3. « Elles font l’abstraction »
ambitionne d’écrire l’histoire
des apports des artistes
femmes à l’abstraction à
travers cent six artistes et
plus de cinq cents œuvres
datées des années 1860 aux
années 1980. L'exposition
valorise le travail de nombre
d’entre elles souffrant d’un
manque de visibilité et de
reconnaissance au-delà des
frontières de leur pays. Elle
donne l’occasion de
découvrir des artistes qui
constituent des découvertes
tant pour les spécialistes
que pour le grand public.
ELLES FOT
L’ABSTRACTION
4. GEORGIANA
HOUGHTON
Après des études artistiques, Houghton
se tourne vers le spiritualisme alors en
vogue en Angleterre. A partir de 1861, à
l’aide d’une planchette à laquelle elle
suspend des crayons, puis à main libre, elle
réalise des dessins abstraits inspirés par
des guides spirituels, relevant du
“symbolisme sacré”. En 1871, elle présente
155 dessins dans une galerie qu’elle loue à
Londres.
Malgré l’échec financier, quelques critiques
lui sont favorables. Elle écrit que ses
œuvres “ne pouvaient être critiquées selon
des canons connus et acceptés de l’art”.
Elle ne sera redécouverte
internationalement qu’en 2015. Houghton se
définissait comme artiste mais n’a pas
conceptualisé son abstraction, qui relève
d’un désir de “représentation” du
transcendant.
Il n’en demeure pas moins qu’en
abandonnant le figuratif, elle a été la plus
radicale de ces artistes spirites et elle se
situe aux origines de l’abstraction à venir.
7. HILMA AF KLINT
Hilma af Klint se forme à
l’Académie royale des beaux-arts de
Stockholm, où les femmes pouvaient
étudier depuis 1864 – fait
exceptionnel en Europe –, avant
d’être initiée au spiritisme.
Elle peint ses premières œuvres
abstraites dès 1906, avec la série
Primordial Chaos. Entre 1906 et 1915,
elle réalise son œuvre centrale, les
193 Peintures pour le temple.
Influencée par la théosophie puis
l’anthroposophie de Rudolf Steiner,
elle reçoit des “commandes” d’êtres
supérieurs rencontrés dès la fin des
années 1890.
Les découvertes de la théorie de
l’évolution en biologie, ainsi que de
l’atome et de la théorie de la relativité
en physique, renforcent sa conviction
que l’esprit domine la matière et que
la conscience peut changer l’être.
8. L’abstraction est pour elle la
manifestation naturelle de
l’esprit vivant qui relie tous
les êtres. Cependant, ces
œuvres sont plus “a-
mimétiques” qu’abstraites,
au sens de “formes pures”
détachées de toute volonté
de représentation.
En 1932, Klint soustrait
volontairement son œuvre
au regard, exigeant qu’elle
ne soit dévoilée que vingt
ans après sa mort.
Elle n’aura donc pas de
reconnaissance avant les
années 1980.
Mais l’ampleur et l’originalité
de sa recherche en font une
précurseuse longtemps
méconnue de l’abstraction
symboliste de la fin du XXe
siècle.
10. OLGA ROZANOVA
Installée à Saint-Pétersbourg en 1911,
Olga Rozanova est présentée aux côtés
des peintres du Valet de Carreau à
Moscou et aux expositions futuristes. Ses
œuvres comme ses textes théoriques
sont reconnus par ses pairs.
Elle affirme le tableau comme “réalité
indépendante” au-delà de l’imitation du
réel et défend l’intuition et l’individualité
dans l’acte créatif.
Rozanova théorise ces positions en 1917
dans son essai Cubisme. Futurisme.
Suprématisme. Elle se démarque de
Kasimir Malevitch par le rôle central
attribué à la couleur plus qu’à la matière
picturale et exalte sa luminosité dans ses
toiles abstraites de 1916-1918.
Elle meurt prématurément en 1918. En
1919, une rétrospective posthume, visitée
par 7 000 personnes, célèbre son œuvre
avant un long hiatus.
13. LIOUBOV POPOVA
Issue d’une famille de marchands
riches et cultivés, Lioubov Popova
rejoint Moscou en 1906 où elle étudie
la peinture. Elle s’inscrit à
l’Académie de la Palette à Paris en
1912 auprès de Jean Metzinger et
Henri Le Fauconnier et se familiarise
aussi avec le futurisme italien.
De retour à Moscou, elle élabore une
pratique cubo-futuriste et se
rapproche de Vladimir Tatline dans
l’atelier duquel elle travaille jusqu’en
1916.
En 1915-1916, Popova organise dans
son appartement des débats
hebdomadaires sur l’art auxquels
participent de nombreux artistes,
historiens de l’art et philosophes.
14. Elle se rapproche alors du
cercle de Kasimir Malevitch,
intègre son projet
d’association Suprémus et le
soutient financièrement.
Dès 1916, elle expérimente la
peinture sans objet dans une
série d’“Architectoniques
picturales” qui se
démarquent du suprématisme
de Malevitch par le
dynamisme plus affirmé des
plans picturaux et par leur
facture matériellement
prégnante, témoins de son
intérêt pour la peinture sur
bois des icônes comme de
ses échanges avec Tatline.
16. BARBARA
HEPWORTH
Barbara Hepworth fait ses études
au Royal College of Art à Londres, où
elle se fait une réputation de
spécialiste de la taille directe, ancrée
dans la tradition moderniste.
Dans les années 1930, elle partage
son atelier avec le peintre Ben
Nicholson, qui deviendra son mari.
Sa première Forme percée
biomorphique de 1932 est titrée
Abstraction à l’époque de sa
première présentation.
Hepworth exécute ses premières
sculptures totalement abstraites en
1934-1935, après la naissance de ses
triplés.
A Paris, la découverte d’artistes, de
Constantin Brancusi à Jean Arp en
passant par Piet Mondrian,
l’encourage vers l’abstraction.
17. Elle rejoint avec Nicholson le groupe Abstraction-Création. Ils deviennent des
acteurs-clés du mouvement international de l’art abstrait à Londres. Le couple
s’installe à St Ives en Cornouailles en 1939. Elle trouve dans les paysages une
source d’inspiration profonde. La Whitechapel de Londres lui consacre une
rétrospective en 1954 et la Tate en 1967. Reconnue de son vivant comme une
artiste majeure, bien que souvent comparée au sculpteur Henry Moore, Hepworth
a toujours rejeté le terme de sculptrice et voulait que l’on apprécie son œuvre à
l’aune de ses qualités plutôt que de son genre.
19. SOPHIE TAEUBER-ARP
Sophie Henriette Gertrude Taeuber
connue sous le nom de Sophie Taeuber-
Arp, née le 19 janvier 1889 à Davos, en
Suisse, et morte le 13 janvier 1943 à
Zurich, est une artiste, peintre,
sculptrice et danseuse suisse, ayant
participé aux mouvements dada puis
surréaliste avec son époux, Jean Arp.
Elle s'installe à Zurich en 1915, année
où elle rencontre Jean Arp et participe
avec lui au mouvement dada Son talent
de danseuse lui ouvre les portes du
Cabaret Voltaire
Pendant ces années au Cabaret Voltaire,
elle réalise une série de Têtes Dada qui
font partie de ses œuvres les plus
célèbres.
En 1931, elle entre dans le mouvement
Abstraction-Création et crée la revue
Plastique, dont cinq numéros seulement
paraîtront, de 1937 à 1939.
20. En 1940, le couple se réfugie en
Dordogne puis sur la Côte d'Azur. Et
en 1941 elle crée avec Sonia
Delaunay, entre autres, une colonie
d'art à Grasse (Alpes-Maritimes),
active jusqu'en 1943.
« Son œuvre comporte un grand
nombre de peintures et reliefs ainsi
que des œuvres d'art appliqués. Dès
1916, l'artiste réduit les formes à des
carrés et rectangles disposés […]
selon des horizontales et des
verticales : Compositions verticales.
Dans les années suivantes, elle
introduit des cercles. »
En 1995 entre en circulation un billet
de banque de 50 francs suisses, sur
lequel figure sa « tête dada ».
Elle repose au côté de son mari Jean
Arp et de la 2e femme de celui-ci,
Marguerite Arp-Hagenbach, au
cimetière de Locarno1.
Une voie du centre de Strasbourg
porte son nom, la rue Sophie-Taeuber-
Arp.
22. VERA PAGAVA
Peintre géorgienne exilée en
France, Vera Pagava se tourne
très vite vers les arts plastiques.
Elle est exposée pour la première
fois en 1944, au côté de Dora
Maar.
Bien que figurative, sa peinture
tend déjà vers l’abstraction : le
schématisme et les couleurs
restreintes de ses toiles
témoignent de sa volonté
d’atteindre une forme essentielle.
Qu’il s’agisse de portraits ou de
natures mortes, Vera Pagava se
concentre sur le jeu des motifs de
la toile.
Une réflexion qu’elle prolonge
dans les années 50 avec des jeux
d’optique où les motifs se
démultiplient et les plans se
confondent, non sans évoquer de
grands noms du cubisme.
25. VERENA
LOEWENSBERG
A 15 ans, Verena Loewensberg suit
une formation à l’Ecole des arts et métiers
de Bâle puis prend des cours de danse à
Zurich.
En 1935, grâce à l’artiste Max Bill, elle
entre en contact à Paris avec des artistes
du groupe Abstraction-Création et
notamment Georges Vantongerloo.
“En 1936, j’ai commencé à peindre des
tableaux concrets et je n’ai pas arrêté
depuis”, dit-elle. Elle est ensuite l’unique
femme au sein du cercle étroit des quatre
Concrets zurichois historiques avec Max
Bill, Richard Paul Lohse et Camille
Graeser. Bien que très structurées, ses
œuvres poétiques témoignent de son
originalité formelle et chromatique,
souvent inspirée par la musique.
Contrairement à ses homologues
masculins, elle ne reçut jamais le prix des
arts de Zurich ».
28. SALOUA RAOUDA
CHOUCAIR
Saloua Raouda Choucair est à
l’origine d’une forme d’art unique,
caractérisée par une fusion entre
des éléments typiques de
l’abstraction occidentale et de
l’esthétique islamique.
Elle commence à peindre à
Beyrouth avant de se former à Paris
dans les ateliers de l’Ecole des
beaux-arts et de Fernand Léger.
Très vite, elle joue un rôle de
premier plan dans l’Atelier d’art
abstrait d’Edgard Pillet et Jean
Dewasne. En 1951, elle présente sa
première exposition individuelle à la
galerie Colette Allendy et montre
ses œuvres au Salon des réalités
nouvelles.
On perçoit dans ses peintures de la
fin des années 1940, relevant d’une
abstraction géométrique, l’éclosion
de formes modulaires qui
imprègnent par la suite l’ensemble
de son travail.
31. C’est l’une des premières femmes inscrites à l’Académie des beaux-arts d’Istanbul
en 1920. A Paris, elle suit les cours de Roger Bissière à l’Académie Ranson. Mariée au
prince irakien Zeid bin Hussein, elle mène une vie cosmopolite. En 1948, ses premières
œuvres abstraites retiennent l’attention du critique Charles Estienne.
FAHRELNISSA ZEID
32. The Arena of the Sun (1954)
fait partie des grandes
compositions géométriques
colorées dont Zeid parle
comme d’une “lumière
découpée en facettes”.
Son travail, encensé au
Salon des réalités nouvelles,
fait l’objet d’une attention
internationale : elle est la
première artiste du Moyen-
Orient à bénéficier d’une
exposition à New York en
1950, et la première femme
exposée à l’Institute of
Contemporary Arts de
Londres en 1954.
34. JUDY CHICAGO
Sur une scène artistique dominée
par l’art minimal, la série de
performances Atmosphères de
Judy Chicago est tout à fait
originale. Des nuages de fumées
colorées, issus de feux d’artifice,
se répandent ici dans les
paysages californiens.
Cette projection de couleurs dans
l’espace répond au dripping d’un
Jackson Pollock jetant
“héroïquement” la peinture sur sa
toile.
L’abstraction colorée de Judy
Chicago se répand ici librement
dans les airs.
A l’instar des préoccupations
écoféministes reflétées par la
revue Heresies, les corps peints
évoquent ceux de figures
mythologiques, déesses allumant
des feux pour des rituels sacrés
37. BARBARA KASTEN
Barbara Kasten réalise au début de sa
carrière des œuvres textiles abstraites dans
lesquelles elle inclut des éléments
photographiques.
A partir de 1974, elle fait de la photographie
son médium principal. Influencée par Laszlo
Moholy-Nagy et Ludwig Mies van der Rohe et
par les environnements lumineux du
mouvement californien Light and Space, elle
photographie en chambre noire des
juxtapositions de morceaux de Plexiglas, de
miroirs, de verre, de planches de bois ou de
barres de métal sur lesquels elle projette
diverses lumières colorées.
La série Constructs fait partie de cette
abstraction géométrique hautement colorée et
composée de façon sculpturale, à laquelle
jeux d’ombres et de lumière confèrent une
dimension spatiale.