Chapitre III -NOTION DE TRAVAIL,
TRANSFORMATION QUASISTATIQUE ,
TRANSFORMATION REVERSIBLE
I) TRAVAIL ECHANGE ENTRE LE SYSTEME ET L’EXTERIEUR
Au chapitre I les notions de parois diatherme et adiabatique ont été introduites (diatherme
= permet les échanges thermiques ; adiabatique = interdit les échanges thermiques). Ces
échanges peuvent exister s’il y a un déséquilibre de température. De même une cloison
mobile sans frottements permet les échanges de travail mécanique, une cloison fixe les
interdit. Ces échanges peuvent exister s’il y a un déséquilibre de pression. On pourra
aussi envisager des échanges de travail électrique (déséquilibre de potentiel électrique
et passage d’un courant électrique).
On ne s’intéressera dans ce chapitre qu’aux échanges de travail entre le système et le
milieu extérieur, ou, dans le cas d’un système complexe, entre deux sous-systèmes c’est à
dire deux parties de ce système (cf. exemple ci-dessous) :
Piston adiabatique mobile
sans frottements
P1 Paroi adiabatique
P2
Le déplacement du piston entraîne un échange de
travail mécanique entre les sous-systèmes 1 et 2
Par contre on ne s’intéressera pas aux travaux des forces internes au système (ou internes
aux sous-systèmes) que sont par exemple les forces d’interaction entre molécules d’un
gaz ou d’un liquide.
On ne se limitera pas aux forces mécaniques, on s’intéressera aussi aux forces électriques.
Par convention on fixera la valeur algébrique du travail échangé comme suit :
W > 0 pour un travail reçu par le système ; W < 0 pour un travail fourni par le système.
II) TRANSFORMATIONS QUASISTATIQUES
Lorsqu’il échange du travail, le système évolue. Si nous voulons pouvoir décrire cette
évolution par des variables thermodynamiques qui ne sont définies qu’à l’équilibre
thermodynamique il faut qu’à chaque instant durant cette transformation le système soit
dans un état infiniment voisin d’un état d’équilibre thermodynamique. Une telle
transformation sera dite transformation quasistatique.
Exemple 1 : le piston
M
M dM Equilibre 1 :
pS = Mg
S dz
S Equilibre 2 :
p p+dp (p+dp)S = (M+dM)g
z
1 2
1
Le travail reçu par le gaz lors du passage de l’état d’équilibre 1 à l’état d’équilibre
infiniment voisin 2 s’écrit :
δW = (M+dM).g.dz ≅ M.g.dz = p.S.dz = -p.dv En effet si dz est positif dv est négatif
donc dv = -S.dz
On continue l’expérience en sommant les travaux infinitésimaux le long de la
transformation. Pour une transformation finie on aura : W = − ∫ pdv (1)
le long de la
transformation
Exemple 2 : la pile réversible
+ -
V
E : f.e.m. de la pile
+ -
A B q : charge de la pile
V : tension réglable du générateur
extérieur
E,q
La transformation est quasistatique : V ≅ E
Le travail infinitésimal reçu par le système s’écrit alors : δW = Vdq ≅ Edq
Pour une transformation finie on aura : W = ∫ Edq (2)
le long de la
transformation
Exemple 3 : le chauffage par effet Joule
Le système S est un fluide homogène contenu dans un récipient. Il peut être chauffé par
une résistance chauffante R (chauffage par effet Joule).
i grand : la température T du
système S ne reste pas uniforme.
T S La transformation n’est pas
quasistatique.
R i petit : la température T du
système reste bien uniforme. La
transformation est quasistatique.
i
E
III) TRANSFORMATIONS REVERSIBLES
Une transformation réversible est une transformation quasistatique qui s’inverse
exactement lorsque l’on modifie en plus ou en moins de façon infinitésimale autour de sa
position d’équilibre le paramètre extérieur de commande (pression extérieure, tension du
2
générateur extérieur). De ce fait le retour à sa valeur initiale du paramètre de commande
doit ramener le système dans son état initial. Sur les trois exemples précédents les
transformations 1 et 2 sont réversibles, la troisième transformation ne l’est pas. En effet,
dans le cas de la transformation 3 elle est quasistatique pour i ≅ 0 mais elle conduit
toujours à un échauffement dT > 0 quel que soit le sens de i. Elle n’est donc pas
réversible. La cause de l’irréversibilité se situe au niveau du chauffage par effet Joule qui
est un phénomène dissipatif.
Une transformation réversible est nécessairement quasistatique, par contre une
transformation quasistatique n’est pas automatiquement réversible ; il existe des
transformations quasistatiques qui sont irréversibles.
Quelles sont les situations donnant lieu à des transformations quasistatiques qui ne
sont pas réversibles ? La réponse à cette question dépend de la définition que l’on
adopte pour une transformation quasistatique, or cette définition n’est pas exempte
d’ambigüités et peut varier d’un ouvrage à l’autre. Certains adoptent une définition large,
d’autres sont beaucoup plus restrictifs. Les différences tiennent à la définition d’une suite
« continue » d’états d’équilibre.
Si l’on adopte une définition large pour ce qu’est une transformation quasistatique on
aura irréversibilité bien que quasistatique dans les situations suivantes :
a) L’origine de l’irréversibilité est due au système lui même.
Cette situation se rencontre dans les systèmes présentant de l’hystérésis comme par
exemple les systèmes où interviennent des frottements solides, les systèmes
ferromagnétiques aimantés dans un champ magnétique externe ou les systèmes
ferroélectriques polarisés dans un champ électrique externe. Dans tous ces cas l’évolution
du système qui peut apparaître continue à l’échelle macroscopique est en fait
discontinue ; elle se fait par « sauts » brusques à une échelle intermédiaire entre l’échelle
macroscopique et l’échelle microscopique atomique que l’on appelle souvent échelle
mésoscopique. Par exemple un matériau ferromagnétique est composé de petits domaines
magnétiques dont l’aimantation peut basculer brusquement sous l’effet du champ
magnétique extérieur appliqué. On n’a donc pas une évolution continue de l’état du
système mais une évolution par sauts. Au sens strict ce type de transformation n’est donc
pas quasistatique.
b) L’origine de l’irréversibilité se situe au niveau de l’interface entre le système et
l’extérieur.
Pour qu’une transformation soit quasistatique il faut que les échanges entre le système et
l’extérieur (échanges d’énergie, de volume, de quantité de matière ou d’entropie) soient
lents par rapport au temps caractéristique de retour à l’équilibre du système. En d’autres
termes il faut que, si l’on regarde les quantités échangées entre le système et l’extérieur
sur un intervalle de temps de l’ordre du temps caractéristique de retour à l’équilibre du
système, ces quantités soient négligeables. Sous cette condition l’évolution du système
sera quasistatique. Cette condition peut être remplie de plusieurs façons :
i) le système est en quasi équilibre avec l’extérieur, par exemple on a quasi égalité des
pressions entre p0 (extérieur) et p (système). Dans cette situation l’échange d’énergie
(travail des forces de pression) et de volume pourra être rendu aussi lent qu’on le veut. La
transformation sera quasistatique et réversible.
ii) le système est en déséquilibre avec l’extérieur mais c’est l’interface (la paroi de
séparation) qui impose que les échanges soient très lents. Par exemple une paroi quasi
adiabatique pour les échanges thermiques, une paroi très massive pour les échanges de
volume, ou un tube capillaire très fin qui relie deux enceintes A et B remplies du même
gaz à des pressions pA et pB différentes. Sur ce dernier exemple on comprend facilement
3
qu’une transformation de ce type est quasistatique pour presque tout le système : pour le
gaz dans A, pour le gaz dans B mais pas pour le gaz dans le capillaire. N’étant pas
quasistatique partout elle n’est donc à fortiori pas réversible et c’est dans le capillaire que
l’irréversibilité trouve son origine.
iii) Le système est en déséquilibre avec l’extérieur mais les échanges se font par
intermittence : échange pendant un temps très court de façon que les quantités échangées
soient très petites puis blocage des échanges pendant un temps long devant le temps de
relaxation de façon que le système revienne bien à l’équilibre. On peut ainsi rendre la
détente de Joule Gay-Lussac (détente d’un gaz dans le vide) quasistatique en procédant à
des augmentations de volume dV infinitésimales séparées par des temps morts de retour à
l’équilibre pendant lesquels le volume occupé par le gaz est imposé fixe. Certains auteurs
considèrent ces transformations comme non quasistatiques car non « continues » mais on
peut très bien envisager, du moins par la pensée, des sauts de volume dV aussi petits que
l’on veut jusqu’à l’échelle atomique (dV = V/N volume moyen occupé par un atome du
gaz). Quasistatique ou non ? la question reste ouverte, mais ce n’est qu’une question de
définition. Par contre aussi lente soit elle cette transformation reste irréversible.
Autre exemple de transformation de même nature : le mélange de deux liquides (de l’eau
et de l’encre) par un processus de goutte à goutte.
Pourquoi la détente de Joule Gay-Lussac, même à vitesse très lente, reste irréversible ?
Appelons M la masse de la paroi mobile par intermittence qui permet la détente du gaz.
Dans la détente dV le gaz fournit de l’énergie à l’extérieur (à la paroi) et se refroidit. La
paroi gagne donc une énergie cinétique d(1/2Mv2) = +pdV. Dans l’étape suivante, lorsque
le volume a augmenté de dV la paroi est stoppée et son énergie cinétique (ordonnée) est
convertie en énergie thermique (désordonnée) qui se redistribue entre le gaz et la paroi
(thermalisation). La détente se passant dans le vide, le système total (gaz + paroi) reste à
énergie interne constante. Que le processus se passe brusquement en une seule étape ou
lentement avec une succession d’étapes infinitésimales séparées par des temps morts
intermédiaires, il reste fondamentalement irréversible (conversion sur l’ensemble du
processus d’une quantité finie d’énergie ordonnée en énergie désordonnée).
c) L’origine de l’irréversibilité se situe à l’extérieur du système.
La notion de réversible ou irréversible s’applique clairement à une transformation dans sa
globalité. La notion de quasistatique est plutôt une propriété du système qui subit la
transformation sans référence à ce qui se passe à l’extérieur : « Au cours de la
transformation T le système évolue de façon quasistatique ». Il peut donc y avoir toutes
les causes d’irréversibilité que l’on veut à l’extérieur du système. Prenons le cas de
l’exemple 3 (chauffage par effet Joule) du paragraphe II. Le système (le fluide
homogène) évolue de façon quasistatique pour i petit. L’irréversibilité de la
transformation se situe à l’extérieur de S, au niveau de la dissipation de l’énergie
électrique en énergie thermique par effet Joule dans la résistance R. Si l’on chauffe le
système S en le mettant en contact successivement avec une série de thermostats de
températures T, T + dT, T + 2dT, etc…à la place du chauffage par effet Joule la
transformation quasistatique de départ deviendra réversible.
En conclusion, pour qu’une transformation soit réversible il faut que l’évolution du
système soit quasistatique « vraie », c’est à dire sans hystérésis. Il faut aussi que le
système soit en quasi équilibre avec l’extérieur, c’est à dire par exemple p ≅ p0 s’il y a
échange de travail mécanique donc de volume, T ≅ T0 s’il y a échange thermique donc
(on verra plus tard) d’entropie, etc….Il faut enfin qu’il n’y ait pas une autre cause
d’irréversibilité à l’extérieur, indépendamment du système proprement dit.
Si on exclut des transformations quasistatiques les situations de type a (hystérésis) et les
4
situations de type b-ii et b-iii (deséquilibre entre système et extérieur) et si on ne
s’intéresse qu’au système on peut ne pas faire de différence entre transformation
quasistatique et transformation réversible. Si au contraire on considère des bilans globaux
incluant ce qui se passe dans le système et à l’extérieur il ne faut pas confondre
transformation réversible et transformation quasistatique.
Exemples de transformations élémentaires réversibles :
–Fluide (travail mécanique) : δWrev = -pdv
–Pile électrique (travail électrique) : δWrev = Edq
–Fil élastique tendu : δWrev = Fdl
–Interface ou surface de lame mince : δWrev = AdΣ
IV) VARIABLES INTENSIVES – VARIABLES EXTENSIVES
Soit un système S en équilibre thermodynamique. On le sépare, par la pensée, en deux
sous systèmes A et B.
Définitions : Une variable d’état qui prend les mêmes valeurs pour A et pour B que pour
S sera une variable intensive. Elle est indépendante de la « taille » du système, c’est à
dire de la quantité de matière qui le constitue.
Une variable d’état dont la valeur pour S est la somme des valeurs pour A et pour B sera
une variable extensive. Elle varie linéairement avec la taille du système.
Exemples : Variables intensives : p, T, E, F, A
Variables extensives : v, q, l, Σ
D’une façon générale le travail élémentaire δWrev se mettra toujours sous la forme :
δWrev = Xdx + Ydy + Zdz (3)
avec X, Y, Z variables intensives et dx, dy, dz éléments différentiels des variables
extensives associées (ou conjuguées).
Remarque : Il n’y a pas, pour le moment, de variable extensive associée à la variable
intensive température T. On verra plus tard que ce sera la variable entropie S qui tiendra
cette place.
V) TRAVAIL RECU DANS UNE TRANSFORMATION FINIE REVERSIBLE
Exemple d’un gaz soumis à des forces de pression : W = − ∫ pdv (1)
le long de la
transformation
La sommation porte sur une succession d’états quasistatiques. Il faut donc connaître tous
les états intermédiaires p = f(v), c’est à dire connaître la pression et donc la température
du gaz pour tous les états intermédiaires de la transformation. Le résultat dépend du
chemin suivi.
Le travail échangé entre le système S et l’extérieur dépend de l’état initial, de l’état
final et de tous les états intermédiaires. W n’est pas une fonction d’état, c’est pourquoi
on a noté δW et non pas dW le travail élémentaire.
VI) REPRESENTATION GRAPHIQUE DU TRAVAIL
Cas du travail des forces de pression. p
On utilise un diagramme de Clapeyron
en coordonnées p, v. pf f
W=− ∫ pdv = – Surface hachurée
le long de la
C
transformation
pi i
Ici W est négatif
vi vf v
5
Cas particulier d’une transformation cyclique. Dans un cycle le système revient à son
état initial. L’état final et l’état initial du système sont confondus. Le travail échangé sur
un tour de cycle est égal à la surface hachurée changée de signe (voir figures ci dessous)
p p
i,f i,f
C C
v v
Surface hachurée positive Surface hachurée négative
donc W < 0 donc W > 0
Cas général (travail autre que des forces de pression)
Le travail infinitésimal δW s’écrit toujours sous la forme δW = Xdx avec X quantité
intensive et dx élément infinitésimal de la variable extensive x conjuguée de X. C’est
exactement la même chose (au signe près).
VII) APPLICATION : TRANSFORMATION ISOTHERME REVERSIBLE D’UN
GAZ PARFAIT
δWrev = -pdv avec pv = nRT et T = constante (isotherme)
nRT dv
Le travail infinitésimal s’écrit donc δWrev = − dv = −nRT ⋅ (4)
v v
Et pour la transformation finie on aura en intégrant (4):
f f dv v
Wif isotherme = ∫ δW = − nRT ∫ = −nRT ⋅ ln f
v
i isotherme i v
i
D’où le résultat, que l’on réutilisera par la suite, pour une transformation isotherme
réversible d’un gaz parfait :
v p
Wif isotherme = nRT ⋅ ln i
v = nRT ⋅ ln f
p
(5)
f i
6