Le législateur européen reconnaît le risque sanitaire induit par l’utilisation de pesticides. Pourtant, les modalités d’homologation et d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques laissent une trop grande place aux industriels dans le processus de décision et de contrôle. C’est en effet à l’industrie, et non à des experts indépendants, qu’il revient de démontrer que le risque encouru est « acceptable ».
Il convient de revenir sur la notion de risque sanitaire afin de réfléchir à un système plus efficace qui garantisse de façon satisfaisante la maîtrise du risque sanitaire présenté par l’utilisation de produits chimiques de synthèse. Cela passe notamment par la refonte du système d’homologation et d’AMM des pesticides, ainsi que par la détermination de limites maximales de résidus de pesticides (LMR) spécifiques au vin.
Laboratoire du futur II - les enjeux, perspectives et valeur ajoutée dans les...
Pesticides dans le vin : la notion de risque sanitaire
1. Pesticides dans
le vin :
La notion de
risque sanitaire
Florentin Rambaud
Wine Law in Context
22 novembre 2012
2. « L’utilisation des pesticides constitue
une menace pour la santé humaine »
1er considérant de la Directive 2009/127/CE du Parlement européen et du
Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire
pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le
développement durable
Que faire ? 2 choix :
Renoncer aux PPP pour se convertir au bio
Mettre en place un cadre réglementaire
garantissant une maitrise satisfaisante du risque
sanitaire encouru par l’utilisation des PPP
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3. Le marché des PPP
Une concentration du marché mondial des PPP
En 1990, 13 sociétés représentaient 80% du marché
6 sociétés en 2010 : Sygenta, Bayer, Monsanto, du
Pont, BASF, Dow Ret H
Un chiffre d’affaire mondial de près de 40 millions de
$ en 2010
L’Europe représente 1/4 du marché mondial
La France : un important marché des PPP
1er consommateur européen et 4ème mondial
(derrière les USA, le Brésil et le Japon)
61900 tonnes de substances actives vendues en 2010
(90% pour des usages agricoles)
La vigne
3,7% de la SAU
20% de la consommation nationale des PPP; 30% de
fongicides; Environ 20 traitements par an
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4. Le risque sanitaire
Une exposition généralisée aux PPP dans
notre environnement
Un risque sanitaire élevé pour les utilisateurs de PPP
et leur entourage
L’étude CEREPHY : un risque de tumeur cérébrale x2
pour les utilisateurs de PPP
Si les effets aigus sont bien répertoriés, les effets
retardés sont encore méconnus
Un problème de reconnaissance du risque
La difficile reconnaissance par la MSA : entre 2002 et
2010, seuls 28 agriculteurs ont été reconnus
professionnellement malades à cause des PPP
Etablir le lien de la causalité entre la maladie et
l’utilisation de PPP
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5. Ce qui change …
Une prise de conscience des agriculteurs et des
consommateurs :
La mort est dans le pré (E. Guéret) : « Quand on
découvrira toute la vérité sur les dangers des
pesticides, ce sera un scandale pire que celui du
sang contaminé. »
Affaire Paul François c/ Monsanto (TGI Lyon, 13 février
2012)
La recherche d’une qualité sanitaire et
environnementale : pour 2/3 des français, la qualité
sanitaire des produits est une priorité
(CREDOC, Baromètre de la perception de
l’alimentation, 2011)
L’essor de l’agriculture biologique
Vers une meilleure formation des utilisateurs : Le
Certiphyto
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6. Le Paquet Pesticides
Le cadre réglementaire
4 textes du Parlement européen et du Conseil
(2009) :
La Directive 2009/128 CE instaurant un cadre
communautaire d’action pour parvenir à une
utilisation des pesticides compatible avec le
développement durable
Le Règlement (CE) n°1107/2009 concernant la mise
sur le marché des PPP
La Directive 2009/127 CE concernant les machines
destinées à l’application de PPP
Le Règlement (CE) n°1185/2009 relatif aux statistiques
sur les pesticides
En France :
Ordonnance n°2011-840 du 15 juillet 2011
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7. Mise sur le marché 1/4
Approbation et Autorisation de mise sur le
marché
Un PPP ne peut être mis sur le marché que si ses
composants ont été homologués
L’AMM est une décision nationale encadrée par
le droit communautaire
L’autorité compétente chargée des décisions de
délivrance des AMM est le Ministère de
l’Agriculture
La préparation de la décision est du ressort de la
DGAI (direction générale de l’alimentation)
L’évaluation scientifique relève de l’ANSES
(agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail)
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8. Mise sur le marché 2/4
Un cadre réglementaire favorable à l’industrie
La preuve du risque « acceptable » par le
demandeur
Le risque acceptable : une notion sujette à
interprétation
La justification d’un risque acceptable en raison
du fonctionnement du produit et de l’état actuel
des connaissances techniques et scientifiques
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9. Mise sur le marché 3/4
Une procédure opaque
L’absence de transparence
Le demandeur fournit un dossier récapitulatif et un
dossier complet, ou, à défaut, une justification
scientifique de la non-communication de certaines
pièces de ces dossiers.
Le demandeur peut exiger une certaine
confidentialité dans le traitement et la divulgation
des données.
Seul le dossier récapitulatif (résumés, résultats) est
divulgué au public par l’autorité européenne de la
sécurité des aliments, sous réserve de traitement
confidentiel ( justif. : intérêts commerciaux)
L’absence d’une contre-expertise indépendante
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10. Mise sur le marché 4/4
Le suivi post-AMM
L’article 56 du Règl. (CE) n°1107/2009
L’obligation d’information du titulaire de l’AMM sur les
effets potentiellement nocifs ou inacceptables
Sanction : 2 ans/75000 euros (art. L 253-15-2 C.rur.)
L’article 44 du Règl. (CE) n°1107/2009
Les Etats membres peuvent réexaminer une
autorisation à tout moment
L’une des conditions requises relative à l’efficacité et
à l’innocuité du PPP à l’égard de la santé publique
n’est plus satisfaite, ou doute sérieux sur ce point
Toutefois : possibilité d’accorder un délai de grâce
pour l’élimination, le stockage, la mise sur le marché
et l’utilisation des stocks existants (art. 46)
Le réseau de surveillance constitué par les
organismes tiers 9/16
11. LMR 1/4
La question des résidus de pesticides
Une contamination généralisée des vins
conventionnels : Etude PAN-EUROPE (2008)
100% des vins conventionnels testés sont contaminés
En moyenne : plus de 4 résidus de PPP différents dans
chaque vin
Certains vins contiennent jusqu’à 10 PPP
Près d’un tiers des PPP appliqués aux raisins sont
systématiquement transférés au cours de la production de
vin
Néanmoins : les niveaux maximum de contamination sont
bien inférieures aux LMR raisin (cf. Institut français du vin, 27
mars 2008)
Détermination de LMR afin de garantir un niveau de
contamination « faible et raisonnablement
atteignable »
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12. LMR 2/4
Les LMR (limites maximales applicables aux
résidus)
Règl. (CE) n°369/2005 du Parlement européen et du
Conseil du 23 février 2005
Déf : Concentration maximale de résidu d’un pesticide
autorisé dans ou sur des denrées alimentaires (…) sur la
base des bonnes pratiques agricoles et de l’exposition
la plus faible possible permettant de protéger tous les
consommateurs vulnérables
Problème : Absence de LMR vin On est donc obligés
de se référer aux LMR raisin de cuve
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13. LMR 3/4
L’absence regrettable de LMR vin
Un produit hors du champ d’application de l’art.
2-1 du Règl. (CE) n°369/2005
Conséquences :
Pas de LMR propre
Impossibilité de lui appliquer la valeur par
défaut de 0,01 mg/kg
L’obligation de se référer aux LMR raisin de
cuve
Règl. (CE) n°149/2008 de la Commission du 29
janvier 2008
En France : Décret n°2009-123 du 3 février 2009
Des LMR critiquées car jugées trop élevées et
donc permissives; et absence de prise en compte
des taux de transfert des résidus de PPP vers le vin
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14. LMR 4/4
Vers la détermination de LMR vin européennes ?
Les exemples étrangers
La Suisse : annexe 1 de l’Ordonnance sur les
substances étrangères et les composants (OSEC)
Les Etats-Unis : Code of federal regulations, Titre 40,
Partie 180
L’Australie : Standard 1.4.2 Food standard code –
maximum residue limits amendment
La position de l’OIV
1999 : création d’un groupe de travail coordonné
par ITV France en partenariat avec les
interprofessions. Etude sur 3 millésimes (1999, 2000 et
2001). Mais projet abandonné
2012 : la détermination de LMR vin est un des
objectifs du Plan stratégique de l’OIV – point K5
(actions de sensibilisation des acteurs; résultats
envisagés : recommandations)
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15. A RETENIR
Les points essentiels
Nécessité de mieux informer les utilisateurs et de
favoriser leur accès à un équipement garantissant
leur sécurité (machines, combinaisons …)
Un cadre règlementaire à revoir afin de systématiser
la contre-expertise indépendante et d’améliorer la
transparence des tests et des décisions
Nécessité d’études sur le long terme et prenant en
compte les effets de synergie
Nécessité de la diversité des sources d’information
Dès lors, la définition de la notion de « risque
acceptable » sera partagée, acceptée, par
l’ensemble des acteurs du secteur
(industrie, autorités publiques, société civile …)
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16. Pour en savoir plus sur pesticides :
http://e-phy.agriculture.gouv.fr/
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17. Merci pour votre attention
Florentin Rambaud
Master 2 Droit du vin et des spiritueux
Promotion Richard Hennessy
rambaud.florentin@gmail.com
06 59 37 33 03
http://rambaudandcavallo.wordpress.com/
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