Comment le "building information management" peut apporter une aide aux services de sécurité et d'urgence dans la préparation des missions et le retour d'expérience.
1. BIM hors les murs
Depuis plusieurs années, le secteur du bâtiment et des travaux publics assiste à l’accélération d’un
processus de numérisation de l’acte de construire à travers le BIM pour « building information
management ». Cette démarche intervient avec retard par rapport à ce qu’a pu connaitre le monde
de l’industrie. Pour autant, ce retard s’explique assez facilement par la très faible part de
standardisation dans le processus constructif.
Le BIM va bien au-delà de la maquette numérique en trois dimensions puisqu’il s’agit de mettre en
œuvre une véritable méthode de travail collaborative entre l’ensemble des acteurs, qu’ils
appartiennent à la maîtrise d’ouvrage, à la maitrise d’œuvre, aux partenaires d’assistance à maîtrise
d’ouvrage ou d’œuvre ou encore aux constructeurs.
En outre, cette méthode concerne tout le cycle de vie de l’ouvrage, depuis les prémices de sa
conception jusqu’à son démantèlement.
BIM et forces de sécurité :
Dans cette perspective, compte tenu de la complexification du tissu urbain, du développement d’un
urbanisme d’épaisseur1
et de la prégnance d’une menace terroriste de masse, il apparaît
particulièrement intéressant d’intégrer les apports de la numérisation du bâti dans la préparation des
missions et le retour d'expérience de l'ensemble des forces de sécurité : forces de police et de
gendarmerie, sapeurs-pompiers et services médicaux d’urgence.
Ce développement peut concerner à la fois les bâtiments conçus actuellement, « BIM-natifs », et les
bâtiments plus anciens, intégrant la démarche BIM a posteriori, dans le cadre d'une
réhabilitation/réutilisation ou de la mise en place d'une démarche de facility management.
Plusieurs utilisations possibles sont envisagées, que ce soit pour la simulation de missions, la
préparation d'interventions dans des ouvrages spécifiques : immeubles de grande hauteur,
installations souterraines (gares, stations de métro, parcs de stationnement...), équipements
industriels, le dessin opérationnel ou le retour d'expérience.
Simulation de missions et préparation d'interventions :
La simulation est déjà mise en œuvre avec profit dans plusieurs SDIS et à la BSPP, avec des
scenarii sur des ouvrages créés de toute pièce ; elle apporte une aide aux services de sécurité en
phase d'entrainement, en complément des tours à feux ou des plateformes d'entraînement à la
réalité, type ACIER (Ardennes Complexe Interservices Entraînement à la Réalité).
Outre les avantages connus de la simulation (facilité de rejeu, injection d’incidents à la demande,
etc.), l’apport de la maquette numérique en mode BIM, c’est-à-dire collaborative et enrichie, réside
dans cette capacité à mettre à disposition des modèles ayant contribué directement à la conception
et à la construction des ouvrages considérés et validés par tous les intervenants ; ils présentent donc
une grande proximité intellectuelle avec la réalité du terrain, permettant des allers et retours facilités
entre niveaux « macro » et « micro », sans les inconvénients du déplacement sur site et de la mise à
disposition de l’ouvrage. La capacité collaborative de l’outil permet en outre d’échanger avec les
concepteurs sur des réalités de terrain, avec précision et en gagnant un temps précieux.
Afin de faciliter le travail de repérage des points singuliers (issues, circulations horizontales et
verticales, cages et machinerie d'ascenseur, circuits de fluides, boîtiers de coupure de gaz ou
électricité, etc.), le passage de plans en deux dimensions à des maquettes numériques apportent,
outre le volume et une meilleure appréciation des espaces, des données directement attachées à la
représentation graphique telles que dimensionnelles ou techniques pour chaque composant,
mobilisables à discrétion.
1
La ville se développe certes en hauteur mais également en profondeur avec la multiplication des réseaux, notamment
de transports urbains et interurbains mais aussi avec les perspectives offertes par l’urbanisme souterrain au regard des
limitations physiques et juridiques de l’urbanisme de surface.
2. Dessin opérationnel :
En matière de dessin d'architecture, le passage par le travail à la main est irremplaçable car il
permet sans égal de former le cerveau, l’œil et la main à l'art de la représentation. Pour autant, le
recours ensuite aux outils numériques offre de grandes libertés de rapidité, modification et
enrichissement.
De même, le dessin opérationnel nécessite par essence les mêmes qualités, ainsi que la rapidité et
une nécessaire rusticité compte tenu des conditions de réalisation. En revanche, le recours à une
tablette durcie et à un stylet peut être envisagé, permettant d'utiliser en « sous-cul » tout support
géo-référencé (Google maps, Géoportail, maquettes numériques, etc.), gage de gain de temps en
termes de réalisation et de transmission d’information en temps réel.
Retour d'expérience :
Enfin, le recours à un modèle numérique, s'il est disponible, permet de recréer une (petite) partie des
conditions de l'intervention. Couplé avec l’utilisation de caméras d’intervention, dont l’usage se
multiplie notamment pour des raisons juridiques, il peut ainsi offrir l’analyse après action et enrichir
le debriefing.
Dans le même ordre d’idée, il pourrait être intéressant d'explorer les possibilités offertes par la
maquette numérique en matière de traitement du stress post-traumatique. Le recours à la
numérisation a été par exemple expérimenté pour les victimes de l’attentat de Nice.
En conclusion, le building information mangement, s’il n’a pas fini de faire parler de lui dans le
monde du bâtiment et des travaux publics, a sans doute aussi un bel avenir « hors les murs ». Ces
quelques pistes montrent qu’il pourrait s’avérer un outil efficace d’aide à la décision pour les forces
de sécurité, tant en phases amont qu’aval de la mission.
De même, cet outil dont on n’a sans doute pas encore saisi tous les atouts, pourrait également
apporter sa pierre à l’édifice de la guerre en zone urbaine.