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Raisonnements, sophismes et paralogismes

  1. Comment convaincre les autres ? Philosophie / EMC Classe de Première Les différentes stratégies possibles pour gagner un débat
  2. Introduction (1) • Le mystère de la persuasion Convaincre (ou persuader), c’est réussir à emporter l’adhésion de quelqu’un à propos de quelque chose. C’est donc amener autrui à croire ce qu’on désire qu’il croie. Or, comment peut-on agir sur les croyances de quelqu’un ? Les croyances sont, à première vue, libres et personnelles : chacun croit ce qu’il veut. De nombreuses croyances sont, en plus, anciennes : elles remontent à l’enfance. Il semble d’autant plus difficile de faire changer quelqu’un de croyance. Un discours est convaincant lorsqu’il a un impact sur les croyances de l’auditeur. Qu’est-ce qui fait qu’un individu change d’opinion ou d’avis ? En fait, ce changement peut intervenir de deux manières. GGP, LCS, 2022-2023
  3. Introduction (2) • La distinction entre convaincre et persuader Soit l’individu est, à proprement parler, « convaincu ». Convaincre, ce n’est pas « vaincre » (vincere) n’importe comment : c’est vaincre « avec » (cum) l’autre, avec son accord, son assentiment. C’est amener autrui à penser ce qu’on veut qu’il pense, mais en sollicitant sa raison, sa faculté de raisonnement. Si autrui se range, à la fin, de notre côté, c’est par lui-même, de son plein gré, grâce à la « force » de notre raisonnement. Soit l’individu est seulement « persuadé ». Il croit ce qu’on veut qu’il croie, non pas parce qu’il dispose d’arguments rationnels convaincants, mais parce que ses émotions ou ses sentiments l’y poussent. GGP, LCS, 2022-2023
  4. Introduction (3) • Ethos, logos et pathos Pour être convaincant ou persuasif, un discours doit remplir trois conditions : 1. L’orateur doit être crédible et inspirer confiance. Son statut social, sa profession ou encore sa réputation sont, à cet égard, importants. C’est la condition de l’ethos. 2. Le discours doit contenir des arguments convaincants. Ces arguments constituent des raisonnements plus ou moins compliqués, plus ou moins valides. C’est la condition du logos. 3. Le discours doit émouvoir le public, jouer sur ses émotions et ses sentiments, pour emporter son adhésion. C’est la condition du pathos. Dans ce qui suit, nous allons nous focaliser sur le logos et examiner les différents raisonnements utilisés pour convaincre. GGP, LCS, 2022-2023
  5. « Personne n'ignore qu'il y a deux entrées par où les opinions sont reçues dans l'âme, qui sont ses deux principales puissances, l'entendement et la volonté. La plus naturelle est celle de l'entendement, car on ne devrait jamais consentir qu'aux vérités démontrées; mais la plus ordinaire, quoique contre la nature, est celle de la volonté; car tout ce qu'il y a d'hommes sont presque toujours emportés à croire non pas par la preuve, mais par l'agrément. Cette voie est basse, indigne et étrangère: aussi tout le monde la désavoue. Chacun fait profession de ne croire et même de n'aimer que s'il sait le mériter. » Pascal, De l’esprit géométrique, II : « De l’art de persuader ». GGP, LCS, 2022-2023
  6. 1. Les raisonnements valides (1) Syllogisme : raisonnement qui consiste, à partir de deux prémisses, à déduire une conclusion. Le syllogisme est un raisonnement déductif. Il faut distinguer les raisonnements déductifs et les raisonnements inductifs. Déduction : raisonnement qui part du général pour aller vers le particulier. Induction : raisonnement qui part du particulier pour aller vers le général. NB : on utilise souvent l’induction dans la vie quotidienne. Mais c’est un raisonnement peu fiable. Il permet, en effet, d’établir des vérités générales, et non pas des vérités universelles. Une vérité est générale lorsqu’elle vaut pour un ensemble limité de cas : des exceptions sont possibles. Une vérité est universelle lorsqu’elle vaut pour tous les cas (sans exception). Soucieux d’atteindre des vérités universelles, les mathématiciens privilégient donc, non pas l’induction, mais la déduction. Dans une démonstration mathématique, il n’y a, en effet, que des raisonnements déductifs. GGP, LCS, 2022-2023
  7. 1. Les raisonnements valides (2) La démonstration de type mathématique est sans aucun doute le type de raisonnement le plus convaincant, puisqu’elle entraîne l’adhésion automatique de l’interlocuteur. Cf. le philosophe, mathématicien et résistant Jean Cavaillès (1903-1944) : « Il n’est qu’une façon de s’imposer par une autorité qui n’emprunte rien au dehors, il n’est qu’un mode d’affirmation inconditionnel, la démonstration. » (Sur la logique et la théorie de la science, Vrin, p.39) Le mathématicien qui démontre refuse de s’appuyer sur la perception ou l’expérience ; il refuse aussi tous les arguments d’autorité. Il fait seulement usage de sa raison. Pensant par lui-même, il aboutit à une vérité que personne ne peut contester, précisément parce que tout le monde peut, pour son propre compte, la retrouver. GGP, LCS, 2022-2023
  8. Les deux types principaux de raisonnement 1. Tous les hommes sont mortels. (Majeure) 2. Socrate est un homme. (Mineure) 1. Donc Socrate est mortel. (Conclusion) 1. X est mortel. 2. Y est mortel. 3. Z est mortel. .……………… .……………… 4. Donc tous les hommes sont mortels. (Règle générale) Induction Déduction L’induction, à partir des cas particuliers observés, établit une règle générale. La déduction, partant d’une règle générale et d’un cas particulier, tire une conclusion à son sujet. Cas particuliers
  9. Soit un triangle ABC. Soit une droite D, parallèle à (AC). Nous voulons démontrer que : α + β + γ = 180° Etape 1 : 1. Si deux droites parallèles sont coupées par une sécante, les angles alternes-internes sont égaux (Théorème = vérité universelle). 2. Or, D est parallèle à (AC), et α et α’, γ et γ’ sont des angles alternes-internes (Cas particulier). 3. Donc (déduction) : α = α’, γ = γ’. Etape 2 : D étant une droite, on a : α’ + β + γ’ = 180°. Etape 3 : Par substitution, on peut donc conclure : α + β + γ = 180°. CQFD. A B C α α’ γ γ’ β D
  10. Axiomes Définitions Théorème 1 Théorème 2 … Régression à l’infini Déduction Déduction Postulats Application des lois de la logique (le principe de non-contradiction) Intuition (la raison)
  11. 1. Les raisonnements valides (3) Dans les sciences de la nature (physique, chimie, biologie, géologie, etc.), on ne démontre pas comme en mathématiques : on expérimente. Or l’expérimentation fait intervenir des raisonnements hypothético-déductifs. Pour expliquer un phénomène, l’homme de science avance une hypothèse, puis la teste en réalisant une expérience. Avant de réaliser l’expérience, il raisonne de la manière suivante : si l’hypothèse est vraie, tel ou tel événement devrait se produire dans des conditions déterminées. Il réalise ensuite l’expérience. Si l’événement prédit se produit, l’homme de science peut conserver son hypothèse. Dans le cas contraire, il doit la changer. NB : le succès de l’expérience n’est pas une preuve définitive. Même si l’expérience a réussi, l’hypothèse testée pourrait être fausse. Nous allons voir, plus loin, pourquoi. GGP, LCS, 2022-2023
  12. La méthode expérimentale : de l’observation à l’expérimentation (1) Observation d’un fait (2) Hypothèse (H) (4) Test expérimental pour vérifier H (3) Implication vérifiable (I) Si H est vraie, dans des conditions déterminées (C), tel événement (E) devrait se produire (prédiction). (5) Observation d’un nouveau fait Expérience Si on observe E, alors H est vraie. Déduction Théorie
  13. 1. Les raisonnements valides (4) Parmi les raisonnements déductifs, citons : • Le modus ponens (du latin pono : poser) : • Le modus tollens (du latin tollo : enlever) : Ces deux raisonnements sont valides. Si les prémisses sont vraies, la conclusion est nécessairement vraie. Si H alors I H Donc I Si H alors I Non I Donc non H S’il pleut, alors le sol est mouillé. Il pleut. Donc le sol est mouillé S’il pleut, alors le sol est mouillé. Le sol n’est pas mouillé. Donc il ne pleut pas. GGP, LCS, 2022-2023
  14. 1. Les raisonnements valides (5) Il existe deux variantes du modus ponens qui sont, en revanche, invalides : • L’affirmation du conséquent : • La négation de l’antécédent : Si H alors I I Donc H Si H alors I Non H Donc non I S’il pleut, alors le sol est mouillé. Le sol est mouillé Donc il pleut. S’il pleut, alors le sol est mouillé. Il ne pleut pas. Donc le sol n’est pas mouillé. I est le « conséquent » Or « si H alors I » n’implique pas nécessairement « si I alors H ». Dans l’exemple, que le sol soit mouillé n’implique pas nécessairement qu’il pleuve : on pourrait avoir renversé un seau d’eau. H est « l’antécédent» Or « si H alors I » n’implique pas nécessairement « si non H alors non I ». Là encore, le raisonnement fait intervenir implicitement une prémisse qui ne fait pas partie des prémisses de départ. Si on reprend l’exemple, de nouveau, le sol pourrait être mouillé, alors même qu’il ne pleut pas. GGP, LCS, 2022-2023
  15. La démarche expérimentale aboutit-elle à des vérités absolument certaines ? Si H, alors I I Donc H Si H, alors I Non I Donc non H Il s’agit d’un raisonnement invalide. La conclusion peut être fausse, même si les prémisses sont vraies. Le succès d’une expérience ne suffit pas à prouver que l’hypothèse testée est vraie. Il s’agit d’un raisonnement valide. La conclusion est nécessairement vraie. L’échec d’une expérience est plus instructive que son succès : on sait (avec certitude) que l’hypothèse testée est fausse. GGP, LCS, 2022-2023 La démarche expérimentale fait intervenir deux raisonnements : - L’affirmation du conséquent, lorsque l’expérience « réussit » ; - le modus tollens, lorsque l’expérience « échoue ». Affirmation du conséquent Modus tollens Ces considérations poussent Karl Popper à soutenir la thèse selon laquelle une expérience ne sert pas à vérifier une hypothèse (à proprement parler, la vérification est impossible), mais seulement à la falsifier, c’est- à-dire la réfuter. Popper défend une position qu’on appelle le falsificationisme.
  16. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (1) Il y a deux types de raisonnements invalides : les paralogismes et les sophismes. Qu’est-ce qui les distingue ? « En langue française, les arguments fallacieux sont désignés, la plupart du temps, sous le terme de « sophismes ». Il s’agit d’une référence à la Grèce antique. (...)On trouve parfois également le mot paralogismes, mais sa signification est légèrement différente : il renvoie aux erreurs involontaires de raisonnement, que chacun est susceptible de commettre au quotidien. Entre ces deux dénominations, il y a donc une différence d’intention : alors que le paralogisme se trompe, le sophisme trompe. Quant à la langue anglaise, elle utilise un terme beaucoup plus neutre historiquement : les logical fallacies. » Clément Viktorovitch, Le pouvoir rhétorique, Seuil, 2021. GGP, LCS, 2022-2023
  17. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (2) • Les paralogismes résultent d’erreurs de raisonnement. On peut les ranger dans la catégorie générale des raisonnements dits « NON SEQUITUR » (du latin « sequor » : suivre). Dans ces raisonnements, la conclusion ne suit pas nécessairement des prémisses. Exemple 1 : Monty Python and the Holy Grail (1975) : 1. Les sorcières brûlent. 2. Le bois brûle. 3. Donc les sorcières sont faites en bois. Exemple 2 : Ionesco, Rhinocéros (1959) : 1. Tous les chats sont mortels. 2. Socrate est mortel. 3. Donc Socrate est un chat. Dans chaque raisonnement, les prémisses sont vraies. Mais la conclusion est bien sûr fausse. L’inférence (le passage des deux prémisses à la conclusion) est illogique. La conclusion ne découle pas, ne suit pas (non sequitur) des prémisses. GGP, LCS, 2022-2023
  18. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (3) • Une autre forme de déduction « fautive » : la pétition de principe. Elle consiste à supposer dans les prémisses ce qu’on voudrait établir en conclusion. La pétition de principe prend la forme suivante : A donc A Exemple 1 : l’argument ontologique qui établit l’existence de Dieu par une simple déduction (Saint Anselme, Descartes) : 1. Dieu est par définition l’être parfait. 2. S’il est parfait, il ne lui manque rien. 3. Donc il existe, parce que, s’il n’existait pas, il lui manquerait quelque chose (l’existence), donc il ne serait pas parfait, ce qui est contradictoire avec la prémisse 1. Exemple 2 : la pétition de principe peut prendre la forme d’un raisonnement circulaire. « Dieu existe, puisque la Bible le dit. – Et pourquoi devrait-on croire la Bible ? – Mais parce que c’est la parole de Dieu ! » Le raisonnement prend alors la forme suivante : A car B, et B car A GGP, LCS, 2022-2023
  19. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (4) • On peut faire un mauvais usage de l’induction : c’est ce qu’on appelle la généralisation hâtive. On généralise à partir d’un nombre restreint de cas particuliers. Ex : Pierre est barbu ; Jean est barbu ; Paul est aussi barbu ; on peut en conclure que tous les hommes sont barbus. • Le faux dilemme, appelé aussi exclusion du tiers, est un raisonnement fallacieux qui consiste à présenter deux solutions (X et Y) à un problème donné comme si elles étaient les deux seules solutions possibles, alors qu'en réalité, il en existe d'autres (A, B, C, D, …). Ce stratagème vise à forcer le choix : si ce n’est pas X, alors c’est Y. On le retrouve assez souvent dans le débat public. Voir les trois exemples tirés des discours d’Emmanuel Macron : 1) sur la 5G (soit on développe la 5G, soit on revient au modèle des Amish) ; 2) sur la démocratie (on n’est pas en dictature donc on est en démocratie) ; 3) sur la réforme des retraites (soit on fait la réforme, soit on baisse les retraites, soit on augmente les cotisations). GGP, LCS, 2022-2023
  20. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (5) • Autre sophisme très fréquent : la pente glissante. Elle consiste à exagérer les conséquences qui découleraient de la position qu’on cherche à critiquer. L’orateur fait alors peur à ses interlocuteurs en évoquant des conséquences catastrophiques. Ces conséquences sont, certes, très hypothétiques (et même invraisemblables), mais l’orateur les fait passer pour probables, voire certaines. Exemple 1 : le cardinal Barbarin contre le mariage pour tous (2012). Si la loi sur « le mariage pour tous » est adoptée, tôt ou tard, c’est la polygamie qui sera généralisée et l’interdit de l’inceste qui sera remis en question. Exemple 2 : Brice Hortefeux favorable à l’interdiction du voile à l’université (2016). Exemple 3 : argument de Jean-René Cazeneuve contre la proposition de loi pour interdire la corrida en France (2022). Si on interdit la corrida, tôt ou tard, on finira aussi par interdire la consommation de viande. GGP, LCS, 2022-2023
  21. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (6) • Autre sophisme très fréquent : l’homme de paille (ou strawman). Pour gagner le débat, on caricature la position de son adversaire, on la déforme volontairement, on l’exagère. Au lieu de réfuter la thèse réellement défendue par l’adversaire, on réfute une autre thèse : une thèse excessive qu’on invente. Exemple 1 : « Vous dites que vous êtes contre le nucléaire, mais il ne faut pas avoir peur du progrès technique. » Exemple 2 : « Tu utilises beaucoup trop d’éclairage inutile dans ta maison et ça gaspille de l’énergie. Ne pourrais-tu pas faire un peu plus attention ? – Qu’est-ce que tu voudrais : que je m’éclaire avec des bougies ? » Exemple 3 : pendant la crise sanitaire, quiconque osait émettre un doute sur l’utilité du vaccin Pfizer (en particulier pour les jeunes) était aussitôt catalogué « anti-vax », mais douter d’un vaccin ne revient pas à rejeter tous les vaccins. GGP, LCS, 2022-2023
  22. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (7) • Le sophisme de la fausse causalité : post hoc ergo propter hoc (corrélation n’implique pas causalité, littéralement : « à cause de cela, donc à cause de cela ») Ex : « Depuis les années 1950, l’immigration n’a fait qu’augmenter, et le taux de chômage aussi. Cela montre bien que l’immigration est responsable du chômage ! » • Le hareng fumé est un stratagème de diversion. Il s’agit d’un changement délibéré de sujet dans une conversation afin de détourner l’attention du sujet original. Ex : « Ne joue pas avec ce bâton pointu, tu pourrais te blesser. – Ce n’est pas un bâton, papa, c’est un laser bionique. » GGP, LCS, 2022-2023
  23. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (8) • Pour justifier son point de vue, on peut recourir à différents arguments fallacieux : - l’argument d’autorité : la thèse est vraie, car telle ou telle personne célèbre, considérée comme compétente, la défend. Ex : « Aristote a bien raison, quand il dit qu’une femme est pire qu’un démon. » (Molière, Le médecin, malgré lui) - l’appel à la tradition : la thèse est vraie, car elle a toujours été considérée ainsi. Ex : « Ces règles ont été écrites il y a 100 ans et nous les avons toujours suivies. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de les changer. » - l’appel au peuple : la thèse est vraie, car elle est défendue par le peuple (ou la majorité). Ex : « Tout le monde pense que la Terre est plate, donc il est impossible qu'elle soit ronde. » - l’appel à la nature : on s’appuie sur la nature pour justifier son propos. Ex : « Le mariage homosexuel, c’est contre-nature. » - l’appel à l’ignorance : la thèse est vraie, car la thèse adverse n’a pas été prouvée. Ex : « La marijuana est parfaitement saine pour la santé. Personne n’a démontré sa nocivité. » GGP, LCS, 2022-2023
  24. 2. Les raisonnements invalides : sophismes et paralogismes (9) • On distingue les arguments ad rem et les arguments ad hominem. Les premiers portent sur le contenu ou le fond du débat (res en latin : la chose). Les seconds visent à discréditer, non pas tant la thèse de l’adversaire, que sa personne même (homo en latin : l’homme), par exemple, en l’insultant. • Schopenhauer distingue les arguments ad hominem et les arguments ad personam. Qu’est-ce qui les distingue ? Argument ad hominem : argument qui consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes, en insistant sur son manque de cohérence. Ex : C. Hanouna répond au jeune député L. Boyard qui a critiqué Bolloré sur le plateau de C8 (2022) : « Tu sais que tu es dans le groupe Bolloré ici ? Qu’est-ce que tu viens foutre ici alors ? » Argument ad personam : on cherche à discréditer son adversaire, en l’insultant, mais sans lui répondre sur le fond. Ex : dans la même émission, C. Hanouna finit par dire à L. Boyard : « Tu es une merde, un abruti etc. » GGP, LCS, 2022-2023
  25. GGP, LCS, 2022-2023 On peut utiliser : 1. Comment défendre une thèse (à tout prix) ? 2) Des arguments d’autorité - Argumentatum ad verecundiam : la thèse est vraie, car une personne reconnue et respectée la soutient (stratagème 30) - Argumentatum ad antiquitatem : appel à la tradition. - Argumentatum ad populum : la thèse est vraie, car tout le monde (ou du moins, la majorité) la soutient. 3) L’appel à l’ignorance (ou argumentatum ad ignorantiam) - On fait passer l’absence de preuve en faveur de la thèse adverse pour une preuve en faveur de notre thèse. 1) Des raisonnements fallacieux (sophismes ou paralogismes) - Raisonnement déductif à partir de prémisses qu’on fait admettre à l’adversaire (stratagème 4). On peut utiliser si nécessaire des prémisses fausses (stratagème 5). On peut aussi imposer la conclusion, si l’adversaire est timide ou stupide (stratagème 14). On peut aussi faire croire que les prémisses ont été admises et tirer la conclusion que l’on veut (stratagème 20). - La pétition de principe camouflée (stratagème 6) : on admet ce qu’on cherche à démontrer ; le propos est alors circulaire (A donc A). - Raisonnement inductif : on a recours à une généralisation hâtive ou abusive à partir de quelques cas. Même si la conclusion est très incertaine, il faut la faire passer pour une vérité (stratagème 11). - Raisonnement par l’absurde. - Raisonnement par analogie. - Le faux dilemme (stratagème 13) : il faut laisser l’adversaire choisir entre notre thèse et la thèse contraire. La thèse contraire étant impossible à soutenir, l’adversaire finira tôt ou tard par se rallier à la nôtre. - Post hoc ergo propter hoc (« après ceci, donc à cause de ceci »)
  26. 5) L’adversaire lui-même (argumentatum ad personam) Au lieu d’attaquer la thèse, on peut attaquer la personne qui défend la thèse (stratagème 38), par exemple, en l’insultant. 2) La thèse elle-même (argumentatum ad rem) On peut s’attaquer à la thèse elle-même, en montrant qu’elle n’est pas en accord avec la réalité, avec les faits. - On peut chercher un contre-exemple (stratagème 25). - On peut aussi faire un raisonnement par l’absurde (stratagème 24) en admettant la thèse de l’adversaire et en montrant qu’elle a des conséquences absurdes ou dangereuses (stratégie dite aussi « de la pente glissante »). 4) La cohérence de l’adversaire (argumentatum ad hominem ou ex concessis). On peut s’attaquer à la thèse en montrant qu’elle est en contradiction avec d’autres vérités admises par l’adversaire, ou avec ses propres faits et gestes (stratagème 16). 2. Comment attaquer la thèse de l’adversaire ? 1) Les mots On fait dire à l’adversaire ce qu’il ne dit pas. On cherche à déformer son propos. - On peut l’exagérer, le caricaturer, pour le rendre absurde ou facilement réfutable (stratagème 1). C’est la stratégie dite « de l’homme de paille ». - On peut exploiter l’homonymie des mots (stratagème 2). - On peut reformuler la thèse de l’adversaire en des termes péjoratifs ou le ranger dans une catégorie infamante (stratagèmes 12 et 32). Ex : « populiste », « complotiste », etc. 3) La preuve On peut s’attaquer à la preuve utilisée par l’adversaire pour établir sa thèse. - Soit on rejette les prémisses, soit on montre que la conclusion ne découle pas logiquement des prémisses (par exemple, en dénonçant une pétition de principe, stratagème 22). - On peut essayer de faire passer la réfutation de la preuve pour une réfutation de la thèse (stratagème 37) : or, même si la preuve est invalide, la thèse de l’adversaire pourrait être vraie. On peut attaquer : GGP, LCS, 2022-2023
  27. 3. Comment répondre aux attaques ? 1) La diversion On peut changer de sujet pour faire diversion (mutatio controversiae). C’est la stratégie dite « du hareng fumé » (stratagèmes 18 et 29). 4) Préciser son propos Il faut restreindre la portée de son affirmation, clarifier le sens des mots utilisés. Alors que l’adversaire veut nous pousser à exagérer, nous devons nous en tenir à notre propos initial (stratagèmes 1, 2, et 23). Nous pouvons aussi faire une nouvelle distinction, et ainsi échapper à la contradiction que l’adversaire croit voir dans notre propos (stratagème 17). 2) L’ironie On se déclare incompétent, ignorant. Et on dévalorise implicitement le propos de l’adversaire. (stratagème 31). 5) Retorsio argumenti Retourner l’argument de l’adversaire contre lui- même (stratagème 26). On reprend l’argument de l’adversaire, mais on le met au service de sa propre thèse. 3) L’attaque personnelle (argumentatum ad personam) Problème : si on répond à une attaque personnelle par une autre attaque personnelle, la controverse risque de dégénérer. On peut aussi répondre, en gardant son sang-froid , pour revenir à l’objet du débat (stratagème 38). Plusieurs stratégies sont possibles : GGP, LCS, 2022-2023
  28. Bibliographie (pour aller plus loin) • Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux, 2005. • Sophie Mazet, Manuel d’autodéfense intellectuelle, Robert Laffont, 2015. • Clément Viktorovitch, Le pouvoir rhétorique, Seuil, 2021. GGP, LCS, 2022-2023
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