4. Chelsea, âgée de 9 ans, est une fillette attachante. Atteinte d’une maladie génétique orpheline, Chelsea est
dépendante à l’oxygène et alimentée par gavage (gastrostomie). Elle se déplace en fauteuil roulant et présente une
déficience intellectuelle de moyenne à sévère.
Rien pendant la grossesse ne laissait présumer tout ce qui allait s’ensuivre. Dans les heures suivant sa naissance, sa
mère exprime aux infirmières des inquiétudes que ces dernières s’empressent de nier. Le bien-fondé de ses craintes
est confirmé lors de la visite postnatale de l’infirmière qui ordonne à la mère de conduire l’enfant à l’urgence de
l’hôpital. À neuf jours, Chelsea est admise à l’unité des soins intensifs d’un hôpital spécialisé où tout est mis en œuvre
pour assurer sa survie et comprendre sa condition. Après quelques semaines d’investigation, les médecins annoncent
aux parents que leur enfant est atteinte d’une maladie génétique liée à une anomalie chromosomique rare pour
laquelle aucune guérison n’est possible. À ce moment, des médecins prédisent un faible potentiel de développement
sur le plan intellectuel.
Le parcours décisionnel des parents est marqué par la multiplicité des moments où les médecins discutent de la
question de l’orientation des soins avec eux. À chaque fois, ceux-ci insistent pour que tout soit mis en œuvre pour
assurer la survie de leur fille. La trajectoire décisionnelle s’amorce avec la gastrostomie à l’âge de 4½ mois. Peu de
temps après le congé de l’hôpital, la mère décide de réintégrer son emploi puis de le quitter définitivement. Les soins
complexes et continus à domicile sont à ce point exigeant que la mère devient vite épuisée. À 3 ans, Chelsea est
admise d’urgence à l’hôpital où ses parents insistent auprès des médecins pour que tout soit mis en œuvre pour
assurer sa survie. Puis, vient le congé auquel la mère s’oppose avec véhémence, revendiquant davantage d’aide à
domicile. Après une hospitalisation de près de 3 ans, Chelsea – âgée de six ans - obtient finalement son congé.
L’insuffisance des ressources d’aide et de soutien à domicile incite les parents à prendre d’autres décisions. À sept
ans, la mère consent - malgré ses craintes et ses angoisses - à ce que sa fille intègre l’école entraînant d’autres
décisions à caractère psychosocial.
5. Jérémy, âgé de 4 ans
La trajectoire décisionnelle débute il y a une quinzaine d’années, alors que le couple caresse le rêve de devenir parents.
L’échec répété des techniques de procréation assistée incite le couple à se tourner vers l’adoption internationale. Sur le
point de partir pour aller chercher l’enfant dans son pays d’origine, madame se présente à l’urgence de l’hôpital de sa
région en raison d’importantes douleurs abdominales. C’est à ce moment que le couple apprend que madame est
enceinte de jumeaux depuis un peu moins de 20 semaines.
Pendant la grossesse, les médecins diagnostiquent un syndrome apparemment sans conséquence sur le développement
des fœtus. À la naissance, Jérémy présente d’importantes difficultés respiratoires qui le maintiennent d’ailleurs en
situation de dépendance au respirateur. Devant l’état de grande vulnérabilité de son fils, le père consent à son transfert
vers un centre hospitalier dédié aux enfants. Dès son arrivée, les médecins entreprennent une série d’examens révélant
que Jérémy est atteint de paralysie cérébrale, que les parents associent aux conséquences de l’accouchement difficile.
L’échec répété des quelques tentatives d’extubation visant à le sevrer du respirateur incite les médecins à discuter de la
question de l’arrêt des soins avec les parents. Au terme de leur réflexion, ils consentent à l’arrêt des traitements,
autorisant les médecins à le débrancher définitivement du respirateur. Contre toute attente, Jérémy s’est mis à respirer
de lui-même. S’ensuivent des discussions visant à déterminer l’orientation des soins advenant la détérioration de sa
condition médicale. Rapidement, Jérémy intègre son domicile. avec une pompe à gavage et de l’oxygène.
La trajectoire est jalonnée de moments où les médecins abordent la question de l’orientation des soins avec les parents.
Jérémy est dépendant de ses parents pour toutes les activités quotidiennes en raison de ses incapacités physiques et
intellectuelles sévères et apparemment irréversibles. Il est alimenté par gavage et est dépendant de l’oxygène. Comme
le donne à voir le schéma présenté à la page suivante, des décisions d’autres natures parsèment la trajectoire
décisionnelle de ce couple.
8. La petite histoire des ateliers
Recherche menée sur les trajectoires
décisionnelles (2010)
– documenter la façon dont les parents prennent la
décision d’avoir un enfant en situant cette décision
initiale dans une trajectoire décisionnelle;
– proposer quelques repères et le cas échéant, un cadre
pour soutenir les professionnels de la santé
particulièrement les travailleurs sociaux qui
interviennent auprès des parents en les aidant à
prendre la meilleure décision ou la moins mauvaise.
10. Des ateliers parce que des facteurs limitent
parfois la possibilité pour les parents de
prendre une décision libre et éclairée
– La tempête émotive au moment de prendre la décision qui
peut gêner la réception et la compréhension des informations;
– la difficulté de saisir le sens des événements en raison du
contexte d’intervention rapide (urgence);
– le temps, l’expérience;
– faible niveau de littératie en santé;
– le niveau d’incertitude lié au pronostic.
20. Quelques idées narratives!
Concept central - narration (récit)
– fondée sur le choix que les parents font de
retenir, de classer et d’accorder une signification
à certaines décisions et de mettre en évidence
certaines expériences qui leur paraissent plus
significatives.
– teintée par la culture, la communauté, le point de
vue des membres de leur réseau familial et social
d’où le caractère singulier des décisions et des
expériences.
21. Notre rôle
Ce n’est pas de résoudre un problème particulier,
mais de permettre aux parents de raconter les
décisions prises jusqu’ici et de les aider à leur donner
un sens pour ainsi construire de nouvelles histoires
qui créent de nouvelles possibilités.
En somme, nous souhaitons clarifier ou modifier la
compréhension qu’ils ont des décisions prises
antérieurement dans le but de préparer celles
auxquelles ils seront exposés dans un avenir plus ou
moins rapproché et de s’assurer qu’elles
correspondent à leurs valeurs et leurs intentions.
34. Mère: oui oui je peux pas dire que ça été (une discussion avec les MD) négatif.
Intervenante: en quoi ça été positif?
Mère: (…) je pense de nommer nos attentes. On a dit ce qui est arrivé. Lorsque vous (les médecins)
nous lancez des choses pour nous faire réfléchir moi je m'arrête à tous les mots. Les points, les
virgules, pourquoi tu as dis ça là… Mais là finis les détours, dis le moi direct. Il se peut que j'aime pas,
mais dis-le moi de cette façon j’arrêterai de me faire des scénarios.
Intervenante: donc ça été positif dans le sens où tu as été capable de mettre des limites c'est ça que
je comprends (…)
Mère: (…) oui (…)
Intervenante: et ça été positif pour qui?
Mère: plus pour moi je pense....
Intervenante: Je comprends donc que pour qu’une rencontre soit satisfaisante, il faut donner l'heure
juste.
Discussions entre les participants
Intervenante: Quelle compétence ou habiletés as-tu mis de l'avant dans cette situation là?
Discussions entre les participants
Moi: Quel mot pour qualifiez cette deuxième rencontre qui est plus positive que la première?
Mère: je dirais honnêteté, honnêteté.
35. D’autres idées narratives!
Activité brise-glace
Objectif narratif : Permettre aux participants de
commenter une image pour ensuite se l’approprier.
Qu’est-ce qui vous frappe dans cette image?
Qu’est-ce que vous aimez de cette image?
Quel lien faites-vous entre cette image et votre
histoire? Une anecdote?
Qu’est-ce que cette image dit de vous? En quoi
vous représente-t-elle?
36. Trajectoire
– Sélectionner 3 décisions
• Qualificatif pour chacune?
• En quoi ce mot parle un peu de vous?
• Avez-vous un autre exemple de la façon dont
s’incarne ce mot (ou s’est incarné) dans votre
vie?
– Qu’est-ce qui est commun entre toutes ces
décisions?
• similitudes?
• ce qui les distingue?
41. Conversations narratives externalisantes
- Consiste à objectiver le problème en séparant
l’identité de la personne et le problème.
- « Le problème cesse de représenter « la vérité » à
propos de l’identité des gens, et les différentes
façons de résoudre le problème deviennent
soudain visibles et accessibles »
(White; 2009: 19)
43. La culpabilité
Mère: Le Phare (quand l’enfant y est) on essaye de maximiser
le temps avec sa soeur. On s’épuise, on court partout pour
l’amuser, s’occuper d’elle. Du coup on se repose pas du tout et
on a pas de temps de couple.
Intervenante: Et est-ce que votre fille gagnerait à aller passer
du temps chez ses amis, familles, grands parents?
Mère: Oui c'est que ma culpabilité… Ma fille adore aller chez les
gens. Je prends conscience qu'on veut tellement pas qu'elle ait
des conséquences de la maladie de son frère qu'on l'étourdie à
faire plein d'activités.
…
45. L’injustice
Plusieurs participantes ont exprimé le sentiment que leurs
enfants ne sont pas traités comme d’autres enfants
malades. Elles ont l’impression que les enfants handicapés
n’ont pas droit aux mêmes soins que les autres enfants qui
sont « malades » - ceux qui ont des possibilités de guérir
(tests de dépistage comme PHmétrie, ciné de déglutition,
etc.).
46. Quel nom pourriez vous donner à cette impression? Quelle couleur ce sentiment?
Quelle est sa taille? À quoi ressemble-t-il physiquement? Dessinez-le! Est-ce
qu’on peut appeler ça un sentiment d’injustice? Quel autre nom pourriez-vous lui
donner? Quel surnom pourriez-vous lui donner? Quel nom ton conjoint lui
donnerait-il? Qui sont les alliés de l’injustice?
Effets: Quels sont les effets de l’injustice sur vous? Quelle impression l’injustice vous
donne-t-elle de vous? Qu’est-ce que l’injustice a entraîné dans votre vie
(difficultés avec les MD, devoir se battre pour faire respecter les droits de mon
enfant…)? Qu’est-ce que l’injustice vous a enlevé?
Modalités d’action: Qu’est-ce que l’injustice vous propose de faire? Que fait l’injustice
pour vous rendre plus vulnérable? Qu’est-ce que fait l’injustice pour prendre plus
de place dans votre vie? Qu’est-ce qu’elle exige de vous?
L’histoire: Est-ce que l’injustice a toujours été dans votre vie? À quel moment
l’injustice est-elle apparue? Comment elle s’est immiscée dans votre vie?
L’injustice c’est positif ou négatif pour toi? Qu’est-ce qui ne vous convient pas là-
dedans? C’est donc dire que… (trouver le positif). Avez-vous une anecdote qui
témoigne de l’importance de ça dans votre vie?