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SAINTS ETS
L’Arbre et la Foi
GUÉRISSEURS
CHAPITREII
«Un jour, sauvagement, j’ai pris l’arbre en mes bras
J’ai baisé son feuillage en prononçant tout bas,
Des mots que l’azur seul m’autorise à redire,
Des mots qui n’ont de sens qu’au moment du délire.
Puis nous nous sommes tus, longuement, tous les deux,
Et j’ai senti, sous moi, trembler le corps d’un dieu.»
Armand BERNIER,
Les Plaisirs et les Jours
95
en emportant de tems en tems quelques mor-
ceaux. La Vierge y a fait des miracles pour les
dérompus marchans à quatre pieds, reguéris
entièrement et on la sert aussi pour les fièbres et
autres accidens.»
Une chapelle fut consacrée le 1er
août 1607
par Mgr
de Bergh, trop heureux, en pleine
Contre-Réforme, d’encourager la piété «en ces
temps calamiteux et déplorables, esquels par les
hérétiques le Service divin est vilipendé.»
Un sort semblable échut au Chêne-d’entre-
deux-bois, jadis dressé au sommet du mont de
Péruwelz. D’une image de la Madone posée sur
son tronc était né un culte local autour de
Notre-Dame-du-Chêne-d’entre-deux-bois. Du
vieux chêne ne subsistait plus qu’un tronc
décrépit au début du XVIIe
siècle. Survient un
curé providentiel.
Solange Philippart évoque une sentence
rendue par la cour de Mons, le 29 décembre
1659:
«Maître Martin Lebrun, curé de Péruwelz,
récemment nommé à cette charge, s’intéressa au
culte rendu à la Sainte Vierge, dans le bois, sur le
Mont. Du chêne où était accrochée la statue, il ne
restait plus qu’une branche vivante, un hêtre plus
jeune l’ayant “enlacé”. Le curé fit élever une “pyra-
mide” avec des pierres trouvées sur place; dans le
bois du chêne, on tailla une nouvelle statue pour
remplacer la première qui était fort détériorée.»
Transformé en pieuses effigies, le chêne cède
la place à une chapelle en 1636. Achevée deux
ans plus tard, la voici consacrée à Notre-Dame-
de-Bonsecours par l’archevêque de Cambrai.
De leur côté, mus par une sorte d’atavisme
venu du fond des âges, les dévots emportent
l’un ou l’autre débris de l’arbre mort, auquel une
obscure croyance prête quelque pouvoir mer-
veilleux. Du reste, le père François, récollet, assu-
rera avoir connu une jeune fille guérie d’un
chancre par simple application d’une parcelle du
Chêne d’entre-deux-bois.
On rapporte aussi que la peste de 1648 épar-
gna les fidèles venus implorer Notre-Dame. Le
pèlerinage gagne en importance, les marchands
du temples accourent. Ainsi naît Bonsecours. En
1688 déjà, on aurait dénombré 8 000 pèlerins
pour le seul 29 septembre.
Rien n’étant trop vaste pour accueillir
pareille affluence, on finit par édifier en 1892
une basilique dont la tour lanterne abrite, à
41 m de haut, une statue de la Vierge haute de
2,55 m. Que de chemin parcouru depuis la rus-
tique statuette posée sur le chêne originel!
Le tilleul sanctifié
Très tôt, les évangélisateurs avaient eu l’in-
telligence d’assimiler le pouvoir d’attraction
exercé par les arbres sur les âmes simples. Et le
tilleul fut élu au titre d’Arbre-de-Vie…
De nos jours encore, le tilleul demeure le
compagnon privilégié de nos édifices religieux.
94
La chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, Oizy
Sa prédominance est incontestable en tant
qu’arbre cultuel. Calvaires, potales, chapelles,
églises, cimetières: le tilleul est l’arbre incon-
tournable, l’ornement obligé.
Telle est la suprématie du tilleul qu’on en
viendrait à oublier que sa présence n’a rien de
«naturel». La palynologie, qui étudie les pollens
fossilisés, confirme qu’à l’aube de la christianisa-
tion, le paysage forestier de nos provinces était
dominé par le chêne, le tilleul demeurant confi-
né dans un rôle très subsidiaire. Son omnipré-
sence dans les lieux consacrés ne peut dès lors
résulter que d’un choix délibéré.
À Oisy, localité qui surplombe la Semois,
deux tilleuls encadrent au carrefour de vieux
chemins, la ravissante chapelle Notre-Dame-du-
Bon-Secours, site classé depuis 1975.
Deux tilleuls, soit. Mais à l’origine, il n’y avait
là qu’une image de la Vierge posée sur un chêne,
une toute petite sculpture en terre cuite d’envi-
ron 20 cm de haut, semblable à celle de Notre-
Dame-de-Foy. Par deux fois on voulut la placer
dans l’église paroissiale, par deux fois elle rega-
gna son arbre. Refrain connu.
Pareille légende suscite la ferveur des âmes
simples et nimbe d’un halo nébuleux les origines
de la dévotion. Édouard Gérard (1932) évoque
cependant un document de Jean Choquier de
Saint-Martin, formant une «drève romantique» à
la crête du site du donjon et de l’ancien cimetière.
Menées de 1992 à 1993, des fouilles ont mis
à jour les vestiges d’une ancienne nécropole, sur
le site d’une première église du XIe
ou XIIe
siècle,
antérieure à la tour fortifiée, sans doute érigée
au début du XIIIe
siècle. À cette tour s’adossa une
nouvelle église, le donjon fortifié se muant en
clocher. Lui seul devait subsister car l’église fut à
son tour démantelée, au XIXe
siècle. Classée
depuis 1933, la tour Saint-Martin doit une
bonne part de son charme aux tilleuls actuels
qui forment, depuis deux siècles tout au plus, un
cadre végétal sur lequel se détache hardiment
son robuste plan carré.
Sur le plateau ardennais, le Hêtre de la Croix
Saint-Martin ou Hêtre de Nisramont présente
une appréciable circonférence (5,33 m). La posi-
tion qu’il occupe à un carrefour du ban d’Ortho
semble témoigner de l’ancienneté de la dévotion
manifestée ici à Martin de Tours, encore que la
planche 197/3 de la carte de Ferraris, signalant
bien un arbre au carrefour occupé par le hêtre
actuel, ne permet pas de vérifier sa dédicace à la
fin du XVIIIe
siècle.
C’est toutefois aux confins de la verte provin-
ce et du Grand-Duché que nous attend l’un des
plus anciens sites ardennais conservant l’emprein-
te de la christianisation primitive de cette région.
118
Non loin de Gembloux, Bossière était autre-
fois une très vaste paroisse, «que la tradition
considère comme la plus ancienne du pays»,
soutient C.G. Roland (1899). En 1912, Chalon y
signalait un chêne séculaire auprès de la cha-
pelle Saint-Pierre. Érigée dans le bois de
Golzinnes, sans doute au cours du XVIIIe
siècle,
elle occuperait l’emplacement d’un antique lieu
de dévotions où l’on a retrouvé des vestiges
romains.
À proximité immédiate, la source du ruisseau
Saint-Pierre était à l’origine placée sous l’égide
de Diane. Au siècle dernier encore, les pèlerins
venaient boire de l’eau de la fontaine Saint-
Pierre, censée prévenir ou guérir la fièvre, et
tourner trois fois autour de la chapelle, triple
giration qui suggère l’ancienneté d’une tradition
ancestrale, comme à Oisy.
À Bossière, le vieux chêne signalé par Chalon
est encore visible: étendu de tout son long,
depuis une bonne décennie au moins, à en juger
d’après le lent retour à l’humus originel. Le dia-
mètre de la souche suggère une circonférence de
6 m au moins. À quelques enjambées, l’un de ses
rejetons s’est fixé à la lisière: gageons qu’il
entretiendra le souvenir de son aïeul…
Les arbres Saint-Martin
Pour assurer son essor, le christianisme devait
s’implanter dans les campagnes. Saint Martin en
fut l’un des pionniers.
Né vers 316 en Pannonie (Hongrie), venu en
Occident comme légionnaire, disciple de saint
Hilaire, il fonde, près de Poitiers, le premier
monastère de la Gaule avant de mourir évêque
de Tours en 402. Si les patrons les plus anciens
sont la Vierge, Pierre et Paul, saint Martin sera le
plus populaire après la conversion de Clovis.
Selon Grégoire de Tours, Martin aurait fondé
des paroisses dans d’innombrables vici. On en a
dénombré pas moins de 235 en Wallonie. On ne
peut les associer à l’action directe de l’apôtre des
Gaules, mais pareille dispersion témoigne d’un
rayonnement certain.
Les archives ont conservé la trace de certains
arbres dédiés à l’apôtre des Gaules, tel l’Arbre
Saint-Martin, prédécesseur de l’actuel Arbre au
gibet à Boirs (> III).
Au sud de Houtain-le-Val, la carte IGN 39/7-
8 situe un Arbre Saint-Martin à un carrefour à
mi-chemin entre la ferme de l’Haye et la ferme
de Rêves. Il pourrait témoigner de la christiani-
sation primitive de cette région traversée par un
diverticulum unissant le bassin de la Ligne à la
grande chaussée romaine. Planté après la secon-
de guerre mondiale, ce jeune tilleul perpétue
sans doute une longue lignée. Il remplace en
tout cas un arbre déjà dédié à saint Martin,
signalé à la fin du XVIIIe
siècle par le cartographe
Ferraris (planche 80/2).
Un peu plus anciens sont les tilleuls qui entou-
rent la Tour Saint-Martin à Comblain-au-Pont.
André Nélissen (1967) signalait ces Tilleuls de Le Hêtre de la croix Saint-Martin, Nisramont
Book
Au détour d’un sentier, nous pénétre-
rons sur le site des Cinq Rocs, une
ancienne carrière remblayée où la
nature reprend vie petit à petit. Dans
cet espace ouvert qui offre de jolis
panoramas, vous avez déposé cinq
pierres, symboles d’archéologie indus-
trielle et de la sérénité retrouvée.
Fours à chaux et fours à bouteilles,
notre route croisera ou débusquera
ensuite quelques rares vestiges privi-
légiés de cette brillante activité écono-
mique, que voisinent désormais de
bien modernes installations.
Après avoir traversé Antoing et salué
le château des princes de Ligne, lon-
geant la gigantesque fresque déposée
sur le mur anti-bruit du TGV, vous nous
rappellerez votre engagement pour
rendre l’art accessible à tous: c’est
bien pour cette raison qu’en 1949 déjà,
vous fondiez, avec Louis Deltour et
Roger Somville, le mouvement «Forces
murales», conscient que la peinture
monumentale était un art populaire et
militant, qui pouvait toucher le cœur
des hommes. Respect des droits de
l’homme et de la nature guideront Que
vive la terre, que nous quitterons, l’es-
prit chargé de vos suggestions et de
votre désir de fraternité.
Nous poursuivrons notre belle échap-
pée dans une vaste plaine, autrefois
théâtre de la fameuse bataille de Fon-
tenoy, et quand viendra l’heure de
rejoindre le halage, nous nous souvien-
drons de la générosité de votre enga-
gement, de l’expression altruiste de
vos sentiments, du rêveur d’idéal que
vous étiez. Et, en guise de remercie-
ment, nous ne pourrons qu’approuver
votre profession de foi: «Il n’y a pas de
salut dans l’art et la culture en dehors
des chemins qui valorisent les hommes
et les grandissent.»
54 Péronnes-lez-AntoingLe beau vélo de RAVeL
!
Péronnes-lez-Antoing
Province du Hainaut
La balade
humaniste de
Dubrunfaut
Edmond,
C’est outre-Quiévrain que vous avez
poussé votre premier cri, au cœur des
Moëres que vous avez rendu votre
ultime souffle. Toute votre vie, votre
atelier a eu pour cadre la lisière de
la forêt de Soignes. De vos errances,
seule une terre a inspiré profondément
vos œuvres: celle du Pays Blanc. Une
contrée où vous avez passé votre jeu-
nesse et où vous vous êtes imprégné de
l’atmosphère carrier avant de le dé-
peindre avec cet humanisme qui vous
collait au pinceau.
Amoureux de la nature que vous célé-
briez avec beauté, vous aimiez flâner
sur les rives du Grand Large ou de
l’Escaut, ces étendues aquatiques mé-
tamorphosées par l’homme où débu-
tera notre balade. Une flânerie où bien
vite, nous roulerons dans le sillage de
vos œuvres. Ainsi, au rond-point de
Bruyelle, vous nous accueillerez et
nous emmènerez à la rencontre des
chemins et des hommes, croisant
notamment Le maître du train, La bate-
lière et Le cimentier. Ces céramiques
magistrales aux visages denses évo-
queront à la fois l’avenir des hommes
et la trace de leur passé. Et le passé de
la région, c’était la florissante industrie
de la pierre, développée depuis l’épo-
que romaine et dont l’apogée remonte
au début du XXe siècle, quand la chaux
et le ciment produits dans les chau-
fours prenaient toutes les directions du
globe.
ÉTAPE1
PÉRONNES-LEZ-ANTOINGPÉRONNES-LEZ-ANTOING PRÉSENTATION | PÉRONNES-LEZ-ANTOING
I Le parc archéologique
Dans un champ bordant la Nationale 52,
face à la sucrerie de Fontenoy s’élève un
parfait cône herbeux: ce tumulus, tom-
beau romain du milieu du IIe siècle, serait
la sépulture d’un haut dignitaire chargé de
superviser l’extraction de la pierre. La
particularité de ce tumulus est d’avoir une
base en tambour, rarissime dans nos
régions. Un ensemble de tombes gallo-
romaines, datant du VIIe siècle, a égale-
ment été reconstitué sur le site, pour ne
pas disparaître dans l’exploitation des
carrières.
Office du tourisme d’Antoing
18, place Bara – 7640 ANTOING
Tél.: 069 44 17 29
http://www.antoing.net
I La bataille de Fontenoy
«Messieurs des Gardes françaises, tirez
les premiers», ça vous rappelle vague-
ment quelque chose? Rappelez-vous
vos bons vieux manuels d’histoire! Cette
célèbre citation a en effet été prononcée
le 11 mai 1745 au cours de la bataille de
Fontenoy, sur le site où se dresse au-
jourd’hui la sucrerie… C’est là, dans cette
vaste plaine que se déroula une des plus
sanglantes batailles du XVIIIe siècle, oppo-
sant les troupes françaises aux forces
alliées, composées de corps autrichiens,
anglais, hanovriens et hollandais.
Fontenoy 1745 asbl – Hôtel de ville
19, place Bara – 7640 ANTOING
I La Croix celtique
Érigée en 1907 au centre du village de
Fontenoy, la Croix celtique
est le monument le plus
important commémorant
la bataille du 11 mai 1745,
et plus précisément les
soldats irlandais tombés
au combat. Elle est en outre
un des monuments irlandais
les plus emblématiques hors
de son pays d’origine. Sa base
est taillée dans du granit gris
d’Irlande, le socle dans du mar-
bre de Limerick et la croix pro-
prement dite dans du granit
bleu d’Irlande.
15Péronnes-lez-Antoing
!
Les lignes
88 et 88b
ÉTAPE1
14 Le beau vélo de RAVeL
La Belgique est la première nation à
édifier un railway en Europe. Dès 1835,
le maillage théorique du réseau est
dessiné et, le 5 mai, la première ligne
Bruxelles–Malines est inaugurée.
Les liaisons vers l’ouest (Flandre) se
concrétisent rapidement et celles vers
l’est se divisent en deux branches:
Prusse en 1843 et grand-duché de
Luxembourg entre 1854 et 1858. Par
contre, les liaisons vers la France sont
difficiles: de nombreux tracés différents
s’opposent et font l’objet d’innombra-
bles contestations de la part des élus
locaux.
Finalement, la France est atteinte pour
la toute première fois en 1842, par
Quiévrain–Blanc Misseron via Mons.
Dès ce moment, de nombreuses ramifi-
cations sont réalisées afin de desservir
une multitude d’industries régionales,
et principalement les charbonnages.
Au départ, la partie occidentale du
Hainaut est oubliée par le chemin de
fer. Une importante industrie de la
pierre et de la chaux, principalement
centrée dans le Tournaisis, s’y déve-
loppe cependant. Les pouvoirs publics
ne demeurent pas insensibles: face à
l’accroissement de cette économie, le
réseau ferré s’étend dans la région et…
devient le plus dense de Belgique!
Dès 1870, le rail supplante les voies
navigables et les canaux, trop lents
avec leurs bateaux dépourvus de mo-
teurs performants et encore souvent
halés par des chevaux. Les grands
axes au départ de Tournai (vers Lille,
Mouscron, Mons et Bruxelles) sont
opérationnels et tous à double voie.
Plus au sud, on s’affaire depuis 1879 à
un nouvel itinéraire vers la France.
Tournai–Saint-Amand est ainsi acces-
sible à l’exploitation le 9 juin 1881 via
Antoing et Bléharies.
L’extension du réseau ferroviaire de
l’État en Wallonie picarde atteint son
apogée dans les années 1880, au mo-
ment du plein essor économique du
bassin carrier.
Dès la fin de la seconde guerre mon-
diale, l’époque du déclin sonne pour
l’ensemble des lignes secondaires.
En 1956, la ligne 88 ne sert plus qu’au
transport de marchandises, des auto-
bus ayant pris le relais pour le trans-
port voyageurs. Il y a jusqu’à vingt bus
par jour pour desservir Antoing.
En 1997, quelques kilomètres de ligne
ont été aménagés en RAVeL le long de
la nationale 52 et permettent de relier
le centre d’Antoing au RAVeL 1, sur les
rives de l’Escaut.
Tournai | Antoing | Bléharies |
Saint-Amand-les-Eaux (F)
I La fête des Courges
Ne (sou)riez pas: depuis le printemps
2005, Antoing porte le titre de «capitale
wallonne du potiron»! À l’initiative de
cette appellation, l’asbl des Jardins bio-
logiques du Hainaut qui, depuis plus d’une
décennie, s’est spécialisée dans la valori-
sation des cucurbitacées et des légumes
anciens. Elle cultive ainsi au cœur du Pays
Blanc plus de six cent sortes de cucurbi-
tacées, diffuse des semences de variétés
anciennes et surtout, organise chaque
À DÉCOUVRIR AUSSI… | PÉRONNES-LEZ-ANTOINGHISTOIRE | PÉRONNES-LEZ-ANTOING
troisième week-end de septembre la fête
des Courges. Au programme de ce qui
est la plus importante collection de poti-
rons de Wallonie: cueillette et vente de
courges, dégustations, présence de
sculpteurs, artisans et producteurs
de légumes anciens, etc. Le tout,
bien évidemment, dans une
ambiance festive…
Jardins biologiques
du Hainaut
17, La Crinquaine – 7640 ANTOING
Tél.: 069 44 41 33
http://www.courge.be
31Donceel
§
30 Le beau vélo de RAVeL
Distance: 23,5 km
Départ: place de Haneffe
Accès: E40-A3, sortie 29 Waremme,
N69 et N65 Viemme | E42-A15,
sortie 6 Villers-le-Bouillet, N65 Viemme
Difficulté: familiale
ÉTAPE3
PARCOURS
TOPOGUIDE | DONCEEL
À tout seigneur, tout hon-
neur, c’est au cœur d’Haneffe
et précisément depuis l’Espace Royal
Guidon Hesbignon, la seule fanfare
cycliste belge, que nous prendrons le
départ de cette balade qui s’annonce
comme une des plus accessibles de
l’été: nous voulons garder notre souffle
pour fêter dignement son centenaire!
Cela tombe bien: cet espace est sur la
place du village, juste en face du café-
brasserie Le Vieux Haneffe avec ter-
rasse et vue sur l’église Saint-Pierre
ainsi que sur le site des Templiers.
0,1 km Quittez la place, en direction
de Seraing-le-Château, par la rue
Ribatte. Un léger faux plat vous permet
d’admirer, sur votre droite, les douves
du château des Templiers.
0,2 km Vous longez la ferme Schalem-
bourg spécialisée en produits du ter-
roir mais aussi en stages à la ferme et
fêtes d’anniversaire. Elle jouxte la fer-
me Degive, un magnifique bâtiment en
U qui date du XVIIIe siècle et qui est clas-
sée depuis 1963. Porche colombier,
bandeaux calcaires, toitures en chau-
me, ardoises et tuiles confèrent à l’en-
semble un remarquable cachet.
o km
0,4 km À la fourche, grimpez sur la
droite.
0,7 km Prenez l’épingle à cheveux sur
la gauche, vous êtes maintenant dans
la rue Morte Eau.
1,1 km Une plaque vous souhaite la
bienvenue dans Haneffe, puis vous des-
cendez, en découvrant sur votre droite
le Peschereeuw (appelé autrefois ri-
vière de Seraing-le-Château), affluent
de l’Yerne qui traverse le village. À cent
mètres de chaque côté de la route, il y a
deux sentiers parallèles, la Dicque et la
Brigade. D’après la légende, ils ont été
tracés au Moyen Âge pour permettre
aux seigneurs de Hardémont de sortir
de leurs terres sans se rencontrer
parce que cela provoquait toujours des
échauffourées au puits du moulin…
Praticabilité: à pied, à cheval, à vélo,
en chaise et en rollers
Dénivelé:
0 m 3000 m 6000 m 9000 m 12000 m 15000 m 18000 m 21000
210 m
195 m
180 m
165 m
150 m
135 m
120 m
13
Cela faisait longtemps que je l’attendais. À plusieurs
reprises déjà on l’avait annoncée, mais à chaque fois les
prévisions s’étaient avérées erronées.
Cette nuit enfin, dans un silence religieux, le ciel a semé
des pétales de nuage. Patiemment, avec une douceur
extrême, des milliards de flocons se sont déposés.
Il faut la voir, la blanche dame, lorsqu’elle a jeté son
dévolu sur la forêt. De son manteau immaculé, elle
recouvre tout le noir de l’hiver,
faisant presque oublier celui de
l’âme quand il nous écrase.
Pourtant bien présente, la froi-
dure est imperceptible, tant le
cœur s’enflamme devant le spec-
tacle du paysage vierge qui s’offre
à la vue. Même sans soleil, tout
n’est que lumière. Le bruit lui-
même est englouti par la poudreuse, comme si la neige
voulait tout effacer, tout garder pour elle.
Quand est grande son épaisseur, quand le vent fort l’a
plaquée contre les fûts avant de mourir, quand le froid
immobile la fige et que nulle trace ne troue son habit,
la première aube est toujours la plus belle.
Plus rien n’est comme hier, le paysage est méconnais-
sable, le dépaysement total; les points de repère sont
introuvables, les troncs d’arbres
masqués par une nouvelle forêt,
celle des branches courbant
l’échine sous le poids du doux
envahisseur.
Au pied des vieux résineux,
d’étranges monticules ondulent
sous la sombre frondaison,
évoquant un champ de bataille;
La blanche dame
2726
sont variées, allant du chant, merveilleux à entendre à
quelques pas, à l’offrande furtive de nourriture, en
passant par de fréquentes… scènes de ménage et des
pugilats violents!
Mais le comportement le plus caractéristique de l’es-
pèce est aussi le plus fascinant: la pêche dans les rapides.
Au départ d’un caillou, l’athlète se jette à l’eau preste-
ment, tantôt en se laissant dériver en surface, tantôt
face au courant en s’agrippant au fond du ruisseau.
S’accrochant aux galets et s’aidant des ailes comme de
nageoires, il faut le voir évoluer au milieu des vagues,
luttant comme un beau diable, plongeant avec force
puis remontant tel un bouchon de liège, avant de se
laisser emporter, visitant aussi bien les berges que le
milieu de la rivière.
De ses duels avec l’onde, le chasseur ramène le plus
souvent des larves de trichoptères, parfois des alevins.
Immortaliser dignement ces moments constitue un
véritable défi: les images obtenues illustrent le plus
souvent une lointaine et difforme tache brunâtre à
la surface de l’eau, un oiseau sans tête, un croupion
solitaire ou encore, cas le plus fréquent, un flou géné-
ralisé…
Les bords d’étang aussi sont fascinants.
Si la végétation aquatique y est libre de se développer
et que le calme règne, le grèbe castagneux peut y nicher,
déchirant régulièrement le silence de son joyeux hennis-
sement.
Qu’il subsiste à proximité une haute berge argileuse et
l’on aura beaucoup de chance d’observer le fabuleux
martin pêcheur, ce joyau de notre avifaune.
En Europe, rares sont les oiseaux arborant un habit à
ce point éclatant, une palette aussi nuancée de tons au
sein d’une même couleur. Pourtant, si son plumage
enflamme le regard de l’humain, la vitesse à laquelle il
se déplace au ras de l’eau fait en sorte que le bolide reste
généralement inaperçu du commun des mortels. En
définitive, c’est son sifflement perçant qui trahit le plus
souvent sa présence.Furtive offrande de nourriture Grèbe castagneux
8180
L’épervière piloselle est très bien adaptée aux sols instables car elle possède des racines
pivotantes et se multiplie par stolons. Le stolon est une tige qui provient d’un bourgeon,
il grandit couché sur le sol et s’enracine en produisant de nouveaux individus. Elle forme
rapidement des tapis denses et fermés. La pelouse sèche est piquetée d’espèces typiques
de la prairie, à large amplitude écologique, comme le fromental et la carotte sauvage qui
annoncent la lente évolution du groupement vers une prairie-friche.
S LA PRAIRIE-FRICHE À FROMENTAL
Contrairement à l’association végétale précédente, la prairie à fromental occupe des
substrats plus profonds qui retiennent mieux l’humidité. La prairie-friche se présente sous
forme d’herbes hautes, dominées par des plantes de prairie: le fromental, la carotte sau-
vage, l’achillée mille-feuille, l’armoise vulgaire… Dans la prairie-friche à fromental, les
espèces pionnières que l’on trouve en abondance dans les pelouses sèches se raréfient
au profit d’espèces de prairie ou de sous-bois. Dans ce groupement, au contraire des
pelouses sèches, les plantes qui vivent dans des conditions d’humidité moyenne (dites
mésophytes) dominent sur les espèces qui apprécient seulement les zones de grandes
56 57
Bourdon et églantier sur le terril des Pays-Bas Bourdon butinant une vipérine sur le terril des Pays-Bas
sécheresses (dites xérophytes). L’évolu-
tion de ces prairies est lente. Elles se
maintiennent pendant de nombreuses
années avant que ne se manifeste une
évolution vers des groupements fores-
tiers. Parfois, d’importantes plages de clé-
matites des haies et de ronces s’étendent
progressivement dans la prairie-friche.
S LES BOIS DE BOULEAUX
Avec le temps, les bois dominés par le
bouleau verruqueux adoptent une allure
de plus en plus forestière. Ils s’enrichis-
sent d’espèces telles que le hêtre, le
chêne pédonculé, le frêne commun, l’éra-
ble sycomore… En sous-bois, on observe
diverses espèces arbustives dont les
graines ont été dispersées principalement
par les animaux (dites zoochores): le
merisier, le sorbier des oiseleurs, le né-
flier, le sureau noir, le cerisier tardif… La
strate herbacée, jusque-là dominée par
des espèces pionnières, s’enrichit bientôt
d’espèces des bois comme l’épilobe en
épi, l’épervière vulgaire, la fougère aigle,
la canche flexueuse.
Ombelifère et insectes de la famille des syrphes
19
Chaque terril est unique. Chaque terril a son histoire et sa géographie propres.
Elles fondent l’incroyable diversité actuelle de paysages que l’on retrouve tout au
long de la veine de houille qui traverse la Wallonie.
Pourtant, tous sont nés en pollueurs: lorsque le charbon était extrait de la mine, des
roches inutilisables remontaient avec lui. Composés principalement de schistes et de grès,
ces déchets accumulés formèrent les terrils. Pour une tonne de charbon jusqu’à sept
tonnes de stériles: ce rapport est le chiffre d’or qui explique la naissance dans nos régions
de ces paysages uniques et entièrement artificiels.
Aujourd’hui, la chaîne des terrils s’étend sur 200 kilomètres de Bernissart au plateau de
Herve, en passant par le Borinage, Mons, Binche, La Louvière, Charleroi, Sambreville,
Flémalle, Liège et Herstal. Elle compte quelque 340 terrils de grande taille qui datent de
la révolution industrielle et des centaines de terrils mineurs qui lui sont antérieurs.
Jamais activité humaine n’a modifié ainsi le paysage. Amas de poussières sombres deve-
nus des géants aux profils de massifs naturels, les terrils ont constitué, au fil de la révolu-
tion industrielle, l’horizon vertical des cités minières.
d’un paysage
Genèse
«Si tel assemblage d’arbres, de montagnes,
d’eaux et de maisons que nous appelons
paysage est beau, ce n’est pas par lui-même,
mais par moi, par une grâce propre, par
l’idée ou le sentiment que j’y attache.»
BAUDELAIRE
Terrils de Charleroi
moire de l’activité minière: de l’autre côté
de l’autoroute on aperçoit le châssis à
mollette de Blegny et le terril d’Argenteau
voisin (voir encadré); de l’autre côté de la
Meuse, on aperçoit le sommet du terril en
combustion de la Petite Bacnure et en
amont, les fumées de refroidissement des
usines métallurgiques. Le flanc sud du
Hasard apparaît dénudé et noir. Il descend
en vagues terreuses jusqu’à un aplat den-
sément boisé.
Deux ou trois cents mètres plus bas, l’ari-
dité lunaire du terril se métamorphose en
bois de bouleaux, de chênes, de noise-
tiers et de châtaigniers où pousse une
masse invraisemblable de ronces, de fou-
gères et de graminées. Oiseaux et
insectes sont ici en nombre. Il faut s’as-
seoir quelques minutes sur un tronc mort
pour écouter le silence factice du sous-
bois: grattement de petits rongeurs, vols
de mésanges et d’hirondelles, et cet
oiseau frappeur qui sonne le passage du
temps comme un métronome… un
pivert! Un chemin de terre serpente
jusqu’au pied du terril. Les arbres s’accro-
chent à la pente avec des racines appa-
32 33
BLEGNY-MINE
À quelques kilomètres du terril du Hasard, le site de Blegny-Mine évoque l’héri-
tage «des gueules noires». On peut y faire l’expérience d’une descente à -30 et
-60 mètres dans un des puits de l’ancien charbonnage d’Argenteau Trembleur et
découvrir, accompagné des explications d’anciens mineurs, la vie au fond de la
mine. Fermé le 31 mars 1980, le site minier était le dernier encore en exploitation
dans la région liégeoise.
Le musée de la Mine, installé dans un bâtiment minier construit en 1816 – le Puits
Marie –, retrace huit siècles d’exploitation houillère. L’ère du charbon et son
exploitation industrielle a débuté dès le XIIe siècle à Liège. Le Puits Marie a servi
de puits principal jusqu’en 1887 et ensuite de puits de retour d’air jusqu’à la fer-
meture du charbonnage. Profond de 234 mètres, il est coiffé d’un chevalement
métallique et est entouré d’un vaste bâtiment à l’architecture industrielle remar-
quable.
Les responsables du site développent le projet de mise en valeur du biotope du
terril d’Argenteau qui le surplombe. Une mare didactique abrite une espèce rare
de crapauds accoucheurs, qui avait trouvé refuge dans une zone humide située
au pied du terril. Elle est accessible sous réserve d’être accompagné d’un guide
nature. Le projet de mise en valeur comprend, outre la mare, la mise en évidence
des étapes de la colonisation par la nature d’un terrain vierge et la reconstitution
d’un verger composé de variétés indigènes d’arbres fruitiers.
Lupins vivaces sur le terril Saint-Charles à Ransart
Voilà des années que j’en rêvais de ce livre qui rassemblerait des photos
de passion, de joies, de sensations et d’émotions intenses. De malédiction de météo nationale,
aussi: rien n’est en effet plus frustrant que d’attendre durant 364 jours «le» jour fatidique
pour n’obtenir finalement qu’un temps «à ne pas mettre un objectif dehors» et ainsi être forcée
de renoncer pour l’année en question! Je vous la recommande vivement, cette expérience très
enrichissante qui vous apprendra à acquérir cette vertu inestimable qu’est la patience. Ce livre,
conçu comme un recueil d’empreintes visuelles, traduit un vécu émotionnel instantané et fugi-
tif, avec – en filigrane – l’objectif de séduire les lecteurs pour qu’ils aient envie d’une escapade
à Binche le Mardi gras et partagent cette douce hystérie collective…
Ces photos méritaient d’être servies par un texte scientifique et rigoureux, qui nécessitait, selon
moi, un savoir et une rigueur méthodologique que je ne possède pas. Voilà pourquoi il m’est venu
à l’esprit d’obtenir ces informations «sérieuses» de la nouvelle directrice du musée internatio-
nal du Carnaval et du Masque de Binche, telle un vaillant petit reporter. Quelle n’a pas été ma
très agréable surprise (je ne pouvais décidément m’attendre à mieux) quand je l’ai entendue me
demander, après lui avoir présenté quelques clichés, si elle pouvait l’écrire avec moi, ce livre!
Christel, à qui tant de Binchoises ont confié leur fierté de faire partie de la cérémonie du carna-
val. Christel qui, comme moi, a partagé un temps cette frustration d’être empêchée rituellement
d’être «Gille». Qui, comme moi, transformant ce ressenti en moteur, en fit sa passion, notam-
ment en utilisant ce thème pour son mémoire en anthropologie. Au risque d’être la cible d’une
critique méthodologique non négligeable, à savoir que l’anthropologue doit idéalement garder
une distance avec son sujet d’étude. Or, comme moi, Christel y est plongée depuis sa nais-
sance: nous sommes toutes deux «Sang d’Binchou».
Quand un rêve devient réalité, c’est assez impressionnant, je dois le reconnaître… C’est bien
sûr à bras ouverts qu’on accueille une telle opportunité. Et avec un sourire (béat) jusqu’aux
oreilles, en sus!
Au regard de ma position particulière, à savoir être partie intégrante
de l’objet de ma propre recherche, il me fallait saisir à pleines mains l’opportunité de croiser le
travail esthétique de Nathalie avec mes recherches. Pourquoi? Parce que son regard pouvait enri-
chir le mien; parce que nos histoires se sont rapprochées aussi; parce que son parcours m’a
émue surtout. Pour l’anthropologue, la rencontre de deux Binchoises passionnées par leur ville
et par son emblème ne peut être le fruit du hasard: nous arpentions depuis des années les mêmes
ruelles, elle avait un objectif devant les yeux, moi, des concepts dans la tête. Notre socialisation
avait fait de nous des servantes du «dieu Gille», de notre cité et de son folklore… mais nous avions
emprunté, l’une et l’autre, des orientations plus marginales.
Nathalie, j’aurais pu la rencontrer plus tôt, l’interviewer et archiver son témoignage, ... mais c’est
elle qui fit le premier pas et c’est bien à sa ténacité que l’on doit l’aboutissement de ce projet.
Quelques mois après ma désignation à la direction du musée international du Carnaval et du
Masque, elle vint en effet me trouver et me présenta le résultat de nombreuses années consa-
crées à capturer avec acharnement les expressions de ses masques binchois. Ses nombreux
reportages et son expérience, finalement si proche de la mienne, m’ont définitivement conquise:
nos modes d’expression devaient collaborer, nos stratégies individuelles, qui nous permettaient
de participer au carnaval – activement et à notre manière –, allaient se compléter.
Nathalie
& Christel
10
de préparatifs précarnavalesques qui précèdent le carême chrétien. Ces préparatifs se
manifestent par différentes sorties dont les plus populaires sont les six dimanches
précédant le carnaval. Celles-ci sont de trois types: les «répétitions de batteries» où, dans
un premier temps, les sociétés auditionnent leur batterie dans leur local respectif;
les «soumonces en batterie» où, dès quinze heures, les sociétés sortent au rythme
des tambours et grosses caisses dans le cœur de la cité; et, enfin, les «soumonces en
musique» où un orchestre de cuivres vient se joindre aux batteries. Les participants
portent à cette occasion le costume du Dimanche gras de l’année précédente. Ajoutons
que les sociétés, réparties en deux groupes, ne sortent qu’une semaine sur deux. Autres
moments forts de ces semaines de préparation: les trois bals de carnaval (socialiste,
libéral et catholique) et la nuit des «Trouilles de Nouilles» (ou plus exactement «Trouilles
guenouilles») qui, dans la soirée et la nuit du lundi avant les Jours gras, voit déambuler
des groupes de costumes simples et souvent négligés. Ces personnes dépenaillées
tentent de repérer, dans un café ou dans une rue du centre-ville, une personne non
déguisée – et de préférence connue – afin de l’intriguer par des farces. À minuit, tout
le monde enlève son masque pour finir la nuit entre Binchois.
La dernière étape du carnaval dans l’intimité des Gilles est le «souper aux harengs» qui
est organisé par chaque société pour ses membres. Selon la tradition binchoise, ce souper
collectif doit se dérouler le mercredi des Cendres, début du Carême chrétien (ce qui
explique que l’on ne peut y manger de viande). Les harengs sont offerts par les tenan-
ciers du café qui tient lieu de local pour la société.
11
Le virus carnavalesque, à vrai dire,
ne quitte jamais, tout à fait,
le sang binchois.
Samuël Glotz1, Le carnaval de Binche,
Duculot, Gembloux, 1975, p. 11
Binche: une ville, une histoire L’escalier qui mène au Faubourg du Posty, extra-muros déjà et pourtant si proche
de la grand-place
Au détour d’une rue…
1 Samuël Glotz a été le conservateur du musée
international du Carnaval et du Masque depuis son
ouverture en 1975 et jusqu’en 1981.
2524
L’HÔTEL DE VILLE
L’emplacement de la «loge del ville» du XIIIe siècle est celui
qu’occupe l’hôtel de ville actuel. Même s’il conserve des
arcades gothiques du XIVe siècle, le bâtiment principal se
présente aujourd’hui – ainsi que son beffroi – dans le style
Renaissance que lui a donné le Montois Jacques Du
Broeucq en 1554, après le saccage de la ville par Henri II.
Occupé depuis le Moyen Âge par les magistrats de la ville,
il contient encore aujourd’hui un mobilier, des boiseries et
des vitraux d’inspiration Renaissance. Restauré à la fin du
XIXe siècle, l’édifice fut classé en 1936, et son beffroi au
bulbe baroque est inscrit depuis 1999 sur la liste du
patrimoine mondial de l’Unesco.
«Une réussite que ce concept de peinture et ce choix de motifs, selon moi. Ils représentent
des éléments du costume que porte le Gille le Mardi gras»
«Ces éléments picturaux ont procuré à certaines de mes
prises de vue, lors des rondeaux des Gilles sur la grand-place,
un arrière-plan particulièrement élégant et chaleureux»
[…] Pour mi Binche, c’est l’Éden,
c’est l’Paradis, c’est l’Ville aïu c’quon
vit l’mieux, èl pus à s’naise, èl pus in
famie. Pour mi Binche c’est tout,
c’est l’boudène du monde. […]
Charles Deliège
«Pour moi, Binche, c’est l’Éden, c’est le paradis, c’est la ville
où on vit le mieux et le plus à son aise, le plus en famille.
Pour moi, Binche c’est tout, c’est le nombril du monde.»
Christel Deliège et Nathalie Hupin
49
Plus qu’une fête, une cérémonie
Beaucoup plus qu’un simple divertissement annuel, le carnaval de
Binche est un rite à part entière dans lequel la sacralité occupe une place privilégiée et se
fonde sur des pratiques archaïques. Chaque Binchois connaît précisément le rôle qu’il
joue dans cette grand-messe du printemps, et la mission de la femme de Gille n’est certes
pas la moindre: c’est elle qui est chargée – sans y voir aucun asservissement – de mettre
le rite en place et de permettre son bon déroulement.
Dès quatre heures du matin, les Gilles – accompagnés d’un tambour (parfois d’une
caisse et/ou d’un fifre) – parcourent les quartiers, de maison en maison, allant «ramas-
ser» leurs compagnons. Ils constituent ainsi de petits groupes qui se déplacent toujours
en dansant pour se rassembler vers huit heures afin de fusionner et former la société
complète. Ils sont prêts, dès lors, à rejoindre la grand-place, chaque société respectant
un itinéraire bien déterminé. C’est au cours de ce périple qu’ils revêtiront leur masque
de cire, peu avant l’arrivée sur la grand-place pavée, pour un rondeau d’hommage devant
les portes de l’hôtel de ville.
«Longtemps j’ai envié ces hommes dont chaque
mouvement respirait autant la joie que la fierté du
dévouement à la fête»
61
Quelques chiffres
• Nombre de participants costumés le Mardi gras: ± 1100 dont ± 850 Gilles
chaque année
• Nombre de médailles pour les jubilaires: ± 50 chaque année dès 4 ans
officiellement jusque… 85 ans (le plus vieux à ce jour)
• Nombre de sociétés: 13 (10 de Gilles dont 3 de fantaisie (les Arlequins,
les Paysans et les Pierrots du Mardi gras)
• Poids du chapeau: ± 3 kg
• Location du costume par le Gille au louageur: ± 100 euros
• Location du chapeau et du costume par le Gille au louageur: entre 250 et
300 euros
• Coût de la fabrication d’un costume: ± 600 euros
• Coût de la fabrication d’un chapeau: ± 3000 euros
• Plumes nécessaires pour un chapeau: en moyenne entre 250 et 350 petites
plumes pour former 12 grandes plumes, ± 80 heures de travail
• Nombre de cloches sur l’apertintaille: 7 en moyenne
• Motifs sur le costume du Gille: ± 200 (couronnes, lions, étoiles, écussons,
drapeaux)
• Ruban pour les pèlerines, manche et pantalon: 150 mètres de ruban à
plisser
• Franges dorées sur la pèlerine: 540
• Oranges lancées par un Gille: ± 25-40 kg
• Airs de Gille: 26
Le rondeau est un moment intense de rassemblement. Il symbolise la fraternité
62
Majestueux parmi les siens
30
de cuivres), mais aussi d’organiser toute la logistique liée au «ramassage» des Gilles ainsi
que les différentes activités qui permettront, l’année durant, de récolter des fonds pour
alléger la dépense financière de ses sociétaires. En effet, la participation au carnaval pour
un Gille et sa famille représente un budget certain: cotisations à la société, confection
des costumes et frais afférents (champagne, huîtres, consommations, etc.).
Le Paysan occupe une place particulière dans mon cœur. Ayant suivi
toute ma scolarité au collège Notre-Dame de Bon Secours, l’école de cette société «de
fantaisie», j’ai passé six carnavals consécutifs derrière le groupe. Il est d’ailleurs assez logique
pour moi d’avoir photographié ces acteurs, qui portent le même masque que le Gille, excepté
la moustache de Napoléon III et la mouche. Les deux autres sociétés de fantaisie du Mardi
gras, les Pierrots (du Petit Collège) et les Arlequins (de l’athenée) arborent aussi un masque,
mais il est bien différent: il s’agit d’un loup noir.
Le Paysan est le costume emblématique de la société qui s’est formée
au sein du collège Notre-Dame. Ce n’est qu’en 1930 qu’il est adopté par tous les membres
de cette société apparue en 1897. Même si les origines exactes du costume restent
énigmatiques, les emprunts au costume du Gille sont évidents: le masque, le chapeau
orné de plumes d’autruche, les rubans plissés, le ramon et les oranges.
«La vie d’un jeune homme
de Binche
Ne peut pas durer longtemps
Il dépense en une semaine
Le revenu d’un an…»
Extrait de «Le petit jeune homme de Binche»,
l’un des vingt-six airs
Si le visage représenté par le masque du Paysan dispose des mêmes traits que
celui du Gille, il diffère par un point: pas de moustaches napoléoniennes
3736
de chaque mois, elle posait le pied dans une barque des douves du château sans que
l’on sût vraiment pourquoi. Une fois par an, à l’occasion de la procession mariale, les
habitants du village avaient l’occasion d’apercevoir l’impératrice. Elle faisait distribuer
des bonbons aux enfants et s’adressait quelquefois aux femmes de la région mais
jamais aux hommes.
En 1927, Charlotte s’éteignit en emportant ses angoisses, ses obsessions et ses rares
plages de bonheur. Boechout fut le théâtre de la plus étrange des Cours impériales.
Une cour fantasmagorique hantée de folie, de douleurs et de souvenirs lointains.
Guillaume Geefs acheva ses études en 1829, soit un
an avant l’indépendance du pays. Bénéficiant d’une
bourse, le jeune homme se rendit à Paris. À son
retour, il retrouva une Belgique indépendante et fut
nommé professeur de sculpture à l’Académie d’An-
vers. Dès le Salon de 1833, l’artiste réussit à faire
parler de lui grâce aux modèles du monument du
général Belliard et du monument funéraire de
Frédéric de Merode. S’affranchissant quelque peu du
néoclassicisme, Geefs ouvrit la voie d’un certain
réalisme. Il fut d’ailleurs un ami de Gustave Wappers.
Rapidement, le succès fut au rendez-vous et l’artiste
vint s’établir à Bruxelles. Devenu sculpteur du Roi, il
sculpta entre 1832 et 1836 les bustes de toute la
famille royale. L’artiste fut notamment chargé de
mouler le visage du petit Louis-Philippe, premier fils
de Léopold Ier et de Louise-Marie mort en bas âge.
En 1835, il en fit un très joli buste qui constitue un
des rares témoins de ce charmant petit garçon que
ses parents avaient affectueusement surnommé
Babochon. Ensuite, le sculpteur ouvrit un atelier et
accueillit des élèves. Il réalisa notamment le monu-
ment funéraire de la Malibran ainsi que les bas-
reliefs de la place des Martyrs. En 1850, on lui passa
commande de plusieurs statues de Léopold Ier. La
première était destinée à la Chambre des Repré-
sentants (1853). La deuxième reste la plus célèbre et
couronne toujours la colonne du Congrès. Cette
statue eut un tel retentissement à l’époque que
d’autres versions furent commandées par la Ville de
Namur, l’hôpital Saint-Pierre (aujourd’hui à l’Hospice
Pachéco) et le monument Léopold Ier à Laeken.
Accumulant les honneurs, Guillaume Geefs fut nom-
mé président de l’Académie royale et membre de
l’Institut de France. L’artiste mourut en 1883, peu
après la célébration du cinquantenaire de ce jeune
royaume dont son art reste indéfectiblement attaché
à la naissance.
GUILLAUME GEEFS, LE PREMIER SCULPTEUR
DE LA FAMILLE ROYALE
Il fallait un sculpteur habile comme Guillaume Geefs pour
perpétuer la mémoire du premier roi des Belges.
L’austère bâtisse aux allures médiévales fut le théâtre des dernières errances de l’ancienne impératrice du Mexique. Elle y vécut notam-
ment la Première Guerre mondiale alors qu’elle était le dernier membre de la famille royale en territoire occupé.
34 35
Autre témoin discret de la Reine, la chapelle Notre-
Dame de la Salette se trouve sur la route de Forzée,
à l’entrée de Mesnil-Église. L’édifice ne frappe pas
les imaginations. Frêle et immaculé, il est un peu à
l’image de cette reine méconnue et fragile. Il
possède un joli clocheton, une girouette en forme
de coq ainsi qu’un petit abri extérieur surmonté
d’un toit en ardoises. Sur le fronton, une inscription
nous en apprend un peu plus sur son histoire:
«1857 Dédié à à la Très Sainte Vierge en souvenir
de S.M. Louise Marie Thérèse Charlotte Isabelle
d’Orléans reine des Belges»
Pour l’anecdote, un détour par
Philippeville s’impose. C’est sur
la place de la ville que se trouve l’unique statue importante
dédiée à la première souveraine belge. Louise-Marie est coif-
fée de ses célèbres anglaises et tient un bouquet à la main.
Peut-être s’agit-il d’une évocation de son amour pour
les fleurs, elle qui fut une élève de Redouté, le célèbre
peintre des roses.
C’est à Philippeville que se trouve la statue de la première reine des
Belges qui fut particulièrement populaire auprès des plus défavorisés.
À L’entrée du village de Mesnil-Église, une petite chapelle
blanche érigée en 1857 rappelle le souvenir de la reine
Louise-Marie.
Charlotte à Boechout
ou la fin de l’errance
Le souvenir de Charlotte plane encore sur le
château de Boechout. Ce domaine de 93 hecta-
res qui est aujourd’hui une très belle réserve natu-
relle et qui accueille notamment le jardin
botanique national fut aussi l’ultime étape des
errances de Charlotte, l’impératrice tragique.
Après l’incendie de son château de Tervueren, il
fallut trouver une nouvelle demeure pour l’impéra-
trice et le choix de son frère se porta sur le château
de Boechout qui fut racheté au comte de Beaufort.
De 1879 à sa mort, Charlotte vivra là, en marge du
monde des hommes et de son époque. Léopold II
imposait aux dames d’honneur de lui faire parvenir un rapport hebdomadaire sur la
conduite de sa sœur. Le roi Albert aimait se rendre de bonne heure à vélo de Laeken
à Boechout où il prenait plaisir à discuter avec les palefreniers. Durant la Première
Guerre mondiale, l’envahisseur ne perturba pas sa tranquillité. N’était-elle pas la belle-
sœur de l’empereur d’Autriche, lui-même allié du Kaiser allemand?
Malgré la longueur de l’exil, on sait relativement peu de choses de la vie de l’impéra-
trice entre ces murs. Les domestiques ne pouvaient lui adresser la parole. Ils crai-
gnaient ses accès de fureur au cours desquels elle pouvait casser les objets les plus
divers et même s’en prendre à eux. Elle détruisait tout mais elle ne s’en prenait jamais
aux souvenirs de son cher Maximilien. Parfois, elle se mettait à jouer l’hymne mexi-
cain au piano. À d’autres moments, elle faisait preuve d’un calme imperturbable et
l’ambiance qui régnait au château n’en était que plus pesante encore. Le premier jour
L’infortunée Charlotte fut l’impératrice de tous les exils.
Après l’incendie de son château de Tervueren, elle trouva
un ultime refuge à Boechout.
4342
Le deuxième roi des Belges ne jugeait pas le palais royal digne de la Belgique,
c’est lui qui lui donna le visage que nous lui connaissons aujourd’hui.
de créer un nouveau palais. Cette solution aussi ingénieuse qu’économique séduisit le
souverain batave mais il fallut encore résoudre de nombreuses questions pratiques
(choix des architectes, mesures d’économies, etc.) avant que le palais ne soit achevé en
1829, soit une petite année avant la révolution…
Après son accession au trône, Léopold Ier en fit son palais. Il occupa le premier étage
de l’aile droite tandis que le rez-de-chaussée était dévolu aux bureaux.
À l’occasion du mariage du duc de Brabant avec Marie-Henriette, il fut question d’ins-
taller le couple au Palais ducal (aujourd’hui Palais des Académies). Le jeune Léopold
s’y opposa résolument, jugeant qu’il serait plus opportun d’investir dans la rénovation
et l’agrandissement de l’aile gauche d’un palais qui serait un jour le sien. Léopold Ier
était peu enthousiaste à l’idée de ces aménagements onéreux mais face à l’insistance
de son fils, il finit par céder. De retards en retards, les travaux commençaient à peine
quand survint la mort du Roi.
C’est l’architecte Alphonse Balat qui conçut le palais royal tel que nous le connaissons
aujourd’hui. Lors de son accession au trône, Léopold II et sa famille emménagèrent
naturellement dans l’aile droite. Il ne résida donc jamais dans la fameuse aile gauche
dont il avait pourtant souhaité avec tellement d’ardeur la rénovation et cette partie du
palais fut désormais réservée aux invités.
En 1877, la phase initiale des travaux était achevée et pour la première fois, l’édifice
méritait véritablement son épithète de «royal». Sous l’impulsion du souverain, la
superficie avait doublé et il émanait de ces aménagements une majesté encore
inconnue des lieux.
Il restait cependant à donner au palais une façade digne de ce nom. De nouveaux
retards manquèrent de faire capoter le projet mais l’entêtement du Roi était prover-
bial. Balat était décédé et ce fut l’architecte Henri Maquet qui se vit confier cette déli-
cate mission. L’escalier et le vestibule d’honneur prirent la place de l’ancienne rue
Héraldique de la période autrichienne. Dès cette époque, il constitua l’accès le plus
officiel au bâtiment.
Pour détailler l’espace qui évoque le mieux la personnalité de Léopold II dans le palais,
c’est sans nul doute du côté de la salle du trône qu’il faut se rendre. Le Roi était féru
Book
L’ARCHÉOLOGIE D’UNE CATHÉDRALE
NOTRE-DAME
DE TOURNAI
4
Douze siècles de témoins
archéologiques
L’ensemble des résultats obtenus conforte
bien la vue que le site de la cathédrale a été
le théâtre d’occupations humaines et de cons-
tructions successives, entre la période romaine
et le XIIe
siècle, lorsque fut édifiée la cathédrale
romane. En quelque sorte, sous le monument
actuel gisent les vestiges d’innombrables mo-
numents plus anciens.
Les traces de l’agglomération gallo-romaine du
Haut-Empire sont assez peu nombreuses parce
qu’elles ont été largement éradiquées sous
l’Antiquité tardive, qui s’avère être une période
de grand développement urbanistique. On note
des constructions successives: une aile de bâ-
timent et une domus.
Dans le courant du Ve
siècle, le site connaît une
évolution différenciée et s’illustre par un bâti-
ment élevé en opus africanum.
L’un des résultats les plus spectaculaires des
fouilles archéologiques consiste en l’identifica-
tion d’une basilique paléochrétienne.
À partir du début du Haut Moyen-Âge, le site
verra la construction et la reconstruction d’égli-
ses successives au même endroit. On note une
grande église carolingienne qui connaît un ré-
aménagement substantiel, puis une première
cathédrale, bâtie après l’An Mil.
I Les fouilles archéologiques
Les fouilles archéologiques de la cathédrale et
de son environnement ont été conduites par le
Centre de Recherches d’Archéologie Nationale
de l’UCL, à partir de 1986. Une première cam-
pagne d’exploration a été entreprise en 1986
dans le sous-sol de la place de l’Évêché. À l’oc-
casion de la mise en restauration du porche de
la cathédrale, des sondages furent entrepris en
1991 à l’extérieur de l’édifice. En 1996, furent
lancées les premières reconnaissances au sein
de la cathédrale elle-même. Ceci constitua le
point de départ de divers programmes pluri-
annuels, établis de commun accord avec la Ville
de Tournai (anciens cloîtres), la Province de
Hainaut (études de stabilité et stabilisation de
la tour Brunin) et le Ministère de la Région wal-
lonne, dont le Direction de l’Archéologie assura
régulièrement le financement. Les opérations
en question se sont poursuivies, sans presque
aucune discontinuité, pendant dix ans, entre
1997 et 2007.
0 5 10 20
Haut-Empire romain I
Haut-Empire romain II
Bas-Empire romain I
Bas-Empire romain II
Édifice en Opus Africanum
Paléochrétien
Mérovingien
Haut Moyen-Âge
Carolingien I
Carolingien II
An Mil
Roman: XIIe s.
Les douze siècles de témoins
archéologiques révélés par
les fouilles archéologiques et
les plans des édifices
principaux. Les codes de
couleur utilisés permettent
de différencier les périodes
ou les bâtiments.
5
S 23
1 2
3
4
5
6
7
8
9
0 10 20 m
Vue sur le chantier
archéologique du cloître
(1997-1999).
archéologiques, une exploration exhaustive du
site n’était pas envisageable.
Le bilan général des fouilles entreprises dans
l’environnement de la cathédrale reste à écrire;
une publication d’ensemble des résultats est
en cours de réalisation, tandis que dans le
grand projet de restauration de l’édifice qui a vu
le jour, est inscrite la volonté de conserver et
de montrer au public une partie significative
des structures archéologiques mises en lu-
mière.
La recherche archéologique
Si l’intérêt particulier porté au sous-sol ar-
chéologique urbain de Tournai par les cher-
cheurs est avéré de longue date, la cathédrale
et son environnement immédiat n’avaient ja-
mais été le théâtre de grandes investigations.
Au XVIIIe
siècle, le chanoine Denis-Dominique
Waucquier aborde deux problèmes liés au
sous-sol de la cathédrale: les fondations qui
réunissent les bases des colonnes et la ques-
tion hasardeuse de l’existence d’une carrière
d’extraction de la pierre destinée à la construc-
tion de la cathédrale située place du Marché-
aux-Poteries. Il pose donc indirectement le
problème de l’état du sous-sol et du niveau de
la roche, si préoccupant pour ceux qui ont été
en charge de la mise en stabilité de la cathé-
drale. En 1932, un sondage profond exécuté
dans le transept à l’entrée du chœur gothique
a permis d’atteindre la roche à une profondeur
de 8,90 m. En 1942, l’espace du cloître rendu
accessible par les bombardements de la guerre
a suscité quelques fouilles produisant du mobi-
lier gallo-romain et mérovingien; des fouilles
ont également été organisées dans les jardins
de l’évêché.
Dès le moment où la question s’est posée de la
restauration de l’édifice, les archéologues ont
répondu de manière positive: une première
campagne de recherches a été conduite place
de l’Évêché, en 1986; puis en 1990, vint la mise
en restauration du porche qui s’accompagna de
sondages archéologiques divers autorisant
notamment la première reconnaissance des
fondations de la cathédrale romane et la dé-
couverte d’une chapelle épiscopale.
À partir de 1996, se concrétisent des pro-
grammes d’études préalables à la mise en sta-
bilité du bâtiment. Dès ce moment, ingénieurs
en stabilité et archéologues travaillent en-
semble. Les seconds récoltent beaucoup d’in-
formations dans des sondages profonds et
malheureusement toujours trop étroits, entre-
pris à l’intérieur et à l’extérieur de la cathé-
drale.
Une archéologie, diversifiée dans ses formes
d’intervention, va naître par la suite. Quelques
enquêtes archéologiques préalables aux tra-
vaux d’aménagement des espaces entourant
l’édifice sont programmées, comme celle du
cloître, fouillé de 1997 à 1999 ou du Quadrila-
tère, examiné en 2000. L’intérieur de l’édifice
religieux a été plus largement étudié à l’occa-
sion des travaux de stabilisation de la cathé-
drale, des opérations de stabilisation de la tour
Brunin, puis de deux fouilles programmées,
très largement soutenues par la Province du
Hainaut et surtout par le Ministère de la Région
wallonne, Direction de l’Archéologie. Ces der-
nières ont été entreprises dans la nef nord, à
partir de 2002 et, dans la nef centrale, à l’em-
placement des anciens chœurs, de 2005 à 2007.
De la sorte, le potentiel archéologique gisant
sous la cathédrale romane a pu être effective-
ment évalué dans de bonnes conditions: 40%
de la surface des nefs ont été examinés, contre
25% de la surface dans le transept. Vu la pro-
fondeur à laquelle se trouvaient les vestiges
Les zones fouillées dans
la cathédrale et son
environnement: 1 à 9.
14
L’état le plus ancien est lié à l’édifice à hypo-
causte du Bas-Empire, évoqué plus haut, con-
crétisé par un mur extérieur épais, chaîné de
lits de tuiles.
L’aménagement de la basilique paléochré-
tienne à cet endroit a connu deux stades.
Dans un premier temps, on a retravaillé le mur
ancien pour y ouvrir deux petites portes laté-
0 5 10 20 m
rales et une porte axiale plus grande. Ces
ouvertures sont chacune desservies par un
escalier posé contre le mur ancien. Nous con-
servons, au nord, le seuil qui marque l’empla-
cement de la première porte latérale, tandis
qu’au sud, une partie du pied-droit de cette
porte est encore visible.
Dans un second temps, il a été question d’un
rehaussement du niveau de circulation dans
la nef, condamnant l’usage des escaliers et
entraînant la réfection de la porte centrale
dotée cette fois de deux bases de colonnes à
profil biseauté insérées dans la muraille. Ce
sont des blocs monumentaux de récupération
en pierre calcaire arrachés à un monument
gallo-romain. Les accès latéraux sont alors
condamnés.
Des éléments de sols très significatifs ont été
enregistrés tant dans la nef que dans le chœur
de la basilique paléochrétienne.
Dans la nef, le sol le plus ancien recourt à l’em-
ploi d’un dallage calcaire et d’un béton rose. Le
second sol est constitué par de l’argile damée.
Dans le chœur, dont nous ne connaissons mal-
heureusement pas les dimensions, nous som-
mes en présence d’un béton de sol épais à base
de chaux et de tuileau réaménagé plusieurs
fois.
Cette église paléochrétienne, datée du Ve siècle,
revêt donc une importance historique particu-
lière.
Bases de colonnes encadrant
l’ouverture centrale du chœur
de l’église paléochrétienne.
Ci-contre et en bas à droite:
bases d’escalier conduisant
de la nef centrale vers le
chœur.
Plan de l’église
paléochrétienne (première
phase).
15
L’occupation mérovingienne
En matière d’archéologie chrétienne, la pé-
riode mérovingienne au sens strict est
concernée par deux édifices au moins: la basi-
lique paléochrétienne elle-même, érigée à la
transition entre l’Antiquité tardive et la période
suivante et sans doute remaniée dans le cou-
rant du VIe siècle et la basilique qui lui succé-
dera, dite du Haut Moyen-Âge, parce que sa
date d’érection n’est pas précise.
Peu de matériel archéologique a été récolté
lors des fouilles pratiquées dans les édifices re-
ligieux anciens, ce qui n’aide pas à établir des
séquences chronologiques très précises à leur
propos.
En revanche, un dossier extrêmement riche
pour cette période a été réuni pour les zones
qui environnent les édifices eux-mêmes.
Les rares contextes construits découverts ne
reposent pas directement sur les niveaux de
l’Antiquité tardive. Ainsi en est-il d’un foyer,
contenant beaucoup de céramique mérovin-
gienne, un manche de couteau en os
taillé avec décor d’ocelles, de la
verrerie; il a été appuyé contre le
mur longitudinal nord de la gale-
rie de la basilique paléochré-
tienne où l’on a improvisé un
conduit de cheminée. La porte
percée dans ce même mur a
également été oblitérée, car un mur en
pierres sèches a été construit sur le seuil
antique ou plutôt sur un niveau sédimen-
taire qui le surmontait. Tout indique que
la basilique paléochrétienne a subi quel-
ques dommages à ce moment.
Dans la zone des cloîtres anciens, et au
sein des contextes de terres noires, une
grande quantité de céramiques fines et
grossières a été rassemblée. Il s’agit de
céramiques notamment biconiques som-
bres et lissées, portant souvent un décor
au poinçon et plus rarement à la mo-
lette. La céramique culinaire grossière
est également bien représentée.
Il est aussi question de la découverte impor-
tante de traces de l’artisanat du bois de cerf, du
verre, du bronze et de la production de fibules
notamment.
Le travail de l’os et du bois de cerf est repré-
senté par plusieurs objets finis et par nombre
de déchets de débitage ou de sciage. L’artisanat
le plus évocateur est celui de l’orfèvre qui a
fondu des pièces en bronze assez variées,
comme des accessoires de ceinture et surtout
des fibules ansées et digitées. Une trentaine de
fragments de moules de ce type figure parmi
les trouvailles les plus spectaculaires. L’en-
semble de ces données nous ramène à une
fourchette chronologique essentiellement si-
tuée dans la période 470/480-550/560.
En outre, la célèbre couche des terres noires,
sédiments accumulés à hauteur de la zone des
anciens cloîtres, est déterminante pour la com-
préhension de celle-ci. Elle scelle le site et
marque un temps d’arrêt avant une réap-
propriation de celui-ci, que l’on ne
peut pas reconnaître avant la pé-
riode carolingienne.
De nombreuses études tant pa-
lynologiques qu’archéozoologi-
ques ont été conduites sur la
composition paléoenvironne-
mentale de ces sédiments. Elles
offrent des points de repère de grand inté-
rêt pour la compréhension de la période de
transition entre Antiquité et Moyen-Âge.
Mobilier mérovingien retrouvé
dans les «terres noires»,
comme reflet d’artisanats
locaux. À gauche: objets en
bois de cerf. Au milieu: fibule
en bronze et moules de fibule
ansée et de boucle. À droite:
céramique ornée.
La couche des «terres noires»:
strates superposées scellant
l’occupation du Haut Moyen-
Âge.
Foyer d’époque mérovingienne.
BROCHURE
Depuis les origines de Bruxelles, la colline du Coudenberg est lieu de
résidence seigneuriale. Dominant la ville, la demeure des ducs de Bra-
bant connaîtra un développement remarquable, au point de devenir
un palais à la mesure de ses hôtes, dont le plus prestigieux n’est autre
que l’empereur Charles Quint.
Ravagé par un incendie en 1731, ce palais sera presque totalement
détruit une quarantaine d’années plus tard pour céder la place au
Quartier royal que nous connaissons encore aujourd’hui.
Depuis lors, ce quartier voulu par Charles de Lorraine, gouverneur des
Pays-Bas, abrite les institutions les plus prestigieuses du pays – palais
royal, Parlement, Académie, musées… – et perpétue l’héritage de l’an-
cienne cour.
Redécouverts voici trente ans, les vestiges conservés de ce palais sont
aujourd’hui présentés dans un site archéologique accessible au public
et constituent un sujet de recherche privilégié des archéologues, histo-
riens et historiens de l’art.
Dans cet ouvrage richement illustré, une trentaine de chercheurs ont
uni leurs compétences pour renouveler la vision de ce site prestigieux.
LE PALAIS DU
À BRUXELLES
COUDENBERG
S520082
ISBN 978-2-8047-0156-7
éditions éditions
éditions éditions
éditions éditions
LEPALAISDUCOUDENBERGÀBRUXELLES
LE PALAIS DU
À BRUXELLES
COUDENBERG
éditions
éditions
éditions
32
bRuxEllES Et lE cOuDEnbERg :
DES RElAtIOnS AMbIguËS
impossibles à définir: ainsi apparaissent les résidences princières aux auteurs de la plus monu-
mentale des sommes consacrées à leur histoire1
. L’implantation et la vie d’une résidence princière
comportent des facettes si nombreuses, traduisent des phénomènes si complexes qu’on ne peut
les caractériser aisément. Chaque résidence possède par ailleurs des éléments qui lui sont spéci-
fiques. La complexité des raisons qui sous-tendent l’implantation et le développement du centre
de pouvoir que fut le Coudenberg, ses particularités parfois surprenantes en font un sujet d’étude
difficile mais passionnant. nous nous attacherons sinon à mettre en évidence quelques clefs de
lecture de ce site majeur de l’histoire bruxelloise, du moins à souligner quelques questions aux-
quelles tentent de répondre les chapitres qui suivent.
un pAlAIS SuR lE cOuDEnbERg?
Le terme palais évoque une série de sens, se recou-
pant parfois ou n’étant pas toujours d’une précision
extrême, mais qui ne se situent pas moins dans un
contexte clair et défini2
. Le «palais» est d’abord, à
rome, le siège du pouvoir de l’empereur. Lorsque
celui-ci délègue partie de son autorité aux souve-
rains mérovingiens, ceux-ci adoptent pour leurs
résidences le terme de «palais», qui est dès lors
également utilisé pour celles des empereurs caro-
lingiens. à partir de ceux-ci, toutefois, le terme de
palais n’est plus le seul utilisé pour identifier les
résidences royales et impériales. Trois siècles plus
tard, Frédéric ier
barberousse (empereur 1155-1190)
revendique le caractère impérial des palais et les
associe aux droits régaliens, alors même qu’il ne
tient pas pour régalien le droit de fortification. si
l’acte du souverain staufen montre que le palais
n’est plus, à son époque, le monopole du souve-
rain, roi des romains ou empereur, c’est en italie
essentiellement que les droits du souverain ont subi
cette érosion. dans le reste de l’empire, auquel le
brabant et bruxelles appartiennent, les «palais»
ou Pfalzen demeurent associés au détenteur du
pouvoir souverain. si l’empereur peut nommer ses
«résidences» par d’autres vocables que par palatium,
celui-ci, jusqu’à la chute des staufen, ne s’applique
qu’à l’habitat de l’empereur ou du roi des romains.
Les évêques de Liège qui, les premiers, reçoivent
d’otton iii (règne 983-1002) les droits régaliens sur
cHApItRE 2
Michel de Waha
des comtés, devenant ainsi princes-évêques et qui
sont dans nos régions les zélés représentants du
pouvoir impérial ne désignent pas à l’époque leur
résidence par le terme de palais3
.
il n’est donc pas question de palais stricto sensu à
bruxelles, jusqu’à Charles Quint, ou plus justement
jusqu’aux ducs de bourgogne, car ceux-ci, d’origine
française et pratiquant une politique d’ostentation
du pouvoir on ne peut plus manifeste, conçoivent
leurs résidences comme des palais et peuvent les ap-
peler ainsi. Mais ces ducs d’une part descendent di-
rectement de la maison royale de France et d’autre
part aspirent au titre royal.
Que palatium ne désigne pas le centre du pouvoir
comtal puis ducal à bruxelles ne signifie pas que ce
qui s’édifie sur le Coudenberg ne présente pas les
caractéristiques propres à un palais: entre renoncer
au mot et abandonner la réalité de la chose, il y a
une marge! en d’autres termes, les «palais» servent
de modèles aux comtes et ducs pour leurs propres
résidences, exactement comme le sceau d’abord
réservé aux rois et empereurs est au 10e
siècle uti-
lisé par les évêques, puis au 11e
siècle par les princes
territoriaux.
Les recherches menées un peu partout en europe
montrent4
que les résidences princières s’organisent
autour de trois pôles: un pôle religieux, la capella, un
pôle administratif et de prestige incarné par l’aula,
enfin un pôle défensif symbolisé par la turris, qui
peut également renfermer des éléments résidentiels.
Cette typologie fournit un canevas d’interprétation
332. bruxelles et le coudenberg : des relations ambiguës
Peter Van den Clooster, miniature extraite de Oorspronck der gulde van S. Jooris binnen de Stadt Brussele, 1651.
118
Plusieurs brocs produits à Bouffioulx à la fin du 16e
siècle ont été découverts dans
une ancienne cave à vin (salle n° 19 du plan page 82). Certains sont ornés d’une tête
d’homme barbu, motif en vogue à l’époque. Un autre permet de restituer le millésime
«1592» et de lire le nom «JACOB».
Les verres à pastilles sont le plus couramment utilisés à la Renaissance. La coupe
tronconique des Berkemeier du 16e
siècle devient ovoïde au 17e
siècle pour les Römer.
Cruches et verres de la seconde moitié du 16e
siècle
Michel Fourny
Broc en grès orné d’un médaillon et d’un mascaron barbu d’un type produit à Bouffioulx vers 1600.
Fragment de broc en grès orné d’un médaillon portant la
marque du potier de Bouffioulx, Jacques Bertrand Visnon. Verres Berkemeier du 16e
siècle.
119
00 10 m
0
AB
C
D
6. du palais ducal au palais impérial
A. Corps de logis; B. Chapelle; C. Aula Magna; D. Bâtiment d’entrée
vers 1600, de pourvoir l’aula Magna en eau cou-
rante22
. L’aménagement d’une citerne (n° 5 du plan
ci-contre) et d’un bassin (n° 6) dans le niveau tech-
nique intermédiaire de l’aula Magna ainsi que de
son système d’évacuation des eaux usées jusqu’à la
rue, à travers le couloir et la grande cuisine, pour-
rait dater de cette époque.
Uniformisation du corps de logis
Lors des fouilles à ciel ouvert de la rue royale entre
1997 et 2000, deux massifs de fondation rectangu-
laires (n° 10) ont été retrouvés alignés parallèle-
ment à la façade du 15e
siècle (voir plan ci-contre).
non directement datables par eux-mêmes, ils sont
néanmoins identifiables aux piliers de la galerie de
passage couvert qui double toute la façade du corps
de logis du côté de la cour intérieure. aucune des
vues sur cette façade n’est antérieure au 17e
siècle et
toutes montrent la galerie. parmi les plus anciennes,
la gravure Aula bruxellensis format interior (voir re-
production page 83) fut éditée à bruxelles en 1646
dans Eryci Puteani Bruxella… et celle intitulée Curia
Brabantiæ. La cour de Brusselles à amsterdam en 1649
dans un ouvrage de Joan blaeu. Quant à la gravure
Antiqua praepositura S. Jacobi de Frigido Monte due
à david Coster (voir reproduction page 65), elle
figure dans l’ouvrage d’antoine sanderus, Choro-
graphia sacra Brabantiæ, paru à bruxelles en 1659 et
réédité en 1726-172723
.
Comme l’a noté andré Vanrie, la première men-
tion reconnue de cette galerie remonte à l’année
1623, lors de la mise en œuvre des parachèvements
de sa partie supérieure (étanchéité et balustrade). il
est précisé qu’elle a 210 pieds de long sur 10 de large
(environ 58 m x 2,75 m), cette dernière mesure cor-
respondant parfaitement aux données de fouille.
Lorsqu’il en est question quelques années plus tard,
en 1628, elle est d’ailleurs désignée comme la «gale-
rie nouvelle» située aux «bailles internes» 24
.
16e
siècle 17e
siècle
 Structures des 16e
et 17e
siècles découvertes en fouille.
 Curia Brabantiae. La cour de Brusselles, gravure anonyme publiée
en 1649 dans l’Atlas de Joan Blaeu. Une longue galerie couverte
double le corps de logis sur toute sa longueur du côté de la cour
intérieure.
2059. Le parc et Les jardins
L’ingénieur français Jérôme Hardouin effectue
des travaux dans la Feuillée dès les années 1596-
1599. Les archiducs souhaitent en effet y instal-
ler de nouvelles pièces d’eau et des statues. des
comptes conservés, il ressort que de Caus y est
chargé du réseau de distribution des conduites et
de la répartition des fontaines. La Feuillée est réa-
ménagée avec un grand raffinement. des bassins
ronds, carrés, rectangulaires et en forme de losange
y sont disposés sur un certain nombre de terrasses.
L’eau de ces bassins est ensuite acheminée par des
conduites souterraines vers l’étang entourant le pa-
villon en bois de Charles Quint. au nord de celui-ci
se dresse une fontaine en marbre couronnée d’un
cupidon en bronze, œuvre du sculpteur Jérôme
duquesnoy l’ancien79
. sous cette petite statue,
quatre escargots déversent de l’eau dans un bassin
rond. sous celui-ci, l’eau s’écoule par un second
tuyau vers une fontaine suivante avec un satyre en
bronze assis sur le dos d’une tortue. Cette fontaine
plus petite est réalisée par le célèbre sculpteur Jean
de boulogne ou giovanni da bologna (1524-1608)80
.
Les figures présentent une concordance avec une
statue que Valerio Cioli réalisa vers 1550 pour le
jardin de boboli à Florence, où salomon de Caus
avait participé à la construction de la fontaine de
l’océan81
. La statue de Cioli représentait une figure
de bacchus – le nain-bouffon Morgante – assis sur
une énorme tortue.
une série de dessins anonymes des archives géné-
rales du royaume font apparaître que les conduites
d’eau à partir de la deuxième grotte se ramifient tant
vers la Feuillée que vers le nouveau jardin d’en haut
(Hoogen Hof) récemment aménagé. une partie du
Hoogen Hof est transformée en terrasses et en pièces
d’eau. sans doute la troisième grotte voit-elle le jour
dans la foulée. ses concepteurs, dont salomon de
Caus, cherchent à obtenir un raccordement opti-
mal de la conduite centrale à ces nouvelles grottes
et fontaines82
. C’est là aussi que se situe ce que l’on
appelle le jardin ou parterre de France, où, selon les
vœux de l’archiduchesse, des marguerites et des vio-
lettes sont plantées en 1608. L’horticulteur chargé
de ces plantations est gilles de roybaert, jardinier
du château de Mariemont. il est assisté dans son tra-
vail par les jardiniers poelmans, Van den broeck et
soelinx83
.
La Maison de l’empereur, laissée à l’abandon,
est réaménagée en 1600. Le jardin est réorganisé et
les dessins qui ont été conservés y ont peut-être
trait84
. Cette année-là, les travaux vont bon train.
La Feuillée est rénovée, la roseraie et les haies sont
replantées et taillées, et la glacière du vignoble fait
l’objet d’un grand entretien.
Longtemps après le départ de salomon de Caus,
l’archiduchesse isabelle commande de nouvelles
statues pour le jardin. en 1621, les sculpteurs Jé-
rôme duquesnoy l’ancien et nicolaes diodona
livrent ainsi deux lions et un dragon en bois. ils sont
placés au-dessus d’un bassin aquatique en pierre
bleue, dans la grande galerie85
. une nouvelle grotte
avec une statue en marbre de saint Jean-baptiste
est érigée en 1625 près du pont en bois menant à
la Feuillée. Cette grotte est ornée de miroirs. L’uti-
lisation de miroirs dans le jardin est évoquée égale-
ment dans le récit de voyage de Jean Fontaine, qui
visite le palais et le jardin en compagnie de Louis
schonbub en 1628. il écrit:
Du chasteau on va descendre au jardin en carosse si on
veut, et trouve on en descendant à droite un miroir si ar-
tistement mis qu’on peut voir ce qu’il y a de l’autre costé
Plan de la fontaine de la
Feuillée, début du 16e
siècle.
206
Des centaines de fragments de statues en
terre cuite ont été retrouvés lors des fouilles ar-
chéologiques dans les caves du corps de logis
du palais. Ils avaient été déversés avec du sable
et des débris d’autres objets en céramique
(poêles calorifères et carreaux de revêtement
mural et de sol) pour former une couche de
rehaussement du niveau du sol. Relativement
fragiles, ces fragments n’ont toutefois pas subi
un concassage très poussé avant d’être enfouis,
ce qui a permis des remontages significatifs.
Les statues sont composites: le tronc, le bas-
sin,lesmembres,lafaceetl’arrièredelatêteont
été réalisés séparément au moyen de moules.
Les différents éléments étaient ensuite assem-
blés à l’aide de tiges en fer qui ont rarement
été conservées mais dont les traces subsistent
toujours sous la forme d’oxyde de fer présent
sur les fragments. Des marques d’assemblage
apparaissent systématiquement sur certains
éléments (en particulier à la jonction du torse
et du bassin et sous les pieds). La technique du
moulage implique l’exécution en série de ces
œuvres de second choix qui devaient être peu
coûteuses, par rapport à un original en bois, en
pierre ou en bronze. Cette production en série
révèle toutefois très peu de doublons parmi
les éléments retrouvés: seuls deux fragments
de l’arrière de la tête et appartenant à deux
individus différents proviennent d’un même
moule. Le commanditaire aura veillé à faire
varier les attitudes des statues. L’enduit blanc
à base de chaux, dont toutes les statues sont
badigeonnées, évoque le marbre blanc.
On dénombre quelques fragments de sta-
tues d’adultes parmi une majorité de putti
réalisés quasi tous à la même échelle. Le style
uniforme des putti permet de supposer qu’ils
participaient à un même projet d’aménage-
ment, probablement un décor de jardin.
Grâce aux remontages, même partiels, on
peut aujourd’hui approcher les grandes carac-
téristiques des putti.
La base, également dénommée piédouche*,
naît sur une large assise octogonale allongée
 Ce putto a la jambe gauche avancée,
la jambe droite est en retrait et soutient
le bassin. Le torse est penché vers l’avant
et le ventre est bedonnant. Les éléments
anatomiques comme les orteils, les
genoux, les plis de l’aine ou du ventre
sont particulièrement marqués.
La jambe gauche n’appartient pas à
l’individu mais elle adopte une attitude
anatomique correcte.
 Ce putto a un déhanchement qui
rappelle le contrapposto* des statues de
l’Antiquité. La position oblique du bassin
accentue l’impression de déséquilibre de
la statue. Le ventre semble figé, le bras
droit repose sur le torse en le barrant vers
la gauche.
La jambe droite tendue est en situation
plausible au plan anatomique mais
n’appartient manifestement pas à cet
individu.
Statues de putti en terre cuite (début 17e
-début 18e
siècle) récoltées lors des fouilles
michel Fourny & Pierre anagostoPouLos
218
Évolution et dÉveloppement
du quartier de la cour
paulo charruadas, Shipé Guri & marc meganck
chapitre 10
L’établissement d’un centre de pouvoir a des conséquences directes sur le tissu spatial environnant.
Il se marque par le développement architectural – urbain – du siège de ce pouvoir. La construction
à proximité d’édifices religieux renforce sa légitimité. Le palais du Coudenberg est un bel exemple
de ce type de phénomène, observable du 12e
au 18e
siècle.
Les conséquences spatiales de cet établissement ne se limitent pas au palais. Dès le Moyen Âge,
le souverain ne gouverne pas seul. Il s’appuie sur des proches – les nobles et une élite économique
– et sur une administration qui assurent le relais entre sa personne et la société locale. Ces proches
du prince tirent leur prospérité et leur essor de cette position privilégiée. Ils installent leur rési-
dence à proximité et attirent à leurs côtés une classe d’artisans et de négociants susceptibles de
leur fournir les objets et produits dont ils ont besoin.
Aux abords du palais se côtoient ainsi les annexes de la résidence princière, les hôtels particu-
liers des favoris et des fonctionnaires de la cour, des couvents, hospices et refuges monastiques,
des auberges et des maisons d’artisans.
 D. Coster, L’abbaye Saint-
Jacques-sur-Coudenberg, 1659.
 Panorama de la ville de
Bruxelles, par Jean-Baptiste
Bonnecroy, 1664-1665.
L’imposante silhouette de
l’Aula Magna est visible dans
le haut de la ville, au centre
de l’image, à gauche de la
flèche de l’hôtel de ville.
21910. évolution et développement du quartier de la cour
l’occupation antÉrieure au 15e
Siècle
Les propriétaires de la colline ou
des propriétaires sur la colline?
L’examen de plusieurs sources et fonds d’archives
permet de se faire une idée de cette occupation des
lieuxavantle 15e
siècle et le début de la période bour-
guignonne1
. On considère traditionnellement que
le Coudenberg appartient à l’origine aux comtes de
Louvain, puis ducs de Brabant, qui auraient loti le
site. Cette interprétation régressive est aujourd’hui
remise en cause au profit d’une vision qui fait des
princes des propriétaires parmi d’autres et qui laisse
alors supposer qu’ils durent manœuvrer pour s’ins-
taller foncièrement sur les lieux (voir chapitre 3).
L’occupation du Coudenberg et les environs
du palais
Les fouilles archéologiques récentes du site de l’hôtel
d’Hoogstraeten ont révélé les traces d’une activité
agricole datée entre le 10e
et le 12e
siècle. En l’état
actuel de nos connaissances, ce terminus s’accorde
parfaitement avec la documentation écrite des 13e
-
14e
siècles, qui ne mentionne plus que rarement ce
type d’activité sur le Coudenberg. La plupart des
mentions de terres arables, de vignes, de vergers ou
de jardins maraîchers sont alors localisées au-delà
de la porte de Coudenberg, c’est-à-dire en dehors
de la première enceinte. Des exceptions subsistent
toutefois et rappellent la présence d’activités agri-
coles sur la colline: un terrain sis dans le Borgen-
dael, à côté du manoir ducal, est appelé Crawels-
bemdeken (littéralement «petite prairie de Crawel»
ou «petite prairie du trident») dans un acte de 1284
par lequel le duc en fait l’acquisition, peut-être en
vue d’une extension de son manoir; une prairie
de petite superficie (un demi-journal, soit un peu
plus de 1000 m2
) est attestée encore en 1356 dans la
Groenstraet à proximité immédiate du palais. Cette
mention pourrait indiquer la persistance en ce lieu
de la fonction de dries (trieu en français), c’est-à-dire
d’un espace voué à la pâture du bétail et souvent
situé au centre de nos anciens villages (voir cha-
pitre 3).
L’occupation du Coudenberg apparaît donc
principalement résidentielle, politique et admi-
nistrative. En s’y installant, le prince y organise la
gestion de ses biens disséminés dans tout le Bra-
bant et même en dehors, et d’autre part, il y rend la
justice et y gouverne donc ses sujets. Les premières
mentions de la présence ducale sur le Coudenberg
placent d’ailleurs précisément le duc dans sa fonc-
tion de souverain et de juge suprême. Du point de
vue administratif, une Tolhuis ou maison du tonlieu
(taxe commerciale payée sur les marchandises tran-
sitant par Bruxelles) avait son siège sur la colline,
tandis que la halle ducale aux laines (Wolhuis) y fut
aussi implantée.
L’examen des archives pour la période des 13e
-
14e
siècles révèle l’importance des élites urbaines et
seigneuriales dans la propriété foncière de la col-
line, la présence de nombreuses résidences aristo-
cratiques occupées par des proches du pouvoir et,
enfin, l’établissement d’artisans fournisseurs de la
cour et des hôtels installés à proximité.
La plupart des familles de l’aristocratie urbaine
possèdent des biens sur le Coudenberg et dans les
quartiers environnants. La simple consultation du
travail de Philippe Godding sur les seigneurs fon-
ciers bruxellois le confirme d’emblée. Cette présence
répond à des enjeux complexes, à des impératifs à la
fois économiques – la terre était à l’époque (bien plus
encore qu’aujourd’hui) l’investissement financier
le plus sûr pour les fortunes en tout genre – mais
aussi symboliques et culturels. Posséder des biens
sur la colline du pouvoir renvoie indéniablement
Détail d’une maquette
évoquant la ville de Bruxelles
au 13e
siècle. La première
enceinte marque un
décrochement important
autour des châteaux sur le
Coudenberg. Le quartier juif
se développe sur les pentes
de la colline, le long du
steenweg.
29313. une histoire de palais aux environs du coudenberg
aux principaux points de la ville, de la valeur à des quar-
tiers aujourd’hui peu fréquentés.
outre le palais royal, Verly projette la réalisation
de deux «pavillons des princes», de part et d’autre
de la place située devant le palais royal, ceux-ci
devant servir de résidence aux deux fils du souve-
rain. non loin du palais, il dessine également une
place avec un «monument destiné aux sciences et
aux beaux-arts» qui, par ses dimensions, préfigure
les projets de palais des beaux-arts. sur ce plan,
Verly mentionne également une «nouvelle place
du palais de Justice», faisant référence au projet de
palais de Justice qu’il est par ailleurs chargé d’édi-
fier à bruxelles. Le plan de Verly n’est pas réalisé et,
nous l’avons vu, un palais royal plus modeste sera
aménagé face au parc.
dans le courant du 19e
siècle, l’acception du terme
«palais» évolue sensiblement. il ne s’agit plus seu-
lement de la vaste et somptueuse demeure d’un per-
sonnage de marque, de l’édifice abritant les cours
et tribunaux, ou d’une institution publique abritée
dans un ancien palais, mais d’un édifice public mo-
numental construit à des fins spécifiques. en 1832,
dans son Dictionnaire de l’Architecture, l’archéologue
et critique d’art Quatremère de Quincy précise que:
palais signifie, dans les usages modernes et selon le
langage de l’architecture, tout bâtiment destiné soit à
l’habitation des rois, des grands, des riches, soit à l’éta-
blissement de certains services publics, de certaines ins-
titutions qui exigent de la solidité, de la grandeur, et une
apparence de dignité extérieure propre à désigner leur
importance13
.
à bruxelles, le terme «palais» se met à désigner
d’autres édifices que la résidence du souverain ou
de son représentant à partir de la période hollan-
daise. ainsi, l’ancien hôtel du Conseil souverain de
Projet pour l’agrandissement
et l’embellissement de la ville
de Bruxelles, pour y former de
grandes communications et
y placer convenablement le
palais de Sa Majesté, de
F.Verly, 1817. Le projet de
palais est visible dans le coin
inférieur gauche du plan.
294
brabant est réaménagé en vue d’abriter les séances
et réunions des membres composant la première et
la seconde chambre des états-généraux du royaume
des pays-bas. Cet édifice monumental, actuel palais
de la nation, prend le nom de palais des états-gé-
néraux14
. non loin de là, sur un terrain situé entre
la rue ducale et les boulevards extérieurs, une de-
meure est édifiée entre 1823 et 1826, par Charles
Vander straeten puis par Tilman-François suys
pour le prince héritier, guillaume Frédéric, fils aîné
de guillaume ier
d’orange. C’est le palais du prince
d’orange, actuel palais des académies15
.
La localisation de ces trois palais autour du parc
suscite un dialogue visuel riche de significations sym-
boliques que soulignent fréquemment les contem-
porains16
. grâce à la longue perspective de l’allée cen-
trale du parc, antérieure à la réorganisation spatiale
des palais sous la période hollandaise, le souverain
et les représentants des états-généraux se font face.
Ce nouveau rôle symbolique joué par l’allée centrale
faillit être appuyé par une nouvelle dénomination
qui aurait été «l’avenue du palais»17
. Quant à la rue
de belle-Vue, elle est élargie, dégageant ainsi l’espace
devant le palais royal et le palais du prince d’orange.
grâce à cette place dénommée «place des palais», le
palais de guillaume ier
et celui de son fils peuvent
être tous deux appréciés depuis le départ de la rue
royale, au débouché de la place royale.
plus au sud, en contrebas du sablon, François
Verly est chargé par l’état d’aménager le palais de
Justice, c’est-à-dire un bâtiment destiné à accueillir
les cours et tribunaux, dans les locaux de l’ancien
collège des jésuites jusqu’alors occupés par l’Hôpi-
tal militaire déménagé pour l’occasion dans l’ancien
couvent des minimes. entamés dès 1818, les tra-
vaux ne seront terminés qu’en 1823, après la mort
de l’architecte. une nouvelle façade à la manière
d’un temple antique est érigée à l’emplacement de
l’église des Jésuites détruite à partir de 1811 et une
place est créée devant cette façade. Le nouvel édi-
fice marque donc son emprise sur l’espace public; la
place qui lui sert de parvis prend la dénomination
de «place du palais de Justice».
Mais les locaux du 17e
siècle, désaffectés en 1773
et transformés au gré des occupations successives,
se révèlent inadaptés et vétustes18
. dans ce cas,
comme pour celui du palais royal, la solution rete-
nue reste insatisfaisante.
Malgré ces faiblesses architecturales et fonction-
nelles, l’existence même du bâtiment constitue
une évolution notable: de l’acception de «palais» à
l’édifice où siègent les cours et les tribunaux – cou-
rante en France depuis le 18e
siècle – à la concré-
tisation de ce type de programme, le palais de Jus-
tice devient un élément emblématique des villes au
19e
siècle19
.
s’il n’existe pas encore officiellement de palais des
beaux-arts sous la période hollandaise, on retrouve
quelquefois cette dénomination pour caractériser
«l’ancienne Cour», c’est-à-dire l’ancien palais de
Palais des Académies, édifié
entre 1823 et 1826 par Charles
Vander Straeten puis Tilman-
François Suys pour le prince
héritier, Guillaume Frédéric,
fils aîné du roi des Pays-Bas
Guillaume Ier
d’Orange.
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  • 1. SAINTS ETS L’Arbre et la Foi GUÉRISSEURS CHAPITREII «Un jour, sauvagement, j’ai pris l’arbre en mes bras J’ai baisé son feuillage en prononçant tout bas, Des mots que l’azur seul m’autorise à redire, Des mots qui n’ont de sens qu’au moment du délire. Puis nous nous sommes tus, longuement, tous les deux, Et j’ai senti, sous moi, trembler le corps d’un dieu.» Armand BERNIER, Les Plaisirs et les Jours 95 en emportant de tems en tems quelques mor- ceaux. La Vierge y a fait des miracles pour les dérompus marchans à quatre pieds, reguéris entièrement et on la sert aussi pour les fièbres et autres accidens.» Une chapelle fut consacrée le 1er août 1607 par Mgr de Bergh, trop heureux, en pleine Contre-Réforme, d’encourager la piété «en ces temps calamiteux et déplorables, esquels par les hérétiques le Service divin est vilipendé.» Un sort semblable échut au Chêne-d’entre- deux-bois, jadis dressé au sommet du mont de Péruwelz. D’une image de la Madone posée sur son tronc était né un culte local autour de Notre-Dame-du-Chêne-d’entre-deux-bois. Du vieux chêne ne subsistait plus qu’un tronc décrépit au début du XVIIe siècle. Survient un curé providentiel. Solange Philippart évoque une sentence rendue par la cour de Mons, le 29 décembre 1659: «Maître Martin Lebrun, curé de Péruwelz, récemment nommé à cette charge, s’intéressa au culte rendu à la Sainte Vierge, dans le bois, sur le Mont. Du chêne où était accrochée la statue, il ne restait plus qu’une branche vivante, un hêtre plus jeune l’ayant “enlacé”. Le curé fit élever une “pyra- mide” avec des pierres trouvées sur place; dans le bois du chêne, on tailla une nouvelle statue pour remplacer la première qui était fort détériorée.» Transformé en pieuses effigies, le chêne cède la place à une chapelle en 1636. Achevée deux ans plus tard, la voici consacrée à Notre-Dame- de-Bonsecours par l’archevêque de Cambrai. De leur côté, mus par une sorte d’atavisme venu du fond des âges, les dévots emportent l’un ou l’autre débris de l’arbre mort, auquel une obscure croyance prête quelque pouvoir mer- veilleux. Du reste, le père François, récollet, assu- rera avoir connu une jeune fille guérie d’un chancre par simple application d’une parcelle du Chêne d’entre-deux-bois. On rapporte aussi que la peste de 1648 épar- gna les fidèles venus implorer Notre-Dame. Le pèlerinage gagne en importance, les marchands du temples accourent. Ainsi naît Bonsecours. En 1688 déjà, on aurait dénombré 8 000 pèlerins pour le seul 29 septembre. Rien n’étant trop vaste pour accueillir pareille affluence, on finit par édifier en 1892 une basilique dont la tour lanterne abrite, à 41 m de haut, une statue de la Vierge haute de 2,55 m. Que de chemin parcouru depuis la rus- tique statuette posée sur le chêne originel! Le tilleul sanctifié Très tôt, les évangélisateurs avaient eu l’in- telligence d’assimiler le pouvoir d’attraction exercé par les arbres sur les âmes simples. Et le tilleul fut élu au titre d’Arbre-de-Vie… De nos jours encore, le tilleul demeure le compagnon privilégié de nos édifices religieux. 94 La chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, Oizy Sa prédominance est incontestable en tant qu’arbre cultuel. Calvaires, potales, chapelles, églises, cimetières: le tilleul est l’arbre incon- tournable, l’ornement obligé. Telle est la suprématie du tilleul qu’on en viendrait à oublier que sa présence n’a rien de «naturel». La palynologie, qui étudie les pollens fossilisés, confirme qu’à l’aube de la christianisa- tion, le paysage forestier de nos provinces était dominé par le chêne, le tilleul demeurant confi- né dans un rôle très subsidiaire. Son omnipré- sence dans les lieux consacrés ne peut dès lors résulter que d’un choix délibéré. À Oisy, localité qui surplombe la Semois, deux tilleuls encadrent au carrefour de vieux chemins, la ravissante chapelle Notre-Dame-du- Bon-Secours, site classé depuis 1975. Deux tilleuls, soit. Mais à l’origine, il n’y avait là qu’une image de la Vierge posée sur un chêne, une toute petite sculpture en terre cuite d’envi- ron 20 cm de haut, semblable à celle de Notre- Dame-de-Foy. Par deux fois on voulut la placer dans l’église paroissiale, par deux fois elle rega- gna son arbre. Refrain connu. Pareille légende suscite la ferveur des âmes simples et nimbe d’un halo nébuleux les origines de la dévotion. Édouard Gérard (1932) évoque cependant un document de Jean Choquier de Saint-Martin, formant une «drève romantique» à la crête du site du donjon et de l’ancien cimetière. Menées de 1992 à 1993, des fouilles ont mis à jour les vestiges d’une ancienne nécropole, sur le site d’une première église du XIe ou XIIe siècle, antérieure à la tour fortifiée, sans doute érigée au début du XIIIe siècle. À cette tour s’adossa une nouvelle église, le donjon fortifié se muant en clocher. Lui seul devait subsister car l’église fut à son tour démantelée, au XIXe siècle. Classée depuis 1933, la tour Saint-Martin doit une bonne part de son charme aux tilleuls actuels qui forment, depuis deux siècles tout au plus, un cadre végétal sur lequel se détache hardiment son robuste plan carré. Sur le plateau ardennais, le Hêtre de la Croix Saint-Martin ou Hêtre de Nisramont présente une appréciable circonférence (5,33 m). La posi- tion qu’il occupe à un carrefour du ban d’Ortho semble témoigner de l’ancienneté de la dévotion manifestée ici à Martin de Tours, encore que la planche 197/3 de la carte de Ferraris, signalant bien un arbre au carrefour occupé par le hêtre actuel, ne permet pas de vérifier sa dédicace à la fin du XVIIIe siècle. C’est toutefois aux confins de la verte provin- ce et du Grand-Duché que nous attend l’un des plus anciens sites ardennais conservant l’emprein- te de la christianisation primitive de cette région. 118 Non loin de Gembloux, Bossière était autre- fois une très vaste paroisse, «que la tradition considère comme la plus ancienne du pays», soutient C.G. Roland (1899). En 1912, Chalon y signalait un chêne séculaire auprès de la cha- pelle Saint-Pierre. Érigée dans le bois de Golzinnes, sans doute au cours du XVIIIe siècle, elle occuperait l’emplacement d’un antique lieu de dévotions où l’on a retrouvé des vestiges romains. À proximité immédiate, la source du ruisseau Saint-Pierre était à l’origine placée sous l’égide de Diane. Au siècle dernier encore, les pèlerins venaient boire de l’eau de la fontaine Saint- Pierre, censée prévenir ou guérir la fièvre, et tourner trois fois autour de la chapelle, triple giration qui suggère l’ancienneté d’une tradition ancestrale, comme à Oisy. À Bossière, le vieux chêne signalé par Chalon est encore visible: étendu de tout son long, depuis une bonne décennie au moins, à en juger d’après le lent retour à l’humus originel. Le dia- mètre de la souche suggère une circonférence de 6 m au moins. À quelques enjambées, l’un de ses rejetons s’est fixé à la lisière: gageons qu’il entretiendra le souvenir de son aïeul… Les arbres Saint-Martin Pour assurer son essor, le christianisme devait s’implanter dans les campagnes. Saint Martin en fut l’un des pionniers. Né vers 316 en Pannonie (Hongrie), venu en Occident comme légionnaire, disciple de saint Hilaire, il fonde, près de Poitiers, le premier monastère de la Gaule avant de mourir évêque de Tours en 402. Si les patrons les plus anciens sont la Vierge, Pierre et Paul, saint Martin sera le plus populaire après la conversion de Clovis. Selon Grégoire de Tours, Martin aurait fondé des paroisses dans d’innombrables vici. On en a dénombré pas moins de 235 en Wallonie. On ne peut les associer à l’action directe de l’apôtre des Gaules, mais pareille dispersion témoigne d’un rayonnement certain. Les archives ont conservé la trace de certains arbres dédiés à l’apôtre des Gaules, tel l’Arbre Saint-Martin, prédécesseur de l’actuel Arbre au gibet à Boirs (> III). Au sud de Houtain-le-Val, la carte IGN 39/7- 8 situe un Arbre Saint-Martin à un carrefour à mi-chemin entre la ferme de l’Haye et la ferme de Rêves. Il pourrait témoigner de la christiani- sation primitive de cette région traversée par un diverticulum unissant le bassin de la Ligne à la grande chaussée romaine. Planté après la secon- de guerre mondiale, ce jeune tilleul perpétue sans doute une longue lignée. Il remplace en tout cas un arbre déjà dédié à saint Martin, signalé à la fin du XVIIIe siècle par le cartographe Ferraris (planche 80/2). Un peu plus anciens sont les tilleuls qui entou- rent la Tour Saint-Martin à Comblain-au-Pont. André Nélissen (1967) signalait ces Tilleuls de Le Hêtre de la croix Saint-Martin, Nisramont
  • 3. Au détour d’un sentier, nous pénétre- rons sur le site des Cinq Rocs, une ancienne carrière remblayée où la nature reprend vie petit à petit. Dans cet espace ouvert qui offre de jolis panoramas, vous avez déposé cinq pierres, symboles d’archéologie indus- trielle et de la sérénité retrouvée. Fours à chaux et fours à bouteilles, notre route croisera ou débusquera ensuite quelques rares vestiges privi- légiés de cette brillante activité écono- mique, que voisinent désormais de bien modernes installations. Après avoir traversé Antoing et salué le château des princes de Ligne, lon- geant la gigantesque fresque déposée sur le mur anti-bruit du TGV, vous nous rappellerez votre engagement pour rendre l’art accessible à tous: c’est bien pour cette raison qu’en 1949 déjà, vous fondiez, avec Louis Deltour et Roger Somville, le mouvement «Forces murales», conscient que la peinture monumentale était un art populaire et militant, qui pouvait toucher le cœur des hommes. Respect des droits de l’homme et de la nature guideront Que vive la terre, que nous quitterons, l’es- prit chargé de vos suggestions et de votre désir de fraternité. Nous poursuivrons notre belle échap- pée dans une vaste plaine, autrefois théâtre de la fameuse bataille de Fon- tenoy, et quand viendra l’heure de rejoindre le halage, nous nous souvien- drons de la générosité de votre enga- gement, de l’expression altruiste de vos sentiments, du rêveur d’idéal que vous étiez. Et, en guise de remercie- ment, nous ne pourrons qu’approuver votre profession de foi: «Il n’y a pas de salut dans l’art et la culture en dehors des chemins qui valorisent les hommes et les grandissent.» 54 Péronnes-lez-AntoingLe beau vélo de RAVeL ! Péronnes-lez-Antoing Province du Hainaut La balade humaniste de Dubrunfaut Edmond, C’est outre-Quiévrain que vous avez poussé votre premier cri, au cœur des Moëres que vous avez rendu votre ultime souffle. Toute votre vie, votre atelier a eu pour cadre la lisière de la forêt de Soignes. De vos errances, seule une terre a inspiré profondément vos œuvres: celle du Pays Blanc. Une contrée où vous avez passé votre jeu- nesse et où vous vous êtes imprégné de l’atmosphère carrier avant de le dé- peindre avec cet humanisme qui vous collait au pinceau. Amoureux de la nature que vous célé- briez avec beauté, vous aimiez flâner sur les rives du Grand Large ou de l’Escaut, ces étendues aquatiques mé- tamorphosées par l’homme où débu- tera notre balade. Une flânerie où bien vite, nous roulerons dans le sillage de vos œuvres. Ainsi, au rond-point de Bruyelle, vous nous accueillerez et nous emmènerez à la rencontre des chemins et des hommes, croisant notamment Le maître du train, La bate- lière et Le cimentier. Ces céramiques magistrales aux visages denses évo- queront à la fois l’avenir des hommes et la trace de leur passé. Et le passé de la région, c’était la florissante industrie de la pierre, développée depuis l’épo- que romaine et dont l’apogée remonte au début du XXe siècle, quand la chaux et le ciment produits dans les chau- fours prenaient toutes les directions du globe. ÉTAPE1 PÉRONNES-LEZ-ANTOINGPÉRONNES-LEZ-ANTOING PRÉSENTATION | PÉRONNES-LEZ-ANTOING I Le parc archéologique Dans un champ bordant la Nationale 52, face à la sucrerie de Fontenoy s’élève un parfait cône herbeux: ce tumulus, tom- beau romain du milieu du IIe siècle, serait la sépulture d’un haut dignitaire chargé de superviser l’extraction de la pierre. La particularité de ce tumulus est d’avoir une base en tambour, rarissime dans nos régions. Un ensemble de tombes gallo- romaines, datant du VIIe siècle, a égale- ment été reconstitué sur le site, pour ne pas disparaître dans l’exploitation des carrières. Office du tourisme d’Antoing 18, place Bara – 7640 ANTOING Tél.: 069 44 17 29 http://www.antoing.net I La bataille de Fontenoy «Messieurs des Gardes françaises, tirez les premiers», ça vous rappelle vague- ment quelque chose? Rappelez-vous vos bons vieux manuels d’histoire! Cette célèbre citation a en effet été prononcée le 11 mai 1745 au cours de la bataille de Fontenoy, sur le site où se dresse au- jourd’hui la sucrerie… C’est là, dans cette vaste plaine que se déroula une des plus sanglantes batailles du XVIIIe siècle, oppo- sant les troupes françaises aux forces alliées, composées de corps autrichiens, anglais, hanovriens et hollandais. Fontenoy 1745 asbl – Hôtel de ville 19, place Bara – 7640 ANTOING I La Croix celtique Érigée en 1907 au centre du village de Fontenoy, la Croix celtique est le monument le plus important commémorant la bataille du 11 mai 1745, et plus précisément les soldats irlandais tombés au combat. Elle est en outre un des monuments irlandais les plus emblématiques hors de son pays d’origine. Sa base est taillée dans du granit gris d’Irlande, le socle dans du mar- bre de Limerick et la croix pro- prement dite dans du granit bleu d’Irlande. 15Péronnes-lez-Antoing ! Les lignes 88 et 88b ÉTAPE1 14 Le beau vélo de RAVeL La Belgique est la première nation à édifier un railway en Europe. Dès 1835, le maillage théorique du réseau est dessiné et, le 5 mai, la première ligne Bruxelles–Malines est inaugurée. Les liaisons vers l’ouest (Flandre) se concrétisent rapidement et celles vers l’est se divisent en deux branches: Prusse en 1843 et grand-duché de Luxembourg entre 1854 et 1858. Par contre, les liaisons vers la France sont difficiles: de nombreux tracés différents s’opposent et font l’objet d’innombra- bles contestations de la part des élus locaux. Finalement, la France est atteinte pour la toute première fois en 1842, par Quiévrain–Blanc Misseron via Mons. Dès ce moment, de nombreuses ramifi- cations sont réalisées afin de desservir une multitude d’industries régionales, et principalement les charbonnages. Au départ, la partie occidentale du Hainaut est oubliée par le chemin de fer. Une importante industrie de la pierre et de la chaux, principalement centrée dans le Tournaisis, s’y déve- loppe cependant. Les pouvoirs publics ne demeurent pas insensibles: face à l’accroissement de cette économie, le réseau ferré s’étend dans la région et… devient le plus dense de Belgique! Dès 1870, le rail supplante les voies navigables et les canaux, trop lents avec leurs bateaux dépourvus de mo- teurs performants et encore souvent halés par des chevaux. Les grands axes au départ de Tournai (vers Lille, Mouscron, Mons et Bruxelles) sont opérationnels et tous à double voie. Plus au sud, on s’affaire depuis 1879 à un nouvel itinéraire vers la France. Tournai–Saint-Amand est ainsi acces- sible à l’exploitation le 9 juin 1881 via Antoing et Bléharies. L’extension du réseau ferroviaire de l’État en Wallonie picarde atteint son apogée dans les années 1880, au mo- ment du plein essor économique du bassin carrier. Dès la fin de la seconde guerre mon- diale, l’époque du déclin sonne pour l’ensemble des lignes secondaires. En 1956, la ligne 88 ne sert plus qu’au transport de marchandises, des auto- bus ayant pris le relais pour le trans- port voyageurs. Il y a jusqu’à vingt bus par jour pour desservir Antoing. En 1997, quelques kilomètres de ligne ont été aménagés en RAVeL le long de la nationale 52 et permettent de relier le centre d’Antoing au RAVeL 1, sur les rives de l’Escaut. Tournai | Antoing | Bléharies | Saint-Amand-les-Eaux (F) I La fête des Courges Ne (sou)riez pas: depuis le printemps 2005, Antoing porte le titre de «capitale wallonne du potiron»! À l’initiative de cette appellation, l’asbl des Jardins bio- logiques du Hainaut qui, depuis plus d’une décennie, s’est spécialisée dans la valori- sation des cucurbitacées et des légumes anciens. Elle cultive ainsi au cœur du Pays Blanc plus de six cent sortes de cucurbi- tacées, diffuse des semences de variétés anciennes et surtout, organise chaque À DÉCOUVRIR AUSSI… | PÉRONNES-LEZ-ANTOINGHISTOIRE | PÉRONNES-LEZ-ANTOING troisième week-end de septembre la fête des Courges. Au programme de ce qui est la plus importante collection de poti- rons de Wallonie: cueillette et vente de courges, dégustations, présence de sculpteurs, artisans et producteurs de légumes anciens, etc. Le tout, bien évidemment, dans une ambiance festive… Jardins biologiques du Hainaut 17, La Crinquaine – 7640 ANTOING Tél.: 069 44 41 33 http://www.courge.be 31Donceel § 30 Le beau vélo de RAVeL Distance: 23,5 km Départ: place de Haneffe Accès: E40-A3, sortie 29 Waremme, N69 et N65 Viemme | E42-A15, sortie 6 Villers-le-Bouillet, N65 Viemme Difficulté: familiale ÉTAPE3 PARCOURS TOPOGUIDE | DONCEEL À tout seigneur, tout hon- neur, c’est au cœur d’Haneffe et précisément depuis l’Espace Royal Guidon Hesbignon, la seule fanfare cycliste belge, que nous prendrons le départ de cette balade qui s’annonce comme une des plus accessibles de l’été: nous voulons garder notre souffle pour fêter dignement son centenaire! Cela tombe bien: cet espace est sur la place du village, juste en face du café- brasserie Le Vieux Haneffe avec ter- rasse et vue sur l’église Saint-Pierre ainsi que sur le site des Templiers. 0,1 km Quittez la place, en direction de Seraing-le-Château, par la rue Ribatte. Un léger faux plat vous permet d’admirer, sur votre droite, les douves du château des Templiers. 0,2 km Vous longez la ferme Schalem- bourg spécialisée en produits du ter- roir mais aussi en stages à la ferme et fêtes d’anniversaire. Elle jouxte la fer- me Degive, un magnifique bâtiment en U qui date du XVIIIe siècle et qui est clas- sée depuis 1963. Porche colombier, bandeaux calcaires, toitures en chau- me, ardoises et tuiles confèrent à l’en- semble un remarquable cachet. o km 0,4 km À la fourche, grimpez sur la droite. 0,7 km Prenez l’épingle à cheveux sur la gauche, vous êtes maintenant dans la rue Morte Eau. 1,1 km Une plaque vous souhaite la bienvenue dans Haneffe, puis vous des- cendez, en découvrant sur votre droite le Peschereeuw (appelé autrefois ri- vière de Seraing-le-Château), affluent de l’Yerne qui traverse le village. À cent mètres de chaque côté de la route, il y a deux sentiers parallèles, la Dicque et la Brigade. D’après la légende, ils ont été tracés au Moyen Âge pour permettre aux seigneurs de Hardémont de sortir de leurs terres sans se rencontrer parce que cela provoquait toujours des échauffourées au puits du moulin… Praticabilité: à pied, à cheval, à vélo, en chaise et en rollers Dénivelé: 0 m 3000 m 6000 m 9000 m 12000 m 15000 m 18000 m 21000 210 m 195 m 180 m 165 m 150 m 135 m 120 m
  • 4. 13 Cela faisait longtemps que je l’attendais. À plusieurs reprises déjà on l’avait annoncée, mais à chaque fois les prévisions s’étaient avérées erronées. Cette nuit enfin, dans un silence religieux, le ciel a semé des pétales de nuage. Patiemment, avec une douceur extrême, des milliards de flocons se sont déposés. Il faut la voir, la blanche dame, lorsqu’elle a jeté son dévolu sur la forêt. De son manteau immaculé, elle recouvre tout le noir de l’hiver, faisant presque oublier celui de l’âme quand il nous écrase. Pourtant bien présente, la froi- dure est imperceptible, tant le cœur s’enflamme devant le spec- tacle du paysage vierge qui s’offre à la vue. Même sans soleil, tout n’est que lumière. Le bruit lui- même est englouti par la poudreuse, comme si la neige voulait tout effacer, tout garder pour elle. Quand est grande son épaisseur, quand le vent fort l’a plaquée contre les fûts avant de mourir, quand le froid immobile la fige et que nulle trace ne troue son habit, la première aube est toujours la plus belle. Plus rien n’est comme hier, le paysage est méconnais- sable, le dépaysement total; les points de repère sont introuvables, les troncs d’arbres masqués par une nouvelle forêt, celle des branches courbant l’échine sous le poids du doux envahisseur. Au pied des vieux résineux, d’étranges monticules ondulent sous la sombre frondaison, évoquant un champ de bataille; La blanche dame 2726 sont variées, allant du chant, merveilleux à entendre à quelques pas, à l’offrande furtive de nourriture, en passant par de fréquentes… scènes de ménage et des pugilats violents! Mais le comportement le plus caractéristique de l’es- pèce est aussi le plus fascinant: la pêche dans les rapides. Au départ d’un caillou, l’athlète se jette à l’eau preste- ment, tantôt en se laissant dériver en surface, tantôt face au courant en s’agrippant au fond du ruisseau. S’accrochant aux galets et s’aidant des ailes comme de nageoires, il faut le voir évoluer au milieu des vagues, luttant comme un beau diable, plongeant avec force puis remontant tel un bouchon de liège, avant de se laisser emporter, visitant aussi bien les berges que le milieu de la rivière. De ses duels avec l’onde, le chasseur ramène le plus souvent des larves de trichoptères, parfois des alevins. Immortaliser dignement ces moments constitue un véritable défi: les images obtenues illustrent le plus souvent une lointaine et difforme tache brunâtre à la surface de l’eau, un oiseau sans tête, un croupion solitaire ou encore, cas le plus fréquent, un flou géné- ralisé… Les bords d’étang aussi sont fascinants. Si la végétation aquatique y est libre de se développer et que le calme règne, le grèbe castagneux peut y nicher, déchirant régulièrement le silence de son joyeux hennis- sement. Qu’il subsiste à proximité une haute berge argileuse et l’on aura beaucoup de chance d’observer le fabuleux martin pêcheur, ce joyau de notre avifaune. En Europe, rares sont les oiseaux arborant un habit à ce point éclatant, une palette aussi nuancée de tons au sein d’une même couleur. Pourtant, si son plumage enflamme le regard de l’humain, la vitesse à laquelle il se déplace au ras de l’eau fait en sorte que le bolide reste généralement inaperçu du commun des mortels. En définitive, c’est son sifflement perçant qui trahit le plus souvent sa présence.Furtive offrande de nourriture Grèbe castagneux 8180
  • 5. L’épervière piloselle est très bien adaptée aux sols instables car elle possède des racines pivotantes et se multiplie par stolons. Le stolon est une tige qui provient d’un bourgeon, il grandit couché sur le sol et s’enracine en produisant de nouveaux individus. Elle forme rapidement des tapis denses et fermés. La pelouse sèche est piquetée d’espèces typiques de la prairie, à large amplitude écologique, comme le fromental et la carotte sauvage qui annoncent la lente évolution du groupement vers une prairie-friche. S LA PRAIRIE-FRICHE À FROMENTAL Contrairement à l’association végétale précédente, la prairie à fromental occupe des substrats plus profonds qui retiennent mieux l’humidité. La prairie-friche se présente sous forme d’herbes hautes, dominées par des plantes de prairie: le fromental, la carotte sau- vage, l’achillée mille-feuille, l’armoise vulgaire… Dans la prairie-friche à fromental, les espèces pionnières que l’on trouve en abondance dans les pelouses sèches se raréfient au profit d’espèces de prairie ou de sous-bois. Dans ce groupement, au contraire des pelouses sèches, les plantes qui vivent dans des conditions d’humidité moyenne (dites mésophytes) dominent sur les espèces qui apprécient seulement les zones de grandes 56 57 Bourdon et églantier sur le terril des Pays-Bas Bourdon butinant une vipérine sur le terril des Pays-Bas sécheresses (dites xérophytes). L’évolu- tion de ces prairies est lente. Elles se maintiennent pendant de nombreuses années avant que ne se manifeste une évolution vers des groupements fores- tiers. Parfois, d’importantes plages de clé- matites des haies et de ronces s’étendent progressivement dans la prairie-friche. S LES BOIS DE BOULEAUX Avec le temps, les bois dominés par le bouleau verruqueux adoptent une allure de plus en plus forestière. Ils s’enrichis- sent d’espèces telles que le hêtre, le chêne pédonculé, le frêne commun, l’éra- ble sycomore… En sous-bois, on observe diverses espèces arbustives dont les graines ont été dispersées principalement par les animaux (dites zoochores): le merisier, le sorbier des oiseleurs, le né- flier, le sureau noir, le cerisier tardif… La strate herbacée, jusque-là dominée par des espèces pionnières, s’enrichit bientôt d’espèces des bois comme l’épilobe en épi, l’épervière vulgaire, la fougère aigle, la canche flexueuse. Ombelifère et insectes de la famille des syrphes 19 Chaque terril est unique. Chaque terril a son histoire et sa géographie propres. Elles fondent l’incroyable diversité actuelle de paysages que l’on retrouve tout au long de la veine de houille qui traverse la Wallonie. Pourtant, tous sont nés en pollueurs: lorsque le charbon était extrait de la mine, des roches inutilisables remontaient avec lui. Composés principalement de schistes et de grès, ces déchets accumulés formèrent les terrils. Pour une tonne de charbon jusqu’à sept tonnes de stériles: ce rapport est le chiffre d’or qui explique la naissance dans nos régions de ces paysages uniques et entièrement artificiels. Aujourd’hui, la chaîne des terrils s’étend sur 200 kilomètres de Bernissart au plateau de Herve, en passant par le Borinage, Mons, Binche, La Louvière, Charleroi, Sambreville, Flémalle, Liège et Herstal. Elle compte quelque 340 terrils de grande taille qui datent de la révolution industrielle et des centaines de terrils mineurs qui lui sont antérieurs. Jamais activité humaine n’a modifié ainsi le paysage. Amas de poussières sombres deve- nus des géants aux profils de massifs naturels, les terrils ont constitué, au fil de la révolu- tion industrielle, l’horizon vertical des cités minières. d’un paysage Genèse «Si tel assemblage d’arbres, de montagnes, d’eaux et de maisons que nous appelons paysage est beau, ce n’est pas par lui-même, mais par moi, par une grâce propre, par l’idée ou le sentiment que j’y attache.» BAUDELAIRE Terrils de Charleroi moire de l’activité minière: de l’autre côté de l’autoroute on aperçoit le châssis à mollette de Blegny et le terril d’Argenteau voisin (voir encadré); de l’autre côté de la Meuse, on aperçoit le sommet du terril en combustion de la Petite Bacnure et en amont, les fumées de refroidissement des usines métallurgiques. Le flanc sud du Hasard apparaît dénudé et noir. Il descend en vagues terreuses jusqu’à un aplat den- sément boisé. Deux ou trois cents mètres plus bas, l’ari- dité lunaire du terril se métamorphose en bois de bouleaux, de chênes, de noise- tiers et de châtaigniers où pousse une masse invraisemblable de ronces, de fou- gères et de graminées. Oiseaux et insectes sont ici en nombre. Il faut s’as- seoir quelques minutes sur un tronc mort pour écouter le silence factice du sous- bois: grattement de petits rongeurs, vols de mésanges et d’hirondelles, et cet oiseau frappeur qui sonne le passage du temps comme un métronome… un pivert! Un chemin de terre serpente jusqu’au pied du terril. Les arbres s’accro- chent à la pente avec des racines appa- 32 33 BLEGNY-MINE À quelques kilomètres du terril du Hasard, le site de Blegny-Mine évoque l’héri- tage «des gueules noires». On peut y faire l’expérience d’une descente à -30 et -60 mètres dans un des puits de l’ancien charbonnage d’Argenteau Trembleur et découvrir, accompagné des explications d’anciens mineurs, la vie au fond de la mine. Fermé le 31 mars 1980, le site minier était le dernier encore en exploitation dans la région liégeoise. Le musée de la Mine, installé dans un bâtiment minier construit en 1816 – le Puits Marie –, retrace huit siècles d’exploitation houillère. L’ère du charbon et son exploitation industrielle a débuté dès le XIIe siècle à Liège. Le Puits Marie a servi de puits principal jusqu’en 1887 et ensuite de puits de retour d’air jusqu’à la fer- meture du charbonnage. Profond de 234 mètres, il est coiffé d’un chevalement métallique et est entouré d’un vaste bâtiment à l’architecture industrielle remar- quable. Les responsables du site développent le projet de mise en valeur du biotope du terril d’Argenteau qui le surplombe. Une mare didactique abrite une espèce rare de crapauds accoucheurs, qui avait trouvé refuge dans une zone humide située au pied du terril. Elle est accessible sous réserve d’être accompagné d’un guide nature. Le projet de mise en valeur comprend, outre la mare, la mise en évidence des étapes de la colonisation par la nature d’un terrain vierge et la reconstitution d’un verger composé de variétés indigènes d’arbres fruitiers. Lupins vivaces sur le terril Saint-Charles à Ransart
  • 6. Voilà des années que j’en rêvais de ce livre qui rassemblerait des photos de passion, de joies, de sensations et d’émotions intenses. De malédiction de météo nationale, aussi: rien n’est en effet plus frustrant que d’attendre durant 364 jours «le» jour fatidique pour n’obtenir finalement qu’un temps «à ne pas mettre un objectif dehors» et ainsi être forcée de renoncer pour l’année en question! Je vous la recommande vivement, cette expérience très enrichissante qui vous apprendra à acquérir cette vertu inestimable qu’est la patience. Ce livre, conçu comme un recueil d’empreintes visuelles, traduit un vécu émotionnel instantané et fugi- tif, avec – en filigrane – l’objectif de séduire les lecteurs pour qu’ils aient envie d’une escapade à Binche le Mardi gras et partagent cette douce hystérie collective… Ces photos méritaient d’être servies par un texte scientifique et rigoureux, qui nécessitait, selon moi, un savoir et une rigueur méthodologique que je ne possède pas. Voilà pourquoi il m’est venu à l’esprit d’obtenir ces informations «sérieuses» de la nouvelle directrice du musée internatio- nal du Carnaval et du Masque de Binche, telle un vaillant petit reporter. Quelle n’a pas été ma très agréable surprise (je ne pouvais décidément m’attendre à mieux) quand je l’ai entendue me demander, après lui avoir présenté quelques clichés, si elle pouvait l’écrire avec moi, ce livre! Christel, à qui tant de Binchoises ont confié leur fierté de faire partie de la cérémonie du carna- val. Christel qui, comme moi, a partagé un temps cette frustration d’être empêchée rituellement d’être «Gille». Qui, comme moi, transformant ce ressenti en moteur, en fit sa passion, notam- ment en utilisant ce thème pour son mémoire en anthropologie. Au risque d’être la cible d’une critique méthodologique non négligeable, à savoir que l’anthropologue doit idéalement garder une distance avec son sujet d’étude. Or, comme moi, Christel y est plongée depuis sa nais- sance: nous sommes toutes deux «Sang d’Binchou». Quand un rêve devient réalité, c’est assez impressionnant, je dois le reconnaître… C’est bien sûr à bras ouverts qu’on accueille une telle opportunité. Et avec un sourire (béat) jusqu’aux oreilles, en sus! Au regard de ma position particulière, à savoir être partie intégrante de l’objet de ma propre recherche, il me fallait saisir à pleines mains l’opportunité de croiser le travail esthétique de Nathalie avec mes recherches. Pourquoi? Parce que son regard pouvait enri- chir le mien; parce que nos histoires se sont rapprochées aussi; parce que son parcours m’a émue surtout. Pour l’anthropologue, la rencontre de deux Binchoises passionnées par leur ville et par son emblème ne peut être le fruit du hasard: nous arpentions depuis des années les mêmes ruelles, elle avait un objectif devant les yeux, moi, des concepts dans la tête. Notre socialisation avait fait de nous des servantes du «dieu Gille», de notre cité et de son folklore… mais nous avions emprunté, l’une et l’autre, des orientations plus marginales. Nathalie, j’aurais pu la rencontrer plus tôt, l’interviewer et archiver son témoignage, ... mais c’est elle qui fit le premier pas et c’est bien à sa ténacité que l’on doit l’aboutissement de ce projet. Quelques mois après ma désignation à la direction du musée international du Carnaval et du Masque, elle vint en effet me trouver et me présenta le résultat de nombreuses années consa- crées à capturer avec acharnement les expressions de ses masques binchois. Ses nombreux reportages et son expérience, finalement si proche de la mienne, m’ont définitivement conquise: nos modes d’expression devaient collaborer, nos stratégies individuelles, qui nous permettaient de participer au carnaval – activement et à notre manière –, allaient se compléter. Nathalie & Christel 10 de préparatifs précarnavalesques qui précèdent le carême chrétien. Ces préparatifs se manifestent par différentes sorties dont les plus populaires sont les six dimanches précédant le carnaval. Celles-ci sont de trois types: les «répétitions de batteries» où, dans un premier temps, les sociétés auditionnent leur batterie dans leur local respectif; les «soumonces en batterie» où, dès quinze heures, les sociétés sortent au rythme des tambours et grosses caisses dans le cœur de la cité; et, enfin, les «soumonces en musique» où un orchestre de cuivres vient se joindre aux batteries. Les participants portent à cette occasion le costume du Dimanche gras de l’année précédente. Ajoutons que les sociétés, réparties en deux groupes, ne sortent qu’une semaine sur deux. Autres moments forts de ces semaines de préparation: les trois bals de carnaval (socialiste, libéral et catholique) et la nuit des «Trouilles de Nouilles» (ou plus exactement «Trouilles guenouilles») qui, dans la soirée et la nuit du lundi avant les Jours gras, voit déambuler des groupes de costumes simples et souvent négligés. Ces personnes dépenaillées tentent de repérer, dans un café ou dans une rue du centre-ville, une personne non déguisée – et de préférence connue – afin de l’intriguer par des farces. À minuit, tout le monde enlève son masque pour finir la nuit entre Binchois. La dernière étape du carnaval dans l’intimité des Gilles est le «souper aux harengs» qui est organisé par chaque société pour ses membres. Selon la tradition binchoise, ce souper collectif doit se dérouler le mercredi des Cendres, début du Carême chrétien (ce qui explique que l’on ne peut y manger de viande). Les harengs sont offerts par les tenan- ciers du café qui tient lieu de local pour la société. 11 Le virus carnavalesque, à vrai dire, ne quitte jamais, tout à fait, le sang binchois. Samuël Glotz1, Le carnaval de Binche, Duculot, Gembloux, 1975, p. 11 Binche: une ville, une histoire L’escalier qui mène au Faubourg du Posty, extra-muros déjà et pourtant si proche de la grand-place Au détour d’une rue… 1 Samuël Glotz a été le conservateur du musée international du Carnaval et du Masque depuis son ouverture en 1975 et jusqu’en 1981. 2524 L’HÔTEL DE VILLE L’emplacement de la «loge del ville» du XIIIe siècle est celui qu’occupe l’hôtel de ville actuel. Même s’il conserve des arcades gothiques du XIVe siècle, le bâtiment principal se présente aujourd’hui – ainsi que son beffroi – dans le style Renaissance que lui a donné le Montois Jacques Du Broeucq en 1554, après le saccage de la ville par Henri II. Occupé depuis le Moyen Âge par les magistrats de la ville, il contient encore aujourd’hui un mobilier, des boiseries et des vitraux d’inspiration Renaissance. Restauré à la fin du XIXe siècle, l’édifice fut classé en 1936, et son beffroi au bulbe baroque est inscrit depuis 1999 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. «Une réussite que ce concept de peinture et ce choix de motifs, selon moi. Ils représentent des éléments du costume que porte le Gille le Mardi gras» «Ces éléments picturaux ont procuré à certaines de mes prises de vue, lors des rondeaux des Gilles sur la grand-place, un arrière-plan particulièrement élégant et chaleureux» […] Pour mi Binche, c’est l’Éden, c’est l’Paradis, c’est l’Ville aïu c’quon vit l’mieux, èl pus à s’naise, èl pus in famie. Pour mi Binche c’est tout, c’est l’boudène du monde. […] Charles Deliège «Pour moi, Binche, c’est l’Éden, c’est le paradis, c’est la ville où on vit le mieux et le plus à son aise, le plus en famille. Pour moi, Binche c’est tout, c’est le nombril du monde.» Christel Deliège et Nathalie Hupin
  • 7. 49 Plus qu’une fête, une cérémonie Beaucoup plus qu’un simple divertissement annuel, le carnaval de Binche est un rite à part entière dans lequel la sacralité occupe une place privilégiée et se fonde sur des pratiques archaïques. Chaque Binchois connaît précisément le rôle qu’il joue dans cette grand-messe du printemps, et la mission de la femme de Gille n’est certes pas la moindre: c’est elle qui est chargée – sans y voir aucun asservissement – de mettre le rite en place et de permettre son bon déroulement. Dès quatre heures du matin, les Gilles – accompagnés d’un tambour (parfois d’une caisse et/ou d’un fifre) – parcourent les quartiers, de maison en maison, allant «ramas- ser» leurs compagnons. Ils constituent ainsi de petits groupes qui se déplacent toujours en dansant pour se rassembler vers huit heures afin de fusionner et former la société complète. Ils sont prêts, dès lors, à rejoindre la grand-place, chaque société respectant un itinéraire bien déterminé. C’est au cours de ce périple qu’ils revêtiront leur masque de cire, peu avant l’arrivée sur la grand-place pavée, pour un rondeau d’hommage devant les portes de l’hôtel de ville. «Longtemps j’ai envié ces hommes dont chaque mouvement respirait autant la joie que la fierté du dévouement à la fête» 61 Quelques chiffres • Nombre de participants costumés le Mardi gras: ± 1100 dont ± 850 Gilles chaque année • Nombre de médailles pour les jubilaires: ± 50 chaque année dès 4 ans officiellement jusque… 85 ans (le plus vieux à ce jour) • Nombre de sociétés: 13 (10 de Gilles dont 3 de fantaisie (les Arlequins, les Paysans et les Pierrots du Mardi gras) • Poids du chapeau: ± 3 kg • Location du costume par le Gille au louageur: ± 100 euros • Location du chapeau et du costume par le Gille au louageur: entre 250 et 300 euros • Coût de la fabrication d’un costume: ± 600 euros • Coût de la fabrication d’un chapeau: ± 3000 euros • Plumes nécessaires pour un chapeau: en moyenne entre 250 et 350 petites plumes pour former 12 grandes plumes, ± 80 heures de travail • Nombre de cloches sur l’apertintaille: 7 en moyenne • Motifs sur le costume du Gille: ± 200 (couronnes, lions, étoiles, écussons, drapeaux) • Ruban pour les pèlerines, manche et pantalon: 150 mètres de ruban à plisser • Franges dorées sur la pèlerine: 540 • Oranges lancées par un Gille: ± 25-40 kg • Airs de Gille: 26 Le rondeau est un moment intense de rassemblement. Il symbolise la fraternité 62 Majestueux parmi les siens 30 de cuivres), mais aussi d’organiser toute la logistique liée au «ramassage» des Gilles ainsi que les différentes activités qui permettront, l’année durant, de récolter des fonds pour alléger la dépense financière de ses sociétaires. En effet, la participation au carnaval pour un Gille et sa famille représente un budget certain: cotisations à la société, confection des costumes et frais afférents (champagne, huîtres, consommations, etc.). Le Paysan occupe une place particulière dans mon cœur. Ayant suivi toute ma scolarité au collège Notre-Dame de Bon Secours, l’école de cette société «de fantaisie», j’ai passé six carnavals consécutifs derrière le groupe. Il est d’ailleurs assez logique pour moi d’avoir photographié ces acteurs, qui portent le même masque que le Gille, excepté la moustache de Napoléon III et la mouche. Les deux autres sociétés de fantaisie du Mardi gras, les Pierrots (du Petit Collège) et les Arlequins (de l’athenée) arborent aussi un masque, mais il est bien différent: il s’agit d’un loup noir. Le Paysan est le costume emblématique de la société qui s’est formée au sein du collège Notre-Dame. Ce n’est qu’en 1930 qu’il est adopté par tous les membres de cette société apparue en 1897. Même si les origines exactes du costume restent énigmatiques, les emprunts au costume du Gille sont évidents: le masque, le chapeau orné de plumes d’autruche, les rubans plissés, le ramon et les oranges. «La vie d’un jeune homme de Binche Ne peut pas durer longtemps Il dépense en une semaine Le revenu d’un an…» Extrait de «Le petit jeune homme de Binche», l’un des vingt-six airs Si le visage représenté par le masque du Paysan dispose des mêmes traits que celui du Gille, il diffère par un point: pas de moustaches napoléoniennes
  • 8. 3736 de chaque mois, elle posait le pied dans une barque des douves du château sans que l’on sût vraiment pourquoi. Une fois par an, à l’occasion de la procession mariale, les habitants du village avaient l’occasion d’apercevoir l’impératrice. Elle faisait distribuer des bonbons aux enfants et s’adressait quelquefois aux femmes de la région mais jamais aux hommes. En 1927, Charlotte s’éteignit en emportant ses angoisses, ses obsessions et ses rares plages de bonheur. Boechout fut le théâtre de la plus étrange des Cours impériales. Une cour fantasmagorique hantée de folie, de douleurs et de souvenirs lointains. Guillaume Geefs acheva ses études en 1829, soit un an avant l’indépendance du pays. Bénéficiant d’une bourse, le jeune homme se rendit à Paris. À son retour, il retrouva une Belgique indépendante et fut nommé professeur de sculpture à l’Académie d’An- vers. Dès le Salon de 1833, l’artiste réussit à faire parler de lui grâce aux modèles du monument du général Belliard et du monument funéraire de Frédéric de Merode. S’affranchissant quelque peu du néoclassicisme, Geefs ouvrit la voie d’un certain réalisme. Il fut d’ailleurs un ami de Gustave Wappers. Rapidement, le succès fut au rendez-vous et l’artiste vint s’établir à Bruxelles. Devenu sculpteur du Roi, il sculpta entre 1832 et 1836 les bustes de toute la famille royale. L’artiste fut notamment chargé de mouler le visage du petit Louis-Philippe, premier fils de Léopold Ier et de Louise-Marie mort en bas âge. En 1835, il en fit un très joli buste qui constitue un des rares témoins de ce charmant petit garçon que ses parents avaient affectueusement surnommé Babochon. Ensuite, le sculpteur ouvrit un atelier et accueillit des élèves. Il réalisa notamment le monu- ment funéraire de la Malibran ainsi que les bas- reliefs de la place des Martyrs. En 1850, on lui passa commande de plusieurs statues de Léopold Ier. La première était destinée à la Chambre des Repré- sentants (1853). La deuxième reste la plus célèbre et couronne toujours la colonne du Congrès. Cette statue eut un tel retentissement à l’époque que d’autres versions furent commandées par la Ville de Namur, l’hôpital Saint-Pierre (aujourd’hui à l’Hospice Pachéco) et le monument Léopold Ier à Laeken. Accumulant les honneurs, Guillaume Geefs fut nom- mé président de l’Académie royale et membre de l’Institut de France. L’artiste mourut en 1883, peu après la célébration du cinquantenaire de ce jeune royaume dont son art reste indéfectiblement attaché à la naissance. GUILLAUME GEEFS, LE PREMIER SCULPTEUR DE LA FAMILLE ROYALE Il fallait un sculpteur habile comme Guillaume Geefs pour perpétuer la mémoire du premier roi des Belges. L’austère bâtisse aux allures médiévales fut le théâtre des dernières errances de l’ancienne impératrice du Mexique. Elle y vécut notam- ment la Première Guerre mondiale alors qu’elle était le dernier membre de la famille royale en territoire occupé. 34 35 Autre témoin discret de la Reine, la chapelle Notre- Dame de la Salette se trouve sur la route de Forzée, à l’entrée de Mesnil-Église. L’édifice ne frappe pas les imaginations. Frêle et immaculé, il est un peu à l’image de cette reine méconnue et fragile. Il possède un joli clocheton, une girouette en forme de coq ainsi qu’un petit abri extérieur surmonté d’un toit en ardoises. Sur le fronton, une inscription nous en apprend un peu plus sur son histoire: «1857 Dédié à à la Très Sainte Vierge en souvenir de S.M. Louise Marie Thérèse Charlotte Isabelle d’Orléans reine des Belges» Pour l’anecdote, un détour par Philippeville s’impose. C’est sur la place de la ville que se trouve l’unique statue importante dédiée à la première souveraine belge. Louise-Marie est coif- fée de ses célèbres anglaises et tient un bouquet à la main. Peut-être s’agit-il d’une évocation de son amour pour les fleurs, elle qui fut une élève de Redouté, le célèbre peintre des roses. C’est à Philippeville que se trouve la statue de la première reine des Belges qui fut particulièrement populaire auprès des plus défavorisés. À L’entrée du village de Mesnil-Église, une petite chapelle blanche érigée en 1857 rappelle le souvenir de la reine Louise-Marie. Charlotte à Boechout ou la fin de l’errance Le souvenir de Charlotte plane encore sur le château de Boechout. Ce domaine de 93 hecta- res qui est aujourd’hui une très belle réserve natu- relle et qui accueille notamment le jardin botanique national fut aussi l’ultime étape des errances de Charlotte, l’impératrice tragique. Après l’incendie de son château de Tervueren, il fallut trouver une nouvelle demeure pour l’impéra- trice et le choix de son frère se porta sur le château de Boechout qui fut racheté au comte de Beaufort. De 1879 à sa mort, Charlotte vivra là, en marge du monde des hommes et de son époque. Léopold II imposait aux dames d’honneur de lui faire parvenir un rapport hebdomadaire sur la conduite de sa sœur. Le roi Albert aimait se rendre de bonne heure à vélo de Laeken à Boechout où il prenait plaisir à discuter avec les palefreniers. Durant la Première Guerre mondiale, l’envahisseur ne perturba pas sa tranquillité. N’était-elle pas la belle- sœur de l’empereur d’Autriche, lui-même allié du Kaiser allemand? Malgré la longueur de l’exil, on sait relativement peu de choses de la vie de l’impéra- trice entre ces murs. Les domestiques ne pouvaient lui adresser la parole. Ils crai- gnaient ses accès de fureur au cours desquels elle pouvait casser les objets les plus divers et même s’en prendre à eux. Elle détruisait tout mais elle ne s’en prenait jamais aux souvenirs de son cher Maximilien. Parfois, elle se mettait à jouer l’hymne mexi- cain au piano. À d’autres moments, elle faisait preuve d’un calme imperturbable et l’ambiance qui régnait au château n’en était que plus pesante encore. Le premier jour L’infortunée Charlotte fut l’impératrice de tous les exils. Après l’incendie de son château de Tervueren, elle trouva un ultime refuge à Boechout. 4342 Le deuxième roi des Belges ne jugeait pas le palais royal digne de la Belgique, c’est lui qui lui donna le visage que nous lui connaissons aujourd’hui. de créer un nouveau palais. Cette solution aussi ingénieuse qu’économique séduisit le souverain batave mais il fallut encore résoudre de nombreuses questions pratiques (choix des architectes, mesures d’économies, etc.) avant que le palais ne soit achevé en 1829, soit une petite année avant la révolution… Après son accession au trône, Léopold Ier en fit son palais. Il occupa le premier étage de l’aile droite tandis que le rez-de-chaussée était dévolu aux bureaux. À l’occasion du mariage du duc de Brabant avec Marie-Henriette, il fut question d’ins- taller le couple au Palais ducal (aujourd’hui Palais des Académies). Le jeune Léopold s’y opposa résolument, jugeant qu’il serait plus opportun d’investir dans la rénovation et l’agrandissement de l’aile gauche d’un palais qui serait un jour le sien. Léopold Ier était peu enthousiaste à l’idée de ces aménagements onéreux mais face à l’insistance de son fils, il finit par céder. De retards en retards, les travaux commençaient à peine quand survint la mort du Roi. C’est l’architecte Alphonse Balat qui conçut le palais royal tel que nous le connaissons aujourd’hui. Lors de son accession au trône, Léopold II et sa famille emménagèrent naturellement dans l’aile droite. Il ne résida donc jamais dans la fameuse aile gauche dont il avait pourtant souhaité avec tellement d’ardeur la rénovation et cette partie du palais fut désormais réservée aux invités. En 1877, la phase initiale des travaux était achevée et pour la première fois, l’édifice méritait véritablement son épithète de «royal». Sous l’impulsion du souverain, la superficie avait doublé et il émanait de ces aménagements une majesté encore inconnue des lieux. Il restait cependant à donner au palais une façade digne de ce nom. De nouveaux retards manquèrent de faire capoter le projet mais l’entêtement du Roi était prover- bial. Balat était décédé et ce fut l’architecte Henri Maquet qui se vit confier cette déli- cate mission. L’escalier et le vestibule d’honneur prirent la place de l’ancienne rue Héraldique de la période autrichienne. Dès cette époque, il constitua l’accès le plus officiel au bâtiment. Pour détailler l’espace qui évoque le mieux la personnalité de Léopold II dans le palais, c’est sans nul doute du côté de la salle du trône qu’il faut se rendre. Le Roi était féru
  • 10. L’ARCHÉOLOGIE D’UNE CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE TOURNAI 4 Douze siècles de témoins archéologiques L’ensemble des résultats obtenus conforte bien la vue que le site de la cathédrale a été le théâtre d’occupations humaines et de cons- tructions successives, entre la période romaine et le XIIe siècle, lorsque fut édifiée la cathédrale romane. En quelque sorte, sous le monument actuel gisent les vestiges d’innombrables mo- numents plus anciens. Les traces de l’agglomération gallo-romaine du Haut-Empire sont assez peu nombreuses parce qu’elles ont été largement éradiquées sous l’Antiquité tardive, qui s’avère être une période de grand développement urbanistique. On note des constructions successives: une aile de bâ- timent et une domus. Dans le courant du Ve siècle, le site connaît une évolution différenciée et s’illustre par un bâti- ment élevé en opus africanum. L’un des résultats les plus spectaculaires des fouilles archéologiques consiste en l’identifica- tion d’une basilique paléochrétienne. À partir du début du Haut Moyen-Âge, le site verra la construction et la reconstruction d’égli- ses successives au même endroit. On note une grande église carolingienne qui connaît un ré- aménagement substantiel, puis une première cathédrale, bâtie après l’An Mil. I Les fouilles archéologiques Les fouilles archéologiques de la cathédrale et de son environnement ont été conduites par le Centre de Recherches d’Archéologie Nationale de l’UCL, à partir de 1986. Une première cam- pagne d’exploration a été entreprise en 1986 dans le sous-sol de la place de l’Évêché. À l’oc- casion de la mise en restauration du porche de la cathédrale, des sondages furent entrepris en 1991 à l’extérieur de l’édifice. En 1996, furent lancées les premières reconnaissances au sein de la cathédrale elle-même. Ceci constitua le point de départ de divers programmes pluri- annuels, établis de commun accord avec la Ville de Tournai (anciens cloîtres), la Province de Hainaut (études de stabilité et stabilisation de la tour Brunin) et le Ministère de la Région wal- lonne, dont le Direction de l’Archéologie assura régulièrement le financement. Les opérations en question se sont poursuivies, sans presque aucune discontinuité, pendant dix ans, entre 1997 et 2007. 0 5 10 20 Haut-Empire romain I Haut-Empire romain II Bas-Empire romain I Bas-Empire romain II Édifice en Opus Africanum Paléochrétien Mérovingien Haut Moyen-Âge Carolingien I Carolingien II An Mil Roman: XIIe s. Les douze siècles de témoins archéologiques révélés par les fouilles archéologiques et les plans des édifices principaux. Les codes de couleur utilisés permettent de différencier les périodes ou les bâtiments. 5 S 23 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 10 20 m Vue sur le chantier archéologique du cloître (1997-1999). archéologiques, une exploration exhaustive du site n’était pas envisageable. Le bilan général des fouilles entreprises dans l’environnement de la cathédrale reste à écrire; une publication d’ensemble des résultats est en cours de réalisation, tandis que dans le grand projet de restauration de l’édifice qui a vu le jour, est inscrite la volonté de conserver et de montrer au public une partie significative des structures archéologiques mises en lu- mière. La recherche archéologique Si l’intérêt particulier porté au sous-sol ar- chéologique urbain de Tournai par les cher- cheurs est avéré de longue date, la cathédrale et son environnement immédiat n’avaient ja- mais été le théâtre de grandes investigations. Au XVIIIe siècle, le chanoine Denis-Dominique Waucquier aborde deux problèmes liés au sous-sol de la cathédrale: les fondations qui réunissent les bases des colonnes et la ques- tion hasardeuse de l’existence d’une carrière d’extraction de la pierre destinée à la construc- tion de la cathédrale située place du Marché- aux-Poteries. Il pose donc indirectement le problème de l’état du sous-sol et du niveau de la roche, si préoccupant pour ceux qui ont été en charge de la mise en stabilité de la cathé- drale. En 1932, un sondage profond exécuté dans le transept à l’entrée du chœur gothique a permis d’atteindre la roche à une profondeur de 8,90 m. En 1942, l’espace du cloître rendu accessible par les bombardements de la guerre a suscité quelques fouilles produisant du mobi- lier gallo-romain et mérovingien; des fouilles ont également été organisées dans les jardins de l’évêché. Dès le moment où la question s’est posée de la restauration de l’édifice, les archéologues ont répondu de manière positive: une première campagne de recherches a été conduite place de l’Évêché, en 1986; puis en 1990, vint la mise en restauration du porche qui s’accompagna de sondages archéologiques divers autorisant notamment la première reconnaissance des fondations de la cathédrale romane et la dé- couverte d’une chapelle épiscopale. À partir de 1996, se concrétisent des pro- grammes d’études préalables à la mise en sta- bilité du bâtiment. Dès ce moment, ingénieurs en stabilité et archéologues travaillent en- semble. Les seconds récoltent beaucoup d’in- formations dans des sondages profonds et malheureusement toujours trop étroits, entre- pris à l’intérieur et à l’extérieur de la cathé- drale. Une archéologie, diversifiée dans ses formes d’intervention, va naître par la suite. Quelques enquêtes archéologiques préalables aux tra- vaux d’aménagement des espaces entourant l’édifice sont programmées, comme celle du cloître, fouillé de 1997 à 1999 ou du Quadrila- tère, examiné en 2000. L’intérieur de l’édifice religieux a été plus largement étudié à l’occa- sion des travaux de stabilisation de la cathé- drale, des opérations de stabilisation de la tour Brunin, puis de deux fouilles programmées, très largement soutenues par la Province du Hainaut et surtout par le Ministère de la Région wallonne, Direction de l’Archéologie. Ces der- nières ont été entreprises dans la nef nord, à partir de 2002 et, dans la nef centrale, à l’em- placement des anciens chœurs, de 2005 à 2007. De la sorte, le potentiel archéologique gisant sous la cathédrale romane a pu être effective- ment évalué dans de bonnes conditions: 40% de la surface des nefs ont été examinés, contre 25% de la surface dans le transept. Vu la pro- fondeur à laquelle se trouvaient les vestiges Les zones fouillées dans la cathédrale et son environnement: 1 à 9. 14 L’état le plus ancien est lié à l’édifice à hypo- causte du Bas-Empire, évoqué plus haut, con- crétisé par un mur extérieur épais, chaîné de lits de tuiles. L’aménagement de la basilique paléochré- tienne à cet endroit a connu deux stades. Dans un premier temps, on a retravaillé le mur ancien pour y ouvrir deux petites portes laté- 0 5 10 20 m rales et une porte axiale plus grande. Ces ouvertures sont chacune desservies par un escalier posé contre le mur ancien. Nous con- servons, au nord, le seuil qui marque l’empla- cement de la première porte latérale, tandis qu’au sud, une partie du pied-droit de cette porte est encore visible. Dans un second temps, il a été question d’un rehaussement du niveau de circulation dans la nef, condamnant l’usage des escaliers et entraînant la réfection de la porte centrale dotée cette fois de deux bases de colonnes à profil biseauté insérées dans la muraille. Ce sont des blocs monumentaux de récupération en pierre calcaire arrachés à un monument gallo-romain. Les accès latéraux sont alors condamnés. Des éléments de sols très significatifs ont été enregistrés tant dans la nef que dans le chœur de la basilique paléochrétienne. Dans la nef, le sol le plus ancien recourt à l’em- ploi d’un dallage calcaire et d’un béton rose. Le second sol est constitué par de l’argile damée. Dans le chœur, dont nous ne connaissons mal- heureusement pas les dimensions, nous som- mes en présence d’un béton de sol épais à base de chaux et de tuileau réaménagé plusieurs fois. Cette église paléochrétienne, datée du Ve siècle, revêt donc une importance historique particu- lière. Bases de colonnes encadrant l’ouverture centrale du chœur de l’église paléochrétienne. Ci-contre et en bas à droite: bases d’escalier conduisant de la nef centrale vers le chœur. Plan de l’église paléochrétienne (première phase). 15 L’occupation mérovingienne En matière d’archéologie chrétienne, la pé- riode mérovingienne au sens strict est concernée par deux édifices au moins: la basi- lique paléochrétienne elle-même, érigée à la transition entre l’Antiquité tardive et la période suivante et sans doute remaniée dans le cou- rant du VIe siècle et la basilique qui lui succé- dera, dite du Haut Moyen-Âge, parce que sa date d’érection n’est pas précise. Peu de matériel archéologique a été récolté lors des fouilles pratiquées dans les édifices re- ligieux anciens, ce qui n’aide pas à établir des séquences chronologiques très précises à leur propos. En revanche, un dossier extrêmement riche pour cette période a été réuni pour les zones qui environnent les édifices eux-mêmes. Les rares contextes construits découverts ne reposent pas directement sur les niveaux de l’Antiquité tardive. Ainsi en est-il d’un foyer, contenant beaucoup de céramique mérovin- gienne, un manche de couteau en os taillé avec décor d’ocelles, de la verrerie; il a été appuyé contre le mur longitudinal nord de la gale- rie de la basilique paléochré- tienne où l’on a improvisé un conduit de cheminée. La porte percée dans ce même mur a également été oblitérée, car un mur en pierres sèches a été construit sur le seuil antique ou plutôt sur un niveau sédimen- taire qui le surmontait. Tout indique que la basilique paléochrétienne a subi quel- ques dommages à ce moment. Dans la zone des cloîtres anciens, et au sein des contextes de terres noires, une grande quantité de céramiques fines et grossières a été rassemblée. Il s’agit de céramiques notamment biconiques som- bres et lissées, portant souvent un décor au poinçon et plus rarement à la mo- lette. La céramique culinaire grossière est également bien représentée. Il est aussi question de la découverte impor- tante de traces de l’artisanat du bois de cerf, du verre, du bronze et de la production de fibules notamment. Le travail de l’os et du bois de cerf est repré- senté par plusieurs objets finis et par nombre de déchets de débitage ou de sciage. L’artisanat le plus évocateur est celui de l’orfèvre qui a fondu des pièces en bronze assez variées, comme des accessoires de ceinture et surtout des fibules ansées et digitées. Une trentaine de fragments de moules de ce type figure parmi les trouvailles les plus spectaculaires. L’en- semble de ces données nous ramène à une fourchette chronologique essentiellement si- tuée dans la période 470/480-550/560. En outre, la célèbre couche des terres noires, sédiments accumulés à hauteur de la zone des anciens cloîtres, est déterminante pour la com- préhension de celle-ci. Elle scelle le site et marque un temps d’arrêt avant une réap- propriation de celui-ci, que l’on ne peut pas reconnaître avant la pé- riode carolingienne. De nombreuses études tant pa- lynologiques qu’archéozoologi- ques ont été conduites sur la composition paléoenvironne- mentale de ces sédiments. Elles offrent des points de repère de grand inté- rêt pour la compréhension de la période de transition entre Antiquité et Moyen-Âge. Mobilier mérovingien retrouvé dans les «terres noires», comme reflet d’artisanats locaux. À gauche: objets en bois de cerf. Au milieu: fibule en bronze et moules de fibule ansée et de boucle. À droite: céramique ornée. La couche des «terres noires»: strates superposées scellant l’occupation du Haut Moyen- Âge. Foyer d’époque mérovingienne. BROCHURE
  • 11. Depuis les origines de Bruxelles, la colline du Coudenberg est lieu de résidence seigneuriale. Dominant la ville, la demeure des ducs de Bra- bant connaîtra un développement remarquable, au point de devenir un palais à la mesure de ses hôtes, dont le plus prestigieux n’est autre que l’empereur Charles Quint. Ravagé par un incendie en 1731, ce palais sera presque totalement détruit une quarantaine d’années plus tard pour céder la place au Quartier royal que nous connaissons encore aujourd’hui. Depuis lors, ce quartier voulu par Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas, abrite les institutions les plus prestigieuses du pays – palais royal, Parlement, Académie, musées… – et perpétue l’héritage de l’an- cienne cour. Redécouverts voici trente ans, les vestiges conservés de ce palais sont aujourd’hui présentés dans un site archéologique accessible au public et constituent un sujet de recherche privilégié des archéologues, histo- riens et historiens de l’art. Dans cet ouvrage richement illustré, une trentaine de chercheurs ont uni leurs compétences pour renouveler la vision de ce site prestigieux. LE PALAIS DU À BRUXELLES COUDENBERG S520082 ISBN 978-2-8047-0156-7 éditions éditions éditions éditions éditions éditions LEPALAISDUCOUDENBERGÀBRUXELLES LE PALAIS DU À BRUXELLES COUDENBERG éditions éditions éditions 32 bRuxEllES Et lE cOuDEnbERg : DES RElAtIOnS AMbIguËS impossibles à définir: ainsi apparaissent les résidences princières aux auteurs de la plus monu- mentale des sommes consacrées à leur histoire1 . L’implantation et la vie d’une résidence princière comportent des facettes si nombreuses, traduisent des phénomènes si complexes qu’on ne peut les caractériser aisément. Chaque résidence possède par ailleurs des éléments qui lui sont spéci- fiques. La complexité des raisons qui sous-tendent l’implantation et le développement du centre de pouvoir que fut le Coudenberg, ses particularités parfois surprenantes en font un sujet d’étude difficile mais passionnant. nous nous attacherons sinon à mettre en évidence quelques clefs de lecture de ce site majeur de l’histoire bruxelloise, du moins à souligner quelques questions aux- quelles tentent de répondre les chapitres qui suivent. un pAlAIS SuR lE cOuDEnbERg? Le terme palais évoque une série de sens, se recou- pant parfois ou n’étant pas toujours d’une précision extrême, mais qui ne se situent pas moins dans un contexte clair et défini2 . Le «palais» est d’abord, à rome, le siège du pouvoir de l’empereur. Lorsque celui-ci délègue partie de son autorité aux souve- rains mérovingiens, ceux-ci adoptent pour leurs résidences le terme de «palais», qui est dès lors également utilisé pour celles des empereurs caro- lingiens. à partir de ceux-ci, toutefois, le terme de palais n’est plus le seul utilisé pour identifier les résidences royales et impériales. Trois siècles plus tard, Frédéric ier barberousse (empereur 1155-1190) revendique le caractère impérial des palais et les associe aux droits régaliens, alors même qu’il ne tient pas pour régalien le droit de fortification. si l’acte du souverain staufen montre que le palais n’est plus, à son époque, le monopole du souve- rain, roi des romains ou empereur, c’est en italie essentiellement que les droits du souverain ont subi cette érosion. dans le reste de l’empire, auquel le brabant et bruxelles appartiennent, les «palais» ou Pfalzen demeurent associés au détenteur du pouvoir souverain. si l’empereur peut nommer ses «résidences» par d’autres vocables que par palatium, celui-ci, jusqu’à la chute des staufen, ne s’applique qu’à l’habitat de l’empereur ou du roi des romains. Les évêques de Liège qui, les premiers, reçoivent d’otton iii (règne 983-1002) les droits régaliens sur cHApItRE 2 Michel de Waha des comtés, devenant ainsi princes-évêques et qui sont dans nos régions les zélés représentants du pouvoir impérial ne désignent pas à l’époque leur résidence par le terme de palais3 . il n’est donc pas question de palais stricto sensu à bruxelles, jusqu’à Charles Quint, ou plus justement jusqu’aux ducs de bourgogne, car ceux-ci, d’origine française et pratiquant une politique d’ostentation du pouvoir on ne peut plus manifeste, conçoivent leurs résidences comme des palais et peuvent les ap- peler ainsi. Mais ces ducs d’une part descendent di- rectement de la maison royale de France et d’autre part aspirent au titre royal. Que palatium ne désigne pas le centre du pouvoir comtal puis ducal à bruxelles ne signifie pas que ce qui s’édifie sur le Coudenberg ne présente pas les caractéristiques propres à un palais: entre renoncer au mot et abandonner la réalité de la chose, il y a une marge! en d’autres termes, les «palais» servent de modèles aux comtes et ducs pour leurs propres résidences, exactement comme le sceau d’abord réservé aux rois et empereurs est au 10e siècle uti- lisé par les évêques, puis au 11e siècle par les princes territoriaux. Les recherches menées un peu partout en europe montrent4 que les résidences princières s’organisent autour de trois pôles: un pôle religieux, la capella, un pôle administratif et de prestige incarné par l’aula, enfin un pôle défensif symbolisé par la turris, qui peut également renfermer des éléments résidentiels. Cette typologie fournit un canevas d’interprétation 332. bruxelles et le coudenberg : des relations ambiguës Peter Van den Clooster, miniature extraite de Oorspronck der gulde van S. Jooris binnen de Stadt Brussele, 1651. 118 Plusieurs brocs produits à Bouffioulx à la fin du 16e siècle ont été découverts dans une ancienne cave à vin (salle n° 19 du plan page 82). Certains sont ornés d’une tête d’homme barbu, motif en vogue à l’époque. Un autre permet de restituer le millésime «1592» et de lire le nom «JACOB». Les verres à pastilles sont le plus couramment utilisés à la Renaissance. La coupe tronconique des Berkemeier du 16e siècle devient ovoïde au 17e siècle pour les Römer. Cruches et verres de la seconde moitié du 16e siècle Michel Fourny Broc en grès orné d’un médaillon et d’un mascaron barbu d’un type produit à Bouffioulx vers 1600. Fragment de broc en grès orné d’un médaillon portant la marque du potier de Bouffioulx, Jacques Bertrand Visnon. Verres Berkemeier du 16e siècle. 119 00 10 m 0 AB C D 6. du palais ducal au palais impérial A. Corps de logis; B. Chapelle; C. Aula Magna; D. Bâtiment d’entrée vers 1600, de pourvoir l’aula Magna en eau cou- rante22 . L’aménagement d’une citerne (n° 5 du plan ci-contre) et d’un bassin (n° 6) dans le niveau tech- nique intermédiaire de l’aula Magna ainsi que de son système d’évacuation des eaux usées jusqu’à la rue, à travers le couloir et la grande cuisine, pour- rait dater de cette époque. Uniformisation du corps de logis Lors des fouilles à ciel ouvert de la rue royale entre 1997 et 2000, deux massifs de fondation rectangu- laires (n° 10) ont été retrouvés alignés parallèle- ment à la façade du 15e siècle (voir plan ci-contre). non directement datables par eux-mêmes, ils sont néanmoins identifiables aux piliers de la galerie de passage couvert qui double toute la façade du corps de logis du côté de la cour intérieure. aucune des vues sur cette façade n’est antérieure au 17e siècle et toutes montrent la galerie. parmi les plus anciennes, la gravure Aula bruxellensis format interior (voir re- production page 83) fut éditée à bruxelles en 1646 dans Eryci Puteani Bruxella… et celle intitulée Curia Brabantiæ. La cour de Brusselles à amsterdam en 1649 dans un ouvrage de Joan blaeu. Quant à la gravure Antiqua praepositura S. Jacobi de Frigido Monte due à david Coster (voir reproduction page 65), elle figure dans l’ouvrage d’antoine sanderus, Choro- graphia sacra Brabantiæ, paru à bruxelles en 1659 et réédité en 1726-172723 . Comme l’a noté andré Vanrie, la première men- tion reconnue de cette galerie remonte à l’année 1623, lors de la mise en œuvre des parachèvements de sa partie supérieure (étanchéité et balustrade). il est précisé qu’elle a 210 pieds de long sur 10 de large (environ 58 m x 2,75 m), cette dernière mesure cor- respondant parfaitement aux données de fouille. Lorsqu’il en est question quelques années plus tard, en 1628, elle est d’ailleurs désignée comme la «gale- rie nouvelle» située aux «bailles internes» 24 . 16e siècle 17e siècle  Structures des 16e et 17e siècles découvertes en fouille.  Curia Brabantiae. La cour de Brusselles, gravure anonyme publiée en 1649 dans l’Atlas de Joan Blaeu. Une longue galerie couverte double le corps de logis sur toute sa longueur du côté de la cour intérieure.
  • 12. 2059. Le parc et Les jardins L’ingénieur français Jérôme Hardouin effectue des travaux dans la Feuillée dès les années 1596- 1599. Les archiducs souhaitent en effet y instal- ler de nouvelles pièces d’eau et des statues. des comptes conservés, il ressort que de Caus y est chargé du réseau de distribution des conduites et de la répartition des fontaines. La Feuillée est réa- ménagée avec un grand raffinement. des bassins ronds, carrés, rectangulaires et en forme de losange y sont disposés sur un certain nombre de terrasses. L’eau de ces bassins est ensuite acheminée par des conduites souterraines vers l’étang entourant le pa- villon en bois de Charles Quint. au nord de celui-ci se dresse une fontaine en marbre couronnée d’un cupidon en bronze, œuvre du sculpteur Jérôme duquesnoy l’ancien79 . sous cette petite statue, quatre escargots déversent de l’eau dans un bassin rond. sous celui-ci, l’eau s’écoule par un second tuyau vers une fontaine suivante avec un satyre en bronze assis sur le dos d’une tortue. Cette fontaine plus petite est réalisée par le célèbre sculpteur Jean de boulogne ou giovanni da bologna (1524-1608)80 . Les figures présentent une concordance avec une statue que Valerio Cioli réalisa vers 1550 pour le jardin de boboli à Florence, où salomon de Caus avait participé à la construction de la fontaine de l’océan81 . La statue de Cioli représentait une figure de bacchus – le nain-bouffon Morgante – assis sur une énorme tortue. une série de dessins anonymes des archives géné- rales du royaume font apparaître que les conduites d’eau à partir de la deuxième grotte se ramifient tant vers la Feuillée que vers le nouveau jardin d’en haut (Hoogen Hof) récemment aménagé. une partie du Hoogen Hof est transformée en terrasses et en pièces d’eau. sans doute la troisième grotte voit-elle le jour dans la foulée. ses concepteurs, dont salomon de Caus, cherchent à obtenir un raccordement opti- mal de la conduite centrale à ces nouvelles grottes et fontaines82 . C’est là aussi que se situe ce que l’on appelle le jardin ou parterre de France, où, selon les vœux de l’archiduchesse, des marguerites et des vio- lettes sont plantées en 1608. L’horticulteur chargé de ces plantations est gilles de roybaert, jardinier du château de Mariemont. il est assisté dans son tra- vail par les jardiniers poelmans, Van den broeck et soelinx83 . La Maison de l’empereur, laissée à l’abandon, est réaménagée en 1600. Le jardin est réorganisé et les dessins qui ont été conservés y ont peut-être trait84 . Cette année-là, les travaux vont bon train. La Feuillée est rénovée, la roseraie et les haies sont replantées et taillées, et la glacière du vignoble fait l’objet d’un grand entretien. Longtemps après le départ de salomon de Caus, l’archiduchesse isabelle commande de nouvelles statues pour le jardin. en 1621, les sculpteurs Jé- rôme duquesnoy l’ancien et nicolaes diodona livrent ainsi deux lions et un dragon en bois. ils sont placés au-dessus d’un bassin aquatique en pierre bleue, dans la grande galerie85 . une nouvelle grotte avec une statue en marbre de saint Jean-baptiste est érigée en 1625 près du pont en bois menant à la Feuillée. Cette grotte est ornée de miroirs. L’uti- lisation de miroirs dans le jardin est évoquée égale- ment dans le récit de voyage de Jean Fontaine, qui visite le palais et le jardin en compagnie de Louis schonbub en 1628. il écrit: Du chasteau on va descendre au jardin en carosse si on veut, et trouve on en descendant à droite un miroir si ar- tistement mis qu’on peut voir ce qu’il y a de l’autre costé Plan de la fontaine de la Feuillée, début du 16e siècle. 206 Des centaines de fragments de statues en terre cuite ont été retrouvés lors des fouilles ar- chéologiques dans les caves du corps de logis du palais. Ils avaient été déversés avec du sable et des débris d’autres objets en céramique (poêles calorifères et carreaux de revêtement mural et de sol) pour former une couche de rehaussement du niveau du sol. Relativement fragiles, ces fragments n’ont toutefois pas subi un concassage très poussé avant d’être enfouis, ce qui a permis des remontages significatifs. Les statues sont composites: le tronc, le bas- sin,lesmembres,lafaceetl’arrièredelatêteont été réalisés séparément au moyen de moules. Les différents éléments étaient ensuite assem- blés à l’aide de tiges en fer qui ont rarement été conservées mais dont les traces subsistent toujours sous la forme d’oxyde de fer présent sur les fragments. Des marques d’assemblage apparaissent systématiquement sur certains éléments (en particulier à la jonction du torse et du bassin et sous les pieds). La technique du moulage implique l’exécution en série de ces œuvres de second choix qui devaient être peu coûteuses, par rapport à un original en bois, en pierre ou en bronze. Cette production en série révèle toutefois très peu de doublons parmi les éléments retrouvés: seuls deux fragments de l’arrière de la tête et appartenant à deux individus différents proviennent d’un même moule. Le commanditaire aura veillé à faire varier les attitudes des statues. L’enduit blanc à base de chaux, dont toutes les statues sont badigeonnées, évoque le marbre blanc. On dénombre quelques fragments de sta- tues d’adultes parmi une majorité de putti réalisés quasi tous à la même échelle. Le style uniforme des putti permet de supposer qu’ils participaient à un même projet d’aménage- ment, probablement un décor de jardin. Grâce aux remontages, même partiels, on peut aujourd’hui approcher les grandes carac- téristiques des putti. La base, également dénommée piédouche*, naît sur une large assise octogonale allongée  Ce putto a la jambe gauche avancée, la jambe droite est en retrait et soutient le bassin. Le torse est penché vers l’avant et le ventre est bedonnant. Les éléments anatomiques comme les orteils, les genoux, les plis de l’aine ou du ventre sont particulièrement marqués. La jambe gauche n’appartient pas à l’individu mais elle adopte une attitude anatomique correcte.  Ce putto a un déhanchement qui rappelle le contrapposto* des statues de l’Antiquité. La position oblique du bassin accentue l’impression de déséquilibre de la statue. Le ventre semble figé, le bras droit repose sur le torse en le barrant vers la gauche. La jambe droite tendue est en situation plausible au plan anatomique mais n’appartient manifestement pas à cet individu. Statues de putti en terre cuite (début 17e -début 18e siècle) récoltées lors des fouilles michel Fourny & Pierre anagostoPouLos 218 Évolution et dÉveloppement du quartier de la cour paulo charruadas, Shipé Guri & marc meganck chapitre 10 L’établissement d’un centre de pouvoir a des conséquences directes sur le tissu spatial environnant. Il se marque par le développement architectural – urbain – du siège de ce pouvoir. La construction à proximité d’édifices religieux renforce sa légitimité. Le palais du Coudenberg est un bel exemple de ce type de phénomène, observable du 12e au 18e siècle. Les conséquences spatiales de cet établissement ne se limitent pas au palais. Dès le Moyen Âge, le souverain ne gouverne pas seul. Il s’appuie sur des proches – les nobles et une élite économique – et sur une administration qui assurent le relais entre sa personne et la société locale. Ces proches du prince tirent leur prospérité et leur essor de cette position privilégiée. Ils installent leur rési- dence à proximité et attirent à leurs côtés une classe d’artisans et de négociants susceptibles de leur fournir les objets et produits dont ils ont besoin. Aux abords du palais se côtoient ainsi les annexes de la résidence princière, les hôtels particu- liers des favoris et des fonctionnaires de la cour, des couvents, hospices et refuges monastiques, des auberges et des maisons d’artisans.  D. Coster, L’abbaye Saint- Jacques-sur-Coudenberg, 1659.  Panorama de la ville de Bruxelles, par Jean-Baptiste Bonnecroy, 1664-1665. L’imposante silhouette de l’Aula Magna est visible dans le haut de la ville, au centre de l’image, à gauche de la flèche de l’hôtel de ville. 21910. évolution et développement du quartier de la cour l’occupation antÉrieure au 15e Siècle Les propriétaires de la colline ou des propriétaires sur la colline? L’examen de plusieurs sources et fonds d’archives permet de se faire une idée de cette occupation des lieuxavantle 15e siècle et le début de la période bour- guignonne1 . On considère traditionnellement que le Coudenberg appartient à l’origine aux comtes de Louvain, puis ducs de Brabant, qui auraient loti le site. Cette interprétation régressive est aujourd’hui remise en cause au profit d’une vision qui fait des princes des propriétaires parmi d’autres et qui laisse alors supposer qu’ils durent manœuvrer pour s’ins- taller foncièrement sur les lieux (voir chapitre 3). L’occupation du Coudenberg et les environs du palais Les fouilles archéologiques récentes du site de l’hôtel d’Hoogstraeten ont révélé les traces d’une activité agricole datée entre le 10e et le 12e siècle. En l’état actuel de nos connaissances, ce terminus s’accorde parfaitement avec la documentation écrite des 13e - 14e siècles, qui ne mentionne plus que rarement ce type d’activité sur le Coudenberg. La plupart des mentions de terres arables, de vignes, de vergers ou de jardins maraîchers sont alors localisées au-delà de la porte de Coudenberg, c’est-à-dire en dehors de la première enceinte. Des exceptions subsistent toutefois et rappellent la présence d’activités agri- coles sur la colline: un terrain sis dans le Borgen- dael, à côté du manoir ducal, est appelé Crawels- bemdeken (littéralement «petite prairie de Crawel» ou «petite prairie du trident») dans un acte de 1284 par lequel le duc en fait l’acquisition, peut-être en vue d’une extension de son manoir; une prairie de petite superficie (un demi-journal, soit un peu plus de 1000 m2 ) est attestée encore en 1356 dans la Groenstraet à proximité immédiate du palais. Cette mention pourrait indiquer la persistance en ce lieu de la fonction de dries (trieu en français), c’est-à-dire d’un espace voué à la pâture du bétail et souvent situé au centre de nos anciens villages (voir cha- pitre 3). L’occupation du Coudenberg apparaît donc principalement résidentielle, politique et admi- nistrative. En s’y installant, le prince y organise la gestion de ses biens disséminés dans tout le Bra- bant et même en dehors, et d’autre part, il y rend la justice et y gouverne donc ses sujets. Les premières mentions de la présence ducale sur le Coudenberg placent d’ailleurs précisément le duc dans sa fonc- tion de souverain et de juge suprême. Du point de vue administratif, une Tolhuis ou maison du tonlieu (taxe commerciale payée sur les marchandises tran- sitant par Bruxelles) avait son siège sur la colline, tandis que la halle ducale aux laines (Wolhuis) y fut aussi implantée. L’examen des archives pour la période des 13e - 14e siècles révèle l’importance des élites urbaines et seigneuriales dans la propriété foncière de la col- line, la présence de nombreuses résidences aristo- cratiques occupées par des proches du pouvoir et, enfin, l’établissement d’artisans fournisseurs de la cour et des hôtels installés à proximité. La plupart des familles de l’aristocratie urbaine possèdent des biens sur le Coudenberg et dans les quartiers environnants. La simple consultation du travail de Philippe Godding sur les seigneurs fon- ciers bruxellois le confirme d’emblée. Cette présence répond à des enjeux complexes, à des impératifs à la fois économiques – la terre était à l’époque (bien plus encore qu’aujourd’hui) l’investissement financier le plus sûr pour les fortunes en tout genre – mais aussi symboliques et culturels. Posséder des biens sur la colline du pouvoir renvoie indéniablement Détail d’une maquette évoquant la ville de Bruxelles au 13e siècle. La première enceinte marque un décrochement important autour des châteaux sur le Coudenberg. Le quartier juif se développe sur les pentes de la colline, le long du steenweg. 29313. une histoire de palais aux environs du coudenberg aux principaux points de la ville, de la valeur à des quar- tiers aujourd’hui peu fréquentés. outre le palais royal, Verly projette la réalisation de deux «pavillons des princes», de part et d’autre de la place située devant le palais royal, ceux-ci devant servir de résidence aux deux fils du souve- rain. non loin du palais, il dessine également une place avec un «monument destiné aux sciences et aux beaux-arts» qui, par ses dimensions, préfigure les projets de palais des beaux-arts. sur ce plan, Verly mentionne également une «nouvelle place du palais de Justice», faisant référence au projet de palais de Justice qu’il est par ailleurs chargé d’édi- fier à bruxelles. Le plan de Verly n’est pas réalisé et, nous l’avons vu, un palais royal plus modeste sera aménagé face au parc. dans le courant du 19e siècle, l’acception du terme «palais» évolue sensiblement. il ne s’agit plus seu- lement de la vaste et somptueuse demeure d’un per- sonnage de marque, de l’édifice abritant les cours et tribunaux, ou d’une institution publique abritée dans un ancien palais, mais d’un édifice public mo- numental construit à des fins spécifiques. en 1832, dans son Dictionnaire de l’Architecture, l’archéologue et critique d’art Quatremère de Quincy précise que: palais signifie, dans les usages modernes et selon le langage de l’architecture, tout bâtiment destiné soit à l’habitation des rois, des grands, des riches, soit à l’éta- blissement de certains services publics, de certaines ins- titutions qui exigent de la solidité, de la grandeur, et une apparence de dignité extérieure propre à désigner leur importance13 . à bruxelles, le terme «palais» se met à désigner d’autres édifices que la résidence du souverain ou de son représentant à partir de la période hollan- daise. ainsi, l’ancien hôtel du Conseil souverain de Projet pour l’agrandissement et l’embellissement de la ville de Bruxelles, pour y former de grandes communications et y placer convenablement le palais de Sa Majesté, de F.Verly, 1817. Le projet de palais est visible dans le coin inférieur gauche du plan. 294 brabant est réaménagé en vue d’abriter les séances et réunions des membres composant la première et la seconde chambre des états-généraux du royaume des pays-bas. Cet édifice monumental, actuel palais de la nation, prend le nom de palais des états-gé- néraux14 . non loin de là, sur un terrain situé entre la rue ducale et les boulevards extérieurs, une de- meure est édifiée entre 1823 et 1826, par Charles Vander straeten puis par Tilman-François suys pour le prince héritier, guillaume Frédéric, fils aîné de guillaume ier d’orange. C’est le palais du prince d’orange, actuel palais des académies15 . La localisation de ces trois palais autour du parc suscite un dialogue visuel riche de significations sym- boliques que soulignent fréquemment les contem- porains16 . grâce à la longue perspective de l’allée cen- trale du parc, antérieure à la réorganisation spatiale des palais sous la période hollandaise, le souverain et les représentants des états-généraux se font face. Ce nouveau rôle symbolique joué par l’allée centrale faillit être appuyé par une nouvelle dénomination qui aurait été «l’avenue du palais»17 . Quant à la rue de belle-Vue, elle est élargie, dégageant ainsi l’espace devant le palais royal et le palais du prince d’orange. grâce à cette place dénommée «place des palais», le palais de guillaume ier et celui de son fils peuvent être tous deux appréciés depuis le départ de la rue royale, au débouché de la place royale. plus au sud, en contrebas du sablon, François Verly est chargé par l’état d’aménager le palais de Justice, c’est-à-dire un bâtiment destiné à accueillir les cours et tribunaux, dans les locaux de l’ancien collège des jésuites jusqu’alors occupés par l’Hôpi- tal militaire déménagé pour l’occasion dans l’ancien couvent des minimes. entamés dès 1818, les tra- vaux ne seront terminés qu’en 1823, après la mort de l’architecte. une nouvelle façade à la manière d’un temple antique est érigée à l’emplacement de l’église des Jésuites détruite à partir de 1811 et une place est créée devant cette façade. Le nouvel édi- fice marque donc son emprise sur l’espace public; la place qui lui sert de parvis prend la dénomination de «place du palais de Justice». Mais les locaux du 17e siècle, désaffectés en 1773 et transformés au gré des occupations successives, se révèlent inadaptés et vétustes18 . dans ce cas, comme pour celui du palais royal, la solution rete- nue reste insatisfaisante. Malgré ces faiblesses architecturales et fonction- nelles, l’existence même du bâtiment constitue une évolution notable: de l’acception de «palais» à l’édifice où siègent les cours et les tribunaux – cou- rante en France depuis le 18e siècle – à la concré- tisation de ce type de programme, le palais de Jus- tice devient un élément emblématique des villes au 19e siècle19 . s’il n’existe pas encore officiellement de palais des beaux-arts sous la période hollandaise, on retrouve quelquefois cette dénomination pour caractériser «l’ancienne Cour», c’est-à-dire l’ancien palais de Palais des Académies, édifié entre 1823 et 1826 par Charles Vander Straeten puis Tilman- François Suys pour le prince héritier, Guillaume Frédéric, fils aîné du roi des Pays-Bas Guillaume Ier d’Orange.