Comment convaincre
les autres ?
Philosophie / EMC
Classe de Première
Les différentes stratégies possibles
pour gagner un débat
Introduction (1)
• Le mystère de la persuasion
Convaincre (ou persuader), c’est réussir à emporter l’adhésion de quelqu’un à
propos de quelque chose. C’est donc amener autrui à croire ce qu’on désire qu’il
croie.
Or, comment peut-on agir sur les croyances de quelqu’un ? Les croyances sont, à
première vue, libres et personnelles : chacun croit ce qu’il veut. De nombreuses
croyances sont, en plus, anciennes : elles remontent à l’enfance. Il semble d’autant
plus difficile de faire changer quelqu’un de croyance.
Un discours est convaincant lorsqu’il a un impact sur les croyances de l’auditeur.
Qu’est-ce qui fait qu’un individu change d’opinion ou d’avis ? En fait, ce
changement peut intervenir de deux manières.
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Introduction (2)
• La distinction entre convaincre et persuader
Soit l’individu est, à proprement parler, « convaincu ». Convaincre, ce n’est pas
« vaincre » (vincere) n’importe comment : c’est vaincre « avec » (cum) l’autre, avec
son accord, son assentiment. C’est amener autrui à penser ce qu’on veut qu’il
pense, mais en sollicitant sa raison, sa faculté de raisonnement. Si autrui se range, à
la fin, de notre côté, c’est par lui-même, de son plein gré, grâce à la « force » de
notre raisonnement.
Soit l’individu est seulement « persuadé ». Il croit ce qu’on veut qu’il croie, non pas
parce qu’il dispose d’arguments rationnels convaincants, mais parce que ses
émotions ou ses sentiments l’y poussent.
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Introduction (3)
• Ethos, logos et pathos
Pour être convaincant ou persuasif, un discours doit remplir trois conditions :
1. L’orateur doit être crédible et inspirer confiance. Son statut social, sa profession ou encore sa
réputation sont, à cet égard, importants. C’est la condition de l’ethos.
2. Le discours doit contenir des arguments convaincants. Ces arguments constituent des
raisonnements plus ou moins compliqués, plus ou moins valides. C’est la condition du logos.
3. Le discours doit émouvoir le public, jouer sur ses émotions et ses sentiments, pour emporter
son adhésion. C’est la condition du pathos.
Dans ce qui suit, nous allons nous focaliser sur le logos et examiner les différents
raisonnements utilisés pour convaincre.
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« Personne n'ignore qu'il y a deux entrées par où les opinions sont reçues dans
l'âme, qui sont ses deux principales puissances, l'entendement et la volonté. La
plus naturelle est celle de l'entendement, car on ne devrait jamais consentir
qu'aux vérités démontrées; mais la plus ordinaire, quoique contre la nature, est
celle de la volonté; car tout ce qu'il y a d'hommes sont presque toujours
emportés à croire non pas par la preuve, mais par l'agrément.
Cette voie est basse, indigne et étrangère: aussi tout le monde la désavoue.
Chacun fait profession de ne croire et même de n'aimer que s'il sait le mériter. »
Pascal, De l’esprit géométrique, II : « De l’art de persuader ».
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1. Les raisonnements valides (1)
Syllogisme : raisonnement qui consiste, à partir de deux prémisses, à déduire une
conclusion. Le syllogisme est un raisonnement déductif.
Il faut distinguer les raisonnements déductifs et les raisonnements inductifs.
Déduction : raisonnement qui part du général pour aller vers le particulier.
Induction : raisonnement qui part du particulier pour aller vers le général.
NB : on utilise souvent l’induction dans la vie quotidienne. Mais c’est un raisonnement peu fiable. Il
permet, en effet, d’établir des vérités générales, et non pas des vérités universelles. Une vérité est
générale lorsqu’elle vaut pour un ensemble limité de cas : des exceptions sont possibles. Une vérité
est universelle lorsqu’elle vaut pour tous les cas (sans exception). Soucieux d’atteindre des vérités
universelles, les mathématiciens privilégient donc, non pas l’induction, mais la déduction. Dans une
démonstration mathématique, il n’y a, en effet, que des raisonnements déductifs.
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1. Les raisonnements valides (2)
La démonstration de type mathématique est sans aucun doute le type de
raisonnement le plus convaincant, puisqu’elle entraîne l’adhésion automatique de
l’interlocuteur.
Cf. le philosophe, mathématicien et résistant Jean Cavaillès (1903-1944) : « Il n’est
qu’une façon de s’imposer par une autorité qui n’emprunte rien au dehors, il
n’est qu’un mode d’affirmation inconditionnel, la démonstration. » (Sur la logique
et la théorie de la science, Vrin, p.39)
Le mathématicien qui démontre refuse de s’appuyer sur la perception ou l’expérience ; il refuse
aussi tous les arguments d’autorité. Il fait seulement usage de sa raison. Pensant par lui-même, il
aboutit à une vérité que personne ne peut contester, précisément parce que tout le monde peut,
pour son propre compte, la retrouver.
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Les deux types principaux de raisonnement
1. Tous les hommes sont mortels.
(Majeure)
2. Socrate est un homme. (Mineure)
1. Donc Socrate est mortel.
(Conclusion)
1. X est mortel.
2. Y est mortel.
3. Z est mortel.
.………………
.………………
4. Donc tous les hommes sont mortels.
(Règle générale)
Induction Déduction
L’induction, à partir des cas particuliers
observés, établit une règle générale.
La déduction, partant d’une règle générale et
d’un cas particulier, tire une conclusion à son
sujet.
Cas particuliers
Soit un triangle ABC. Soit une droite D, parallèle à (AC). Nous voulons démontrer que :
α + β + γ = 180°
Etape 1 :
1. Si deux droites parallèles sont coupées par une sécante, les angles alternes-internes sont égaux (Théorème = vérité universelle).
2. Or, D est parallèle à (AC), et α et α’, γ et γ’ sont des angles alternes-internes (Cas particulier).
3. Donc (déduction) : α = α’, γ = γ’.
Etape 2 : D étant une droite, on a : α’ + β + γ’ = 180°.
Etape 3 : Par substitution, on peut donc conclure : α + β + γ = 180°. CQFD.
A
B
C
α
α’
γ
γ’
β
D
Axiomes
Définitions
Théorème 1 Théorème 2 …
Régression
à l’infini
Déduction
Déduction
Postulats
Application des lois de la logique
(le principe de non-contradiction)
Intuition
(la raison)
1. Les raisonnements valides (3)
Dans les sciences de la nature (physique, chimie, biologie, géologie, etc.), on ne
démontre pas comme en mathématiques : on expérimente. Or l’expérimentation
fait intervenir des raisonnements hypothético-déductifs.
Pour expliquer un phénomène, l’homme de science avance une hypothèse, puis la
teste en réalisant une expérience. Avant de réaliser l’expérience, il raisonne de la
manière suivante : si l’hypothèse est vraie, tel ou tel événement devrait se produire
dans des conditions déterminées. Il réalise ensuite l’expérience. Si l’événement
prédit se produit, l’homme de science peut conserver son hypothèse. Dans le cas
contraire, il doit la changer.
NB : le succès de l’expérience n’est pas une preuve définitive. Même si l’expérience a réussi,
l’hypothèse testée pourrait être fausse. Nous allons voir, plus loin, pourquoi.
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La méthode expérimentale :
de l’observation à l’expérimentation
(1) Observation d’un fait
(2) Hypothèse (H)
(4) Test expérimental pour vérifier H
(3) Implication vérifiable (I)
Si H est vraie, dans des conditions déterminées (C), tel
événement (E) devrait se produire (prédiction).
(5) Observation d’un
nouveau fait
Expérience
Si on observe E, alors H est vraie.
Déduction
Théorie
1. Les raisonnements valides (4)
Parmi les raisonnements déductifs, citons :
• Le modus ponens (du latin pono : poser) :
• Le modus tollens (du latin tollo : enlever) :
Ces deux raisonnements sont valides. Si les prémisses sont vraies, la conclusion est nécessairement
vraie.
Si H alors I
H
Donc I
Si H alors I
Non I
Donc non H
S’il pleut, alors le sol est mouillé.
Il pleut.
Donc le sol est mouillé
S’il pleut, alors le sol est mouillé.
Le sol n’est pas mouillé.
Donc il ne pleut pas.
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1. Les raisonnements valides (5)
Il existe deux variantes du modus ponens qui sont, en revanche, invalides :
• L’affirmation du conséquent :
• La négation de l’antécédent :
Si H alors I
I
Donc H
Si H alors I
Non H
Donc non I
S’il pleut, alors le sol est mouillé.
Le sol est mouillé
Donc il pleut.
S’il pleut, alors le sol est mouillé.
Il ne pleut pas.
Donc le sol n’est pas mouillé.
I est le « conséquent »
Or « si H alors I » n’implique pas nécessairement « si I
alors H ». Dans l’exemple, que le sol soit mouillé
n’implique pas nécessairement qu’il pleuve : on pourrait
avoir renversé un seau d’eau.
H est « l’antécédent»
Or « si H alors I » n’implique pas nécessairement « si non
H alors non I ». Là encore, le raisonnement fait intervenir
implicitement une prémisse qui ne fait pas partie des
prémisses de départ. Si on reprend l’exemple, de
nouveau, le sol pourrait être mouillé, alors même qu’il ne
pleut pas.
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La démarche expérimentale aboutit-elle à des vérités absolument certaines ?
Si H, alors I
I
Donc H
Si H, alors I
Non I
Donc non H
Il s’agit d’un raisonnement invalide. La
conclusion peut être fausse, même si les
prémisses sont vraies.
Le succès d’une expérience ne suffit pas à
prouver que l’hypothèse testée est vraie.
Il s’agit d’un raisonnement valide. La conclusion
est nécessairement vraie.
L’échec d’une expérience est plus instructive que
son succès : on sait (avec certitude) que
l’hypothèse testée est fausse.
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La démarche expérimentale fait intervenir deux raisonnements :
- L’affirmation du conséquent, lorsque l’expérience « réussit » ;
- le modus tollens, lorsque l’expérience « échoue ».
Affirmation du conséquent Modus tollens
Ces considérations poussent Karl Popper à soutenir la thèse selon laquelle une expérience ne sert pas à
vérifier une hypothèse (à proprement parler, la vérification est impossible), mais seulement à la falsifier, c’est-
à-dire la réfuter. Popper défend une position qu’on appelle le falsificationisme.
2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (1)
Il y a deux types de raisonnements invalides : les paralogismes et les sophismes.
Qu’est-ce qui les distingue ?
« En langue française, les arguments fallacieux sont désignés, la plupart du temps,
sous le terme de « sophismes ». Il s’agit d’une référence à la Grèce antique. (...)On
trouve parfois également le mot paralogismes, mais sa signification est légèrement
différente : il renvoie aux erreurs involontaires de raisonnement, que chacun est
susceptible de commettre au quotidien. Entre ces deux dénominations, il y a donc
une différence d’intention : alors que le paralogisme se trompe, le sophisme
trompe. Quant à la langue anglaise, elle utilise un terme beaucoup plus neutre
historiquement : les logical fallacies. »
Clément Viktorovitch, Le pouvoir rhétorique, Seuil, 2021.
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (2)
• Les paralogismes résultent d’erreurs de raisonnement. On peut les ranger dans
la catégorie générale des raisonnements dits « NON SEQUITUR » (du latin
« sequor » : suivre). Dans ces raisonnements, la conclusion ne suit pas
nécessairement des prémisses.
Exemple 1 : Monty Python and the Holy Grail (1975) : 1. Les sorcières brûlent. 2. Le bois
brûle. 3. Donc les sorcières sont faites en bois.
Exemple 2 : Ionesco, Rhinocéros (1959) : 1. Tous les chats sont mortels. 2. Socrate est
mortel. 3. Donc Socrate est un chat.
Dans chaque raisonnement, les prémisses sont vraies. Mais la conclusion est
bien sûr fausse. L’inférence (le passage des deux prémisses à la conclusion) est
illogique. La conclusion ne découle pas, ne suit pas (non sequitur) des
prémisses.
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (3)
• Une autre forme de déduction « fautive » : la pétition de principe. Elle
consiste à supposer dans les prémisses ce qu’on voudrait établir en conclusion.
La pétition de principe prend la forme suivante :
A donc A
Exemple 1 : l’argument ontologique qui établit l’existence de Dieu par une simple déduction (Saint Anselme,
Descartes) : 1. Dieu est par définition l’être parfait. 2. S’il est parfait, il ne lui manque rien. 3. Donc il existe,
parce que, s’il n’existait pas, il lui manquerait quelque chose (l’existence), donc il ne serait pas parfait, ce qui
est contradictoire avec la prémisse 1.
Exemple 2 : la pétition de principe peut prendre la forme d’un raisonnement circulaire. « Dieu existe,
puisque la Bible le dit. – Et pourquoi devrait-on croire la Bible ? – Mais parce que c’est la parole de Dieu ! »
Le raisonnement prend alors la forme suivante :
A car B, et B car A
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (4)
• On peut faire un mauvais usage de l’induction : c’est ce qu’on appelle la
généralisation hâtive. On généralise à partir d’un nombre restreint de cas
particuliers. Ex : Pierre est barbu ; Jean est barbu ; Paul est aussi barbu ; on
peut en conclure que tous les hommes sont barbus.
• Le faux dilemme, appelé aussi exclusion du tiers, est un raisonnement
fallacieux qui consiste à présenter deux solutions (X et Y) à un problème donné
comme si elles étaient les deux seules solutions possibles, alors qu'en réalité, il
en existe d'autres (A, B, C, D, …). Ce stratagème vise à forcer le choix : si ce
n’est pas X, alors c’est Y. On le retrouve assez souvent dans le débat public.
Voir les trois exemples tirés des discours d’Emmanuel Macron : 1) sur la 5G (soit on développe la 5G, soit on revient
au modèle des Amish) ; 2) sur la démocratie (on n’est pas en dictature donc on est en démocratie) ; 3) sur la réforme
des retraites (soit on fait la réforme, soit on baisse les retraites, soit on augmente les cotisations).
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (5)
• Autre sophisme très fréquent : la pente glissante. Elle consiste à exagérer les
conséquences qui découleraient de la position qu’on cherche à critiquer.
L’orateur fait alors peur à ses interlocuteurs en évoquant des conséquences
catastrophiques. Ces conséquences sont, certes, très hypothétiques (et même
invraisemblables), mais l’orateur les fait passer pour probables, voire certaines.
Exemple 1 : le cardinal Barbarin contre le mariage pour tous (2012). Si la loi sur « le mariage pour tous »
est adoptée, tôt ou tard, c’est la polygamie qui sera généralisée et l’interdit de l’inceste qui sera remis en
question.
Exemple 2 : Brice Hortefeux favorable à l’interdiction du voile à l’université (2016).
Exemple 3 : argument de Jean-René Cazeneuve contre la proposition de loi pour interdire la corrida en
France (2022). Si on interdit la corrida, tôt ou tard, on finira aussi par interdire la consommation de
viande.
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (6)
• Autre sophisme très fréquent : l’homme de paille (ou strawman). Pour gagner
le débat, on caricature la position de son adversaire, on la déforme
volontairement, on l’exagère. Au lieu de réfuter la thèse réellement défendue
par l’adversaire, on réfute une autre thèse : une thèse excessive qu’on invente.
Exemple 1 : « Vous dites que vous êtes contre le nucléaire, mais il ne faut pas avoir peur du progrès
technique. »
Exemple 2 : « Tu utilises beaucoup trop d’éclairage inutile dans ta maison et ça gaspille de l’énergie. Ne
pourrais-tu pas faire un peu plus attention ? – Qu’est-ce que tu voudrais : que je m’éclaire avec des
bougies ? »
Exemple 3 : pendant la crise sanitaire, quiconque osait émettre un doute sur l’utilité du vaccin Pfizer (en
particulier pour les jeunes) était aussitôt catalogué « anti-vax », mais douter d’un vaccin ne revient pas à
rejeter tous les vaccins.
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (7)
• Le sophisme de la fausse causalité : post hoc ergo propter hoc (corrélation
n’implique pas causalité, littéralement : « à cause de cela, donc à cause de
cela »)
Ex : « Depuis les années 1950, l’immigration n’a fait qu’augmenter, et le taux de chômage
aussi. Cela montre bien que l’immigration est responsable du chômage ! »
• Le hareng fumé est un stratagème de diversion. Il s’agit d’un changement
délibéré de sujet dans une conversation afin de détourner l’attention du sujet
original.
Ex : « Ne joue pas avec ce bâton pointu, tu pourrais te blesser. – Ce n’est pas un bâton, papa,
c’est un laser bionique. »
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (8)
• Pour justifier son point de vue, on peut recourir à différents arguments
fallacieux :
- l’argument d’autorité : la thèse est vraie, car telle ou telle personne célèbre, considérée comme
compétente, la défend. Ex : « Aristote a bien raison, quand il dit qu’une femme est pire qu’un
démon. » (Molière, Le médecin, malgré lui)
- l’appel à la tradition : la thèse est vraie, car elle a toujours été considérée ainsi. Ex : « Ces règles ont
été écrites il y a 100 ans et nous les avons toujours suivies. Par conséquent, il n'est pas nécessaire
de les changer. »
- l’appel au peuple : la thèse est vraie, car elle est défendue par le peuple (ou la majorité). Ex : « Tout
le monde pense que la Terre est plate, donc il est impossible qu'elle soit ronde. »
- l’appel à la nature : on s’appuie sur la nature pour justifier son propos. Ex : « Le mariage
homosexuel, c’est contre-nature. »
- l’appel à l’ignorance : la thèse est vraie, car la thèse adverse n’a pas été prouvée. Ex : « La marijuana
est parfaitement saine pour la santé. Personne n’a démontré sa nocivité. »
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2. Les raisonnements invalides : sophismes et
paralogismes (9)
• On distingue les arguments ad rem et les arguments ad hominem. Les premiers portent sur le
contenu ou le fond du débat (res en latin : la chose). Les seconds visent à discréditer, non pas
tant la thèse de l’adversaire, que sa personne même (homo en latin : l’homme), par exemple,
en l’insultant.
• Schopenhauer distingue les arguments ad hominem et les arguments ad personam. Qu’est-ce
qui les distingue ?
Argument ad hominem : argument qui consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses
propres paroles ou ses propres actes, en insistant sur son manque de cohérence.
Ex : C. Hanouna répond au jeune député L. Boyard qui a critiqué Bolloré sur le plateau de C8 (2022) : « Tu sais que tu
es dans le groupe Bolloré ici ? Qu’est-ce que tu viens foutre ici alors ? »
Argument ad personam : on cherche à discréditer son adversaire, en l’insultant, mais sans lui
répondre sur le fond.
Ex : dans la même émission, C. Hanouna finit par dire à L. Boyard : « Tu es une merde, un abruti etc. »
GGP, LCS, 2022-2023
GGP, LCS, 2022-2023
On peut utiliser :
1. Comment défendre une thèse (à tout prix) ?
2) Des arguments d’autorité
- Argumentatum ad verecundiam : la thèse est
vraie, car une personne reconnue et respectée
la soutient (stratagème 30)
- Argumentatum ad antiquitatem : appel à la
tradition.
- Argumentatum ad populum : la thèse est vraie,
car tout le monde (ou du moins, la majorité) la
soutient.
3) L’appel à l’ignorance (ou
argumentatum ad ignorantiam)
- On fait passer l’absence de preuve en faveur de
la thèse adverse pour une preuve en faveur de
notre thèse.
1) Des raisonnements fallacieux
(sophismes ou paralogismes)
- Raisonnement déductif à partir de prémisses qu’on fait admettre à l’adversaire (stratagème 4).
On peut utiliser si nécessaire des prémisses fausses (stratagème 5). On peut aussi imposer la
conclusion, si l’adversaire est timide ou stupide (stratagème 14). On peut aussi faire croire que
les prémisses ont été admises et tirer la conclusion que l’on veut (stratagème 20).
- La pétition de principe camouflée (stratagème 6) : on admet ce qu’on cherche à démontrer ; le
propos est alors circulaire (A donc A).
- Raisonnement inductif : on a recours à une généralisation hâtive ou abusive à partir de
quelques cas. Même si la conclusion est très incertaine, il faut la faire passer pour une vérité
(stratagème 11).
- Raisonnement par l’absurde.
- Raisonnement par analogie.
- Le faux dilemme (stratagème 13) : il faut laisser l’adversaire choisir entre notre thèse et la thèse
contraire. La thèse contraire étant impossible à soutenir, l’adversaire finira tôt ou tard par se
rallier à la nôtre.
- Post hoc ergo propter hoc (« après ceci, donc à cause de ceci »)
5) L’adversaire lui-même (argumentatum ad
personam)
Au lieu d’attaquer la thèse, on peut attaquer la personne qui défend la
thèse (stratagème 38), par exemple, en l’insultant.
2) La thèse elle-même
(argumentatum ad rem)
On peut s’attaquer à la thèse elle-même, en
montrant qu’elle n’est pas en accord avec la
réalité, avec les faits.
- On peut chercher un contre-exemple
(stratagème 25).
- On peut aussi faire un raisonnement par
l’absurde (stratagème 24) en admettant la
thèse de l’adversaire et en montrant qu’elle a
des conséquences absurdes ou dangereuses
(stratégie dite aussi « de la pente glissante »).
4) La cohérence de l’adversaire
(argumentatum ad hominem ou ex concessis).
On peut s’attaquer à la thèse en montrant qu’elle est en contradiction avec d’autres
vérités admises par l’adversaire, ou avec ses propres faits et gestes (stratagème 16).
2. Comment attaquer la thèse de l’adversaire ?
1) Les mots
On fait dire à l’adversaire ce qu’il ne dit pas. On
cherche à déformer son propos.
- On peut l’exagérer, le caricaturer, pour le rendre
absurde ou facilement réfutable (stratagème
1). C’est la stratégie dite « de l’homme de
paille ».
- On peut exploiter l’homonymie des mots
(stratagème 2).
- On peut reformuler la thèse de l’adversaire en
des termes péjoratifs ou le ranger dans une
catégorie infamante (stratagèmes 12 et 32). Ex
: « populiste », « complotiste », etc.
3) La preuve
On peut s’attaquer à la preuve utilisée par
l’adversaire pour établir sa thèse.
- Soit on rejette les prémisses, soit on montre
que la conclusion ne découle pas
logiquement des prémisses (par exemple, en
dénonçant une pétition de principe,
stratagème 22).
- On peut essayer de faire passer la réfutation
de la preuve pour une réfutation de la thèse
(stratagème 37) : or, même si la preuve est
invalide, la thèse de l’adversaire pourrait être
vraie.
On peut attaquer :
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3. Comment répondre aux attaques ?
1) La diversion
On peut changer de sujet pour faire diversion
(mutatio controversiae). C’est la stratégie dite « du
hareng fumé » (stratagèmes 18 et 29).
4) Préciser son propos
Il faut restreindre la portée de son affirmation,
clarifier le sens des mots utilisés. Alors que
l’adversaire veut nous pousser à exagérer, nous
devons nous en tenir à notre propos initial
(stratagèmes 1, 2, et 23). Nous pouvons aussi faire
une nouvelle distinction, et ainsi échapper à la
contradiction que l’adversaire croit voir dans notre
propos (stratagème 17).
2) L’ironie
On se déclare incompétent, ignorant. Et on
dévalorise implicitement le propos de
l’adversaire. (stratagème 31).
5) Retorsio argumenti
Retourner l’argument de l’adversaire contre lui-
même (stratagème 26). On reprend l’argument
de l’adversaire, mais on le met au service de sa
propre thèse.
3) L’attaque personnelle
(argumentatum ad
personam)
Problème : si on répond à une attaque
personnelle par une autre attaque
personnelle, la controverse risque de
dégénérer.
On peut aussi répondre, en gardant
son sang-froid , pour revenir à l’objet
du débat (stratagème 38).
Plusieurs stratégies sont possibles :
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Bibliographie (pour aller plus loin)
• Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux,
2005.
• Sophie Mazet, Manuel d’autodéfense intellectuelle, Robert Laffont,
2015.
• Clément Viktorovitch, Le pouvoir rhétorique, Seuil, 2021.
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