Le terme « d’économie du savoir », est devenu largement banalisé et de surcroit, protéiforme et polysémique. Cela s’explique largement par la prolifération de déclarations, de discours, de publications académiques en référence à l’émergence d’un nouveau cycle « postindustriel », qui se déploie progressivement depuis la décennie des années 1970. Cette dernière période se caractérisant notamment par une amplification de la marchandisation des connaissances, une croissance significative des activités de service, dans le cadre d’une financiarisation marquée de l’économie.
Pour autant, comme cela reste singulièrement sous-estimé, l’économie du savoir, précisément en tant que processus de création, de diffusion, d’usage, voire de commercialisation du savoir, s’inscrit en réalité dans le cadre d’une perspective historique longue qui s'étend sur plusieurs millénaires. De sorte que l’on peut considérer que sa terminologie contemporaine n’en constitue en réalité qu'une phase – certes conséquente – de cette longue période.
Aussi dans le cadre de cette contribution, notre propos consistera, en s’appuyant principalement sur nos travaux (Bouchez, 2012, 2014, 2015), à présenter de manière introductive, une ouverture, qui soulignera précisément cette inscription de l’économie du savoir dans une échelle de temps de longue durée. La description de l’économie contemporaine du savoir, cœur de cette contribution, comportera deux parties combinées qui apporteront un éclairage permettant d’une part de saisir les éléments constitutifs de cette notion, puis de mettre en exergue leurs différentes interactions dynamiques.
Nous conclurons cette synthèse en soulignant les risques liés à la privatisation et à la marchandisation du savoir.
BourbaKeM 11 - L’économie du savoir. Une perspective fondée sur la dynamique interactive de ses éléments constitutifs.
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Projet BourbaKeM
Elément n° 11:
L’économie du savoir :
Une perspective fondée sur la dynamique interactive de
ses éléments constitutifs.
Jean-Pierre BOUCHEZ
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La dynamique interactive de création, de diffusion et
d’usage du savoir et ses différentes composantes
Ses différentes composantes interactives quasi permanentes depuis l’origine sont les
suivantes :
Les TECHNOLOGIES DE L’INTELLECT (TDI) et ses supports associés.
Elles renvoient à tous les outils, prothèses et dispositifs dont nous faisons usage pour
accroitre, amplifier, accélérer et déployer les capacités cognitives des acteurs et des
collectifs.
Les LIEUX et les espaces.
Ils ont pour fonction de rassembler, préserver, capitaliser, utiliser, échanger et créer
du savoir :
Institutions : Les monastères, les Académies royales, les bibliothèques
prestigieuses (telle celle d’Alexandrie)….
Organisations : Les universités, les laboratoires de recherche (privés et
publiques)…
Communautés et groupements professionnels : Les corporations, les
communautés professionnelles diverses….
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La dynamique interactive de création, de diffusion
et d’usage du savoir et ses différentes composantes
Les ACTEURS.
En référence aux personnes et aux collectifs regroupés manière formelle ou
informelle, qui interagissent entre eux, le plus souvent à travers et dans le cadre de
ces différents espaces et lieux, de manière à produire, échanger, valider ou
transmettre des fragments de savoir de nature tacite ou explicite, ou des thématiques
diverses pouvant d’ailleurs déboucher sur de nouvelles idées ou des innovations.
Le CONTEXTE et « L’ATMOSPHERE ».
Il constitue le socle commun de ces trois composantes (TDI, lieux et acteurs), et
s’illustre notamment à travers les agglomérations géographiques (d’Alexandrie à la
Silicon Valley…), concentrant plus particulièrement dans la période récente, des
acteurs qualifiés et des organisations intensives en connaissance.
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La dynamique interactive de création, de diffusion
et d’usage du savoir et ses composantes
TDI
(Technologies de l’Intellect
et supports associés)
ACTEURS
(Créateurs, contributeurs
diffuseurs….)
LIEUX
(Institutions,
Organisations,
Communautés… )
Espace contexte et
« atmosphère »
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L’ENCHAINEMENT ET L'ARTICULATION DES DEUX DYNAMIQUES LONGITUDINALES ET TRANSVERSALES DE CRÉATION ET
DE DIFFUSION DU SAVOIR
PÉRIODES « TECHNOLOGIES DE
L’INTELLECT »
Supports
associés
ESPACES/
LIEUX
FAMILLE
D’ACTEURS
IVe millénaire avant J.-C. Ecriture
manuscrite
Tablette
IIIe millénaire avant J.-C. Volumen
IVe siècle avant J.-C. Ecriture
Alphabétique
(grecque puis latine)
Bibliothèques Bibliothécaires
IIIe siècle avant J.-C. Savants et
lettrés
Ier siècle après J.-C. Codex
À partir du XIIIe siècle
Monastères
Universités
Professeurs
Traducteurs
Clercs
Copistes
À partir du XVe siècle Ecriture
mécanique
Formalisation
des savoirs
artisanaux tacites
À partir du XVIIe siècle
Dictionnaires
et traités
Académies Artisans
(savoirs tacites)
Experts
Ingénieurs
À partir du XIXe siècle Technologies liées au traitement
de l’information.
Machines
(à écrire, à compter)
Laboratoires de
recherche
Chercheurs
Deuxième partie du
XXe siècle, jusqu’à nos
jours
Internet
Web 1.0
Web 2.0
…
Ensemble d’outils
technologiques à
caractère numérique
Consultants
“Sachants”
Knowledge managers
Communities managers...
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.
La bibliothèque et le musée d’Alexandrie (III° siècle avant J.-C.) :
lieux de culture et de savoirs total de l’antiquité.
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La bibliothèque universelle d’Alexandrie et son dispositif de gestion et de
capitalisation du savoir total.
•
1. Temps de la SAISIE
et de la CODIFICATION
de la mémoire
universelle totale
- Collation de tous les ouvrages de la Terre.
- Codification, par identification des textes par une étiquette
portant le nom de l’ancien propriétaire, (ou du scribe) , puis
placement sur des rayonnages.
- Classement sur la base de subdivisions génériques rigoureuses.
2. Temps de la
NAVIGATION, et de la
CREATION du savoir
- Associé au travail de lecture des professionnels du savoir admis.
- Volumen sans pagination, sollicitant fortement la mémoire du
lecteur et favorisant des pratiques intellectuelles dans laquelle la
lecture est indissociable de l’écriture et de la création de savoir.
3. Temps de la
TRANSMISSION et de
la DIFFUSION
- La transmission de la dynastie, des bibliothécaires, des
intellectuels et des savants
- Accumulation qui va induire des effets intellectuels particuliers,
fonder des pratiques érudites de lecture et d’écriture, etc.
La bibliothèque d’Alexandrie :
Saisie et codification, navigation, transmission et diffusion.
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L’économie contemporaine fondée sur le savoir
et ses différentes composantes
Ses différentes composantes interactives contemporaines sont les suivantes :
Le SAVOIR proprement dit.
Son importance s’observe notamment à travers son incorporation croissante dans les produits, les process,
ou les services, qu’ils soient ordinaires ou complexes, dans le cadre d’une concurrence exacerbée et
mondialisée.
Les TECHNOLOGIES NUMERIQUES DE L’INTELLECT (TNDI) et leurs supports associés.
Elles se réfèrent au prolongement numérique récent des Technologies de l’Intellect (TDI). Ses supports
associés sont constitués par l’ensemble des outils et dispositifs technologiques digitaux et collaboratifs.
Les FINANCES.
Cette composante renvoie à la « grande transformation » contemporaine générant la prédominance d’une
financiarisation très poussée du capitalisme et de l’économie.
Les ECONOMIES D’AGGLOMERATIONS.
Elles constituent la forme contemporaine du contexte et de « l’atmosphère industrielle ». Ces
« économies » attirent et concentrent, le plus souvent au sein au sein d’espaces urbains ou régional déjà
réputés, des professionnels et des organisations du savoir leur permettant de bénéficier de retombées d’un
environnement favorable et propice aux échanges professionnels informels ou formels.
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Savoirs
« Cerveaux »
Finances
« Marchés »
« Technologies
Numériques de l’Intellect »
Economies
d’agglomération
Bouchez J.-P., (2014), « Les dynamiques interactives er risquées de l’économie du savoir », Revue Savoirs, n° 34.
L’économie contemporaine fondée sur le savoir
et ses différentes composantes
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L’interaction dynamique
entre les différentes composantes.
Les trois premiers éléments (savoir, TNDI et finances), constituent un système et
se nourrissent mutuellement.
La quatrième composante pour mémoire, (les économies d’agglomération),
constituant le socle et l’espace d’attraction et de mobilisation de professionnels
et d’organisations fondées sur le savoir.
Les interactions entre SAVOIR et TNDI (Technologies Numériques de
l’Intellect).
Elles se sont largement amplifiées avec les pratiques collaboratives articulées
autour du Web 2.0 :
L’abolition des distances et des couts ;
La constitution d’entrepôts et de base de savoirs codifiés ;
Le partage interactif de savoirs et de pratiques ;
L’accès potentiel généralisé à une multitude de formes de savoir.
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Les interactions entre SAVOIR et FINANCES : Autoalimentassions entre ces
deux formes d’actifs :
Les « finances », comme levier susceptible de fournir des capitaux
nécessaire susceptible de valoriser la composante « savoir » ;
Cette composante « savoir » bénéficiant potentiellement des retombées
commerciales associée à cette valorisation.
Les interactions entre TNDI (Technologies Numériques de l’Intellect) et FINANCES.
Les TNDI ouvrant la possibilité à travers leurs multiples dispositifs et supports
combinés avec leur puissance de calcul, de transmettre en temps réel aux
différents acteurs financiers un nombre quasi infini de données et d’informations
financières…
… et bénéficiant en retour des traitements associés à la finance de marché,
contribuant ainsi à leur développement.
L’interaction dynamique
entre les différentes composantes.
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Projet BourbaKeM
Elément n° 11 :
L’économie du savoir :
Une perspective fondée sur la dynamique interactive de
ses éléments constitutifs
Merci pour votre attention