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Dossier « textes d’experts » 
Prévention des risques liés à la préparation physique du 
militaire: synthèse des connaissances actuelles. 
X. Bigard a, J.-Y. Cravic b, S. Banzet c. 
a Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex. 
b Centre National des sports de la Défense, camp Guynemer – 77307 Fontainebleau Cedex. 
c Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de Brétigny-IMASSA, Base aérienne 217 – 91200 Brétigny sur Orge. 
Introduction. 
Au sein d’une armée professionnelle et compte tenu 
de l’évolution des conflits armés, la préparation physique 
du militaire est devenue une nécessité opérationnelle. 
C’est par l’entraînement physique adapté que les 
capacités et aptitudes physiques nécessaires à l’efficacité 
opérationnelle des troupes sont développées, et 
entretenues tout au long de la carrière. L’entraînement 
physique est ajusté en fonction d’objectifs précis 
(développement de l’endurance, la puissance, la vitesse, 
la force, etc.) sur la base d’activités militaires (marche 
avec sac à dos, parcours d’obstacles, sauts en parachute, 
escalade militaire, entraînement commando, 
aguerrissement, etc.) et sportive (course à pied, natation, 
marche-course, renforcement musculaire, etc.). 
En parallèle des besoins opérationnels, la pratique 
régulière de l’activité physique a aussi des effets 
bénéfiques pour la santé ; un bon état d’entraînement 
physique est maintenant parfaitement reconnu comme 
facteur de prévention de la survenue de très nombreuses 
pathologies (dysmétabolisme comme les états de diabète, 
hypertension artérielle, cancers, etc.). 
Par contre, l’activité physique régulière est assortie de 
risques pour la santé, dont la gravité varie entre deux 
extrêmes, la mort subite et les accidents musculo-squelettique 
bénins. Pour les militaires, ces risques pour 
la santé sont d’une importance majeure ; c’est ainsi que la 
fréquence de survenue de pathologies musculo-squelettiques 
liées aux activités physiques militaires est si 
fréquente au sein de l’armée américaine qu’on est arrivé à 
parler d’ « épidémie cachée » (34). 
Il y a une véritable réflexion de fond à engager afin de 
tenter de maîtriser ces risques liés à la préparation 
physique. Cette réflexion se doit tout d’abord d’identifier 
les causes et les facteurs prédisposants, et de proposer des 
mesures et recommandations nécessaires afin d’assurer 
la maîtrise des risques. Les recommandations proposées 
seront reportées en encadré. 
Pratique de l’activité physique dans 
les armées. 
On ne peut que rappeler tout l’importance de la 
préparation physique et mentale au combat, qui à terme, 
permet au militaire de faire face aux contraintes physiques 
et psychologiques de l’environnement opérationnel. 
Conçu comme étant une nécessité professionnelle et 
opérationnelle, l’entraînement physique militaire et 
sportif fait partie intégrante de la formation militaire 
générale. À une préparation physique initiale, fait suite 
une préparation spécifique définie en fonction du théâtre 
des opérations et des contextes d’emploi des troupes. 
L’efficacité de l’entraînement physique résulte d’une 
étroite collaboration entre le commandement, le Service 
de santé des armées (SSA) et la chaîne technique 
Éducation physique militaire et sportive (EPMS). Le rôle 
et l’implication des médecins du Service de santé des 
armées dans le suivi de la tolérance des programmes de 
préparation physique sont fondamentaux. 
Cependant, la préparation physique des militaires 
résulte d’une responsabilité partagée entre le militaire qui 
doit se maintenir en condition physique et l’institution qui 
assure la formation en école, le suivi et le contrôle de 
l’entraînement et met en place des moyens. 
X. BIGARD, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce. J.- 
Y. CRAVIC, médecin en chef, praticien confirmé. S. BANZET, médecin en chef, 
praticien confirmé. 
Correspondance : X. BIGARD, Institut de recherche biomédicale des armées 
(IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex. 
médecine et armées, 2010, 38, 1, 07-16 7 
D 
O 
S 
S 
I 
E 
R 
R1. Les médecins affectés en unités opérationnelles 
(quelle que soit l’armée) doivent bénéficier d’une 
formation universitaire aux spécif icités de la 
médecine et de la traumatologie du sport (dans le 
cadre de capacités, de diplômes universitaires ou du 
diplôme d’études spécialisées complémentaire). 
R2. Dans le cadre de leur formation en Écoles, 
les cadres officiers et sous-officiers doivent être 
informés des facteurs individuels et environ-nementaux 
de tolérance de l’entraînement physique.
Bien que variable suivant les armées, la pratique de 
l’activité physique par les militaires reste très importante, 
en comparaison avec le monde civil. Une enquête réalisée 
par Guezennec et collaborateurs en 1997 a permis de 
montrer que 79 % des militaires pratiquaient une activité 
sportive contre 48 % de la population française (17). Au 
moment de cette enquête, les militaires pratiquaient 
surtout des disciplines d’endurance (de faible intensité et 
de longue durée) et des sports collectifs. Environ 60% des 
militaires interrogés consacraient en moyenne plus de 
quatre heures par semaine au sport, en plus de la 
préparation spécifique militaire (exercices tactiques, 
marches avec port de charge, etc.). 
Compte tenu des nombreux engagements de nos 
troupes à l’extérieur du territoire, force est de constater 
que la préparation physique est devenue discontinue, la 
répétition des missions ne permettant pas le suivi d’un 
entraînement régulier, nécessaire afin de maintenir un 
niveau de condition physique minimal. Depuis 1997, 
nous n’avons aucune information sur le suivi et le coût-santé 
de la préparation physique de nos armées ; c’est la 
raison pour laquelle une nouvelle enquête est 
actuellement en cours de réalisation, dans le cadre d’un 
partenariat entre la caisse nationale militaire de sécurité 
sociale, le Centre national des sports de la Défense et le 
Service de santé des armées. Cependant, une vigilance 
épidémiologique accrue est nécessaire au long cours, afin 
de surveiller la prévalence des accidents et d’évaluer 
l’efficacité de mesures de correction. 
R3. La relative pauvreté des informations 
épidémiologiques collectées actuellement 
en France justifie la création d’un « observatoire 
des pathologies liées à la pratique de l’activité 
physique ». Cet observatoire, sur la base d’une 
méthodologie simple et solide, permettrait 
d’identif ier l’état actuel de l’incidence de ces 
pathologies, et d’évaluer l’efficacité des mesures 
interventionnelles mises en oeuvre. 
Les risques liés à la préparation 
physique du militaire. 
Les risques pour la santé qui seront considérés ici, 
concernent des atteintes physiques ou organiques pour 
lesquelles le militaire consulte et/ou est hospitalisé, 
bénéficie d’un arrêt de travail, ou d’exemptions (ou 
restrictions d’emploi temporaires ou définitives). Ces 
pathologies ont donc des conséquences importantes pour 
la personne, la société et au plan économique. 
Les études épidémiologiques réalisées par l’armée 
américaine, des années 90 jusqu’à nos jours, indiquent 
que les pathologies liées à la préparation physique 
rendent compte de 30 % des hospitalisations et 
représentent 51 % de cas de réformes et de séquelles 
fonctionnelles (31, 39). Dans l’armée américaine, lors 
des périodes de classes dans les unités d’infanterie, le 
pourcentage de consultations pour maladies égale le 
pourcentage de consultations pour blessures (80 à 100 
consultations pour blessure pour 100 soldats par an) (20). 
Les risques liés à la pratique des activités physiques 
militaires sont majoritairement de deux ordres, de grande 
gravité lorsque les pathologies observées sont assorties 
d’un risque vital, ou de moindre gravité pour l’ensemble 
des pathologies de l’appareil locomoteur. 
Épidémiologie des risques vitaux. 
La pratique de l’activité physique est connue pour être 
pourvoyeuse de décès au cours ou au décours immédiat de 
l’effort, y compris chez des sujets jeunes sans aucune 
pathologie connue. Ces décès ont représenté 
approximativement 6 % de l’ensemble des décès recensés 
dans les forces armées américaines entre 1996 et 1999 
(14) ; leur incidence était pour cette période de 4,3/100000 
personnes par année. Les causes les plus fréquentes sont 
les accidents cardiovasculaires, le coup de chaleur 
d’exercice et les noyades. 
Épidémiologie des blessures de l’appareil 
locomoteur. 
Les blessures liées à l’entraînement physique militaire 
sont très fréquentes. On a pu estimer que pour l’armée 
américaine, 20 % des hospitalisations sont liées à des 
problèmes musculo-squelettiques. Au sein de l’armée 
française, le sport apparaît aussi comme étant le premier 
pourvoyeur de traumatismes ; 28 % des militaires 
déclarent un traumatisme en relation avec une activité 
sportive et 26 % des arrêts de travail sont en relation avec 
les activités sportives (18). Plus récemment, le bureau 
Prévention et Maîtrise des Risques de l’état-major de 
l’armée de Terre a estimé que pour les années 2007-2008, 
les activités sportives sont responsables de 38 % des 
accidents en service, alors que les activités typiquement 
militaires sont du même ordre de grandeur (37%) (tab. I). 
Les risques vitaux. 
La pratique d’activités physiques intenses est connue 
depuis longtemps pour être parfois responsable de décès 
(le cas du soldat de Marathon en est un exemple célèbre), 
et ce même à l’exclusion des causes traumatiques qui ne 
seront pas envisagées ici. Les risques de décès résultent 
principalement d’accidents cardiovasculaires, de 
pathologies aiguës à la chaleur ou de noyade. 
Les accidents cardiovasculaires à l’effort. 
Leur incidence actuelle est mal connue au sein des 
armées françaises et aucune étude épidémiologique n’a 
été publiée depuis la professionnalisation. Les études les 
plus récentes concernent des populations de sportifs ou 
de militaires étrangers. D’une manière générale, 
la bibliographie ne donne pas une idée très précise de 
la prévalence des accidents cardiovasculaires à l’effort 
dans la mesure où elle ne s’intéresse qu’à la mort subite 
du sportif, et ne rend pas compte d’un certain nombre 
d’autres événements pathologiques (en particulier 
ischémiques). 
8 x. bigard
Tableau I. Accidentologie du personnel militaire de l'armée de Terre en 
métropole pour les années 2007 et 2008. Source : bureau Prévention et maîtrise 
des risques de l’État-Major de l’armée de Terre. 
Les accidents cardiovasculaires à l’effort chez les 
sportifs sont classiquement répartis en deux grandes 
catégories ; 1) la mort subite au cours ou au décours 
immédiat d’une activité physique, qui concerne des sujets 
d’une tranche d’âge de 18 à 35 ans, sans antécédents ni 
facteurs de risques, 2) la pathologie athéromateuse qui 
affecte des personnes de plus de 35 ans, présentant un ou 
plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire. 
La mort subite d’origine cardiaque du sujet jeune. 
Elle se définit comme un décès non traumatique, 
inattendu, résultant d’une cause naturelle, et ayant lieu 
dans l’heure suivant l’apparition du premier symptôme ; 
liée à l’exercice, elle survient au cours de celui-ci, ou dans 
l’heure qui suit son arrêt (13). La majorité de ces décès 
sont d’origine cardiovasculaire. 
Les études rétrospectives ou prospectives menées sur 
de grandes populations de sportifs estiment l’incidence 
de la mort subite d’origine cardiaque de 1 à 5pour100000 
sportifs (13), ce qui représente un risque 2 à 3 fois plus 
important que dans une population non sportive. Ces 
décès surviennent le plus souvent chez les hommes (sex 
ratio : 10/1), au cours de la deuxième décennie. Les 
principales étiologies retrouvées dans la population 
générale sont des anomalies cardiaques congénitales ou 
acquises non dépistées, des cardiomyopathies 
hypertrophiques (CMH), des dysplasies arythmogènes 
du ventricule droit, des cardiomyopathies dilatées ou des 
troubles du rythme de tous types. Le pourcentage des cas 
de mort subite sans étiologie confirmée après autopsie 
reste élevé, de 5 à 35% suivant les études. 
Épidémiologie dans la population militaire. 
Une étude américaine a permis d’analyser la cause 
des décès d’origine non traumatique survenus chez les 
jeunes militaires entre 1977 et 2001, en identif iant 
clairement les cas liés à la pratique de l’exercice physique 
(38). Sur les 276 cas de morts subites répertoriés, 
l’origine cardiovasculaire représente 49 % du nombre 
total des décès non traumatiques. 
Les études publiées chez des militaires français sont 
anciennes et remontent toutes aux années quatre-vingt. 
Elles fournissent cependant des informations importantes 
sur les circonstances de survenue des accidents 
cardiovasculaires ; 1) ils surviennent quel que soit le 
niveau d’entraînement des sujets ; 2) au cours de 
n’importe quel type d’activité physique ; 3) même si les 
marches, marches course et footing, les activités 
physiques intenses occasionnent de nombreux accidents 
(16). Des données récentes partielles (données non 
publiées du département d’épidémiologie et de santé 
publique (DESP) nord) suggèrent qu’entre 2005 et 2008, 
environ 30 décès, dont 5 d’origine cardiovasculaire, sont 
survenus chez des jeunes militaires au cours d’exercices 
physiques. Cependant, ces données restent imprécises et 
aucune étude rétrospective ou prospective n’a été réalisée 
sur la population militaire française actuelle, 
professionnalisée, féminisée (environ 15 %), soumise à 
un rythme d’entraînement et de missions extérieures très 
différent de celui des années quatre-vingt. Ce constat ne 
fait que renforcer la recommandation R3. 
Les facteurs de risques. 
La mort subite d’origine cardiovasculaire survient sur 
un coeur ou des coronaires pathologiques. Le rôle du 
tabagisme chronique n’est pas avéré, mais la 
consommation récente, avant l’exercice, peut être à 
l’origine d’un spasme coronarien fatal. Enfin l’existence 
d’un état grippal dans la semaine précédant un exercice 
intense est un facteur de risque reconnu. 
Prévention de la mort subite du sujet jeune. 
La prévention de ces accidents toujours dramatiques 
repose sur la sélection médicale et la diffusion 
d’informations et de règles de pratique de l’activité 
physique. L’efficacité de la prévention par la sélection 
médicale a bien été démontrée dans une vaste étude 
prospective italienne portant sur 25 ans et regroupant 
42 386 jeunes sportifs (7). La mise en place d’une 
sélection médicale obligatoire pour l’inscription à un 
sport en compétition a fait reculer l’incidence des morts 
subites d’origine cardiovasculaire de 4,19/100 000 à 
2,35/100 000 sur les douze premières années de l’étude, 
puis à 0,87/100 000 sur les treize années suivantes. Même 
si dans les armées françaises ou étrangères, il n’existe 
aucune donnée permettant de juger de l’efficacité de 
la sélection médicale, on ne peut pas imaginer que celle-ci 
puisse être remise en question. 
Le premier axe de prévention repose donc sur la 
sélection médicale ; les critères d’aptitude cardiovas-culaire 
à la pratique du sport ont fait l’objet de propositions 
détaillées et de consensus, et sont disponibles dans 
la littérature (8). 
prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 9 
D 
O 
S 
S 
I 
E 
R 
2007 2008 
nombre 
de cas 
% 
nombre 
de cas 
% 
Sport 1396 40 1061 38 
Activité physique 
militaire 
1201 34 1013 37 
Activité 
professionnelle 
433 12 339 12 
Déplacement en 
service 
191 5 117 4 
Vie courante 137 4 108 4 
Trajet 112 3 93 3 
Tâches de sécurité 
ou de sûreté 
20 1 19 1 
Déplacement sans 
lien avec le service 
8 0 8 0 
Concours divers 3 0 0 
Missions de police 1 0 2 0
R4. Les visites médicales d’engagement 
doivent être soigneusement conduites, avec une 
attention portée sur le dépistage d’anomalies 
cardiaques constitutives, et réalisation d’un ECG 
systématique. Au delà de cette visite médicale 
d’engagement, ce sont toutes les visites systé-matiques 
d’aptitude au service qui sont importantes, 
même chez le sujet jeune. 
R5. Les règles simples d’utilisation de déf i-brillateurs 
automatisés externes doivent être 
rappelées, y compris pour le personnel non-médecin 
(cadres de contact, officiers et sous-officiers). 
Le second axe de prévention repose sur une prévention 
de masse. De nombreuses études, menées notamment 
en milieu militaire, insistent sur l’importance des 
prodromes apparaissant à l’exercice, comme les syncopes 
et douleurs thoraciques, des essoufflements inhabituels 
et des palpitations (3). La large diffusion des « Dix 
règles d’or de la bonne pratique sportive », proposée par 
le club des cardiologues du sport contribue aussi à 
la prévention de ces accidents cardiovasculaires en 
relation avec l’exercice. 
R6. Assurer une large diffusion des recomman-dations 
édictées par les sociétés savantes nationales 
reconnues dans le domaine de la médecine du sport. 
C’est le cas des recommandations proposées par le 
club des cardiologues du sport : 
– respect d’un échauffement et d’une récupération 
de 10 minutes lors des activités physiques, 
– hydratation régulière, toutes les 30 minutes 
d’exercice, 
– jamais de consommation de cigarette 1 heure 
avant, ni 2 heures après l’exercice, 
– jamais d’automédication ou de consommation de 
substance améliorant les performances, 
– pas d’exercice physique en cas de fièvre, ou après 
un épisode grippal, 
– consultation en cas de douleur inexpliquée 
dans la poitrine survenant au cours de 
l’exercice, de malaise, de palpitations, ou 
d’essoufflement anormal. 
La pathologie ischémique. 
L’exercice physique intense peut aussi être un 
déclencheur d’infarctus du myocarde (IDM) conduisant 
parfois au décès (42). Les mécanismes physiopa-thologiques 
retrouvés sont classiquement la rupture 
de plaque avec thrombose et spasme coronaire, mais 
aussi des spasmes coronaires seuls qui pourraient 
être plus fréquents chez les sportifs que chez les 
sujets sédentaires. 
Épidémiologie. 
L’incidence des IDM au cours ou au décours immédiat 
de l’exercice est mal connue et n’a pas fait l’objet d’études 
à grande échelle publiée. Les IDM liés à l’exercice 
semblent représenter une faible proportion de la totalité 
des IDM recensés dans la population générale. Les 
IDM non mortels survenus lors d’une activité sportive 
ont une incidence approximative de 2,2/100 000 
à 2,4/100 000 habitants/an, avec un pic de fréquence 
entre 45 et 64 ans. 
La survenue de ces accidents dans la population 
militaire est connue et on a pu estimer que les IDM 
représentent plus de 50 % des décès par mort subite (14). 
Dans l’armée française, l’incidence des IDM au cours de 
la pratique sportive varie de 3/100 000 à 4/100 000 (37). 
Le recueil épidémiologique du SSA a recensé dix décès 
par IDM survenu au cours ou au décours d’un effort chez 
les militaires français sur la période 2005 et 2008 
(données DESP nord). Les circonstances de survenue 
sont le plus souvent mal définies, en particulier les 
notions de séance à caractère obligatoire ou relevant d’un 
examen ne sont pas connues. 
Facteurs de risques. 
Les facteurs de risques intrinsèques sont les facteurs de 
risque cardiovasculaire (FRCV) classiques, avec le 
tabagisme, les dyslipidémies et l’obésité. Par ailleurs le 
risque relatif d’IDM à l’effort est très supérieur chez les 
sujets peu entraînés (33). Enfin la prise d’une douche 
chaude ou l’inhalation de fumée de tabac immédiatement 
après l’effort sont retrouvés dans plus de 10 % des cas 
d’IDM au décours de l’effort. Par ailleurs, on a pu 
identifier des facteurs de risques extrinsèques comme le 
stress, la pollution atmosphérique et les conditions 
climatiques défavorables comme un froid intense ou une 
chaleur excessive. 
Prévention. 
La prévention des accidents cardiovasculaires 
ischémiques repose sur trois types d’actions : 
– la sélection médicale et la définition de l’aptitude est 
un point clé de la prévention. Les recommandations citées 
plus haut s’appliquent pleinement et insistent sur la 
détection par interrogatoire des FRCV. Le recours à une 
consultation cardiologique pour des examens 
complémentaires est recommandé devant toute anomalie 
à l’examen clinique ou l’ECG de repos, ainsi que pour 
tout homme de plus de 40 ans ou toute femme de plus de 
55 ans présentant 2 FRCV ; 
R7. Les visites systématiques annuelles pour le 
personnel au delà de 35 ans, doivent être conduites 
avec un grand sérieux, surtout en cas de facteur de 
risque cardio-vasculaire associé (HTA, surcharge 
pondérale, etc.). La prise en charge de ces facteurs de 
risque doit être systématique et le personnel doit être 
sensibilisé à la nécessité absolue de consulter en cas 
de moindre gène, douleur ou d’essoufflement 
anormal au cours de l’effort physique. 
10 x. bigard
– la prise en charge personnalisée des patients à 
FRCV avérés doit être complète, s’entendant jusqu’aux 
conseils dans les modalités de pratique des activités 
physiques. Une information des symptômes qui doivent 
alerter l’individu et l’amener à consulter au plus vite doit 
être apportée ; 
– enfin la prévention repose sur des actions de masse 
avec sensibilisation des individus sur des règles d’hygiène 
de vie (lutte contre les FRCV) et sur des règles de bonne 
pratique du sport. On doit ici s’appuyer sur la diffusion 
des « Dix règles d’or de la bonne pratique sportive » (voir 
la recommandation R5). Un enseignement des gestes de 
premier secours et de l’utilisation du défibrillateur semi-automatique 
pourrait être utile dans ces actions de masse. 
Le coup de chaleur d’exercice. 
Le coup de chaleur d’exercice (CCE) est la forme la plus 
grave des pathologies liées à la chaleur et présente un risque 
important de décès. Il se caractérise par l’association d’une 
hyperthermie supérieure à 40 °C, de signes neurologiques 
centraux et d’une rhabdomyolyse d’intensité variable ; le 
tout survient chez des sujets sains, pendant ou au décours 
immédiat d’un effort physique intense et prolongé dans une 
ambiance plus ou moins défavorable (4). 
Épidémiologie. 
Parmi les recrues américaines, les CCE sont 
responsables de 16 % des décès non traumatiques (38). 
L’entraînement physique et les opérations menées en 
climat chaud sont souvent retrouvés ; le port de tenues 
militaires (treillis, protections balistiques et dans les 
conditions les plus extrêmes équipements de protection 
NRBC) représente une contrainte pour la dissipation de la 
chaleur, augmentant le risque de CCE (30). 
L’épidémiologie de cette pathologie est bien connue pour 
le SSA puisqu’elle fait l’objet d’une surveillance 
épidémiologique spécifique depuis 1995. Dans un 
rapport récent portant sur trois années (2005-2007), 322 
cas de CCE ont été rapportés. L’incidence du CCE est 
évaluée à 31,2/100 000 en moyenne, l’incidence outre-mer 
étant 2,5 fois plus élevée qu’en métropole. Enfin, 
dans 60 % des cas déclarés, l’accident survient au cours 
d’une marche course. 
Les facteurs de risques. 
Les facteurs de risques de survenue d’un CCE sont 
principalement les facteurs climatiques, les facteurs 
individuels de moins bonne tolérance à la chaleur, 
auxquels s’ajoutent des facteurs plus circonstanciels. 
Les facteurs intrinsèques sont l’âge (>40 ans), une 
petite taille, une faible capacité aérobie. Le rôle 
du surpoids ou d’un index de masse corporelle élevé a 
été discuté, mais n’est pas toujours retrouvé. Les 
antécédents personnels d’intolérance à la chaleur, de 
pathologie cardiovasculaire, d’anomalie métabolique 
ou maladie cutanée compromettant la sudation 
constituent un risque supplémentaire. 
Les risques surajoutés sont une prise médicamenteuse 
ou une vaccination récente. Les risques intrinsèques 
circonstanciels sont extrêmement importants dans 
la genèse du CCE, les plus importants étant la 
déshydratation, la fatigue, la privation de sommeil, 
l’absence d’acclimatation à la chaleur ou une très forte 
motivation. Les facteurs extrinsèques sont des facteurs 
d’ambiance climatique qui compromettent la 
thermorégulation (6). 
Prévention. 
Les bases de la prévention des pathologies liées à la 
chaleur sont : 
– la sélection médicale. Elle est incontournable 
et repose sur la recherche de facteurs de risques consti-tutifs 
ou passagers (vaccinations, état infectieux…) qui 
contre-indiqueraient la pratique sportive en ambiance 
climatique à risque ; 
– l’amélioration de la tolérance individuelle à la chaleur 
(entraînement, acclimatation, hydratation) ; 
– la réduction de la charge thermique (se protéger de la 
chaleur ambiante), qui repose aussi sur l’adaptation des 
exercices aux contraintes climatiques, le respect de 
périodes de repos, le port de vêtements adaptés au climat, 
et l’application de règles d’hydratation. L’utilisation de 
supports pédagogiques adaptés peut être d’une grande 
importance. L’utilisation d’outils prédictifs basés sur une 
mesure objective simple, celle de la température WBGT 
(Wet Bulb Globe Temperature) est très utile à la 
caractérisation de l’ambiance climatique. 
En conclusion de ce chapitre, il faut rappeler les 
dangers encourus par l’utilisation de substances dopantes 
ou ayant pour finalité d’améliorer les performances. 
Certaines de ces substances peuvent être impliquées dans 
la survenue d’accidents vitaux par IDM ou CCE. Dans les 
armées françaises, on peut logiquement craindre une 
augmentation de la déclaration de consommation de 
certains médicaments censés améliorer les performances 
physiques (18). Même si « l’automédication » reste 
cependant diff icile à quantifier et à appréhender, ce 
phénomène semble accru ces dernières années, ce qui 
doit inciter à la vigilance ; il nécessite une information 
juste, en particulier au regard des achats de substances 
pharmacologiques sur internet. 
Les lésions musculo-squelettiques. 
La survenue de blessures et lésions musculo-squelettiques 
liées à la préparation physique militaire 
est un problème majeur en termes de coût social et 
prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 11 
D 
O 
S 
S 
I 
E 
R 
R8. Les cadres officiers et sous-officiers doivent 
être correctement informés des moyens individuels 
d’amélioration de la tolérance du climat chaud. Au 
sein des unités, les médecins doivent jouer un rôle 
prépondérant pour véhiculer ces informations. 
R9. Il est recommandé d’actualiser les moyens 
déjà existant d’aide décisionnelle au travail à la 
chaleur, en prenant en compte les situations 
d’activité physique avec équipements militaires.
R10. L’attention des cadres de contact doit être 
attirée sur les dangers de l’utilisation de substances 
destinée à améliorer les performances. L’accent doit 
être mis sur les risques liés aux achats de produits 
non-contrôlés sur internet, sur l’efficacité plus que 
douteuse de nombre de produits proposés, et de leurs 
effets adverses sur la santé. 
d’altération de la capacité opérationnelle des unités. 
Ces blessures expliquent une partie des dépenses pour 
des affections présumées imputables au service 
(DAPIAS) qui sont en permanente augmentation 
depuis un certain nombre d’années. Leur taux peut être 
estimé à 10 à 15 pour 100 recrues par mois pour les sujets 
masculins ; il s’élève avec la sévérité de l’entraînement, 
s’élevant jusqu’à 30-35 pour 100 recrues pour les 
commandos marine. 
Ce taux de blessure atteint 15 à 25pour100 recrues pour 
les sujets féminins. Les recrues féminines souffrent en 
effet de presque deux fois plus de traumatismes musculo-squelettiques 
que leurs homologues masculins. En 
particulier, les femmes ont un risque accru de 1, 2 à 10 fois 
supérieur de souffrir de fracture de fatigue que leurs 
homologues masculins (19). Bien que cette question soit 
débattue, il semble que le taux élevé de blessures observé 
chez les recrues féminines ne soit pas lié au sexe, mais à un 
niveau plus faible de condition physique au moment de 
leur incorporation (19) (tab. II). 
Tableau II. Les blessures les plus fréquentes parmi les hommes et les femmes 
lors du même programme d’entrainement physique militaire initial dans 
l’armée américaine (19). 
Classement Hommes Femmes 
1 Lombalgies (7,3 %) Lésions musculaires (15,6 %) 
2 Tendinopathies (6,5 %) Fracture de fatigue (12,3 %) 
3 Entorses (4,8 %) Entorses (5,9 %) 
4 Lésions musculaires (3,2 %) Tendinopathies (5,5 %) 
5 Fracture de fatigue (2,4 %) « Genou forcé » (2,1 %) 
Selon l’expérience américaine, les quatre principaux 
diagnostics portés au cours de consultations médicales 
sur les théâtres de combats (Irak et Afghanistan) sont les 
lésions orthopédiques survenant en dehors des opérations 
de combat, les affections respiratoires, les affections 
cutanées et les affections gastro-intestinales (36). Durant 
la guerre du Golfe, les lésions de l’appareil musculo-squelettique 
(13 %) représentaient la seconde cause 
d’hospitalisation sur le théâtre d’opération, soit trois fois 
plus que le taux d’admission pour des blessures liées au 
combat (43). Enfin, les exemptions partielles de service 
pour les jeunes recrues de l’armée américaine se révèlent 
être de 5 à 22 fois plus importantes pour les blessures 
musculosquelettiques que pour les maladies (tab. III). 
Tableau III. Nombre de jours d’indisponibilité par type de blessure musculo-squelettiques 
chez des militaires appartenant à une unité d’infanterie (26). 
Blessures 
Nombres de jours 
d’indisponibilité 
par blessure 
Fractures 103,2 
Entorses 16,7 
Autres blessures traumatiques 7,6 
Tendinites 7 
Foulures 3 
Douleurs musculosquelettiques 2,8 
Les différents types de blessures musculo-squelettiques. 
La littérature recense deux types de blessures musculo-squelettiques 
: celles survenant de manière aiguë (comme 
les entorses de cheville ou de genou) et celles survenant de 
manière plus insidieuse par hyper-sollicitation comme 
les pathologies tendineuses. 
Les blessures les plus fréquentes lors de l’entraînement 
physique régulier et progressif sont les atteintes micro-traumatologiques 
par hyper-sollicitation (60 % à 80% 
chez les recrues de l’US Army) (tab. II). 
Les lésions du membre supérieur n’entraînent qu’un 
faible nombre d’exemptions totales de service. À 
l’inverse, les lésions du membre inférieur sont très 
fréquentes. Les lésions orofaciales surviennent au cours 
de nombreuses activités militaires comme le parcours 
d’obstacle, les entraînements au corps à corps (à main 
nues ou à la baïonnette). Une attention particulière doit 
être portée aux fractures de fatigue en raison de leur 
fréquence et de leur retentissement sur l’aptitude 
physique et le taux de réformes, en particulier chez le 
personnel féminin. Elles surviennent chez environ 3 % à 
6 % des recrues masculines lors des classes dans l’armée 
américaine (22) et chez environ 4 % à 21 % des recrues 
féminines, avec possibilité de localisations fémorale ou 
iliaque (23). Ces fractures de contrainte peuvent conduire 
à des fractures vraies, qui consolident lentement ou 
incomplètement. 
Il convient d’insister enf in sur le retentissement 
psychologique et sociologique de la blessure chez le 
militaire régulièrement entraîné qui vit sa blessure 
comme un drame, avec une sensation d’échec vis-à vis de 
lui-même et de son entourage. 
Les facteurs de risque de blessures musculo-squelettiques 
liés à la préparation physique 
militaire. 
Identifier et comprendre les facteurs de risque est 
un des points clés pour développer des méthodes de 
prévention et de lutte contre les blessures musculo-squelettiques. 
On peut classiquement identifier des 
facteurs intrinsèques, liés à la personne, et des facteurs 
extrinsèques (plutôt reliés à l’environnement). 
12 x. bigard
Facteurs intrinsèques. 
L’âge. 
Le risque de blessure augmente généralement avec 
l’âge, même si les résultats sont discordants selon les 
études. C’est ainsi que lors de la formation militaire 
initiale, les individus les plus âgés (>23 ans) seraient 
le plus susceptibles d’être blessés. Mais chez les militaires 
plus âgés, on constate une baisse du taux de blessures, 
probablement liée à une moindre exposition aux risques 
de blessures (21). 
Le sexe. 
Le risque est généralement plus élevé chez les femmes. 
Chez les jeunes recrues, un taux de blessures d’hyper-sollicitation 
de 1,5 à 2 fois supérieur a été constaté chez les 
femmes. Au sein de l’armée américaine, ce taux plus 
élevé de blessures chez les femmes, peut être lié à une 
condition physique absolue plus faible (21). En effet, à 
condition physique égale (même vitesse de course à pied 
et donc même niveau d’endurance cardiorespiratoire), le 
risque de blessure est identique dans les deux populations. 
Les facteurs anatomiques. 
De nombreuses particularités anatomiques ont 
été incriminées comme facteurs de risque de blessures 
par hyper-sollicitation (pieds plats, inégalité de 
longueur des membres inférieurs, genu valgum, genu 
varum, etc.), mais ce facteur de risque potentiel reste 
très incertain (10). 
L’index de masse corporelle. 
La relation entre la composition corporelle et le risque 
de blessure est complexe et nécessite des études 
complémentaires. Quand une relation est trouvée entre la 
masse grasse et le risque de blessures, la relation est 
bimodale (en forme de U) ; les femmes avec des 
pourcentages très élevés ou très faibles de masse grasse 
présentent un risque important de blessure d’hyper-sollicitation 
des membres inférieurs (15). 
Le niveau d’aptitude physique. 
Le risque de blessure est généralement plus élevé pour 
les individus ayant la moins bonne condition physique ou 
ayant eu une vie sédentaire avant de rejoindre l’armée (19, 
35). Les capacités en endurance semblent être un assez 
bon facteur prédictif du risque de blessures, les sujets 
ayant les plus mauvaises performances en course à pied 
(1, 6 ou 2,4 km) étant le plus à risque, aussi bien pour les 
hommes que pour les femmes. 
La souplesse. 
Le stretching, longtemps préconisé avant et après 
l’effort, ne semble pas efficace dans un but de réduction 
des blessures. Il est cependant maintenu dans tous les 
programmes des armées américaines, britanniques et 
australiennes, en particulier pour le maintien des 
amplitudes articulaires. 
Le tabac. 
La consommation de tabac constitue un facteur de 
risque reconnu dans la survenue de lésions 
musculosquelettiques, en particulier de fractures 
de fatigue. Jones et collaborateurs ont montré que les 
recrues ayant une consommation supérieure à dix 
cigarettes par jour (ou plus) ont environ 50 % de risques 
de plus de contracter une blessure liée à l’exercice que 
les non-fumeurs (23). 
Les facteurs psycho-comportementaux. 
Comme dans la population générale, la prise de risque 
peut être majorée chez les jeunes militaires de moins de 
30 ans : des facteurs intra-personnels comme la recherche 
de sensations, l’impulsivité, l’agressivité, la trop grande 
confiance en soi et l’instabilité émotionnelle accroissent 
le risque de blessures. Enfin, d’autres facteurs peuvent 
majorer les risques, comme la pression des camarades ou 
des parents, ou la qualité du commandement et les 
relations avec les cadres de contact. 
Facteurs extrinsèques. 
Les modalités d’entraînement. 
La progression rapide de la charge d’entraînement lors 
de la période des classes aura des répercussions sur le taux 
de blessures. Pendant cette période, le nombre de 
blessures est plus important, sans notion de sexe ou de 
niveau sportif préalable. 
Pour être efficace, un entraînement doit comporter une 
charge de travail suffisante et des qualités spécifiques. Il a 
été montré que les caractéristiques de l’entraînement 
(fréquence, durée et intensité de l’exercice) sont en 
relation avec la survenue de blessures (2). C’est ainsi que 
le taux de blessures augmente avec le volume d’activités 
physiques par semaine, au même titre que le type, 
l’intensité, la fréquence, la durée et les variations brutales 
de programmes d’entraînement. 
Le taux de blessures élevé dans ces premières semaines 
indique que le changement brutal du niveau d’activité 
physique est en cause, surtout si les jeunes recrues n’ont 
pas d’expérience des activités locomotrices comme la 
course à pied. 
Le type d’activité. 
Le port de charges lourdes (sac à dos, tâches de 
manutention militaires) et/ou les marches de longue 
distance sont des situations à risque de survenue 
de blessures musculosquelettiques (27). Le risque 
de lésion de l’appareil locomoteur est beaucoup 
plus élevé pour une activité comme la course à pied 
(>25 miles par semaine) que pour la marche avec sac à dos 
ou l’ordre serré (41). 
Les chaussures. 
Pour les orthèses plantaires, les résultats des différentes 
études sont inconstants. Le seul point acquis est que 
les chaussures de sport usagées ou vieilles sont associées 
avec un risque accru de fractures de fatigue. Cependant, 
le port de différentes chaussures militaires (chaussures 
en cuir ou en toile plus légère) dans l’armée américaine 
semble avoir peu d’effets sur la survenue de fractures 
de fatigue (23). 
prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 13 
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S 
S 
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R
Les surfaces d’entraînement. 
De manière surprenante, il ne semble pas y avoir 
d’étude indiquant que le fait de courir sur des surfaces 
dures (macadam) soit un facteur de risque de blessures. 
L’environnement. 
Une étude a montré que les blessures musculo-squelettiques 
sont plus fréquentes en saison chaude 
et inversement moins fréquentes en automne. Plus 
les températures sont élevées, plus le taux de blessures 
est important avec des implications sur le plan 
d’entraînement et/ou l’hydratation (24). À l’inverse, 
l’entraînement par temps froid favorise la survenue de 
péri tendinites achilléennes ce qui renforce l’intérêt de 
l’échauffement et du port de vêtements adéquats (32). 
Prévention des facteurs de risque. 
Une fois les facteurs de risque identifiés, il convient de 
proposer une prévention et de tester les résultats de ces 
actions de prévention. La directive du SSA de 1984 
(BOEM 683) relative à la prévention des accidents 
médicaux liés à l’entraînement physique et sportif est le 
seul document dans les armées organisant la prévention 
des accidents liés à l’entraînement militaire. Elle insiste 
sur la sélection et la catégorisation médico-physiologique, 
l’éducation des personnels (que ce soit les pratiquants 
et/ou l’encadrement) ainsi que sur les mesures d’urgence 
adaptées en cas d’accidents lors de la pratique sportive. 
Cette directive souligne l’importance de la formation des 
médecins d’unité dans le domaine du contrôle médico-physiologique 
de l’entraînement physique et des sports. 
Les ajustements et modifications d’entraînement. 
Les mesures envisageables sont orientées d’une part 
sur la quantité et le niveau de l’entraînement physique, 
d’autre part sur la condition physique des militaires. Des 
recommandations dans la mise en oeuvre des programmes 
d’entraînement physique doivent être rappelées : 
– respecter un entraînement progressif pour permettre 
aux recrues de s’adapter. L’augmentation de la charge 
d’entraînement ne doit pas dépasser 10 % à 15 % par 
semaine. Il convient d’insister d’abord sur les activités 
aérobies avant de passer aux activités anaérobies et au 
renforcement musculaire (25) ; 
– alterner un jour de travail intense et un jour de travail 
léger doit être de règle ; 
– réduire le kilométrage en course à pied : différentes 
études civiles et militaires suggèrent que la réduction du 
kilométrage en course à pied diminue le taux de blessures 
avec peu d’effets sur la condition aérobie jugés par les 
résultats aux tests de contrôle biannuels ; 
– pratiquer des séances « d’interval-training » avec des 
répétitions de sprints, alternant avec une marche de 90 
sec ; 
– respecter les groupes de niveau en course à pied, ce qui 
permet aux jeunes recrues de courir à des vitesses 
adaptées à leur faible niveau de condition physique et 
d’éviter une fatigue excessive ; 
– proposer des exercices différents tout au long de la 
semaine (entraînement croisé ou « cross-training »), 
même si aucune étude ne confirme pour l’instant que des 
entraînements différents chaque jour réduisent la 
survenue de blessures ; 
– utiliser la natation comme élément de récupération ou 
comme entraînement peut être utile. 
Enfin, pour les jeunes recrues, les programmes 
d’entraînement reposant sur des exercices de course 
à pied un jour sur deux, avec un repos de deux jours 
par semaine sans course à pied ou marche ont montré 
leur efficacité (5). 
R11. Il est proposé de rédiger des mémentos 
thématiques adaptés aux cadres de contact, 
consacrés à la bonne pratique individuelle de la 
préparation physique ciblée, à l’hydratation, la 
nutrition, la gestion physiologique de l’éveil, etc. 
L’objectif de ces mementos simples et pratiques est 
de limiter la survenue d’accidents ou de pathologies 
réactionnelles à la préparation physique du militaire. 
L’eff icacité d’un programme de travail physique 
spécifique avant l’entrée dans l’institution militaire 
a été évalué, afin d’améliorer le niveau de condition 
physique des recrues et diminuer le risque de survenue 
de blessure. Ce programme a permis une diminution 
de 23 % du taux de blessures pendant les classes, ce 
qui renforce l’importance des qualités physiques 
à l’engagement, élément majeur dans la tolérance 
individuelle de la phase initiale de préparation physique. 
Les modifications d’équipement. 
Il semble maintenant bien établi que le port d’une 
orthèse de cheville par-dessus la chaussure chez les 
parachutistes permet de diminuer la survenue d’entorses 
de cheville. En effet, il a été constaté que survenaient de 8 
à 14 traumatismes par 1 000 sauts d’aéronefs et que de 
30 % à 60 % de ces traumatismes étaient des entorses de 
cheville et que le port d’orthèses abaissait ce taux. 
Si la prévention des blessures du membre inférieur par 
le port de semelles intérieures en Sorbothane® ou 
néoprène a montré de nombreuses limites (11), le port de 
chaussures avec semelles en polyuréthane s’est révélé 
capable de diminuer les blessures du membre inférieur 
chez les jeunes recrues féminines (40). La pratique du 
sport avec chaussures de sport usagées (>600 km) est un 
facteur de risque de blessures du membre inférieur et un 
des objectifs d’un programme de prévention fut de faire 
acheter des chaussures de sport neuves avant de 
commencer les classes. 
Des études sur les traumatismes oro-faciaux ont été 
menées dans l’armée américaine et ont prouvé l’intérêt du 
port d’un protège-dents lors d’activités comme le combat 
au bâton, à la baïonnette, le corps à corps et le parcours 
d’obstacle (12). 
Une piste intéressante proposée dans la prévention des 
blessures est l’utilisation de programmes d’entraînement 
à visée proprioceptive, avec des planches instables dans 
14 x. bigard
les différents plans de l’espace (plateau de Freemann). On 
a pu ainsi diminuer l’incidence des blessures de cheville, 
voire des blessures du genou comme la rupture du 
ligament croisé antéro-externe (1). 
De même, des interventions nutritionnelles ont été 
envisagées, mais non adoptées dans l’armée américaine, 
comme la prescription de calcium et vitamine D à titre 
préventif ou bien la prise de contraceptifs oraux chez les 
femmes ayant des cycles menstruels absents ou 
irréguliers. 
Au total, il ressort que la prévention des blessures 
musculo-squelettiques passe par l’enseignement : 
• d’une part, des méthodes d’entraînement et de 
prévention des blessures aux cadres de contact, aidé en 
cela par les moniteurs de sport ; 
• d’autre part, de la médecine du sport orientée sur la 
prévention, le diagnostic des blessures et la rééducation 
fonctionnelle au corps médical. 
Seule une action commune à ces deux partenaires 
permettra de réduire de manière optimale les blessures 
liées à l’entraînement militaire dans le cadre d’une 
politique initiée, adoptée et suivie par le Commandement. 
Conclusion. 
La préparation physique du militaire est un impératif 
pour répondre aux exigences physiques et aux nécessités 
de son métier ; elle est par contre une des principales 
causes d’accident en service : 
• des accidents comportant un risque vital ; 
• des lésions musculo-squelettiques. 
Ces accidents ont des implications économiques et 
sociales en termes de coût de soins médicaux et de 
journées d’activité perdues, obérant ainsi la capacité 
opérationnelle des unités. 
Les traumatismes liés à la préparation physique 
comportent plusieurs facteurs de risque sur lesquels il est 
envisageable d’agir. Dans le cadre de leur prévention, 
c’est une approche globale qui doit être préconisée, 
impliquant tous les acteurs et décideurs dans leurs axes de 
travail et les réponses aux questions posées par le 
commandement, c'est-à-dire l’ensemble des cadres de 
contact et du Service de santé, du médecin d’unité dans sa 
pratique quotidienne aux directions régionales et aux 
instituts de recherche. 
Le médecin a une double responsabilité : d’une part 
fournir au commandement les données médicales 
nécessaires pour agir sur les facteurs de risque, les 
comportements et les mentalités et d’autre part assurer 
une prise en charge médicale efficace afin de limiter les 
périodes d’inaptitude à l’emploi. 
Toutes les stratégies de prévention ne peuvent être 
résumées aux recommandations énoncées plus haut. 
C’est pourquoi : 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 15 
D 
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S 
S 
I 
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R 
R12. Assurer la prise en charge financière de 
matériels spécif iques de protection (ou de 
prévention) comme les orthèses de cheville, 
protège-dents, etc. 
R13. Une enquête est actuellement encours de 
réalisation sous l’égide du Centre national des 
sports de défense (CNSD), de la caisse nationale 
militaire de sécurité sociale (CNMSS) et du service 
de santé des armées (SSA), sur les modalités de 
pratique des activités physiques militaires. Les 
conclusions de cette enquête seront intégrées et 
prises en compte afin d’ajuster les stratégies de 
prévention des risques. 
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  • 1. Dossier « textes d’experts » Prévention des risques liés à la préparation physique du militaire: synthèse des connaissances actuelles. X. Bigard a, J.-Y. Cravic b, S. Banzet c. a Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex. b Centre National des sports de la Défense, camp Guynemer – 77307 Fontainebleau Cedex. c Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de Brétigny-IMASSA, Base aérienne 217 – 91200 Brétigny sur Orge. Introduction. Au sein d’une armée professionnelle et compte tenu de l’évolution des conflits armés, la préparation physique du militaire est devenue une nécessité opérationnelle. C’est par l’entraînement physique adapté que les capacités et aptitudes physiques nécessaires à l’efficacité opérationnelle des troupes sont développées, et entretenues tout au long de la carrière. L’entraînement physique est ajusté en fonction d’objectifs précis (développement de l’endurance, la puissance, la vitesse, la force, etc.) sur la base d’activités militaires (marche avec sac à dos, parcours d’obstacles, sauts en parachute, escalade militaire, entraînement commando, aguerrissement, etc.) et sportive (course à pied, natation, marche-course, renforcement musculaire, etc.). En parallèle des besoins opérationnels, la pratique régulière de l’activité physique a aussi des effets bénéfiques pour la santé ; un bon état d’entraînement physique est maintenant parfaitement reconnu comme facteur de prévention de la survenue de très nombreuses pathologies (dysmétabolisme comme les états de diabète, hypertension artérielle, cancers, etc.). Par contre, l’activité physique régulière est assortie de risques pour la santé, dont la gravité varie entre deux extrêmes, la mort subite et les accidents musculo-squelettique bénins. Pour les militaires, ces risques pour la santé sont d’une importance majeure ; c’est ainsi que la fréquence de survenue de pathologies musculo-squelettiques liées aux activités physiques militaires est si fréquente au sein de l’armée américaine qu’on est arrivé à parler d’ « épidémie cachée » (34). Il y a une véritable réflexion de fond à engager afin de tenter de maîtriser ces risques liés à la préparation physique. Cette réflexion se doit tout d’abord d’identifier les causes et les facteurs prédisposants, et de proposer des mesures et recommandations nécessaires afin d’assurer la maîtrise des risques. Les recommandations proposées seront reportées en encadré. Pratique de l’activité physique dans les armées. On ne peut que rappeler tout l’importance de la préparation physique et mentale au combat, qui à terme, permet au militaire de faire face aux contraintes physiques et psychologiques de l’environnement opérationnel. Conçu comme étant une nécessité professionnelle et opérationnelle, l’entraînement physique militaire et sportif fait partie intégrante de la formation militaire générale. À une préparation physique initiale, fait suite une préparation spécifique définie en fonction du théâtre des opérations et des contextes d’emploi des troupes. L’efficacité de l’entraînement physique résulte d’une étroite collaboration entre le commandement, le Service de santé des armées (SSA) et la chaîne technique Éducation physique militaire et sportive (EPMS). Le rôle et l’implication des médecins du Service de santé des armées dans le suivi de la tolérance des programmes de préparation physique sont fondamentaux. Cependant, la préparation physique des militaires résulte d’une responsabilité partagée entre le militaire qui doit se maintenir en condition physique et l’institution qui assure la formation en école, le suivi et le contrôle de l’entraînement et met en place des moyens. X. BIGARD, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce. J.- Y. CRAVIC, médecin en chef, praticien confirmé. S. BANZET, médecin en chef, praticien confirmé. Correspondance : X. BIGARD, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), antenne de La Tronche-CRSSA, BP 87 – 38702 La tronche Cedex. médecine et armées, 2010, 38, 1, 07-16 7 D O S S I E R R1. Les médecins affectés en unités opérationnelles (quelle que soit l’armée) doivent bénéficier d’une formation universitaire aux spécif icités de la médecine et de la traumatologie du sport (dans le cadre de capacités, de diplômes universitaires ou du diplôme d’études spécialisées complémentaire). R2. Dans le cadre de leur formation en Écoles, les cadres officiers et sous-officiers doivent être informés des facteurs individuels et environ-nementaux de tolérance de l’entraînement physique.
  • 2. Bien que variable suivant les armées, la pratique de l’activité physique par les militaires reste très importante, en comparaison avec le monde civil. Une enquête réalisée par Guezennec et collaborateurs en 1997 a permis de montrer que 79 % des militaires pratiquaient une activité sportive contre 48 % de la population française (17). Au moment de cette enquête, les militaires pratiquaient surtout des disciplines d’endurance (de faible intensité et de longue durée) et des sports collectifs. Environ 60% des militaires interrogés consacraient en moyenne plus de quatre heures par semaine au sport, en plus de la préparation spécifique militaire (exercices tactiques, marches avec port de charge, etc.). Compte tenu des nombreux engagements de nos troupes à l’extérieur du territoire, force est de constater que la préparation physique est devenue discontinue, la répétition des missions ne permettant pas le suivi d’un entraînement régulier, nécessaire afin de maintenir un niveau de condition physique minimal. Depuis 1997, nous n’avons aucune information sur le suivi et le coût-santé de la préparation physique de nos armées ; c’est la raison pour laquelle une nouvelle enquête est actuellement en cours de réalisation, dans le cadre d’un partenariat entre la caisse nationale militaire de sécurité sociale, le Centre national des sports de la Défense et le Service de santé des armées. Cependant, une vigilance épidémiologique accrue est nécessaire au long cours, afin de surveiller la prévalence des accidents et d’évaluer l’efficacité de mesures de correction. R3. La relative pauvreté des informations épidémiologiques collectées actuellement en France justifie la création d’un « observatoire des pathologies liées à la pratique de l’activité physique ». Cet observatoire, sur la base d’une méthodologie simple et solide, permettrait d’identif ier l’état actuel de l’incidence de ces pathologies, et d’évaluer l’efficacité des mesures interventionnelles mises en oeuvre. Les risques liés à la préparation physique du militaire. Les risques pour la santé qui seront considérés ici, concernent des atteintes physiques ou organiques pour lesquelles le militaire consulte et/ou est hospitalisé, bénéficie d’un arrêt de travail, ou d’exemptions (ou restrictions d’emploi temporaires ou définitives). Ces pathologies ont donc des conséquences importantes pour la personne, la société et au plan économique. Les études épidémiologiques réalisées par l’armée américaine, des années 90 jusqu’à nos jours, indiquent que les pathologies liées à la préparation physique rendent compte de 30 % des hospitalisations et représentent 51 % de cas de réformes et de séquelles fonctionnelles (31, 39). Dans l’armée américaine, lors des périodes de classes dans les unités d’infanterie, le pourcentage de consultations pour maladies égale le pourcentage de consultations pour blessures (80 à 100 consultations pour blessure pour 100 soldats par an) (20). Les risques liés à la pratique des activités physiques militaires sont majoritairement de deux ordres, de grande gravité lorsque les pathologies observées sont assorties d’un risque vital, ou de moindre gravité pour l’ensemble des pathologies de l’appareil locomoteur. Épidémiologie des risques vitaux. La pratique de l’activité physique est connue pour être pourvoyeuse de décès au cours ou au décours immédiat de l’effort, y compris chez des sujets jeunes sans aucune pathologie connue. Ces décès ont représenté approximativement 6 % de l’ensemble des décès recensés dans les forces armées américaines entre 1996 et 1999 (14) ; leur incidence était pour cette période de 4,3/100000 personnes par année. Les causes les plus fréquentes sont les accidents cardiovasculaires, le coup de chaleur d’exercice et les noyades. Épidémiologie des blessures de l’appareil locomoteur. Les blessures liées à l’entraînement physique militaire sont très fréquentes. On a pu estimer que pour l’armée américaine, 20 % des hospitalisations sont liées à des problèmes musculo-squelettiques. Au sein de l’armée française, le sport apparaît aussi comme étant le premier pourvoyeur de traumatismes ; 28 % des militaires déclarent un traumatisme en relation avec une activité sportive et 26 % des arrêts de travail sont en relation avec les activités sportives (18). Plus récemment, le bureau Prévention et Maîtrise des Risques de l’état-major de l’armée de Terre a estimé que pour les années 2007-2008, les activités sportives sont responsables de 38 % des accidents en service, alors que les activités typiquement militaires sont du même ordre de grandeur (37%) (tab. I). Les risques vitaux. La pratique d’activités physiques intenses est connue depuis longtemps pour être parfois responsable de décès (le cas du soldat de Marathon en est un exemple célèbre), et ce même à l’exclusion des causes traumatiques qui ne seront pas envisagées ici. Les risques de décès résultent principalement d’accidents cardiovasculaires, de pathologies aiguës à la chaleur ou de noyade. Les accidents cardiovasculaires à l’effort. Leur incidence actuelle est mal connue au sein des armées françaises et aucune étude épidémiologique n’a été publiée depuis la professionnalisation. Les études les plus récentes concernent des populations de sportifs ou de militaires étrangers. D’une manière générale, la bibliographie ne donne pas une idée très précise de la prévalence des accidents cardiovasculaires à l’effort dans la mesure où elle ne s’intéresse qu’à la mort subite du sportif, et ne rend pas compte d’un certain nombre d’autres événements pathologiques (en particulier ischémiques). 8 x. bigard
  • 3. Tableau I. Accidentologie du personnel militaire de l'armée de Terre en métropole pour les années 2007 et 2008. Source : bureau Prévention et maîtrise des risques de l’État-Major de l’armée de Terre. Les accidents cardiovasculaires à l’effort chez les sportifs sont classiquement répartis en deux grandes catégories ; 1) la mort subite au cours ou au décours immédiat d’une activité physique, qui concerne des sujets d’une tranche d’âge de 18 à 35 ans, sans antécédents ni facteurs de risques, 2) la pathologie athéromateuse qui affecte des personnes de plus de 35 ans, présentant un ou plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire. La mort subite d’origine cardiaque du sujet jeune. Elle se définit comme un décès non traumatique, inattendu, résultant d’une cause naturelle, et ayant lieu dans l’heure suivant l’apparition du premier symptôme ; liée à l’exercice, elle survient au cours de celui-ci, ou dans l’heure qui suit son arrêt (13). La majorité de ces décès sont d’origine cardiovasculaire. Les études rétrospectives ou prospectives menées sur de grandes populations de sportifs estiment l’incidence de la mort subite d’origine cardiaque de 1 à 5pour100000 sportifs (13), ce qui représente un risque 2 à 3 fois plus important que dans une population non sportive. Ces décès surviennent le plus souvent chez les hommes (sex ratio : 10/1), au cours de la deuxième décennie. Les principales étiologies retrouvées dans la population générale sont des anomalies cardiaques congénitales ou acquises non dépistées, des cardiomyopathies hypertrophiques (CMH), des dysplasies arythmogènes du ventricule droit, des cardiomyopathies dilatées ou des troubles du rythme de tous types. Le pourcentage des cas de mort subite sans étiologie confirmée après autopsie reste élevé, de 5 à 35% suivant les études. Épidémiologie dans la population militaire. Une étude américaine a permis d’analyser la cause des décès d’origine non traumatique survenus chez les jeunes militaires entre 1977 et 2001, en identif iant clairement les cas liés à la pratique de l’exercice physique (38). Sur les 276 cas de morts subites répertoriés, l’origine cardiovasculaire représente 49 % du nombre total des décès non traumatiques. Les études publiées chez des militaires français sont anciennes et remontent toutes aux années quatre-vingt. Elles fournissent cependant des informations importantes sur les circonstances de survenue des accidents cardiovasculaires ; 1) ils surviennent quel que soit le niveau d’entraînement des sujets ; 2) au cours de n’importe quel type d’activité physique ; 3) même si les marches, marches course et footing, les activités physiques intenses occasionnent de nombreux accidents (16). Des données récentes partielles (données non publiées du département d’épidémiologie et de santé publique (DESP) nord) suggèrent qu’entre 2005 et 2008, environ 30 décès, dont 5 d’origine cardiovasculaire, sont survenus chez des jeunes militaires au cours d’exercices physiques. Cependant, ces données restent imprécises et aucune étude rétrospective ou prospective n’a été réalisée sur la population militaire française actuelle, professionnalisée, féminisée (environ 15 %), soumise à un rythme d’entraînement et de missions extérieures très différent de celui des années quatre-vingt. Ce constat ne fait que renforcer la recommandation R3. Les facteurs de risques. La mort subite d’origine cardiovasculaire survient sur un coeur ou des coronaires pathologiques. Le rôle du tabagisme chronique n’est pas avéré, mais la consommation récente, avant l’exercice, peut être à l’origine d’un spasme coronarien fatal. Enfin l’existence d’un état grippal dans la semaine précédant un exercice intense est un facteur de risque reconnu. Prévention de la mort subite du sujet jeune. La prévention de ces accidents toujours dramatiques repose sur la sélection médicale et la diffusion d’informations et de règles de pratique de l’activité physique. L’efficacité de la prévention par la sélection médicale a bien été démontrée dans une vaste étude prospective italienne portant sur 25 ans et regroupant 42 386 jeunes sportifs (7). La mise en place d’une sélection médicale obligatoire pour l’inscription à un sport en compétition a fait reculer l’incidence des morts subites d’origine cardiovasculaire de 4,19/100 000 à 2,35/100 000 sur les douze premières années de l’étude, puis à 0,87/100 000 sur les treize années suivantes. Même si dans les armées françaises ou étrangères, il n’existe aucune donnée permettant de juger de l’efficacité de la sélection médicale, on ne peut pas imaginer que celle-ci puisse être remise en question. Le premier axe de prévention repose donc sur la sélection médicale ; les critères d’aptitude cardiovas-culaire à la pratique du sport ont fait l’objet de propositions détaillées et de consensus, et sont disponibles dans la littérature (8). prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 9 D O S S I E R 2007 2008 nombre de cas % nombre de cas % Sport 1396 40 1061 38 Activité physique militaire 1201 34 1013 37 Activité professionnelle 433 12 339 12 Déplacement en service 191 5 117 4 Vie courante 137 4 108 4 Trajet 112 3 93 3 Tâches de sécurité ou de sûreté 20 1 19 1 Déplacement sans lien avec le service 8 0 8 0 Concours divers 3 0 0 Missions de police 1 0 2 0
  • 4. R4. Les visites médicales d’engagement doivent être soigneusement conduites, avec une attention portée sur le dépistage d’anomalies cardiaques constitutives, et réalisation d’un ECG systématique. Au delà de cette visite médicale d’engagement, ce sont toutes les visites systé-matiques d’aptitude au service qui sont importantes, même chez le sujet jeune. R5. Les règles simples d’utilisation de déf i-brillateurs automatisés externes doivent être rappelées, y compris pour le personnel non-médecin (cadres de contact, officiers et sous-officiers). Le second axe de prévention repose sur une prévention de masse. De nombreuses études, menées notamment en milieu militaire, insistent sur l’importance des prodromes apparaissant à l’exercice, comme les syncopes et douleurs thoraciques, des essoufflements inhabituels et des palpitations (3). La large diffusion des « Dix règles d’or de la bonne pratique sportive », proposée par le club des cardiologues du sport contribue aussi à la prévention de ces accidents cardiovasculaires en relation avec l’exercice. R6. Assurer une large diffusion des recomman-dations édictées par les sociétés savantes nationales reconnues dans le domaine de la médecine du sport. C’est le cas des recommandations proposées par le club des cardiologues du sport : – respect d’un échauffement et d’une récupération de 10 minutes lors des activités physiques, – hydratation régulière, toutes les 30 minutes d’exercice, – jamais de consommation de cigarette 1 heure avant, ni 2 heures après l’exercice, – jamais d’automédication ou de consommation de substance améliorant les performances, – pas d’exercice physique en cas de fièvre, ou après un épisode grippal, – consultation en cas de douleur inexpliquée dans la poitrine survenant au cours de l’exercice, de malaise, de palpitations, ou d’essoufflement anormal. La pathologie ischémique. L’exercice physique intense peut aussi être un déclencheur d’infarctus du myocarde (IDM) conduisant parfois au décès (42). Les mécanismes physiopa-thologiques retrouvés sont classiquement la rupture de plaque avec thrombose et spasme coronaire, mais aussi des spasmes coronaires seuls qui pourraient être plus fréquents chez les sportifs que chez les sujets sédentaires. Épidémiologie. L’incidence des IDM au cours ou au décours immédiat de l’exercice est mal connue et n’a pas fait l’objet d’études à grande échelle publiée. Les IDM liés à l’exercice semblent représenter une faible proportion de la totalité des IDM recensés dans la population générale. Les IDM non mortels survenus lors d’une activité sportive ont une incidence approximative de 2,2/100 000 à 2,4/100 000 habitants/an, avec un pic de fréquence entre 45 et 64 ans. La survenue de ces accidents dans la population militaire est connue et on a pu estimer que les IDM représentent plus de 50 % des décès par mort subite (14). Dans l’armée française, l’incidence des IDM au cours de la pratique sportive varie de 3/100 000 à 4/100 000 (37). Le recueil épidémiologique du SSA a recensé dix décès par IDM survenu au cours ou au décours d’un effort chez les militaires français sur la période 2005 et 2008 (données DESP nord). Les circonstances de survenue sont le plus souvent mal définies, en particulier les notions de séance à caractère obligatoire ou relevant d’un examen ne sont pas connues. Facteurs de risques. Les facteurs de risques intrinsèques sont les facteurs de risque cardiovasculaire (FRCV) classiques, avec le tabagisme, les dyslipidémies et l’obésité. Par ailleurs le risque relatif d’IDM à l’effort est très supérieur chez les sujets peu entraînés (33). Enfin la prise d’une douche chaude ou l’inhalation de fumée de tabac immédiatement après l’effort sont retrouvés dans plus de 10 % des cas d’IDM au décours de l’effort. Par ailleurs, on a pu identifier des facteurs de risques extrinsèques comme le stress, la pollution atmosphérique et les conditions climatiques défavorables comme un froid intense ou une chaleur excessive. Prévention. La prévention des accidents cardiovasculaires ischémiques repose sur trois types d’actions : – la sélection médicale et la définition de l’aptitude est un point clé de la prévention. Les recommandations citées plus haut s’appliquent pleinement et insistent sur la détection par interrogatoire des FRCV. Le recours à une consultation cardiologique pour des examens complémentaires est recommandé devant toute anomalie à l’examen clinique ou l’ECG de repos, ainsi que pour tout homme de plus de 40 ans ou toute femme de plus de 55 ans présentant 2 FRCV ; R7. Les visites systématiques annuelles pour le personnel au delà de 35 ans, doivent être conduites avec un grand sérieux, surtout en cas de facteur de risque cardio-vasculaire associé (HTA, surcharge pondérale, etc.). La prise en charge de ces facteurs de risque doit être systématique et le personnel doit être sensibilisé à la nécessité absolue de consulter en cas de moindre gène, douleur ou d’essoufflement anormal au cours de l’effort physique. 10 x. bigard
  • 5. – la prise en charge personnalisée des patients à FRCV avérés doit être complète, s’entendant jusqu’aux conseils dans les modalités de pratique des activités physiques. Une information des symptômes qui doivent alerter l’individu et l’amener à consulter au plus vite doit être apportée ; – enfin la prévention repose sur des actions de masse avec sensibilisation des individus sur des règles d’hygiène de vie (lutte contre les FRCV) et sur des règles de bonne pratique du sport. On doit ici s’appuyer sur la diffusion des « Dix règles d’or de la bonne pratique sportive » (voir la recommandation R5). Un enseignement des gestes de premier secours et de l’utilisation du défibrillateur semi-automatique pourrait être utile dans ces actions de masse. Le coup de chaleur d’exercice. Le coup de chaleur d’exercice (CCE) est la forme la plus grave des pathologies liées à la chaleur et présente un risque important de décès. Il se caractérise par l’association d’une hyperthermie supérieure à 40 °C, de signes neurologiques centraux et d’une rhabdomyolyse d’intensité variable ; le tout survient chez des sujets sains, pendant ou au décours immédiat d’un effort physique intense et prolongé dans une ambiance plus ou moins défavorable (4). Épidémiologie. Parmi les recrues américaines, les CCE sont responsables de 16 % des décès non traumatiques (38). L’entraînement physique et les opérations menées en climat chaud sont souvent retrouvés ; le port de tenues militaires (treillis, protections balistiques et dans les conditions les plus extrêmes équipements de protection NRBC) représente une contrainte pour la dissipation de la chaleur, augmentant le risque de CCE (30). L’épidémiologie de cette pathologie est bien connue pour le SSA puisqu’elle fait l’objet d’une surveillance épidémiologique spécifique depuis 1995. Dans un rapport récent portant sur trois années (2005-2007), 322 cas de CCE ont été rapportés. L’incidence du CCE est évaluée à 31,2/100 000 en moyenne, l’incidence outre-mer étant 2,5 fois plus élevée qu’en métropole. Enfin, dans 60 % des cas déclarés, l’accident survient au cours d’une marche course. Les facteurs de risques. Les facteurs de risques de survenue d’un CCE sont principalement les facteurs climatiques, les facteurs individuels de moins bonne tolérance à la chaleur, auxquels s’ajoutent des facteurs plus circonstanciels. Les facteurs intrinsèques sont l’âge (>40 ans), une petite taille, une faible capacité aérobie. Le rôle du surpoids ou d’un index de masse corporelle élevé a été discuté, mais n’est pas toujours retrouvé. Les antécédents personnels d’intolérance à la chaleur, de pathologie cardiovasculaire, d’anomalie métabolique ou maladie cutanée compromettant la sudation constituent un risque supplémentaire. Les risques surajoutés sont une prise médicamenteuse ou une vaccination récente. Les risques intrinsèques circonstanciels sont extrêmement importants dans la genèse du CCE, les plus importants étant la déshydratation, la fatigue, la privation de sommeil, l’absence d’acclimatation à la chaleur ou une très forte motivation. Les facteurs extrinsèques sont des facteurs d’ambiance climatique qui compromettent la thermorégulation (6). Prévention. Les bases de la prévention des pathologies liées à la chaleur sont : – la sélection médicale. Elle est incontournable et repose sur la recherche de facteurs de risques consti-tutifs ou passagers (vaccinations, état infectieux…) qui contre-indiqueraient la pratique sportive en ambiance climatique à risque ; – l’amélioration de la tolérance individuelle à la chaleur (entraînement, acclimatation, hydratation) ; – la réduction de la charge thermique (se protéger de la chaleur ambiante), qui repose aussi sur l’adaptation des exercices aux contraintes climatiques, le respect de périodes de repos, le port de vêtements adaptés au climat, et l’application de règles d’hydratation. L’utilisation de supports pédagogiques adaptés peut être d’une grande importance. L’utilisation d’outils prédictifs basés sur une mesure objective simple, celle de la température WBGT (Wet Bulb Globe Temperature) est très utile à la caractérisation de l’ambiance climatique. En conclusion de ce chapitre, il faut rappeler les dangers encourus par l’utilisation de substances dopantes ou ayant pour finalité d’améliorer les performances. Certaines de ces substances peuvent être impliquées dans la survenue d’accidents vitaux par IDM ou CCE. Dans les armées françaises, on peut logiquement craindre une augmentation de la déclaration de consommation de certains médicaments censés améliorer les performances physiques (18). Même si « l’automédication » reste cependant diff icile à quantifier et à appréhender, ce phénomène semble accru ces dernières années, ce qui doit inciter à la vigilance ; il nécessite une information juste, en particulier au regard des achats de substances pharmacologiques sur internet. Les lésions musculo-squelettiques. La survenue de blessures et lésions musculo-squelettiques liées à la préparation physique militaire est un problème majeur en termes de coût social et prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 11 D O S S I E R R8. Les cadres officiers et sous-officiers doivent être correctement informés des moyens individuels d’amélioration de la tolérance du climat chaud. Au sein des unités, les médecins doivent jouer un rôle prépondérant pour véhiculer ces informations. R9. Il est recommandé d’actualiser les moyens déjà existant d’aide décisionnelle au travail à la chaleur, en prenant en compte les situations d’activité physique avec équipements militaires.
  • 6. R10. L’attention des cadres de contact doit être attirée sur les dangers de l’utilisation de substances destinée à améliorer les performances. L’accent doit être mis sur les risques liés aux achats de produits non-contrôlés sur internet, sur l’efficacité plus que douteuse de nombre de produits proposés, et de leurs effets adverses sur la santé. d’altération de la capacité opérationnelle des unités. Ces blessures expliquent une partie des dépenses pour des affections présumées imputables au service (DAPIAS) qui sont en permanente augmentation depuis un certain nombre d’années. Leur taux peut être estimé à 10 à 15 pour 100 recrues par mois pour les sujets masculins ; il s’élève avec la sévérité de l’entraînement, s’élevant jusqu’à 30-35 pour 100 recrues pour les commandos marine. Ce taux de blessure atteint 15 à 25pour100 recrues pour les sujets féminins. Les recrues féminines souffrent en effet de presque deux fois plus de traumatismes musculo-squelettiques que leurs homologues masculins. En particulier, les femmes ont un risque accru de 1, 2 à 10 fois supérieur de souffrir de fracture de fatigue que leurs homologues masculins (19). Bien que cette question soit débattue, il semble que le taux élevé de blessures observé chez les recrues féminines ne soit pas lié au sexe, mais à un niveau plus faible de condition physique au moment de leur incorporation (19) (tab. II). Tableau II. Les blessures les plus fréquentes parmi les hommes et les femmes lors du même programme d’entrainement physique militaire initial dans l’armée américaine (19). Classement Hommes Femmes 1 Lombalgies (7,3 %) Lésions musculaires (15,6 %) 2 Tendinopathies (6,5 %) Fracture de fatigue (12,3 %) 3 Entorses (4,8 %) Entorses (5,9 %) 4 Lésions musculaires (3,2 %) Tendinopathies (5,5 %) 5 Fracture de fatigue (2,4 %) « Genou forcé » (2,1 %) Selon l’expérience américaine, les quatre principaux diagnostics portés au cours de consultations médicales sur les théâtres de combats (Irak et Afghanistan) sont les lésions orthopédiques survenant en dehors des opérations de combat, les affections respiratoires, les affections cutanées et les affections gastro-intestinales (36). Durant la guerre du Golfe, les lésions de l’appareil musculo-squelettique (13 %) représentaient la seconde cause d’hospitalisation sur le théâtre d’opération, soit trois fois plus que le taux d’admission pour des blessures liées au combat (43). Enfin, les exemptions partielles de service pour les jeunes recrues de l’armée américaine se révèlent être de 5 à 22 fois plus importantes pour les blessures musculosquelettiques que pour les maladies (tab. III). Tableau III. Nombre de jours d’indisponibilité par type de blessure musculo-squelettiques chez des militaires appartenant à une unité d’infanterie (26). Blessures Nombres de jours d’indisponibilité par blessure Fractures 103,2 Entorses 16,7 Autres blessures traumatiques 7,6 Tendinites 7 Foulures 3 Douleurs musculosquelettiques 2,8 Les différents types de blessures musculo-squelettiques. La littérature recense deux types de blessures musculo-squelettiques : celles survenant de manière aiguë (comme les entorses de cheville ou de genou) et celles survenant de manière plus insidieuse par hyper-sollicitation comme les pathologies tendineuses. Les blessures les plus fréquentes lors de l’entraînement physique régulier et progressif sont les atteintes micro-traumatologiques par hyper-sollicitation (60 % à 80% chez les recrues de l’US Army) (tab. II). Les lésions du membre supérieur n’entraînent qu’un faible nombre d’exemptions totales de service. À l’inverse, les lésions du membre inférieur sont très fréquentes. Les lésions orofaciales surviennent au cours de nombreuses activités militaires comme le parcours d’obstacle, les entraînements au corps à corps (à main nues ou à la baïonnette). Une attention particulière doit être portée aux fractures de fatigue en raison de leur fréquence et de leur retentissement sur l’aptitude physique et le taux de réformes, en particulier chez le personnel féminin. Elles surviennent chez environ 3 % à 6 % des recrues masculines lors des classes dans l’armée américaine (22) et chez environ 4 % à 21 % des recrues féminines, avec possibilité de localisations fémorale ou iliaque (23). Ces fractures de contrainte peuvent conduire à des fractures vraies, qui consolident lentement ou incomplètement. Il convient d’insister enf in sur le retentissement psychologique et sociologique de la blessure chez le militaire régulièrement entraîné qui vit sa blessure comme un drame, avec une sensation d’échec vis-à vis de lui-même et de son entourage. Les facteurs de risque de blessures musculo-squelettiques liés à la préparation physique militaire. Identifier et comprendre les facteurs de risque est un des points clés pour développer des méthodes de prévention et de lutte contre les blessures musculo-squelettiques. On peut classiquement identifier des facteurs intrinsèques, liés à la personne, et des facteurs extrinsèques (plutôt reliés à l’environnement). 12 x. bigard
  • 7. Facteurs intrinsèques. L’âge. Le risque de blessure augmente généralement avec l’âge, même si les résultats sont discordants selon les études. C’est ainsi que lors de la formation militaire initiale, les individus les plus âgés (>23 ans) seraient le plus susceptibles d’être blessés. Mais chez les militaires plus âgés, on constate une baisse du taux de blessures, probablement liée à une moindre exposition aux risques de blessures (21). Le sexe. Le risque est généralement plus élevé chez les femmes. Chez les jeunes recrues, un taux de blessures d’hyper-sollicitation de 1,5 à 2 fois supérieur a été constaté chez les femmes. Au sein de l’armée américaine, ce taux plus élevé de blessures chez les femmes, peut être lié à une condition physique absolue plus faible (21). En effet, à condition physique égale (même vitesse de course à pied et donc même niveau d’endurance cardiorespiratoire), le risque de blessure est identique dans les deux populations. Les facteurs anatomiques. De nombreuses particularités anatomiques ont été incriminées comme facteurs de risque de blessures par hyper-sollicitation (pieds plats, inégalité de longueur des membres inférieurs, genu valgum, genu varum, etc.), mais ce facteur de risque potentiel reste très incertain (10). L’index de masse corporelle. La relation entre la composition corporelle et le risque de blessure est complexe et nécessite des études complémentaires. Quand une relation est trouvée entre la masse grasse et le risque de blessures, la relation est bimodale (en forme de U) ; les femmes avec des pourcentages très élevés ou très faibles de masse grasse présentent un risque important de blessure d’hyper-sollicitation des membres inférieurs (15). Le niveau d’aptitude physique. Le risque de blessure est généralement plus élevé pour les individus ayant la moins bonne condition physique ou ayant eu une vie sédentaire avant de rejoindre l’armée (19, 35). Les capacités en endurance semblent être un assez bon facteur prédictif du risque de blessures, les sujets ayant les plus mauvaises performances en course à pied (1, 6 ou 2,4 km) étant le plus à risque, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. La souplesse. Le stretching, longtemps préconisé avant et après l’effort, ne semble pas efficace dans un but de réduction des blessures. Il est cependant maintenu dans tous les programmes des armées américaines, britanniques et australiennes, en particulier pour le maintien des amplitudes articulaires. Le tabac. La consommation de tabac constitue un facteur de risque reconnu dans la survenue de lésions musculosquelettiques, en particulier de fractures de fatigue. Jones et collaborateurs ont montré que les recrues ayant une consommation supérieure à dix cigarettes par jour (ou plus) ont environ 50 % de risques de plus de contracter une blessure liée à l’exercice que les non-fumeurs (23). Les facteurs psycho-comportementaux. Comme dans la population générale, la prise de risque peut être majorée chez les jeunes militaires de moins de 30 ans : des facteurs intra-personnels comme la recherche de sensations, l’impulsivité, l’agressivité, la trop grande confiance en soi et l’instabilité émotionnelle accroissent le risque de blessures. Enfin, d’autres facteurs peuvent majorer les risques, comme la pression des camarades ou des parents, ou la qualité du commandement et les relations avec les cadres de contact. Facteurs extrinsèques. Les modalités d’entraînement. La progression rapide de la charge d’entraînement lors de la période des classes aura des répercussions sur le taux de blessures. Pendant cette période, le nombre de blessures est plus important, sans notion de sexe ou de niveau sportif préalable. Pour être efficace, un entraînement doit comporter une charge de travail suffisante et des qualités spécifiques. Il a été montré que les caractéristiques de l’entraînement (fréquence, durée et intensité de l’exercice) sont en relation avec la survenue de blessures (2). C’est ainsi que le taux de blessures augmente avec le volume d’activités physiques par semaine, au même titre que le type, l’intensité, la fréquence, la durée et les variations brutales de programmes d’entraînement. Le taux de blessures élevé dans ces premières semaines indique que le changement brutal du niveau d’activité physique est en cause, surtout si les jeunes recrues n’ont pas d’expérience des activités locomotrices comme la course à pied. Le type d’activité. Le port de charges lourdes (sac à dos, tâches de manutention militaires) et/ou les marches de longue distance sont des situations à risque de survenue de blessures musculosquelettiques (27). Le risque de lésion de l’appareil locomoteur est beaucoup plus élevé pour une activité comme la course à pied (>25 miles par semaine) que pour la marche avec sac à dos ou l’ordre serré (41). Les chaussures. Pour les orthèses plantaires, les résultats des différentes études sont inconstants. Le seul point acquis est que les chaussures de sport usagées ou vieilles sont associées avec un risque accru de fractures de fatigue. Cependant, le port de différentes chaussures militaires (chaussures en cuir ou en toile plus légère) dans l’armée américaine semble avoir peu d’effets sur la survenue de fractures de fatigue (23). prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 13 D O S S I E R
  • 8. Les surfaces d’entraînement. De manière surprenante, il ne semble pas y avoir d’étude indiquant que le fait de courir sur des surfaces dures (macadam) soit un facteur de risque de blessures. L’environnement. Une étude a montré que les blessures musculo-squelettiques sont plus fréquentes en saison chaude et inversement moins fréquentes en automne. Plus les températures sont élevées, plus le taux de blessures est important avec des implications sur le plan d’entraînement et/ou l’hydratation (24). À l’inverse, l’entraînement par temps froid favorise la survenue de péri tendinites achilléennes ce qui renforce l’intérêt de l’échauffement et du port de vêtements adéquats (32). Prévention des facteurs de risque. Une fois les facteurs de risque identifiés, il convient de proposer une prévention et de tester les résultats de ces actions de prévention. La directive du SSA de 1984 (BOEM 683) relative à la prévention des accidents médicaux liés à l’entraînement physique et sportif est le seul document dans les armées organisant la prévention des accidents liés à l’entraînement militaire. Elle insiste sur la sélection et la catégorisation médico-physiologique, l’éducation des personnels (que ce soit les pratiquants et/ou l’encadrement) ainsi que sur les mesures d’urgence adaptées en cas d’accidents lors de la pratique sportive. Cette directive souligne l’importance de la formation des médecins d’unité dans le domaine du contrôle médico-physiologique de l’entraînement physique et des sports. Les ajustements et modifications d’entraînement. Les mesures envisageables sont orientées d’une part sur la quantité et le niveau de l’entraînement physique, d’autre part sur la condition physique des militaires. Des recommandations dans la mise en oeuvre des programmes d’entraînement physique doivent être rappelées : – respecter un entraînement progressif pour permettre aux recrues de s’adapter. L’augmentation de la charge d’entraînement ne doit pas dépasser 10 % à 15 % par semaine. Il convient d’insister d’abord sur les activités aérobies avant de passer aux activités anaérobies et au renforcement musculaire (25) ; – alterner un jour de travail intense et un jour de travail léger doit être de règle ; – réduire le kilométrage en course à pied : différentes études civiles et militaires suggèrent que la réduction du kilométrage en course à pied diminue le taux de blessures avec peu d’effets sur la condition aérobie jugés par les résultats aux tests de contrôle biannuels ; – pratiquer des séances « d’interval-training » avec des répétitions de sprints, alternant avec une marche de 90 sec ; – respecter les groupes de niveau en course à pied, ce qui permet aux jeunes recrues de courir à des vitesses adaptées à leur faible niveau de condition physique et d’éviter une fatigue excessive ; – proposer des exercices différents tout au long de la semaine (entraînement croisé ou « cross-training »), même si aucune étude ne confirme pour l’instant que des entraînements différents chaque jour réduisent la survenue de blessures ; – utiliser la natation comme élément de récupération ou comme entraînement peut être utile. Enfin, pour les jeunes recrues, les programmes d’entraînement reposant sur des exercices de course à pied un jour sur deux, avec un repos de deux jours par semaine sans course à pied ou marche ont montré leur efficacité (5). R11. Il est proposé de rédiger des mémentos thématiques adaptés aux cadres de contact, consacrés à la bonne pratique individuelle de la préparation physique ciblée, à l’hydratation, la nutrition, la gestion physiologique de l’éveil, etc. L’objectif de ces mementos simples et pratiques est de limiter la survenue d’accidents ou de pathologies réactionnelles à la préparation physique du militaire. L’eff icacité d’un programme de travail physique spécifique avant l’entrée dans l’institution militaire a été évalué, afin d’améliorer le niveau de condition physique des recrues et diminuer le risque de survenue de blessure. Ce programme a permis une diminution de 23 % du taux de blessures pendant les classes, ce qui renforce l’importance des qualités physiques à l’engagement, élément majeur dans la tolérance individuelle de la phase initiale de préparation physique. Les modifications d’équipement. Il semble maintenant bien établi que le port d’une orthèse de cheville par-dessus la chaussure chez les parachutistes permet de diminuer la survenue d’entorses de cheville. En effet, il a été constaté que survenaient de 8 à 14 traumatismes par 1 000 sauts d’aéronefs et que de 30 % à 60 % de ces traumatismes étaient des entorses de cheville et que le port d’orthèses abaissait ce taux. Si la prévention des blessures du membre inférieur par le port de semelles intérieures en Sorbothane® ou néoprène a montré de nombreuses limites (11), le port de chaussures avec semelles en polyuréthane s’est révélé capable de diminuer les blessures du membre inférieur chez les jeunes recrues féminines (40). La pratique du sport avec chaussures de sport usagées (>600 km) est un facteur de risque de blessures du membre inférieur et un des objectifs d’un programme de prévention fut de faire acheter des chaussures de sport neuves avant de commencer les classes. Des études sur les traumatismes oro-faciaux ont été menées dans l’armée américaine et ont prouvé l’intérêt du port d’un protège-dents lors d’activités comme le combat au bâton, à la baïonnette, le corps à corps et le parcours d’obstacle (12). Une piste intéressante proposée dans la prévention des blessures est l’utilisation de programmes d’entraînement à visée proprioceptive, avec des planches instables dans 14 x. bigard
  • 9. les différents plans de l’espace (plateau de Freemann). On a pu ainsi diminuer l’incidence des blessures de cheville, voire des blessures du genou comme la rupture du ligament croisé antéro-externe (1). De même, des interventions nutritionnelles ont été envisagées, mais non adoptées dans l’armée américaine, comme la prescription de calcium et vitamine D à titre préventif ou bien la prise de contraceptifs oraux chez les femmes ayant des cycles menstruels absents ou irréguliers. Au total, il ressort que la prévention des blessures musculo-squelettiques passe par l’enseignement : • d’une part, des méthodes d’entraînement et de prévention des blessures aux cadres de contact, aidé en cela par les moniteurs de sport ; • d’autre part, de la médecine du sport orientée sur la prévention, le diagnostic des blessures et la rééducation fonctionnelle au corps médical. Seule une action commune à ces deux partenaires permettra de réduire de manière optimale les blessures liées à l’entraînement militaire dans le cadre d’une politique initiée, adoptée et suivie par le Commandement. Conclusion. La préparation physique du militaire est un impératif pour répondre aux exigences physiques et aux nécessités de son métier ; elle est par contre une des principales causes d’accident en service : • des accidents comportant un risque vital ; • des lésions musculo-squelettiques. Ces accidents ont des implications économiques et sociales en termes de coût de soins médicaux et de journées d’activité perdues, obérant ainsi la capacité opérationnelle des unités. Les traumatismes liés à la préparation physique comportent plusieurs facteurs de risque sur lesquels il est envisageable d’agir. Dans le cadre de leur prévention, c’est une approche globale qui doit être préconisée, impliquant tous les acteurs et décideurs dans leurs axes de travail et les réponses aux questions posées par le commandement, c'est-à-dire l’ensemble des cadres de contact et du Service de santé, du médecin d’unité dans sa pratique quotidienne aux directions régionales et aux instituts de recherche. Le médecin a une double responsabilité : d’une part fournir au commandement les données médicales nécessaires pour agir sur les facteurs de risque, les comportements et les mentalités et d’autre part assurer une prise en charge médicale efficace afin de limiter les périodes d’inaptitude à l’emploi. Toutes les stratégies de prévention ne peuvent être résumées aux recommandations énoncées plus haut. C’est pourquoi : RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES prévention des risques liés à la préparation physique du militaire : synthèse des connaissances actuelles 15 D O S S I E R R12. Assurer la prise en charge financière de matériels spécif iques de protection (ou de prévention) comme les orthèses de cheville, protège-dents, etc. R13. Une enquête est actuellement encours de réalisation sous l’égide du Centre national des sports de défense (CNSD), de la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et du service de santé des armées (SSA), sur les modalités de pratique des activités physiques militaires. Les conclusions de cette enquête seront intégrées et prises en compte afin d’ajuster les stratégies de prévention des risques. 1. Aaltonen S, Karjalainen H, Heinonen A, Parkkari J, Kujala UM. Prevention of sports injuries: systematic review of randomized controlled trials. Arch Intern Med 2007 ; 167 : 1585-92. 2. Almeida SA, Williams KM, Shaffer RA, Brodine SK. Epidemiological patterns of musculoskeletal injuries and physical training. Med Sci Sports Exerc 1999 ; 31 : 1176-82. 3. Amital H, Glikson M, Burstein M, et al. 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