n y a pas de
savoir nouveau apporté mais bien un message d’éveil de la conscience sur l’impact de
l’homme et sur la fragilité de la nature.
Le dispositif « photos particip » est à mettre à part des autres dispositifs. Ce dispositif
permet de découvrir les photographies et les messages des contributeurs. L’utilisation de la
technologie pour ce dispositif offre de nombreux avantages : La technologie permet de faire
tourner l’apparition de ces photos et donc d’en afficher un plus grand nombre ; elle permet
45
également un jeu sur la lumière, en dirigeant le faisceau, le visiteur focalise sa concentration
et fait preuve de sa volonté exploratrice, de plus cela permet de ne pas afficher tous les
commentaires en même temps ce qui pourrait créer une réticence à son utilisation ; elle
permet également de prouver par sa seule présence son caractère interactif et donc réactif.
Les contributeurs participent à la création de l’exposition. En plaçant les internautes
comme concepteurs, la communication de l’exposition ne se fait plus entre concepteurs et
visiteurs, mais bien entre le public lui-même, comme si la transmission de la science ne
s’opérait plus sur un plan vertical du haut vers le bas (du scientifique au profane) mais sur un
plan horizontal. Par ces contributions projetées, les concepteurs renforcent la mise en espace
public du thème scientifique, mais montrent également l’intégration réciproque entre le sujet
scientifique et l’individu. Les messages associés aux photographies portent sur les souvenirs,
les émotions, la vision poétique, l’émerveillement, etc. provoqués par la plante « idéale ». Les
noms des plantes photographiées n’apparaissent que si le contributeur en fait le choix. Les
concepteurs ont donc bien centré leur vision de la plante idéale non pas sur le savoir
scientifique, mais sur l’affect lié à la biodiversité et provoqué par la nature. Ils n’énumèrent
pas une liste de noms de plantes, mais exposent la diversité une nouvelle fois. Ce dispositif
amène le visiteur à se demander lui-même qu’elle plante il afficherait, il recrée donc une
relation entre son affect et la nature. Certains visiteurs ont trouvé dommageable le fait que les
noms ne soient pas toujours présents : ils reconnaissent la plante mais ne l’identifient pas, ils
ne peuvent pas eux-mêmes associer leur affect à la plante, ils ne peuvent reconstruire ce lien
cognitif.
La projection de ces photographies s’accompagne d’un appel à contribution présent
deux fois : il n’est visible en bas de la projection que si le visiteur dirige le faisceau de lumière
vers le bas des photos, mais aussi sur un cartel à gauche du dispositif. Nous avons testé la
réactivité de cet appel à contribution et avons posté sur internet une photo d’une plante et un
commentaire, en respectant l’usage (commentaire approprié, droit d’auteurs pour la
photographie respectée, etc.). Deux semaines après, la photographie n’était toujours pas
présente dans l’exposition. Les contributions affichées étaient essentiellement apportées avant
l’ouverture au public de l’exposition, les concepteurs en ayant ajouté une dizaine au cours de
sa période d’exposition. Le dispositif multimédia interactif voit sa réactivité limité par un
modérateur, un médiateur humain qui régule l’échange entre l’humain et la technique.
46
Remarquons la présence dans l’exposition d’un dispositif similaire à une différence
près : il n’emploie pas la technologie. En effet, le dispositif « post-it » appelle à la
contribution des visiteurs dans la zone 3 de l’exposition. Il pose la question «Et pour vous,
biodiversité, qu’est-ce que ça veut dire ? » à laquelle le visiteur peut réagir en inscrivant sa
réponse sur un post-it et le coller sur le dessin de l’arbre (métaphore feuille = post it). Il y a
donc une contribution du visiteur dans le même temps du parcours, il y a une réactivité
d’affichage immédiate, et le modérateur ne s’impose plus dans cet échange direct. Le
médiateur intervient après le temps de parcours pour enlever certains post-it et laisser ainsi de
la place pour les suivants. Ce dispositif permet au visiteur de formuler un affect et donc de
délivrer la reconstruction cognitive effectuée grâce à l’exposition. Il permet également de
constater que les autres visiteurs ont peut-être donné une autre signification au message de
l’exposition, et de l’envisager ou de la réfuter : la science est mise en débat.
Figure 11 : : Le dispositif "post-it". Photo de Science Animation
Serge Chaumier (2008) met en garde contre l’utilisation des dispositifs multimédias.
Les musées valorisent des outils sous prétexte qu’ils sont ludiques et spectaculaires et qu’ils
rendent le visiteur actif. Or, pour lui, l’activité est trop souvent confondue avec l’ « agitation »
qui n’est pas synonyme de transformation. Selon l’auteur, les NTIC participent à la
surenchère de la scénographie technicisée, celle qui conduit à un bling-bling muséal et qui
favorise les institutions les plus financées. En faisant trop appel aux technologies, le public
risque de trouver rébarbatif les autres moyens plus traditionnels de médiation, et en particulier
47
la médiation humaine. Nous serons d’accord avec le constat qu’il établit : l’outil
technologique est un bon outil de médiation que s’il est correctement employé au service de la
transmission du message de l’exposition média.
Joëlle Le Marec (2007) constate, elle, que peu de démarches dites « participatives » le
sont réellement. Pour elle, le public n’est réellement participatif que lorsque les savoirs et leur
mise en forme sont co-inscrits dans l’exposition. Peut-on alors parler réellement de mise en
œuvre d’une démarche participative avec le dispositif « photos particip » ? Ou même avec le
dispositif « post-it » ? Ces dispositifs ont en fait la même place dans la construction de
l’information que le micro trottoir dans un reportage journalistique. Souvent décriés pour leur
inutilité quant à l’apport d’une information, le micro-trottoir ancre l’information dans le réel,
dans le vécu et dans l’inconscient collectif. Il en est de même pour nos deux dispositifs. Ils
n’ont pas d’apport sur l’information mais ils ont un apport pour la transmission de cette
information. Il s’agirait en fait d’une « médiation de la médiation » : un outil qui ne fait pas la
médiation entre un savoir et le visiteur, mais un outil qui ajouterait de l’efficacité à la
médiation en prouvant que les autres visiteurs ont adopté et intégré cette médiation.
L’exposition scientifique, enjeux des dispositifs de médiation : du panneau au numérique interactif
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L’exposition scientifique, enjeux des dispositifs de médiation : du panneau au numérique interactif

  • 1. Université de Toulouse 1 Capitole 2 rue du Doyen Gabriel Marty 31042 Toulouse Cedex 9 Université Toulouse 3 Paul Sabatier 118 route de Narbonne 31062 Toulouse Cedex 9 M1 Information-communication Mémoire de recherche présenté par Pierre Vincenti L’EXPOSITION SCIENTIFIQUE ENJEUX DES DISPOSITIFS DE MEDIATION : DU PANNEAU AU NUMERIQUE INTERACTIF Sous la direction de Muriel LefebvreMai 2013
  • 2. « J’atteste ne pas avoir utilisé les phrases ou les travaux d’un autre en les laissant passer pour les miens et avoir cité l’ensemble de mes sources »
  • 3. Les expositions scientifiques ont évolué dans leur scénographie pour permettre à la science de rentrer plus efficacement dans l’espace public. Ces évolutions ont été accompagnées par l’apparition successive de nouveaux types de dispositifs. Ces dispositifs de médiations sont-ils adaptés pour tous les publics et participent-ils vraiment à l’appropriation par les visiteurs d’un discours scientifique ? A travers une enquête d’observations dans l’exposition proposée par Science Animation « Et si la plante idéale existait… », nous apportons des éléments de réponse. Mots clés : exposition, média, dispositifs, médiations, culture scientifique
  • 4. Remerciements : Je remercie ma directrice de mémoire, Muriel Lefebvre, pour sa disponibilité, son encadrement, son soutien et son écoute tout au long de la préparation de ce mémoire. Je remercie également l’équipe de Science Animation pour la conception de l’exposition « Et si la plante idéale existait… » qui m’a fourni un terreau fertile de recherche. Je remercie aussi Malvina Artheau pour l’aide apportée au commencement de ce mémoire. Je remercie plus particulièrement Julie Poirier, chargée de mission chez Science Animation, pour ses réponses à mes (nombreuses) questions et pour sa bienveillance.
  • 5. Sommaire Introduction I. L’évolution des espaces muséographiques dédiés aux savoirs scientifiques : l’évolution des concepts ? A. L’évolution des discours des muséographes B. L’évaluation des expositions centrée sur ses visiteurs le musée un espace public. C. Une audience en mutation II. La multiplicité des dispositifs de médiation A. Les Panneaux : un dispositif « traditionnel de la médiation » B. Les manipulations : un ludisme au service de l’appropriation ? C. Les médiations de dernière génération : du numérique au participatif, des dispositifs centrées sur le public ? III. Les enjeux de l’usage des médiations par le public familial A. Méthodologie de l’enquête B. Résultats des observations C. Conclusions de l’enquête Conclusion
  • 6. 1 Introduction Charles Darwin (1809 -1882) a dit : "Quand je pense à mes adorables orchidées, avec leurs cinq commencements d'anthères, avec leur unique pistil transformé en rostellum, avec toute la cohésion de leurs parties, il me semble incroyablement monstrueux de regarder une orchidée comme si elle avait été créée telle que nous la voyons aujourd'hui." Et si les expositions contemporaines étaient, elles aussi, le résultat d’une « sélection naturelle » effectuée par le public ? Et si ces expositions ont été, elles aussi, contraintes, pour survivre, de s’adapter à leur environnement ? La science depuis Charles Darwin a connu de nombreuses révolutions, mais la perception de l’univers scientifique par l’espace public n’en a pas connu énormément pour autant. La science, ce milieu obscur de laborantins jouant en secret les savants fous, a souvent fait soulever certaines craintes chez la population profane (et parfois à juste titre). La science a pourtant modifié le quotidien des individus en profondeur, et a redéfini son environnement immédiat. Remettre la science au cœur de l’espace public et protéger un patrimoine scientifique sont autant de missions que cherchent aujourd’hui à accomplir de nombreux organismes publics ou privés. L’un de leurs outils privilégié reste l’exposition scientifique, qui s’est transformé en véritable média, avec un fonctionnement propre et des particularités précises. Science Animation est une organisation qui promulgue la diffusion de la culture scientifique en concevant régulièrement des expositions scientifiques et en testant de nouveaux outils de médiations innovants. Nous en retrouvons dans l’une de ses expositions « Et si la plante idéale existait… » installée à l’espace EDF Bazacle durant les mois d’avril et de mai. Mais ces nouvelles médiations sont – elles vraiment de bons outils d’appropriation d’un savoir scientifique ? De façon plus générale, nous nous pencherons sur la problématique suivante : Quel type de dispositif de médiation participe le plus à l’appropriation d’un nouveau savoir par le visiteur ? Nous nous intéresserons donc dans un premier temps sur l’évolution des espaces muséographiques dédiés aux savoirs scientifiques, nous nous attacherons ensuite à décrire et à analyser les différents types de dispositif de médiation, puis nous rendrons compte de l’enquête d’observations que nous avons mené dans l’exposition afin d’apporter des éléments de réponse à notre problématique.
  • 7. 2 I. L’évolution des espaces muséographiques dédiés aux savoirs scientifiques : l’évolution des concepts ? A. L’évolution des discours des muséographes 1) Le musée transformé en un espace public centré sur le visiteur Georges-Henri Rivière définissait en 1989 sa conception du musée comme étant un espace où le public puisse mettre en question les représentations de la culture et leurs significations. En effet, Paul Rasse (1999) explique que George Pompidou a développé l’idée dans les années 1970 que le musée doit être un espace public. Avec cette notion d’espace public, George Pompidou souhaitait créer un brassage des publics dans des lieux pluridisciplinaires qui permettraient une mise en débat provoquée par un choc entre styles. On retrouvera dans la suite de ce mémoire la notion de « choc » propre à la troisième génération d’exposition décrite par J. Davallon (1992), l’exposition d’immersion, dont le but est de produire un « wow » effect, un émerveillement. Serge Chaumier (2008) démontre en quoi le musée est un espace public et respecte sa logique : en effet, le musée permet la mise en dialogue, met en scène et dramatise les controverses, suscite des échanges et des débats. Le musée transforme l’objet du savoir comme un prétexte à tisser des relations sociales autour de la production du discours du musée. George Pompidou accompagne donc un mouvement d’évolution de la muséographie et de la mise en exposition, mais il stimule également un échange plus important entre le patrimoine, la culture (et la culture scientifique) et le public. Pour que cet échange ait lieu et pour que la logique de l’espace public soit respectée, le musée se lance donc vers la quête du grand public (d’un public large de tous les horizons sociaux). Nous verrons dans une troisième partie si le public a suivi cette évolution. Les expositions se sont donc constituées au fil du temps comme un moyen de mettre en contact une œuvre (ou un savoir, dans le cadre d’exposition scientifique) et un public. Cette démarche a contribué à donner aux expositions un statut de « média », rajoutant aux dimensions missionnaires traditionnelles des musées et expositions (conservation, éducation, …), une nouvelle dimension communicationnelle qui va modifier progressivement la
  • 8. 3 muséographie et la mise en exposition de la culture mais qui va également entrainer deux phénomènes : l’émergence d’une culture populaire dans les musées et le développement de la diffusion de la culture scientifique et technique. Paul Rasse (1999) décrit une véritable poussée de la démocratisation de la culture dans les années 1980 qui a propulsé le musée vers une quête du grand public. Ce développement des expositions a transformé, selon Joëlle Le Marec (2007), le statut de ce qui était donné à voir : « la muséologie centrée sur l’objet a fait place dans de nombreux type de musées à une muséologie centrée sur le discours. ». L’exposition « Et si la plante idéale existait … » a bien transformé ce statut. Dans son titre déjà, le visiteur perçoit directement le sujet comme étant l’objet de plusieurs questionnements sous-jacents : Peut-on faire exister une plante idéale ? Quelle est pour moi la plante idéale ? Qu’est-ce qu’une plante « idéale » ? Il comprend dès le titre que l’exposition ne va pas lui proposer une plante idéale en tant qu’objet concret, qu’il ne verra pas dans l’exposition l’objet « plante idéale », mais que l’on va lui proposer un discours construit sur ce que pourrait être une plante idéale, quel pourrait être son environnement, etc… L’exposition est bien centrée sur un discours et non sur l’objet même. Ce constat peut dérouter potentiellement plusieurs visiteurs quand on le leur présente avant la visite dans l’exposition. Cependant l’absence de l’objet ne laisse pas dubitatif les visiteurs sortant de l’exposition. Ils ont assimilé et compris la volonté du muséographe. Ils ont intégré d’eux même que l’exposition était un discours et ils se placent volontairement dans l’espace public. Nous reviendrons par la suite sur les dispositifs qui poussent, au sein de l’exposition, les visiteurs à participer activement à cet espace public. Quels sont les conséquences de la transformation de l’exposition en média ? Plusieurs auteurs ont décrit que l’entrée de la dimension communicationnelle a provoqué plusieurs changements au sein des expositions, et que ces changements ont renforcé la communication avec le visiteur (nous devons éviter un déterminisme qui dicterait que la volonté de communication seule a poussé vers ces changements). - L’exposition enseigne un savoir : Comme nous l’avons vu précédemment, Paul Rasse (1999) redoute que cette dimension communicationnelle ne se développe au détriment de la mission éducative du musée. Serge Chaumier (2008) affirme le contraire : la mission éducative du musée s’est retrouvée renforcée par la perte du lien avec la culture classique, et les vecteurs de transmission des codes culturels traditionnels (l’école et la famille) assument de moins en moins cette fonction. Le
  • 9. 4 musée et la médiation culturelle doivent se substituer à cette faiblesse sans transformer le musée en dispensateur de leçon. Pour l’auteur, « transformer le musée en école bis n'est pas enthousiasmant et ce n'est pas ce que l'on vient chercher au musée ». S’il existe bien un lien d’apprentissage entre le musée et son public, le médiateur ne doit pas voir pas son rôle de médiation transformé en rôle d’enseignement. Cette dimension d’apprentissage, cette volonté d’enseignement est présente dans l’exposition « Et si la plante idéale existait… ». Le discours didactique, la construction de ce discours, et bien d’autres éléments de l’exposition sont autant de preuves de cette volonté. Certains visiteurs font au sein de l’exposition un lien avec les savoirs instruits dans un établissement scolaire. - La construction de l’exposition : nous l’avons vu, désormais l’exposition est centrée sur un discours. Ce discours, pour être cohérent, doit être construit et cohérent. L’exposition se construit donc en articulation avec ce discours. Ainsi Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) remarque une forte montée des expositions découpées en espaces thématiques. Ce découpage en zone s’oppose à la classique proposition de monstration de collection des muséographies vieillissantes. Ce découpage permet, en plus de la structuration du discours, d’éveiller la curiosité du visiteur, il stimule sa visite et l’assiste dans l’assimilation du message délivré par les concepteurs de l’exposition. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » est construite autour de trois zones. La première zone (zone 1) décrit le fonctionnement de la plante, ses attributs, ses formes, etc… La deuxième zone (zone 2) propose au visiteur de comprendre son propre impact sur son environnement naturel. La troisième et dernière zone (zone 3) donne une vision plus globale de l’environnement de la plante et soulève la question de la biodiversité. Remarquons ici que l’exposition suit une logique d’échelle croissante : le visiteur passe de l’échelle de la plante elle-même, à celle de l’homme pour finir à l’échelle de la planète. Remarquons également que cette construction permet au visiteur de pouvoir inverser sa visite : deux entrées/sorties sont situées à l’extrémité des zone 1 et 3. Les visiteurs sont donc « contraints », si leur cheminement ne contient pas de demi-tour, de passer par la zone 2 pour accéder à la zone suivante. Le visiteur peut donc effectuer deux sens de visite différents mais tous les deux restent logiquement construits : de la zone 1 à la zone
  • 10. 5 2 pour finir par la zone 3, ou à l’inverse de la zone 3 à la zone 2 pour finir par la zone 1. - La multimédiatisation de l’exposition : Geneviève Vidal (1998) stipule que « Le processus de renforcement des logiques de communication et de service avec les technologies de l'information et de la communication s'inscrit dans le cadre de la multimédiatisation des musées ». L’exposition s’adapte aux nouvelles technologies de communication et multiplie ses supports. Elle change ses supports et ses supports la modifient. La multiplication de ces supports est née, selon Joëlle Le Marec (1993) de la préoccupation de rassembler un plus large public. (Ici l’exposition change ses supports). Mais la diversification de ces supports au sein de l’exposition multiplie les niveaux d’interprétation selon la déambulation du visiteur, qui décodent individuellement le message de l’exposition. (Ici les supports modifient l’exposition et son discours). Grâce à ses médias, l’exposition va se développer en assimilant les commentaires et les usages qu’elle a produit (Jean Davallon, Hana Gottesdiener, et Triquet Eric 1993). L’exposition « Et si la plante idéale existait… » s’est construite également en partie grâce aux médias et à ses technologies. Le visiteur a pris une part dans sa construction. Nous reviendrons là-dessus par la suite. Ces trois changements provoqués par l’introduction de la dimension communicative dans la muséographie (l’enseignement d’un savoir, la construction de l’exposition en un découpage discursif et la multimédiatisation) sont d’autant plus observables dans les expositions scientifiques.
  • 11. 6 2) Spécificité de la muséographie de la Culture Scientifique et Technique Joëlle Le Marec (2007) postule que ce sont les musées scientifiques qui ont exploité l’évolution du langage muséographique et qui ont transformé l’exposition en média. En effet, en constituant l’exposition comme un média, les musées placent celle-ci comme une manière d’obtenir une relation centrale avec le public et d’acquérir grâce à cela une source permanente de nouvelles idées et d’innovations en muséologie, innovations propres au monde scientifique. Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) ajoutent à cela que le propos explicite d’une exposition scientifique est la transmission d’information et que par cet objectif, les expositions scientifiques sont des « expositions messages ». Transmettre un message est le propre d’une stratégie et d’une pratique communicationnelle. La transmission d’un message au sein d’une exposition (et par l’exposition elle-même) est réalisée sous la forme de la médiation publique des sciences. Pour reprendre le schéma classique de la communication de Shannon et Weaver, l’émetteur est constitué d’un ensemble producteur (directeurs, conservateurs, concepteurs, etc…), le message est un savoir scientifique et le récepteur est formé par les visiteurs. A ce schéma rajoutant le feedback effectué par les visiteurs qui influent par leurs demandes et leurs comportements sur les émetteurs. Mais comment sont apparues ces expositions scientifiques ? Et ont –elles toujours été propices à la création d’un espace public où la communication est bilatérale (à la fois de l’émetteur vers le récepteur, et du récepteur vers l’émetteur) ? Paul Rasse (1999) revient sur la constitution des sciences naturelles et nous explique que les cabinets de curiosités étaient les premiers à développer un lieu de sociabilité qui mettaient en contact les spécialistes scientifiques (savants et personne érudites). C’est en partant de ce modèle que se sont constitués les musées scientifiques : un lieu qui institutionnalise la recherche, qui n’est pas ouvert à un public non spécialiste, qui impose un point de vue unique. Les musées scientifiques étaient alors un dispositif « à sens unique ou le public n’intervient pas dans les projets muséographiques ». Cependant, avec ces cabinets de curiosité, nait la volonté de mettre en débat la science, de la placer au sein de l’espace public. Conjointement, dans les années 1980 qui motivent (nous l’avons vu précédemment) la diffusion de la Culture Scientifique et Technique, des expositions vulgarisatrices transforment les visiteurs en public ciblé d’une éducation de masse. Nées d’un projet de médiation globale cherchant à reconnecter un lien perdu entre scientifiques plongés dans des recherches
  • 12. 7 spécialisées et un public soucieux de la part prise par le monde scientifique dans son environnement quotidien, ces expositions se développent dans les principales villes de province conjointement à la création de la machinerie gigantesque de la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette. Un point de vue y est imposé et est transmis au public qui doit se l’approprier sans qu’il puisse y influer de quelque manière que ce soit. Avec ce procédé, nous perdons ainsi le mouvement démocratique d’une production sociale du savoir chère à l’espace public. Ici, le musée de science se désolidarise du musée de société car le public y est un visiteur passif où il ne peut intervenir dans la construction de l’exposition. La science s’éloigne alors de l’espace public et s’écarte de son rôle dans les enjeux sociétaux. Les préoccupations environnementales des années suivantes où la science joue un rôle important (dans l’amélioration ou la dégradation de cet environnement) renvoient la science au sein des débats publics. Pour Paul Rasse (1999), les musées de sciences se positionnent ainsi entre un lieu d’information scientifique dont le point de vue est imposé par les spécialistes et un lieu de débats et d’échanges autour de la protection de l’environnement. L’auteur dégage alors trois conceptions de la médiation dans les musées scientifiques : « vulgarisation des savoirs scientifiques, lieu-ressource dans lequel butine le visiteur solitaire, lieu de discussion et de brassage des idées ». Comment alors ne pas situer l’exposition « Et si la plante idéale existait » dans ces conceptions ? Autour de certains dispositifs (que nous analyserons par la suite) au sein de l’exposition, les visiteurs échangent entre eux et ont la possibilité d’échanger avec les concepteurs de l’exposition, plaçant de ce fait l’exposition dans l’espace public. Un savoir scientifique établi et fermé à modifications est également transmis. Enfin, le savoir y est expliqué de façon didactique accessible au plus large public grâce à une vulgarisation efficace. L’exposition jongle donc, entre autres, entre ces trois conceptions de la médiation. Joëlle Le Marec (2007) préfère parler d’un savoir « vrai » plutôt que d’un savoir fermé. Elle définit ce savoir « vrai » comme un savoir portant sur les choses qui existent indépendamment des conditions sociales et cognitives qui ont permis leur saisie. Pour les musées de sciences, la culture doit pouvoir être l’objet d’un partage collectif de connaissances. Pour l’auteur, ce qui différencie la transmission du savoir scientifique de la transmission du « savoir culturel », c’est que celui-ci ne se réalise pas par la mise en contact. L’institution doit mettre en œuvre deux procédés : un émerveillement provoqué par l’esthétique des merveilles de la nature et, surtout, un déclenchement de la soif de savoir. La
  • 13. 8 savoir y est présenté comme un acquis suite à la suite d’opérations cognitives et sociales qui sont accessibles au grand public si celui-ci s’en donne les moyens. Pour cela, les expositions scientifiques ont dû adapter et reconstruire leur discours. Ainsi, Serge Chaumier (2008), explique que le musée de sciences ne peut plus simplement adopter un discours purement scientifique mais doit adapter sa médiation à l’ensemble de ses visiteurs. Afin de réadapter ce discours, ces musées ont adopté une trame narrative, un fil logique reliant par des démonstrations et des explications les choses qu’ils donnent à voir (Bernard Schiele et Louise Boucher, 2001). Cette trame narrative adoptée pour une meilleure médiation est également applicable dans le découpage en zone thématique des expositions (voir partie précédente). Pour résumer et globaliser ce que nous venons d’exposer, nous reprenons la théorie de Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) selon laquelle l’exposition scientifique convoque trois mondes de référence : le "monde de tout le monde", le 'monde de la classe" et, le "monde du spécialiste". Le monde du spécialiste est défini comme le monde mis en scène dans l’exposition car c’est celui qui porte et produit le savoir, qui crée les références scientifiques. Le monde de tout le monde est celui qui fait référence aux répercussions quotidiennes et pratiques du savoir scientifique, de l’influence directe et indirecte de la science dans la vie du grand public. Enfin le monde de la classe est celui qui mobilise les outils pédagogiques. Ces trois mondes s’articulent dans l’exposition. Le monde de tout le monde y est présent pour interpeller le visiteur dans sa réalité de tous les jours. Celui-ci opère alors une adhésion temporelle et partielle lors du moment de sa visite. Le monde du spécialiste légitime l’exposition et ce qu’elle présente. Ce monde y est présenté sous divers forme : de sa forme la plus « spécialisée », façon de « prouver » au visiteur le sérieux de ses propos à sa forme la plus simplifiée, pour « prouver » son adaptation à la vie sociale. Le monde de la classe, quant à lui, intervient comme l’intervention des moyens pédagogiques pour que le visiteur s’approprie le monde du spécialiste, pour que le public reconnaisse ces moyens et prouve que l’institution souhaite intégrer le monde du spécialiste dans la sphère sociale du visiteur. Pour conclure, nous dirons que ce qui fait la spécificité des expositions scientifiques c’est sa volonté de communication et de transmission, et que divers moyens sont mobilisés dans ce but. Ces différents moyens ont tous un point commun, il porte une ambition de médiation.
  • 14. 9 3) Visiteur au centre de l’exposition et savoir scientifique à diffuser : la médiation comme priorité Beaucoup d’auteurs ont cherché à définir le terme de médiation, et chacune de ces définitions est nuancée par rapport à l’autre. Pour Paul Rasse (1999), (dans une conception communicative de la médiation) « tout est médiation, à commencer par le langage et le symbolique car ils assurent au cours de l'usage qu'en est fait par les sujets, l'appropriation singulière des codes collectifs ». Pour percevoir une médiation, il faut trouver son absence. Car là où elle fait défaut, la société cherche des remèdes. Il faut, pour Serge Chaumier (2008) différencier les médiations (au pluriel) et la médiation (au singulier donc). Si les premières désignent un ensemble de techniques, la deuxième définit une mise en relation entre deux entités, grâce à des vecteurs de transmission de contenus. Pour l’auteur, il ne faut également pas mélanger l’action de médiation et l’acteur, le médiateur. L’action comprend les outils, et le médiateur est celui qui les conçoit. Pour clarifier le concept, choisissons la définition de médiation adoptée par Sophie Chaumont (2005) « La médiation est la création et l’animation d’une situation qui favorise la rencontre entre l’objet et le visiteur pour permettre la connaissance, l’enchantement et le questionnement dans le cadre du musée ». Grâce à cette définition, nous pouvons désormais mieux conceptualiser la médiation scientifique et entrevoir l’analyse de l’ensemble des médiations mises en œuvre au sein d’une exposition scientifique. Nous décortiquerons cette définition et nous la détaillerons dans cette partie. Nous tenons également à préciser ici que nous ne parlons de médiation que dans le cadre d’une exposition scientifique, même si certaines médiations sont également applicables dans un cadre culturel artistique ou historique. « La création et l’animation d’une situation » : Avant même de voir tout ce qui fait médiation au sein de l’exposition, observons, à l’instar de Serge Chaumier (2008), que l’exposition est en elle-même une médiation : elle est constitutive du contexte qui permet la rencontre entre l’objet et le visiteur. Sa construction donne du sens, sa conception porte un discours pédagogique. Nous l’avons vu précédemment, son découpage, sa trame narrative sont autant de médiations. « Favorise la rencontre entre l’objet et le visiteur » : La médiation agit entre le savoir (l’objet scientifique), le discours produit et le récepteur. Elle doit donc adopter une stratégie linguistique facilitatrice, une mise en scène, des outils variés pour favoriser cet échange. « Favoriser » comprend dans son sens « ne pas contraindre » le visiteur à cette rencontre,
  • 15. 10 c’est-à-dire produire les meilleures conditions pour que la rencontre se produise, lui laisser la possibilité de ce choix. La médiation inscrit le savoir dans l’horizon d’attente habituel du visiteur afin que celui-ci ne ressente pas de difficultés à rentrer dans les conditions cognitives de l’appropriation de ce savoir. Serge Chaumier (2008) explique que le médiateur doit s’efforcer d’aider chacun de ces visiteurs et doit fournir un processus d’adaptation du discours au visiteur. Le médiateur a pour rôle d’ouvrir et d’aider un échange entre les visiteurs, de se servir de l’objet pour provoquer cet échange, et de le réguler : il n’est pas uniquement un producteur de signifiants, il est également générateur de réseaux de discours. Nous entendons le mot médiateur à la fois comme un médiateur physique présent au sein de l’exposition et comme le médiateur invisible qui conçoit l’exposition. En effet, Cécilia de Varine (2008) rappelle que les musées proposent des expositions qui ont pour but une appropriation autonome du visiteur (pour réduire les coûts budgétaires ?). Une médiation efficace doit donc permettre au visiteur autonome (sans médiateur physique à ses côtés) qui n’a pas le référent culturel scientifique approprié de comprendre et de profiter de la rencontre avec l’objet scientifique. « Permettre la connaissance, l’enchantement et le questionnement dans le cadre du musée » : La médiation a donc un rôle de transmission d’un savoir, mais également, comme nous l’avons vu, de déclencheur de la soif de savoir grâce à un émerveillement notamment. Serge Chaumier (2008) rappelle que le rapport d’apprentissage ne doit pas être le seul à s’opérer entre le médiateur et le visiteur : le médiateur ne doit pas rentrer dans un rôle d’enseignement, il y participe, y amène le visiteur, mais ne doit pas l’y contraindre. La médiation se doit, pour l’auteur, d’être une forme de « passation », elle façonne un discours approprié pour le visiteur et lui remet. Et si c’est bien à lui d’en faire ce qu’il veut, la médiation doit l’amener à vouloir l’intégrer dans ses connaissances, à se l’approprier. C’est-à- dire à reconstruire et ajouter cognitivement un savoir. La médiation est un « facilitateur de mise en culture » d’un savoir préalablement culturellement métamorphosé. Elle doit donc dans ce but, comprendre une notion de plaisir/désir pour le visiteur, mais également faire ressentir un respect de l’institution pour le visiteur, lui faire comprendre son effort d’hospitalité dans sa tentative d’expliquer et de démontrer (Paul Rasse, 1999). La médiation a été modifiée par, nous l’avons dit, la volonté de démocratisation culturelle et de mise en débat sociétale des sciences. Le développement des nouvelles technologies d’information et de communication ont renforcé cette volonté et ont fourni des outils supplémentaires à la médiation. Nous verrons, dans les chapitres suivants si ces
  • 16. 11 nouveaux outils, survendus par leur performance technique sont suffisants en eux même à une médiation efficace. La volonté de médiation est omniprésente au sein de l’exposition « Et si la plante idéale existait… », mais elle est surtout le moteur de sa conception. Rappelons ici que l’exposition a été conçue par Science Animation CCSTI Midi-Pyrénées dont le slogan même est « médiateur scientifique » et qui définit ses missions comme étant celles de répondre : - à une demande croissante de tous les publics sur les avancées scientifiques et techniques, - à une nécessité de débats sur les enjeux et les orientations nouvelles de la Science et de ses applications, - au désir de dialogue des chercheurs avec le public et les jeunes, - aux questions concernant des métiers scientifiques, techniques et industriels. Nous avons maintenant fourni le cadre théorique de l’exposition scientifique, de sa raison d’être, de son objectif. Dans la partie suivante, nous allons nous doter des outils nécessaires à l’évaluation de l’exposition, en expliquant ce que nous devons évaluer, pourquoi, et comment.
  • 17. 12 B. L’évaluation des expositions centrée sur ses visiteurs le musée un espace public. 1) Evaluer l’exposition par son public et l’appropriation d’un savoir ou d’une technique Si le cadre théorique défini précédemment démontre de nombreux atouts et participe à l’élaboration de l’utopie démocratique, il ne faut pas perdre de vue la réalité tangible de l’exposition, son application concrète et ses résultats visibles. L’évaluation de l’exposition participe au renforcement de la mise en débat et de la place sur l’espace public du monde scientifique. En effet, elle fait remonter les remarques et les pratiques des citoyens-visiteurs qui influeront sur la conception de nouvelles expositions. La médiation culturelle et scientifique, en plus de son idéal philosophique, se traduit par des pratiques réelles, des dispositifs concrets mis en forme et en place par des professionnels. Ces dispositifs peuvent être analysés dans leur contenu, dans leur forme et dans leurs actions. Pour pouvoir procéder à l’évaluation d’une exposition scientifique avec le regard communicationnel précédemment établi, il faut comprendre l’intention de l’émetteur (concepteur de l’exposition), il faut connaitre son récepteur (le public visitant) et il faut mesurer le taux de transmission du message : l’appropriation du message et du savoir. Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) reprennent les spécificités des expositions scientifiques. Si son organisation structurelle est de plus en plus souvent thématique et découpée en zone subordonnées les unes aux autres, le visiteur ne considère pas globalement cette structuration. Il fait face à l’objet qui lui est présenté et lui donne une signification propre. Il fait avec les autres objets présents une association de nature holistique, il considère l’objet comme faisant partie d’une intégralité. Cette globalité, pour l’exposition « Et si la planté idéale existait », c’est la nature, l’environnement, la plante. Si le visiteur de l’exposition ne conçoit pas forcément la construction structurelle de l’exposition, c’est parce que l’exposition scientifique montre plus souvent qu’elle ne démontre. En effet, pour les auteurs, les éléments exposés sont le plus souvent jouxtés les uns aux autres, rapprochés entre eux par des ellipses d’informations. Ils entretiennent des « rapports d'accumulation, d'énumération, d'inclusion des parties au tout, de synecdoque, etc. ». Une première partie de l’évaluation consiste donc à envisager l’exposition dans son intégralité, à procéder à une lecture du scénario et à identifier ses messages principaux. Ce sont ces messages qui
  • 18. 13 représentent la raison d’être de l’exposition. Elle a été conçue afin (dans le but communicatif du média exposition) de transmettre ces messages à un public. Nous nous servirons pour définir la notion de public du point de vue de Joëlle Le Marec (2007). L’exposition, lieu physique, donne aux individus le statut de public. Le public, nous l’avons vu a donc été transformé en pôle récepteur par la transformation de l’exposition en média. Ainsi le public devient cible et la réalisation des objectifs se mesure en termes d’impact. Le public devient donc l’instrument de mesure de la performance de la médiation et le destinataire de l’offre « exposition », ce qui le requalifie à la fois en « client » et en « usager ». L’auteur rappelle qu’il ne faut pas, pour pouvoir étudier le comportement du public, omettre le contexte de l’exposition et de sa conception (volonté du lien entre concepteurs et publics), mais également évaluer la maitrise de la pratique culturelle du visiteur et sa reconnaissance du thème de l’exposition. Pour l’exposition « Et si la plante idéale existait », nous partirons du constat que la nature est un thème dont le public a une connaissance préalable de par sa formation scolaire et de par sa proximité quotidienne. Nous reviendrons, dans la suite de ce mémoire, sur la définition du terme « usage » et nous fournirons une évaluation de l’exposition grâce à cette requalification du public en « usager ». Après voir évalué l’organisation de l’exposition et le type de public, le troisième point important à regarder c’est l’appropriation. Marie-Anne Brière (1996) la définit comme « l’intégration à soi d’un élément perçu comme extérieur à soi » : dans l’exposition, le visiteur qui découvre l’objet crée un lien avec lui et intègre cet objet au sein de ses propres connaissances, souvenirs ou sensations. Il l’assimile cognitivement à l’univers décrit et représenté par l’exposition. Il personnifie le message transmis par l’exposition. Vareille et Fromont-Colin (2000) qualifient l’appropriation de « transformation de savoir préalable ». L’appropriation ne doit pas cependant être réduite à une intégration de connaissance, elle est plus complexe que cela. Elle peut, en effet, susciter chez le visiteur : - un bien être psychologique : grâce aux dispositifs de médiation qui permettent une autonomisation des visites, l’individu peut ressentir une indépendance personnelle, une sensation d’enrichissement culturelle. La visite de l’exposition peut lui procurer des sentiments, quels qu’’il soit (joie, bonheur, tristesse, …). Il peut également, grâce à la volonté de placer l’exposition comme un média, prendre
  • 19. 14 conscience de sa place au sein de la société. Enfin, la visite peut lui permettre de resserrer, de créer, ou simplement de maintenir des relations sociales. - Un confort mental (Kaplan, 1995) : selon les ambiances, une relaxation ou un stimulation, un plaisir fonctionnel, la satisfaction d’avoir conscience de sa propre activité intellectuelle. - Des souvenirs de visite (Vareille et Fromont Colin, 2000) : la visite de l’exposition peut ancrer chez le visiteur de nouveaux souvenirs associés à l’univers de l’exposition ou au temps de la visite elle-même. - De nouvelles connaissances (Dufresne-Tasse Colette et Lefebvre André, 1995) : le visiteur peut acquérir un nouveau vocabulaire, comprendre de nouveaux concepts, maitriser un nouveau type de discours, et assimiler de nouveaux usages. Lucile Bourroux et Mathilde Schneider (2010) ont mis en place une approche d’évaluation quantitative et qualitative de l’appropriation dans une exposition. Leur méthodologie consiste à mêler observation discrète du visiteur et entretien postérieur à la visite. Elles se sont servies d’un barème de nombre de points pour mesurer l’appropriation. Plus le visiteur, dans son comportement, marquait son attachement au dispositif (nombre de manipulations, temps passé dessus, etc…) plus son score était élevé : C’est le barème à plusieurs degrés d’O’Neill (2007). Ces scores rassemblés permettaient alors de calculer un taux d’appropriation de chaque exhibit, et de constater quels types de dispositifs entrainaient une meilleure appropriation. Cette méthode est intéressante et fait ressortir de nombreux points d’efficience dans la transmission du message de l’exposition média. Nous allons, pour l’exposition « Et si la plante idéale existait », nous en inspirer. Notre méthodologie sera décrite dans la troisième partie de ce mémoire. Elle sera cependant moins quantitative, et l’évaluation de l’appropriation du savoir ne sera pas faite en fonction du nombre d’actions mais en fonction de l’usage fait par le visiteur des différents dispositifs de médiations présentés.
  • 20. 15 2) Les usages L’usage c’est le fait de se servir d’un objet, d’une technique. L’usage et la technique ont fait l’objet d’un courant d’étude en recherche en sociologie des usages des techniques de la communication. Ces chercheurs ont postulé que l’objet n’est pas prédéterminé mais qu’il se conçoit en regard de leurs usages par leurs utilisateurs : les concepteurs de l’objet définissent une ou un ensemble d’actions possibles pour le bon usage de l’objet. Ils lui donnent également un cadre dans lequel ces actions sont envisageables, dans lequel les utilisateurs sont censés agir : c’est le cadre d’usage. Le cadre d’usage décrit le public envisagé et un contexte d’utilisation : un type de lieu particulier, un moment précis dans le quotidien routinier, une période spécifique, une pratique sociale. Ce cadre organise dont totalement l’interaction des acteurs avec l’objet, mais peut également organiser les interactions des acteurs entre eux. Cependant, il existe souvent un delta entre les usages prévus et configurés par les concepteurs et les usages réels des utilisateurs. En effet, les usagers donnent leur propre signification à l’objet. Ils font donc opérer une dimension personnelle et agissent ainsi en fonction du sens qu’ils lui donnent. Ils agissent également en fonction des interactions sociales : un usage peut être modifié ou contourné en fonction d’une situation sociale. Patrice Flichy (2008) postule sur l’existence d’une symétrie : si les concepteurs configurent les usagers en imposant un certain usage de l’objet, les usagers, en montrant la possibilité d’un détournement de l’usage, configurent les concepteurs à envisager l’ensemble des usages et à modifier leur conception en fonction. Ces concepteurs sont d’autant plus configurés par leurs usagers qu’ils doivent, pour diminuer ce delta entre usage prévu et usage réel, déterminer par avance la compétence et le comportement de leurs usagers : faisant généralement face à une cible assez large (spécialement dans les expositions), les concepteurs optent pour la solution la plus facile. Pour Patrice Flichy (2008), « l’usage d’une technique se joue sur différents plans, matériel et symbolique, individuel, collectif (dans le groupe primaire, la famille, l’entreprise) et social (au sein de large public). Il se construit dans des interactions avec la technique ». Selon lui, l’usage d’une technique n’est jamais individuel de par sa dimension sociale. Même si l’usager est seul devant l’objet qu’il utilise il fait partie de ce collectif qui a déjà utilisé cette technique ou qui utilise la même, il doit être considéré comme partie prenante de cet ensemble d’usagers qui détermine le processus technique. Ce postulat est particulièrement vrai dans le contexte d’étude des usages des TIC. Pour étudier
  • 21. 16 les usages des TIC, il faut donc observer le comportement de chaque utilisateur avec l’objet, mais également étudier chaque interaction se produisant autour de cet objet technique, qu’elle soit provoquée par l’objet lui-même ou par son usage. Dans l’exposition « Et si la plante idéale existait », chaque dispositif possède un usage déterminé assez précis, nous reviendrons la dessus dans la seconde partie de ce mémoire. Pour résumer cette partie et l’appliquer plus concrètement à notre problématique, nous dirons que notre méthodologie d’évaluation de l’appropriation doit comporter un critère d’usage déterminant : il ne peut y avoir appropriation si l’usage n’a pas été clairement imaginé et si il n’est pas indiqué ou au préalablement assimilé par l’usager. L’appropriation est également limité si l’usage est détourné : le concepteur ne peut délivrer correctement son message (ce serait le « bruit » provoqué, non pas par le contexte mais par le récepteur lui- même). Enfin nous devrons examiner comment l’interaction autour de l’objet technique participe à la réduction ou à l’agrandissement de ce delta entre l’usage réel et l’usage prévu. Cependant, avant de nous pencher sur chaque type de dispositif et sur les observations d’appropriations des visiteurs(la partie qui nous intéresse le plus par rapport à la problématique de ce mémoire), procédons à une évaluation des choix opérés pour la conception globale de l’exposition afin de déterminer le contexte des usages.
  • 22. 17 3) L’exposition dans sa globalité L’immersion Quand le visiteur pénètre dans l’exposition « Et si la plante idéale existait … », il est plongé dans une ambiance particulière. Ses oreilles perçoivent le bruit d’une faune naturelle : le grillon d’un criquet, le sifflement du vent traversant un champ de blé, le bourdonnement du vol d’une guêpe, le hululement d’une chouette sont autant de sonorités qui fournissent à l’exposition une ambiance végétale et animale. Les yeux sont accrochés par un ensemble de petites tables en bois veiné collées contre les parois gris claires. Des senteurs d’épices et de fleurs arrivent à son nez. Plus loin, un banc est entouré par deux faux arbres au tronc vert fuchsia et aux feuilles roses. Dans cette zone, la lumière est tamisée, l’éclairage est fourni par une projection de lumières contrôlée par le visiteur. L’ensemble de ces éléments indiquent clairement que l’exposition s’inscrit dans une typologie d’immersion. En effet, l’exposition d’immersion met en œuvre un ensemble de techniques qui font ressentir aux visiteurs, par sa conception en elle-même, des émotions et le captivent. Pour cela, il faut immerger le visiteur dans le thème de l’exposition à l’aide, si ce n’est de reconstitutions grandeurs nature, d’évocations multiples et d’exploitation des sens du visiteur. Dans notre exposition, l’ouïe est sollicitée pour évoquer une nature champêtre, l’odorat évoque les fleurs, la vue est accrochée par ces arbres colorés, et le toucher est éveillé par la sensation provoqué par le toucher du bois. Cette scénographie est créée dans le but d’augmenter l’intérêt du visiteur pour le thème exploité, d’accrocher davantage son attention. Noémie Drouguet (2005) nous explique que ce dispositif d’immersion permet de rendre le visiteur perméable au discours des concepteurs et aux savoirs disséminés à travers les différents dispositifs de médiation. En effet, ils y sont d’autant plus sensibles que ces scénographies leur évoquent un imaginaire plutôt qu’une réalité inconfortable. Elle avertit cependant de l’abus excessif de cette scénographie en expliquant que trop pousser « l’immersivité » des décors entrainent de nombreuses confusions, approximations et ambiguïtés. Ce trop-plein de scénographie immersive est surtout constaté dans des expositions « attractions » qui invitent davantage le visiteur à une consommation culturelle en le plongeant dans un divertissement pur. L’exposition « Et si la plante idéale existait » a minimisé cette scénographie : le fond sonore
  • 23. 18 reste léger et les décors tiennent plus de l’évocation que de la reconstitution. Elle s’est cependant habilement servie de cette scénographie pour attirer les visiteurs vers le savoir proposé : la couleur en bois des dispositifs attirent, les lumières à diriger sont également liées à des dispositifs, les senteurs participent à une manipulation ludique, etc… Le parcours Figure 1 : Reconstitution 3D de l'exposition "Et si la plante idéale existait". Source : Institut Klorane. Nous l’avons vu précédemment, l’exposition « Et si la plante idéale existait… » a opté, comme la plupart des expositions scientifiques pour un découpage thématique linéaire : la zone 1 correspond au fonctionnement de la plante, la zone 2 à l’influence de l’homme sur la nature, la zone 3 à la biodiversité. Ce découpage est effectif sur un plan structurel : chaque zone est séparée par des panneaux synthétiques souples suspendus (des panneaux japonais), elles ont également une orientation différente. Cette linéarité de la visite (le visiteur est obligé de traverser la zone 2 pour passer de la zone 1 à la zone 3) permet au public de l’exposition de ne rien manquer. Les concepteurs évitent ainsi le développement du sentiment de frustration si ceux-ci avaient raté un moment de la visite. Le choix du parcours n’est pas totalement laissé au visiteur, il lui fournit une autonomie mais pas une totale indépendance. Il retrouve la logique élaborée par le concepteur par ce cheminement spatial. Chaque zone de l’exposition peut être parcourue différemment. Les dispositifs étant disposés sur des murs opposés, la plupart des visiteurs optent pour une visite de la zone en
  • 24. 19 zigzag, passant d’un mur à l’autre, tout en se rapprochant de l’entrée de la zone suivante ; certains préfèrent voir tous les dispositifs présents sur le mur de droite, avant de revenir sur leur pas et d’explorer les dispositifs placés contre le mur de gauche. Quand il y a une unité exploratoire (le visiteur seul, ou un groupe soudé autour du même dispositif), le parcours est construit, cohérent, quasiment géométrique. Il devient plus chaotique et aléatoire en fonction du contexte, du nombre de visiteurs qui obligent à aller voir le dispositif d’après avant de revenir sur le dispositif convoité, en fonction de la rapidité de chaque membre de son groupe de visiteur, de l’enfant qui ramène à un dispositif déjà exploré pour faire une remarque sur un point particulier du dispositif. Concevoir ainsi l’organisation de l’exposition rend superflu l’usage de signaux fléchés, d’indicateurs de parcours (numérotation croissante des dispositifs par exemple). En choisissant de ne pas en mettre, les concepteurs confortent les visiteurs dans leur autonomie qui se voient attribués ainsi la compétence de lire l’exposition. Cette liberté de parcours dans chaque zone, couplée à une séparation nette entre les zones, incite davantage le visiteur à une exploration approfondie. Il se donne le droit de passer à la zone suivante seulement si la zone précédente a bien été vue. Lors des observations qui retracent les parcours des usagers, nous avons pu constater que cette scénographie poussait effectivement le visiteur a une exploration approfondie, qui ne délaisse que très peu de dispositifs (la plupart de ces dispositifs sont davantage dans la monstration / photographie / texte). La zone 3 compte le plus de dispositifs délaissés. L’une des explications (nous reviendrons sur les autres par la suite) réside dans sa construction : la sortie est clairement visible et est assez large, le visiteur n’a plus ces panneaux qui le coupent d’une autre zone, qui l’aident à se plonger dans l’univers naturel ; il est déjà, à la vue de cette sortie, replongé dans la réalité, il se déconnecte du thème. L’ambiance immersive et le découpage structurel des zones de l’exposition permettent tous deux, tels qu’ils sont réalisés, d’attirer les visiteurs vers les dispositifs de médiations. Observons à présent les différents types de dispositifs.
  • 25. 20 4) A l’intérieur de l’expo Il y a, dans l’exposition, beaucoup de types possibles de dispositifs de médiation. Serge Chaumier (2008) rappelle que le dispositif lui-même ne suffit pas à faire acte de transformation chez le visiteur, mais qu’il faut un véritable travail du médiateur et de l’usager pour cela. Il ajoute que le choix de tel ou tel forme de dispositif importe peu, mais que seul compte l’esprit dans laquelle est développée la chose (« : leçon de choses, support ludique ou forme ouverte de questionnement sur soi, sur l'autre au travers d'un rapport à un aspect de l'existence... » ). Cependant, même si les dispositifs ne se suffisent pas à eux-mêmes, il faut que ceux-ci soient les plus « performants possibles », c’est-à-dire qu’il faut qu’ils arrivent à attirer le spectateur, à accrocher son attention, et à lui transmettre son information le plus efficacement possible (en provoquant des interactions sociales, en lui laissant un souvenir, etc…). Ainsi, et particulièrement dans les musées de sciences, la diversité des dispositifs a augmenté avec les besoins de l’ensemble des publics qui n’ont pas tous les mêmes moyens d’appropriation (Florence Belaën et Marion Blet, 2007). Cecilia de Varine (2008) met, quant à elle, en garde contre cette multiplication des dispositifs qui pourrait provoquer un vrai brouillage de l’information à transmettre, et qui donnerait au visiteur le sentiment d’une surinformation dans laquelle il ne peut faire le tri par lui-même. Ces nouveaux dispositifs apparus dans les années 80 ont été créés pour proposer aux individus de développer leur potentiel d’expression (en accord avec la volonté de mise en espace public de la culture et de la science). Pour Serge Chaumier (2008), c’est le risque pris par le musée : comme le musée ne veut pas être vu comme un lieu d’apprentissage, il se transforme en un lieu de loisir. Pour l’auteur les livrets jeux, les jeux de piste, les manipulations et les dispositifs interactifs ne sont là que pour permettre « à l'individu de passer un bon moment, de s'éclater, voire de vivre une expérience ». Il met donc en garde les concepteurs : ce n’est pas parce qu’un outil de médiation est innovant qu’il entraine des effets positifs sur les pratiques muséales. Dans l’exposition « Et si la plante idéale existait … », nous retrouvons une diversité appréciable de dispositifs. En effet, on y trouve des panneaux de schémas accompagnés de légende textuelle, des vitrines d’exposition d’objets avec cartel, des manipulations, des vidéos, des interactifs, des jeux (pour enfant et pour adulte) et des dispositifs de collaboration. Ils traversent donc tout l’évolution technologique de ces dispositifs : de la manipulation en
  • 26. 21 bois jusqu’au détecteur/ reproducteur de mouvements. L’exposition intègre la collaboration par le biais de deux techniques différentes : internet et le post-it. Ce panel, cette offre diversifiée sans être saturante est bien accueillie par le public observé. Chaque catégorie de public a une préférence particulière pour un type de dispositif, chaque visiteur y trouve son compte, porte son agréable souvenir sur plusieurs dispositifs et occulte les autres. L’exposition manque cependant d’un médiateur humain. Il y a bien, à l’entrée de l’exposition, une personne qui sert de médiateur pour des visites en groupe (des visites scolaires essentiellement, ou pour une catégorie sociale particulière) mais qui sert juste d’accueil pour les autres visiteurs. Sa présence au sein de l’exposition pourrait paraitre facultative, la très grande majorité des dispositifs permettant aux visiteurs d’être autonomes, si quelques dispositifs ne manquaient pas de consignes d’usage claires et complètes, et encore moins si l’un des dispositifs ne pouvait être utilisé sans un médiateur. En effet dans la zone 3, un atelier/jeu est proposé, mais celui-ci requiert la présence d’un médiateur pour expliquer les règles et animer le jeu. Il est inscrit sous le jeu que les visiteurs peuvent se procurer par eux- mêmes les règles et les différents éléments à l’accueil de l’espace EDF Bazacle. Cela oblige le visiteur à sortir de l’espace de l’exposition et à y revenir, alors que ce jeu est proche de la sortie de l’exposition et situé à la fin du parcours de visite. Nous n’avons observé aucun visiteur autonome faire cette démarche. De plus, Florence Belaën et Marion Blet (2007) rappellent que la médiation présentielle est un vecteur de compréhension efficace, car le médiateur met en discours des théories, possède la capacité de s’adapter à chaque interlocuteur, de faire évoluer son degré de vulgarisation. L’oral a toujours été le premier moyen de l’efficacité scolaire en termes de transmission de connaissances. « Sa force et sa puissance résultent de son emprise avec le réel ». Après avoir déterminé quel est le public des expositions scientifiques, nous reviendrons dans la deuxième partie de ce mémoire sur trois types de médiations que nous décrirons en détail et qui ferons l’objet d’une observation et d’une attention particulière.
  • 27. 22 C. Une audience en mutation Le mouvement de démocratisation de la culture engagé par André Mallraux a progressivement fait évoluer les publics et leurs pratiques culturelles. Le public, nous l’avons vu précédemment, devient donc la cible prioritaire des expositions en donnant au musée un critère de performance (en nombre de visites) mais également le moteur de l’adaptation de la médiation muséale. L’apparition des musées scientifiques et la construction de la Cité de la Science de la Villette ont contribué à cette évolution. Noémie Drouguet (2005) associe à cette volonté de démocratisation le recours à des dispositifs analogiques (diorama, panorama, etc…). En effet, ces dispositifs permettent de s’adresser à des visiteurs qui possèdent peu de connaissances préalables sur le sujet. Pour s’adresser à un jeune public, les musées de sciences proposent une forme vécue, et non plus un savoir abstrait. La typologie immersive des expositions possède le même objectif (cependant, en s’adressant à ce public non spécialisé, elle peut poser la question de la capacité du visiteur à faire la distinction entre reconstitution améliorée et réalité). Les musées s’adressent donc maintenant à toutes les catégories sociales. En se transformant en cible, le public ajoute au musée une dimension de marketing pure. Les études de public se multiplient et les chiffres statistiques jouent désormais un rôle important.
  • 28. 23 1) Public des musées et expositions Les données sur la visite des musées et expositions proviennent du dispositif d’enquêtes permanentes sur les conditions de vie des ménages (EPCV) de l’INSEE. Ces chiffres montrent que toutes les tranches d’âge se rendent au musée au moins une fois par ans. Ils ne prennent cependant pas en compte les visiteurs de moins de 15 ans. Bien que ces jeunes visiteurs ne puissent pas se rendre de façon autonome dans ces lieux culturels, ils sont souvent la cible d’une médiation appropriée. En considérant les catégories socio-professionnelles, grâce à ces statistiques, nous pouvons remettre en question le processus de démocratisation. Certes, l’ensemble des catégories se rendent au moins une fois au musée dans l’année, et ce de façon assez équitable, mais les CSP les moins aisées ne possèdent pas de pratiques culturelles plus régulières. L’offre culturelle étant essentiellement située dans les milieux urbains, les individus qui ont une profession dans un milieu rurale possèdent moins d’opportunité de se rendre dans les musées. Mais la raison principale ne serait-elle pas un manque d’adaptation des médiations ?
  • 29. 24 Les musées et expositions scientifiques sont le quatrième genre de musées à être visités, pas très loin derrière les musées d’art contemporain et les musées d’histoire. Ils possèdent cependant un vrai retard de fréquentations. Il y a donc bien une nécessité de multiplier les offres et les opportunités de visite, ainsi que la nécessité de développer les médiations pour attirer un public plus large. Ces chiffres mettent en évidence qu’il y a un réel besoin de développer la diffusion de la culture scientifique et technique. 2) Le public de la Cité des Sciences et de l’Industrie Ce musée est le plus fréquenté des lieux de la culture scientifique de France. Il est également le plus représentatif et le plus innovant en matière de dispositifs de médiation. Ces chiffres permettent de mieux cibler les attentes des visiteurs sur la thématique des expositions : les expositions les plus visitées sont celles qui traitent d’un sujet touchant au quotidien contemporain du public. Ainsi les expositions qui parlent de l’environnement et des nouvelles technologies sont beaucoup visitées : Emballage, nouvelle image et nouveau réseaux, vive l’eau, climax. On retrouve également bien placées, les expositions qui traitent d’un sujet se prêtant à une scénographie « spectaculaire », qui peut impressionner le visiteur,
  • 30. 25 qui peut être très esthétique : mesure et démesure, mille milliards de microbes, nouvelle image et nouveaux réseaux. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » joue sur les deux tableaux : son thème est pleinement dans l’environnement, et l’affiche dessinée et colorée évoque un choix esthétique de couleurs pastels et de lignes épurées. Enfin la courbe du nombre de visiteurs de la Cité des Sciences montre une évolution à la baisse, même si ce nombre tend à se stabiliser autour des 3 millions de visiteurs annuels, ce qui en fait le quatrième musée le plus fréquenté de France derrière Le Louvre, Le centre Pompidou et Versailles. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » a connu un succès public : elle a rassemblé près de 27 858 visiteurs et a dû allonger de deux semaines sa période d’exposition.
  • 31. 26 II. La multiplicité des dispositifs de médiation A. Les Panneaux : un dispositif « traditionnel de la médiation » Le panneau est composé d’images fixes et de texte. C’est le dispositif de médiation portant le discours des concepteurs le plus traditionnel. Il est très souvent utilisé car son coût de fabrication est moindre. L’iconographie Pour Bernard Schiele et Louise Boucher (2001), l’exposition limite son registre iconique à la photographie qu’elle privilégie aux autres formes d’illustration possible. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » regroupe plusieurs types de panneaux : - Des photographies légendées - Des textes didactiques courts illustrés par des dessins artistiques - Des textes didactiques courts illustrés de photos - Des planches botaniques. Il y a donc trois registres iconiques présents sur ces panneaux : il y a bien la photographie, mais on retrouve aussi le dessin scientifique, et le dessin artistique. - La planche botanique légitime la raison d’être de l’exposition, elle ancre le thème et son traitement dans les sciences. Ces dessins représentent une fleur/plante de façon détaillée ainsi que ses principaux attributs (pétale, fleur, fruit, organe reproducteur, etc.). Une dizaine de plantes/fleurs sont ainsi exposées sous cette forme sur les murs de la zone 1. Chaque planche est titrée (mais pas légendée) avec le nom commun de la plante et sous-titrée par son nom scientifique latin. Un texte très court (une ou deux phrases) accompagne l’image et lui est juxtaposée sur sa droite. Les concepteurs de l’exposition ont encadré ces planches (et pas les textes qui les accompagnent, à part le nom de la plante) et les ont accroché au mur, à la manière de tableaux d’artistes. Eriger la science en art, c’est contribuer à transformer la technique scientifique en culture. On peut également y voir la métaphore de l’œuvre de la nature, et que ses réalisations méritent le même respect que pour l’œuvre d’un peintre. Nous gardons malgré tout la dénomination de
  • 32. 27 « panneaux » pour ces cadres, car le texte qui les accompagne n’est pas de l’ordre du cartel. - Le dessin artistique contraste le texte explicatif qui l’accompagne. Par son esthétisme, il attire le regard et engage le visiteur dans sa lecture. La dimension artistique est présente tout au long de l’exposition. Elle allège l’imaginaire pesant de la rigueur scientifique. Ces dessins illustrent les propos, ils l’accompagnent, mais restent sur un second plan. C’est le texte qui est mis en avant, pas le dessin. Ces panneaux prennent la même forme que les planches botaniques, ils sont encadrés et sont plus petits que le format A3. En les dispersant sur les murs de la zone 1, les concepteurs fragmentent l’information, la catégorisent. Ils évitent ainsi la lassitude du visiteur qui s’attarderait sur un texte trop long. Sur chaque panneau le texte reste aéré, les paragraphes sont clairement séparés les uns des autres. Nous reviendrons sur le contenu par la suite. - La photographie est utilisée de deux façons différentes : soit elle accompagne un texte didactique, soit elle est elle-même mise en avant. En accompagnant un texte, elle sert de photo-témoin. Bernard Schiele et Louise Boucher (2001) explique, qu’utilisée de cette manière, elle prouve son discours, « elle témoigne du réel ». C’est un procédé de visualisation obligatoire pour les expositions scientifiques, selon les auteurs, car il permet d’éviter de devoir construire le réel mais tout en le dévoilant, ce qui assure un rapport de transparence. - Pour les photos exposées pour elles-mêmes, on retrouve la même démarche que pour les planches botaniques : on y retrouve la même scénographie que pour une exposition culturelle de photographie. Ces photos sont accompagnées d’un petit texte. Ce texte n’est pas toujours un cartel. Sur certains, on ne retrouve pas le nom du photographe, ou le titre de la photo, mais, de la même manière que pour les planches botaniques, une à deux phrases en relation avec le sujet montré. L’exposition se sert des mêmes codes scénographiques que pour une exposition simple de monstration, plus traditionnelle (œuvre exposé accompagnée d’un cartel), mais la détourne en se servant de ces œuvres comme support de leur discours.
  • 33. 28 Le contenu et la structuration Il y a deux grands types d’écrits au musée : les textes signalétiques qui indiquent au visiteur un sens de visite, et les textes informatifs qui communiquent un discours scientifique directement. Notons que les panneaux contiennent rarement un texte signalétique, et que ce type de texte est complètement absent de l’espace de l‘exposition « Et si la plante idéale existait …» : la mise en place de ces trois espaces structurés se suffit en elle-même, de plus, la surface de l’exposition reste réduite et ne nécessite pas une signalétique directionnelle. Il y a un type de texte omniprésent dans l’exposition. En effet, les concepteurs ont choisi d’inscrire à même les murs un texte qui participe à la structuration de l’espace et à l’organisation du discours. La zone 1 de l’exposition, nous l’avons vu, s’intéresse aux caractéristiques de la plante. Pour lister ces caractéristiques et faire le lien entre les panneaux et les autres dispositifs plus matérialisés, les concepteurs ont organisé la zone en sous thématiques et les ont ainsi titrées. Ces sous titres noirs sont placés sur la partie supérieure des murs blancs cassés ou sont inscrits en blanc sur un mur gris anthracite. Ce choix de couleurs leur permet évidemment de ressortir et d’arriver à attirer l’œil du visiteur. Cependant le choix du placement en hauteur (clairement au-dessus du niveau de l’œil) dénote la volonté d’une discrétion. Leur forme répond au titre de l’exposition : Ainsi pour évoquer le chapitre de la croissance des végétaux, on retrouve le texte « Elle se développerait… » ; pour évoquer la biodiversité (en zone 3), on trouve le sous-titre « Elle interagirait avec son environnement… ». Ces sous-titres sont donc inséparables du titre de l’exposition et le complètent (si la plante idéale existait, elle aurait des racines). Les points de suspension présents à la fin de ces sous titres indiquent que le « listage » des attributs de la plante idéale n’est pas terminé. Quelques sous-titres diffèrent de ce processus : par exemple l’un indique simplement la présence de l’ « atelier », l’autre celui du tableau montrant l’actualité scientifique, trois autres nous interpellent davantage : - Un de ces sous-titres, dans la zone 2, interpelle directement le visiteur « Et pour vous, quelle serait la plante idéale ? ». Nous comprenons ici, rien qu’avec ce texte, que le visiteur est impliqué dans l’exposition, qu’un rapport plus direct entre concepteurs et publics s’instaure. Nous reviendrons sur le dispositif concerné « photo particip » par ce titre par la suite.
  • 34. 29 - Une partie du mur à la fin de la zone 1 de l’exposition est couverte par plusieurs textes qui reprennent la même police que ces sous-titres. Ce sont des citations d’auteurs. En les lisant, le visiteur peut s’apercevoir qu’elles concernent toutes la notion d’ « idéal ». Ce lien entre les citations n’est pas clairement indiqué par un énième texte. Avec ces citations d’auteur littéraires (Oscar Wilde, Victor Hugo, George Sand, …), les concepteurs refont le lien entre l’art et la science, comme nous l’avons vu avec l’iconographie de l’affiche et des panneaux et la mise en exposition de ces panneaux, et tels que nous le reverrons avec certains dispositifs. - Enfin, un sous-titre présent deux sur des murs opposés dans la zone 3, marque la clôture de l’espace de l’exposition et sa conclusion : « Et si finalement l’idéal… c’était la biodiversité ! », clôturant par l’évidence interloquée (le point d’exclamation) en réponse à la question suspendue du titre de l’exposition. La forme qui reste conditionnelle (« et si ») continue à mettre en débat cette thématique. On comprend, à la lecture de ces sous-titres que l’exposition doit être bien lue par le visiteur en partant de la zone 1 pour finir à la zone 3. Insistons cependant sur le fait que la discontinuité discursive entre ces sous zones marquées par ces sous titres « listes » n’interdit pas une lecture « à l’envers » (de la zone 3 à la zone 1). Leur placement discret permet toutefois au visiteur de se situer dans l’exposition si celui-ci est en demande d’indicateurs et lui facilite une reconstruction cognitive du savoir transmis. Nous avons analysé la forme de ces sous-titres de l’exposition dans cette partie « panneaux », car ils titrent ces cadres, qui se constituent alors en paragraphe de la thématique abordée. On retrouve avec le même procédé d’inscription à même le mur, mais avec une taille et une couleur différente, des phrases délivrant une information scientifique (emploi du présent de vérité général). Les concepteurs ont ainsi transformé le mur en panneau. Ce choix démontre que le savoir scientifique est établi, vrai, qu’il est difficile (à l’image d’un mur) de le déconstruire, l’information est « gravée dans le marbre ». Chaque type de panneaux est uniformisé : la police du texte ne varie pas, leur forme restent sensiblement les mêmes, la palette de couleur est harmonique. Cette uniformisation permet au visiteur d’adopter le même mode de lecture pour chaque type de panneaux. Il en reconnait la forme et saisit que la nature des informations restera la même. Elle lui donne un repère et participe à l’imprégner de la construction de l’exposition : « la mise en place de
  • 35. 30 repères fixes indique, par défaut, ce qu'il y a "d'autre" à voir ou à faire » (Bernard Schiele et Louise Boucher, 2001). Les panneaux contribuent ainsi à assurer la trame discursive de l’exposition malgré leur rôle « diminué » dans l’exposition car ils côtoient d’autres dispositifs plus attractifs : en effet ces panneaux placés sur les murs y sont assimilés matériellement par les visiteurs (D. et E. Jacobi, 1985). Comment, alors, ne pas faire le lien avec les sous-titres et les informations inscrites sur les murs ? Chaque cadre (ceux de textes illustrés par un dessin artistique ou une photo-témoin) représente donc un chapitre de signification (un cadre expliquant la dénomination des racines, sous le sous titres « Elle aurait une racine… »). Chaque texte est vulgarisé, les termes scientifiques sont expliqués, le langage spécialisé est employé mais de façon toujours abordable par tous. Une étude de McManus (1992) a démontré que plus de la moitié des visiteurs d’une exposition ne lisent pas les textes, mais que leur contenu leur est rapporté par ceux qui les lisent. Cette étude a également démontré que les visiteurs lisent moins d’un tiers des textes présents dans l’exposition. L’esthétisme des panneaux et leur petit format (que le visiteur ramène au format du cadre grâce à l’ingéniosité des concepteurs d’inscrire les titres et autres phrases courtes sur les murs) ne bloquent pas la lecture aux visiteurs qui ont pour habitude de lire ces panneaux, et attire l’œil de ceux qui sont à priori réticents à cette idée. La conception de ces panneaux augmente donc le nombre de visiteurs « lecteurs » ainsi que le nombre de textes lus par un même visiteur et améliorent de cette façon l’efficacité de la médiation.
  • 36. 31 B. Les manipulations : un ludisme au service de l’appropriation ? Les dispositifs de type manipulatoire ont été créé dans les musées pour répondre à la volonté de démocratisation. Originellement, ces dispositifs attiraient le jeune public dans les expositions : les manipulations rendaient le jeune visiteur actif en sollicitant sa participation, et éviter la passivité de la contemplation et de la lecture de panneaux. On entre alors dans l’ère de l’exposition ludique et interactive. Science Animation, l’organisme concepteur de l’exposition, décrit sa propre exposition comme « stimulante et ludique », on comprend dès lors, et avant même de pénétrer dans l’espace de l’exposition que le jeune public est sollicité dans l’exposition. Un dispositif est appelé manipulatoire lorsque il requiert la participation motrice ou manuelle des visiteurs (Cécile Gasc, 2008). On trouve dans la zone 1 (et surtout la zone 1) plusieurs dispositifs répondant aux critères des dispositifs manipulatoires. Dans la prochaine partie, nous allons nous attacher à la description de ces dispositifs dans l’exposition par le biais de la participation sollicitée chez le visiteur (et non pas de son contenu).
  • 37. 32 1) Les dispositifs de l’exposition Tous les dispositifs manipulatoires mécaniques de l’exposition sont séparés les uns des autres. Ils sont intégrés à des tables en bois brut qui sont toutes sensiblement de la même taille et de la même forme. Ces séparations et ces ressemblances de format participent à la compartimentation de l’information. Elles sont toute mises au même niveau : chaque dispositif délivre une information particulière qui ne possède pas de positionnement hiérarchique dans l’organisation du discours. Ces dispositifs sont classés par sous thématiques grâce aux sous-titres inscrits sur les murs décrits précédemment. Le choix de la couleur possède une signification double : elle rappelle et s’ancre dans la thématique de l’exposition, et elle ne correspond pas aux couleurs plus criardes et primaires employées habituellement pour les manipulations ludiques, elle ne repousse pas l’usage des adultes. Nous allons dans un premier temps lister et décrire ces dispositifs en leur donnant le nom qui apparaitra sur notre grille d’observation de la troisième partie (chacun de ces dispositifs est accompagné d’un écran tactile, nous reviendrons sur leur description par la suite) : - Racines : Sur la table sont disposées trois petites plantes en plastique juchées sur trois socles dont la face visible est en verre teinté. En appuyant sur un bouton poussoir, le visiteur peut voir à travers le verre teinté les racines de ces plantes. Figure 2 : Le dispositif "racine". Photo de Science Animation - Feuilles : Sur ce dispositif, quatre volets en bois sont présentés, et sur chacun de ces volets, il y a un dessin pyrogravé représentant une feuille. En soulevant le volet, le visiteur peut voir le nom de la plante à laquelle appartient la feuille.
  • 38. 33 - Microscope : Un écran d’ordinateur affiche ce que voit le microscope numérique attaché sur la table. Quatre échantillons à observer sont présents. En déplaçant le microscope sur ces échantillons, le visiteur peut observer l’image agrandie sur l’écran d’ordinateur. - Zootrope : Ce dispositif présente un zootrope (ancêtre des premières images animées). En faisant tourner le zootrope et en regardant au niveau des fentes, le visiteur peut voir le cycle de développement d’une plante. - Durée de vie : Sur le dispositif, le visiteur peut trouver six palets carrés en bois sur lesquels est gravé le dessin d’un arbre ainsi que son nom. Il y a également une frise chronologique. Cette frise se compose de six emplacements carrés adaptés pour les palets. Sous chaque emplacement, il y a une led et une durée. En plaçant un arbre à la durée de vie correspondante sur la frise, la lumière verte de l’emplacement s’allume. Si ce n’est pas le bon emplacement, une lumière rouge s’allume. Figure 3 : : Le dispositif "durée de vie". Photo de Science Animation - Dendrochronologie : Sous un cadre en verre, les visiteurs peuvent voir la coupe d’une souche d’un arbre. Deux réglettes graduées sont situées au-dessus et à coté de cette souche. Une loupe permettant d’observer de plus près le dispositif y est attachée.
  • 39. 34 Figure 4 : : Le dispositif "dendrochronologie". Photo de Science Animation - Senteur : Deux dispositifs portent le même nom de « senteur » car ils sont quasiment identiques. Ce dispositif se compose de cinq fioles alignées remplies à moitié d’un liquide coloré (les cinq couleurs sont différentes). Ces fioles sont lumineuses car éclairées par le dessous. Devant chaque fiole, il y a un volet à soulever, devant chaque volet, un trou pour sentir l’odeur qui s’y échappe lorsque le visiteur presse la poire située devant le dispositif. Le visiteur presse la poire, sent l’odeur, et soulève le volet pour voir à quelle fleur (premier dispositif) ou épice (deuxième dispositif) appartient l’odeur. Figure 5 : : Le dispositif "senteur". Photo de Science Animation - Pollen : Sous une cloche transparente fixée au dispositif, le visiteur peut voir trois maquettes 3D agrandies de pollen numérotées. Un cadre photo numérique accompagne le dispositif
  • 40. 35 Figure 6 : : Le dispositif "pollen". Photo de Science Animation - Veg/ani (pour vegétal/animal) : Le visiteur peut soulever six volets divisés en trois groupes de deux. En soulevant les volets, le visiteur peut découvrir comment le végétal ou l’animal réagissent tous les deux à certaines conditions de vie (le stress par exemple). Plusieurs tables du même format sont présentes dans l’exposition mais ne requiert pas une manipulation : le visiteur peut observer une maquette de camomille (dispositif « camomille »), une autre maquette de fleur accompagnée d’un petit écran dont les commentaires sont écoutables à l’aide d’un téléphone accroché (dispositif « maquette » sur la grille d’observation »), une observation, à l’aide d’une loupe incorporé, d’un processus de défense de plante (dispositif «fourmi ») , un dispositif présentant un film écoutable avec un téléphone (dispositif « écran ») . Notons également dans cette catégorie manipulation la présence des faux arbres de la zone 2. Le visiteur en appuyant sur certaines feuilles peut modifier les sons de la nature.
  • 41. 36 2) Les niveaux d’interactivité Cécile Gasc (2008) a établi une échelle à trois niveaux d’interactivité permettant de classer les dispositifs manipulatoires : - Le premier niveau d’interactivité : Une action unique conduit à un résultat standard. « La forme et le contenu que le dispositif est apte à transmettre sont toujours les mêmes. » Ce dispositif est qualifié par l’auteur de « presse bouton ». Beaucoup de dispositifs de l’exposition « Et si la plante idéale existait… » correspondent à ce niveau d’interaction basique : « racines », « feuilles », « pollen », « veg/ani » « microscope », « senteur » et « arbres ». Rajoutons ici le dispositif « dendrochronologie » et « fourmi » qui correspondent essentiellement à de l’observation. Remarquons également que tous les dispositifs comprennent ce niveau d’interaction avec l’utilisation de la tablette tactile. En effet, ces tablettes ne sont pas utilisées comme un outil multimédia dans l’exposition. Quand l’utilisateur ne la touche pas, la tablette affiche un texte, en balayant l’écran avec son doigt, la tablette affiche un deuxième texte. Ces textes ne varient pas, ils sont fixes. Elles correspondent donc au même niveau d’interaction que les volets à soulever.
  • 42. 37 - Le deuxième niveau d’interaction « à actions multiples et réponses affiliés » : Le dispositif permet de mener plusieurs actions différentes. A chacune d’elle correspond une réaction spécifique, univoque et invariante. Seul le dispositif « durée de vie » correspond à ce niveau d’interaction. Si le visiteur place mal l’arbre sur l’échelle de temps (action A), la led est rouge (réaction A), si il le place bien (Action B), la led est verte (réaction B). - Le troisième niveau d’interaction « à actions et réactions en chaîne » : Une combinaison d’actions conduit à plusieurs réponses possibles. Nous ne faisons ici qu’évoquer ce niveau car aucun des dispositifs de l’exposition n’y correspond. Cécile Gasc (2008) décrit ce niveau d’interactivité comme étant le plus proche des potentialités offertes par l’informatique. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » Comprend donc essentiellement des dispositifs à faible degré d’interaction. Cela lui est-il dommageable ?
  • 43. 38 3) Les enjeux des dispositifs manipulatoire Les manipulations sollicitent la motricité des visiteurs. Leurs actions ont des conséquences directes : elles participent à la découverte d’une réponse. Le savoir en est la récompense. La métaphore que procure le dispositif est également intéressante pour améliorer la transmission du message de l’exposition média. Ce message devient effectivement palpable, « au bout des doigts » (au sens propre comme au figuré). Le savoir scientifique se matérialise et devient ludique. Le plaisir obtenu par la « récompense » est associé au plaisir de découverte de la science. Les dispositifs sollicitent les sens des visiteurs. Le toucher du bois dont les dispositifs sont constitués ; la vue des maquettes, des souches, des éléments d’une fleur ; la senteur des épices et des fleurs ; l’écoute des téléphones sont autant de sollicitations des sens qui participent à l’intégration mémoriel et sensoriel chez le visiteur du message de l’exposition. Les dispositifs rythment le parcours. Selon leur degré de complexité et la richesse de leur commentaire, le visiteur va s’y attarder plus ou moins longtemps. C’est donc un degré à considérer dans la conception de la scénographie de l’exposition : un dispositif plus complexe entouré de dispositifs plus simple peut contraindre le visiteur à passer son chemin car il est trop souvent occupé par un autre visiteur. Leur esthétisme participe à cette scénographie (insertion dans un thème, attraction/répulsion), ce que les concepteurs de Science-animation ont bien pris en compte. Les dispositifs sollicitent une réflexion chez le visiteur. En se pliant à l’usage conforme de la technique proposée par le concepteur, en adoptant la démarche expliquée par les consignes, le visiteur établit des constructions cognitives. Cet effet de réflexivité n’est présent que dans des dispositifs dont le degré d’interactivité est supérieur à 1. Un simple « bouton poussoir » ne pousse pas à une réelle construction cognitive, mais à une simple action cognitive. L’exposition « Et si la plante idéale existait… » n’engage donc pas le visiteur à pousser sa réflexion, seul le dispositif « durée de vie » l’amène à mobiliser des connaissances préalables, à établir une démarche de raisonnement déductif. Ce choix des concepteurs peut s’expliquer par le fait que l’exposition tend plus à éveiller les consciences à la biodiversité plutôt qu’à la comprendre totalement. Elle cherche à déclencher un changement de point de vue : une plante ne peut être idéale que si elle existe dans un environnement diversifié. L’exposition tend à mettre en valeur que la richesse de la nature
  • 44. 39 réside dans la diversité de tout ce qui la compose et de leurs attributs. Cette approche explique également la « diversité » des dispositifs de médiation. Il aurait été d’autant plus préférable pour la réception de ce message d’augmenter la diversité des actions possibles, le visiteur pouvant se lasser de n’avoir à soulever qu’un volet. Les dispositifs manipulatoires de degré 1 encouragent donc à la découverte (on « découvre » une réponse en soulevant un volet, la diversité des plantes par la multiplicité de leur odeur, etc.), et ne sollicitent pas de savoir-faire ou de connaissances pré-requises.
  • 45. 40 C. Les médiations de dernière génération : du numérique au participatif, des dispositifs centrées sur le public ? Les musées scientifiques, nous l’avons vu, veulent placer leur discours dans l’espace public et participer à l’élaboration des débats sociétaux. Ces vingt dernières années ont vu l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’essor démocratisé d’internet, et l’amélioration technique des interfaces entre la machine et l’homme. Le musée s’est adapté. En effet, les écrans tactiles séduisent autant les publics que les professionnels du musée qui l’intègrent dans leur institution et dans leurs compétences. Geneviève Vidal (2012) explique que les écrans aux musées sont l’objet d’une collaboration entre muséologues, concepteurs, entreprises et laboratoires de recherche et qu’en devenant un outil de médiation, ils ouvrent un espace d’échange entre le visiteur et le contenu. De par l’utilisation d’une technologie récente, les concepteurs envisagent ce type de médiation comme une médiation innovante qui fait évoluer le rapport entre le contenu scientifique et le visiteur grâce à de nouveaux scénarios d’usage. Cécilie de Varine (2008) ajoute que si le musée souhaite autant s’équiper du matériel high tech, c’est essentiellement pour attirer un public plus jeune et désireux de retrouver cette technologie dans un espace muséal qui vivrait ainsi avec son temps, mais également pour diversifier les approches de médiation dans l’exposition. Les possibilités techniques permises par un dispositif informatique permettent effectivement de rendre l’interactivité de la médiation au centre de l’exposition. L’interactivité de ces dispositifs est donc au cœur de sa raison d’être comme outil de médiation dans l’exposition scientifique. L’interactivité avec un système informatisé, numérisé diffère de l’interactivité présentée lors du chapitre sur les manipulations. Pour Vincent Mabillot (1998), « on peut attribuer un comportement interactif à l'utilisateur et au système technique, lorsque support et acteur sont indissociables et coopérants de l'acte d'énonciation du discours» : il y a une forme de communication qui s’instaure entre l’humain et la technique. L’humain envoie un stimulus à la machine qui y répond par une production de contenu issue de ce stimulus. La forme du programme, les informations qu’il contient et la liberté d’utilisation qu’il offre modèlent tous ce contenu (Cecilia Gasc, 2008). Pour résumer, reprenons les mots de l’auteure : « On considère donc qu’une communication interactive se noue entre un utilisateur et une manipulation à partir du moment où l’action de l’utilisateur sur le dispositif en modifie la forme et que le dispositif est apte à transmettre un nouveau contenu. »
  • 46. 41 1) Les dispositifs numériques interactifs dans l’exposition Les dispositifs numériques interactifs sont situés dans la zone 2. Cette zone est dans la pénombre, ce qui permet à la fois d’augmenter la dimension immersive de l’exposition mais également de pouvoir mieux voir les images projetées. Nous ne comptons pas dans cette partie les tablettes numériques précédemment décrites qui ne relève pas d’un niveau d’interactivité suffisant pour intégrer ce chapitre. - Lumière : Quatre lampes torches allumées sont suspendues à hauteur humaine. A deux mètre de distance, se situe un écran noir. Sur le bas de cet écran, le visiteur peut apercevoir quatre graines. En dirigeant la lumière sur ces graines, le visiteur fait pousser des plantes numériques. Lorsqu’il lui enlève cette lumière, la plante décroit. Figure 7 : : Le dispositif "lumière". Photo de Science Animation - Globe : une en cloche transparente est juchée sur un socle. En son sein, le visiteur peut voir un morceau de mousse artificielle, une « mini-nature ». A l’arrière de la cloche, il y a un capteur signalé par une lumière verte. Un écran de projection est associé au globe. Il projette un dessin artistique d’un paysage naturel. En mettant le doigt sur le capteur, le visiteur convertit les pulsations de son cœur en interactions avec la nature visible sur l’écran.
  • 47. 42 Figure 8 : : Le dispositif "globe". Photo de Science Animation - Kinect : un espace délimité sur le sol par une projection invite le visiteur à s’y placer. Devant lui, un paysage naturel artistique et artificiel est projeté. En levant les bras, le visiteur fait pousser des plantes, en écartant ses bras levés, il fait ramifier sa plante. Figure 9 : : Le dispositif "kinect". Photo de Science Animation - Photo particip : le visiteur grâce à une borne proposant une visée tactile, peut diriger la lumière et voir ainsi les commentaires situés sous la soixantaine de photos envoyés par les contributeurs. Ces photos sont affichées par groupe de vingt, changent toutes les minutes et ont toute le même format. Les commentaires sont courts, écrits en noir (ce qui les rend apparent sur le fond blanc du faisceau de lumière virtuel, qui est également projeté)
  • 48. 43 Figure 10 : : Le dispositif "photo particip". Photo de Science Animation
  • 49. 44 2) Analyse des dispositifs numériques interactifs Les dispositifs numériques interactifs de l’exposition « Et si la plante idéale existait.. » ne diffèrent en fait des dispositifs manipulatoires plus « classiques » et matérialisées que sur un point. La réponse du dispositif est particulière à l’action d’un l’utilisateur spécifique, elle lui est unique (en théorie). Les possibilités techniques des dispositifs numériques permettent en fait de rajouter un quatrième degré sur l’échelle d’interactivité proposée précédemment. Ce degré décrirait un dispositif manipulatoire sui modifierait ses résultats en fonction des actions de l’utilisateur. Il n’y a plus un nombre restreint et invariable de résultats « juste » ou « faux », mais une infinité de réactions adéquates. Ce degré serait applicable aux trois dispositifs « lumière », « globe » et « kinect », car il résulte d’une vision créative et artistique du thème scientifique. Ces trois dispositifs utilisent le même style artistique numérique (fond noir, couleur des plantes vert bleuté, multitude des formes simples et d’un trait plein). L’utilisateur, par son action, (mise du doigt sur le capteur, direction des lumières, ou mouvements des bras) influence l’œuvre, la modifie, la recrée. Ces dispositifs constituent donc le visiteur comme créateur d’un contenu qui lui est propre. Ils placent le concepteur et le visiteur au même niveau. Ils participent donc à une communication efficace et moins hiérarchisée entre ces deux entités. L’exposition média y prend d’autant plus du sens. Le dispositif ne délivre pas un contenu scientifique, il ne propose pas un savoir construit, il envoie un message délivré à travers l’art : l’homme possède une influence sur la nature, son action, sa présence, ses mouvements déterminent un paysage, modifient l’écosystème, perturbent l’équilibre naturel. Le dispositif « lumière » montre l’importance de la lumière sur la croissance des plantes. Le dispositif « globe » délivre une métaphore : la nature vit et possède un rythme caractéristique, autant que l’être humain. Le dispositif « kinect » compare les branches d’un arbre aux bras d’un homme. Il n y a pas de savoir nouveau apporté mais bien un message d’éveil de la conscience sur l’impact de l’homme et sur la fragilité de la nature. Le dispositif « photos particip » est à mettre à part des autres dispositifs. Ce dispositif permet de découvrir les photographies et les messages des contributeurs. L’utilisation de la technologie pour ce dispositif offre de nombreux avantages : La technologie permet de faire tourner l’apparition de ces photos et donc d’en afficher un plus grand nombre ; elle permet
  • 50. 45 également un jeu sur la lumière, en dirigeant le faisceau, le visiteur focalise sa concentration et fait preuve de sa volonté exploratrice, de plus cela permet de ne pas afficher tous les commentaires en même temps ce qui pourrait créer une réticence à son utilisation ; elle permet également de prouver par sa seule présence son caractère interactif et donc réactif. Les contributeurs participent à la création de l’exposition. En plaçant les internautes comme concepteurs, la communication de l’exposition ne se fait plus entre concepteurs et visiteurs, mais bien entre le public lui-même, comme si la transmission de la science ne s’opérait plus sur un plan vertical du haut vers le bas (du scientifique au profane) mais sur un plan horizontal. Par ces contributions projetées, les concepteurs renforcent la mise en espace public du thème scientifique, mais montrent également l’intégration réciproque entre le sujet scientifique et l’individu. Les messages associés aux photographies portent sur les souvenirs, les émotions, la vision poétique, l’émerveillement, etc. provoqués par la plante « idéale ». Les noms des plantes photographiées n’apparaissent que si le contributeur en fait le choix. Les concepteurs ont donc bien centré leur vision de la plante idéale non pas sur le savoir scientifique, mais sur l’affect lié à la biodiversité et provoqué par la nature. Ils n’énumèrent pas une liste de noms de plantes, mais exposent la diversité une nouvelle fois. Ce dispositif amène le visiteur à se demander lui-même qu’elle plante il afficherait, il recrée donc une relation entre son affect et la nature. Certains visiteurs ont trouvé dommageable le fait que les noms ne soient pas toujours présents : ils reconnaissent la plante mais ne l’identifient pas, ils ne peuvent pas eux-mêmes associer leur affect à la plante, ils ne peuvent reconstruire ce lien cognitif. La projection de ces photographies s’accompagne d’un appel à contribution présent deux fois : il n’est visible en bas de la projection que si le visiteur dirige le faisceau de lumière vers le bas des photos, mais aussi sur un cartel à gauche du dispositif. Nous avons testé la réactivité de cet appel à contribution et avons posté sur internet une photo d’une plante et un commentaire, en respectant l’usage (commentaire approprié, droit d’auteurs pour la photographie respectée, etc.). Deux semaines après, la photographie n’était toujours pas présente dans l’exposition. Les contributions affichées étaient essentiellement apportées avant l’ouverture au public de l’exposition, les concepteurs en ayant ajouté une dizaine au cours de sa période d’exposition. Le dispositif multimédia interactif voit sa réactivité limité par un modérateur, un médiateur humain qui régule l’échange entre l’humain et la technique.
  • 51. 46 Remarquons la présence dans l’exposition d’un dispositif similaire à une différence près : il n’emploie pas la technologie. En effet, le dispositif « post-it » appelle à la contribution des visiteurs dans la zone 3 de l’exposition. Il pose la question «Et pour vous, biodiversité, qu’est-ce que ça veut dire ? » à laquelle le visiteur peut réagir en inscrivant sa réponse sur un post-it et le coller sur le dessin de l’arbre (métaphore feuille = post it). Il y a donc une contribution du visiteur dans le même temps du parcours, il y a une réactivité d’affichage immédiate, et le modérateur ne s’impose plus dans cet échange direct. Le médiateur intervient après le temps de parcours pour enlever certains post-it et laisser ainsi de la place pour les suivants. Ce dispositif permet au visiteur de formuler un affect et donc de délivrer la reconstruction cognitive effectuée grâce à l’exposition. Il permet également de constater que les autres visiteurs ont peut-être donné une autre signification au message de l’exposition, et de l’envisager ou de la réfuter : la science est mise en débat. Figure 11 : : Le dispositif "post-it". Photo de Science Animation Serge Chaumier (2008) met en garde contre l’utilisation des dispositifs multimédias. Les musées valorisent des outils sous prétexte qu’ils sont ludiques et spectaculaires et qu’ils rendent le visiteur actif. Or, pour lui, l’activité est trop souvent confondue avec l’ « agitation » qui n’est pas synonyme de transformation. Selon l’auteur, les NTIC participent à la surenchère de la scénographie technicisée, celle qui conduit à un bling-bling muséal et qui favorise les institutions les plus financées. En faisant trop appel aux technologies, le public risque de trouver rébarbatif les autres moyens plus traditionnels de médiation, et en particulier
  • 52. 47 la médiation humaine. Nous serons d’accord avec le constat qu’il établit : l’outil technologique est un bon outil de médiation que s’il est correctement employé au service de la transmission du message de l’exposition média. Joëlle Le Marec (2007) constate, elle, que peu de démarches dites « participatives » le sont réellement. Pour elle, le public n’est réellement participatif que lorsque les savoirs et leur mise en forme sont co-inscrits dans l’exposition. Peut-on alors parler réellement de mise en œuvre d’une démarche participative avec le dispositif « photos particip » ? Ou même avec le dispositif « post-it » ? Ces dispositifs ont en fait la même place dans la construction de l’information que le micro trottoir dans un reportage journalistique. Souvent décriés pour leur inutilité quant à l’apport d’une information, le micro-trottoir ancre l’information dans le réel, dans le vécu et dans l’inconscient collectif. Il en est de même pour nos deux dispositifs. Ils n’ont pas d’apport sur l’information mais ils ont un apport pour la transmission de cette information. Il s’agirait en fait d’une « médiation de la médiation » : un outil qui ne fait pas la médiation entre un savoir et le visiteur, mais un outil qui ajouterait de l’efficacité à la médiation en prouvant que les autres visiteurs ont adopté et intégré cette médiation.