1. Conférences
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PY GUEUGNIAUD
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L’arrêt cardiaque (AC) inopiné ou mort subite de l’adulte est un problème majeur de santé publique concer-
nant en France environ 50 000 personnes par an.
«L’International Liaison Committee On Resuscitation» (ILCOR) qui regroupe la majorité des sociétés scientifiques trai-
tant de l’AC à travers le monde, a publié en décembre 2005 une mise à jour du consensus scientifique international1.
Sur la base de ce consensus, des recommandations de pratiques cliniques tenant compte de certaines spécificités
continentales ont été publiées par «l’American Heart Association» pour les Etats-Unis et par «l’European Resuscita-
tion Council» pour l’Europe2. Les experts français ont élaboré en 2007 des recommandations formalisées plus spéci-
fiquement adaptées à la France3 dont nous proposons les aspects essentiels des différentes étapes.
RÉANIMATION CARDIO-PULMONAIRE (RCP) DE BASE
La RCP de base se doit d’être débutée le plus précocement possible et poursuivie avec le minimum d’inter-
ruption. Pour améliorer sa réalisation et en faciliter l’enseignement, les recommandations actuelles vont dans le sens
de la simplification.
Alerte
La reconnaissance d’un AC par le public doit être réalisée devant la seule présence d’une perte de conscien-
ce avec absence de réactivité associée à un arrêt respiratoire ou une respiration agonique de type «gasps» : cette
constatation correspond à la nouvelle définition de «l’absence de signes de vie». Ces seuls signes justifient l’alerte
qui est devenue la priorité avant de débuter les manœuvres de RCP de base. La prise de pouls n’est donc plus systé-
matiquement recommandée car elle peut s’avérer aléatoire pour les non professionnels et représente une perte de
temps dans la mise en place de la RCP.
Réanimation respiratoire
La ventilation par bouche-à-bouche associée au massage cardiaque externe (MCE) reste la méthode de réfé-
rence pour les premiers secours. Chaque insufflation ne doit pas dépasser 1 seconde environ (au lieu des 2 secondes
préalablement préconisées) avec un volume courant limité à environ 500 mL. Néanmoins, dans les minutes suivant
immédiatement l’AC, la ventilation n’est pas nécessaire, car les besoins en oxygène sont alors limités et toute ventila-
tion interrompt le MCE. Ainsi, lorsqu’un AC d’origine cardiaque se produit devant témoin, il est licite pour le premier
témoin de débuter la réanimation par le seul MCE dont l’efficacité paraît suffisante sans suppléance ventilatoire
pendant 3 à 4 minutes, comme le confirme une étude prospective japonaise4.
Réanimation circulatoire
Le MCE est donc prioritaire. Pour réaliser le MCE, la description de la position des mains sur le sternum a été
simplifiée : la paume de la main est positionnée au milieu du thorax, entre les deux mamelons. La RCP de l’adulte
commence par 30 compressions thoraciques avant toute réanimation respiratoire2. Le rythme du MCE est de 100/
min chez l’adulte avec une dépression thoracique de 4 à 5 cm et des temps de compression – relaxation du thorax
égaux. Le temps réservé au MCE au cours des cycles de RCP a été augmenté et ses interruptions limitées au maxi-
mum. Ainsi, les périodes de compressions thoraciques au cours d’une RCP ont été allongées et une séquence MCE /
ventilation de 30 / 2 est préconisée, privilégiant ainsi le débit cardiaque au détriment d’une suroxygénation proba-
blement superflue1.
DÉFIBRILLATION
La fibrillation ventriculaire (FV) représente le mode électrique initial d’AC d’origine non traumatique le plus
fréquent. Or la survie dépend directement de la précocité de la défibrillation. C’est la raison pour laquelle se sont
généralisés au cours de ces dernières années les défibrillateurs automatisés externes (DAE). Les recommandations
françaises pour l’organisation de la prise en charge des urgences vitales intra-hospitalières rendent dorénavant in-
dispensables la diffusion de ces appareils dans nos établissements de soins5. Par ailleurs, un récent décret autorise
la diffusion et l’utilisation en France par le grand public de défibrillateurs entièrement automatiques.6
2. Conférences
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L’utilisation des défibrillateurs à ondes biphasiques est recommandée. L’efficacité des ondes biphasiques tronquées
paraît meilleure tout en entraînant moins de complications. Le niveau d’énergie optimal ne peut être précisé actuel-
lement car si une énergie fixe (entre 150 et 200 joules)2,3 a pu être préconisée, l’intérêt d’une énergie plus élevée
croissante vient d’être suggérée7. Quoi qu’il en soit, il est recommandé de réaliser un choc électrique externe uni-
que, suivi immédiatement de 2 minutes de RCP, la présence d’un pouls n’étant vérifiée qu’après ces 2 minutes de
RCP.
Enfin, si la défibrillation immédiate est souhaitable devant une FV débutante, en cas de FV prolongée sans RCP pen-
dant plus de 4 minutes, il paraît alors préférable de réaliser 2 minutes de RCP avant le 1er choc électrique.
REANIMATION CARDIO-PULMONAIRE SPECIALISÉE
Réanimation respiratoire
L’intubation oro-trachéale est la technique de référence pour la ventilation d’un AC en France, du fait de la
présence d’équipes médicales pré-hospitalières. Une fois vérifiée la bonne position de la sonde d’intubation, la ven-
tilation mécanique est réalisée de préférence par un respirateur en mode contrôlé avec un volume courant de 6 à 7
mL.kg-1, une fréquence respiratoire de 10 c.min-1 et une FiO2 = 1. L’insufflation continue d’oxygène au travers d’une
sonde d’intubation spécifique (Boussignac) est une alternative à la ventilation mais non recommandée à ce jour car
elle ne modifie le pronostic8. Pour les personnels ne maîtrisant pas les techniques d’intubation, la ventilation au
masque et au ballon est le moyen le plus fiable d’obtenir une ventilation efficace, le masque laryngé et le Fastrach®
n’étant que des alternatives.
Réanimation circulatoire
Pour améliorer l’efficacité du MCE classique, la compression – décompression active (ACD) réalisée par une cardio-
pompe peut être utilisée si le personnel est formé en conséquence. L’association de l’ACD avec une valve d’impédan-
ce inspiratoire majorant la négativité des pressions thoraciques améliorerait les performances hémodynamiques.
Les dispositifs de massage cardiaque automatisé présentent un intérêt probable pour les MCE prolongés : c’est le
cas de l’Auto-Pulse®, dispositif de massage continu par une bande constrictive et du système Lucas®, permettant de
réaliser une compression / décompression active mécanique qui amélioreraient l’état hémodynamique des patients.
Ils pourraient être utiles en pré-hospitalier pour le transport d’AC vers l’hôpital, en particulier en cas d’indication de
prélèvement d’organe à cœur arrêté.
Pharmacologie de la RCP
Vasopresseurs
Malgré l’absence d’études contrôlées chez l’homme, l’adrénaline reste le vasopresseur préconisé dans le
traitement de l’AC quelle que soit l’étiologie : les doses recommandées sont de 1 mg tous les deux cycles de RCP,
soit toutes les 4 minutes environ. Une dose plus importante peut être proposée en cas d’asystole réfractaire (5 mg),
mais les fortes doses n’ont pas montré de supériorité sur la survie. L’arginine-vasopressine est un vasopresseur non
catécholaminergique qui avait montré une certaine efficacité initialement sur les FV, puis sur les asystoles9. Depuis,
une étude américaine randomisée n’a pas montré de différence10. Enfin, l’étude française multicentrique prospec-
tive qui compare l’adrénaline seule à l’association adrénaline-vasopressine conclut indiscutablement que cette as-
sociation n’améliore en aucun cas le pronostic11. Seule une étude intra-hospitalière sur un petit collectif de 100 AC
trouve une efficacité à une triple association : adrénaline + vasopressine + methylprednisolone. La poursuite des
corticoïdes en post-RCP chez patient en état de choc serait également performante12. Ces derniers résultats restent
à être confirmés.
Anti-arythmiques
L’amiodarone est devenue l’anti-arythmique indiqué pour les FV résistantes à la défibrillation et à l’adréna-
line (à la dose initiale de 300 mg IV diluée dans un volume de 20 mL de sérum glucosé, puis une éventuelle 2e dose
de 150 mg et/ou une perfusion continue de 900 mL/24 heures). Le sulfate de magnésium (2 g IVD) est réservé aux
FV résistantes aux chocs dans un contexte d’hypomagnésémie suspectée ou en cas de torsades de pointe.
3. Conférences
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Autres thérapeutiques
Aucun autre agent thérapeutique n’est indiqué dans le traitement de l’AC. La thrombolyse n’est proposé
qu’en cas d’AC par embolie pulmonaire cruorique, ou au cas par cas lorsque la RCP spécialisée initiale est infructueu-
se devant une forte suspicion de thrombose coronarienne. L’étude européenne « Troïca » n’a en effet pas démontré
d’intérêt à la thrombolyse pré-hospitalière dans le cas d’AC de cause cardiaque suspectée13.
Le soluté salé est le soluté de perfusion utilisé comme vecteur des médicaments intraveineux au cours de la RCP, à
utiliser en volume limité en dehors d’un AC d’origine hypovolémique.
La voie veineuse périphérique est la voie d’abord vasculaire de 1ère intention. Si l’abord vasculaire est retardé ou
ne peut être obtenu, l’abord intra-osseux doit être envisagé chez l’adulte comme chez l’enfant, mais nécessite chez
l’adulte un dispositif approprié.
Et finalement certains auteurs discutent même l’intérêt de toute intervention pharmacologique au cours de la RCP
: une équipe norvégienne a démontré en effet dans une étude récente assez discutable l’absence d’efficacité sur le
pronostic à long terme des traitements intra-veineux14.
SUITES DE LA RCP
Aucun traitement médicamenteux spécifique n’a montré d’intérêt à titre de protection cérébrale. Par contre,
la réalisation d’une hypothermie modérée (entre 32 et 34° C) précocement après la RCP, et prolongée pendant envi-
ron 24 h, semble améliorer le pronostic neurologique de ces comas post-anoxiques.
En conclusion, l’actualisation des recommandations pour la prise en charge des AC constitue une évolution impor-
tante avant tout basée sur la place devenue prépondérante du MCE et sur la simplification du message pédagogi-
que. Les recommandations formalisées élaborées par les experts de la SFAR et de la SRLF sont disponibles sur leurs
sites.
REFERENCES
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de la SFAR en collaboration avec SAMU de France, la Société Française de Cardiologie, la Société Francophone de
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