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Thomas Bonnecarrere




                       Fiche de lecture


  Saint Germain ou la négociation




                      Francis Walder
« La vérité n'est pas le contraire du mensonge, trahir n'est pas le contraire de servir,
   haïr n'est pas le contraire d'aimer, confiance n'est pas contraire de méfiance ni
                                  droiture de fausseté »

                        Saint Germain ou la négociation, chapitre 1
Sommaire



1. L'auteur et son œuvre                               1



2. Les personnages-clés de l'histoire                  1



3. Profil du bon négociateur au travers de Malassise   2



4. De la psychologie en négociation                    3



5. L'art de la communication en négociation            4



6. Avis personnel sur l'œuvre                          5



Bibliographie                                          6
1. L'auteur et son œuvre


Francis Walder (Waldburger de son vrai nom) est un ancien diplomate et militaire belge né à
Bruxelles en 1906 et mort à Paris en 1997. Il a effectué ses études à l'Ecole Royale Militaire de
Belgique. Walder a été durant sa carrière militaire Officier d'artillerie pendant la bataille de la Lys
de 1940 et prisonnier de guerre en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. A la fin de la
guerre, il devient le représentant de l'armée belge pour mener les discussions diplomatiques.

Après de nombreuses années passées à exercer ce métier à l'international, il ressent le besoin de
dresser un portrait du négociateur. Pour ne pas susciter de polémique, il décide de décrire une
négociation diplomatique au sein d'un récit fictif ancré dans un contexte historique. Il décrit donc le
métier de diplomate et nous fait profiter de sa longue expérience issue de ses années de pratique
dans son livre Saint germain ou la négociation. Ce roman raconte les négociations menées en
France entre les Catholiques et les Protestants (huguenots) qui aboutirent à la fameuse paix de
Saint-Germain-en-Laye en 1570, deux ans avant le massacre de la Saint Barthélémy. Cette
négociation est menée par quatre diplomates : Henri de Malassise et le baron de Biron, représentant
Charles IX (qui veut faire cesser la guerre en reconnaissant aux huguenots la « liberté de
conscience » sans leur autoriser l’exercice de culte) et le Baron d'Ublé et Monsieur de Mélynes
défendant les intérêts Protestants (qui réclament l'exercice de leur culte en France).

Le livre a reçu le prix Goncourt en 1958 et a également eu droit à une adaptation télévisuelle avec
un téléfilm portant le même nom diffusé en 2003 et réalisé par Gérard Corbiau.

Francis Walder a également écrit quatre autres romans : Cendre et or (1959), Une lettre de Voiture
(1962), Chaillot ou la co-existence (1987) et Le hasard est un grand artiste (1991).



                            2. Les personnages clés de l'histoire



Henri de Malassise est un diplomate travaillant pour la couronne française. Il est mandaté par le Roi
Charles IX et Catherine de Médicis pour négocier avec les diplomates huguenots la paix entre les
Catholiques et Protestants. Son objectif est de trouver un compromis satisfaisant à propos du
partage de certaines villes françaises. C'est un homme passionné par son métier, qui fait preuve
d'une très grande maîtrise de soi et d'un sang-froid exemplaire. Fin stratège, il possède des dons
d'analyse et de communication très développés et excelle dans l'art de se sortir des mauvais pas
(« Je n'ai jamais pu me défaire de cette confiance illimitée en (…) mon aptitude à passer par les
mailles du filet le plus resserré »). Il n'est en revanche pas très apte à ressentir de véritables
émotions, ayant pour habitude d'évoluer dans un « monde virtuel » fait de simples représentations
mentales et déconnecté de la réalité profonde des choses.

Le Baron de Biron est l'allié diplomatique de Henri de Malassise. C'est un personnage droit,
possédant un sens de l'honneur et une assurance forte acquise dans son travail au sein de l'armée.
Militaire dans l'âme, le Baron n'est pas vraiment à l'aise dans le jeu subtil des négociations menées
entre les différents protagonistes. Il se contente le plus souvent d'observer et n'intervient que très
rarement. Il joue cependant un rôle fondamental à la fin des négociations car il empêche celles-ci


                                                                                                     1
d'échouer après des déchirements entre les deux camps, au moment ou les compromis trouvés
semblent menacés pour laisser place à une nouvelle guerre. Après s'être contenté d'observer les
actions de son collègue et de ses adversaires, il décide de prendre ouvertement la parole pour faire
prendre conscience aux trois négociateurs que la guerre n'est pas un jeu mais bien une dure réalité
représentée par des conflits atroces, sanglants et inhumains. Cette intervention instaurera un profond
malaise parmi les diplomates qui décideront de conclure pour de bon la paix de Saint-Germain en
laye.

Le Baron d'Ublé est un diplomate huguenot. Homme discret, contemplateur et observateur, il
éprouve une certaine clairvoyance et « sensibilité » par rapport à son métier. Il sait néanmoins
parfaitement contrôler ses sentiments pendant l'exercice de son travail. Mais d'Ublé est aussi un
excellent acteur. Il parvient ainsi à déstabiliser au cours d'une négociation l'ensemble des
négociateurs (y compris son collègue Mélynes) en jouant un rôle qui n'était absolument pas prescrit
et attendu de la part des diplomates. Au lieu de demeurer calme et courtois, il s'emporte et accuse
ouvertement ses adversaires de faire preuve de fourberie et de mensonge, bafouant tous les
principes de la morale pour atteindre leurs objectifs. Cette stratégie réussit à fortement perturber
l'ensemble des diplomates et fera gagner le camp huguenot dans cette session de négociation.

Le Comte de Mélynes est le collègue de d'Ublé. Ancien Catholique reconverti au Protestantisme, il
a l' « esprit politique », possède une « âme de chef » et est un être très à l'aise socialement. Homme
audacieux et entreprenant, Malassise le décrit comme « vif de geste, de pensée et charmant ou
odieux selon son désir ». Il constitue durant les négociations un allié de poids pour le Baron car
complémentaire (« Que signifiait d'Ublé sans Mélynes ? (...) Que signifiaient ses immobilités
malicieuses sans cet escogriffe à ses côtés, mobile et ricanant comme un diable ? »).

Eléonore de Mesmes est la cousine de Malassise mais soutient les huguenots. C'est une jeune
femme pleine de vie et d'enthousiasme. Elle apparaît au milieu de l'histoire en pleine négociations et
assistera aux tables restantes jusqu'à ce que l'accord soit trouvé et que soit conclue la paix. Elle joue
un rôle très important car elle va faire évoluer la négociation entamée par les quatre négociateurs en
proposant une idée de compromis temporel par rapport à l'occupation de certaines villes durement
négociées. Elle sait jouer de son charme et parvient à séduire Malassise qui tente par tous les
moyens de ne pas se laisser influencer par elle au cours de ses luttes psychologiques avec les deux
huguenots. Elle disparaît à la fin des négociations, laissant dans le cœur de Malassise un souvenir
impérissable.



                  3. Profil du bon négociateur au travers de Malassise



Henri de Malassise est l'exemple type du négociateur expérimenté. Il est un personnage très
intéressant car complexe. Homme discret, il adore par dessus tout les « luttes » verbales,
intellectuelles et psycho-cognitives qu'il peut exercer à sa guise durant son travail de diplomate. Fin
stratège et psychologue, il est capable d'analyser très rapidement les situations et de comprendre les
mécanismes et les schémas de pensée de ses adversaires. Il est également très doué pour improviser
et changer sa stratégie discursive lorsqu'il se rend compte que ses adversaires le piègent.

Malassise est un homme relativement froid et qui ne montre que très peu de scrupules dans son
travail. Il préfère ainsi ne pas imaginer concrètement les objets de sa négociation, préférant

                                                                                                       2
éprouver un sentiment de « jubilation » lié à la conscience de l'importance capitale quant à ce qui
découle de ses dires (« c'est une sensation de joie que j'éprouve à l'idée que tant d'humanité repose
en ma puissance »).

Selon Malassise, un négociateur doit faire preuve de ruse, d'astuce, de fourberie et cultiver le secret.
C'est également un homme discret qui préfère observer dans l'ombre plutôt que d'attirer l'attention.
Un bon négociateur doit également être capable de se « dissocier » mentalement. Il doit ainsi porter
un « masque social » durant les négociations pour ne pas laisser transparaître ses plans et sa
stratégie. Il doit également savoir se mettre à la place de son adversaire (Malassise « sentait
Huguenot ») pour mieux décrypter son raisonnement et mieux appréhender ses pensées. Connaître
son adversaire est également un élément primordial pour cerner sa manière de raisonner et de
réfléchir. Ce conseil peut s'apparenter à celui de Sun Tzu dans son traité « L'art de la guerre » : pour
être sûr de vaincre à chaque fois son adversaire, il faut le « connaître comme soi-même ».

Le négociateur doit être un bon psychologue et doit maîtriser le « cold reading » (capacité à
analyser de manière quasi-instantanée un individu à partir de certains traits spécifiques). Un bon
négociateur est donc en quelque sorte un bon mentaliste.

Lors de négociations collectives, il est préférable de désigner une personne qui sera le négociateur
officiel afin de disposer d'une seule et unique voix, offrir un discours efficace et cohérent et ne pas
risquer de se diviser pour faire naître des failles facilement exploitables par les adversaires. Un des
plus grand danger au sein d'une équipe de négociateurs est ainsi que les intérêts privés surpassent
les intérêts communs. Pour être efficace, seule la personne officiellement désignée doit donc
s'exprimer ce qu'a très bien compris Malassise qui est le seul à négocier, laissant le baron de Biron
observer la négociation.



                             4. De la psychologie en négociation


La négociation est un art qui nécessite de maîtriser quelques concepts de psychologie sociale, qui
selon Moscovici constitue la « science des phénomènes de l'idéologie (cognitions et représentations
sociales) et des phénomènes de communication ».

Le négociateur doit tout d'abord analyser en profondeur son adversaire. Il doit étudier ses
croyances, ses valeurs, son « estime de soi » ( jugement que l'individu se fait de lui-même par
rapport à ses valeurs personnelles) ainsi que sa « présentation de soi stratégique » (image qu'un
individu souhaite donner aux autres). Il doit ensuite tenter d'engager son adversaire dans des actes
afin de l' enfermer dans un piège psycho-cognitif via des décisions prises au cours de la négociation
(selon la théorie du “Pied-dans-la-porte” ou “doigt dans l'engrenage” mise en évidence par
Friedman et Fraser).

Comme le dit Malassise, la négociation est également un art basé sur le compromis, l'équité et la
réciprocité (« La négociation est basée sur l'échange et le compromis »). Le taux d'acceptation de
l'adversaire pourra être optimisé par la technique de la « Porte-dans-le-nez ». Ce principe mis en
évidence par Robert Cialdini signifie qu'un individu sera beaucoup plus susceptible d'accepter une
requête s'il a au préalable refusé une requête initiale lourde proposée par une même personne.



                                                                                                      3
Francis Walder au travers de son personnage met également en évidence une technique efficace en
négociation. Elle consiste à choisir avant la confrontation un élément auquel le négociateur et son
mandataire ne tiennent pas réellement puis de le défendre avec force pendant la confrontation,
générant aux yeux de l'adversaire une impression de haute valeur quant à cet élément. Pour
terminer, le négociateur le cède comme prévu et demande une compensation de « valeur » égale
afin d'équilibrer l'échange. L'adversaire aura alors l'impression d'avoir fait une bonne affaire
(« Déterminez des éléments que vous voulez céder, défendez-lez farouchement comme si vous y
teniez beaucoup puis cédez-les pour que l'adversaire ait l'impression d'avoir obtenu quelque chose
de très coûteux pour vous »). La guerre psychologique menée lors de négociations est donc un
véritable « art de la tromperie ».

Exploiter le « conflit de rôle » peut également être une technique redoutable pour déstabiliser ses
adversaires et parvenir à diminuer leur défense psychologique. Cette technique consiste à adopter en
public un rôle qui n'est absolument pas prescrit ou attendu de la part des autres individus. Elle est
utilisée comme nous l'avons brièvement abordé par le Baron d'Ublé. Au cours d'une négociation, il
décide soudainement de briser le calme et l'ambiance courtoise habituellement prescrite en
diplomatie pour dénoncer fermement le comportement et l'attitude machiavélique de ses
adversaires. Cela réussit parfaitement puisque Malassise, d'habitude rompu aux stratégies de ruse se
trouve totalement déstabilisé et ne sait pas comment réagir face à ce comportement totalement
inattendu. Lorsqu'il comprend le subterfuge, il s'incline devant autant de talent et d'audace et, bon
joueur, cède à la requête de ses adversaires.

Le négociateur doit donc aussi être capable de prévoir et anticiper la moindre des réactions de ses
adversaires pour ne pas se laisser surprendre et risquer de perdre la « guerre psychologique » qu'il
mène face à son ou ses interlocuteurs. En négociation comme dans beaucoup d'autres domaines,
« se faire battre est excusable, se faire surprendre est inacceptable ».



                       5. L'art de la communication en négociation



Le négociateur, en plus d'être un bon psychologue doit aussi être un excellent communiquant. Un
discours en négociation doit être pesé, réfléchi et prononcé de manière très précautionneuse. La
« marionnette » (masque social porté par le négociateur durant ses échanges) doit restituer
parfaitement une impression de courtoisie et de compréhension des intérêts mutuels. Le
« marionnettiste » (partie mentale du négociateur qui va élaborer et faire évoluer sa stratégie orale
sans être perceptible par l'adversaire) va quant à lui tout faire pour manœuvrer dans l'ombre et
mener les discussions dans le sens de ses intérêts propres uniquement.

Le négociateur doit donc délivrer une communication parfaitement maîtrisée et doit faire preuve
d'un sang froid à toute épreuve quels que soient les enjeux (« Comment voulez-vous que je tienne
ma partie (…) si je ne garde pas mon sang-froid? Supposez que soit présente à mes yeux ces images
des horreurs de la guerre, avec l'émotion qu'elle engendre, quelle proie facile je ferais aux mains de
mes adversaires ! (…) Croyez-moi : le négociateur est de glace, ou il n'est pas »).

La communication diplomatique doit aussi prendre en compte et exploiter l'Ethos, le Pathos et le
Logos. Le négociateur doit ainsi jouer sur les valeurs de l'adversaire et exploiter ses croyances pour
orienter ses décisions et biaiser sa perception des nombreuses discussions nécessitant une analyse

                                                                                                    4
profonde et donc un recul important pour ne pas se laisser piéger. Il doit également jouer sur l'affect
de son adversaires pour orienter et influencer sa réflexion voire le déstabiliser. Il doit enfin simuler
de la manière la plus réaliste possible une courtoisie à toute épreuve ainsi qu' un discours raisonné
et réfléchi afin que l'adversaire se sente réellement respecté et considéré et que la « lutte
intellectuelle » ne dégénère pas en conflit ouvert.



                                  6. Avis personnel sur l'œuvre



Au travers d'un récit historique fictif prenant et des personnages hauts en couleur, Francis Walder
nous décrit un métier hors du commun : la diplomatie. Un métier qui offre le pouvoir à celui qui
l'exerce de décider du destin d'une multitude de vies ou de biens par de simples formulation orales
et constitué de luttes psychologiques et cognitives implacables. Il met au travers de son personnage
principal en avant le fait que le travail de négociation est un travail très difficile car s'effectuant sur
des périodes longues mais aussi très particulier car nécessite d'exploiter tous les vices qui sont
usuellement proscrits socialement et condamnables sur le plan moral (tromperie, trahison,
mensonge,...). Saint germain ou la négociation nous pose donc une question profondément éthique :
le fait de devoir défendre des intérêts supérieurs dans le but d'atteindre des objectifs aussi nobles
que la cessation d'une guerre justifie-t-il le sacrifice de ses propres valeurs et de son « humanité »?
Au delà du roman historique, c'est une réflexion sur la condition humaine que nous propose
Walder. Car comme le souligne fort judicieusement le personnage de Malassise, « Ce n'est pas un
traité, c'est une évolution qui assurera au monde la paix définitive ».




                                                                                                         5
Bibliographie

Voici une liste de quelques ouvrages pour compléter l'œuvre de Walder et mieux comprendre les
mécanismes psychologiques, les techniques communicationnelles et les stratégies utilisées en
négociation et diplomatie.


   •   BEAUVOIS Jean-Léon, Joule Robert-Vincent, Petit traité de manipulation à l'usage des
honnêtes gens, Presses Universitaires de Grenoble, 2002, 286 p.


   •   BRETON Philippe, La parole manipulée, La Découverte, 2004, 220 p.


   •   CIALDINI Robert, Influence et manipulation. Comprendre et maîtriser les mécanismes et
les techniques de persuasion, Paris, 2006, 318 p.


   •   HUYGUE François-Bernard, Maîtres du faire croire : De la propagande à l'influence,
Editions Vuibert, 2008, 174 p.


   •   MATTELARD Armand, Histoire des théories de la communication, Editions la Découverte,
2004, 123 p.


   •   MUCCHIELLI Alex, L'art d'influencer : analyse des techniques de manipulation, Armand
Colin, 2005, 174 p.


   •   SUN TZU, L'art de la guerre, Flammarion, 1999, 266 p.




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F iche de lecture Saint Germain ou la négociation - Thomas Bonnecarrere

  • 1. Thomas Bonnecarrere Fiche de lecture Saint Germain ou la négociation Francis Walder
  • 2. « La vérité n'est pas le contraire du mensonge, trahir n'est pas le contraire de servir, haïr n'est pas le contraire d'aimer, confiance n'est pas contraire de méfiance ni droiture de fausseté » Saint Germain ou la négociation, chapitre 1
  • 3. Sommaire 1. L'auteur et son œuvre 1 2. Les personnages-clés de l'histoire 1 3. Profil du bon négociateur au travers de Malassise 2 4. De la psychologie en négociation 3 5. L'art de la communication en négociation 4 6. Avis personnel sur l'œuvre 5 Bibliographie 6
  • 4. 1. L'auteur et son œuvre Francis Walder (Waldburger de son vrai nom) est un ancien diplomate et militaire belge né à Bruxelles en 1906 et mort à Paris en 1997. Il a effectué ses études à l'Ecole Royale Militaire de Belgique. Walder a été durant sa carrière militaire Officier d'artillerie pendant la bataille de la Lys de 1940 et prisonnier de guerre en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. A la fin de la guerre, il devient le représentant de l'armée belge pour mener les discussions diplomatiques. Après de nombreuses années passées à exercer ce métier à l'international, il ressent le besoin de dresser un portrait du négociateur. Pour ne pas susciter de polémique, il décide de décrire une négociation diplomatique au sein d'un récit fictif ancré dans un contexte historique. Il décrit donc le métier de diplomate et nous fait profiter de sa longue expérience issue de ses années de pratique dans son livre Saint germain ou la négociation. Ce roman raconte les négociations menées en France entre les Catholiques et les Protestants (huguenots) qui aboutirent à la fameuse paix de Saint-Germain-en-Laye en 1570, deux ans avant le massacre de la Saint Barthélémy. Cette négociation est menée par quatre diplomates : Henri de Malassise et le baron de Biron, représentant Charles IX (qui veut faire cesser la guerre en reconnaissant aux huguenots la « liberté de conscience » sans leur autoriser l’exercice de culte) et le Baron d'Ublé et Monsieur de Mélynes défendant les intérêts Protestants (qui réclament l'exercice de leur culte en France). Le livre a reçu le prix Goncourt en 1958 et a également eu droit à une adaptation télévisuelle avec un téléfilm portant le même nom diffusé en 2003 et réalisé par Gérard Corbiau. Francis Walder a également écrit quatre autres romans : Cendre et or (1959), Une lettre de Voiture (1962), Chaillot ou la co-existence (1987) et Le hasard est un grand artiste (1991). 2. Les personnages clés de l'histoire Henri de Malassise est un diplomate travaillant pour la couronne française. Il est mandaté par le Roi Charles IX et Catherine de Médicis pour négocier avec les diplomates huguenots la paix entre les Catholiques et Protestants. Son objectif est de trouver un compromis satisfaisant à propos du partage de certaines villes françaises. C'est un homme passionné par son métier, qui fait preuve d'une très grande maîtrise de soi et d'un sang-froid exemplaire. Fin stratège, il possède des dons d'analyse et de communication très développés et excelle dans l'art de se sortir des mauvais pas (« Je n'ai jamais pu me défaire de cette confiance illimitée en (…) mon aptitude à passer par les mailles du filet le plus resserré »). Il n'est en revanche pas très apte à ressentir de véritables émotions, ayant pour habitude d'évoluer dans un « monde virtuel » fait de simples représentations mentales et déconnecté de la réalité profonde des choses. Le Baron de Biron est l'allié diplomatique de Henri de Malassise. C'est un personnage droit, possédant un sens de l'honneur et une assurance forte acquise dans son travail au sein de l'armée. Militaire dans l'âme, le Baron n'est pas vraiment à l'aise dans le jeu subtil des négociations menées entre les différents protagonistes. Il se contente le plus souvent d'observer et n'intervient que très rarement. Il joue cependant un rôle fondamental à la fin des négociations car il empêche celles-ci 1
  • 5. d'échouer après des déchirements entre les deux camps, au moment ou les compromis trouvés semblent menacés pour laisser place à une nouvelle guerre. Après s'être contenté d'observer les actions de son collègue et de ses adversaires, il décide de prendre ouvertement la parole pour faire prendre conscience aux trois négociateurs que la guerre n'est pas un jeu mais bien une dure réalité représentée par des conflits atroces, sanglants et inhumains. Cette intervention instaurera un profond malaise parmi les diplomates qui décideront de conclure pour de bon la paix de Saint-Germain en laye. Le Baron d'Ublé est un diplomate huguenot. Homme discret, contemplateur et observateur, il éprouve une certaine clairvoyance et « sensibilité » par rapport à son métier. Il sait néanmoins parfaitement contrôler ses sentiments pendant l'exercice de son travail. Mais d'Ublé est aussi un excellent acteur. Il parvient ainsi à déstabiliser au cours d'une négociation l'ensemble des négociateurs (y compris son collègue Mélynes) en jouant un rôle qui n'était absolument pas prescrit et attendu de la part des diplomates. Au lieu de demeurer calme et courtois, il s'emporte et accuse ouvertement ses adversaires de faire preuve de fourberie et de mensonge, bafouant tous les principes de la morale pour atteindre leurs objectifs. Cette stratégie réussit à fortement perturber l'ensemble des diplomates et fera gagner le camp huguenot dans cette session de négociation. Le Comte de Mélynes est le collègue de d'Ublé. Ancien Catholique reconverti au Protestantisme, il a l' « esprit politique », possède une « âme de chef » et est un être très à l'aise socialement. Homme audacieux et entreprenant, Malassise le décrit comme « vif de geste, de pensée et charmant ou odieux selon son désir ». Il constitue durant les négociations un allié de poids pour le Baron car complémentaire (« Que signifiait d'Ublé sans Mélynes ? (...) Que signifiaient ses immobilités malicieuses sans cet escogriffe à ses côtés, mobile et ricanant comme un diable ? »). Eléonore de Mesmes est la cousine de Malassise mais soutient les huguenots. C'est une jeune femme pleine de vie et d'enthousiasme. Elle apparaît au milieu de l'histoire en pleine négociations et assistera aux tables restantes jusqu'à ce que l'accord soit trouvé et que soit conclue la paix. Elle joue un rôle très important car elle va faire évoluer la négociation entamée par les quatre négociateurs en proposant une idée de compromis temporel par rapport à l'occupation de certaines villes durement négociées. Elle sait jouer de son charme et parvient à séduire Malassise qui tente par tous les moyens de ne pas se laisser influencer par elle au cours de ses luttes psychologiques avec les deux huguenots. Elle disparaît à la fin des négociations, laissant dans le cœur de Malassise un souvenir impérissable. 3. Profil du bon négociateur au travers de Malassise Henri de Malassise est l'exemple type du négociateur expérimenté. Il est un personnage très intéressant car complexe. Homme discret, il adore par dessus tout les « luttes » verbales, intellectuelles et psycho-cognitives qu'il peut exercer à sa guise durant son travail de diplomate. Fin stratège et psychologue, il est capable d'analyser très rapidement les situations et de comprendre les mécanismes et les schémas de pensée de ses adversaires. Il est également très doué pour improviser et changer sa stratégie discursive lorsqu'il se rend compte que ses adversaires le piègent. Malassise est un homme relativement froid et qui ne montre que très peu de scrupules dans son travail. Il préfère ainsi ne pas imaginer concrètement les objets de sa négociation, préférant 2
  • 6. éprouver un sentiment de « jubilation » lié à la conscience de l'importance capitale quant à ce qui découle de ses dires (« c'est une sensation de joie que j'éprouve à l'idée que tant d'humanité repose en ma puissance »). Selon Malassise, un négociateur doit faire preuve de ruse, d'astuce, de fourberie et cultiver le secret. C'est également un homme discret qui préfère observer dans l'ombre plutôt que d'attirer l'attention. Un bon négociateur doit également être capable de se « dissocier » mentalement. Il doit ainsi porter un « masque social » durant les négociations pour ne pas laisser transparaître ses plans et sa stratégie. Il doit également savoir se mettre à la place de son adversaire (Malassise « sentait Huguenot ») pour mieux décrypter son raisonnement et mieux appréhender ses pensées. Connaître son adversaire est également un élément primordial pour cerner sa manière de raisonner et de réfléchir. Ce conseil peut s'apparenter à celui de Sun Tzu dans son traité « L'art de la guerre » : pour être sûr de vaincre à chaque fois son adversaire, il faut le « connaître comme soi-même ». Le négociateur doit être un bon psychologue et doit maîtriser le « cold reading » (capacité à analyser de manière quasi-instantanée un individu à partir de certains traits spécifiques). Un bon négociateur est donc en quelque sorte un bon mentaliste. Lors de négociations collectives, il est préférable de désigner une personne qui sera le négociateur officiel afin de disposer d'une seule et unique voix, offrir un discours efficace et cohérent et ne pas risquer de se diviser pour faire naître des failles facilement exploitables par les adversaires. Un des plus grand danger au sein d'une équipe de négociateurs est ainsi que les intérêts privés surpassent les intérêts communs. Pour être efficace, seule la personne officiellement désignée doit donc s'exprimer ce qu'a très bien compris Malassise qui est le seul à négocier, laissant le baron de Biron observer la négociation. 4. De la psychologie en négociation La négociation est un art qui nécessite de maîtriser quelques concepts de psychologie sociale, qui selon Moscovici constitue la « science des phénomènes de l'idéologie (cognitions et représentations sociales) et des phénomènes de communication ». Le négociateur doit tout d'abord analyser en profondeur son adversaire. Il doit étudier ses croyances, ses valeurs, son « estime de soi » ( jugement que l'individu se fait de lui-même par rapport à ses valeurs personnelles) ainsi que sa « présentation de soi stratégique » (image qu'un individu souhaite donner aux autres). Il doit ensuite tenter d'engager son adversaire dans des actes afin de l' enfermer dans un piège psycho-cognitif via des décisions prises au cours de la négociation (selon la théorie du “Pied-dans-la-porte” ou “doigt dans l'engrenage” mise en évidence par Friedman et Fraser). Comme le dit Malassise, la négociation est également un art basé sur le compromis, l'équité et la réciprocité (« La négociation est basée sur l'échange et le compromis »). Le taux d'acceptation de l'adversaire pourra être optimisé par la technique de la « Porte-dans-le-nez ». Ce principe mis en évidence par Robert Cialdini signifie qu'un individu sera beaucoup plus susceptible d'accepter une requête s'il a au préalable refusé une requête initiale lourde proposée par une même personne. 3
  • 7. Francis Walder au travers de son personnage met également en évidence une technique efficace en négociation. Elle consiste à choisir avant la confrontation un élément auquel le négociateur et son mandataire ne tiennent pas réellement puis de le défendre avec force pendant la confrontation, générant aux yeux de l'adversaire une impression de haute valeur quant à cet élément. Pour terminer, le négociateur le cède comme prévu et demande une compensation de « valeur » égale afin d'équilibrer l'échange. L'adversaire aura alors l'impression d'avoir fait une bonne affaire (« Déterminez des éléments que vous voulez céder, défendez-lez farouchement comme si vous y teniez beaucoup puis cédez-les pour que l'adversaire ait l'impression d'avoir obtenu quelque chose de très coûteux pour vous »). La guerre psychologique menée lors de négociations est donc un véritable « art de la tromperie ». Exploiter le « conflit de rôle » peut également être une technique redoutable pour déstabiliser ses adversaires et parvenir à diminuer leur défense psychologique. Cette technique consiste à adopter en public un rôle qui n'est absolument pas prescrit ou attendu de la part des autres individus. Elle est utilisée comme nous l'avons brièvement abordé par le Baron d'Ublé. Au cours d'une négociation, il décide soudainement de briser le calme et l'ambiance courtoise habituellement prescrite en diplomatie pour dénoncer fermement le comportement et l'attitude machiavélique de ses adversaires. Cela réussit parfaitement puisque Malassise, d'habitude rompu aux stratégies de ruse se trouve totalement déstabilisé et ne sait pas comment réagir face à ce comportement totalement inattendu. Lorsqu'il comprend le subterfuge, il s'incline devant autant de talent et d'audace et, bon joueur, cède à la requête de ses adversaires. Le négociateur doit donc aussi être capable de prévoir et anticiper la moindre des réactions de ses adversaires pour ne pas se laisser surprendre et risquer de perdre la « guerre psychologique » qu'il mène face à son ou ses interlocuteurs. En négociation comme dans beaucoup d'autres domaines, « se faire battre est excusable, se faire surprendre est inacceptable ». 5. L'art de la communication en négociation Le négociateur, en plus d'être un bon psychologue doit aussi être un excellent communiquant. Un discours en négociation doit être pesé, réfléchi et prononcé de manière très précautionneuse. La « marionnette » (masque social porté par le négociateur durant ses échanges) doit restituer parfaitement une impression de courtoisie et de compréhension des intérêts mutuels. Le « marionnettiste » (partie mentale du négociateur qui va élaborer et faire évoluer sa stratégie orale sans être perceptible par l'adversaire) va quant à lui tout faire pour manœuvrer dans l'ombre et mener les discussions dans le sens de ses intérêts propres uniquement. Le négociateur doit donc délivrer une communication parfaitement maîtrisée et doit faire preuve d'un sang froid à toute épreuve quels que soient les enjeux (« Comment voulez-vous que je tienne ma partie (…) si je ne garde pas mon sang-froid? Supposez que soit présente à mes yeux ces images des horreurs de la guerre, avec l'émotion qu'elle engendre, quelle proie facile je ferais aux mains de mes adversaires ! (…) Croyez-moi : le négociateur est de glace, ou il n'est pas »). La communication diplomatique doit aussi prendre en compte et exploiter l'Ethos, le Pathos et le Logos. Le négociateur doit ainsi jouer sur les valeurs de l'adversaire et exploiter ses croyances pour orienter ses décisions et biaiser sa perception des nombreuses discussions nécessitant une analyse 4
  • 8. profonde et donc un recul important pour ne pas se laisser piéger. Il doit également jouer sur l'affect de son adversaires pour orienter et influencer sa réflexion voire le déstabiliser. Il doit enfin simuler de la manière la plus réaliste possible une courtoisie à toute épreuve ainsi qu' un discours raisonné et réfléchi afin que l'adversaire se sente réellement respecté et considéré et que la « lutte intellectuelle » ne dégénère pas en conflit ouvert. 6. Avis personnel sur l'œuvre Au travers d'un récit historique fictif prenant et des personnages hauts en couleur, Francis Walder nous décrit un métier hors du commun : la diplomatie. Un métier qui offre le pouvoir à celui qui l'exerce de décider du destin d'une multitude de vies ou de biens par de simples formulation orales et constitué de luttes psychologiques et cognitives implacables. Il met au travers de son personnage principal en avant le fait que le travail de négociation est un travail très difficile car s'effectuant sur des périodes longues mais aussi très particulier car nécessite d'exploiter tous les vices qui sont usuellement proscrits socialement et condamnables sur le plan moral (tromperie, trahison, mensonge,...). Saint germain ou la négociation nous pose donc une question profondément éthique : le fait de devoir défendre des intérêts supérieurs dans le but d'atteindre des objectifs aussi nobles que la cessation d'une guerre justifie-t-il le sacrifice de ses propres valeurs et de son « humanité »? Au delà du roman historique, c'est une réflexion sur la condition humaine que nous propose Walder. Car comme le souligne fort judicieusement le personnage de Malassise, « Ce n'est pas un traité, c'est une évolution qui assurera au monde la paix définitive ». 5
  • 9. Bibliographie Voici une liste de quelques ouvrages pour compléter l'œuvre de Walder et mieux comprendre les mécanismes psychologiques, les techniques communicationnelles et les stratégies utilisées en négociation et diplomatie. • BEAUVOIS Jean-Léon, Joule Robert-Vincent, Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Presses Universitaires de Grenoble, 2002, 286 p. • BRETON Philippe, La parole manipulée, La Découverte, 2004, 220 p. • CIALDINI Robert, Influence et manipulation. Comprendre et maîtriser les mécanismes et les techniques de persuasion, Paris, 2006, 318 p. • HUYGUE François-Bernard, Maîtres du faire croire : De la propagande à l'influence, Editions Vuibert, 2008, 174 p. • MATTELARD Armand, Histoire des théories de la communication, Editions la Découverte, 2004, 123 p. • MUCCHIELLI Alex, L'art d'influencer : analyse des techniques de manipulation, Armand Colin, 2005, 174 p. • SUN TZU, L'art de la guerre, Flammarion, 1999, 266 p. Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Partage des Conditions Initiales à l'Identique 3.0 Unported. L'auteur vous encourage à diffuser ce document et à le modifier pour l'améliorer sous réserve du respect de son nom, du partage à l'identique et de la non réutilisation à des fins commerciales de son œuvre. La culture est faite pour être partagée. Diffusez ce document, propagez les idées ! 6