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UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL




L’UTILISATION DE DONNÉES RECUEILLIES À PARTIR DES SITES DE
RÉSEAUX SOCIAUX DANS LE CADRE DE PROCÉDURES JUDICIAIRES




                           PAR

                ARIANE BERGERON ST-ONGE




            CERTIFICAT DE RELATIONS PUBLIQUES

           FACULTÉ DE L’ÉDUCATION PERMANENTE




           TRAVAIL PRÉSENTÉ À PATRICE LEROUX

            DANS LE CADRE DU COURS REP 2400

            INTERNET ET RELATIONS PUBLIQUES




                      OCTOBRE 2011
2


La couverture médiatique allouée à certains grands procès des dernières années

fait trop peu mention de la preuve présentée afin de soutenir les faits allégués

par chacune des parties. Dommage, puisque le journaliste invite le lecteur à se

forger une opinion à l’issue du procès, bien qu’il ne détienne pas tous les

éléments permettant le travail intellectuel qui doit nécessairement suivre à cette

réflexion. La meilleure illustration pour dénoncer cette problématique est sans

contredit l’affaire Guy Turcotte, dont le verdict en a choqué plus d’un. Pourtant,

combien étaient-ils à avoir assisté à l’ensemble des témoignages, des écrits et

autres éléments ayant constitué la preuve? Trop peu. C’est toutefois ce qu’on se

serait attendu du travail des journalistes. Ceci étant, la communauté juridique

s’est plainte à plusieurs reprises du traitement de l’affaire par les médias. Et non

sans raison.




Que ce soit la désormais tristement célèbre affaire Turcotte, ou encore les

causes de proxénitisme ou même de cyberpédophilie, les médias choisissent

trop souvent la voie de la facilité : celle de soulever l’assentiment du public à

l’égard des faits de l’affaire, sans toutefois faire mention de l’admissibilité des

éléments en preuve, qui vient pourtant teinté de façon manifeste l’issue d’un

procès. Ainsi, tous et chacun n’ont malheureusement pas accès à la preuve pour

forger leur opinion. C’est pourquoi il est rarement question de la façon dont cette

preuve est administrée en l’instance. Or, il s’agit d’une question cruciale. Ainsi, il

est fort à parier que très peu d’entre nous savons que l’information issue des

réseaux sociaux est de plus en plus utilisée à titre d’élément de preuve. Cette
3


utilisation de l’information recueillies à partir des sites de réseaux sociaux dans le

cadre des procédures judiciaires est-elle toujours adéquate? Nous pensons que

non.




Le respect au droit à la vie privée, garanti par la Charte des droits et libertés de

la personne1, est un obstacle à l’utilisation du contenu provenant des réseaux

sociaux. Il y a aussi les problèmes récurrents quant à l’intégrité du contenu, qui

peut facilement être remis en doute. Enfin, il ne faut pas passer outre l’impact

que cette utilisation puisse avoir sur les usagers au sein de leur vie personnelle

ou professionnelle, avant même qu’un recours judiciaire ne soit introduit, mais

souvent précurseure à celui-ci. L’étude de la jurisprudence permet de mettre en

lumière cette problématique, sans toutefois apporter de réponses efficaces.




1
 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12.
http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/C_12/C12.h
tml
4




Les tribunaux du « R.O.C.2 » se sont prononcés sur l’admissibilité du contenu de

sites de réseaux sociaux. En effet, la jurisprudence ontarienne a notamment déjà

tenté de fixer des balises claires quant au contexte permettant à une partie de

requérir un accès aux contenues de pages hébergées par un site de réseau

social dans le cadre d’un litige3. À l’instar des tribunaux des autres provinces

canadiennes, la jurisprudence québécoise a démontré à de nombreuses reprises

qu’elle admettait en preuve de tels contenus. Toutefois, elle n’a pas encore fixé

de limites clairement définies.




Avant d’explorer le volet constitutionnel du droit à la vie privée, élaborons

davantage sur ce qui compose une page d’un site de réseau social. Prenons

l’exemple Facebook4. Bien qu’il existe différents types de réseaux sociaux à

travers le monde, que ce soit Mixi5 au Japon, V Kontakte6 en Russie ou encore

Orkut7 au Brésil, nous concentrerons notre argumentaire principalement sur le

réseau Facebook. Ce dernier est maintenant le réseau social le plus populaire en

Amérique du Nord.



2
  Acronyme de Rest of Canada
3
  Nicolas W. VERMEYS, Chronique-l’admissibilité en preuve de contenus issus de sites de réseaux sociaux,
Repères, juillet 2010, EYB2010REP962.
4
  Selon un article publié par le New York Times, Facebook est le plus grand réseau social de la planète,
comptant 800 millions d’abonnés, en date de septembre 2011. Voir à cet effet :
http://topics.nytimes.com/top/news/business/companies/facebook_inc/index.html
5
  http://mixi.jp
6
  http://vkontakte.ru
7
  http://www.orkut.com/PreSignup
5


Les profils d’abonnés, suivant les paramètres de confidentialité, peuvent être

publics ou encore privés. Les profils privés sont accessibles uniquement aux

« amis » de la personne titulaire du profil. Nous devons ici mettre un bémol : le

terme « ami » ne correspond pas à celui utilisé dans le langage familier, encore

moins à la définition du dictionnaire8. Un « ami Facebook » est une personne qui

a accès au profil privé d’un abonné, après acceptation explicité du principal

intéressé. Il peut donc s’agir d’une connaissance, d’un ami d’amis, ou même

d’une personne dont on ignore l’existence. Il est donc nécessaire d’être prudent

lorsqu’on tente de définir ce qu’est un « ami Facebook ».




L’information retrouvée sur une page personnelle Facebook peut être publiée par

l’auteur-même de la page, ou encore par un tiers. Lorsque le profil de l’abonné

est privé, cette information peut être publiée par un ami seulement. Elle se

retrouvera sur le « mur » de l’abonné, soit sur son profil personnel, et sera

accessible à tous ses autres amis. Ainsi, lorsqu’un abonné utilisant un profil privé

accepte l’amitié d’une personne tierse, il l’autorise à intervenir sur son espace

personnel.




Cela dit, pouvons-nous conclure que cette information peut être admissible en

preuve dans un procès, tant civil que criminel, à partir du moment qu’elle est


8
 Le Larousse en ligne définit l’amitié comme suit : sentiment d’affection entre deux personnes;
attachement, sympathie qu’une personne témoigne à une autre : Être lié d’amitié avec quelqu’un.
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/amiti%C3%A9
6


diffusée sur le profil privé de l’abonné? Nous ne le pensons pas, mais certaines

nuances s’imposent.




L’article 5 de la Charte québécoise protège de façon explicite le droit à la vie

privée :

           « 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. »


Lorsqu’un élément de preuve a été obtenu à la suite de la consultation d’une

page Facebook provenant d’un profil public, le débat s’arrête ici. Un tribunal

pourrait difficilement faire le reproche à une personne d’avoir obtenu ce type

d’information, lorsque l’auteur l’a volontairement publiée de façon à ce qu’elle

soit accessible à tous. La situation se corse lorsqu’il s’agit d’une information

obtenue à partir d’un profil privé.




La jurisprudence majoritaire reconnaît qu’un élément de preuve obtenu par un

« ami » à partir d’un profil privé est admissible en preuve. Le titulaire de la page

a effectivement accepté l’invitation d’amitié de cette personne, et on pourrait

difficilement conclure à une atteinte à ses droits et libertés fondamentaux. Un

juge administratif, siégeant à la Commission des lésions professionnelles, a eu à

se positionner sur cette question :

           « [67]         La Commission des lésions professionnelles comprend que la

           travailleuse a respecté le principe de fonctionnement de Facebook. L’accès

           aux commentaires de collègues de travail est devenu possible lorsqu’elle est
7


         devenue l’amie d’une personne qui comptait ces collègues de travail dans sa

         liste d’amis. Ce principe d’interaction des différents utilisateurs est à la base

         d’un site de réseau social comme Facebook.


         […]


         [69]         La Commission des lésions professionnelles retient que chaque

         commentaire écrit sur Facebook est fait à titre personnel et ne peut engager

         aucune autre personne que celle qui émet ce commentaire. Il faut distinguer

         cependant le caractère personnel d’un commentaire du caractère privé de ce

         commentaire.




         [70]        Une personne qui détient un compte Facebook permet à ses amis

         et aux amis de ses amis de prendre connaissance de ses commentaires.

         Cette personne peut contrôler la liste de ses amis, mais il devient plus difficile

         de contrôler l’accès à son profil aux amis de ses amis, liste qui peut s’allonger

         presque à l’infini. Nous sommes donc loin du caractère privé du profil de cette

         personne et des commentaires qu’elle émet.




         [71]        La Commission des lésions professionnelles retient que ce qui se

         retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé compte

         tenu de la multitude de personnes qui peuvent avoir accès à ce compte. La

         liste de ses amis peut être longue et chaque liste de ses amis peut être tout

         aussi longue. La preuve Facebook déposée par la travailleuse ne constitue
                                                                         9
         donc pas une atteinte à la vie privée de tierces personnes. »




9
 Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802.
http://www.canlii.org/fr/qc/qcclp/doc/2011/2011qcclp1802/2011qcclp1802.html
8


                                                            (Nous soulignons)


Nous sommes d’accord avec les propos du juge administratif Richard

Hudon. Là où nous divergeons d’opinion, c’est lorsque cette preuve est

obtenue de manière illicite.




En effet, une information provenant d’un profil privée peut être soutirée

de manière illicite lorsque, par exemple, une personne usurpe l’identité

d’un abonné, ou encore en devant son ami au moyen du vol d’identité

d’un tiers. Lorsqu’un élément de preuve est obtenu de manière illicite, la

jurisprudence applique un test qui comporte deux volets, qui sont par

ailleurs cumulatifs :


   1) Si les conditions de cet accès portent atteinte aux droits et libertés

       fondamentaux du titulaire du compte, et ;

   2) Si l’utilisation des informations obtenues est susceptible de

       déconsidérer l’administration de la justice ;


alors un tribunal se verra dans l’obligation de rejeter cet élément de preuve.




La jurisprudence majoritaire assimile toutefois une page Facebook à un courriel.

Puisque l’admission en preuve d’un courriel a depuis longtemps été reconnu

comme ne portant pas atteinte au droit à la vie privée, le tribunal sera plus enclin
9


à accueillir en preuve l’information issue d’une page Facebook, même si obtenue

illégalement10. Sur ce point, nous sommes en profond désaccord.




Une personne qui a volontairement « privatisé » son profil Facebook a des

attentes supérieures à celui qui maintient un profil public, quant au respect à son

droit à la vie privée. Nous sommes d’avis qu’un profil Facebook est davantage

assimilable à un journal intime. Ainsi, la preuve obtenue illégalement ne saurait

remplir le premier critère du test. En effet, la jurisprudence de la Cour d’appel du

Québec a déjà reconnu que la tenue d’un journal intime relève de la vie privée.

L’utilisation de ce type de document en preuve constitue une violation flagrante

du droit fondamental à la vie privée11.




Un autre problème peut être soulevé quant à l’utilisation des données issues des

réseaux sociaux comme Facebook. Il s’agit de l’intégrité des données ainsi

recueillies. Pour qu’un tel contenu soit admissible en preuve dans le cadre de

procédures judiciaires, il faut démontrer que l’information n’a pas été altérée et

qu’elle est fidèle à sa version originale, soit celle qui a été mise en ligne par

l’auteur lui-même. Cette démonstration peut s’avérer problématique.




10
  Nicolas W. Vermeys, précité, note 3.
11
  S. (L.) c. Centres jeunesse du Saguenay-Lac-Saint-Jean, REJB 2004-54071 (jugement de la Cour d’appel
du Québec). http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2003/2003canlii11813/2003canlii11813.html
10


En effet, ces contenus sont évolutifs. Sous chaque nouvelle mention publiée sur

le mur d’un abonné, d’autres abonnés pourront intéragir en ajoutant des

commentaires. La liberté de chacun d’intervenir sur les espaces personnels de

chaque utilisateur est quasi-absolue, sous réserve de l’abonné de choisir

d’effacer le message qu’il a lui-même publié. Sauf dans les cas où l’auteur d’une

information reconnaît l’intégrité du contenu, il peut parraître ardu d’assurer cette

intégrité. Toutefois, nous sommes d’avis que cette problématique milite en faveur

d’une prudence accrue quant à l’admissibilité en preuve de ce type de données.

Quoiqu’il en soit, le débat sur la confidentialité des informations disponibles sur

les réseaux sociaux tel que Facebook demeure, et peut surgir dans diverses

situations litigieuses menant à l’ouverture d’un recours judiciaire.




Imaginons la situation suivante, dans le cadre d’une relation d’emploi : un

employé d’une entreprise, après une très mauvaise journée au travail, publie sur

son « mur » Facebook qu’il déteste son emploi, mais que cette haine n’est rien

comparée à celle qu’il entretient à l’égard de son patron. Il pousse le ridicule

encore plus loin, lorsqu’il ajoute un commentaire disgracieux sur la secrétaire de

ce dernier, et sur le fonctionnement général de l’entreprise. En résumé, il

contrevient clairement à son obligation de loyauté.




Dans l’hypothèse où le patron, ou encore la secrétaire, a eu connaissance de

ces commentaires parce que l’un d’entre eux est « ami Facebook » avec cet
11


employé déviant, il est indubitable que ceci pourrait servir dans un éventuel litige

devant un tribunal comme élément de preuve tout à fait recevable. On ne

pourrait alors que reprocher à ce dernier d’être victime de son propre malheur.

Comme diraient certains : « il l’a un peu chercher! ». Qu’en est-il toutefois si

l’employeur use de subterfuge pour avoir accès à la page de l’employé en

question? En piratant le compte de ce dernier, par exemple? Pourrions-nous

conclure de façon identique à la première hypothèse? Nous sommes d’avis qu’il

faille répondre par la négative à cette question.




En rendant admissible en preuve ce type d’information obtenue de mauvaise foi

par l’employeur, le juge ouvrirait une porte qu’il serait difficile par la suite de

refermer. Où faudra-t-il alors tracer la limite? Si cet employé compte moins d’une

centaine d’amis sur son compte Facebook, il envoie cette information à ceux-ci

en ayant en tête qu’il s’agit de la sphère de sa vie privée. Ses expectatives de vie

privée sont d’autant plus grandes. Toutefois, il faut nuancé notre propos, car

l’utilisation du réseau social Facebook est faite différemment selon chaque

abonné. Une personnalité connue qui a atteint le maximum permis d’amis, soit

plus de 4000 personnes, ne pourrait alors revendiquer le respect de sa vie privée

pour les informations qu’il diffuse. Ainsi, chaque cas est un cas d’espèce.




Dans un autre ordre d’idée, citons en exemple une décision de la Commission

des lésions professionnelles dans laquelle il est question d’une employée qui a
12


vu ses prestations d’assurances invalidité coupées, car des photos issues de son

compte Facebook démontraient qu’elle était partie en voyage en République

Dominicaine alors qu’elle était en congé-maladie pour des douleurs au dos. La

particularité de ce dossier est que l’avocate de l’employée ne s’était pas objectée

au dépôt en preuve des photos. Le juge administratif conclut ainsi :

         « [26]         Lors de son témoignage, la travailleuse a confirmé avoir passé

         une semaine de vacances en République Dominicaine au mois de janvier

         2008. Elle a mentionné qu’elle avait toujours mal au dos à ce moment-là, mais

         qu’elle avait besoin de vacances pour son moral et qu’elle s’était reposée,

         évitant de faire des activités. Des photographies prises lors de cette semaine

         de vacances, provenant du site de la travailleuse sur « Facebook », ont été

         imprimées par l’employeur et produites à l’audience. Ces photographies

         montrent la travailleuse en compagnie d’ami(e)s, dans différentes positions et

         s’adonnant à des activités diverses (baignade, aérobie). Ces photographies

         ne laissent pas voir que la travailleuse était souffrante à ce moment-là ou
                                                          12
         qu’elle avait de la difficulté à se mouvoir. »




Le juge administratif conclut que ces photos provenant de Facebook entachent la

crédibilité de la travailleuse. Nous aurions aimé savoir de quelle façon ces

photos ont été déposées en preuve, mais le juge ne s’attarde pas sur cette

question.




12
  Garderie Les << Chat >> ouilleux inc. et Marchese, 2009 QCCLP 7139.
http://www.canlii.org/fr/qc/qcclp/doc/2009/2009qcclp7139/2009qcclp7139.html
13


Les manchettes ont également fait référence à un autre dossier dans lequel un

assureur avait aussi cessé de verser les prestations à une travailleuse en congé-

maladie pour dépression, après avoir pris connaissance des photos sur le

compte Facebook de celle-ci13. Sa compagnie d’assurance avait relevé des

photos sur lesquelles on pouvait apercevoir la travailleuse souriante et faisant la

fête, justifiant de lui retirer ses revenus. L’article qui relate l’histoire de cette

travailleuse d’IBM, mentionne que celle-ci possède 500 amis sur son compte

Facebook, qui lui est pourtant privé. Après plusieurs recherches de notre part, il

semblerait qu’aucune décision au fond n’a encore été rendue par la Cour

supérieure, juridiction devant laquelle la travailleuse a introduit un recours pour

récupérer ses prestations. L’auteur de cet article ne précise pas de quelle façon

la compagnie d’assurance a réussi à obtenir lesdites photos. Nous suivrons ce

dossier avec intérêt.




13
  http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/internet/200911/23/01-924153-son-assureur-la-surveille-
sur-facebook-je-vais-me-battre.php
14


Les médias nous exposent rarement un portrait défavorable de l’avènement des

réseaux sociaux et l’importance qu’ils ont prise dans notre quotidien. Pourtant, ils

suscitent tantôt des questionnements, tantôt de réelles problématiques qui

méritent qu’on s’y attarde. L’introduction en preuve sans balises clairement

définies des données issues des réseaux sociaux, si facilement accessibles,

occasionne pour notre part un important débat. Que ce soit par rapport à la

notion de vie privée, ou encore du laxisme quant à l’application des règles de

preuve relevée par la jurisprudence, nous suggérons qu’il est grand temps que

des règles encadrent cette utilisation grandissante des données recueillies

notamment grâce à Facebook.




Il faudra également sensibiliser davantage le grand public aux conséquences

que la publication de données sur les réseaux sociaux puissent avoir sur leur vie

personnelle ou professionnelle. Le nombre d’abonnés accroît de plus en plus.

Parions que cette problématique, en apparence mineure pour l’instant, sera un

enjeu fondamental pour les années à venir. La prudence est de mise.

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  • 1. UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL L’UTILISATION DE DONNÉES RECUEILLIES À PARTIR DES SITES DE RÉSEAUX SOCIAUX DANS LE CADRE DE PROCÉDURES JUDICIAIRES PAR ARIANE BERGERON ST-ONGE CERTIFICAT DE RELATIONS PUBLIQUES FACULTÉ DE L’ÉDUCATION PERMANENTE TRAVAIL PRÉSENTÉ À PATRICE LEROUX DANS LE CADRE DU COURS REP 2400 INTERNET ET RELATIONS PUBLIQUES OCTOBRE 2011
  • 2. 2 La couverture médiatique allouée à certains grands procès des dernières années fait trop peu mention de la preuve présentée afin de soutenir les faits allégués par chacune des parties. Dommage, puisque le journaliste invite le lecteur à se forger une opinion à l’issue du procès, bien qu’il ne détienne pas tous les éléments permettant le travail intellectuel qui doit nécessairement suivre à cette réflexion. La meilleure illustration pour dénoncer cette problématique est sans contredit l’affaire Guy Turcotte, dont le verdict en a choqué plus d’un. Pourtant, combien étaient-ils à avoir assisté à l’ensemble des témoignages, des écrits et autres éléments ayant constitué la preuve? Trop peu. C’est toutefois ce qu’on se serait attendu du travail des journalistes. Ceci étant, la communauté juridique s’est plainte à plusieurs reprises du traitement de l’affaire par les médias. Et non sans raison. Que ce soit la désormais tristement célèbre affaire Turcotte, ou encore les causes de proxénitisme ou même de cyberpédophilie, les médias choisissent trop souvent la voie de la facilité : celle de soulever l’assentiment du public à l’égard des faits de l’affaire, sans toutefois faire mention de l’admissibilité des éléments en preuve, qui vient pourtant teinté de façon manifeste l’issue d’un procès. Ainsi, tous et chacun n’ont malheureusement pas accès à la preuve pour forger leur opinion. C’est pourquoi il est rarement question de la façon dont cette preuve est administrée en l’instance. Or, il s’agit d’une question cruciale. Ainsi, il est fort à parier que très peu d’entre nous savons que l’information issue des réseaux sociaux est de plus en plus utilisée à titre d’élément de preuve. Cette
  • 3. 3 utilisation de l’information recueillies à partir des sites de réseaux sociaux dans le cadre des procédures judiciaires est-elle toujours adéquate? Nous pensons que non. Le respect au droit à la vie privée, garanti par la Charte des droits et libertés de la personne1, est un obstacle à l’utilisation du contenu provenant des réseaux sociaux. Il y a aussi les problèmes récurrents quant à l’intégrité du contenu, qui peut facilement être remis en doute. Enfin, il ne faut pas passer outre l’impact que cette utilisation puisse avoir sur les usagers au sein de leur vie personnelle ou professionnelle, avant même qu’un recours judiciaire ne soit introduit, mais souvent précurseure à celui-ci. L’étude de la jurisprudence permet de mettre en lumière cette problématique, sans toutefois apporter de réponses efficaces. 1 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/C_12/C12.h tml
  • 4. 4 Les tribunaux du « R.O.C.2 » se sont prononcés sur l’admissibilité du contenu de sites de réseaux sociaux. En effet, la jurisprudence ontarienne a notamment déjà tenté de fixer des balises claires quant au contexte permettant à une partie de requérir un accès aux contenues de pages hébergées par un site de réseau social dans le cadre d’un litige3. À l’instar des tribunaux des autres provinces canadiennes, la jurisprudence québécoise a démontré à de nombreuses reprises qu’elle admettait en preuve de tels contenus. Toutefois, elle n’a pas encore fixé de limites clairement définies. Avant d’explorer le volet constitutionnel du droit à la vie privée, élaborons davantage sur ce qui compose une page d’un site de réseau social. Prenons l’exemple Facebook4. Bien qu’il existe différents types de réseaux sociaux à travers le monde, que ce soit Mixi5 au Japon, V Kontakte6 en Russie ou encore Orkut7 au Brésil, nous concentrerons notre argumentaire principalement sur le réseau Facebook. Ce dernier est maintenant le réseau social le plus populaire en Amérique du Nord. 2 Acronyme de Rest of Canada 3 Nicolas W. VERMEYS, Chronique-l’admissibilité en preuve de contenus issus de sites de réseaux sociaux, Repères, juillet 2010, EYB2010REP962. 4 Selon un article publié par le New York Times, Facebook est le plus grand réseau social de la planète, comptant 800 millions d’abonnés, en date de septembre 2011. Voir à cet effet : http://topics.nytimes.com/top/news/business/companies/facebook_inc/index.html 5 http://mixi.jp 6 http://vkontakte.ru 7 http://www.orkut.com/PreSignup
  • 5. 5 Les profils d’abonnés, suivant les paramètres de confidentialité, peuvent être publics ou encore privés. Les profils privés sont accessibles uniquement aux « amis » de la personne titulaire du profil. Nous devons ici mettre un bémol : le terme « ami » ne correspond pas à celui utilisé dans le langage familier, encore moins à la définition du dictionnaire8. Un « ami Facebook » est une personne qui a accès au profil privé d’un abonné, après acceptation explicité du principal intéressé. Il peut donc s’agir d’une connaissance, d’un ami d’amis, ou même d’une personne dont on ignore l’existence. Il est donc nécessaire d’être prudent lorsqu’on tente de définir ce qu’est un « ami Facebook ». L’information retrouvée sur une page personnelle Facebook peut être publiée par l’auteur-même de la page, ou encore par un tiers. Lorsque le profil de l’abonné est privé, cette information peut être publiée par un ami seulement. Elle se retrouvera sur le « mur » de l’abonné, soit sur son profil personnel, et sera accessible à tous ses autres amis. Ainsi, lorsqu’un abonné utilisant un profil privé accepte l’amitié d’une personne tierse, il l’autorise à intervenir sur son espace personnel. Cela dit, pouvons-nous conclure que cette information peut être admissible en preuve dans un procès, tant civil que criminel, à partir du moment qu’elle est 8 Le Larousse en ligne définit l’amitié comme suit : sentiment d’affection entre deux personnes; attachement, sympathie qu’une personne témoigne à une autre : Être lié d’amitié avec quelqu’un. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/amiti%C3%A9
  • 6. 6 diffusée sur le profil privé de l’abonné? Nous ne le pensons pas, mais certaines nuances s’imposent. L’article 5 de la Charte québécoise protège de façon explicite le droit à la vie privée : « 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. » Lorsqu’un élément de preuve a été obtenu à la suite de la consultation d’une page Facebook provenant d’un profil public, le débat s’arrête ici. Un tribunal pourrait difficilement faire le reproche à une personne d’avoir obtenu ce type d’information, lorsque l’auteur l’a volontairement publiée de façon à ce qu’elle soit accessible à tous. La situation se corse lorsqu’il s’agit d’une information obtenue à partir d’un profil privé. La jurisprudence majoritaire reconnaît qu’un élément de preuve obtenu par un « ami » à partir d’un profil privé est admissible en preuve. Le titulaire de la page a effectivement accepté l’invitation d’amitié de cette personne, et on pourrait difficilement conclure à une atteinte à ses droits et libertés fondamentaux. Un juge administratif, siégeant à la Commission des lésions professionnelles, a eu à se positionner sur cette question : « [67] La Commission des lésions professionnelles comprend que la travailleuse a respecté le principe de fonctionnement de Facebook. L’accès aux commentaires de collègues de travail est devenu possible lorsqu’elle est
  • 7. 7 devenue l’amie d’une personne qui comptait ces collègues de travail dans sa liste d’amis. Ce principe d’interaction des différents utilisateurs est à la base d’un site de réseau social comme Facebook. […] [69] La Commission des lésions professionnelles retient que chaque commentaire écrit sur Facebook est fait à titre personnel et ne peut engager aucune autre personne que celle qui émet ce commentaire. Il faut distinguer cependant le caractère personnel d’un commentaire du caractère privé de ce commentaire. [70] Une personne qui détient un compte Facebook permet à ses amis et aux amis de ses amis de prendre connaissance de ses commentaires. Cette personne peut contrôler la liste de ses amis, mais il devient plus difficile de contrôler l’accès à son profil aux amis de ses amis, liste qui peut s’allonger presque à l’infini. Nous sommes donc loin du caractère privé du profil de cette personne et des commentaires qu’elle émet. [71] La Commission des lésions professionnelles retient que ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé compte tenu de la multitude de personnes qui peuvent avoir accès à ce compte. La liste de ses amis peut être longue et chaque liste de ses amis peut être tout aussi longue. La preuve Facebook déposée par la travailleuse ne constitue 9 donc pas une atteinte à la vie privée de tierces personnes. » 9 Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802. http://www.canlii.org/fr/qc/qcclp/doc/2011/2011qcclp1802/2011qcclp1802.html
  • 8. 8 (Nous soulignons) Nous sommes d’accord avec les propos du juge administratif Richard Hudon. Là où nous divergeons d’opinion, c’est lorsque cette preuve est obtenue de manière illicite. En effet, une information provenant d’un profil privée peut être soutirée de manière illicite lorsque, par exemple, une personne usurpe l’identité d’un abonné, ou encore en devant son ami au moyen du vol d’identité d’un tiers. Lorsqu’un élément de preuve est obtenu de manière illicite, la jurisprudence applique un test qui comporte deux volets, qui sont par ailleurs cumulatifs : 1) Si les conditions de cet accès portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux du titulaire du compte, et ; 2) Si l’utilisation des informations obtenues est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ; alors un tribunal se verra dans l’obligation de rejeter cet élément de preuve. La jurisprudence majoritaire assimile toutefois une page Facebook à un courriel. Puisque l’admission en preuve d’un courriel a depuis longtemps été reconnu comme ne portant pas atteinte au droit à la vie privée, le tribunal sera plus enclin
  • 9. 9 à accueillir en preuve l’information issue d’une page Facebook, même si obtenue illégalement10. Sur ce point, nous sommes en profond désaccord. Une personne qui a volontairement « privatisé » son profil Facebook a des attentes supérieures à celui qui maintient un profil public, quant au respect à son droit à la vie privée. Nous sommes d’avis qu’un profil Facebook est davantage assimilable à un journal intime. Ainsi, la preuve obtenue illégalement ne saurait remplir le premier critère du test. En effet, la jurisprudence de la Cour d’appel du Québec a déjà reconnu que la tenue d’un journal intime relève de la vie privée. L’utilisation de ce type de document en preuve constitue une violation flagrante du droit fondamental à la vie privée11. Un autre problème peut être soulevé quant à l’utilisation des données issues des réseaux sociaux comme Facebook. Il s’agit de l’intégrité des données ainsi recueillies. Pour qu’un tel contenu soit admissible en preuve dans le cadre de procédures judiciaires, il faut démontrer que l’information n’a pas été altérée et qu’elle est fidèle à sa version originale, soit celle qui a été mise en ligne par l’auteur lui-même. Cette démonstration peut s’avérer problématique. 10 Nicolas W. Vermeys, précité, note 3. 11 S. (L.) c. Centres jeunesse du Saguenay-Lac-Saint-Jean, REJB 2004-54071 (jugement de la Cour d’appel du Québec). http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2003/2003canlii11813/2003canlii11813.html
  • 10. 10 En effet, ces contenus sont évolutifs. Sous chaque nouvelle mention publiée sur le mur d’un abonné, d’autres abonnés pourront intéragir en ajoutant des commentaires. La liberté de chacun d’intervenir sur les espaces personnels de chaque utilisateur est quasi-absolue, sous réserve de l’abonné de choisir d’effacer le message qu’il a lui-même publié. Sauf dans les cas où l’auteur d’une information reconnaît l’intégrité du contenu, il peut parraître ardu d’assurer cette intégrité. Toutefois, nous sommes d’avis que cette problématique milite en faveur d’une prudence accrue quant à l’admissibilité en preuve de ce type de données. Quoiqu’il en soit, le débat sur la confidentialité des informations disponibles sur les réseaux sociaux tel que Facebook demeure, et peut surgir dans diverses situations litigieuses menant à l’ouverture d’un recours judiciaire. Imaginons la situation suivante, dans le cadre d’une relation d’emploi : un employé d’une entreprise, après une très mauvaise journée au travail, publie sur son « mur » Facebook qu’il déteste son emploi, mais que cette haine n’est rien comparée à celle qu’il entretient à l’égard de son patron. Il pousse le ridicule encore plus loin, lorsqu’il ajoute un commentaire disgracieux sur la secrétaire de ce dernier, et sur le fonctionnement général de l’entreprise. En résumé, il contrevient clairement à son obligation de loyauté. Dans l’hypothèse où le patron, ou encore la secrétaire, a eu connaissance de ces commentaires parce que l’un d’entre eux est « ami Facebook » avec cet
  • 11. 11 employé déviant, il est indubitable que ceci pourrait servir dans un éventuel litige devant un tribunal comme élément de preuve tout à fait recevable. On ne pourrait alors que reprocher à ce dernier d’être victime de son propre malheur. Comme diraient certains : « il l’a un peu chercher! ». Qu’en est-il toutefois si l’employeur use de subterfuge pour avoir accès à la page de l’employé en question? En piratant le compte de ce dernier, par exemple? Pourrions-nous conclure de façon identique à la première hypothèse? Nous sommes d’avis qu’il faille répondre par la négative à cette question. En rendant admissible en preuve ce type d’information obtenue de mauvaise foi par l’employeur, le juge ouvrirait une porte qu’il serait difficile par la suite de refermer. Où faudra-t-il alors tracer la limite? Si cet employé compte moins d’une centaine d’amis sur son compte Facebook, il envoie cette information à ceux-ci en ayant en tête qu’il s’agit de la sphère de sa vie privée. Ses expectatives de vie privée sont d’autant plus grandes. Toutefois, il faut nuancé notre propos, car l’utilisation du réseau social Facebook est faite différemment selon chaque abonné. Une personnalité connue qui a atteint le maximum permis d’amis, soit plus de 4000 personnes, ne pourrait alors revendiquer le respect de sa vie privée pour les informations qu’il diffuse. Ainsi, chaque cas est un cas d’espèce. Dans un autre ordre d’idée, citons en exemple une décision de la Commission des lésions professionnelles dans laquelle il est question d’une employée qui a
  • 12. 12 vu ses prestations d’assurances invalidité coupées, car des photos issues de son compte Facebook démontraient qu’elle était partie en voyage en République Dominicaine alors qu’elle était en congé-maladie pour des douleurs au dos. La particularité de ce dossier est que l’avocate de l’employée ne s’était pas objectée au dépôt en preuve des photos. Le juge administratif conclut ainsi : « [26] Lors de son témoignage, la travailleuse a confirmé avoir passé une semaine de vacances en République Dominicaine au mois de janvier 2008. Elle a mentionné qu’elle avait toujours mal au dos à ce moment-là, mais qu’elle avait besoin de vacances pour son moral et qu’elle s’était reposée, évitant de faire des activités. Des photographies prises lors de cette semaine de vacances, provenant du site de la travailleuse sur « Facebook », ont été imprimées par l’employeur et produites à l’audience. Ces photographies montrent la travailleuse en compagnie d’ami(e)s, dans différentes positions et s’adonnant à des activités diverses (baignade, aérobie). Ces photographies ne laissent pas voir que la travailleuse était souffrante à ce moment-là ou 12 qu’elle avait de la difficulté à se mouvoir. » Le juge administratif conclut que ces photos provenant de Facebook entachent la crédibilité de la travailleuse. Nous aurions aimé savoir de quelle façon ces photos ont été déposées en preuve, mais le juge ne s’attarde pas sur cette question. 12 Garderie Les << Chat >> ouilleux inc. et Marchese, 2009 QCCLP 7139. http://www.canlii.org/fr/qc/qcclp/doc/2009/2009qcclp7139/2009qcclp7139.html
  • 13. 13 Les manchettes ont également fait référence à un autre dossier dans lequel un assureur avait aussi cessé de verser les prestations à une travailleuse en congé- maladie pour dépression, après avoir pris connaissance des photos sur le compte Facebook de celle-ci13. Sa compagnie d’assurance avait relevé des photos sur lesquelles on pouvait apercevoir la travailleuse souriante et faisant la fête, justifiant de lui retirer ses revenus. L’article qui relate l’histoire de cette travailleuse d’IBM, mentionne que celle-ci possède 500 amis sur son compte Facebook, qui lui est pourtant privé. Après plusieurs recherches de notre part, il semblerait qu’aucune décision au fond n’a encore été rendue par la Cour supérieure, juridiction devant laquelle la travailleuse a introduit un recours pour récupérer ses prestations. L’auteur de cet article ne précise pas de quelle façon la compagnie d’assurance a réussi à obtenir lesdites photos. Nous suivrons ce dossier avec intérêt. 13 http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/internet/200911/23/01-924153-son-assureur-la-surveille- sur-facebook-je-vais-me-battre.php
  • 14. 14 Les médias nous exposent rarement un portrait défavorable de l’avènement des réseaux sociaux et l’importance qu’ils ont prise dans notre quotidien. Pourtant, ils suscitent tantôt des questionnements, tantôt de réelles problématiques qui méritent qu’on s’y attarde. L’introduction en preuve sans balises clairement définies des données issues des réseaux sociaux, si facilement accessibles, occasionne pour notre part un important débat. Que ce soit par rapport à la notion de vie privée, ou encore du laxisme quant à l’application des règles de preuve relevée par la jurisprudence, nous suggérons qu’il est grand temps que des règles encadrent cette utilisation grandissante des données recueillies notamment grâce à Facebook. Il faudra également sensibiliser davantage le grand public aux conséquences que la publication de données sur les réseaux sociaux puissent avoir sur leur vie personnelle ou professionnelle. Le nombre d’abonnés accroît de plus en plus. Parions que cette problématique, en apparence mineure pour l’instant, sera un enjeu fondamental pour les années à venir. La prudence est de mise.