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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne
77, rue de Villiers 92200 Neuilly tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47 45 66 04 www.celsa.fr
Ecole des mines d’Alès –Site de Nîmes, Parc scientifique Georges Besse – 30035 Nîmes cedex 1
Tél : +33 (0)4 66 38 70 52 – www.mines-ales.fr
Master professionnel
Mention : information et communication
Spécialité : Médias et Communication
Option : Communication et Technologie Numérique
Le transmédia storytelling, un dispositif qui
bouleverse les relations entre les marques et
leur public
Responsable de la mention information et communication
Professeure Karine Berthelot-Guiet
Tuteur universitaire : Pauline Chasserey Peraldi
Nom, prénom : Forestier, Mégane
Promotion : 2015-2016
Soutenu le :
Note du mémoire :
2
Remerciements
Avant de faire découvrir mon texte aux lecteurs, il convient de remercier les personnes qui m’ ont
aidées à mettre en œuvre ces recherches. Tout d’abord, je tiens à remercier mes rapporteurs :
Marion Rollandin, rapporteur universitaire, pour m’avoir toujours poussée à creuser mes analyses et
à prendre du recul, Yannick Vernet pour son point de vue professionnel, ancrant ainsi toujours mieux
ce mémoire dans un terrain réel, sans cesse en mouvement.
Je remercie ces deux personnes d’avoir compris que ce mémoire était bien plus pour moi qu’un
exercice universitaire. En effet, ces recherches m’ont permis de devenir experte en transmédia,
concrétisant ainsi mon projet professionnel et me permettant de gagner des compétences
particulières.
Mais ce mémoire ne saurait exister sans ces personnes qui, chaque jour, se font un devoir d’inventer
de nouveaux dispositifs de communication et de création de contenus. Par-dessus tout, ces
professionnels qui développent chaque jour des univers étendus me fournissent pléthore de
nouvelles idées et de nouvelles analyses.
Enfin, je remercie les fans qui ont accepté de répondre à mes questions. Sans eux, ce mémoire
n’aurait pas pu exister puisqu’un dispositif transmédia s’adresse d’abord à eux. Je les remercie de
leur bonne volonté, leur bonne humeur mais surtout pour m’avoir permis de mieux comprendre ces
communautés et leurs enjeux.
3
Table des matières
Remerciements ..................................................................................................................................2
Introduction.......................................................................................................................................5
I Construire un univers fictionnel étendu et permettre la co-création de contenu pour séduire son
public ...............................................................................................................................................14
1. Immerger son public dans un dispositif éclaté sur plusieurs médias...........................14
1.1 De l’importance des personnages pour capter l’attention du public................................14
1.2 Savoir utiliser les médias adéquat pour construire un univers fictionnel cohérent...........18
2. La co-création de contenu par le jeu : quand les marques ne contrôlent plus leur
public................................................................................................................................22
2.1 Mieux connaître l’univers fictionnel en participant à son prolongement...............................22
2.2 Encourager la participation de son public par des récompenses...........................................25
3. Brouiller les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux immerger son public .28
3.1 ARG et événements dans la réalité au service d’une immersion prolongée...........................29
3.2 Le détournement des codes médiatiques pour mieux brouiller les frontières ........................32
II Des stratégies de communication différentes pour se rapprocher de son public..........................36
1. De l’importance des réseaux sociaux pour construire une communication de
proximité ..........................................................................................................................36
1.1 La mise en scène des personnages au service d’une communication de proximité ..........36
1.2 Entre transparence et communication énigmatique : trouver sa stratégie pour se
rapprocher de son public...........................................................................................................40
2. De la difficulté de mettre en récit sa communication pour attirer son public .............43
2.1 Construire une communication aussi cohérente que l’univers fictionnel..........................43
2.2 Innover tout en restant compréhensible et accessible.....................................................47
3. Entre promotion et immersion dans les codes de l’univers fictionnel.........................51
3.1 Communiquer sur les codes de l’univers fictionnel pour attirer son public.......................51
3.2 Le discours d’accompagnement des dispositifs transmédias pour mieux lier chaque média
55
III La construction de communautés de fans soudés autour des codes de l’univers fictionnel.........59
1. Faire partie d’une communauté de fans : un sentiment individuel poussé par le
collectif.............................................................................................................................59
1.1 Le partage de sa passion au travers des technologies et de son discours ........................59
1.2 Afficher sa passion grâce à la collection de produits dérivés...........................................62
2. L’engagement des fans pour la survie et la pérennisation de l’univers fictionnel .......66
4
2.1 Allez plus loin dans la participation : faire des dons........................................................66
2.2 Partager les codes de l’univers fictionnel : Compotes, HeroCopains et famille Star Wars.69
3. Méta-discours et réappropriation des codes de l’univers fictionnel : co-création de
contenus et éclatement des communautés de fans ..........................................................74
3.1 Les fan-fictions ou la réappropriation de l’univers fictionnel...........................................74
3.2 Les guerres de « chapelle » au sein des communautés de fans .......................................77
Conclusions et recommandations professionnelles .........................................................................81
Bibliographie....................................................................................................................................86
Ouvrages scientifiques ......................................................................................................86
Articles scientifiques .........................................................................................................86
Webographie ...................................................................................................................................87
5
Introduction
Depuis l'avènement du web 2.0, de nouveaux outils de communication ne cessent d'apparaître, les
relations entre les marques et leurs publics évoluent, ces derniers prenant de plus en plus de
pouvoir. A côté de cela, nous vivons dans un monde d'image et de publicité. Les consommateurs ne
prêtent plus attention aux publicités habituelles ni aux affiches qui se trouvent sur leur chemin. Les
marques doivent sans cesse innover pour pouvoir capter leur attention. Inconstants, ils ne
s'attachent plus aux marques comme ils pouvaient l'être il y a quelques années, changeant selon leur
bon vouloir, mais surtout selon l'image qu'ils se font de celles-ci.
Car aujourd'hui, l'image d'une marque est devenue plus importante même que ses produits ou
service, comme nous l'expliquait si bien Christian Salmon :
« […] il faut que la marque retrouve une identité forte et cohérente qui parle aussi
bien aux consommateurs qu'aux collaborateurs de l'entreprise […] et condense dans
un récit cohérent tous les éléments constitutifs de l'entreprise : son histoire, la nature
des produits qu'elle fabrique, la qualité du service à la clientèle, les relations de
travail, le rapport à l'environnement,... »1
Les marques doivent donc raconter des histoires pour espérer capter l'attention de leur public. Plus
encore, elles doivent développer ces histoires en fonction de leurs valeurs et des messages qu'elles
désirent faire passer aux consommateurs. C'est le storytelling, un nouvel outil de communication
utilisé de plus en plus sur le marché de la publicité. Il descend directement du marketing expérientiel
et du marketing relationnel, ayant pour but de forger des relations pérennes avec les clients en leur
offrant des expériences nouvelles et interactives. Car nous sommes bel est bien dans l'ère de
l'interaction. Les marques tentent alors de se rapprocher de leurs consommateurs et de les fidéliser
en leur offrant des expériences inédites, et en optant pour une communication de proximité.
Le storytelling semble être le nouvel eldorado des marques, un outil qui leur permettra d’attirer leur
public, de capter leur attention et surtout de le fidéliser. Car au travers de cette mise en récit des
messages, les marques espèrent pouvoir se démarquer de la concurrence et parvenir à mieux
communiquer qu’une publicité habituelle. Cela ne signifie pas pour autant qu’une telle chose est
possible ou bien simple à mettre en application, mais nous pouvons trouver sur la Toile pléthores
d’articles vantant les mérites de telles stratégies, sans pour autant mettre en avant leur complexité.
1
Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La
Découverte., Paris, 2007, p34
6
Les industries culturelles, sous l'impulsion des grands studios Hollywoodien, ont été les premières à
développer des stratégies de captation et de fidélisation des publics. Il faut dire qu'il est bien simple,
pour une œuvre culturelle, de capter l'attention du public étant donné que les personnages et
l'histoire existent déjà, ce qui n’est pas le cas pour une marque. C'est ainsi que Matrix est devenu un
univers, un monde2
, plutôt qu'une saga de science-fiction. Les frères Wachowski, réalisateurs de la
trilogie, ont développé un univers fictionnel éclaté sur plusieurs médias, chaque nouvel outil
apportant un détail en plus sur ce monde, permettant de mieux le comprendre et de mieux
l'appréhender. Grâce aux jeux vidéo, au cinéma et au web, ils ont pu faire de Matrix un univers infini,
qui pouvait être prolongé pour l'éternité. Force est de constater que cette stratégie a fonctionné,
puisque près de vingt ans après, le film est encore sur toutes les bouches, et sa communauté de fans
toujours aussi importante et engagée2
.
Cette stratégie fut nommée par Marcha Kinder en 1990 : le transmédia. Plus tard, le chercheur Henry
Jenkins expliquera dans son livre Convergence Culture3
que cet outil est le nouvel eldorado des
industries culturelles et médiatiques, mais qu'il représente aussi un bouleversement dans les
relations entre les communautés de fans et ces mêmes marques. Car cet outil n'implique pas
uniquement de créer un univers fictionnel infini, mais aussi de faire participer son public à son
prolongement. Il s'agit de co-création de contenus, entre un public d'amateurs passionnés et des
équipes de professionnels, souvent fiers de leurs créations et peu désireux de les partager.
A cela s'ajoute le fait qu'aujourd'hui le public passe d'un média à un autre avec une grande facilité,
notamment les plus jeunes. Cela implique donc que des métiers et des secteurs d'activités se
rassemblent pour travailler ensemble à des projets d'envergures sur plusieurs médias. La question de
ce bouleversement dans le cloisonnement des activités professionnelles pourrait être un sujet à part
entière d'enquête, mais il ne nous concernera pas directement ici. Il est cependant important de
l'introduire afin que le lecteur puisse mesurer la complexité d'un projet transmédia.
Henry Jenkins le définissait de cette manière :
« Une audience est immergée dans un univers à travers une multitude de points
d'entrée, donnant ainsi une expérience complète et coordonnée d'une histoire.»3
2
David PEYRON, « Quand les oeuvres deviennent des mondes » Une réflexion sur la culture de genre
contemporaine à partir du concept de convergence culturelle », Réseaux, 2008, vol. 2, no
148-149, pp.
335-368.
3
Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Collin., Paris, 2013, p.30.
7
Il s'agit donc en premier lieu d'immersion du public dans un univers fictionnel, on doit lui offrir une
réalité alternative intéressante, en même temps ancrée dans notre réalité, et en même temps
fictionnelle. Nous reviendrons sur ce point en premier partie, mais il est important de le garder à
l'esprit. Il y a également une dimension de multitude. En effet, le propre du transmédia est de
pouvoir décliner une histoire sur plusieurs médias. Mais le public doit pouvoir comprendre cette
histoire et les messages qu’elle véhicule, même s'il n'y entre pas par le média central. Autrement dit,
et pour donner un exemple, si nous jouons à un jeu vidéo Marvel, nous devons pouvoir comprendre
les grandes mythologies qui forgent cet univers. Enfin l'auteur met en avant la complétude d'une
telle histoire. Cela ne nous semble pas juste puisque le propre d'un univers fictionnel transmédia est
justement de ne pas être achevé, de pouvoir être décliné à l'infini. En revanche, la coordination de
l'histoire entre les différents médias est primordiale. Chaque nouvelle histoire doit être cohérente
avec les autres.
Dans cette définition, Henry Jenkins oublie une caractéristique très importante du transmédia, qui
est la participation de son public. En effet, pour immerger le public et pour que l'univers fictionnel
puisse être prolongeable, sa participation est indispensable. Afin qu’une telle stratégie apporte une
valeur ajoutée à tout autre dispositif de communication, la co-création de contenu y est centrale. Un
projet transmédia ne peut exister sans son public, sans ses fans, que nous définirons un peu plus loin
dans cette introduction.
Si nous devons ici tenter une métaphore pour définir ce qu’est le transmédia, nous parlerons d’une
toile d’araignée. Chaque fil représente un média, un mini-récit développé indépendamment des
autres. La somme de tous ces fils formant l’univers fictionnel, qui peut alors continuer à grandir au
gré de nouveaux récits rajoutés par les auteurs ou même le public. Au centre de cette toile, nous
retrouvons un récit principal, source de l’univers fictionnel, celui vers lequel tous les autres fils
tendent. La fonction des autres fils est de rajouter de la force et de la complexité au centre de la
toile. Ce sont les petits fils qui permettent de rajouter de la profondeur et de la grandeur à la toile
qui vient se former dans le temps. Une personne prise dans cette toile ressentira chaque remous,
chaque changement des fils qui lui apporteront de nouvelles informations, une connaissance plus
approfondie de l’univers fictionnel. Plus que tout, cette personne pourra participer à étendre
l’univers puisqu’elle sera en mesure de rajouter des fils, telle une araignée construisant une nouvelle
toile sur une ancienne. Car dans une stratégie transmédia, il n’y a pas qu’une seule araignée pour
construire cette immense toile, mais plusieurs qui permettent de rajouter de la force à l’ensemble.
Il semble alors difficile d'adapter cet outil de communication aux marques, étant donné que les
univers fictionnels n'étaient jusqu'alors développé que par des industries culturelles. Pourtant, le
transmédia storytelling peut constituer un outil au service des marques, un outil qui leur permettrait
de se démarquer de la concurrence. Avec les nouveautés technologiques en matière de réalité
8
virtuelle, ce dispositif évoluera sûrement encore, immergeant de plus en plus les personnes dans ces
univers, leur donnant la possibilité de participer et d'incarner en virtuel des personnages qu'ils ne
peuvent faire vivre dans la vie quotidienne. Mais les marques sont encore loin d'une telle chose, et
doivent déjà se familiariser avec le concept de base si elles veulent attirer et garder leurs
consommateurs.
Le transmédia storytelling pose très clairement la question des relations entre une marque et son
public à l'heure où il leur est de plus en plus difficile de les contrôler. Ce sujet semble donc pertinent
dans le cadre d'un mémoire de recherche en communication numérique, et suit la logique de nos
recherches précédentes sur les relations entre les communautés de fans sur internet et les industries
culturelles4
. Avec internet, les marques ne peuvent plus ignorer leurs publics, ni ne plus leur
répondre sans en subir de lourdes conséquences5
. Les publics se rassemblent de plus en plus en
communautés « virtuelles », usant de leurs pouvoirs de premier consommateur et fan pour
influencer les industries culturelles. On peut donc imaginer que les marques peuvent subir le même
sort. D'ailleurs, combien de scandales ont éclaté ces dernières années dans les médias concernant
telle ou telle entreprise qui n'avait pas un comportement citoyen responsable ?
L'image des marques est devenue aujourd'hui plus importante que les produits qu'elle vend ou que
les services qu'elle peut rendre. Cette dernière peut se définir par ce que la marque montre de ses
valeurs, mais surtout par la vision du monde qu'elle offre à ses consommateurs6
. Nous ne sommes
plus dans une ère de performance pour les marques, mais dans une ère d'identité, dans ce qu'elles
peuvent communiquer d'elles à leurs clients. Les valeurs d'une marque sont prépondérantes à ses
services, et la manière dont elles communiquent peuvent changer les relations qu'elles entretiennent
avec leur public. C'est de cela que nous traiterons dans ce mémoire :
De quelle manière le transmédia storytelling bouleverse-t-il les relations entre les
marques et leurs publics, pour les rassembler dans des communautés soudées
autour des codes de l’univers fictionnel ?
Le transmédia storytelling implique donc l'existence (ou l'apparition) de communautés de fans. Nous
entendons ce mot dans son sens large, c'est-à-dire, des groupes d'individus qui se rassemblent et
4
Mégane Forestier, Les relations entre les communautés de fans de séries télévisées sur internet et les
industries culturelles : étude de cas de communautés de fans de Supernatural, Université Lumière Lyon II,
Lyon, 2015.
5
Benoît Heilbrunn, « Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque », Revue française de gestion
2003/4 (no 145), p. 131-144
6
Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, op. cit.
9
partagent des centres d'intérêts. Le terme de fan n'est pas ici à penser uniquement sous son
appellation de « fan d'une œuvre culturelle ou d'une vedette », mais aussi dans le sens d'un « fan
d'une marque ». Si les définitions de cette notion sont nombreuses, nous en retiendrons deux :
«[Les fans constituent] le segment le plus actif du public des médias : ils refusent
d'accepter tel quel ce qui leur est donné et revendiquent le droit à être un participant
à part entière. »7
« Les fans acquièrent avec l’objet de leur passion un sentiment d’affinité et de
proximité qui ne saurait se comparer à la sincérité ponctuelle et surfaite de l’auditeur
d’un jour. »8
L’auteur pose ici trois caractéristiques principales des fans. Tout d'abord leur désir de participer au
prolongement de leur objet de passion. Ensuite, le fait qu'ils sont capables de prendre du recul et
d'avoir un esprit critique pour se réapproprier les codes de cet objet. Et enfin, leur expertise, leur
affinité et le sentiment de proximité qu'ils ont avec lui. En somme, les fans permettent à une marque
ou une œuvre culturelle d'exister et de se développer. De par le fait qu'ils en sont les premiers
consommateurs, les entreprises doivent prendre en compte ces caractéristiques pour les toucher, et
surtout pour les fidéliser. Car plus important encore, les fans sont les premiers acheteurs, ceux qui
permettent à une œuvre ou une marque de durer. Sourds aux critiques et moqueries d’autres
personnes, ils se font presque un devoir de contribuer à l’amélioration et à la notoriété de leur objet
de passion.
Le transmédia storytelling permet, selon nous, la constitution de ces communautés de fans. Nous
partirons donc, pour répondre à notre problématique énoncée plus haut, de trois hypothèses. Dans
un premier temps, nous montrerons que le transmédia storytelling permet une participation plus
aboutie de son public grâce à une immersion complète dans un univers fictionnel et à l'utilisation
d'une dimension ludique. Le jeu y aura une grande place puisqu’il est ce par quoi les fans peuvent se
réapproprier les codes de l’univers fictionnel mais plus que tout, le jeu permet une immersion encore
plus poussée dans le dit univers, comme nous l’expliquait Vincent Berry :
« On parle communément d’immersion comme d’une plongée dans l’eau, pour
évoquer ainsi l’idée d’une expérience forte, absorbante, monopolisant toute
l’attention de l’utilisateur ou du consommateur. » 9
7
Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.166
8
Ibid, p.166
10
Selon nous, c’est grâce à ces expériences d’immersion qu’un projet transmédia permet de capter
l’attention de son public. Or, avant d’espérer fidéliser un public, il faut commencer par attirer son
attention. Vincent Berry explique très bien ici que grâce aux jeux, et notamment aux jeux vidéo, une
personne devient captive de l’univers. Bien sûr, l’immersion et la captation du public dans le cadre
d’un projet transmédia, comme nous le verrons, n’est pas chose aisée, et les stratégies pullulent. Plus
encore, la question de la participation du public est complexe, puisque chaque marque aura en tête
une définition bien précise de ce terme. Nous parlons cependant ici de co-création de contenus, ce
qui suggère que les marques ne peuvent plus contrôler totalement leur public, leur laissant pour ainsi
dire une certaine liberté. Il est alors difficile de jauger cette liberté d’autant plus lorsqu’on sait que
les fans aiment à détourner et parodier leurs œuvres favorites.
Notre seconde hypothèse traitera des stratégies de communication mises en place lors d’un projet
transmédia. Nous supposons qu’un tel dispositif permet une meilleure connaissance de son public
et une proximité plus aboutie. Selon nous, le transmédia, grâce à l’utilisation de nouvelles
technologies telles que les réseaux sociaux ou les événements transversaux IRL (In Real Life)10
, peut
rapprocher une marque de son public, créant ainsi une relation sur la durée. Il s’agit ici de montrer
que le marketing expérientiel et relationnel est une méthode approuvée pour accroître sa notoriété.
Cependant, nous ne saurions encourager de telles stratégies sans penser au public. Car si le
marketing relationnel permet bien de mettre en place une relation durable entre une marque et son
public, il faut pouvoir entretenir cette relation et la mettre en place dans le cadre d’un dispositif de
mise en récit. Nous montrerons donc au travers de cette hypothèse que si les marques ayant de
telles dispositifs parviennent souvent à entretenir une relation avec leur public, le dispositif
transmédia est parfois mis de côté au profit d’une communication plus habituelle. Car la difficulté de
tels dispositifs est bien de devoir communiquer à tous temps grâce à une mise en récit. Plus encore,
une telle relation de proximité, alliée à la participation du public induit également une co-
construction de l’identité de la marque.
Enfin, nous montrerons que le transmédia storytelling permet la construction de communautés de
fans soudés autour des codes de l’univers fictionnel. L'immersion y aura ici une place
prépondérante, mais le type de communication de la marque également, de même que la manière
dont elle a investi chaque média avec son univers fictionnel. Plus que tout, cette hypothèse vise à
démonter qu’une marque adoptant un dispositif transmédia peut s’assurer de la fidélité d’une
9 Vincent Berry, Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéos, communautés et apprentissage,
http://www.omnsh.org/ressources/548/immersion-dans-un-monde-virtuel-jeux-video-communautes-et-
apprentissages, consulté le 15 avril 2016
10
Dans la vie réelle.
11
communauté de fans. Ils seront alors à même de vouloir partager leur passion avec leur proche, et
deviendrons ainsi ambassadeur de la marque. Pour mieux comprendre alors les relations entre les
marques et leur public, il nous faudra étudier le fonctionnement de telles communautés. Nous le
répétons une fois de plus : un projet transmédia ne peut exister sans son public. En ce sens, il est
utile de rappeler que pour construire de telles communautés, il faut pouvoir connaître son public.
Notre seconde hypothèse vise à montrer que ces dispositifs de mise en récit permettent cela. Grâce à
cela, les marques sont alors à même, en utilisant les bons outils de la bonne manière, de faire
apparaître des communautés de fans.
Nous parlons bien ici de marque, qu’il s’agisse d’une œuvre culturelle ou d’une marque de
consommation courante. Car nous considérons que les œuvres culturelles sont des marques, comme
Jean-Noël Kapfer les définit :
« La marque exprime une valeur, un savoir-faire, une expertise, une histoire,
un engagement, une caution, qui contribuent à aider le consommateur dans son
choix. »11
Grâce à leurs univers fictionnels, elles transmettent des codes et des messages, une vision du monde
en sommes. Chaque œuvre culturelle a par ailleurs sa propre histoire et démontre un certain savoir-
faire que ce soit en matière de techniques cinématographiques, scénaristiques, littéraires ou en
terme de service de qualité. Elles sont uniques autant dans leur vision du monde que dans leur
manière de la communiquer. De plus, les œuvres culturelles permettent un engagement de la part
des publics, autour de communautés de fans, depuis plusieurs siècles déjà.
C’est pourquoi la plupart de nos analyses seront celles d’œuvres culturelles. Ajoutons à cela que la
plupart des marques habituelles que nous connaissons sont encore peu nombreuses à mettre en
place un dispositif transmédia complet. Afin de ne pas privilégier un type d’œuvre au détriment
d’une autre, nous avons choisi d’étudier plusieurs types, chacun reflétant certains aspects importants
d’un projet transmédia. Le dernier opus de la saga Star Wars, Le Retour de la Force sorti en décembre
2015, nous apportera des réponses quant à la mise en place de nouveaux codes pour un univers déjà
mondialement acclamé et connu. De plus, il nous offrira la possibilité de comparer deux anciennes
trilogies à la nouvelle actuellement en production, et ainsi de recueillir des avis de fans. Ainsi, nous
analyserons ici le dispositif transmédia complet de cette œuvre, en oubliant volontairement celui de
la saga. Tout d’abord car l’étude du dispositif de la saga, soit 7 films et plus de 30 d’histoires, serait
11
Jean-Noël Kapfer, Glossaire Marque, http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Marque-238333.htm,
consulté le 3 mars 2016
12
bien trop long pour une enquête de cette envergure. Ensuite car le dispositif du dernier opus étant
récent, nous faiclite l’accès à tous les contenus.
Hero Corp, série française réalisée par Simon Astier (frère du concepteur de la série Kaamelott), nous
permettra de voir comment un dispositif transmédia peut s’adapter à la sérialité, et surtout ce qu’il
offre en plus comme expérience, comment il parvient à capter l’attention du public lors d’inter-
saisons. Ici par contre, nous analyserons le dispositif entier de la série, initiée à partir de la saison 3.
Le Projet Blair Witch nous servira de référence pour mettre en avant que le succès d’une œuvre tient
avant tout de sa campagne marketing, mais surtout que sa continuité peut soit la servir, soit la faire
oublier par les foules. S’agissant là encore d’une œuvre cinématographique, nous analyserons le
dispositif initié pour la campagne de promotion du film. Cela sera également complété par un
visionnage des deux films et une comparaison montrant ainsi toute l’importance de la cohérence afin
de construire une communauté de fans soudées autour des codes de l’univers fictionnel.
Nous avons enfin voulu étudier deux autres œuvres utilisant les ARG (Alternative Reality Game) pour
immerger son public dans une expérience inoubliable : la campagne de promotion du film The
Amazing Spiderman, nouvel opus de la société de production Marvel. Son dispositif transmédia de
promotion est intéressant pour montrer la difficulté d’immerger son public mais surtout de mêler la
réalité et la fiction. Le jeu (ou fiction totale) Alt-Minds, par Eric Viennot et Orange nous permettra de
mieux comprendre la difficulté d’inter-connexion de chaque média dans un projet de ce type, mais
surtout la difficulté de ciblage du public.
Enfin, nous étudierons le dispositif d'Oasis, marque de boisson, qui nous permettra de prouver la
possibilité, pour n'importe quelle marque, d'adapter des stratégies de communication natives des
industries culturelles pour forger leurs propres communautés de fans.
Ces analyses sémiologiques seront complétées par des entretiens individuels menés auprès de fans
d'Hero Corp et de Star Wars. Cela nous permettra de mieux comprendre les attentes des différents
publics, mais surtout de déterminer si la mise en place d’une stratégie transmédia est bien perçue.
Nous traiterons chacune de nos hypothèses séparément, nous intéressant dans un premier temps
aux enjeux de la participation du public dans un dispositif transmédia. Nous commencerons par
montrer que l’immersion dans un univers fictionnel passe par ses personnages, mais aussi par le
choix des médias qui véhiculeront les récits. Le jeu aura aussi une place prépondérante dans
l’immersion et la captation du public, lui offrant la possibilité de prolonger l’univers tout en
récompensant sa participation par des cadeaux symboliques ou réels. Enfin, nous montrerons que le
propre d’un dispositif transmédia est de brouiller les frontières entre la réalité et la fiction,
notamment grâce aux ARG et autres événements transversaux liés à l’univers fictionnel, mais aussi
grâce au détournement de certains codes médiatiques.
13
Dans une seconde partie nous étudierons les différentes stratégies de communication mises en place
par les marques afin de se rapprocher de leur public. C’est ici que nous montrerons l’importance des
réseaux sociaux pour construire et entretenir des communautés de fans attachées aux codes de
l’univers fictionnel. Nous mettrons en avant certaines stratégies de mise en scène des personnages
mais aussi des manières de communiquer opposées. En effet, certaines marques joueront la
transparence pour se rapprocher de leur public, dévoilant ainsi tout de l’univers, tandis que d’autres
préféreront jouer la carte du mystère, incitant ainsi leur public à découvrir l’univers par eux-mêmes.
C’est également dans cette partie que nous introduirons la mise en récit de la communication des
marques, impliquant ainsi l’importance de la cohérence de l’univers au travers de son prolongement
sur plusieurs médias, mais aussi des difficultés liées à la technologie et à l’innovation qu’entraîne
tous projets de ce type. Enfin nous nous attacherons à décrypter les différents discours de promotion
accompagnant chaque dispositif transmédia. Ce dernier point aura toute son importance puisque
nous montrerons que le succès d’un tel dispositif tient avant tout à sa bonne compréhension par le
public, que ce soit au travers des codes qu’il développe, mais aussi grâce aux discours
d’accompagnements des marques.
Enfin, dans une troisième partie nous évoquerons plus en longueur la question des communautés de
fans. Il s’agira ici de montrer que leur construction est d’abord portée par un désir individuel
exacerbé par la somme des individus qui affichent leur passion et souhaitent la partager. Nous
montrerons également qu’un dispositif transmédia permet un engagement plus poussé des fans,
alors prompts à défendre leur objet de passion envers et contre tout, mais surtout désireux de
s’approprier ses codes. Ce dernier point sera notamment développé au travers d’une partie
concernant les fan-fictions, récits écrits par les fans imaginant ce que pourrait être leur univers
préféré, et sur les différents points de vue émergeant au sein des communautés de fans.
14
I Construire un univers fictionnel étendu et permettre la co-création de
contenu pour séduire son public
Si le propre du transmédia est de développer des univers fictionnels éclatés sur plusieurs médias, sa
principale difficulté est sans aucun doute de devoir capter l’attention de son public dans un monde
où l’image règne et où il existe de nombreuses stratégies pour attirer sa cible. Cette première partie
nous permettra d’aborder cette question. Au travers d’analyses de différents dispositifs très
différents les uns des autres, nous montrerons qu’un projet transmédia doit son succès à sa capacité
d’immerger son public dans les codes de l’univers. Cela passera par plusieurs stratégies, toutes usant
du jeu récompensé et du « brouillage » des frontières entre réalité et fiction.
1. Immerger son public dans un dispositif éclaté sur plusieurs médias
L’immersion dans un univers fictionnel passe avant tout par ses personnages. Cette première sous-
partie abordera cette question et montrera combien la construction de personnages ancrés dans une
certaine réalité permet une captation et une immersion plus poussée dans l’univers fictionnel. Nous
montrerons également combien se focaliser et connaître son public est important pour choisir ses
personnages, mais aussi les médias qu’un dispositif transmédia utilisera.
1.1 De l’importance des personnages pour capter l’attention du public
Le transmédia tire d’abord sa force du storytelling. Venu de l’Antiquité Grecque, cela consiste à
mettre en récit des messages, des valeurs, des idées. A l’époque, les philosophes et grands orateurs
grecs avaient compris que pour que leurs auditeurs retiennent mieux leurs idées, il valait mieux leur
raconter des histoires. C’est ainsi que le mythe de la caverne est parvenu jusqu’à nous, raconté par
Platon. Cette mise en récit d’une idée complexe a permis à bon nombre de personnes de
comprendre l’un des fondements de la philosophie grec : la difficulté de percevoir la réalité et de
transmettre ses connaissances. Plus tard, Aristote, dans différents traités, expliquera comment
construire une histoire qui persuade. Car, comme le rappelle Jeanne Bordeau :
« La mise en récit fait disparaître les concepts abstraits au profit de la venue du sens
qui provoque la parole même si au départ elle est en fragments. Elle est concrète, elle
est évocatrice et va vite trouver son « fil d'or ». »
12
En somme, l’auteure nous explique ici que le storytelling permet de mieux comprendre un message
car ce dernier devient concret dans un récit. Elle va plus loin en mettant en avant ce qui fait un bon
12
Jeanne BORDEAU, Storytelling et contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du
numérique, Ellipses., Paris, 2012, p 108
15
récit. Tout d’abord, un mythe doit fonder l’histoire. Les entretiens réalisés avec les fans de Star Wars
lui donneront raison. Un des fans insiste notamment sur le fait que la force de cette franchise réside
dans les mythologies dont elle s’inspire :
« Difficile d'analyser le pourquoi d'un ressenti outre les références sur les mythes
récurrents qui ont façonné nos sociétés. »13
Le mythe est donc important, puisqu’il permet aux lecteurs/spectacteurs/auditeurs de s’identifier à
l’histoire, de mieux la comprendre. A cela il faut ajouter un ou des archétypes, permettant à chacun
de mieux s’identifier à l’histoire, de la comprendre au-delà de leur culture générale. Pour donner un
exemple, nous pouvons parler d’une représentation du héros. Combattif, prêt à tout pour finir sa
quête, il fait passer son devoir avant le reste et ne tue jamais sans une très bonne raison hautement
morale. Voilà donc une représentation archétype de ce qu’est un héros dans les contes. Enfin, Jeanne
Bordeau ajoute à cela l’inconscient collectif. L’histoire doit toucher par l’émotionnel mais aussi par le
rationnel. Elle doit exister pour une raison : expliquer l’Homme et son fondement, les différents rites
de passages qui font de lui ce qu’il est. Si l’on reprend la saga Star Wars, chaque film raconte un
passage important dans la vie du héros, Anakin Skywalker : devenir un homme libre (sujet du premier
film) et se mettre au service des autres (lorsque le héros devient un Jedi, dans le second film) et
trouver sa place dans l’univers (objet du troisième film).
Mais l’auteure oublie l’un des fondements de toutes les histoires : les personnages. Car c’est par eux
qu’on rentre dans un univers fictionnel, si petit et incomplet soit-il. Si nous évoquons plusieurs films,
séries ou livres, vous souviendrez-vous tout d’abord de l’ambiance générale ou du nom d’un des
personnages principaux ? Nous avons demandé aux fans avec lesquelles nous avons eu des
entretiens comment ils s’étaient attachés à leur univers favoris, et tous sans exception nous ont dit
que c’était grâce aux personnages :
« Mais Star Wars, comme le Seigneur des Anneaux ou Matrix, nous permet de nous
identifier à des personnages multiples aux enjeux profonds, tout en nous dépaysant
complètement. »14
« On fait partie de la série car on s’y identifie, les personnages nous ressemblent, ils
sont remplis de défauts et d'humanité, ce sont des anti-héros qui font des actes
héroïques. »15
13
Annexes V, Retranscriptions d’entretien avec des fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LIII, réalisé en avril 2016
14
Op. cit, p. LIII-LIV
16
Ces dires confirment donc ce que Sarah Sepulchre avait initié dans son livre sur les séries16
: les
personnages sont au premier plan quand il s’agit d’immerger un spectateur dans une histoire. C’est
pourquoi, quand on souhaite mettre en place un dispositif transmédia, il faut se concentrer sur les
personnages avant tout autre chose. En somme, il faut les caractériser aussi bien que s’ils étaient des
personnes réelles (nous reviendrons sur leur réalité un peu plus loin), dotées d’une psychologie,
d’une personnalité, de passions et de haines. Un personnage mal construit peut empêcher à un
certain public de reconnaître la force d’un univers fictionnel, comme nous le disait un fan de Star
Wars lorsqu’il nous parlait de la prélogie :
« Je lui reproche … Anakin Skywalker, bon après ça peut être aussi logique parce que
ça reste un ado mais, le voir en mode kikoo lol se rouler dans l’herbe avec Padmée,
t’es là ‘’ mec tu vas tuer des enfants dans 1 film ! Tu vas tuer des enfants de sang
froid ! Dans le même film tu vas détruire tout un peuple parce qu’ils ont tué ta mère !
Non tu te roules pas l’herbe quoi ! ‘’ »17
.
On remarque ici que la cohérence du personnage principal d’un film à un autre est aussi important
que sa psychologie et sa personnalité. En soit, si ce fan aime beaucoup ce personnage, il n’a pas
supporté le voir profiter de la vie en souriant alors que le film suivant il était Dark Vador, le tyran très
connu de la saga. Il a perçu, dans cette histoire, un décalage entre ce qu’il a connu avec les films
précédents, et cette nouvelle caractérisation d’Anakin Skywalker.
Les personnages sont tellement importants dans une stratégie transmédia que certaines marques,
comme Oasis, en ont fait la force de leur stratégie. Oasis est une marque de boisson du groupe Volvic
qui a initiée sa stratégie transmédia en mettant en avant des personnages symbolisant les différents
goûts de sa boisson. Elle les met en scène dans des publicités, sur les réseaux sociaux et dans des
web-séries. En effet, si l’on regarde le site de la marque, on retrouve des « cartes d’identités » de ses
personnages-fruits :
15
Annexes IV, Retranscriptions d’entretien avec des fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXIX, réalisé en mai
2016
16
Sarah SEPULCHRE, Décoder les séries télévisées, De Boeck., Bruxelle, 2011.
17
Annexes V, Retranscriptions d’entretien avec les fans de Star Wars, Entretien n°1, p.XLV, réalisé en avril 2016
17
Sur cette fiche, on peut trouver le caractère du personnage, véritable héros doté d’une force
surhumaine. Même ce qu’il aime et n’aime pas rappelle l’archétype du héros : il veut « sauver les
fruits de la noyade ! » et n’aime pas « Poiro le pleutre ». Evidemment, ces fiches d’identités ne
sauraient suffire à faire aimer un personnage. Leur mise en scène est là pour ça. A chaque média
investi par la marque, les personnages sont mis en avant. Sur les réseaux sociaux, ils sont
régulièrement mis en scène par des visuels détournant les tendances actuelles (nous y reviendrons
dans une future partie). La web-série L’Effet Papayon permet également une mise en scène de ces
personnages.
Série animée de 4 épisodes, elle raconte les aventures des personnages d’Oasis. L’épisode
commence par la fin, où l’on voit les fruits face à une situation dramatique. On peut alors avoir peur
pour eux et, curieux, vouloir savoir comment ils en sont arrivés là. Puis, un flash-back nous ramène
quelques temps en arrière, permettant de planter le décor. Chaque nouvelle scène est très comique,
et on commence à comprendre comment les fruits se sont mis dans cette situation. Finalement, on
rit de leur malheur. Mais le plus intéressant, outre le fait de développer une web-série, c’est qu’à
chaque nouvel épisode, on apprend à connaître un peu mieux les personnages de la marque. Si
certains sont mis en avant dans quelques épisodes, on se rend très vite compte qu’ils sont en réalité
les « super-héros » de la marque, les personnages principaux. Ils sont en effet mis en avant sur le site
internent au moyen d’un encart « Super-fruits », tandis que les autres fruits de la marque semblent
être des acolytes, et donc moins importants.
18
Car pour tout univers fictionnel, il faut des personnages principaux, mais aussi des personnages
secondaires. Sarah Sepulchre faisait une grande distinction entre ces deux catégories18
. Les
personnages principaux permettent aux spectateurs de s’immerger dans l’univers car ils
s’identifieront à l’un d’eux. Ce sont des personnages centraux qui doivent être développés dans toute
leur profondeur. Les personnages secondaires, moins importants, permettent de donner un peu plus
d’épaisseur à l’univers et aux personnages principaux. Ils peuvent être récurrents, c’est-à-dire
présents à chaque nouvel épisode, ou occasionnels, apparaissant de temps en temps. Généralement,
ils évoluent peu à la différence des personnages principaux qui se doivent de changer petit à petit
afin de rendre l’univers plus attractif. Si l’auteure parle ici de séries télévisées, cela fonctionne de la
même façon quel que soit le support sur lequel sera développé l’univers.
Oasis ne fait pas évoluer ses personnages d’un média à un autre ou d’un épisode à un autre, mais elle
utilise tous les archétypes que les jeunes, cœur de cible de la marque, connaissent. Et cela est tout
aussi important que leur évolution. Pour s’identifier à un personnage, il faut pouvoir se reconnaître
au moins en partie en lui, mais surtout reconnaître un « type » de personnes qu’on est ou aimerait
être. Si chaque univers développe ses propres idéologies et idées ou « vision du monde », les
archétypes doivent demeurer. A ce propos, les fans d’Hero Corp que nous avons interrogé nous ont
tous dit que ce qui faisait qu’ils aimaient les personnages de la série étaient le fait qu’ils étaient
comme eux. En somme, il s’agissait de personnes du quotidien, avec certes des superpouvoirs, mais
leur psychologie et leur personnalité restaient proches de personnes réelles. Ainsi, les spectateurs
n’ont pas l’impression que ces personnages sont inaccessibles, ils ont des faiblesses et des qualités
que tout être humain peut avoir.
Ainsi les personnages, première « vitrine » de l’univers fictionnel doivent être développés avec
attention afin que les spectateurs puissent s’identifier à eux et ainsi s’immerger dans l’univers. Mais
plus encore, ils doivent être en accord avec l’univers développé car ce sont eux qui lui donnent de
l’épaisseur. Si l’on reprend l’exemple d’Oasis, qu’iraient faire des personnages sérieux dans cet
univers si drôle ? La cohérence entre les personnages et l’univers dans lequel ils évoluent à autant
d’importance que les médias qui le développeront.
1.2 Savoir utiliser les médias adéquat pour construire un univers fictionnel cohérent
Outre les personnages, les médias ont une importance capitale dans un projet transmedia. Si l’on
reprend la métaphore de la toile d’araignée que nous avons exposée en introduction, chaque fil est
interdépendant des autres, et en même temps, on doit pouvoir comprendre l’univers quel que soit le
18
Sarah SEPULCHRE, Décoder les séries télévisées, op. cit.
19
média par lequel on le découvre. Toute la difficulté est là : savoir utiliser chaque média
correctement. Il ne s’agit pas non plus d’utiliser un média sans que cela apporte de la valeur ajoutée
à l’univers. Il faut que chaque nouveau récit permettent d’agrandir la toile, de rajouter des fils qui
inciteront le public à s’engager :
« Ce qui se trouve ainsi particulier à la sérialité c'est de trouver le juste équilibre entre
la fragmentation de l'histoire en plusieurs volets sémiotiquement autonomes et la
dissémination de ces volets à travers des configurations médiatiques
interconnectées. »19
Un projet transmédia est sériel par définition puisqu’il développe un univers sur plusieurs médias,
mais surtout parce qu’il développe plusieurs mini-récits interdépendants les uns des autre. Cette
fragmentation n’est pas sans danger puisqu’elle peut mettre en péril la cohérence de l’univers et en
même temps perdre un certain public. Car chaque public n’utilise pas les mêmes médias. Là où Oasis
a su développer un univers cohérent c’est parce qu’il utilise des médias où les jeunes s’investissent :
les réseaux sociaux, les blogs, YouTube, la télévision, les applications mobiles interactives. La marque
a su investir les médias des jeunes, et trouve donc son public. Il est alors plus simple pour Oasis de
capter son attention et de le faire adhérer à son univers.
Puisque le but est bien entendu d’être visible, d’engager et de pousser son public à agir, il faut savoir
utiliser l’interactivité que chaque média offre. Le transmédia permet, comme nous le supposons, de
se rapprocher de son public, de construire avec lui une relation durable. Cela passe par l’interactivité
et la co-création de contenu. Mais avant d’espérer interagir avec son public, il faut savoir où il est.
Ainsi, une bonne connaissance de sa cible est indispensable avant même de penser à développer un
projet. Mais plus que tout, les médias investis doivent aussi se justifier en fonction des codes de
l’univers, et même de son genre. Star Wars est une saga de science-fiction, et à ce titre la technologie
y est très présente. Quoi de plus naturel alors que d’investir les nouvelles technologies en masse ? Le
travail réalisé par la production de la franchise en terme de transmédia est à la hauteur des
espérances du public : applications en réalité augmentée et virtuelle20
, site internet avec « visite »
virtuelle d’une planète21
, vidéo à 360° immersive22
, jeux vidéo sur les dernières consoles de salon,
19
Jeanne LEVAISSIERE, « Produire du transmédia pour la fiction française : un défi entre nécessité, adaptation des
modes de production et nouvelles écritures fictionnelles », CELSA, Paris, 2014, p38.
20
Annexes II objet du corpus : Star Wars, Ecran d’accueil de l’application officielle de Star Wars, p. IX
21
Annexes II objet du corpus : Star Wars, Capture d’écran de la page d’accueil du site internet dédié au 7ème
opus, p. XI.
22
Annexes II objet du corpus : Star Wars, Capture d’écran de la vidéo à 360° postée sur Facebook, p. X
20
etc. Si le dispositif de Star Wars investi en masse les dernières technologies, c’est bien parce que cela
correspond à son univers.
La cible ne doit pas être oubliée pour autant. Nos entretiens avec les fans d’Hero Corp nous ont
montré que la technologie pouvait perdre même les fans les plus désireux de s’investir :
« Je pense à ceux notamment qui n'ont pas eu l'occasion de suivre toute la série, de
ne pas savoir trop ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux, et de l'existence de
l'application, je pense qu'ils peuvent être très vite perdus. Je pense que s’il y avait des
éléments important, il aurait peut-être fallu les mettre dans la série principale à la
télévision. »23
Ce fan expose clairement que si le dispositif transmédia de la série est une très bonne chose pour
ceux qui veulent en savoir plus, l’utilisation de technologies comme les applications mobiles n’est pas
adéquate puisque tous n’y ont pas accès. En somme, il dit que ce média n’était peut-être pas adapté
au cœur de cible de la série. L’inter-connectivité de chaque média, de prime abord si stimulante et
innovante, peut donc cacher un piège potentiel : perdre le spectateur. C’est ce que Christian Briceno
évoquait lors du Forum Blanc de 201424
. Il faut que le contenu, les plateformes et l’auditoire soient
cohérents. C’est ce qu’il a appelé les piliers d’un projet transmédia. Si on néglige un seul d’entre eux,
la cohérence n’est plus, et on risque de perdre son public.
Encore plus intéressant est la suggestion de ce fan qui souhaiterait mettre tout ce qui est important
dans le média principal, soit la télévision. Mais qu’est-ce qui peut être jugé comme important dans
un projet transmédia ? Quelle est l’arc narratif principal d’un projet transmédia ? Puisque chaque
média, chaque nouveau récit est dépendant des autres, et en même temps peut et doit se
comprendre à lui seul, il est difficile de choisir un arc narratif principal qui saura porter toute
l’histoire. Prenons l’exemple de la web-série La Voie de Klaus, faisant parti du dispositif d’Hero Corp.
Développée en même temps que la saison 4, elle se concentre sur Klaus, un des personnages
principaux de la série. Avant la diffusion de nouveaux épisodes de la saison 4, un épisode de la série
était disponible sur l’application et la plateforme de France 4. Ainsi, on rendait ce récit plus
disponible puisque ceux qui ne pouvaient avoir l’application pour différentes raisons, pouvaient y
avoir accès sur le site internet de la chaîne diffusant la série.
23
Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVI, réalisé en
mai 2016
24
Anonyme, Le transmédia en 2014 : Constats et réflexions sur l'industrie
21
Mais l’intrigue est plus importante que la disponibilité de la web-série. Lors de la saison 4, Klaus
n’apparaît que par intermittence, loin de tous les autres personnages. On ne comprend ni où il est, ni
pourquoi, ni ce qu’il y fait. Si son costume et le décor nous permettent de deviner qu’il est dans un
temple bouddhiste en quête d’une chose importante pour lui, nous n’en savons pas plus et il est très
déroutant de ne pas comprendre les enjeux liés à ce personnage. C’est en regardant la web-série que
l’on peut tout comprendre : Klaus est dans un temple car il se prépare mentalement à arrêter John,
son meilleur ami mais aussi personnage principal de la série et grand super-héros. Pour cela, il devra
le tuer, comme nous le verrons à la fin de la saison 4. Sans cette action, le monde est perdu.
Ainsi, cette web-série semble bien appartenir à l’arc narratif principal de la saison 4, alors même
qu’une seule partie de son intrigue apparaît dans la diffusion télévisuelle. Voilà une chose que l’on
pourrait juger importante voire même capitale pour l’univers fictionnel de la série. L’interconnexion
entre cette web-série et la série en elle-même est telle qu’on ne peut comprendre l’une sans avoir vu
l’autre, quel que soit le sens dans lequel on prend les choses. Le dispositif transmédia d’Hero Corp
rend chaque média dépendant d’un autre. Si bien sûr la série se suffit à elle-même pour comprendre
et s’immerger dans l’univers fictionnel, chaque saison apporte son lot de questions restées sans
réponses.
C’est l’un des principes moteurs des séries : le cliffhanger. Cette technique consiste à finir chaque
épisode et donc chaque saison par un suspens, encourageant ainsi le public à attendre la suite. Le
dispositif transmédia d’Hero Corp joue de ce climax pour développer des mini-récits qui font office de
suite à la série principale. Si La Voie de Klaus fait bien plus que cela, puisqu’elle développe l’arc
narratif de la saison 4, elle permet aussi de répondre à la question « Qu’est-il arrivé à Klaus ? »
résultant du cliffhanger de la fin de la saison 3. Les autres web-séries et applications développées
permettent de faire le pont entre les différentes saisons, coupant ainsi les ellipses temporelles
induites par la série.
Les séries sont propices au développement de projets transmédia puisqu’elles peuvent s’étendre à
l’infini, offrant ainsi des univers riches tant au niveau de l’intrigue qu’au niveau des personnages. La
sérialité est justement, selon Mélanie Bourdaa25
l’un des fondamentaux d’un projet transmédia
réussi. Hero Corp a su s’emparer de cette particularité pour développer un dispositif transmédia où
chaque nouveau récit devient dépendant d’une saison mais aussi de l’évolution des personnages au
moment de l’intrigue. Malheureusement, comme nous l’ont dit les fans, cela est à double tranchant :
25
Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », URL:
http://www.inaglobal.fr/numerique/article/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-logiques-
immersives, consulté le 14 octobre 2015.
22
si ce dispositif permet effectivement de répondre aux questions que la série télévisées laisse en
suspens, il perd aussi une partie du public, qui ne peut avoir accès aux supports.
Ainsi, nous avons vu dans cette partie l’importance de développer des personnages principaux et
secondaires aux personnalités et psychologies multiples, offrant ainsi un premier pas vers
l’immersion dans l’univers fictionnel grâce à l’identification aux personnages, porteurs de l’intrigue et
des codes de l’univers. Mais pour les rendre visible et accessibles, il faut savoir utiliser les bons
médias. En plus de devoir être interdépendants tout en apportant une valeur ajoutée à l’univers
développé, chaque support doit pouvoir se comprendre seul. C’est là toute la difficulté d’un projet
transmédia, en plus de devoir accorder chaque média avec l’univers mais aussi avec son public. Cela
n’est qu’un premier pas vers l’immersion, car le propre d’un projet de ce type est aussi de permettre
à son public d’apporter de nouveaux contenus.
2. La co-création de contenu par le jeu : quand les marques ne contrôlent plus
leur public
Cette seconde sous-partie se focalisera sur la dimension ludique que tout projet transmédia permet
de mettre en œuvre. Cela permet au public de mieux connaître l’univers en question, de s’y
immerger encore plus. Ainsi, les marques parviennent à « captiver » l’attention de leur public mais le
récompensent également par des jeux et concours qui demandent leur participation.
2.1 Mieux connaître l’univers fictionnel en participant à son prolongement
Henry Jenkins dans Culture de la Convergence26
nous expliquait qu’il fallait co-créer le contenu d’un
projet transmédia. Cela ne signifie pas que plusieurs collaborateurs doivent travailler ensemble afin
de créer un univers fictionnel très vaste, voire même infini. La co-création d’un contenu engage le
public, qui se saisit alors des codes de l’univers fictionnel. Il y a évidemment beaucoup de moyens
possibles pour qu’un fan se réapproprie ces codes, notamment au travers des fan-fictions, mais nous
reviendrons sur ce point plus tard. En réalité, la plupart des projets transmédia que nous avons
analysé utilisent tous le jeu pour encourager la participation du public.
S’il existe différents types de jeu, nous nous intéresserons ici au jeu vidéo puisqu’ils offrent une
immersion dans l’univers fictionnel bien plus poussée qu’un simple jeu de société par exemple. Pour
être appelé « jeu vidéo », plusieurs caractéristiques doivent être respectées :
26
Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Collin., Paris, 2013.
23
• L’existence d’un avatar : un joueur incarne un personnage, qui agit à sa place dans l’univers
fictionnel construit pour le jeu ;
• Un monde persistant : un jeu continue d’évoluer même lorsque le joueur en est absent. En
somme, il est indépendant du joueur et a sa propre existence ;
• L’existence de communautés : que l’on parle de guildes, de groupes d’entre-aide ou même
de forum, un jeu vidéo doit permettre la création de groupes rassemblant les joueurs ;
• L’incarnation d’un camp : le joueur, au travers de son personnage ou avatar doit incarner un
camp au sein de l’histoire du jeu ;
• Utilisation d’un mythe : comme pour un univers fictionnel, un jeu doit s’appuyer sur un
mythe fondateur, des codes déjà préétablis, qu’il peut évidemment transformer un peu, mais
en respectant le mythe de départ.27
Comme nous le montre ces caractéristiques, un jeu vidéo permet avant tout à une personne de
s’immerger dans un monde fictionnel grâce à un personnage. Grâce à ce média, l’immersion est
d’autant plus forte que le joueur n’est pas seul. Il peut rencontrer au gré de ses aventures d’autres
personnages et donc par extension d’autres joueurs. Il prend part également dans l’histoire du jeu et
est donc en quelques sortes décisionnaires. Bien sûr, tout cela dépend du type de jeu que l’on étudie,
tous n’offrent pas une aussi grande liberté. Nous prendrons ici deux exemples : l’application officielle
Star Wars et Fruit of the Year 2010 d’Oasis.
L’application Star Wars est sortie quelques temps avant le 7ème
opus, et en ce sens, elle fait
totalement parti du dispositif transmédia de la franchise. Comme nous l’avions précisé plus haut, la
marque utilise constamment les dernières technologies afin de mieux immerger son public dans
l’univers fictionnel. Cette application n’échappe pas à cette règle, et pour cause, à elle seule, elle
permet aux joueurs de co-créer du contenu, même si ce dernier est quelques peu prédéfini par la
marque. En effet, on retrouve dans cette application des mini-jeux immersifs : la visite d’une nouvelle
planète où se déroulera l’action principale du prochain film au moyen de la CardBoard de Google28
, la
possibilité de s’entraîner au sabre laser, la création de musique sur les thèmes de la saga,
l’incarnation de Rebelles ou de Soldats de l’Empire29
, la météo d’autres planètes de la saga, etc. En
27
Vincent Berry, Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communauté et apprentissage,
http://www.omnsh.org/ressources/548/immersion-dans-un-monde-virtuel-jeux-video-communautes-et-
apprentissages, consulté le 15 avril 2016.
28
La CardBoard de Google est une paire de lunettes permettant d’avoir accès à la réalité virtuelle.
29
Les Rebelles sont en quelques sortes les gentils de la saga, tandis que les Soldats sont les méchants.
24
bref, cette application rassemble à elle seule la réalité virtuelle et la réalité augmentée30
, et permet à
ses joueurs de s’immerger dans l’univers fictionnel de la saga, tout en posant les bases d’une
nouvelle trilogie, initiée par le 7ème
opus.
Cette application contient toutes les caractéristiques d’un jeu vidéo que nous avons donné plus tôt,
mais elle mélange également cela avec la réalité augmentée. Par exemple, les joueurs ont la
possibilité de se prendre en photo dans les décors du film pour ensuite partager cela avec le reste de
la communauté. En réalité, tout ce que les joueurs font peut être partagé avec la communauté,
qu’elle soit celle du jeu ou sur les réseaux sociaux. En somme, la marque autorise ses fans à créer de
nouveaux contenus tout en participant à l’univers fictionnel. Ils peuvent prendre part à l’histoire, non
pas en la co-créant et en la changeant, mais en en faisant parti grâce à leurs photos, musiques, etc.
Fruit of The Year 2010 d’Oasis est encore différent. Il ne s’agit pas d’un jeu vidéo au sens strict du
terme, mais d’un événement. Le but est d’élire le fruit de l’année 2010. Chaque personnage-fruit de
la marque est candidat à cette élection, et les électeurs ne sont autres que les fans de la marque. Il
s’agit ici de déterminer, grâce au public, quel personnage-fruit représentera la marque. Cela n’est pas
anodin puisque ce fruit deviendra « Fruisident » mais aussi ambassadeur de la marque. Il sera à
l’affiche d’un film qui lui sera entièrement consacré. Evidemment, la marque n’a pas sorti de dessin
animé, mais une publicité à la gloire de ce fruit.
La campagne se déroule en trois étapes. Lors de la première, les participants doivent voter, sur
Facebook, pour leur fruit préféré. Les cinq meilleurs fruits sont alors incarnés par les participants
dans différents petits jeux : La Chuuute31
où le but est de faire monter le fruit le plus haut possible en
évitant les obstacles grâce à des marchepieds, le grand Plouf dans un jacuzzi, etc. A chaque fois qu’un
joueur utilise son fruit préféré, ce dernier marque des points. Enfin, la finale oppose les deux fruits
ayant marqués le plus de points. Durant cette période, des acteurs déguisés en fruits se joignent à la
foule dans les rues32
pour convaincre les gens. Les fans élisent le meilleur fruit sur Facebook encore
une fois. Leur vote permet de faire monter un candidat, dans le but de lui faire atteindre la lune. Le
premier à l’atteindre est le gagnant.
Suite à cette campagne, « Ramon ta Fraise » fut élu « Fruit of the Year 2010 ». Incarné par un acteur,
le personnage s’est présenté à son public sur les Champs Elysées, dans une limousine. Une vidéo33
de
30
Annexes III objet du corpus : Star Wars, Utilisation de la réalité virtuelle dans l’application officielle Star Wars,
p. X
31
Annexes I objet du corpus Oasis, La Chuuute une des applications d’Oasis, page I
32
Annexes I objet du corpus Oasis, Les fruits d’Oasis se joignent à la foule dans la rue pour Fruit of The Year,p.
VI
33
https://www.youtube.com/watch?v=KaRm-w9SAkE&feature=youtu.be, consulté le 12 janvier 2016
25
cet événement fut mise en ligne sur la chaîne YouTube de la marque. On peut voir cette fraise
entourée d’une foule de fans, et faisant des saluts de la main à son public. Une journaliste relate cet
événement comme s’il s’agissait d’un grand jour très important.
Cette campagne nous montre que le public peut participer au prolongement de l’univers fictionnel
en participant grâce à un système de jeu ingénieux. Mêlant le réel et le virtuel, Oasis a su
récompenser ses fans en leur offrant la possibilité de participer à un événement majeur qui aura une
incidence sur l’avenir de la marque, puisqu’aujourd’hui Ramon ta Fraise est un des fruits les plus
présents dans les publicités de la marque.
Par ces deux exemples nous avons vu qu’un dispositif transmédia permet la co-création de contenus
grâce à la mise en place de jeux. Si chaque marque est libre de décider le type de jeu qu’elle mettra
en place, le plus important est la liberté qu’elle doit accorder à son public. Il doit devenir
décisionnaire, acteur de l’univers fictionnel. Les jeux permettent à chacun une meilleure immersion
dans l’univers fictionnel. Dans notre premier exemple, les joueurs apprennent à connaître les
nouveaux codes qui forgeront la trilogie de la franchise. Notre second exemple permet une meilleure
caractérisation des personnages, incarnés en prime par les participants à la campagne. Ainsi, grâce
aux jeux, ces marques ont fait deux choses en unes : faire participer leur public au prolongement de
l’univers fictionnel tout en leur permettant de mieux le connaître.
2.2 Encourager la participation de son public par des récompenses
Le jeu semble donc être au centre des dispositifs transmédia. Il a en effet cette capacité à immerger
totalement une personne dans un univers fictionnel, par le simple fait que celui-ci devient acteur34
.
Les jeux sont en fait, d’après Dominique Boullier, le seul média capable de combiner la fidélité et
l’alerte. La première est fondée sur des habitudes devenues automatisme. La seconde est fondée sur
l’intensité, le fait qu’un individu peut rester alerte face à un événement et ne pas en détourner son
attention. Selon l’auteur le jeu est en quelques sortes le « Saint-Graal » de l’attention et de la
captation du public :
« C’est par l’activité que se construit et se perçoit le monde, et dès lors l’attention
peut être à la fois intensive et durable, car dans l’action, on sait que l’attention est
34
Dominique BOULLIER, « Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion », Réseaux, 2009,
no
154, pp. 231‑246.
26
nécessairement intermittente, mais elle reste cependant tournée à l’intérieur de
l’univers lui-même, tout en variant de point de focalisation au sein de cet univers.»35
Il est important de noter ici que la captation ne se fait pas pour la marque mais bien pour l’univers
fictionnel qu’elle développe. Le but d’un jeu vidéo n’est pas de faire adhérer à une marque, mais de
faire adhérer à un univers. En ce sens, les marques qui utilisent des stratégies transmédia fidélisent
leur public à leur univers. Mais ces univers sont d’abord construits pour diffuser un message, une
certaine vision du monde de la marque. Ainsi, quand une personne adhère à un univers fictionnel
d’une marque précise, il adhère également à sa vision du monde :
« Les marques sont les vecteurs d'un « univers » : elles ouvrent la voie à un récit fictif,
un monde scénarisé et développé par les agences de « marketing expérientiel », dont
l'ambition n'est plus de répondre à des besoins ni même de les créer, mais de faire
converger des « visions du monde. »36
Grâce au jeu les marques captent donc l’attention de leur public, les détournant de leur chemin
originel37
par un habile système où le spectateur devient acteur et co-créateur de l’image de marque.
Mais plus que tout, le jeu permet une immersion, tout comme le web. Ce nouveau média, rappelle
Dominique Boullier38
, est traversé par des publics habitués au phénomène du zapping. Pourtant, le
web à cette capacité à nous « capter » voire même nous « captiver » car il rassemble plusieurs
médias en un : télévision, jeux vidéo, cinéma, etc. En bref, il rassemble en un seul support tous les
médias immersifs, ce qui lui donne une force de captation dépassant largement celle du cinéma,
pourtant déjà si intense de par son dispositif : nous sommes assis dans le noir, sur un fauteuil
confortablement et le seul point de lumière n’est autre que l’écran, nous obligeant ainsi à tourner
notre attention vers lui. Le web rassemble en réalité les quatre types d’immersions39
:
• L’immersion perceptive : des images nous viennent sans arrêt devant les yeux, accentuée par
la luminosité des écrans ;
• L’immersion narrative : des histoires se construisent sur le web, grâce aux vidéos, jeux vidéo
en ligne et autres narrations ;
35
Ibid, p.241
36
Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La
Découverte., Paris, 2007, p.42
37
Franck COCHOY, La captation des publics : c’est pour mieux te séduire mon client…, Presses universitaires du
Mirail., Toulouse, 2004.
38
Dominique BOULLIER, « Le web immersif », Quaderni, 2008, pp. 67‑80.
39
Ibid.
27
• L’immersion sociale : les communautés ont envahi le web, permettant de rassembler des
personnes ayant les mêmes centres d’intérêt, quel que soit leur localisation dans le monde ;
• L’immersion désirante : le web est en perpétuel mouvement, il s’y passe toujours quelque
chose, et même si certaines informations ne nous intéressent pas, nous les captons quand
même, et sommes curieux de les découvrir.
Le web offre ainsi une immersion complète. Il n’est alors pas étonnant de découvrir que tous les
dispositifs transmédia existants utilisent ce média pour capter l’attention de leur public. L’immersion
désirante est particulièrement intéressante puisqu’elle ajoute la dimension des récompenses.
Lorsqu’on joue par exemple à un jeu en ligne, on est heureux de voir son niveau augmenter, de
trouver un objet rare, de gagner un combat, etc. Cela ne fait qu’accroître le désir de continuer, de
revenir sur le jeu. Les marques ont utilisé cela pour encourager leur public à participer. Si les
systèmes de récompenses sont nombreux et variés, tous ont le même but : capter l’attention du
public pour le pousser à participer.
En ce sens, il n’est nullement besoin de développer des jeux vidéo aux narrations et architectures
complexes puisqu’un simple concours suffit. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, ces derniers
abondent offrant ainsi aux communautés de fans l’occasion de participer tout en tentant de gagner
un objet de leur marque favorite. Si chaque concours est différent tant par son système de jeu que
par ses récompenses, tous apportent à la marque une certaine notoriété et peut même lui permettre
de communiquer sur son univers fictionnel. Nous analyserons ici deux concours différents.
Le premier est celui lancé par Hero Corp en inter-saison 3 et 4, à l’approche de Noël. La date en elle-
même n’est pas anodine, puisque c’est à cette période de l’année que les gens ont l’habitude de
recevoir des présents. Ensuite, le fait ce que soit un concours en inter-saison nous laisse penser qu’il
est fait pour animer la communauté à une période où il n’y a rien de nouveau puisque la nouvelle
saison n’est pas encore diffusée. Ce jeu est très simple, et est annoncé par un message sur Facebook,
relayé également sur Twitter :
Message de la modération d’Hero Corp sur Facebook annonçant un concours
28
La question engage automatiquement une participation des fans. Mais cette dernière peut se faire
simplement au travers d’un message écrit ou d’une photo. Presque toutes les participations mettent
en avant l’humour et le côté décalé de la série. Ainsi, au travers de ce concours Hero Corp s’assure de
deux choses. En premier lieu que les fans sont prêts à communiquer sur leur passion. Leur demander
de faire quelque chose pour que la saison 4 puisse sortir est en réalité un moyen de proposer aux
fans de promouvoir la série. Dans un second temps, la marque s’assure que les fans ont bien compris
les codes de l’univers fictionnel de la série. Et pour cause, la gagnante est sans aucun doute celle qui
a produit la vidéo la plus décalée et la plus drôle de toutes les autres participations.
Oasis développera un autre genre de concours, mêlant quant à lui le jeu vidéo et le web. Face à une
question simple : « Contre qui Mangue Debol combat-il dans le jeu Fruit Fighter d'Oasis ? »40
,
l’internaute n’a d’autres choix, s’il désire participer, que de suivre le lien. On se retrouve alors plongé
dans un jeu vidéo où l’on peut choisir de combattre avec Mangue Debol ou Ramon ta Fraise. La
question nous incitant à prendre le premier personnage, nous cliquons dessus. Nous avons alors trois
rounds pour gagner notre combat face à Chuck Noyauris, le pendant de Chuck Norris. La récompense
n’est autre que de gagner le jeu Street Fighter V, récemment sorti. Ainsi, Oasis offre à sa
communauté de fans une plongée dans son univers fictionnel par le simple fait d’incarner un de ses
personnages-fruits dans un jeu vidéo. C’est une immersion plus poussée que le concours proposée
par Hero Corp mais tout aussi symbolique : la participation au prolongement de l’univers fictionnel
est récompensée. Les marques s’assurent ainsi de capter, et même de captiver l’attention de leur
public et, grâce au partage de ce jeu sur les profils réseaux sociaux des fans, une communication
virale basée sur l’immersion dans l’univers fictionnel.
Par des systèmes différents de jeux et de concours, les marques offrent à leur public une immersion
un peu plus poussée dans leur univers fictionnel. Que ces jeux soient récompensés ou non, le but est
le même : capter l’attention de leur public. En réutilisant les caractéristiques des jeux vidéo dans un
dispositif transmédia, une marque parvient ainsi à instiller à ses fans le désir de continuer à découvrir
l’univers, et de s’y plonger.
3. Brouiller les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux immerger son
public
Cette dernière sous-partie nous montrera toute la force d’un projet transmédia lorsqu’il s’agit de
brouiller les frontières entre la réalité et la fiction. Grâce à l’utilisation de différentes technologies,
40
Annexes I objet du corpus : Oasis, Concours Fruit Fighter d’Oasis, page I
29
mais aussi en détournant l’utilisation habituelle des médias, un dispositif transmédia semble
permettre une meilleure immersion en ancrant l’univers fictionnel dans notre réalité quotidienne.
3.1 ARG et événements dans la réalité au service d’une immersion prolongée
Mais la technologie à elle seule ne saurait faire d’un dispositif de communication habituelle un projet
transmédia. Le plus important est en réalité la convergence de ces médias :
« Elle implique à la fois un changement de la manière dont sont produits les médias
et un changement de la façon dont ils sont consommés. »41
Henry Jenkins nous explique ici que pour qu’un projet transmédia fonctionne, il faut imaginer une
nouvelle manière de consommer les médias. En somme, si l’on doit utiliser les mêmes médias que
n’importe quel autre dispositif de communication, un projet transmédia se doit de « détourner » les
codes des dits médias pour permettre une meilleure création de contenus et une immersion
prolongée. Plus encore, il faut pousser son public à les utiliser différemment.
C’est ce qu’a fait Eric Viennot avec sa fiction totale Alt-Minds. Sorti en 2012, ce jeu est un ARG ou
Alternative Reality Game42
. Il part d’une enquête : 5 scientifiques ont disparu et la société qui les
employait demande l’aide des internautes, en partenariat avec les enquêteurs officiels, pour les
retrouver. Jusque-là, on pourrait croire avoir à faire à un jeu vidéo comme les autres. Sauf qu’il n’est
pas disponible sur console ou sur une seule plateforme. En réalité le dispositif met en cohérence des
médias différents : des sites internet, des journaux, des applications mobiles, des SMS, les réseaux
sociaux, la géolocalisation, etc. Très concrètement, pour pouvoir résoudre l’énigme, chaque joueur
doit faire une veille sur tous les médias et collecter des indices. Mais on peut commencer l’histoire
depuis n’importe quel média. On appelle cela des points d’entrée ou Rabbit Hole43
(la référence à
Alice aux Pays des Merveilles est ici explicite). L’un des principes des ARG est d’offrir justement
plusieurs points d’entrée possibles, assurant ainsi à la marque qui le développe une captation plus
large d’un public. Cela tient également une grande place dans un projet transmédia, puisque le public
doit pouvoir comprendre un univers fictionnel quelques soit le média par lequel il le découvre.
Le jeu annonce 30 flux d’informations par jour, et donc 30 potentiels nouveaux indices. Plus encore,
le jeu est pensé en temps réel, c’est-à-dire qu’à chaque minute, quelque chose de nouveau peut se
passer. Il ne durera que 8 semaines, durant lesquelles les joueurs auront pour mission de retrouver
les scientifiques disparus.
41
Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.36
42
Jeu en réalité alternative.
43
Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », op. cit.
30
Mais si ce temps réel peut être très immersif, il engage un nouveau problème : le temps que chaque
personne peut consacrer au jeu. Eric Viennot l’avouait lui-même dans un de ses interviews44
, c’est le
paramètre le plus compliqué à gérer puisque Alt-Minds rassemblait plusieurs types de joueurs, du
casual gamers45
au hard gamers46
. Rassembler sous la même bannière des profils si disparates n’est
pas facile. Même si le jeu offre la possibilité de rattraper le temps réel en rejouant des scènes, le
challenge n’est pas le même puisque les réponses à ces énigmes ont déjà été trouvées par d’autres. Il
est donc important de toujours garder à l’esprit le temps d’investissement qu’un projet transmédia
pourra demander au public, et celui que chacun est prêt à investir.
Néanmoins, Alt-Minds est particulier puisqu’il brouille les frontières entre la réalité et la fiction. En
effet, il bouleverse les codes des médias utilisés pour faire de l’histoire quelque chose de réel, qui
s’est vraiment déroulé. L’immersion en est d’autant plus importante que les joueurs en viennent à se
prendre pour de réels enquêteurs puisque les réponses qu’ils trouvent ont une incidence sur la suite
du jeu. De plus, grâce à des événements IRL47
, les joueurs peuvent rencontrer des personnages du
jeu, se voir confier des enveloppes contenant des indices, se rendre dans des lieux importants pour
l’histoire, etc. C’est ce qui fait d’Alt-Minds une fiction totale, capable d’investir des lieux de notre vie
quotidienne pour le bien de l’histoire. Mieux encore, les joueurs pouvaient recevoir un SMS ou un
appel d’un des personnages à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. On offre ainsi une
immersion prolongée dans l’univers fictionnel, en brouillant les frontières entre la réalité à la fiction.
Cette fiction totale suit donc les conseils d’Henry Jenkins en investissant différemment chaque
média. Pour cause, même les journaux se sont emparés du phénomène en faisant des articles sur le
transhumanisme, principal sujet de recherche de l’entreprise phare du jeu. En même temps de
plonger les joueurs dans un univers fictionnel donné, Alt-Minds leur offrait aussi la possibilité de
découvrir un courant scientifique tout ce qu’il y a de plus réels. Les joueurs également investissait
chaque média de manière différente : là où avant ils lisaient les journaux pour s’informer sur un fait
particulier, maintenant ils les lisent pour en apprendre plus sur l’univers fictionnel du jeu. Il en est de
même avec les événements IRL où, au lieu de se rendre quelques parts pour visiter, on s’y rendait
pour trouver un indice.
Mais encore une fois, si beaucoup peuvent se prêter au jeu, il ne faut pas oublier son public pour
autant, et c’est sans doute une méconnaissance de ce dernier qui a entraîné un succès plutôt mitigé
44
http://leblogdocumentaire.fr/alt-minds-retour-dexperience-avec-eric-viennot/, consulté le 10 juin
2016
45
Joueur occasionnel
46
Joueur expérimenté.
47
In Real Life
31
au jeu. Ses difficultés tiennent notamment dans l’utilisation du temps réel. Si ce dernier est un
moteur de plus pour immerger un public, il est aussi un frein pour une partie qui ne souhaite pas trop
s’investir. De la même manière, l’utilisation des SMS ou appels et des lieux réels peut être un frein
supplémentaire. Dans le premier cas, il s’agit de demander à des gens leurs numéros de téléphone
privé, ce qui peut entraîner une certaine méfiance. Dans le second cas, on demande en plus un
investissement financier puisque les joueurs devront se déplacer pour avoir accès à certains indices.
Si ces deux choses ne sont pas obligatoires pour avancer dans le jeu, elles permettent de faciliter la
progression. Il est donc utile de rappeler que pour tous dispositifs transmédia, des freins peuvent
entraîner une méfiance du public et au final une utilisation partielle du dispositif.
Ajoutons à cela un flux d’information important, obligeant un investissement de chaque instant, et
nous pouvons obtenir une « infobésité » qui poussera certaines personnes à abandonner le jeu et
donc le dispositif.
Pour autant, l’investissement de la réalité par un dispositif transmédia permet une immersion
prolongée, comme nous l’avait démontré le jeu « Fruit of the Year 2010 » d’Oasis. Néanmoins,
certaines franchises choisissent d’organiser des événements transversaux non pas en rapport avec
l’univers fictionnel mais avec les codes qu’il développe. Hero Corp fait cela grâce à des matchs
d’impro. Il est ici question d’un affrontement entre deux équipes, l’une d’entre elles étant composée
d’acteurs de la série. Les joueurs s’affrontent sur un thème et doivent improviser des situations
comiques. L’équipe la plus drôle et respectant le plus le thème remporte la manche. Ces événements
se déroulent à travers toute la France et sont une occasion, pour les fans, de rencontrer et de
discuter avec l’équipe de la série. Mais nous reviendrons sur ce point en seconde partie.
Il est important de noter ici la nature de cet événement, ainsi que des autres organisés par l’équipe
de la série. Si les matchs d’impro sont réguliers et courants, nous relevons également des séances de
dédicaces, mais aussi des apéritifs48
. Encore une fois, ce dernier événement met en avant les codes
de l’univers fictionnel. En effet, lors de la première saison, les personnages se retrouvent de temps
en temps dans le café du village où ils peuvent discuter de leurs missions. Les acteurs d’Hero Corp
invitent donc les fans à faire partie, dans un cadre différent, de cet univers. Quant aux matchs
d’impro ils relèvent le genre de la série : la comédie et l’absurde. Si ces événements ne sont pas
directement liés à l’univers fictionnel, ils participent de son prolongement, ou plutôt du
prolongement de ses codes et de ce qu’il souhaite communiquer :
48
Annexes II objet du corpus : Hero Corp, Tweet annonçant un apéritif avec l’équipe de la série, p. VIII
32
« Je pense aussi que c’est l’univers de la série qui permet ça, elle met en scène des
gens assez proches de nous, de notre quotidien. 49
»
Ce fan le dit lui-même, le fait que l’univers fictionnel mette en scène des personnages du quotidien,
que l’on pourrait retrouver dans notre vie de tous les jours, encourage les événements de ce type et
les font voir comme s’ils étaient normaux et allant de soi.
Ainsi les ARG et événements transversaux permettent une meilleure immersion dans l’univers
fictionnel, captant l’attention du public avec plus de force puisque cela engage une participation plus
poussée. Néanmoins, ce genre de dispositif a son inconvénient dans le sens où cela peut exclure une
partie des personnes n’ayant pas l’envie ou les moyens de s’investir avec autant de force. Par
ailleurs, ils sont inhérents à un dispositif transmédia et d’autant plus importants qu’ils brouillent les
frontières entre la réalité et la fiction.
3.2 Le détournement des codes médiatiques pour mieux brouiller les frontières
Ce brouillage des frontières est fondamental lorsqu’on parle de transmédia puisqu’il est garant de
l’immersion. Ainsi, le transmédia est appelé Deep Media par Frank Rose50
parce que ce dispositif
permet de créer une expérience immersive et participative. Car la clé d’un projet transmédia est bien
là : permettre au public de participer au prolongement de l’univers fictionnel. Mais avant cela, il faut
pouvoir capter son attention. Nos deux premières parties ont fait l’objet de ce sujet. Maintenant,
nous parlons d’immersion. Si les stratégies sont diverses et variées pour ce faire, la clé de voûte de
tout cela est bien le brouillage des frontières entre la réalité et la fiction. « Fruit of the Year 2010 »
d’Oasis entamait déjà cela puisque les personnages-fruits de la marque se sont rendus bon nombre
de fois auprès du public. La caractérisation même des personnages et leur mise en scène poussait le
public à les penser comme réels. Alt-Minds faisait la même chose en invitant les joueurs à se déplacer
et à recevoir des SMS sur leur téléphone.
Pour aller plus loin, certaines franchises proposent aussi à leur public de s’immerger dans leur
univers narratif tout en leur offrant la possibilité de le prolonger. Pour cela, les industries narratives
détournent souvent les codes médiatiques. C’est le cas de la campagne de promotion du film
49
Annexes IV, Retranscription des entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXIX, réalisé
en mai 2016
50
Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques
immersives », http://www.inaglobal.fr/numerique/article/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-
logiques-immersives, consulté le 14 octobre 2015
33
Amazing Spider Man. Marvel, la société de production de ce film, a utilisé le transmédia pour
promouvoir un nouvel opus tout droit sorti de son univers fictionnel aux ramifications complexes.
Le dispositif de promotion détournera tout du long les codes médiatiques connus par le public
familial. La campagne commence par l’annonce d’un personnage, le Capitaine Stacey, dans une
chaîne de télévision nationale. Il demande aux gens de l’aider à capturer Spider Man. Cette vidéo est
construite comme un reportage sorti d’un journal télévisé : bandeau avec le nom du personnage et
sa fonction, sous-bandeau avec les nouvelles qui défilent, micro-trottoir et questions du journaliste.
La campagne est entièrement construite de cette manière : un site internet où les internautes
peuvent déposer leurs photos du super-héros (il s’agira en fait de photos de fans déguisés et se
mettant en scène dans des lieux différents), le site internet d’Oscorp Industrie où une rubrique
enjoint les fans à postuler pour devenir stagiaire, un blog qui donne les dernières nouvelles de la trac
du super-héros, etc. Tout ceci sera ponctué par des vidéos détournant les codes des journaux
télévisés. Ainsi, la franchise Marvel parvient à rendre plus que réel son personnage de Spider Man
mais aussi les autres personnages qui évolueront tout au long du film.
Il faut par contre se rappeler les moyens financiers d’une telle franchise, à même de mettre à
disposition plusieurs millions d’euros pour développer des sites internet et des vidéos qui
soutiendront l’objectif visé. Mais il n’est nullement besoin de déployer tant de moyens pour faire
qu’une stratégie transmédia brouille les frontières entre la réalité et la fiction. Le Projet Blair Witch
en est l’exemple même. Film d’horreur américain sorti en 1999, la campagne de promotion et le film
en lui-même bouleverseront tous les codes du film d’horreur dans un but précis : faire adhérer à
l’histoire, la rendre le plus réel possible. Tout commence avec le synopsis :
« En octobre 1994, trois jeunes cinéastes, Heather Donahue, Joshua Leonard et
Michael Williams, disparaissent en randonnée dans la foret de Black Hill au cours d'un
reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouvé le film de leur enquête. Le
Projet Blair Witch suit l'itinéraire éprouvant des trois cinéastes à travers la forêt de
Black Hills et rend compte des événements terrifiants qui s'y sont déroules. A ce jour,
les trois cinéastes sont toujours portés disparus 51
»
Comme nous le montre ce résumé, le film est présenté comme un documentaire. On nous parle ici
d’un « film » qui retrace la péripétie de 3 étudiants partis faire un reportage sur la sorcière de Blair.
Le synopsis en lui-même brouille donc les frontières entre la réalité et la fiction.
51
Source Allocine : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=20268.html, consulté le 10 mai 2016
34
La bande-annonce52
jouera le même rôle. Dès les premières secondes, on sent le côté artisanal du
film: un fond gris foncé, la date de sortie du film en plein milieu de l’écran semble bouger un peu,
comme s’il s’agissait d’un simple carton posé devant la caméra. On distingue également des petits
points blanc sur tout l’écran, synonyme souvent de vieux films en noir et blanc. Durant 37 secondes,
le spectateur est plongé dans l’univers du film : champs lexical de la magie, fond sonore angoissant,
étudiante apeurée.
Mais le dispositif ne s’arrête pas là puisqu’ils ont également développé un site internet53
entièrement
dédié au film. Véritable plaque tournante du projet, le site internet débute par un petit plan sur une
des actrices, montrant sa maison où elle travaille sur le projet de la sorcière de Blair. Ensuite, un
menu blanc auréolé d’une lumière apparaît sur un fond noir :
• Mythology : nous trouvons ici toute une série de faits reprochés à la sorcière de Blair. Ils remontent
jusqu’à la fin du XVIIIème siècle et relatent des disparitions, morts mystérieuses ou apparitions
surnaturelles de la sorcière. Les liens nous mènent vers des images, des peintures, des photos ou des
sons censés attestés de la véracité de ces propos.
• Filmmakers : loin d’être une biographie des auteurs, on nous présente ici des photos des acteurs,
ensemble, en cours, en train de travailler. Bref, on les expose dans leur vie quotidienne comme on
aurait pu le faire sur les réseaux sociaux, à ceci près qu’ils n’existaient pas encore à l’époque.
• The Aftermath : c’est l’onglet qui brouille le plus les frontières entre la réalité et la fiction. On peut
y trouver des photos de la police en plein travail de recherche pour retrouver les étudiants, des
interviews des parents, un reportage sur des chaînes de télévisions, des coupures de presse, etc.
• Legacy : on retrouve ici des preuves de la véracité du « film » : photos des étudiants avant leur
disparition, dans la forêt, des sons ambiants de la forêt, le journal intime d’un des acteurs, etc. En
somme, tout est fait pour montrer que ce film n’en est pas un.
Le site internet assoie donc la stratégie de la production du film. Tous ces éléments réunis laissent
planer le doute, le spectateur pense alors qu’il ira voir un documentaire et non pas un film romancé.
Ce dernier ne fera qu’accentuer cette impression. Tourné en caméra porté et avec ce qui semble être
un simple micro, et un traitement minimaliste de l’image, on sera porté par les péripéties des 3
étudiants, vivant de près tout ce qu’ils ont pu voir. En somme, le film nous plongera encore plus dans
l’intrigue de par un point de vue interne.
Le Projet Blair Witch ne coûtera que 65 000$, campagne marketing comprise. Au total, il remportera
118 millions de dollars lors de son premier été aux Etats-Unis. C’est sans conteste un succès
cinématographique du non pas à la qualité du film, mais bien à son dispositif transmédia. Pour cause,
52
Source Allocine : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=20268.html, consulté le 10 mai 2016
53
http:/www.blairwitch.com/, consulté le 11 mai 2016
35
dès le lancement de cette campagne, les internautes se sont emparés du phénomène et ont tenté de
trouver des indices sur internet afin de retrouver les étudiants disparus54
.
Ainsi, nous avons vu ici que brouiller les frontières entre la réalité et la fiction permet une meilleure
immersion dans l’univers fictionnel. Si les ARG et les événements IRL y participent, le détournement
des codes médiatiques fait également une différence dans l’expérience qu’un dispositif transmedia
peut offrir.
Cette première partie nous a montré qu’un projet transmédia devait son succès à plusieurs choses.
Les personnages sont centraux dans ces stratégies puisqu’ils permettent au public de s’identifier à
l’univers et de le découvrir. Sans eux, l’attractivité serait moins importante. Il faut, pour qu’ils
captent l’attention du public, qu’ils soient développés comme des personnages de série, évoluant au
gré de leurs aventures. L’immersion dans l’univers fictionnel sera d’autant plus importante que ces
personnages seront caractérisés. Si à eux seuls ils ne peuvent faire tout le travail de captation, leur
mise en scène sera un second palier dans la recherche d’une immersion poussée. Pour cela, chaque
média doit être utilisé avec réflexion en tenant compte des codes de l’univers développé, mais aussi
de la finalité de chaque média. Interdépendants les uns des autres, ils ne doivent pas perdre le public
mais leur permettre de s’immerger dans l’univers fictionnel développé. Pour cela, la plupart des
marques développent des stratégies ludiques souvent récompensées. Le jeu est une part importante
d’un projet transmédia puisqu’il permet de faire deux choses : permettre au public de participer au
prolongement de l’univers et l’immerger dans ce dernier. Les ARG sont une sorte de « Saint-Graal »
du jeu puisqu’ils brouillent les frontières entre la réalité et la fiction, permettant aux joueurs
d’incarner un personnage sorti de l’univers fictionnel dans sa vie quotidienne. Utilisant tous les
médias dont il peut avoir besoin, il détourne les codes médiatiques habituels pour faire adhérer les
joueurs à l’univers narratif. Ce brouillage des frontières est aussi un des piliers d’un projet
transmédia puisqu’il l’ancre dans notre réalité et le rend d’autant plus attractif. Néanmoins, il n’est
nullement besoin de faire appel à toutes les ressources technologiques que compte notre monde. Il
faut s’accorder avec son public, mais surtout avec les codes de l’univers développé. Parfois, comme
nous l’a montré l’analyse du dispositif du Projet Blair Witch, un dispositif simple peut servir l’univers
fictionnel avec tout autant d’efficacité qu’un dispositif bardé de technologies.
54
Source : http://www.transmedialab.org/the-blog/case-study/the-blair-witch-project-une-reference-
transmedia/, consulté le 10 mai 2016
36
II Des stratégies de communication différentes pour se rapprocher de son
public
Si la captation du public est primordiale pour qu’un projet transmédia fonctionne, sa finalité est bien
de permettre de construire une relation durable avec son public. S’inspirant du marketing
expérientiel et relationnel, le transmédia, comme nous le verrons tout au long de cette partie, peut
permettre à une marque de se rapprocher de son public, et surtout de co-construire avec lui son
identité et son image. Bien plus qu’une stratégie de communication visant à convertir les
consommateurs, le transmédia permet de les engager et de les fidéliser.
1. De l’importance des réseaux sociaux pour construire une communication de
proximité
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui au centre de bon nombre de stratégies de communication. Le
transmédia n’échappe pas à cette règle. Ces outils permettent en effet de mieux brouiller les
frontières entre la réalité et la fiction en permettant une mise en scène des personnages de l’univers
fictionnel. De la même manière, nous montrerons qu’ils peuvent permettre de construire une
relation durable avec son public, même si pour autant ils ne se sentent pas plus proche de la marque
initiant l’univers fictionnel.
1.1 La mise en scène des personnages au service d’une communication de proximité
Nous l’avions longuement développé en première partie, les personnages sont centraux lorsqu’il
s’agit d’immerger un public dans un univers fictionnel. Ils permettent à chaque spectateur de
s’identifier à l’un d’eux et donc, par extension, d’adhérer à l’univers fictionnel. Pour cela, il faut les
mettre en scène. Si n’importe quel média peut faire cela, les réseaux sociaux permettent de rendre
réel certains personnages, ou tout du moins de leur donner la parole. Ainsi, ce ne sera plus la marque
qui parlera, mais bien les personnages qu’elle aura créés, jouant ainsi un rôle de médiateur entre la
marque et son public. Les réseaux sociaux font entièrement parti de ce marketing relationnel et
expérientiel. Leur but est bien de créer et de fidéliser une communauté autour des valeurs d’une
marque :
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.
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Transmédia storytelling et relations entre les marques et leurs publics.

  • 1. École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne 77, rue de Villiers 92200 Neuilly tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47 45 66 04 www.celsa.fr Ecole des mines d’Alès –Site de Nîmes, Parc scientifique Georges Besse – 30035 Nîmes cedex 1 Tél : +33 (0)4 66 38 70 52 – www.mines-ales.fr Master professionnel Mention : information et communication Spécialité : Médias et Communication Option : Communication et Technologie Numérique Le transmédia storytelling, un dispositif qui bouleverse les relations entre les marques et leur public Responsable de la mention information et communication Professeure Karine Berthelot-Guiet Tuteur universitaire : Pauline Chasserey Peraldi Nom, prénom : Forestier, Mégane Promotion : 2015-2016 Soutenu le : Note du mémoire :
  • 2. 2 Remerciements Avant de faire découvrir mon texte aux lecteurs, il convient de remercier les personnes qui m’ ont aidées à mettre en œuvre ces recherches. Tout d’abord, je tiens à remercier mes rapporteurs : Marion Rollandin, rapporteur universitaire, pour m’avoir toujours poussée à creuser mes analyses et à prendre du recul, Yannick Vernet pour son point de vue professionnel, ancrant ainsi toujours mieux ce mémoire dans un terrain réel, sans cesse en mouvement. Je remercie ces deux personnes d’avoir compris que ce mémoire était bien plus pour moi qu’un exercice universitaire. En effet, ces recherches m’ont permis de devenir experte en transmédia, concrétisant ainsi mon projet professionnel et me permettant de gagner des compétences particulières. Mais ce mémoire ne saurait exister sans ces personnes qui, chaque jour, se font un devoir d’inventer de nouveaux dispositifs de communication et de création de contenus. Par-dessus tout, ces professionnels qui développent chaque jour des univers étendus me fournissent pléthore de nouvelles idées et de nouvelles analyses. Enfin, je remercie les fans qui ont accepté de répondre à mes questions. Sans eux, ce mémoire n’aurait pas pu exister puisqu’un dispositif transmédia s’adresse d’abord à eux. Je les remercie de leur bonne volonté, leur bonne humeur mais surtout pour m’avoir permis de mieux comprendre ces communautés et leurs enjeux.
  • 3. 3 Table des matières Remerciements ..................................................................................................................................2 Introduction.......................................................................................................................................5 I Construire un univers fictionnel étendu et permettre la co-création de contenu pour séduire son public ...............................................................................................................................................14 1. Immerger son public dans un dispositif éclaté sur plusieurs médias...........................14 1.1 De l’importance des personnages pour capter l’attention du public................................14 1.2 Savoir utiliser les médias adéquat pour construire un univers fictionnel cohérent...........18 2. La co-création de contenu par le jeu : quand les marques ne contrôlent plus leur public................................................................................................................................22 2.1 Mieux connaître l’univers fictionnel en participant à son prolongement...............................22 2.2 Encourager la participation de son public par des récompenses...........................................25 3. Brouiller les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux immerger son public .28 3.1 ARG et événements dans la réalité au service d’une immersion prolongée...........................29 3.2 Le détournement des codes médiatiques pour mieux brouiller les frontières ........................32 II Des stratégies de communication différentes pour se rapprocher de son public..........................36 1. De l’importance des réseaux sociaux pour construire une communication de proximité ..........................................................................................................................36 1.1 La mise en scène des personnages au service d’une communication de proximité ..........36 1.2 Entre transparence et communication énigmatique : trouver sa stratégie pour se rapprocher de son public...........................................................................................................40 2. De la difficulté de mettre en récit sa communication pour attirer son public .............43 2.1 Construire une communication aussi cohérente que l’univers fictionnel..........................43 2.2 Innover tout en restant compréhensible et accessible.....................................................47 3. Entre promotion et immersion dans les codes de l’univers fictionnel.........................51 3.1 Communiquer sur les codes de l’univers fictionnel pour attirer son public.......................51 3.2 Le discours d’accompagnement des dispositifs transmédias pour mieux lier chaque média 55 III La construction de communautés de fans soudés autour des codes de l’univers fictionnel.........59 1. Faire partie d’une communauté de fans : un sentiment individuel poussé par le collectif.............................................................................................................................59 1.1 Le partage de sa passion au travers des technologies et de son discours ........................59 1.2 Afficher sa passion grâce à la collection de produits dérivés...........................................62 2. L’engagement des fans pour la survie et la pérennisation de l’univers fictionnel .......66
  • 4. 4 2.1 Allez plus loin dans la participation : faire des dons........................................................66 2.2 Partager les codes de l’univers fictionnel : Compotes, HeroCopains et famille Star Wars.69 3. Méta-discours et réappropriation des codes de l’univers fictionnel : co-création de contenus et éclatement des communautés de fans ..........................................................74 3.1 Les fan-fictions ou la réappropriation de l’univers fictionnel...........................................74 3.2 Les guerres de « chapelle » au sein des communautés de fans .......................................77 Conclusions et recommandations professionnelles .........................................................................81 Bibliographie....................................................................................................................................86 Ouvrages scientifiques ......................................................................................................86 Articles scientifiques .........................................................................................................86 Webographie ...................................................................................................................................87
  • 5. 5 Introduction Depuis l'avènement du web 2.0, de nouveaux outils de communication ne cessent d'apparaître, les relations entre les marques et leurs publics évoluent, ces derniers prenant de plus en plus de pouvoir. A côté de cela, nous vivons dans un monde d'image et de publicité. Les consommateurs ne prêtent plus attention aux publicités habituelles ni aux affiches qui se trouvent sur leur chemin. Les marques doivent sans cesse innover pour pouvoir capter leur attention. Inconstants, ils ne s'attachent plus aux marques comme ils pouvaient l'être il y a quelques années, changeant selon leur bon vouloir, mais surtout selon l'image qu'ils se font de celles-ci. Car aujourd'hui, l'image d'une marque est devenue plus importante même que ses produits ou service, comme nous l'expliquait si bien Christian Salmon : « […] il faut que la marque retrouve une identité forte et cohérente qui parle aussi bien aux consommateurs qu'aux collaborateurs de l'entreprise […] et condense dans un récit cohérent tous les éléments constitutifs de l'entreprise : son histoire, la nature des produits qu'elle fabrique, la qualité du service à la clientèle, les relations de travail, le rapport à l'environnement,... »1 Les marques doivent donc raconter des histoires pour espérer capter l'attention de leur public. Plus encore, elles doivent développer ces histoires en fonction de leurs valeurs et des messages qu'elles désirent faire passer aux consommateurs. C'est le storytelling, un nouvel outil de communication utilisé de plus en plus sur le marché de la publicité. Il descend directement du marketing expérientiel et du marketing relationnel, ayant pour but de forger des relations pérennes avec les clients en leur offrant des expériences nouvelles et interactives. Car nous sommes bel est bien dans l'ère de l'interaction. Les marques tentent alors de se rapprocher de leurs consommateurs et de les fidéliser en leur offrant des expériences inédites, et en optant pour une communication de proximité. Le storytelling semble être le nouvel eldorado des marques, un outil qui leur permettra d’attirer leur public, de capter leur attention et surtout de le fidéliser. Car au travers de cette mise en récit des messages, les marques espèrent pouvoir se démarquer de la concurrence et parvenir à mieux communiquer qu’une publicité habituelle. Cela ne signifie pas pour autant qu’une telle chose est possible ou bien simple à mettre en application, mais nous pouvons trouver sur la Toile pléthores d’articles vantant les mérites de telles stratégies, sans pour autant mettre en avant leur complexité. 1 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte., Paris, 2007, p34
  • 6. 6 Les industries culturelles, sous l'impulsion des grands studios Hollywoodien, ont été les premières à développer des stratégies de captation et de fidélisation des publics. Il faut dire qu'il est bien simple, pour une œuvre culturelle, de capter l'attention du public étant donné que les personnages et l'histoire existent déjà, ce qui n’est pas le cas pour une marque. C'est ainsi que Matrix est devenu un univers, un monde2 , plutôt qu'une saga de science-fiction. Les frères Wachowski, réalisateurs de la trilogie, ont développé un univers fictionnel éclaté sur plusieurs médias, chaque nouvel outil apportant un détail en plus sur ce monde, permettant de mieux le comprendre et de mieux l'appréhender. Grâce aux jeux vidéo, au cinéma et au web, ils ont pu faire de Matrix un univers infini, qui pouvait être prolongé pour l'éternité. Force est de constater que cette stratégie a fonctionné, puisque près de vingt ans après, le film est encore sur toutes les bouches, et sa communauté de fans toujours aussi importante et engagée2 . Cette stratégie fut nommée par Marcha Kinder en 1990 : le transmédia. Plus tard, le chercheur Henry Jenkins expliquera dans son livre Convergence Culture3 que cet outil est le nouvel eldorado des industries culturelles et médiatiques, mais qu'il représente aussi un bouleversement dans les relations entre les communautés de fans et ces mêmes marques. Car cet outil n'implique pas uniquement de créer un univers fictionnel infini, mais aussi de faire participer son public à son prolongement. Il s'agit de co-création de contenus, entre un public d'amateurs passionnés et des équipes de professionnels, souvent fiers de leurs créations et peu désireux de les partager. A cela s'ajoute le fait qu'aujourd'hui le public passe d'un média à un autre avec une grande facilité, notamment les plus jeunes. Cela implique donc que des métiers et des secteurs d'activités se rassemblent pour travailler ensemble à des projets d'envergures sur plusieurs médias. La question de ce bouleversement dans le cloisonnement des activités professionnelles pourrait être un sujet à part entière d'enquête, mais il ne nous concernera pas directement ici. Il est cependant important de l'introduire afin que le lecteur puisse mesurer la complexité d'un projet transmédia. Henry Jenkins le définissait de cette manière : « Une audience est immergée dans un univers à travers une multitude de points d'entrée, donnant ainsi une expérience complète et coordonnée d'une histoire.»3 2 David PEYRON, « Quand les oeuvres deviennent des mondes » Une réflexion sur la culture de genre contemporaine à partir du concept de convergence culturelle », Réseaux, 2008, vol. 2, no 148-149, pp. 335-368. 3 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Collin., Paris, 2013, p.30.
  • 7. 7 Il s'agit donc en premier lieu d'immersion du public dans un univers fictionnel, on doit lui offrir une réalité alternative intéressante, en même temps ancrée dans notre réalité, et en même temps fictionnelle. Nous reviendrons sur ce point en premier partie, mais il est important de le garder à l'esprit. Il y a également une dimension de multitude. En effet, le propre du transmédia est de pouvoir décliner une histoire sur plusieurs médias. Mais le public doit pouvoir comprendre cette histoire et les messages qu’elle véhicule, même s'il n'y entre pas par le média central. Autrement dit, et pour donner un exemple, si nous jouons à un jeu vidéo Marvel, nous devons pouvoir comprendre les grandes mythologies qui forgent cet univers. Enfin l'auteur met en avant la complétude d'une telle histoire. Cela ne nous semble pas juste puisque le propre d'un univers fictionnel transmédia est justement de ne pas être achevé, de pouvoir être décliné à l'infini. En revanche, la coordination de l'histoire entre les différents médias est primordiale. Chaque nouvelle histoire doit être cohérente avec les autres. Dans cette définition, Henry Jenkins oublie une caractéristique très importante du transmédia, qui est la participation de son public. En effet, pour immerger le public et pour que l'univers fictionnel puisse être prolongeable, sa participation est indispensable. Afin qu’une telle stratégie apporte une valeur ajoutée à tout autre dispositif de communication, la co-création de contenu y est centrale. Un projet transmédia ne peut exister sans son public, sans ses fans, que nous définirons un peu plus loin dans cette introduction. Si nous devons ici tenter une métaphore pour définir ce qu’est le transmédia, nous parlerons d’une toile d’araignée. Chaque fil représente un média, un mini-récit développé indépendamment des autres. La somme de tous ces fils formant l’univers fictionnel, qui peut alors continuer à grandir au gré de nouveaux récits rajoutés par les auteurs ou même le public. Au centre de cette toile, nous retrouvons un récit principal, source de l’univers fictionnel, celui vers lequel tous les autres fils tendent. La fonction des autres fils est de rajouter de la force et de la complexité au centre de la toile. Ce sont les petits fils qui permettent de rajouter de la profondeur et de la grandeur à la toile qui vient se former dans le temps. Une personne prise dans cette toile ressentira chaque remous, chaque changement des fils qui lui apporteront de nouvelles informations, une connaissance plus approfondie de l’univers fictionnel. Plus que tout, cette personne pourra participer à étendre l’univers puisqu’elle sera en mesure de rajouter des fils, telle une araignée construisant une nouvelle toile sur une ancienne. Car dans une stratégie transmédia, il n’y a pas qu’une seule araignée pour construire cette immense toile, mais plusieurs qui permettent de rajouter de la force à l’ensemble. Il semble alors difficile d'adapter cet outil de communication aux marques, étant donné que les univers fictionnels n'étaient jusqu'alors développé que par des industries culturelles. Pourtant, le transmédia storytelling peut constituer un outil au service des marques, un outil qui leur permettrait de se démarquer de la concurrence. Avec les nouveautés technologiques en matière de réalité
  • 8. 8 virtuelle, ce dispositif évoluera sûrement encore, immergeant de plus en plus les personnes dans ces univers, leur donnant la possibilité de participer et d'incarner en virtuel des personnages qu'ils ne peuvent faire vivre dans la vie quotidienne. Mais les marques sont encore loin d'une telle chose, et doivent déjà se familiariser avec le concept de base si elles veulent attirer et garder leurs consommateurs. Le transmédia storytelling pose très clairement la question des relations entre une marque et son public à l'heure où il leur est de plus en plus difficile de les contrôler. Ce sujet semble donc pertinent dans le cadre d'un mémoire de recherche en communication numérique, et suit la logique de nos recherches précédentes sur les relations entre les communautés de fans sur internet et les industries culturelles4 . Avec internet, les marques ne peuvent plus ignorer leurs publics, ni ne plus leur répondre sans en subir de lourdes conséquences5 . Les publics se rassemblent de plus en plus en communautés « virtuelles », usant de leurs pouvoirs de premier consommateur et fan pour influencer les industries culturelles. On peut donc imaginer que les marques peuvent subir le même sort. D'ailleurs, combien de scandales ont éclaté ces dernières années dans les médias concernant telle ou telle entreprise qui n'avait pas un comportement citoyen responsable ? L'image des marques est devenue aujourd'hui plus importante que les produits qu'elle vend ou que les services qu'elle peut rendre. Cette dernière peut se définir par ce que la marque montre de ses valeurs, mais surtout par la vision du monde qu'elle offre à ses consommateurs6 . Nous ne sommes plus dans une ère de performance pour les marques, mais dans une ère d'identité, dans ce qu'elles peuvent communiquer d'elles à leurs clients. Les valeurs d'une marque sont prépondérantes à ses services, et la manière dont elles communiquent peuvent changer les relations qu'elles entretiennent avec leur public. C'est de cela que nous traiterons dans ce mémoire : De quelle manière le transmédia storytelling bouleverse-t-il les relations entre les marques et leurs publics, pour les rassembler dans des communautés soudées autour des codes de l’univers fictionnel ? Le transmédia storytelling implique donc l'existence (ou l'apparition) de communautés de fans. Nous entendons ce mot dans son sens large, c'est-à-dire, des groupes d'individus qui se rassemblent et 4 Mégane Forestier, Les relations entre les communautés de fans de séries télévisées sur internet et les industries culturelles : étude de cas de communautés de fans de Supernatural, Université Lumière Lyon II, Lyon, 2015. 5 Benoît Heilbrunn, « Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque », Revue française de gestion 2003/4 (no 145), p. 131-144 6 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, op. cit.
  • 9. 9 partagent des centres d'intérêts. Le terme de fan n'est pas ici à penser uniquement sous son appellation de « fan d'une œuvre culturelle ou d'une vedette », mais aussi dans le sens d'un « fan d'une marque ». Si les définitions de cette notion sont nombreuses, nous en retiendrons deux : «[Les fans constituent] le segment le plus actif du public des médias : ils refusent d'accepter tel quel ce qui leur est donné et revendiquent le droit à être un participant à part entière. »7 « Les fans acquièrent avec l’objet de leur passion un sentiment d’affinité et de proximité qui ne saurait se comparer à la sincérité ponctuelle et surfaite de l’auditeur d’un jour. »8 L’auteur pose ici trois caractéristiques principales des fans. Tout d'abord leur désir de participer au prolongement de leur objet de passion. Ensuite, le fait qu'ils sont capables de prendre du recul et d'avoir un esprit critique pour se réapproprier les codes de cet objet. Et enfin, leur expertise, leur affinité et le sentiment de proximité qu'ils ont avec lui. En somme, les fans permettent à une marque ou une œuvre culturelle d'exister et de se développer. De par le fait qu'ils en sont les premiers consommateurs, les entreprises doivent prendre en compte ces caractéristiques pour les toucher, et surtout pour les fidéliser. Car plus important encore, les fans sont les premiers acheteurs, ceux qui permettent à une œuvre ou une marque de durer. Sourds aux critiques et moqueries d’autres personnes, ils se font presque un devoir de contribuer à l’amélioration et à la notoriété de leur objet de passion. Le transmédia storytelling permet, selon nous, la constitution de ces communautés de fans. Nous partirons donc, pour répondre à notre problématique énoncée plus haut, de trois hypothèses. Dans un premier temps, nous montrerons que le transmédia storytelling permet une participation plus aboutie de son public grâce à une immersion complète dans un univers fictionnel et à l'utilisation d'une dimension ludique. Le jeu y aura une grande place puisqu’il est ce par quoi les fans peuvent se réapproprier les codes de l’univers fictionnel mais plus que tout, le jeu permet une immersion encore plus poussée dans le dit univers, comme nous l’expliquait Vincent Berry : « On parle communément d’immersion comme d’une plongée dans l’eau, pour évoquer ainsi l’idée d’une expérience forte, absorbante, monopolisant toute l’attention de l’utilisateur ou du consommateur. » 9 7 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.166 8 Ibid, p.166
  • 10. 10 Selon nous, c’est grâce à ces expériences d’immersion qu’un projet transmédia permet de capter l’attention de son public. Or, avant d’espérer fidéliser un public, il faut commencer par attirer son attention. Vincent Berry explique très bien ici que grâce aux jeux, et notamment aux jeux vidéo, une personne devient captive de l’univers. Bien sûr, l’immersion et la captation du public dans le cadre d’un projet transmédia, comme nous le verrons, n’est pas chose aisée, et les stratégies pullulent. Plus encore, la question de la participation du public est complexe, puisque chaque marque aura en tête une définition bien précise de ce terme. Nous parlons cependant ici de co-création de contenus, ce qui suggère que les marques ne peuvent plus contrôler totalement leur public, leur laissant pour ainsi dire une certaine liberté. Il est alors difficile de jauger cette liberté d’autant plus lorsqu’on sait que les fans aiment à détourner et parodier leurs œuvres favorites. Notre seconde hypothèse traitera des stratégies de communication mises en place lors d’un projet transmédia. Nous supposons qu’un tel dispositif permet une meilleure connaissance de son public et une proximité plus aboutie. Selon nous, le transmédia, grâce à l’utilisation de nouvelles technologies telles que les réseaux sociaux ou les événements transversaux IRL (In Real Life)10 , peut rapprocher une marque de son public, créant ainsi une relation sur la durée. Il s’agit ici de montrer que le marketing expérientiel et relationnel est une méthode approuvée pour accroître sa notoriété. Cependant, nous ne saurions encourager de telles stratégies sans penser au public. Car si le marketing relationnel permet bien de mettre en place une relation durable entre une marque et son public, il faut pouvoir entretenir cette relation et la mettre en place dans le cadre d’un dispositif de mise en récit. Nous montrerons donc au travers de cette hypothèse que si les marques ayant de telles dispositifs parviennent souvent à entretenir une relation avec leur public, le dispositif transmédia est parfois mis de côté au profit d’une communication plus habituelle. Car la difficulté de tels dispositifs est bien de devoir communiquer à tous temps grâce à une mise en récit. Plus encore, une telle relation de proximité, alliée à la participation du public induit également une co- construction de l’identité de la marque. Enfin, nous montrerons que le transmédia storytelling permet la construction de communautés de fans soudés autour des codes de l’univers fictionnel. L'immersion y aura ici une place prépondérante, mais le type de communication de la marque également, de même que la manière dont elle a investi chaque média avec son univers fictionnel. Plus que tout, cette hypothèse vise à démonter qu’une marque adoptant un dispositif transmédia peut s’assurer de la fidélité d’une 9 Vincent Berry, Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéos, communautés et apprentissage, http://www.omnsh.org/ressources/548/immersion-dans-un-monde-virtuel-jeux-video-communautes-et- apprentissages, consulté le 15 avril 2016 10 Dans la vie réelle.
  • 11. 11 communauté de fans. Ils seront alors à même de vouloir partager leur passion avec leur proche, et deviendrons ainsi ambassadeur de la marque. Pour mieux comprendre alors les relations entre les marques et leur public, il nous faudra étudier le fonctionnement de telles communautés. Nous le répétons une fois de plus : un projet transmédia ne peut exister sans son public. En ce sens, il est utile de rappeler que pour construire de telles communautés, il faut pouvoir connaître son public. Notre seconde hypothèse vise à montrer que ces dispositifs de mise en récit permettent cela. Grâce à cela, les marques sont alors à même, en utilisant les bons outils de la bonne manière, de faire apparaître des communautés de fans. Nous parlons bien ici de marque, qu’il s’agisse d’une œuvre culturelle ou d’une marque de consommation courante. Car nous considérons que les œuvres culturelles sont des marques, comme Jean-Noël Kapfer les définit : « La marque exprime une valeur, un savoir-faire, une expertise, une histoire, un engagement, une caution, qui contribuent à aider le consommateur dans son choix. »11 Grâce à leurs univers fictionnels, elles transmettent des codes et des messages, une vision du monde en sommes. Chaque œuvre culturelle a par ailleurs sa propre histoire et démontre un certain savoir- faire que ce soit en matière de techniques cinématographiques, scénaristiques, littéraires ou en terme de service de qualité. Elles sont uniques autant dans leur vision du monde que dans leur manière de la communiquer. De plus, les œuvres culturelles permettent un engagement de la part des publics, autour de communautés de fans, depuis plusieurs siècles déjà. C’est pourquoi la plupart de nos analyses seront celles d’œuvres culturelles. Ajoutons à cela que la plupart des marques habituelles que nous connaissons sont encore peu nombreuses à mettre en place un dispositif transmédia complet. Afin de ne pas privilégier un type d’œuvre au détriment d’une autre, nous avons choisi d’étudier plusieurs types, chacun reflétant certains aspects importants d’un projet transmédia. Le dernier opus de la saga Star Wars, Le Retour de la Force sorti en décembre 2015, nous apportera des réponses quant à la mise en place de nouveaux codes pour un univers déjà mondialement acclamé et connu. De plus, il nous offrira la possibilité de comparer deux anciennes trilogies à la nouvelle actuellement en production, et ainsi de recueillir des avis de fans. Ainsi, nous analyserons ici le dispositif transmédia complet de cette œuvre, en oubliant volontairement celui de la saga. Tout d’abord car l’étude du dispositif de la saga, soit 7 films et plus de 30 d’histoires, serait 11 Jean-Noël Kapfer, Glossaire Marque, http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Marque-238333.htm, consulté le 3 mars 2016
  • 12. 12 bien trop long pour une enquête de cette envergure. Ensuite car le dispositif du dernier opus étant récent, nous faiclite l’accès à tous les contenus. Hero Corp, série française réalisée par Simon Astier (frère du concepteur de la série Kaamelott), nous permettra de voir comment un dispositif transmédia peut s’adapter à la sérialité, et surtout ce qu’il offre en plus comme expérience, comment il parvient à capter l’attention du public lors d’inter- saisons. Ici par contre, nous analyserons le dispositif entier de la série, initiée à partir de la saison 3. Le Projet Blair Witch nous servira de référence pour mettre en avant que le succès d’une œuvre tient avant tout de sa campagne marketing, mais surtout que sa continuité peut soit la servir, soit la faire oublier par les foules. S’agissant là encore d’une œuvre cinématographique, nous analyserons le dispositif initié pour la campagne de promotion du film. Cela sera également complété par un visionnage des deux films et une comparaison montrant ainsi toute l’importance de la cohérence afin de construire une communauté de fans soudées autour des codes de l’univers fictionnel. Nous avons enfin voulu étudier deux autres œuvres utilisant les ARG (Alternative Reality Game) pour immerger son public dans une expérience inoubliable : la campagne de promotion du film The Amazing Spiderman, nouvel opus de la société de production Marvel. Son dispositif transmédia de promotion est intéressant pour montrer la difficulté d’immerger son public mais surtout de mêler la réalité et la fiction. Le jeu (ou fiction totale) Alt-Minds, par Eric Viennot et Orange nous permettra de mieux comprendre la difficulté d’inter-connexion de chaque média dans un projet de ce type, mais surtout la difficulté de ciblage du public. Enfin, nous étudierons le dispositif d'Oasis, marque de boisson, qui nous permettra de prouver la possibilité, pour n'importe quelle marque, d'adapter des stratégies de communication natives des industries culturelles pour forger leurs propres communautés de fans. Ces analyses sémiologiques seront complétées par des entretiens individuels menés auprès de fans d'Hero Corp et de Star Wars. Cela nous permettra de mieux comprendre les attentes des différents publics, mais surtout de déterminer si la mise en place d’une stratégie transmédia est bien perçue. Nous traiterons chacune de nos hypothèses séparément, nous intéressant dans un premier temps aux enjeux de la participation du public dans un dispositif transmédia. Nous commencerons par montrer que l’immersion dans un univers fictionnel passe par ses personnages, mais aussi par le choix des médias qui véhiculeront les récits. Le jeu aura aussi une place prépondérante dans l’immersion et la captation du public, lui offrant la possibilité de prolonger l’univers tout en récompensant sa participation par des cadeaux symboliques ou réels. Enfin, nous montrerons que le propre d’un dispositif transmédia est de brouiller les frontières entre la réalité et la fiction, notamment grâce aux ARG et autres événements transversaux liés à l’univers fictionnel, mais aussi grâce au détournement de certains codes médiatiques.
  • 13. 13 Dans une seconde partie nous étudierons les différentes stratégies de communication mises en place par les marques afin de se rapprocher de leur public. C’est ici que nous montrerons l’importance des réseaux sociaux pour construire et entretenir des communautés de fans attachées aux codes de l’univers fictionnel. Nous mettrons en avant certaines stratégies de mise en scène des personnages mais aussi des manières de communiquer opposées. En effet, certaines marques joueront la transparence pour se rapprocher de leur public, dévoilant ainsi tout de l’univers, tandis que d’autres préféreront jouer la carte du mystère, incitant ainsi leur public à découvrir l’univers par eux-mêmes. C’est également dans cette partie que nous introduirons la mise en récit de la communication des marques, impliquant ainsi l’importance de la cohérence de l’univers au travers de son prolongement sur plusieurs médias, mais aussi des difficultés liées à la technologie et à l’innovation qu’entraîne tous projets de ce type. Enfin nous nous attacherons à décrypter les différents discours de promotion accompagnant chaque dispositif transmédia. Ce dernier point aura toute son importance puisque nous montrerons que le succès d’un tel dispositif tient avant tout à sa bonne compréhension par le public, que ce soit au travers des codes qu’il développe, mais aussi grâce aux discours d’accompagnements des marques. Enfin, dans une troisième partie nous évoquerons plus en longueur la question des communautés de fans. Il s’agira ici de montrer que leur construction est d’abord portée par un désir individuel exacerbé par la somme des individus qui affichent leur passion et souhaitent la partager. Nous montrerons également qu’un dispositif transmédia permet un engagement plus poussé des fans, alors prompts à défendre leur objet de passion envers et contre tout, mais surtout désireux de s’approprier ses codes. Ce dernier point sera notamment développé au travers d’une partie concernant les fan-fictions, récits écrits par les fans imaginant ce que pourrait être leur univers préféré, et sur les différents points de vue émergeant au sein des communautés de fans.
  • 14. 14 I Construire un univers fictionnel étendu et permettre la co-création de contenu pour séduire son public Si le propre du transmédia est de développer des univers fictionnels éclatés sur plusieurs médias, sa principale difficulté est sans aucun doute de devoir capter l’attention de son public dans un monde où l’image règne et où il existe de nombreuses stratégies pour attirer sa cible. Cette première partie nous permettra d’aborder cette question. Au travers d’analyses de différents dispositifs très différents les uns des autres, nous montrerons qu’un projet transmédia doit son succès à sa capacité d’immerger son public dans les codes de l’univers. Cela passera par plusieurs stratégies, toutes usant du jeu récompensé et du « brouillage » des frontières entre réalité et fiction. 1. Immerger son public dans un dispositif éclaté sur plusieurs médias L’immersion dans un univers fictionnel passe avant tout par ses personnages. Cette première sous- partie abordera cette question et montrera combien la construction de personnages ancrés dans une certaine réalité permet une captation et une immersion plus poussée dans l’univers fictionnel. Nous montrerons également combien se focaliser et connaître son public est important pour choisir ses personnages, mais aussi les médias qu’un dispositif transmédia utilisera. 1.1 De l’importance des personnages pour capter l’attention du public Le transmédia tire d’abord sa force du storytelling. Venu de l’Antiquité Grecque, cela consiste à mettre en récit des messages, des valeurs, des idées. A l’époque, les philosophes et grands orateurs grecs avaient compris que pour que leurs auditeurs retiennent mieux leurs idées, il valait mieux leur raconter des histoires. C’est ainsi que le mythe de la caverne est parvenu jusqu’à nous, raconté par Platon. Cette mise en récit d’une idée complexe a permis à bon nombre de personnes de comprendre l’un des fondements de la philosophie grec : la difficulté de percevoir la réalité et de transmettre ses connaissances. Plus tard, Aristote, dans différents traités, expliquera comment construire une histoire qui persuade. Car, comme le rappelle Jeanne Bordeau : « La mise en récit fait disparaître les concepts abstraits au profit de la venue du sens qui provoque la parole même si au départ elle est en fragments. Elle est concrète, elle est évocatrice et va vite trouver son « fil d'or ». » 12 En somme, l’auteure nous explique ici que le storytelling permet de mieux comprendre un message car ce dernier devient concret dans un récit. Elle va plus loin en mettant en avant ce qui fait un bon 12 Jeanne BORDEAU, Storytelling et contenu de marque : La puissance du langage à l’ère du numérique, Ellipses., Paris, 2012, p 108
  • 15. 15 récit. Tout d’abord, un mythe doit fonder l’histoire. Les entretiens réalisés avec les fans de Star Wars lui donneront raison. Un des fans insiste notamment sur le fait que la force de cette franchise réside dans les mythologies dont elle s’inspire : « Difficile d'analyser le pourquoi d'un ressenti outre les références sur les mythes récurrents qui ont façonné nos sociétés. »13 Le mythe est donc important, puisqu’il permet aux lecteurs/spectacteurs/auditeurs de s’identifier à l’histoire, de mieux la comprendre. A cela il faut ajouter un ou des archétypes, permettant à chacun de mieux s’identifier à l’histoire, de la comprendre au-delà de leur culture générale. Pour donner un exemple, nous pouvons parler d’une représentation du héros. Combattif, prêt à tout pour finir sa quête, il fait passer son devoir avant le reste et ne tue jamais sans une très bonne raison hautement morale. Voilà donc une représentation archétype de ce qu’est un héros dans les contes. Enfin, Jeanne Bordeau ajoute à cela l’inconscient collectif. L’histoire doit toucher par l’émotionnel mais aussi par le rationnel. Elle doit exister pour une raison : expliquer l’Homme et son fondement, les différents rites de passages qui font de lui ce qu’il est. Si l’on reprend la saga Star Wars, chaque film raconte un passage important dans la vie du héros, Anakin Skywalker : devenir un homme libre (sujet du premier film) et se mettre au service des autres (lorsque le héros devient un Jedi, dans le second film) et trouver sa place dans l’univers (objet du troisième film). Mais l’auteure oublie l’un des fondements de toutes les histoires : les personnages. Car c’est par eux qu’on rentre dans un univers fictionnel, si petit et incomplet soit-il. Si nous évoquons plusieurs films, séries ou livres, vous souviendrez-vous tout d’abord de l’ambiance générale ou du nom d’un des personnages principaux ? Nous avons demandé aux fans avec lesquelles nous avons eu des entretiens comment ils s’étaient attachés à leur univers favoris, et tous sans exception nous ont dit que c’était grâce aux personnages : « Mais Star Wars, comme le Seigneur des Anneaux ou Matrix, nous permet de nous identifier à des personnages multiples aux enjeux profonds, tout en nous dépaysant complètement. »14 « On fait partie de la série car on s’y identifie, les personnages nous ressemblent, ils sont remplis de défauts et d'humanité, ce sont des anti-héros qui font des actes héroïques. »15 13 Annexes V, Retranscriptions d’entretien avec des fans de Star Wars, Entretien n°2, p. LIII, réalisé en avril 2016 14 Op. cit, p. LIII-LIV
  • 16. 16 Ces dires confirment donc ce que Sarah Sepulchre avait initié dans son livre sur les séries16 : les personnages sont au premier plan quand il s’agit d’immerger un spectateur dans une histoire. C’est pourquoi, quand on souhaite mettre en place un dispositif transmédia, il faut se concentrer sur les personnages avant tout autre chose. En somme, il faut les caractériser aussi bien que s’ils étaient des personnes réelles (nous reviendrons sur leur réalité un peu plus loin), dotées d’une psychologie, d’une personnalité, de passions et de haines. Un personnage mal construit peut empêcher à un certain public de reconnaître la force d’un univers fictionnel, comme nous le disait un fan de Star Wars lorsqu’il nous parlait de la prélogie : « Je lui reproche … Anakin Skywalker, bon après ça peut être aussi logique parce que ça reste un ado mais, le voir en mode kikoo lol se rouler dans l’herbe avec Padmée, t’es là ‘’ mec tu vas tuer des enfants dans 1 film ! Tu vas tuer des enfants de sang froid ! Dans le même film tu vas détruire tout un peuple parce qu’ils ont tué ta mère ! Non tu te roules pas l’herbe quoi ! ‘’ »17 . On remarque ici que la cohérence du personnage principal d’un film à un autre est aussi important que sa psychologie et sa personnalité. En soit, si ce fan aime beaucoup ce personnage, il n’a pas supporté le voir profiter de la vie en souriant alors que le film suivant il était Dark Vador, le tyran très connu de la saga. Il a perçu, dans cette histoire, un décalage entre ce qu’il a connu avec les films précédents, et cette nouvelle caractérisation d’Anakin Skywalker. Les personnages sont tellement importants dans une stratégie transmédia que certaines marques, comme Oasis, en ont fait la force de leur stratégie. Oasis est une marque de boisson du groupe Volvic qui a initiée sa stratégie transmédia en mettant en avant des personnages symbolisant les différents goûts de sa boisson. Elle les met en scène dans des publicités, sur les réseaux sociaux et dans des web-séries. En effet, si l’on regarde le site de la marque, on retrouve des « cartes d’identités » de ses personnages-fruits : 15 Annexes IV, Retranscriptions d’entretien avec des fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXIX, réalisé en mai 2016 16 Sarah SEPULCHRE, Décoder les séries télévisées, De Boeck., Bruxelle, 2011. 17 Annexes V, Retranscriptions d’entretien avec les fans de Star Wars, Entretien n°1, p.XLV, réalisé en avril 2016
  • 17. 17 Sur cette fiche, on peut trouver le caractère du personnage, véritable héros doté d’une force surhumaine. Même ce qu’il aime et n’aime pas rappelle l’archétype du héros : il veut « sauver les fruits de la noyade ! » et n’aime pas « Poiro le pleutre ». Evidemment, ces fiches d’identités ne sauraient suffire à faire aimer un personnage. Leur mise en scène est là pour ça. A chaque média investi par la marque, les personnages sont mis en avant. Sur les réseaux sociaux, ils sont régulièrement mis en scène par des visuels détournant les tendances actuelles (nous y reviendrons dans une future partie). La web-série L’Effet Papayon permet également une mise en scène de ces personnages. Série animée de 4 épisodes, elle raconte les aventures des personnages d’Oasis. L’épisode commence par la fin, où l’on voit les fruits face à une situation dramatique. On peut alors avoir peur pour eux et, curieux, vouloir savoir comment ils en sont arrivés là. Puis, un flash-back nous ramène quelques temps en arrière, permettant de planter le décor. Chaque nouvelle scène est très comique, et on commence à comprendre comment les fruits se sont mis dans cette situation. Finalement, on rit de leur malheur. Mais le plus intéressant, outre le fait de développer une web-série, c’est qu’à chaque nouvel épisode, on apprend à connaître un peu mieux les personnages de la marque. Si certains sont mis en avant dans quelques épisodes, on se rend très vite compte qu’ils sont en réalité les « super-héros » de la marque, les personnages principaux. Ils sont en effet mis en avant sur le site internent au moyen d’un encart « Super-fruits », tandis que les autres fruits de la marque semblent être des acolytes, et donc moins importants.
  • 18. 18 Car pour tout univers fictionnel, il faut des personnages principaux, mais aussi des personnages secondaires. Sarah Sepulchre faisait une grande distinction entre ces deux catégories18 . Les personnages principaux permettent aux spectateurs de s’immerger dans l’univers car ils s’identifieront à l’un d’eux. Ce sont des personnages centraux qui doivent être développés dans toute leur profondeur. Les personnages secondaires, moins importants, permettent de donner un peu plus d’épaisseur à l’univers et aux personnages principaux. Ils peuvent être récurrents, c’est-à-dire présents à chaque nouvel épisode, ou occasionnels, apparaissant de temps en temps. Généralement, ils évoluent peu à la différence des personnages principaux qui se doivent de changer petit à petit afin de rendre l’univers plus attractif. Si l’auteure parle ici de séries télévisées, cela fonctionne de la même façon quel que soit le support sur lequel sera développé l’univers. Oasis ne fait pas évoluer ses personnages d’un média à un autre ou d’un épisode à un autre, mais elle utilise tous les archétypes que les jeunes, cœur de cible de la marque, connaissent. Et cela est tout aussi important que leur évolution. Pour s’identifier à un personnage, il faut pouvoir se reconnaître au moins en partie en lui, mais surtout reconnaître un « type » de personnes qu’on est ou aimerait être. Si chaque univers développe ses propres idéologies et idées ou « vision du monde », les archétypes doivent demeurer. A ce propos, les fans d’Hero Corp que nous avons interrogé nous ont tous dit que ce qui faisait qu’ils aimaient les personnages de la série étaient le fait qu’ils étaient comme eux. En somme, il s’agissait de personnes du quotidien, avec certes des superpouvoirs, mais leur psychologie et leur personnalité restaient proches de personnes réelles. Ainsi, les spectateurs n’ont pas l’impression que ces personnages sont inaccessibles, ils ont des faiblesses et des qualités que tout être humain peut avoir. Ainsi les personnages, première « vitrine » de l’univers fictionnel doivent être développés avec attention afin que les spectateurs puissent s’identifier à eux et ainsi s’immerger dans l’univers. Mais plus encore, ils doivent être en accord avec l’univers développé car ce sont eux qui lui donnent de l’épaisseur. Si l’on reprend l’exemple d’Oasis, qu’iraient faire des personnages sérieux dans cet univers si drôle ? La cohérence entre les personnages et l’univers dans lequel ils évoluent à autant d’importance que les médias qui le développeront. 1.2 Savoir utiliser les médias adéquat pour construire un univers fictionnel cohérent Outre les personnages, les médias ont une importance capitale dans un projet transmedia. Si l’on reprend la métaphore de la toile d’araignée que nous avons exposée en introduction, chaque fil est interdépendant des autres, et en même temps, on doit pouvoir comprendre l’univers quel que soit le 18 Sarah SEPULCHRE, Décoder les séries télévisées, op. cit.
  • 19. 19 média par lequel on le découvre. Toute la difficulté est là : savoir utiliser chaque média correctement. Il ne s’agit pas non plus d’utiliser un média sans que cela apporte de la valeur ajoutée à l’univers. Il faut que chaque nouveau récit permettent d’agrandir la toile, de rajouter des fils qui inciteront le public à s’engager : « Ce qui se trouve ainsi particulier à la sérialité c'est de trouver le juste équilibre entre la fragmentation de l'histoire en plusieurs volets sémiotiquement autonomes et la dissémination de ces volets à travers des configurations médiatiques interconnectées. »19 Un projet transmédia est sériel par définition puisqu’il développe un univers sur plusieurs médias, mais surtout parce qu’il développe plusieurs mini-récits interdépendants les uns des autre. Cette fragmentation n’est pas sans danger puisqu’elle peut mettre en péril la cohérence de l’univers et en même temps perdre un certain public. Car chaque public n’utilise pas les mêmes médias. Là où Oasis a su développer un univers cohérent c’est parce qu’il utilise des médias où les jeunes s’investissent : les réseaux sociaux, les blogs, YouTube, la télévision, les applications mobiles interactives. La marque a su investir les médias des jeunes, et trouve donc son public. Il est alors plus simple pour Oasis de capter son attention et de le faire adhérer à son univers. Puisque le but est bien entendu d’être visible, d’engager et de pousser son public à agir, il faut savoir utiliser l’interactivité que chaque média offre. Le transmédia permet, comme nous le supposons, de se rapprocher de son public, de construire avec lui une relation durable. Cela passe par l’interactivité et la co-création de contenu. Mais avant d’espérer interagir avec son public, il faut savoir où il est. Ainsi, une bonne connaissance de sa cible est indispensable avant même de penser à développer un projet. Mais plus que tout, les médias investis doivent aussi se justifier en fonction des codes de l’univers, et même de son genre. Star Wars est une saga de science-fiction, et à ce titre la technologie y est très présente. Quoi de plus naturel alors que d’investir les nouvelles technologies en masse ? Le travail réalisé par la production de la franchise en terme de transmédia est à la hauteur des espérances du public : applications en réalité augmentée et virtuelle20 , site internet avec « visite » virtuelle d’une planète21 , vidéo à 360° immersive22 , jeux vidéo sur les dernières consoles de salon, 19 Jeanne LEVAISSIERE, « Produire du transmédia pour la fiction française : un défi entre nécessité, adaptation des modes de production et nouvelles écritures fictionnelles », CELSA, Paris, 2014, p38. 20 Annexes II objet du corpus : Star Wars, Ecran d’accueil de l’application officielle de Star Wars, p. IX 21 Annexes II objet du corpus : Star Wars, Capture d’écran de la page d’accueil du site internet dédié au 7ème opus, p. XI. 22 Annexes II objet du corpus : Star Wars, Capture d’écran de la vidéo à 360° postée sur Facebook, p. X
  • 20. 20 etc. Si le dispositif de Star Wars investi en masse les dernières technologies, c’est bien parce que cela correspond à son univers. La cible ne doit pas être oubliée pour autant. Nos entretiens avec les fans d’Hero Corp nous ont montré que la technologie pouvait perdre même les fans les plus désireux de s’investir : « Je pense à ceux notamment qui n'ont pas eu l'occasion de suivre toute la série, de ne pas savoir trop ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux, et de l'existence de l'application, je pense qu'ils peuvent être très vite perdus. Je pense que s’il y avait des éléments important, il aurait peut-être fallu les mettre dans la série principale à la télévision. »23 Ce fan expose clairement que si le dispositif transmédia de la série est une très bonne chose pour ceux qui veulent en savoir plus, l’utilisation de technologies comme les applications mobiles n’est pas adéquate puisque tous n’y ont pas accès. En somme, il dit que ce média n’était peut-être pas adapté au cœur de cible de la série. L’inter-connectivité de chaque média, de prime abord si stimulante et innovante, peut donc cacher un piège potentiel : perdre le spectateur. C’est ce que Christian Briceno évoquait lors du Forum Blanc de 201424 . Il faut que le contenu, les plateformes et l’auditoire soient cohérents. C’est ce qu’il a appelé les piliers d’un projet transmédia. Si on néglige un seul d’entre eux, la cohérence n’est plus, et on risque de perdre son public. Encore plus intéressant est la suggestion de ce fan qui souhaiterait mettre tout ce qui est important dans le média principal, soit la télévision. Mais qu’est-ce qui peut être jugé comme important dans un projet transmédia ? Quelle est l’arc narratif principal d’un projet transmédia ? Puisque chaque média, chaque nouveau récit est dépendant des autres, et en même temps peut et doit se comprendre à lui seul, il est difficile de choisir un arc narratif principal qui saura porter toute l’histoire. Prenons l’exemple de la web-série La Voie de Klaus, faisant parti du dispositif d’Hero Corp. Développée en même temps que la saison 4, elle se concentre sur Klaus, un des personnages principaux de la série. Avant la diffusion de nouveaux épisodes de la saison 4, un épisode de la série était disponible sur l’application et la plateforme de France 4. Ainsi, on rendait ce récit plus disponible puisque ceux qui ne pouvaient avoir l’application pour différentes raisons, pouvaient y avoir accès sur le site internet de la chaîne diffusant la série. 23 Annexes IV, Retranscriptions d’entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXVI, réalisé en mai 2016 24 Anonyme, Le transmédia en 2014 : Constats et réflexions sur l'industrie
  • 21. 21 Mais l’intrigue est plus importante que la disponibilité de la web-série. Lors de la saison 4, Klaus n’apparaît que par intermittence, loin de tous les autres personnages. On ne comprend ni où il est, ni pourquoi, ni ce qu’il y fait. Si son costume et le décor nous permettent de deviner qu’il est dans un temple bouddhiste en quête d’une chose importante pour lui, nous n’en savons pas plus et il est très déroutant de ne pas comprendre les enjeux liés à ce personnage. C’est en regardant la web-série que l’on peut tout comprendre : Klaus est dans un temple car il se prépare mentalement à arrêter John, son meilleur ami mais aussi personnage principal de la série et grand super-héros. Pour cela, il devra le tuer, comme nous le verrons à la fin de la saison 4. Sans cette action, le monde est perdu. Ainsi, cette web-série semble bien appartenir à l’arc narratif principal de la saison 4, alors même qu’une seule partie de son intrigue apparaît dans la diffusion télévisuelle. Voilà une chose que l’on pourrait juger importante voire même capitale pour l’univers fictionnel de la série. L’interconnexion entre cette web-série et la série en elle-même est telle qu’on ne peut comprendre l’une sans avoir vu l’autre, quel que soit le sens dans lequel on prend les choses. Le dispositif transmédia d’Hero Corp rend chaque média dépendant d’un autre. Si bien sûr la série se suffit à elle-même pour comprendre et s’immerger dans l’univers fictionnel, chaque saison apporte son lot de questions restées sans réponses. C’est l’un des principes moteurs des séries : le cliffhanger. Cette technique consiste à finir chaque épisode et donc chaque saison par un suspens, encourageant ainsi le public à attendre la suite. Le dispositif transmédia d’Hero Corp joue de ce climax pour développer des mini-récits qui font office de suite à la série principale. Si La Voie de Klaus fait bien plus que cela, puisqu’elle développe l’arc narratif de la saison 4, elle permet aussi de répondre à la question « Qu’est-il arrivé à Klaus ? » résultant du cliffhanger de la fin de la saison 3. Les autres web-séries et applications développées permettent de faire le pont entre les différentes saisons, coupant ainsi les ellipses temporelles induites par la série. Les séries sont propices au développement de projets transmédia puisqu’elles peuvent s’étendre à l’infini, offrant ainsi des univers riches tant au niveau de l’intrigue qu’au niveau des personnages. La sérialité est justement, selon Mélanie Bourdaa25 l’un des fondamentaux d’un projet transmédia réussi. Hero Corp a su s’emparer de cette particularité pour développer un dispositif transmédia où chaque nouveau récit devient dépendant d’une saison mais aussi de l’évolution des personnages au moment de l’intrigue. Malheureusement, comme nous l’ont dit les fans, cela est à double tranchant : 25 Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », URL: http://www.inaglobal.fr/numerique/article/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et-logiques- immersives, consulté le 14 octobre 2015.
  • 22. 22 si ce dispositif permet effectivement de répondre aux questions que la série télévisées laisse en suspens, il perd aussi une partie du public, qui ne peut avoir accès aux supports. Ainsi, nous avons vu dans cette partie l’importance de développer des personnages principaux et secondaires aux personnalités et psychologies multiples, offrant ainsi un premier pas vers l’immersion dans l’univers fictionnel grâce à l’identification aux personnages, porteurs de l’intrigue et des codes de l’univers. Mais pour les rendre visible et accessibles, il faut savoir utiliser les bons médias. En plus de devoir être interdépendants tout en apportant une valeur ajoutée à l’univers développé, chaque support doit pouvoir se comprendre seul. C’est là toute la difficulté d’un projet transmédia, en plus de devoir accorder chaque média avec l’univers mais aussi avec son public. Cela n’est qu’un premier pas vers l’immersion, car le propre d’un projet de ce type est aussi de permettre à son public d’apporter de nouveaux contenus. 2. La co-création de contenu par le jeu : quand les marques ne contrôlent plus leur public Cette seconde sous-partie se focalisera sur la dimension ludique que tout projet transmédia permet de mettre en œuvre. Cela permet au public de mieux connaître l’univers en question, de s’y immerger encore plus. Ainsi, les marques parviennent à « captiver » l’attention de leur public mais le récompensent également par des jeux et concours qui demandent leur participation. 2.1 Mieux connaître l’univers fictionnel en participant à son prolongement Henry Jenkins dans Culture de la Convergence26 nous expliquait qu’il fallait co-créer le contenu d’un projet transmédia. Cela ne signifie pas que plusieurs collaborateurs doivent travailler ensemble afin de créer un univers fictionnel très vaste, voire même infini. La co-création d’un contenu engage le public, qui se saisit alors des codes de l’univers fictionnel. Il y a évidemment beaucoup de moyens possibles pour qu’un fan se réapproprie ces codes, notamment au travers des fan-fictions, mais nous reviendrons sur ce point plus tard. En réalité, la plupart des projets transmédia que nous avons analysé utilisent tous le jeu pour encourager la participation du public. S’il existe différents types de jeu, nous nous intéresserons ici au jeu vidéo puisqu’ils offrent une immersion dans l’univers fictionnel bien plus poussée qu’un simple jeu de société par exemple. Pour être appelé « jeu vidéo », plusieurs caractéristiques doivent être respectées : 26 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Collin., Paris, 2013.
  • 23. 23 • L’existence d’un avatar : un joueur incarne un personnage, qui agit à sa place dans l’univers fictionnel construit pour le jeu ; • Un monde persistant : un jeu continue d’évoluer même lorsque le joueur en est absent. En somme, il est indépendant du joueur et a sa propre existence ; • L’existence de communautés : que l’on parle de guildes, de groupes d’entre-aide ou même de forum, un jeu vidéo doit permettre la création de groupes rassemblant les joueurs ; • L’incarnation d’un camp : le joueur, au travers de son personnage ou avatar doit incarner un camp au sein de l’histoire du jeu ; • Utilisation d’un mythe : comme pour un univers fictionnel, un jeu doit s’appuyer sur un mythe fondateur, des codes déjà préétablis, qu’il peut évidemment transformer un peu, mais en respectant le mythe de départ.27 Comme nous le montre ces caractéristiques, un jeu vidéo permet avant tout à une personne de s’immerger dans un monde fictionnel grâce à un personnage. Grâce à ce média, l’immersion est d’autant plus forte que le joueur n’est pas seul. Il peut rencontrer au gré de ses aventures d’autres personnages et donc par extension d’autres joueurs. Il prend part également dans l’histoire du jeu et est donc en quelques sortes décisionnaires. Bien sûr, tout cela dépend du type de jeu que l’on étudie, tous n’offrent pas une aussi grande liberté. Nous prendrons ici deux exemples : l’application officielle Star Wars et Fruit of the Year 2010 d’Oasis. L’application Star Wars est sortie quelques temps avant le 7ème opus, et en ce sens, elle fait totalement parti du dispositif transmédia de la franchise. Comme nous l’avions précisé plus haut, la marque utilise constamment les dernières technologies afin de mieux immerger son public dans l’univers fictionnel. Cette application n’échappe pas à cette règle, et pour cause, à elle seule, elle permet aux joueurs de co-créer du contenu, même si ce dernier est quelques peu prédéfini par la marque. En effet, on retrouve dans cette application des mini-jeux immersifs : la visite d’une nouvelle planète où se déroulera l’action principale du prochain film au moyen de la CardBoard de Google28 , la possibilité de s’entraîner au sabre laser, la création de musique sur les thèmes de la saga, l’incarnation de Rebelles ou de Soldats de l’Empire29 , la météo d’autres planètes de la saga, etc. En 27 Vincent Berry, Immersion dans un monde virtuel : jeux vidéo, communauté et apprentissage, http://www.omnsh.org/ressources/548/immersion-dans-un-monde-virtuel-jeux-video-communautes-et- apprentissages, consulté le 15 avril 2016. 28 La CardBoard de Google est une paire de lunettes permettant d’avoir accès à la réalité virtuelle. 29 Les Rebelles sont en quelques sortes les gentils de la saga, tandis que les Soldats sont les méchants.
  • 24. 24 bref, cette application rassemble à elle seule la réalité virtuelle et la réalité augmentée30 , et permet à ses joueurs de s’immerger dans l’univers fictionnel de la saga, tout en posant les bases d’une nouvelle trilogie, initiée par le 7ème opus. Cette application contient toutes les caractéristiques d’un jeu vidéo que nous avons donné plus tôt, mais elle mélange également cela avec la réalité augmentée. Par exemple, les joueurs ont la possibilité de se prendre en photo dans les décors du film pour ensuite partager cela avec le reste de la communauté. En réalité, tout ce que les joueurs font peut être partagé avec la communauté, qu’elle soit celle du jeu ou sur les réseaux sociaux. En somme, la marque autorise ses fans à créer de nouveaux contenus tout en participant à l’univers fictionnel. Ils peuvent prendre part à l’histoire, non pas en la co-créant et en la changeant, mais en en faisant parti grâce à leurs photos, musiques, etc. Fruit of The Year 2010 d’Oasis est encore différent. Il ne s’agit pas d’un jeu vidéo au sens strict du terme, mais d’un événement. Le but est d’élire le fruit de l’année 2010. Chaque personnage-fruit de la marque est candidat à cette élection, et les électeurs ne sont autres que les fans de la marque. Il s’agit ici de déterminer, grâce au public, quel personnage-fruit représentera la marque. Cela n’est pas anodin puisque ce fruit deviendra « Fruisident » mais aussi ambassadeur de la marque. Il sera à l’affiche d’un film qui lui sera entièrement consacré. Evidemment, la marque n’a pas sorti de dessin animé, mais une publicité à la gloire de ce fruit. La campagne se déroule en trois étapes. Lors de la première, les participants doivent voter, sur Facebook, pour leur fruit préféré. Les cinq meilleurs fruits sont alors incarnés par les participants dans différents petits jeux : La Chuuute31 où le but est de faire monter le fruit le plus haut possible en évitant les obstacles grâce à des marchepieds, le grand Plouf dans un jacuzzi, etc. A chaque fois qu’un joueur utilise son fruit préféré, ce dernier marque des points. Enfin, la finale oppose les deux fruits ayant marqués le plus de points. Durant cette période, des acteurs déguisés en fruits se joignent à la foule dans les rues32 pour convaincre les gens. Les fans élisent le meilleur fruit sur Facebook encore une fois. Leur vote permet de faire monter un candidat, dans le but de lui faire atteindre la lune. Le premier à l’atteindre est le gagnant. Suite à cette campagne, « Ramon ta Fraise » fut élu « Fruit of the Year 2010 ». Incarné par un acteur, le personnage s’est présenté à son public sur les Champs Elysées, dans une limousine. Une vidéo33 de 30 Annexes III objet du corpus : Star Wars, Utilisation de la réalité virtuelle dans l’application officielle Star Wars, p. X 31 Annexes I objet du corpus Oasis, La Chuuute une des applications d’Oasis, page I 32 Annexes I objet du corpus Oasis, Les fruits d’Oasis se joignent à la foule dans la rue pour Fruit of The Year,p. VI 33 https://www.youtube.com/watch?v=KaRm-w9SAkE&feature=youtu.be, consulté le 12 janvier 2016
  • 25. 25 cet événement fut mise en ligne sur la chaîne YouTube de la marque. On peut voir cette fraise entourée d’une foule de fans, et faisant des saluts de la main à son public. Une journaliste relate cet événement comme s’il s’agissait d’un grand jour très important. Cette campagne nous montre que le public peut participer au prolongement de l’univers fictionnel en participant grâce à un système de jeu ingénieux. Mêlant le réel et le virtuel, Oasis a su récompenser ses fans en leur offrant la possibilité de participer à un événement majeur qui aura une incidence sur l’avenir de la marque, puisqu’aujourd’hui Ramon ta Fraise est un des fruits les plus présents dans les publicités de la marque. Par ces deux exemples nous avons vu qu’un dispositif transmédia permet la co-création de contenus grâce à la mise en place de jeux. Si chaque marque est libre de décider le type de jeu qu’elle mettra en place, le plus important est la liberté qu’elle doit accorder à son public. Il doit devenir décisionnaire, acteur de l’univers fictionnel. Les jeux permettent à chacun une meilleure immersion dans l’univers fictionnel. Dans notre premier exemple, les joueurs apprennent à connaître les nouveaux codes qui forgeront la trilogie de la franchise. Notre second exemple permet une meilleure caractérisation des personnages, incarnés en prime par les participants à la campagne. Ainsi, grâce aux jeux, ces marques ont fait deux choses en unes : faire participer leur public au prolongement de l’univers fictionnel tout en leur permettant de mieux le connaître. 2.2 Encourager la participation de son public par des récompenses Le jeu semble donc être au centre des dispositifs transmédia. Il a en effet cette capacité à immerger totalement une personne dans un univers fictionnel, par le simple fait que celui-ci devient acteur34 . Les jeux sont en fait, d’après Dominique Boullier, le seul média capable de combiner la fidélité et l’alerte. La première est fondée sur des habitudes devenues automatisme. La seconde est fondée sur l’intensité, le fait qu’un individu peut rester alerte face à un événement et ne pas en détourner son attention. Selon l’auteur le jeu est en quelques sortes le « Saint-Graal » de l’attention et de la captation du public : « C’est par l’activité que se construit et se perçoit le monde, et dès lors l’attention peut être à la fois intensive et durable, car dans l’action, on sait que l’attention est 34 Dominique BOULLIER, « Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion », Réseaux, 2009, no 154, pp. 231‑246.
  • 26. 26 nécessairement intermittente, mais elle reste cependant tournée à l’intérieur de l’univers lui-même, tout en variant de point de focalisation au sein de cet univers.»35 Il est important de noter ici que la captation ne se fait pas pour la marque mais bien pour l’univers fictionnel qu’elle développe. Le but d’un jeu vidéo n’est pas de faire adhérer à une marque, mais de faire adhérer à un univers. En ce sens, les marques qui utilisent des stratégies transmédia fidélisent leur public à leur univers. Mais ces univers sont d’abord construits pour diffuser un message, une certaine vision du monde de la marque. Ainsi, quand une personne adhère à un univers fictionnel d’une marque précise, il adhère également à sa vision du monde : « Les marques sont les vecteurs d'un « univers » : elles ouvrent la voie à un récit fictif, un monde scénarisé et développé par les agences de « marketing expérientiel », dont l'ambition n'est plus de répondre à des besoins ni même de les créer, mais de faire converger des « visions du monde. »36 Grâce au jeu les marques captent donc l’attention de leur public, les détournant de leur chemin originel37 par un habile système où le spectateur devient acteur et co-créateur de l’image de marque. Mais plus que tout, le jeu permet une immersion, tout comme le web. Ce nouveau média, rappelle Dominique Boullier38 , est traversé par des publics habitués au phénomène du zapping. Pourtant, le web à cette capacité à nous « capter » voire même nous « captiver » car il rassemble plusieurs médias en un : télévision, jeux vidéo, cinéma, etc. En bref, il rassemble en un seul support tous les médias immersifs, ce qui lui donne une force de captation dépassant largement celle du cinéma, pourtant déjà si intense de par son dispositif : nous sommes assis dans le noir, sur un fauteuil confortablement et le seul point de lumière n’est autre que l’écran, nous obligeant ainsi à tourner notre attention vers lui. Le web rassemble en réalité les quatre types d’immersions39 : • L’immersion perceptive : des images nous viennent sans arrêt devant les yeux, accentuée par la luminosité des écrans ; • L’immersion narrative : des histoires se construisent sur le web, grâce aux vidéos, jeux vidéo en ligne et autres narrations ; 35 Ibid, p.241 36 Christian SALMON, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte., Paris, 2007, p.42 37 Franck COCHOY, La captation des publics : c’est pour mieux te séduire mon client…, Presses universitaires du Mirail., Toulouse, 2004. 38 Dominique BOULLIER, « Le web immersif », Quaderni, 2008, pp. 67‑80. 39 Ibid.
  • 27. 27 • L’immersion sociale : les communautés ont envahi le web, permettant de rassembler des personnes ayant les mêmes centres d’intérêt, quel que soit leur localisation dans le monde ; • L’immersion désirante : le web est en perpétuel mouvement, il s’y passe toujours quelque chose, et même si certaines informations ne nous intéressent pas, nous les captons quand même, et sommes curieux de les découvrir. Le web offre ainsi une immersion complète. Il n’est alors pas étonnant de découvrir que tous les dispositifs transmédia existants utilisent ce média pour capter l’attention de leur public. L’immersion désirante est particulièrement intéressante puisqu’elle ajoute la dimension des récompenses. Lorsqu’on joue par exemple à un jeu en ligne, on est heureux de voir son niveau augmenter, de trouver un objet rare, de gagner un combat, etc. Cela ne fait qu’accroître le désir de continuer, de revenir sur le jeu. Les marques ont utilisé cela pour encourager leur public à participer. Si les systèmes de récompenses sont nombreux et variés, tous ont le même but : capter l’attention du public pour le pousser à participer. En ce sens, il n’est nullement besoin de développer des jeux vidéo aux narrations et architectures complexes puisqu’un simple concours suffit. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, ces derniers abondent offrant ainsi aux communautés de fans l’occasion de participer tout en tentant de gagner un objet de leur marque favorite. Si chaque concours est différent tant par son système de jeu que par ses récompenses, tous apportent à la marque une certaine notoriété et peut même lui permettre de communiquer sur son univers fictionnel. Nous analyserons ici deux concours différents. Le premier est celui lancé par Hero Corp en inter-saison 3 et 4, à l’approche de Noël. La date en elle- même n’est pas anodine, puisque c’est à cette période de l’année que les gens ont l’habitude de recevoir des présents. Ensuite, le fait ce que soit un concours en inter-saison nous laisse penser qu’il est fait pour animer la communauté à une période où il n’y a rien de nouveau puisque la nouvelle saison n’est pas encore diffusée. Ce jeu est très simple, et est annoncé par un message sur Facebook, relayé également sur Twitter : Message de la modération d’Hero Corp sur Facebook annonçant un concours
  • 28. 28 La question engage automatiquement une participation des fans. Mais cette dernière peut se faire simplement au travers d’un message écrit ou d’une photo. Presque toutes les participations mettent en avant l’humour et le côté décalé de la série. Ainsi, au travers de ce concours Hero Corp s’assure de deux choses. En premier lieu que les fans sont prêts à communiquer sur leur passion. Leur demander de faire quelque chose pour que la saison 4 puisse sortir est en réalité un moyen de proposer aux fans de promouvoir la série. Dans un second temps, la marque s’assure que les fans ont bien compris les codes de l’univers fictionnel de la série. Et pour cause, la gagnante est sans aucun doute celle qui a produit la vidéo la plus décalée et la plus drôle de toutes les autres participations. Oasis développera un autre genre de concours, mêlant quant à lui le jeu vidéo et le web. Face à une question simple : « Contre qui Mangue Debol combat-il dans le jeu Fruit Fighter d'Oasis ? »40 , l’internaute n’a d’autres choix, s’il désire participer, que de suivre le lien. On se retrouve alors plongé dans un jeu vidéo où l’on peut choisir de combattre avec Mangue Debol ou Ramon ta Fraise. La question nous incitant à prendre le premier personnage, nous cliquons dessus. Nous avons alors trois rounds pour gagner notre combat face à Chuck Noyauris, le pendant de Chuck Norris. La récompense n’est autre que de gagner le jeu Street Fighter V, récemment sorti. Ainsi, Oasis offre à sa communauté de fans une plongée dans son univers fictionnel par le simple fait d’incarner un de ses personnages-fruits dans un jeu vidéo. C’est une immersion plus poussée que le concours proposée par Hero Corp mais tout aussi symbolique : la participation au prolongement de l’univers fictionnel est récompensée. Les marques s’assurent ainsi de capter, et même de captiver l’attention de leur public et, grâce au partage de ce jeu sur les profils réseaux sociaux des fans, une communication virale basée sur l’immersion dans l’univers fictionnel. Par des systèmes différents de jeux et de concours, les marques offrent à leur public une immersion un peu plus poussée dans leur univers fictionnel. Que ces jeux soient récompensés ou non, le but est le même : capter l’attention de leur public. En réutilisant les caractéristiques des jeux vidéo dans un dispositif transmédia, une marque parvient ainsi à instiller à ses fans le désir de continuer à découvrir l’univers, et de s’y plonger. 3. Brouiller les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux immerger son public Cette dernière sous-partie nous montrera toute la force d’un projet transmédia lorsqu’il s’agit de brouiller les frontières entre la réalité et la fiction. Grâce à l’utilisation de différentes technologies, 40 Annexes I objet du corpus : Oasis, Concours Fruit Fighter d’Oasis, page I
  • 29. 29 mais aussi en détournant l’utilisation habituelle des médias, un dispositif transmédia semble permettre une meilleure immersion en ancrant l’univers fictionnel dans notre réalité quotidienne. 3.1 ARG et événements dans la réalité au service d’une immersion prolongée Mais la technologie à elle seule ne saurait faire d’un dispositif de communication habituelle un projet transmédia. Le plus important est en réalité la convergence de ces médias : « Elle implique à la fois un changement de la manière dont sont produits les médias et un changement de la façon dont ils sont consommés. »41 Henry Jenkins nous explique ici que pour qu’un projet transmédia fonctionne, il faut imaginer une nouvelle manière de consommer les médias. En somme, si l’on doit utiliser les mêmes médias que n’importe quel autre dispositif de communication, un projet transmédia se doit de « détourner » les codes des dits médias pour permettre une meilleure création de contenus et une immersion prolongée. Plus encore, il faut pousser son public à les utiliser différemment. C’est ce qu’a fait Eric Viennot avec sa fiction totale Alt-Minds. Sorti en 2012, ce jeu est un ARG ou Alternative Reality Game42 . Il part d’une enquête : 5 scientifiques ont disparu et la société qui les employait demande l’aide des internautes, en partenariat avec les enquêteurs officiels, pour les retrouver. Jusque-là, on pourrait croire avoir à faire à un jeu vidéo comme les autres. Sauf qu’il n’est pas disponible sur console ou sur une seule plateforme. En réalité le dispositif met en cohérence des médias différents : des sites internet, des journaux, des applications mobiles, des SMS, les réseaux sociaux, la géolocalisation, etc. Très concrètement, pour pouvoir résoudre l’énigme, chaque joueur doit faire une veille sur tous les médias et collecter des indices. Mais on peut commencer l’histoire depuis n’importe quel média. On appelle cela des points d’entrée ou Rabbit Hole43 (la référence à Alice aux Pays des Merveilles est ici explicite). L’un des principes des ARG est d’offrir justement plusieurs points d’entrée possibles, assurant ainsi à la marque qui le développe une captation plus large d’un public. Cela tient également une grande place dans un projet transmédia, puisque le public doit pouvoir comprendre un univers fictionnel quelques soit le média par lequel il le découvre. Le jeu annonce 30 flux d’informations par jour, et donc 30 potentiels nouveaux indices. Plus encore, le jeu est pensé en temps réel, c’est-à-dire qu’à chaque minute, quelque chose de nouveau peut se passer. Il ne durera que 8 semaines, durant lesquelles les joueurs auront pour mission de retrouver les scientifiques disparus. 41 Henry JENKINS, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit, p.36 42 Jeu en réalité alternative. 43 Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », op. cit.
  • 30. 30 Mais si ce temps réel peut être très immersif, il engage un nouveau problème : le temps que chaque personne peut consacrer au jeu. Eric Viennot l’avouait lui-même dans un de ses interviews44 , c’est le paramètre le plus compliqué à gérer puisque Alt-Minds rassemblait plusieurs types de joueurs, du casual gamers45 au hard gamers46 . Rassembler sous la même bannière des profils si disparates n’est pas facile. Même si le jeu offre la possibilité de rattraper le temps réel en rejouant des scènes, le challenge n’est pas le même puisque les réponses à ces énigmes ont déjà été trouvées par d’autres. Il est donc important de toujours garder à l’esprit le temps d’investissement qu’un projet transmédia pourra demander au public, et celui que chacun est prêt à investir. Néanmoins, Alt-Minds est particulier puisqu’il brouille les frontières entre la réalité et la fiction. En effet, il bouleverse les codes des médias utilisés pour faire de l’histoire quelque chose de réel, qui s’est vraiment déroulé. L’immersion en est d’autant plus importante que les joueurs en viennent à se prendre pour de réels enquêteurs puisque les réponses qu’ils trouvent ont une incidence sur la suite du jeu. De plus, grâce à des événements IRL47 , les joueurs peuvent rencontrer des personnages du jeu, se voir confier des enveloppes contenant des indices, se rendre dans des lieux importants pour l’histoire, etc. C’est ce qui fait d’Alt-Minds une fiction totale, capable d’investir des lieux de notre vie quotidienne pour le bien de l’histoire. Mieux encore, les joueurs pouvaient recevoir un SMS ou un appel d’un des personnages à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. On offre ainsi une immersion prolongée dans l’univers fictionnel, en brouillant les frontières entre la réalité à la fiction. Cette fiction totale suit donc les conseils d’Henry Jenkins en investissant différemment chaque média. Pour cause, même les journaux se sont emparés du phénomène en faisant des articles sur le transhumanisme, principal sujet de recherche de l’entreprise phare du jeu. En même temps de plonger les joueurs dans un univers fictionnel donné, Alt-Minds leur offrait aussi la possibilité de découvrir un courant scientifique tout ce qu’il y a de plus réels. Les joueurs également investissait chaque média de manière différente : là où avant ils lisaient les journaux pour s’informer sur un fait particulier, maintenant ils les lisent pour en apprendre plus sur l’univers fictionnel du jeu. Il en est de même avec les événements IRL où, au lieu de se rendre quelques parts pour visiter, on s’y rendait pour trouver un indice. Mais encore une fois, si beaucoup peuvent se prêter au jeu, il ne faut pas oublier son public pour autant, et c’est sans doute une méconnaissance de ce dernier qui a entraîné un succès plutôt mitigé 44 http://leblogdocumentaire.fr/alt-minds-retour-dexperience-avec-eric-viennot/, consulté le 10 juin 2016 45 Joueur occasionnel 46 Joueur expérimenté. 47 In Real Life
  • 31. 31 au jeu. Ses difficultés tiennent notamment dans l’utilisation du temps réel. Si ce dernier est un moteur de plus pour immerger un public, il est aussi un frein pour une partie qui ne souhaite pas trop s’investir. De la même manière, l’utilisation des SMS ou appels et des lieux réels peut être un frein supplémentaire. Dans le premier cas, il s’agit de demander à des gens leurs numéros de téléphone privé, ce qui peut entraîner une certaine méfiance. Dans le second cas, on demande en plus un investissement financier puisque les joueurs devront se déplacer pour avoir accès à certains indices. Si ces deux choses ne sont pas obligatoires pour avancer dans le jeu, elles permettent de faciliter la progression. Il est donc utile de rappeler que pour tous dispositifs transmédia, des freins peuvent entraîner une méfiance du public et au final une utilisation partielle du dispositif. Ajoutons à cela un flux d’information important, obligeant un investissement de chaque instant, et nous pouvons obtenir une « infobésité » qui poussera certaines personnes à abandonner le jeu et donc le dispositif. Pour autant, l’investissement de la réalité par un dispositif transmédia permet une immersion prolongée, comme nous l’avait démontré le jeu « Fruit of the Year 2010 » d’Oasis. Néanmoins, certaines franchises choisissent d’organiser des événements transversaux non pas en rapport avec l’univers fictionnel mais avec les codes qu’il développe. Hero Corp fait cela grâce à des matchs d’impro. Il est ici question d’un affrontement entre deux équipes, l’une d’entre elles étant composée d’acteurs de la série. Les joueurs s’affrontent sur un thème et doivent improviser des situations comiques. L’équipe la plus drôle et respectant le plus le thème remporte la manche. Ces événements se déroulent à travers toute la France et sont une occasion, pour les fans, de rencontrer et de discuter avec l’équipe de la série. Mais nous reviendrons sur ce point en seconde partie. Il est important de noter ici la nature de cet événement, ainsi que des autres organisés par l’équipe de la série. Si les matchs d’impro sont réguliers et courants, nous relevons également des séances de dédicaces, mais aussi des apéritifs48 . Encore une fois, ce dernier événement met en avant les codes de l’univers fictionnel. En effet, lors de la première saison, les personnages se retrouvent de temps en temps dans le café du village où ils peuvent discuter de leurs missions. Les acteurs d’Hero Corp invitent donc les fans à faire partie, dans un cadre différent, de cet univers. Quant aux matchs d’impro ils relèvent le genre de la série : la comédie et l’absurde. Si ces événements ne sont pas directement liés à l’univers fictionnel, ils participent de son prolongement, ou plutôt du prolongement de ses codes et de ce qu’il souhaite communiquer : 48 Annexes II objet du corpus : Hero Corp, Tweet annonçant un apéritif avec l’équipe de la série, p. VIII
  • 32. 32 « Je pense aussi que c’est l’univers de la série qui permet ça, elle met en scène des gens assez proches de nous, de notre quotidien. 49 » Ce fan le dit lui-même, le fait que l’univers fictionnel mette en scène des personnages du quotidien, que l’on pourrait retrouver dans notre vie de tous les jours, encourage les événements de ce type et les font voir comme s’ils étaient normaux et allant de soi. Ainsi les ARG et événements transversaux permettent une meilleure immersion dans l’univers fictionnel, captant l’attention du public avec plus de force puisque cela engage une participation plus poussée. Néanmoins, ce genre de dispositif a son inconvénient dans le sens où cela peut exclure une partie des personnes n’ayant pas l’envie ou les moyens de s’investir avec autant de force. Par ailleurs, ils sont inhérents à un dispositif transmédia et d’autant plus importants qu’ils brouillent les frontières entre la réalité et la fiction. 3.2 Le détournement des codes médiatiques pour mieux brouiller les frontières Ce brouillage des frontières est fondamental lorsqu’on parle de transmédia puisqu’il est garant de l’immersion. Ainsi, le transmédia est appelé Deep Media par Frank Rose50 parce que ce dispositif permet de créer une expérience immersive et participative. Car la clé d’un projet transmédia est bien là : permettre au public de participer au prolongement de l’univers fictionnel. Mais avant cela, il faut pouvoir capter son attention. Nos deux premières parties ont fait l’objet de ce sujet. Maintenant, nous parlons d’immersion. Si les stratégies sont diverses et variées pour ce faire, la clé de voûte de tout cela est bien le brouillage des frontières entre la réalité et la fiction. « Fruit of the Year 2010 » d’Oasis entamait déjà cela puisque les personnages-fruits de la marque se sont rendus bon nombre de fois auprès du public. La caractérisation même des personnages et leur mise en scène poussait le public à les penser comme réels. Alt-Minds faisait la même chose en invitant les joueurs à se déplacer et à recevoir des SMS sur leur téléphone. Pour aller plus loin, certaines franchises proposent aussi à leur public de s’immerger dans leur univers narratif tout en leur offrant la possibilité de le prolonger. Pour cela, les industries narratives détournent souvent les codes médiatiques. C’est le cas de la campagne de promotion du film 49 Annexes IV, Retranscription des entretiens réalisés avec les fans d’Hero Corp, Entretien n°2, p. XXIX, réalisé en mai 2016 50 Mélanie BOURDAA, « Le transmedia entre narration augmentée et logiques immersives », http://www.inaglobal.fr/numerique/article/le-transmedia-entre-narration-augmentee-et- logiques-immersives, consulté le 14 octobre 2015
  • 33. 33 Amazing Spider Man. Marvel, la société de production de ce film, a utilisé le transmédia pour promouvoir un nouvel opus tout droit sorti de son univers fictionnel aux ramifications complexes. Le dispositif de promotion détournera tout du long les codes médiatiques connus par le public familial. La campagne commence par l’annonce d’un personnage, le Capitaine Stacey, dans une chaîne de télévision nationale. Il demande aux gens de l’aider à capturer Spider Man. Cette vidéo est construite comme un reportage sorti d’un journal télévisé : bandeau avec le nom du personnage et sa fonction, sous-bandeau avec les nouvelles qui défilent, micro-trottoir et questions du journaliste. La campagne est entièrement construite de cette manière : un site internet où les internautes peuvent déposer leurs photos du super-héros (il s’agira en fait de photos de fans déguisés et se mettant en scène dans des lieux différents), le site internet d’Oscorp Industrie où une rubrique enjoint les fans à postuler pour devenir stagiaire, un blog qui donne les dernières nouvelles de la trac du super-héros, etc. Tout ceci sera ponctué par des vidéos détournant les codes des journaux télévisés. Ainsi, la franchise Marvel parvient à rendre plus que réel son personnage de Spider Man mais aussi les autres personnages qui évolueront tout au long du film. Il faut par contre se rappeler les moyens financiers d’une telle franchise, à même de mettre à disposition plusieurs millions d’euros pour développer des sites internet et des vidéos qui soutiendront l’objectif visé. Mais il n’est nullement besoin de déployer tant de moyens pour faire qu’une stratégie transmédia brouille les frontières entre la réalité et la fiction. Le Projet Blair Witch en est l’exemple même. Film d’horreur américain sorti en 1999, la campagne de promotion et le film en lui-même bouleverseront tous les codes du film d’horreur dans un but précis : faire adhérer à l’histoire, la rendre le plus réel possible. Tout commence avec le synopsis : « En octobre 1994, trois jeunes cinéastes, Heather Donahue, Joshua Leonard et Michael Williams, disparaissent en randonnée dans la foret de Black Hill au cours d'un reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouvé le film de leur enquête. Le Projet Blair Witch suit l'itinéraire éprouvant des trois cinéastes à travers la forêt de Black Hills et rend compte des événements terrifiants qui s'y sont déroules. A ce jour, les trois cinéastes sont toujours portés disparus 51 » Comme nous le montre ce résumé, le film est présenté comme un documentaire. On nous parle ici d’un « film » qui retrace la péripétie de 3 étudiants partis faire un reportage sur la sorcière de Blair. Le synopsis en lui-même brouille donc les frontières entre la réalité et la fiction. 51 Source Allocine : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=20268.html, consulté le 10 mai 2016
  • 34. 34 La bande-annonce52 jouera le même rôle. Dès les premières secondes, on sent le côté artisanal du film: un fond gris foncé, la date de sortie du film en plein milieu de l’écran semble bouger un peu, comme s’il s’agissait d’un simple carton posé devant la caméra. On distingue également des petits points blanc sur tout l’écran, synonyme souvent de vieux films en noir et blanc. Durant 37 secondes, le spectateur est plongé dans l’univers du film : champs lexical de la magie, fond sonore angoissant, étudiante apeurée. Mais le dispositif ne s’arrête pas là puisqu’ils ont également développé un site internet53 entièrement dédié au film. Véritable plaque tournante du projet, le site internet débute par un petit plan sur une des actrices, montrant sa maison où elle travaille sur le projet de la sorcière de Blair. Ensuite, un menu blanc auréolé d’une lumière apparaît sur un fond noir : • Mythology : nous trouvons ici toute une série de faits reprochés à la sorcière de Blair. Ils remontent jusqu’à la fin du XVIIIème siècle et relatent des disparitions, morts mystérieuses ou apparitions surnaturelles de la sorcière. Les liens nous mènent vers des images, des peintures, des photos ou des sons censés attestés de la véracité de ces propos. • Filmmakers : loin d’être une biographie des auteurs, on nous présente ici des photos des acteurs, ensemble, en cours, en train de travailler. Bref, on les expose dans leur vie quotidienne comme on aurait pu le faire sur les réseaux sociaux, à ceci près qu’ils n’existaient pas encore à l’époque. • The Aftermath : c’est l’onglet qui brouille le plus les frontières entre la réalité et la fiction. On peut y trouver des photos de la police en plein travail de recherche pour retrouver les étudiants, des interviews des parents, un reportage sur des chaînes de télévisions, des coupures de presse, etc. • Legacy : on retrouve ici des preuves de la véracité du « film » : photos des étudiants avant leur disparition, dans la forêt, des sons ambiants de la forêt, le journal intime d’un des acteurs, etc. En somme, tout est fait pour montrer que ce film n’en est pas un. Le site internet assoie donc la stratégie de la production du film. Tous ces éléments réunis laissent planer le doute, le spectateur pense alors qu’il ira voir un documentaire et non pas un film romancé. Ce dernier ne fera qu’accentuer cette impression. Tourné en caméra porté et avec ce qui semble être un simple micro, et un traitement minimaliste de l’image, on sera porté par les péripéties des 3 étudiants, vivant de près tout ce qu’ils ont pu voir. En somme, le film nous plongera encore plus dans l’intrigue de par un point de vue interne. Le Projet Blair Witch ne coûtera que 65 000$, campagne marketing comprise. Au total, il remportera 118 millions de dollars lors de son premier été aux Etats-Unis. C’est sans conteste un succès cinématographique du non pas à la qualité du film, mais bien à son dispositif transmédia. Pour cause, 52 Source Allocine : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=20268.html, consulté le 10 mai 2016 53 http:/www.blairwitch.com/, consulté le 11 mai 2016
  • 35. 35 dès le lancement de cette campagne, les internautes se sont emparés du phénomène et ont tenté de trouver des indices sur internet afin de retrouver les étudiants disparus54 . Ainsi, nous avons vu ici que brouiller les frontières entre la réalité et la fiction permet une meilleure immersion dans l’univers fictionnel. Si les ARG et les événements IRL y participent, le détournement des codes médiatiques fait également une différence dans l’expérience qu’un dispositif transmedia peut offrir. Cette première partie nous a montré qu’un projet transmédia devait son succès à plusieurs choses. Les personnages sont centraux dans ces stratégies puisqu’ils permettent au public de s’identifier à l’univers et de le découvrir. Sans eux, l’attractivité serait moins importante. Il faut, pour qu’ils captent l’attention du public, qu’ils soient développés comme des personnages de série, évoluant au gré de leurs aventures. L’immersion dans l’univers fictionnel sera d’autant plus importante que ces personnages seront caractérisés. Si à eux seuls ils ne peuvent faire tout le travail de captation, leur mise en scène sera un second palier dans la recherche d’une immersion poussée. Pour cela, chaque média doit être utilisé avec réflexion en tenant compte des codes de l’univers développé, mais aussi de la finalité de chaque média. Interdépendants les uns des autres, ils ne doivent pas perdre le public mais leur permettre de s’immerger dans l’univers fictionnel développé. Pour cela, la plupart des marques développent des stratégies ludiques souvent récompensées. Le jeu est une part importante d’un projet transmédia puisqu’il permet de faire deux choses : permettre au public de participer au prolongement de l’univers et l’immerger dans ce dernier. Les ARG sont une sorte de « Saint-Graal » du jeu puisqu’ils brouillent les frontières entre la réalité et la fiction, permettant aux joueurs d’incarner un personnage sorti de l’univers fictionnel dans sa vie quotidienne. Utilisant tous les médias dont il peut avoir besoin, il détourne les codes médiatiques habituels pour faire adhérer les joueurs à l’univers narratif. Ce brouillage des frontières est aussi un des piliers d’un projet transmédia puisqu’il l’ancre dans notre réalité et le rend d’autant plus attractif. Néanmoins, il n’est nullement besoin de faire appel à toutes les ressources technologiques que compte notre monde. Il faut s’accorder avec son public, mais surtout avec les codes de l’univers développé. Parfois, comme nous l’a montré l’analyse du dispositif du Projet Blair Witch, un dispositif simple peut servir l’univers fictionnel avec tout autant d’efficacité qu’un dispositif bardé de technologies. 54 Source : http://www.transmedialab.org/the-blog/case-study/the-blair-witch-project-une-reference- transmedia/, consulté le 10 mai 2016
  • 36. 36 II Des stratégies de communication différentes pour se rapprocher de son public Si la captation du public est primordiale pour qu’un projet transmédia fonctionne, sa finalité est bien de permettre de construire une relation durable avec son public. S’inspirant du marketing expérientiel et relationnel, le transmédia, comme nous le verrons tout au long de cette partie, peut permettre à une marque de se rapprocher de son public, et surtout de co-construire avec lui son identité et son image. Bien plus qu’une stratégie de communication visant à convertir les consommateurs, le transmédia permet de les engager et de les fidéliser. 1. De l’importance des réseaux sociaux pour construire une communication de proximité Les réseaux sociaux sont aujourd’hui au centre de bon nombre de stratégies de communication. Le transmédia n’échappe pas à cette règle. Ces outils permettent en effet de mieux brouiller les frontières entre la réalité et la fiction en permettant une mise en scène des personnages de l’univers fictionnel. De la même manière, nous montrerons qu’ils peuvent permettre de construire une relation durable avec son public, même si pour autant ils ne se sentent pas plus proche de la marque initiant l’univers fictionnel. 1.1 La mise en scène des personnages au service d’une communication de proximité Nous l’avions longuement développé en première partie, les personnages sont centraux lorsqu’il s’agit d’immerger un public dans un univers fictionnel. Ils permettent à chaque spectateur de s’identifier à l’un d’eux et donc, par extension, d’adhérer à l’univers fictionnel. Pour cela, il faut les mettre en scène. Si n’importe quel média peut faire cela, les réseaux sociaux permettent de rendre réel certains personnages, ou tout du moins de leur donner la parole. Ainsi, ce ne sera plus la marque qui parlera, mais bien les personnages qu’elle aura créés, jouant ainsi un rôle de médiateur entre la marque et son public. Les réseaux sociaux font entièrement parti de ce marketing relationnel et expérientiel. Leur but est bien de créer et de fidéliser une communauté autour des valeurs d’une marque :