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                                     LE LUXE ET LA CRISE : VERS UNE REDEFINITION DE LA VALEUR


Pascal Cottereau et Stéphanie Le Badezet.
Stéphanie Le Badezet, 31 ans, est consultante en analyse décisionnelle au sein de mp6,
société spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux et des contenus multilingues Web.
Diplômée de l’ESG et spécialisée en Marketing et en Management des Produits du Luxe, elle
enseigne actuellement à l’Institut de Formation aux Affaires et à la Gestion.


         Le  luxe,  disait‐on,  ne  connaît  pas  la  crise.  Mais  en  cette  période  tourmentée,  force  est  de 
constater  que  les  grandes  marques  de  luxe,  autrefois  intouchables,  vont  devoir  maintenant  revoir 
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aux plaisirs inconsidérés et même les plus dépensiers des  milliardaires sont atteints d’une morosité 
qui les incite à plus de modération. Ainsi en août 2007 déjà, le multimillionnaire Michael Hirtenstein 
déclarait pour Newsweek « Si je veux, je [vais] m’acheter une Ferrari maintenant. Mais quand tous 
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          Les riches n’ont pourtant pas renoncé au luxe ; beaucoup d’entre eux dépensent encore des 
sommes faramineuses en prêt‐à‐porter, en haute gastronomie et en bijouterie mais préfèrent faire 
preuve de discrétion et se faire livrer leurs emplettes à domicile2. L’étalage n’est plus à la mode mais 
le  luxe,  lui,  ne    se  démode  pas  et  s’offre  même  avec  la  crise  un  humour  décalé.  Pour  preuve,  les 
vitrines de la boutique Lanvin de la rue du Faubourg Saint Honoré qui, en ce début 2009, mettent en 
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mp6, from Information to Knowledge 
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13, rue du Colisée ‐ 75008 Paris 
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croyais  que  la  haute  couture  échapperait,  toujours  au  poids  du  quotidienquot;,  a  glissé  une  spectatrice 
visiblement chagrinée. »3 

           Si  les clients achètent moins, ils ne renient pas le luxe pour autant. Leur attachement relève 
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démocratisation susceptible de briser le rêve. 




                                                            
3
     Véronique Lorelle « Dior et ses beautés froides », Le Monde, 28 janvier 2009 
4
     « L’industrie du luxe rattrapée par la crise », Les Echos, 21 décembre 2008 
 
mp6, from Information to Knowledge 
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Le Luxe et la Crise : vers une redefinition de la valeur

  • 1.   From Information to Knowledge LE LUXE ET LA CRISE : VERS UNE REDEFINITION DE LA VALEUR Pascal Cottereau et Stéphanie Le Badezet. Stéphanie Le Badezet, 31 ans, est consultante en analyse décisionnelle au sein de mp6, société spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux et des contenus multilingues Web. Diplômée de l’ESG et spécialisée en Marketing et en Management des Produits du Luxe, elle enseigne actuellement à l’Institut de Formation aux Affaires et à la Gestion. Le  luxe,  disait‐on,  ne  connaît  pas  la  crise.  Mais  en  cette  période  tourmentée,  force  est  de  constater  que  les  grandes  marques  de  luxe,  autrefois  intouchables,  vont  devoir  maintenant  revoir  leurs certitudes. Le monde tout entier est entré dans une récession qui fait peur : l’heure n’est plus  aux plaisirs inconsidérés et même les plus dépensiers des  milliardaires sont atteints d’une morosité  qui les incite à plus de modération. Ainsi en août 2007 déjà, le multimillionnaire Michael Hirtenstein  déclarait pour Newsweek « Si je veux, je [vais] m’acheter une Ferrari maintenant. Mais quand tous  mes amis ont des problèmes, je n’ai pas envie de m’offrir des jouets. »1     Les riches n’ont pourtant pas renoncé au luxe ; beaucoup d’entre eux dépensent encore des  sommes faramineuses en prêt‐à‐porter, en haute gastronomie et en bijouterie mais préfèrent faire  preuve de discrétion et se faire livrer leurs emplettes à domicile2. L’étalage n’est plus à la mode mais  le  luxe,  lui,  ne    se  démode  pas  et  s’offre  même  avec  la  crise  un  humour  décalé.  Pour  preuve,  les  vitrines de la boutique Lanvin de la rue du Faubourg Saint Honoré qui, en ce début 2009, mettent en  scène  des  mannequins  habillés  en  robes  de  soirée  et  lisant  des  journaux  dont  les  gros  titres  font  étalage du scandale Madoff, de la crise et des plans de relance contre la récession.    La crise a soulevé de nouvelles interrogations, tant au sein des directions d’entreprises, tous  secteurs confondus, que dans l’esprit des consommateurs et les indicateurs économiques confirment  chaque jour que cette tendance ne peut que s’inscrire dans la durée. La glorification du bling‐bling  tend à disparaître au profit de valeurs nouvelles, assagies, qui vont contraindre beaucoup de maisons  de luxe à réaffirmer une identité solide ou à redéfinir une stratégie nouvelle. « La griffe Christian Dior  avait habitué ses spectateurs à des quot;showsquot; spectaculaires dans des décors fastueux […] Cette saison,  sous une tente au musée Rodin se trouvait un bête podium, façon présentation de prêt‐à‐porter. quot;Je                                                               1  Johnnie L. Roberts, « luxury Shame. Why even very rich are cutting back on conspicuous consumption. »,  Newsweek, 29 novembre 2008  2  « Le « bling‐bling » ne séduit plus les Américains », 20 minutes, 29 janvier 2009    mp6, from Information to Knowledge  1 13, rue du Colisée ‐ 75008 Paris  www.mp6.fr 
  • 2. croyais  que  la  haute  couture  échapperait,  toujours  au  poids  du  quotidienquot;,  a  glissé  une  spectatrice  visiblement chagrinée. »3  Si  les clients achètent moins, ils ne renient pas le luxe pour autant. Leur attachement relève  à  la  fois  du  plaisir  de  posséder  un  objet  unique,  fruit  d’un  savoir‐faire  noble,  et  d’une  implication  personnelle envers une marque qui véhicule un art de vivre particulier, véritable signe distinctif. En  outre, leur connaissance si incomplète soit‐elle de l’économie et du fonctionnement des marchés fait  d’eux des clients avertis et un peu plus difficile à séduire.   Ainsi, les groupes  LVMH et Richemont qui ont vu en peu de temps leur valeur chuter de  40%  vont devoir solutionner le problème des articles invendus et prendre le risque ultime, dans certaines  boutiques, de baisser le prix de certains articles4. D’autres vont choisir de proposer à la clientèle des  éditions  limitées  soit  très  haut  de  gamme  (c’est  le  cas  par  exemple  de  la  maison  Lacroix  et  de  son  « kit ski ») soit très accessibles (la collection Marc by Marc Jacobs présente, entre autres, des porte‐ clés en plastique à 1 euro).   Normal  dans  une  telle  conjoncture,  que  les  écarts  se  creusent  entre  les  marques,  et  plus  particulièrement entre les fleurons discrets mais qui représentent des valeurs sûres et les marques  plus ‘visibles’ dont les logos et les campagnes de publicité s’étalent sur des affiches ou des T‐shirts.  Ainsi  les  délais  pour  l’obtention  du  célèbre  sac  Kelly  d’Hermès  tendent  à  s’allonger  tandis  qu’on  baisse les prix dans les boutiques japonaises de Vuitton.  Les  temps  changent  mais  la  magie  du  luxe  reste.  La  crise  qui  met  au  pas  les  grands  noms  mythiques,  semble  également  leur    insuffler  une  énergie  nouvelle.  Ainsi,  people  et  stars  du  show‐ business s’affichent de plus en plus dans les campagnes de publicité. Madonna pour Vuitton, Victoria  Beckham pour Marc Jacobs, Nicole Kidman pour Oméga ou encore la très élégante James Bond girl  Eva Green pour Mont Blanc, toutes participent à entretenir, pour un temps du moins, l’illusion que la  crise n’est qu’une  vulgaire passade. Dans les bureaux, les chiffres font peur, on licencie les CDD et les  intérimaires,  on  ralentit  la  production  et  on  déclenche  des  opérations  promotionnelles  extraordinaires… on est bien loin de la légèreté des starlettes et des fashionistas d’Hollywood.   L’équilibre  savant  que  les  maisons  de  luxe  doivent  apprendre  à  maîtriser  passe  par  une  maîtrise  de  la  valeur  (valeur  marchande,  valeur  perçue,  et  valeurs  personnelle,  culturelle  et  identitaire).  Créer  de  la  valeur  ‐  et  créer  des  valeurs  ‐  doit  plus  que  jamais  être  au  centre  de  leur  stratégie  et  passer  par  une  approbation  de  la  clientèle ;  on  ne  devient  pas  une  icône  du  luxe  en  quelques mois mais on peut, en revanche perdre son statut d’icône très rapidement. De même, sans  doute  vaut‐il  mieux  pour  elles  être  jugée  pour  une  éventuelle  arrogance  que  sur  une  trop  forte  démocratisation susceptible de briser le rêve.                                                               3  Véronique Lorelle « Dior et ses beautés froides », Le Monde, 28 janvier 2009  4  « L’industrie du luxe rattrapée par la crise », Les Echos, 21 décembre 2008    mp6, from Information to Knowledge  2 13, rue du Colisée ‐ 75008 Paris  www.mp6.fr