Michel Puech Les biens communs comme biens "propres" Bordeaux 2015 11 05, Rencontres territoriales de la propreté urbaine
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Environnement
Une éthique de la propreté qui passe par une éthique de l'appropriation des espaces communs. Support de réflexion avec les ingénieurs territoriaux et le Centre National de la Fonction PubliqueTerritoriale
Michel Puech Les biens communs comme biens "propres" Bordeaux 2015 11 05, Rencontres territoriales de la propreté urbaine
1. 1
Centre National de la Fonction Publique Territoriale
4èmes Rencontres territoriales de la propreté urbaine
Bordeaux, 5 novembre 2015
Les biens communs
comme biens « propres »
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propriété ?
propreté !
2. 2
mon approche
l'analyse des systèmes de valeurs
contemporains
dans une visée constructive
la question de la soutenabilité
au sens le plus large
améliorer ses outils
philosophiques
y compris pour
la propreté des
espaces communs
3. 3
la tragédie des biens communs
la voie publique comme bien commun :
un problème de valorisation
les biens publics comme biens communs
→ le cas particulier des lieux de passage et des
infrastructures de transport
un problème
fins/moyens :
le transport est un
simple moyen
des moyens de
moyens
≠ fin, ≠ valeur
4. 4
la tragédie des biens communs
Hardin 1968
Hardin Garrett, 1968, "The tragedy of the commons", Science,
13 décembre 1968, vol. 162, no 3859, p. 1243 1248.‑
le mécanisme de « tragédie des biens communs »,
modèle des questions de soutenabilité
le cas envisagé est la surpopulation
le modèle est : les champs communaux, puits, moulin,
rivières, etc.
le principe est : tout le monde abuse des biens communs
qui se dégradent et deviennent inutilisables
5. 5
les stratégies hard
celle recommandée par Hardin :
une contrainte consentie
= supprimer la liberté d'accès aux biens communs
celle recommandée par les économistes
néolibéraux :
privatiser (les biens) et/ou monétiser (le « service
rendu » par l'environnement)
= supprimer les biens communs pour en faire des biens
« propres » au sens de : privés
celle pratiquée en moyenne
= un hybride des deux précédentes :
interdictions et répression monétisée (amendes)
renforcées par discours moral (stratégie « soft ») →
6. 6
l'appropriation comme stratégie soft
non pas la privatisation mais l'appropriation
ne pas rester dans le système binaire
propriété privée total-laisser-faire
chez moi ou chez
quelqu'un
tout-est-permis
une expression ambiguë...
7. 7
l'appropriation comme stratégie soft
pourquoi une stratégie soft est préférable
le soft power est plus efficace et plus durable
Nye Joseph S., The future of power, PublicAffairs, 2011.
→ stratégies de persuasion par incitation
Joule Robert-Vincent et Jean-Léon Beauvois, Petit traité
de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Presses
universitaires de Grenoble, 1987.
→ stratégies de nudge
Thaler Richard H. et Cass R. Sunstein, Nudge, La
méthode douce pour inspirer la bonne décision, (2008),
trad. Vuibert, 2010.
inciter sans que l'incitation soit perceptible
notamment : ni contraindre ni
récompenser
8. 8
l'appropriation comme stratégie soft
pourquoi l'appropriation des communs pose
problème (Ivan Illich)
parce que les personnes humaines en ont été
dépossédées
par délégation à des institutions (...)
hypothèse : la vraie tragédie des biens communs
est celle de leur désappropriation
9. 9
appropriation et propreté
la thèse inquiétante de Michel Serres
Le mal propre : polluer pour s’approprier ?, Le Pommier, 2008.
on salit pour s'approprier
« Urine, fumier, sang, sperme : les fondements vécus du
droit de propriété »
application : les individus qui se sentent
désappropriés (participe passif) des
espaces communs les salissent pour se
les rapproprier
tag, crotte du chien (via le chien, c'est son
propriétaire qui marque son territoire dans
la jungle urbaine), mégot (un mini-urban-
warrior qui résiste au système en fumant et
en jetant ses mégots sur le sol)
10. 10
appropriation et propreté
i c'est par un mouvement (pervers) « civique »
que sont mus ces salisseurs
on ne peut pas les faire changer d'attitude en
faisant appel à leur « civisme »
mais en mettant en œuvre de la réappropriation
qui est ce qu'ils cherchent symboliquement
pas facile à l'intérieur d'une
structure de domination...
11. 11
éthique du propre
le propre et le sale sont des « constructions
culturelles »
comme disent les sciences humaines
(constructivistes)
le système de valeur de la souillure et de la
purification est une structure sociale forte dans les
cultures humaines
Douglas Mary, De la souillure: essais sur les notions de pollution et
de tabou,(1966) trad. La Découverte, 2001.
→ une structure de pouvoir, des valeurs idéologiques
= le hard
→ la violence symbolique du salisseur
... légitime la violence répressive...
… qui accroît la désappropriation → cercle vicieux
12. 12
éthique du propre
≠ le soft, l'action publique culturelle
nous en cherchons les savoir-faire
13. 13
éthique du propre
ma suggestion : une réappropriation éthique
de soi et de son environnement, dans un même
effort
le philosophe norvégien Arne Naess
des sources non nord-occidentales (philosophies
asiatiques, Gandhi)
15. 15
éthique du propre
l'appropriation éthique, au delà de la
contrainte :
Lawrence Kohlberg, Christine M. Korsgaard
→ les degrés d'appropriation de la norme
1. la contrainte directe (punition / récompense)
la stratégie hard qui marche... tant qu'elle marche
2. la contrainte morale interpersonnelle, la
pression du groupe
les stratégies soft qui peuvent marcher
3. l'internalisation éthique de la norme
la réelle appropriation éthique : la norme fait partie
de soi
16. 16
bilan en 4 points
pour que les biens communs
soient/deviennent/restent des biens propres
(clean) il faut qu'ils soient appréhendés comme
des biens réellement communs = appropriés
17. 17
bilan en 4 points
pour qu'ils soient appropriés l'action « hard »
risque d'être contre-productive
« ne faites pas ça parce que vous n'êtes pas chez
vous ! »
→ « je fais ça justement parce que je ne suis pas
chez moi ! » ou « je fais ça aussi chez moi ! »
le jour où il n'y a plus de contrainte (de répression)
il n'y a plus de norme
18. 18
bilan en 4 points
l'action « soft » consistant à suggérer « ne
faites pas ça parce que vous êtes chez vous ! »
est souvent illusoire
mais c'est parce qu'elle utilise à tort le système
binaire « chez moi vs. tout-est-permis »
19. 19
bilan en 4 points
une appropriation éthique du commun est
possible mais en modifiant profondément nos
systèmes de valeur sur deux points :
a) la propriété privée (passage à une économie de
fonctionnalité par ex)
= développer un mode d'appropriation des
communs qui ne soit ni « chez moi » ni « pas
chez moi »
b) responsabilité directe des micro-actions
individuelles
= passage à une éthique
post-politique et
post-institutionnelle,
centrée sur l'individu