Chronologie des principaux événements à caractère violent livre -wiki
1. Chronologies des principaux
événements à caractère
violent conduisant à la
Seconde Guerre mondiale et
à la Shoah
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2. Contenu
Articles
Putsch de Kapp 1
Putsch de la Brasserie 2
Incendie du Reichstag 14
Loi des pleins pouvoirs 18
Autodafé 22
Nuit des Longs Couteaux 25
Nuit de Cristal 45
Anschluss 58
Campagne de Pologne (1939) 75
Shoah 87
Références
Sources et contributeurs de l'article 147
Source des images, licences et contributeurs 148
Licence des articles
Licence 152
3. Putsch de Kapp 1
Putsch de Kapp
Le putsch de Kapp est une tentative de putsch
réalisée entre le 13 mars et le 17 mars 1920 par une
brigade menée par Wolfgang Kapp (1858–1922),
fondateur en 1917 du Parti allemand de la patrie
avec Alfred von Tirpitz, et le général Walter von
Lüttwitz. Il s’inscrit dans la longue série de
troubles intérieurs que connaît la république de
Weimar jusqu’en 1924.
En 1919, un Corps francs, la « brigade Ehrhardt »,
est créé. Mais, anti-républicains, ils représentent
une menace pour la république de Weimar. Les
Alliés exigent sa dissolution, acceptée par le
Entrée de la brigade Erhardt à Berlin
Gouvernement du Reich.
Le 13 mars 1920, une brigade de 6000 hommes commandée par Kapp marche sur Berlin pour contraindre le
gouvernement à revenir sur sa décision. L’armée refuse de tirer sur les insurgés (« La Reichswehr ne tire pas sur la
Reichswehr »), et le gouvernement est contraint de s'enfuir à Stuttgart.
Kapp forme alors un nouveau gouvernement provisoire. Mais il est confronté à une grève générale de quatre jours
déclenchée par les partis de gauche (KPD, SPD et USPD) et les syndicats, qui bloque toute l’économie, et à la
résistance des fonctionnaires berlinois. De plus, la Reichsbank refuse de financer davantage ses troupes.
Le 17 mars, Kapp est contraint de fuir vers la Suède, mais revient néanmoins en Allemagne, où il est arrêté. Il
décèdera en 1922, avant son procès.
4. Putsch de la Brasserie 2
Putsch de la Brasserie
Le putsch de la Brasserie, ou putsch de Munich, fut une tentative de
prise du pouvoir par la force en Bavière menée par Adolf Hitler,
dirigeant du Parti national-socialiste des travailleurs allemands
(NSDAP), dans la soirée du 8 novembre 1923. Elle se déroula
principalement à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich.
Hermann Göring, Ernst Röhm, Rudolf Hess, Heinrich Himmler et
Julius Streicher y participèrent notamment.
Soutenue par le général Erich Ludendorff, et acceptée dans un premier
temps par le triumvirat dirigeant la Bavière, composé de Gustav von
Kahr, Otto von Lossow et Hans Ritter von Seisser, elle se termina dans
la confusion et par un échec total des putschistes. Condamné à cinq ans
de détention, Adolf Hitler ne passa finalement que moins de quatorze
mois à la prison de Landsberg, mettant son incarcération à profit pour
Timbre commémoratif de 1935
rédiger Mein Kampf.
Si l'épisode est en lui-même mineur dans l'histoire de la République de
Weimar, il devint l'un des mythes fondateurs du régime nazi, qui organisa sa commémoration annuelle et érigea le
Blutfahne au rang de symbole. Il constitua un tournant dans l'histoire et la stratégie du mouvement nazi. Hitler tira en
effet toutes les leçons de ce fiasco, renforça son pouvoir sur le parti et tenta de bénéficier du soutien des milieux
conservateurs et de l'armée, volonté qui s'illustra notamment par l'organisation de la nuit des Longs Couteaux.
Le contexte
Le parti nazi
Depuis le 29 juillet 1921, Adolf Hitler est le dirigeant incontesté du
parti nazi : « il n'était alors qu'un agitateur de brasserie : une célébrité
locale assurément, mais à peine connue ailleurs[1] ». Son parti est doté
d'une aile paramilitaire depuis 1920, la section de gymnastique et de
sport, créée et commandée par Ernst Röhm, rebaptisée Sturmabteilung
(SA) en octobre 1921[2] . À l'instar de nombreuses autres organisations
paramilitaires de droite et de gauche, elle entretient une violence
politique endémique dans les premières années de la République de
Adolf Hitler en tournée de propagande en 1923
Weimar, notamment illustrée par l'assassinat de Walther Rathenau[3] .
Hitler ne dédaigne pas de participer aux actions de sa milice : à la suite
d'une rixe destinée à empêcher la tenue d'une réunion du Bayernbund, une ligue séparatiste bavaroise dirigée par
Otto Ballerstedt[4] , le 14 septembre 1921[5] , il est condamné en janvier 1922 pour attentat à la liberté de réunion et
coups et blessures[6] , à une peine légère : trois mois de prison dont deux avec sursis, celui-ci étant subordonné à sa
bonne conduite future[7] .
De 1921 à 1923, Hitler renforce son parti, notamment avec l'arrivée de Julius Streicher, chef d'une importante
organisation nationaliste en Franconie, d'Hermann Göring qui prend la direction de la SA en 1922, de Max Erwin
von Scheubner-Richter, diplomate qui dispose d'un vaste cercle de relations, et, via Max Amann, d'Ernst
Hanfstaengl, issu de la haute bourgeoisie munichoise[8] , qui assure le financement du parti. Les fonds recueillis par
ce dernier permettent notamment d'intensifier la propagande nazie via le Völkischer Beobachter[9] . Par l'entremise
5. Putsch de la Brasserie 3
de Rudolf Hess, Hitler est reçu par Erich Ludendorff en 1921, puis, grâce à Göring, noue des contacts, peu
concluants, avec Hans von Seeckt et Otto von Lossow[10] . Début mai, il rencontre également Gustav von Kahr à la
demande de celui-ci, sans résultat, les deux interlocuteurs cherchant mutuellement à se neutraliser et à s'utiliser l'un
l'autre[11] .
La marche sur Rome menée par Benito Mussolini le 28 octobre 1922
persuade Hitler qu'il peut accomplir en Allemagne ce que Mussolini a
réussi en Italie[12] . Cette conviction est renforcée par l'élan nationaliste
qui suit l'occupation de la Rhénanie et de la Rhur par les troupes
françaises, en raison du retard pris par l'Allemagne pour payer les
réparations prévues par le traité de Versailles ; cette occupation suscite
une vague d'unité nationale, une politique de résistance passive
impulsée par le gouvernement de Wilhelm Cuno[13] , et génère de
nombreux affrontements et attentats, comme ceux commis par Albert Benito Mussolini lors de la marche sur Rome
Leo Schlageter. Craignant que l'attitude du gouvernement et la
protestation populaire ne lui coupent l'herbe sous le pied, Hitler rend les « criminels de novembre » responsables de
l'invasion de la Ruhr et interdit à ses partisans de participer à une résistance active menée sous l'égide de l'unité
nationale[14] ,[15] . Cette position « déplaît souverainement » au gouvernement bavarois et à la Reichswehr[16] .
L'occupation de la Ruhr permet toutefois au parti nazi d'augmenter ses effectifs de 35000 recrues de février à
novembre 1923, ce qui porte ses effectifs à 55000 membres et fait naître les premiers soupçons d'un putsch[17] .
La crise économique et l'hyperinflation font elles aussi le lit du parti nazi[18] : en janvier 1923, un dollar vaut 17972
marks, en août 4620455, en septembre 98860000, en octobre 25260280000 et en novembre 4200 milliards[19] . En
1923, le parti nazi est l'élément le plus important du paysage politique bavarois, non en raison de son importance
numérique[20] , mais pour sa nature et son potentiel, son rôle de catalyseur et sa capacité à la radicalisation[21] ; il est
le parti le plus dynamique, le mieux adapté à une mobilisation populaire[22] . Le parti nazi n'a toutefois pas encore
des moyens à la hauteur de ses ambitions. Sur l'initiative d'Hitler, il tente, avec d'autres organisations nationalistes
regroupées au sein de l’Arbeitsgemeinschaft, d'empêcher par la force le défilé des forces de gauche à l'occasion du
premier mai à Munich. Cette tentative se solde par un échec : les milices de l’Arbeitsgemeinschaft, encerclées par la
police, ne peuvent effectuer aucune action[23] .
La radicalisation en Bavière
Afin de rétablir l'ordre, le nouveau gouvernement de la république, conduit par
Gustav Stresemann, accepte d'exécuter les obligations imposées à l'Allemagne par
le traité de Versailles, ce qui constitue une trahison pour les nationalistes[24] . Dans
le but d'éviter un soulèvement, le gouvernement bavarois nomme, le
26 septembre 1923[25] Gustav von Kahr commissaire général, qui forme un
triumvirat avec le chef de l'armée bavaroise Otto von Lossow et le chef de la
police, Hans Ritter von Seisser : le nouveau pouvoir interdit une série de réunions
prévues par le parti nazi le 27 septembre 1923 afin de renverser le gouvernement
de Berlin[24] . L'imbroglio entre autorités fédérales et régionales, entre décideurs
politiques et militaires est complet : alors que Stresemann demande en vain au
président Friedrich Ebert de proclamer l'état d'urgence[26] , la Reichswehr en poste
Gustav Stresemann en 1925 en Bavière sous le commandement de Lossow refuse d'obéir aux ordres du chef de
l'armée Hans von Seeckt, et soutient Kahr[27] . Lossow refuse également
d'appliquer l'ordre d'interdire le Völkischer Beobachter, l'organe du parti national-socialiste[28] , ce qui fait dire à
6. Putsch de la Brasserie 4
Seeckt, le 22 octobre 1923, que la démarche du gouvernement bavarois est une ingérence dans le commandement
militaire contraire à la Constitution[29] . À Berlin, Seeckt projette de mettre sur pied une « dictature légale » pour
pallier la crise, ce que Stresemann refuse. Il perd l'appui de l'armée et Seeckt lui annonce : « Monsieur le chancelier,
on ne peut mener la lutte avec vous : vous n'avez pas la confiance des troupes »[30] .
Les 1e et 2 septembre 1923 à Nuremberg, Adolf Hitler participe, aux côtés de Erich Ludendorff, au Deutscher Tag,
durant lequel défilent pendant plus de deux heures 100000 paramilitaires nationalistes, dont de nombreux membres
de la Reichsflagge d'Ernst Röhm ; à la suite de ce rassemblement le NSDAP, le Bund Oberland et la Reichsflagge
sont regroupés, sur l'initiative d'Ernst Röhm[31] , au sein du Deutscher Kampfbund (Ligue de combat allemande),
dont la direction militaire est confiée à Hermann Kriebel, la gestion à Max Erwin von Scheubner-Richter et la
direction politique à Hitler, ce qui ne lui donne que peu de pouvoir réel[32] . La rumeur d'une marche sur Berlin se
répand le 3 novembre[33] . Seeckt fait part au ministre de l'Intérieur qu'il ne tentera aucune action contre l'armée
bavaroise : « La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswehr »[34] ,[35] .
D'octobre à début novembre s'engagent des négociations en tout sens,
qui mènent à un véritable imbroglio, alors que la radicalisation se
poursuit : le 20 octobre 1923, Kahr déclare que « la Bavière considère
comme son devoir d'être à cette heure la forteresse de la germanité
menacée[29] ». Les autorités bavaroises nouent des tractations avec les
milieux et organisations nationalistes berlinoises, comme le Stahlhelm,
afin de renverser le gouvernement fédéral[36] , ce qui n'empêche pas le
chef de celui-ci, Streseman, de chercher le soutien des dirigeants
bavarois[37] . Ces contacts ne débouchent sur aucun résultat.
Gustav von Kahr (à gauche).
Mi-octobre, Hitler[38] rencontre Lossow, qui lors d'une réunion
d'officiers a sévèrement critiqué le mouvement nazi ; il le fait changer de position, Lossow déclarant peu après, lors
d'une nouvelle réunion d'officiers que la Reichswehr soutiendrait les efforts nationalistes d'Hitler. Le 24 octobre,
Hitler expose ses vues politiques à Seisser, pendant qu'à son insu, Lossow négocie avec les responsables militaires
des organisations nationalistes. Le 25 octobre, Hitler et le Dr. Weber, responsable du groupe paramilitaire Oberland,
ont une entrevue avec Seisser et Lossow : Hitler leur expose son projet de mettre en place un directoire, dont il fera
partie aux côtés de Ludendorff, Lossow et Seisser, mais sans Kahr ; il affirme également qu'il sait qu'il ne peut rien
entreprendre sans le soutien de la police et de l'armée. Ces pourparlers se poursuivent quelques jours, eux aussi sans
résultat[39] .
Le 6 novembre, Kahr, Lossow et Seisser organisent, en l'absence d'Hitler, une réunion avec les responsables du
Kampfbund, qui regroupe les milices nationalistes : ils y affirment leur volonté d'empêcher par la force toute
tentative de putsch en Bavière. Cette position est confirmée le 8, lors d'une rencontre entre Kahr et Ludendorff : le
renversement du gouvernement doit venir de Berlin et non partir de Munich[40] .
7. Putsch de la Brasserie 5
Le putsch
Les préparatifs
Craignant d'être lâché par les paramilitaires[41] en cas d'inaction contre le
gouvernement fédéral ou pris de vitesse par les nouvelles autorités bavaroises[42] ,
Hitler maintient ses contacts avec le triumvirat bavarois ; mais, fort du soutien de
Ludendorff, dont l'incontestable savoir-faire militaire s'accompagne d'une niaiserie
politique sans bornes[43] , il décide de tenter un coup de force à une date dictée par
l'urgence mais aussi d'une portée symbolique : le 9 novembre, date anniversaire de
la proclamation de la république en 1918[44] .
Le putsch est préparé par Hitler les 6 et 7 novembre ; le 7 au matin, il rencontre
Weber, Ludendorff, Göring, Scheubner-Richter et Kriebel, responsable militaire du
Kampfbund. Le putsch doit se produire à Munich, mais aussi dans les principales
villes bavaroises, Regensburg, Augsburg, Ingolstadt, Nuremberg et Würtzburg : les
Erich Ludendorff
groupes armés nationalistes doivent y prendre le contrôle des gares, du télégraphe,
du téléphone et des stations de radio, des bâtiments publics et des commissariats ;
les dirigeants socialistes et communistes et les responsables syndicaux doivent être immédiatement arrêtés[45] . À
Munich, les putschistes disposent d'au maximum 4000 hommes dont moins de la moitié proviennent du parti nazi ou
de la SA : en face d'eux, 2600 policiers et soldats, mieux organisés et mieux armés que les putschistes et disposant de
réserves[46] .
La préparation du putsch fait naître de nouvelles rumeurs sur une tentative de prise du pouvoir, après celles qui ont
couru en août et septembre : si Lossow les prend au sérieux et donne l'ordre à ses officiers supérieurs de réprimer
tout coup d'État, en mentionnant spécifiquement Hitler comme en étant l'instigateur, Seisser, confiant dans les
assurances qui lui ont été données par Ludendorff, ne prend pas position et Kahr, persuadé qu'Hitler et Ludendorff
n'entreprendront rien sans l'avertir au préalable, demande que les mesures de sécurité pour la réunion du 8 novembre
à la Bürgerbräukeller soient aussi légères et discrètes que possible[47] .
À la Burgerbräukeller
Le soir du 8 novembre 1923, vers 19 heures[48] , Kahr, accompagné de
Lossow et Seisser, arrive à la Bürgerbräukeller, une brasserie de
Munich[49] ,[50] . Conformément aux instructions de Kahr, le dispositif
policier est léger : douze officiers de la police criminelle sont présents
dans la salle, trente membres de la Hauptwache (police de réserve)
assurent le maintien de l'ordre à l'extérieur, le gros des forces de police
étant stationné à plusieurs centaines de mètres. La salle est rapidement
comble et ses portes sont fermées vers 19 h 15 [51] : le public, 3000
personnes[52] , comporte de hauts représentants des autorités
Réunion nazie à la Bürgerbräukeller, vers 1923
politiques, policières et militaires bavaroises et des membres de la
bourgeoisie et des professions libérales. Peu après 20 heures, Hitler
arrive devant la brasserie dont les alentours sont remplis de curieux. Surpris par cette affluence, Hitler demande aux
policiers présents de faire évacuer les lieux : ceux-ci appellent des renforts, font dégager les abords de la salle, puis
renvoient les renforts dans leur cantonnement. Les premiers camions chargés de membres de la SA arrivent vers 20 h
10, suivis, vers 20 h 30, par des membres de la Stosstruppe[53] .
Au début du discours de Kahr, peu après 20 h 30, et alors qu'il prononce la phrase « Même l'homme le plus
énergique, même s'il possède les pouvoirs les plus étendus, ne peut pas sauver le peuple, s'il ne reçoit pas du peuple
8. Putsch de la Brasserie 6
un appui actif, inspiré par l'esprit national », il est interrompu par un grand tumulte. Dirigé par Adolf Hitler, un
pistolet à la main, un groupe d'hommes en armes fait irruption dans la salle et place une mitrailleuse en batterie à
l'entrée de celle-ci. Après s'être difficilement frayé un chemin au sein de la foule compacte, Hitler et une poignée de
ses hommes s'approchent de l'estrade, sur laquelle monte Hitler après avoir ramené le silence en tirant un coup de feu
en l'air[54] . Vers 20 h 45, il adresse quelques mots au public : « La révolution nationale a éclaté. La salle est occupée
par six cents hommes armés. Si le calme ne s'établit pas immédiatement, une mitrailleuse viendra sur la galerie. Le
gouvernement bavarois est renversé, un gouvernement provisoire est formé.» Par vantardise et pour impressionner la
salle[55] , il affirme également que « les casernes de la Reichswehr et de la police du land sont occupées, la
Reichswehr et la police sont en marche sous leurs étendards à croix gammée[56] . »
Hitler entraîne Kahr, Lossow et Seissler dans une pièce attenante, réservée par
Hess[57] , et leur explique qu'il compte prendre la tête d'un nouveau gouvernement
dont il assume la direction et dont font partie Ludendorff – qui n'est pas encore
arrivé à la brasserie –, à la tête de l'armée, Lossow comme ministre de la
Reichswehr, Seisser comme ministre de la police, Kahr se voyant attribuer le poste
de régent de Bavière[58] . L'objectif de ce nouveau gouvernement est d'organiser
une marche sur Berlin pour renverser le gouvernement fédéral. S'engagent alors,
dans un climat de forte tension et sous la contrainte, des discussions confuses au
cours desquelles les membres du triumvirat bavarois tergiversent et cherchent à
temporiser. Après quinze minutes de discussion, l'absence d'accord n'empêche pas
Hitler de retourner dans la salle principale de la brasserie, où l'ordre est assuré par
Hermann Göring, pour déclarer à la foule qu'un accord sera obtenu dans les dix
minutes qui suivent[59] , puis de retourner négocier. Pendant ce deuxième entretien,
Hermann Göring en uniforme SA
des cris Heil! Heil! s'entendent venant de la grande salle, et Ludendorff fait son dans les années 1920
entrée dans la pièce où se tiennent les négociations. Il proclame son soutien au
projet d'Hitler : « Il s'agit de la patrie et de la grande cause nationale du peuple allemand et je ne peux que vous
conseiller : venez avec nous, faites la même chose[60] . » Tour à tour, Lossow, Seisser et Kahr acceptent. Les
nouveaux acolytes montent à la tribune et s'assurent de leur soutien mutuel : Hitler enflamme la salle en prononçant
un violent réquisitoire contre les criminels de novembre[44] . Le discours d'Hitler et les brèves allocution de Kahr,
Lossow et Seisser suscitent un tonnerre d'applaudissements et l'approbation générale du public[61] . Celui-ci est
ensuite autorisé à quitter la salle, à l'exception d'un groupe d'otages, dont des membres du gouvernement et les
principaux dirigeants de la police munichoise, arrêtés par Rudolf Hess, à la demande d'Hitler[62] .
En ville
Si tout se passe comme prévu à l'intérieur de la brasserie, l'impréparation des putschistes se fait sentir à l'extérieur.
Wilhelm Frick, chef de la section politique de la préfecture de police, réussit à paralyser l'action des forces de police,
déjà largement acquises à la cause nationaliste[63] ,[64] , et Ernst Röhm occupe le Wehrkreis (quartier général du
district militaire) vers 22 heures[65] , mais ne pense à en contrôler le central téléphonique qu'après une heure et demi,
ce qui permet aux autorités légales d'appeler des renforts militaires de province[66] .
9. Putsch de la Brasserie 7
Confiant dans le ralliement de la Reichswehr, des autorités et de la
population à son coup d'État et à son projet de marche sur Berlin,
Hitler néglige de faire occuper systématiquement les centraux
téléphoniques, les gares, les ministères et les casernes, qui restent donc
sous le contrôle des autorités bavaroises[67] .
Alors qu'Hitler se rend en ville pour y suivre le déroulement des
opérations, Ludendorff autorise Kahr, Lossow et Seisser à rentrer chez
eux. Ceux-ci en profitent pour renier leur soutien au putsch, obtenu,
Membres des milices nazies lors du putsch
selon eux, sous la contrainte, et prennent contact avec l'armée, la police
et les médias pour contrer l'action d'Hitler[44] .
L'action des putschistes en ville est particulièrement confuse et mal organisée : le 3e bataillon du régiment SA de
Munich se procure 3000 fusils cachés dans le monastère de la place Sainte-Anne, puis ne prend plus part à aucune
action, à l'exception de l'un de ses pelotons[68] . L'une des organisations participant au putsch, le groupe Oberland,
échoue à investir la caserne du 19e régiment d'infanterie et à s'y emparer d'armes[69] et connaît la même absence de
résultat à la caserne du génie. Dans la nuit, et après son succès au Wehrkreiskommando, Röhm tente en vain de
s'emparer du quartier général de la ville[70] . Si la majorité des élèves de l'école d'infanterie se rallient au putsch, tel
n'est pas le cas de la 7e division d'infanterie[71] .
Réfugiés dans la caserne du 19e régiment d'infanterie, Kahr, Lossow et Seisser envoient, peu avant trois heures du
matin, un message de la Reichswehr à toutes les stations de radio allemandes désavouant la tentative de putsch.
Lossow donne également ordre à différentes unités de l'armée bavaroise de marcher sur Munich pour écraser le coup
d'État[72] . Lorsque Gustav Stresemann prend connaissance des événements, il les condamne immédiatement[34] et
déclare que toute aide aux putschistes est un acte de haute trahison.
La marche sur la Feldherrnhalle et l'échec final
Le 9 novembre 1923, il est clair que les forces armées et la police sont
restées loyales au régime légal[73] ; quant aux projets et tentatives de
coup de force dans le reste de la Bavière, ils n'ont pas vu le jour ou
bien connu un échec rapide[74] . Si le coup d'État semble avoir échoué,
la confusion règne encore : depuis l'aube, la ville est couverte de
proclamations contradictoires émanant des putschistes et du
gouvernement bavarois[75] .
En fin de matinée, Hitler et Ludendorff, persuadés que la Reichswehr
ne tirera jamais sur « le stratège de la Première Guerre mondiale[76] » La Feldherrnhalle, dernière étape du putsch.
rassemblent 2000 putschistes. Avec Hitler et Ludendorff à l'avant, les
manifestants s'avancent à douze de front avec, en tête, les membres de la Stosstruppe, des SA et d’Oberland, suivis
par des étudiants de l'école d'infanterie et les membres du corps de cavalerie de la SA, qui n'ont jamais reçu d'ordre
depuis le début de putsch[77] . Le défilé débute sous les acclamations de la foule et passe sans encombre un premier
barrage de police sur le Ludwigsbrücke surplombant l'Isar[78] . Peu après midi et demi, à l'approche de la
Feldherrnhalle, les manifestants sont confrontés à un deuxième cordon de police : dans des circonstances
particulièrement confuses[79] , un échange de coups de feu éclate et les manifestants se débandent[80] . Göring est
grièvement blessé à la jambe, Max Erwin von Scheubner-Richter tué et Hitler a l'épaule démise. On dénombre quatre
victimes parmi les policiers et seize morts chez les putschistes dont seulement cinq membres de la Stosstruppe, la
garde rapprochée du Führer, la future SS. C'est de cet épisode que naît le mythe du Blutfahne, drapeau qui aurait été
taché par le sang d'Ulrich Graf[81] , un des gardes du corps de Hitler qui lui aurait servi de bouclier, arrêtant de son
corps les balles qui auraient pu tuer le futur Führer. La police arrête immédiatement, entre autres, Ludendorff et
10. Putsch de la Brasserie 8
Streicher, alors que Göring parvient à s'échapper. Hitler, qui s'est enfui dès les premiers coups de feu[82] , est arrêté le
11 novembre[44] dans la maison de campagne d'Ernst Hanfstaengl, où il s'est réfugié.
Encerclé par la Reichswehr, dont des éléments sont arrivés d'Augsbourg, dans le
bâtiment du commandement de la région militaire, Rhöm, dont le porte-drapeau est
Heinrich Himmler[83] , exige du général Franz von Epp et du général Jakob von
Danner, qui veulent sa reddition, un ordre de Ludendorff. Après avoir appris
l'échec de la marche sur la Feldherrnhalle et l'arrestation de Ludendorff, il accepte
la demande de von Danner, qui lui propose que ses hommes puissent quitter la
place avec les honneurs militaires ; désarmés, les putschistes quittent le bâtiment et
seul Röhm est immédiatement arrêté[84] .
Le procès
Le procès des dirigeants putschistes[85] ,[86] , accusés de haute trahison contre le
gouvernement et du meurtre de quatre policiers, deux crimes passibles de la peine Ernst Röhm en 1933.
[87] ,[88] er
de mort , se déroule du 26 février au 1 avril 1924, en partie à huis-clos.
Afin de pouvoir mieux contrôler le déroulement des débats, les autorités bavaroises obtiennent que le procès se
déroule devant le tribunal du peuple de Munich, et non devant la cour du Reich à Leipzig[89] .
Tant les juges que les procureurs manifestent une évidente sympathie à l'égard des accusés et déploient tous leurs
efforts pour ne pas impliquer Ludendorff, le président du tribunal, Neithardt,[90] , estimant qu'il « est le seul atout de
l'Allemagne » ; des témoins essentiels ne sont pas invités à déposer et des pièces fondamentales ne sont pas
produites, notamment afin de ne pas évoquer la complicité de Kahr, Lossow, Seiser[91] et de la Reichswehr dans le
projet de renversement du gouvernement de Berlin[92] . Ce climat permet à Hitler de transformer le procès en une
opération de propagande, « un carnaval politique[93] » et d'y prononcer de véritables discours[94] ; « s'il s'est montré
piteux face à la police, il [Hitler] révèle lors de son procès son écrasante supériorité oratoire ». Le premier procureur
va jusqu'à affirmer : « Hitler est un homme hautement doué qui, parti de peu, a atteint par son sérieux et son travail
acharné une situation respectée dans la vie publique. Il s'est totalement sacrifié aux idées qui le pénétraient et il a
pleinement accompli son devoir de soldat. On ne peut lui reprocher d'avoir utilisé à son profit la situation qu'il s'est
faite[95] ».
Hitler revendique sa totale responsabilité dans la tentative de coup
d'État et déclare lors de son procès :
« Je ne suis pas venu au tribunal pour nier quoi que ce soit ou
éviter mes responsabilités. [...] [Ce putsch] Je l'ai porté seul. En
dernière analyse, je suis le seul à l'avoir souhaité. Les autres
accusés n'ont collaboré avec moi qu'à la fin. Je suis convaincu
que je n'ai rien souhaité de mal. Je porte les responsabilités pour
toutes les conséquences. Mais je dois dire que je ne suis pas un
criminel et que je ne me sens pas comme tel, bien au contraire[96] Les principaux accusés
. »
Les peines prononcées sont particulièrement légères : Hitler, le préfet de police Pöhner, Kriebel et Weber sont
condamnés à cinq ans de forteresse, avec déduction de leurs six mois de détention préventive ; les autres accusés,
dont Ernst Röhm sont condamnés à des peines si légères qu'elles sont absorbées par leur détention préventive : ils
sont libérés sur parole à l'issue du procès. Ludendorff est acquitté. Le tribunal justifie sa clémence en arguant que les
putschistes « avaient été guidés par un pur esprit patriotique et par la plus noble des volontés[87] ». De plus Hitler
échappe à l'expulsion vers l'Autriche, pourtant prévue par la section 9, §2 de la loi pour la protection de la
république[97] ,[98] , qui selon les juges ne saurait s'appliquer à un homme tel qu'Hitler « qui pense et sent en
11. Putsch de la Brasserie 9
allemand[99] ».
Malgré sa condamnation avec sursis de 1922, qui rendait légalement tout nouveau sursis impossible, Hitler sort par
anticipation de prison le 20 décembre 1924, mais reste interdit de parole en public dans la majeure partie de
l'Allemagne jusqu'en 1927 et interdit de séjour en Prusse jusqu'en 1928[100] .
Les conséquences
Le NSDAP est interdit dès le 9 novembre, interdiction levée en avril 1925 à
l'instigation du ministre de la Justice Franz Gürtner. Devenu illégal, privé de son
chef, qui en a confié la direction ad interim à un Alfred Rosenberg « totalement
incapable d'acquérir une autorité quelconque », en proie à des querelles entre
factions notamment suscitées par Ernst Röhm ou par Julius Streicher, le parti nazi
connaît une véritable éclipse et est au bord de la disparition pure et simple[101] .
L'une des conséquences de la tentative de putsch est un changement de stratégie
d'Adolf Hitler. Selon Georges Goriely, dans les années qui suivent, il évite de se
donner une allure de putschiste et s'emploie plutôt à mettre dans son jeu les
puissances traditionnelles[102] . Cette analyse est partagée par Robert O. Paxton : «
Un exemplaire de Mein Kampf le putsch manqué de la brasserie[103] fut écrasé si ignominieusement par les patrons
conservateurs de Bavière que Hitler se jura de ne plus jamais tenter de s'emparer du
pouvoir par la force. Cela signifiait que les nazis allaient devoir respecter, au moins superficiellement, la légalité
constitutionnelle, même s'ils n'allaient jamais abandonner les violences ciblées qui étaient un élément central de leur
pouvoir d'attraction, ni les allusions aux objectifs plus vastes qu'ils comptaient poursuivre une fois au pouvoir[104] ».
Pour reprendre la formule de Joachim Fest, « il ne faut pas en déduire [...] qu'Hitler était prêt à accepter la légalité
comme une barrière inviolable, mais seulement qu'il était décidé à développer l'illégalité à l'abri de la légalité[105]
»[106] .
À la prison de Landsberg, Hitler dispose d'une cellule spacieuse et confortablement meublée dans laquelle il reçoit
plus de cinq cents visiteurs pendant ses treize mois de détention ; à la suggestion de Max Amann, il dicte à Emil
Maurice et Rudolf Hess un compte rendu de sa vie et de ses opinions qui paraît en 1925 : Mein Kampf[87] .
« L'année qui aurait dû être celle du bannissement définitif du spectre de Hitler vit au contraire la genèse de sa
prééminence absolue au sein du mouvement völkisch et de son ascension vers l'autorité suprême. Avec le recul,
l'année 1924 apparaît comme le moment où, tel un phénix renaissant de ses cendres, Hitler put commencer à
s'extraire des décombres d'un mouvement völkisch éparpillé pour devenir le chef absolu, dominant sans partage un
parti nazi réformé, plus solidement structuré et mieux soudé[52] ».
12. Putsch de la Brasserie 10
La commémoration
Dès 1924, la propagande national-socialiste s'est appliquée à donner au
putsch une dimension héroïque qui s'amplifie encore après l'arrivée des
nazis au pouvoir. À partir de 1933 se déroulent chaque année à Munich
des commémorations à la mémoire des victimes nazies qui deviennent
de véritables martyrs de l'Allemagne et du mouvement[107] : « Notre
mouvement est né de toute cette détresse, et il a donc dû prendre des
décisions difficiles dès les premiers jours. Et l'une de ces décisions a
été la décision de mener la révolte des 8 et 9 novembre 1923. Cette
décision a échoué en apparence à l'époque, seulement, c'est du sort des
victimes que le salut de l'Allemagne a pu venir »[108] .
Hitler dédie aux seize victimes de son parti, les Blutzeuge
(littéralement témoins de sang) le premier volume de Mein Kampf. La
médaille que le Führer décerne à tous ceux qui ont participé au putsch,
Hitler pendant le congrès du parti de 1935 à
le Blutorden, est la plus haute distinction du NSDAP. Un véritable
Nuremberg. Derrière Hitler on peut apercevoir le
mythe est mis en place autour du putsch. Le Blutfahne (drapeau du Blutfahne et son porteur officiel Jakob
sang), qui désigne le drapeau porté par Andreas Bauriedl lors de la Grimminger
marche des putschistes est élevé au rang d'objet de culte. À partir de
1926, il est glorifié lors des congrès du parti et est utilisé pour consacrer les drapeaux du parti et les fanions de la SS.
Jakob Grimminger qui avait participé au putsch est le porteur officiel du Blutfahne[109] . « Elles [les victimes]
deviennent le noyau d'un mythe qui joue un rôle significatif dans l'arrivée du parti [nazi] au pouvoir. À travers elles,
un échec ignominieux est transformé en un glorieux défi à la tyrannie[73] ».
À Munich, sur la Königsplatz, Hitler fait ériger en 1935 deux
mausolées pour les seize putschistes tués, dans lesquels leurs restes
sont transférés[107] . Sur la Feldherrnhalle, Hitler fait poser une plaque
devant laquelle est postée une sentinelle. Les passants doivent saluer la
plaque du salut hitlérien à leur passage.
« Je me suis rendu à pied jusqu'à la Feldherrnhalle. On salue les
morts. Acte solennel et somptueux. Le Führer leur rend un
dernier hommage. Moment grandiose. Beau et efficace comme
Un des mausolées en 1933 jamais. »
— Joseph Goebbels, 9 novembre 1935[110] . À l'arrivée des troupes
américaines, les deux constructions de la Königsplatz sont dynamitées. Il n'en reste plus que les socles aujourd'hui.
La plaque de la Feldherrnhalle est retirée en 1945 ; depuis 1993, une nouvelle plaque rappelle la mémoire des
policiers tués.
13. Putsch de la Brasserie 11
Notes et références
Références
• (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé «
Hitler-Ludendorff-Putsch [111] » (voir la liste des auteurs [111]) (voir aussi [[|la page de discussion]]).
[1] Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Paris, Flammarion, 2001, p. 260
[2] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 265
[3] Richard J. Evans, Le troisième Reich. L'avènement, Paris, Flammarion, 2009, p. 236—239
[4] Né à Munich le 1er avril 1887, Otto Ballerstedt, dirigeant du Bayernbund, est l'un des rivaux politiques de Hitler en Bavière au tout début des
années 1920. Il passe au second plan dès 1923 et cesse peu à peu toute activité politique notable. Cela ne l'empêche pas d'être arrêté lors de la
nuit des Longs Couteaux et d'être assassiné le 30 juin ou le 1er juillet 1934 au camp de concentration de Dachau.
[5] R. Evans, Le Troisième Reich, p. 236
[6] André Beucler, L'ascension d'Hitler. Du village autrichien au coup d'État de Munich, Paris, Éditions nationales, 1937, p. 214
[7] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 269
[8] André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 236
[9] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 249, 273, 288
[10] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 295-296
[11] Lionel Richard, D'où vient Adolf Hitler ? Tentative de démythification, Paris, Autrement, 2000, p. 151
[12] R. Evans, Le troisième Reich, p. 240—242
[13] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 291
[14] William L. Shirer, Le IIIe Reich, Paris, Stock, 2006, p. 77
[15] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 293
[16] André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 288
[17] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 290
[18] Elles suscitent également des insurrections menées par les communistes en Thuringe ou en Saxe, cf. I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 305
[19] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 304
[20] D'après un rapport de police, il compte cependant, à l'été 1923, 35000 membres à Munich et 150000 pour l'ensemble de la Bavière ; à titre ce
comparaison, la Bund Bayern und Reich dispose de 60000 membres, nettement mieux formés militairement que ceux du parti nazi, cf. Harold
J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 64 et 110
[21] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, Princeton, Princeton University Press, 1972, p. 49
[22] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, Bruxelles, Éditions Complexe, 1982, p. 52
[23] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 194-205
[24] Richard J. Evans, Le troisième Reich, p. 249—250
[25] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 306
[26] (de)Felix Hirsch, Gustav Stresemann 1878/1978, Berlin Verlag, Berlin, 1978, p. 49
[27] F. Hirsch, op. cit., p.49.
[28] Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Paris, Fayard, 1962, p. 19
[29] H. Möller, La république de Weimar, p. 182
[30] Christian Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, Paris, Fayard, 2007, p. 411-412
[31] R. Evans, Le troisième Reich, p. 247
[32] I. Kershaw., Hitler, 1889-1936, p. 302-303
[33] C. Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, p. 414
[34] C. Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, p. 415
[35] Seekt avait adopté la même attitude et tenu les mêmes propos lors du Putsch de Kapp, cf. H. Möller, La république de Weimar, p. 169
[36] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 246-251
[37] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 258
[38] D'après Beucler, Hiter, pourtant notoirement opposé à la restauration des Wittelsbach, aurait même tenté en vain, courant septembre, d'être
reçu par le prince Rupprecht de Bavière, cf. André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 233
[39] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 252-255
[40] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 255-258
[41] Ceux-ci craignent notammet de ne plus percevoir de solde. Selon, Conrad Heiden, cité par A. Beucler, Ludendorff aurait déclaré à Lossow :
« les troupes du Kampfbund meurent de faim et il devient difficile de les retenir », cf. André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 234
[42] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch,, p. 243-244
[43] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, p. 52
[44] R. Evans, op. cit., p. 250-251
[45] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 259-260
[46] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 270-273
14. Putsch de la Brasserie 12
[47] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 274-275
[48] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 282
[49] Cette section est basée, sauf mention contraire, sur Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, Les Sables-d'Olonne, Georges
Bonnin éditeur, 1966, p. 91-98, dont le récit se fonde sur le rapport rédigé par Lossow pour les autorités bavaroises en décembre 1923
[50] Si le rapport de Lossow est considéré comme fiable par Bonnin en ce qui concerne les faits, il doit être manié avec une grande prudence
lorsqu'il évoque l'attitude de son auteur et celle de von Kahr et Seisser
[51] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 282-283
[52] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 312
[53] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 283-284
[54] Il n'est pas certain qu'Hitler ait été l'auteur du coup de feu, qui a peut-être été tiré par un des membres de son entourage
[55] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 83
[56] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1973, p. 218
[57] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 286
[58] Selon Kershaw, Kahr se voit proposer le poste de chef de l'état (Landsverweser) et le préfet de police Pöhner celui de ministre-président, I.
Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 313.
[59] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 287
[60] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 95.
[61] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 289.
[62] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 290.
[63] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 98-102.
[64] Selon Lionel Richard, le préfet de police Poehner et son ajoint Wilhelm Frick soutiennent Adolf Hitler depuis 1920, cf. Lionel Richard, D'où
vient Adolf Hitler, p. 151
[65] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 124.
[66] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 294
[67] Joachim Fest, Hitler jeunesse et conquête du pouvoir, Gallimard, Paris, 1974, p. 224
[68] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 292.
[69] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 102-106.
[70] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 294.
[71] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 302.
[72] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 95.
[73] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 365
[74] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 366-388
[75] André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 247
[76] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 351.
[77] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 353.
[78] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 113-124.
[79] Si tous les auteurs s'accordent sur le fait que la fusillade a été déclenchée par un premier coup de feu isolé, ni le camp auquel appartenait le
tireur, ni son identité ne sont établis avec certitude
[80] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 113-124.
[81] La question de savoir qui a protégé le Führer et taché le drapeau de son sang a fait par la suite l'objet d'âpres débats au sein du parti nazi
[82] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, p. 53.
[83] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, p. 226.
[84] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 124-127.
[85] Sauf mention contraire, la présente section est fondée sur Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 479-485
[86] Trois autres procès furent organisés contre des membres de la Stosstrup Hitler qui avaient attaqué le Münchener Post, des participants au
putsch ayant volé des billets de banque et les responsables d'un vol d'armes au monastère Sainte-Anne, cf. Harold J. Gordon Jr., Hitler and the
Beer Hall Putsch, p. 475
[87] R. Evans, Le troisième Reich, p. 253
[88] Selon W. Shirer, la peine maximale était la détention à perpétuité, conformément à l'article 81 du Code pénal, cf. William L. Shirer, Le IIIe
Reich, p. 93
[89] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 325
[90] Nommé par ministre de la justice bavaroise, le réactionnaire Franz Gürtner, Neithardt, connu pour ses convictions nationalistes, avait présidé
les débats qui ont abouti à la condamnation d'Hitler à trois mois de prison, dont deux avec sursis en 1922, cf. R. Evans, Le troisième Reich,
p. 252
[91] Tous trois ont démissionné le 18 février 1924, cf. H. Möller, La république de Weimar, p. 186
[92] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 323
[93] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, p. 229
[94] voir notamment, Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 148-162
[95] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1973, p. 231
15. Putsch de la Brasserie 13
[96] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 482
[97] Votée par le Reichstag, le 21 juillet 1922 et prorogée le 23 juillet 1927, cf. H. Möller, La république de Weimar, p. 116
[98] Cette loi n'est que partiellement appliquée en Bavière qui dispose de sa propre législation d'exception. C'est sur cette base qu'est notamment
condamné, en octobre 1922, Felix Fechenbach, l'ancien secrétaire de Kurt Eisner, à onze ans de réclusion pour un délit de presse déjà ancien et
qui aurait du bénéficier de la prescription, cf. Karl Dietrich Bracker, Hitler et la dictature allemande, Bruxelles, Éditions Complexe, 1995, p.
150
[99] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 327
[100] R. Evans, Le troisième Reich, p. 257
[101] R. Evans, Le troisième Reich, p. 257
[102] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, p. 53
[103] ou pour Paxton, « la conspiration de l'escalier de service »
[104] Robert O. Paxton, Le fascisme en action, Paris, Seuil, 2004, p. 158 (ISBN 2020591928)
[105] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1973, p. 233
[106] Ce concept de « l'illégalité à l'abri de la légalité » est notamment illustré par la nuit des Longs Couteaux au cours de laquelle Hitler élimine
les principaux dirigeants de la SA, dont Ernst Röhm, et ôte à cette organisation toute indépendance, afin de conserver l'appui des milieux
conservateurs traditionnels et de la Reichswehr. Il en profite également pour faire assassiner Kahr, l'un des responsables de l'échec du putsch.
[107] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 93
[108] (de)« Aus dieser ganzen Not ist unsere Bewegung entstanden, und sie hat daher auch schwere Entschlüsse fassen müssen vom ersten Tage
an. Und einer dieser Entschlüsse war der Entschluss zur Revolte vom 8./9. November 1923. Dieser Entschluss ist damals scheinbar
misslungen, allein, aus den Opfern ist doch erst recht die Rettung Deutschlands gekommen. » Discours d'Adolf Hitler du 9 novembre 1939
dans Bürgerbräukeller, cité dans : Philipp Bouhler: Der großdeutsche Freiheitskampf - Reden Adolf Hitlers vom 1. September 1939 bis 10.
März 1940, Zentral-Verlag der NSDAP, Munich, 1940.
[109] (en)Brian L. Davis / Malcolm McGregor, Flags of the Third Reich Party and Police Units, Osprey Publishing, 1994, p.4.
[110] Joseph Goebbels, Journal. 1933-1939, Paris, Tallandier, 2007,p.256
[111] http:/ / de. wikipedia. org/ wiki/ Hitler-Ludendorff-Putsch
Sources
• Joseph Goebbels, Journal (1923-1933), Tallandier, Paris, 2006.
• Adolf Hitler, Mein Kampf, Les Nouvelles Éditions latines, 1934.
Bibliographie
• Christian Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, Fayard, Paris, 2007, 483 p. (ISBN 978-2-213-63347-3)
• André Beucler, L'ascension d'Hitler. Du village autrichien au coup d'État de Munich, Éditions nationales, coll.
« L'histoire inconnue », Paris, 1937
• Georges Bonnin, Le putsch d'Hitler à Munich en 1923, Bonnin éditeur, Les Sables-d'Olonne, 1966, 230 p.
• (de) John Dornberg, Der Hitlerputsch. 9 November 1923, Langen Müller, 1998.
• Richard J. Evans, Le troisième Reich : L'avènement, Flammarion Lettres, coll. « Au fil de l'histoire », 2009,
800 p. (ISBN 978-2082101110)
• Joachim Fest, Hitler jeunesse et conquête du pouvoir, Gallimard, Paris, 1974, 526 p.
• (en) Harold J. Gordon, Hitler and the Beer Hall Putsch, Princeton University Press, Princeton, 1972, 666 p. (ISBN
0-691-05189-5)
• Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, Éditions Complexe, coll. « La mémoire du sièce », Bruxelles,
1985
• Ian Kershaw, Hitler, tome 1, 1889-1936, Flammarion, Paris, 1999 (ISBN 978-2082125284)
• Ian Kershaw, Hitler : Essai sur le charisme en politique, Folio Histoire, 2001, (ISBN 978-2070419081)
• Ian Kershaw, Le Mythe Hitler, Flammarion, Paris, 1987.
• Host Möller, La république de Weimar, Tallandier, Paris, 2004, 367 p. (ISBN 2-84734-191-9)
• Lionel Richard, D’où vient Adolf Hitler ? Tentative de démythification, Autrement, coll. « Mémoires, n° 64 »,
Paris, 2000, 3 p. (ISBN 2-86260-999-4)
• William L. Shirer, Le IIIe Reich, Stock, Paris, 2006, 1257 p. (ISBN 2-234-02298-3)
16. Putsch de la Brasserie 14
• (de) Georg Franz-Willing, Putsch und Verbotszeit der Hitlerbewegung, November 1923 - Februar 1925,
Preußisch Oldendorf: Schütz, 1977
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Incendie du Reichstag
L’incendie du Reichstag, ou Reichstagsbrand en allemand, est
l'incendie criminel du Palais du Reichstag, siège du parlement
allemand à Berlin, dans la nuit du 27 au 28 février 1933.
Immédiatement exploité par les nazis à des fins politiques, il est suivi
par la proclamation de la Reichstagsbrandverordnung qui suspend sine
die les libertés individuelles et par une campagne de répression dirigée
contre les communistes allemands.
L'identité du ou des incendiaires a fait l'objet de nombreux débats. Les
historiens sont toujours partagés entre la thèse l'attribuant au seul Incendie du palais du Reichstag le
28 février 1933
communiste hollandais Marinus van der Lubbe et celle l'imputant aux
nazis pour qui il s'agissait du « début de la révolte communiste » selon
Hermann Göring.
Contexte politique
Nommé chancelier le 30 janvier 1933, Adolf Hitler obtient du
président Paul von Hindenburg la dissolution du parlement et
l'organisation de nouvelles élections prévues le 5 mars 1933[1] . Si le
NSDAP est le premier parti au Reichstag, avec 196 sièges sur 584, il
dépend du soutien des partis de la droite traditionnelle et doit compter
avec une forte opposition de gauche composée par 121 députés
socialistes et 100 députés communistes. Si la SA fait régner la terreur
dans les rues, la crainte d'un coup de force communiste est très vive
chez les nazis, mais aussi dans la droite allemande[2] .
Les faits
La fenêtre par laquelle Marinus van der Lubbe
Le 27 février 1933, vers 21h15, un étudiant en théologie passant devant serait entré dans le Reichstag
le Reichstag entend le bruit d'une vitre brisée[3] . Il alerte le gardien du
parlement qui aperçoit une silhouette courant à l'intérieur du bâtiment en y boutant le feu[3] . Les pompiers et la
police arrivent rapidement sur les lieux où ils constatent de nombreux départs de feu[3] . « Dans la salle Bismarck,
située au nord de l'édifice, un homme jaillit soudain, torse nu, ruisselant de sueur, l'air égaré, avec un regard
halluciné.[3] » Cet homme, Marinus van der Lubbe, se laisse arrêter sans résistance et passe immédiatement aux
aveux, affirmant que l'incendie est un geste de protestation et qu'il a agi seul[4] .
17. Incendie du Reichstag 15
Exploitation politique
Rudolf Diels, chef de la police prussienne, arrivé immédiatement sur
les lieux est alors persuadé que Marinus van der Lubbe a agi seul.
Les nazis décident d'exploiter immédiatement l'évènement, et
présentent l'incendie comme le signe avant-coureur d'un vaste «
complot communiste ».
« C'est un signe de Dieu, Herr Vice-Chancelier ! Si ce feu,
comme je le crois, est l'œuvre des communistes, nous devons
écraser cette peste meurtrière d'une main de fer ! »
— Hitler au vice-chancelier von Papen, le 28 février 1933[5] . Dès le
lendemain de l'incendie, le 28 février, Hindenburg signe un décret
présidentiel « pour la protection du peuple et de l'État » : le
Reichstagsbrandverordnung, qui suspend sine die les libertés
individuelles et lance la chasse aux communistes. Dans la foulée, le
gouvernement fait arrêter plus de 4000 militants du KPD, le parti
communiste allemand, dont son président Ernst Thälmann, ainsi que
plusieurs dirigeants socialistes et intellectuels de gauche, au total
plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le journaliste vedette Egon
Reichstagsbrandverordnung du 28 février 1933
Erwin Kisch est aussi arrêté. Ces opposants sont internés dans les
premiers camps de concentration nazis, essentiellement à Dachau. La
peine de mort est introduite avec effet rétroactif. Ce décret qui marque la fin de la démocratie reste en vigueur
jusqu'en 1945. Le procès s'ouvre le 21 septembre 1933 à Leipzig. Marinus van der Lubbe est condamné à mort et
décapité le 10 janvier 1934. Le 21 avril 1967, un tribunal de Berlin, à titre posthume et symbolique, transforme la
condamnation à mort de van des Lubbe à huit ans de prison pour « tentative d'incendie avec infraction ». En 1980,
Robert Kempner, un des procureurs américains des procès de Nuremberg, convaincu de l'innocence de Marinus van
der Lubbe, obtient son acquittement, mais ce verdict est cassé un an plus tard en appel. Finalement, le
10 janvier 2008, les services du procureur fédéral allemand, jugeant la condamnation officiellement « illégale »
annulent le verdict soixante-quinze ans après[6] .
Les interprétations
L'évènement a donné lieu à une longue controverse au sujet de l'identité des auteurs véritables de l'incendie.
Un complot communiste
Dès l'annonce de l'incendie et avant tout début d'enquête, la radio affirme que les communistes ont mis le feu au
Reichstag[7] . Cette thèse est immédiatement reprise par Hermann Göring et Adolf Hitler et sert de base au procès
qui s'ouvre à Leipzig le 21 septembre 1933.
Sur le banc des accusés figurent, outre Marinus van der Lubbe, l'ancien chef de groupe du parti communiste
allemand, Ernst Torgler, et trois communistes bulgares, dont Gueorgui Dimitrov[8] , futur secrétaire général du
Komintern et futur premier ministre du gouvernement communiste bulgare. Pugnace, luttant pied à pied, tenant tête
par sa rhétorique à Goebbels et à Göring à qui il fait perdre son calme, Dimitrov, qui a appris l'Allemand durant les
mois de prisons précedant la condamnation, fait voler en éclat la thèse officielle et transforme le procès en tribune
antinazie[8] . Finalement, seul Marinus van der Lubbe est condamné, les quatre autres accusés sont acquittés[8] . Ce
verdict, qui ôte toute base à la thèse officielle des nazis, ne les empêchera pas de maintenir leur interprétation.
18. Incendie du Reichstag 16
Une manœuvre des nazis
La version officielle est immédiatement contredite, au cours même du procès, par l'accusé Georgi Mikhailov
Dimitrov, ce qui lui vaut une renommée mondiale, Allemagne comprise[9] . Puis Willi Münzenberg dans son Livre
brun[10] attribue la responsabilité de l'incendie aux nazis, ayant voulu par là se créer un prétexte pour déclencher une
vague de répression. La parution du Livre brun est suivie, en septembre 1933, par un procès organisé à Londres par
un comité antifasciste international, qui s'affirme selon les mots du procureur comme « un simulacre de procès [qui]
ne saurait avoir de validité juridique et n'avait d'autre but que de servir la vérité que les circonstances empêchaient
d'éclater en Allemagne »[11] .
« Quel était à Berlin, le 27 février au soir, l'homme qui détenait les clés du Reichstag?
Quel était l'homme qui en commandait la police?
Quel était l'homme qui pouvait en activer ou en arrêter la surveillance?
Quel était l'homme qui détenait la clé du souterrain par lequel on semble avoir pénétré?
Cet homme, c'était à la fois le ministre de l'Intérieur de Prusse et le président du Reichstag : c'était Hermann
Göring »
— Me de Moro-Giafferi, Londres, 11 septembre 1933[12] . Pour Pierre Milza, Marinus van der Lubbe aurait été
manipulé par les nazis[13] : « Utilisant le délire pyromane d'un jeune chômeur d'origine hollandaise, Marinus van der
Lubbe, qui se dit communiste, les hommes de Göring l'ont laissé allumer un petit incendie dans le Palais du
Reichstag, tandis qu'eux-mêmes inondaient les sous-sols d'essence[14] . » François Delpla penche lui aussi pour une
manipulation de Marinus van der Lubbe par les nazis, par le biais d'un agent infiltré dans les milieux de
l'ultra-gauche, lui faisant croire que l'incendie allait créer un soulèvement populaire contre Hitler. Il reproche aux
tenants de la thèse de l'incendiaire isolé de croire que l'absence de preuves de complicités prouve l'absence de
complicités[15] . Jacques Delarue estime que l'incendie a été perpétré par un commando de membres de la SA, dirigé
par Karl Ernst et Edmund Heines, à l'initiative d' Hermann Göring[16] . Pour Gilbert Badia, il est impossible qu'un
homme isolé comme van der Lubbe, dépourvu de tout soutien ait seul perpétré l'incendie, notamment compte tenu du
fait qu' « on trouva dans le Reichstag assez de matériel incendiaire pour remplir un camion » et d'une déclaration de
Göring au général Hadler lors de laquelle il affirme que « le seul qui connaisse bien le Reichstag, c'est moi ; j'y ai
mis le feu »[17] . En 2001, en se basant à la fois sur les circonstances matérielles de l'incendie et sur des archives de la
Gestapo conservées à Moscou et accessibles aux chercheurs depuis 1990, Bahar et Kugel reprennent la thèse selon
laquelle le feu a été mis au Reichstag par un groupe de SA agissant sous les ordres directs de Göring[18] .
Un acte isolé
En 1960, dans le Spiegel, puis en 1962, dans son livre Der Reichsbrand. Legende und Wirklichkeit [19] , Fritz Tobias
affirme que la thèse du complot nazi est aussi infondée que celle du complot communiste. Il qualifie de fallacieux les
documents du Livre brun qui servait de base au dossier antinazi[20] . Selon Ian Kershaw, les conclusions de Tobias
sont désormais largement acceptées[21] . Selon lui, la surprise et l'hystérie qui s'emparent des plus hauts dirigeants
nazis la nuit de l'incendie, à commencer par Hitler lui-même, est un signe du caractère inattendu de l'évènement et du
fait que l'incendie est bien le fait du seul Marinus van der Lubbe[22] .
« Les premiers membres de la police à interroger van der Lubbe, aussitôt appréhendé et clamant haut et fort sa
« protestation », n'avaient aucun doute : il avait agi seul, personne d'autre n'était impliqué dans l'incendie. Mais
Göring, dont la première réaction en apprenant l'incendie semble avoir été pour s'inquiéter des précieuses
tapisseries du bâtiment, se laissa facilement convaincre par les autorités sur place que l'incendie était le fruit
d'un complot communiste. Hitler, qui arriva vers 22 h 30, soit une heure environ après Göring, se laissa
rapidement persuader de tirer la même conclusion. Göring lui expliqua que l'incendie était sans conteste
l'œuvre des communistes. L'un des incendiaires avait déjà été arrêté, tandis que plusieurs députés communistes
se trouvaient dans le bâtiment quelques minutes à peine avant l'embrasement[23] . »
19. Incendie du Reichstag 17
L'analyse de Kershaw est vigoureusement contestée par Lionel Richard[24] . Pour Richard, « les analyses de Tobias,
déjà fortement mises en cause par un groupe d'historiens quand elles ont été publiées, ne jouissent plus d'aucun
crédit. Il a été démontré que son information documentaire n'était pas fiable. En l'occurrence, Kershaw aurait pu, au
moins, prendre sérieusement en considération les travaux d'Alexander Bahar[25] . »
Voir aussi
Bibliographie
• Alexander Bahar, Wilfried Kugel, Der Reichstagbrand, edition q, 2001
• Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Paris, Fayard, 1962
• Georges Goriely, 1933 : Hitler prend le pouvoir, Bruxelles, Editions Complexe, Coll. La Mémoire du siècle,
1985.
• Nico Jassies, Marinus van der Lubbe et l’incendie du Reichstag, Éditions Antisociales, 2004, ISBN
2-9521094-0-0.
• Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, vol. 1, Paris, Flammarion, 2001(ISBN 2082125297)
abondante bibliographie sur l'incendie du Reichstag à la page 1010.
• Livre brun sur l'incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne, Paris, Le carrefour, 1933
• Fritz Tobias, Der Reichstagsbrand - Legende und Wirklichkeit, Grote, Rastatt 1962
• Marinus van der Lubbe, Carnets de route de l’incendiaire du Reichstag et autres écrits, présentés par Yves Pagès
et Charles Reeve, Éditions Verticales, 2003.
• François Delpla, Hitler, Paris, Grasset, 1999
Références
[1] Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne des origines à nos jours, Paris, 1999, p.652.
[2] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, Paris, Flammarion, 2001, vol.1, p. 649.
[3] Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, Paris, 1962, p.31
[4] I. Kershaw, op. cit, p.650
[5] I. Kershaw, op. cit., p. 651
[6] Agence Reuters, dépêche du 10 janvier 2008, 18h08:23
[7] J. Delarue, op. cit., p.32
[8] J. Delarue, op. cit., p.66-68
[9] « Il ne reste qu'un homme en Allemagne, disait-on alors, et cet homme est un Bulgare », Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, page 306 de
l'édition Folio, page 338 de l'édition Folio Histoire.
[10] Traduit en 17 langues et tiré à des millions d'exemplaires. Gorielly, op. cit., p. 130.
[11] J. Delarue, op.it., p.65
[12] J. Delarue, op. cit., p.66
[13] Pierre Milza, Les Fascismes, chap. 9, p. 286.
[14] Serge Berstein, Pierre Milza, Histoire du XXème siècle, Tome 1, p. 317.
[15] François Delpla, « Le terrorisme des puissants : de l’incendie du Reichstag à la nuit des Longs couteaux », paru dans : Guerre et Histoire n°
7, septembre 2002 (http:/ / www. delpla. org/ article. php3?id_article=62)
[16] J. Delarue, op.cit., p. 68-76
[17] Gilbert Badia, Histoire de l'Allemagne contemporaine, 1933/1962, Paris, Éditions sociales, 1975, p. 15
[18] Alexander Bahar, Wilfried Kugel, Der Reichstagbrand, édition q, 2001
[19] Fritz Tobias, Der Reichsbrand Legende und Wirklichkeit, Rastatt, Baden, 1962.
[20] Georges Goriely, 1933, pp. 131-132
[21] I. Kershaw, op. cit., p. 1011
[22] I. Kershaw, op. cit. p. 649
[23] I. Kershaw, op. cit., p. 650.
[24] Lionel Richard, Goebbels. Portrait d'un manipulateur, s.l., André Versaille éditeur, 2008, p. 132
[25] Alexander bahar, Dieses Feuer ist erst der Anfang. Die Nazis und der Reichstagsbrand, in Bulletin - Berliner Gesellschaft für Faschismus-
und Weltkriegsforschung / herausgegeben von Berliner Gesellschaft für Faschismus- und Weltkriegsforschung,Berlin, Edition Organon, 2005,
Heft 25/26, pp. 87-120
20. Loi des pleins pouvoirs 18
Loi des pleins pouvoirs
La loi du 24 mars 1933 visant au soulagement de la détresse du
peuple et de l’État (Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich
vom 24. März 1933), dite loi d’habilitation (Ermächtigungsgesetz) ou
loi des pleins pouvoirs, est une loi allemande adoptée le 24 mars 1933
et qui donna à Adolf Hitler le droit légal de gouverner par décret,
c'est-à-dire de promulguer des lois sans en référer au Reichstag.
La loi des pleins pouvoirs fut déposée le 23 mars au Reichstag, dont les
sessions se tenaient alors à l'opéra Kroll suite à l'incendie du bâtiment
du Reichstag à l'instigation de Adolf Hitler. La coalition
gouvernementale (NSDAP (288 sièges) et DNVP) (52 sièges) disposait
d'une très large majorité avec 53 % des sièges (340), mais il lui fallait
une majorité des deux tiers (66% soit 430 voix) pour modifier ainsi la
Constitution. Il manquait donc 13%, soit 90 voix. Le quorum fut atteint
grâce aux votes du Zentrum (72 voix), du BVP (19 voix) et des petits
partis (14 voix pour six partis) lors d'une session, en présence de SA,
de SS et de Stahlhelm en armes, gardant toutes les issues et entourant
le bâtiment. Seuls les 94 députés sociaux-démocrates votèrent contre.
Les 81 députés du KPD ainsi que 26 des 120 députés SPD n'étaient pas Première page de la Gesetz zur Behebung der Not
von Volk und Reich
présents lors du vote car avaient été contraints d'entrer dans la
clandestinité ou étaient internés.
La loi était promulguée pour une durée de quatre ans renouvelables.
Faisant suite à la Reichstagsbrandverordnung, cette loi, en supprimant
la séparation des pouvoirs, fut la deuxième étape de la Gleichschaltung
ayant conduit à l'instauration d'un système totalitaire.
Texte
Comme la plupart des lois promulguées pendant la Gleichschaltung, la
loi des pleins pouvoirs est courte, surtout en regard de ses
conséquences :
Dernière page, portant les signatures de
Hindenburg, Hitler, Frick, von Neurath et von
Krosigk.
21. Loi des pleins pouvoirs 19
Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich Loi pour remédier aux besoins du Peuple et du Reich
Der Reichstag hat das folgende Gesetz beschlossen, das mit Zustimmung des Le Reichstag promulgue la présente loi, avec l'assentiment du
Reichsrats hiermit verkündet wird, nachdem festgestellt ist, daß die Reichsrat et en conformité avec les critères d'amendement
Erfordernisse verfassungsändernder Gesetzgebung erfüllt sind: constitutionnel, publiée ci-après :
Artikel 1 Article 1
Reichsgesetze können außer in dem in der Reichsverfassung vorgesehenen En plus des procédures prescrites par la Constitution [c'est-à-dire
Verfahren auch durch die Reichsregierung beschlossen werden. Dies gilt auch par décision du Reichstag], les lois du Reich peuvent être
für die in den Artikeln 85 Abs. 2 und 87 der Reichsverfassung bezeichneten promulguées par le gouvernement du Reich. Ceci inclut les lois
Gesetze. décrites dans l'article 85 alinéa 2 et l'article 87 de la Constitution1.
Artikel 2 Article 2
Die von der Reichsregierung beschlossenen Reichsgesetze können von der Les lois promulguées par le gouvernement peuvent enfreindre la
Reichsverfassung abweichen, soweit sie nicht die Einrichtung des Reichstags Constitution pour autant qu'elles n'affectent pas les institutions du
und des Reichsrats als solche zum Gegenstand haben. Die Rechte des Reichstag et du Reichsrat. Les droits du Président restent
Reichspräsidenten bleiben unberührt. inchangés.
Artikel 3 Article 3
Die von der Reichsregierung beschlossenen Reichsgesetze werden vom Les lois promulguées par le gouvernement du Reich seront écrites
Reichskanzler ausgefertigt und im Reichsgesetzblatt verkündet. Sie treten, par le Chancelier et publiées dans le Journal officiel du Reich. Elles
soweit sie nichts anderes bestimmen, mit dem auf die Verkündung folgenden prendront effet le lendemain de leur publication, sauf si une autre
Tage in Kraft. Die Artikel 68 bis 77 der Reichsverfassung finden auf die von date est spécifiée. Les articles 68 et 77 de la Constitution ne
der Reichsregierung beschlossenen Gesetze keine Anwendung. s'appliquent pas aux lois promulguées par le gouvernement du
Reich2.
Artikel 4 Article 4
Verträge des Reiches mit fremden Staaten, die sich auf Gegenstände der Les traités internationaux qui affectent la législation du Reich ne
Reichsgesetzgebung beziehen, bedürfen für die Dauer der Geltung dieser requéreront pas l'assentiment des corps législatifs concernés. Le
Gesetze nicht der Zustimmung der an der Gesetzgebung beteiligten gouvernement publiera les règlements nécessaires à l'application de
Körperschaften. Die Reichsregierung erläßt die zur Durchführung dieser tels traités.
Verträge erforderlichen Vorschriften.
Artikel 5 Article 5
Dieses Gesetz tritt mit dem Tage seiner Verkündung in Kraft. Es tritt mit dem La présente loi prend effet le jour de sa proclamation. Elle cessera
1. April 1937 außer Kraft, es tritt ferner außer Kraft, wenn die gegenwärtige de s'appliquer le 1er avril 1937, ou lorsque le présent gouvernement
Reichsregierung durch eine andere abgelöst wird. sera remplacé.
Notes
1
L'article 85 détaille la façon dont le Reichstag et le Reichsrat approuvent le budget du Reich. L'article 87
restreint les possibilités d'emprunt par l'État.
2
Les articles 68 à 77 détaillent le processus législatif du Reichstag.
La Loi des pleins pouvoirs fut votée au Reichstag le 23 mars et proclamée par le gouvernement le lendemain. En
accord avec les procédures constitutionnelles de législation, la loi fut contre-signée par le président Hindenburg, le
chancelier Hitler, le ministre de l'Intérieur Frick, le ministre des Affaires étrangères von Neurath et le ministre des
Finances von Krosigk.
22. Loi des pleins pouvoirs 20
Vote
La loi des pleins pouvoirs avait pour but de permettre aux nazis de
gouverner de façon absolue sans avoir la majorité du Reichstag et sans
devoir négocier d'alliance avec des partenaires. En tant que loi qui
modifiait les dispositions legislatives décrites dans la Constitution –
sans toutefois être un amendement constitutionnel –, elle avait besoin
d'une majorité des deux tiers pour être votée. Le Parti social-démocrate
(SPD) et le Parti communiste (KPD) auraient voté contre quoi qu'il
advienne, mais les partis de la classe moyenne, les Junkers,
l'aristocratie terrienne et les industriels, eux, étaient fatigués de Le discours d'Adolf Hitler au Reichstag le
l'instabilité continuelle de la république de Weimar. Hitler pensait que 23 mars 1933 qui annonce la loi des pleins
ces partis voteraient des mesures extraordinaires qui mettraient fin au pouvoirs
parlementarisme, ou qu'au mieux, ils n'opposeraient qu'une résistance
de principe.
Peu après avoir été nommé chancelier du Reich, le 30 janvier 1933, Hitler se retira de la coalition construite avec les
partis centristes et demanda au président Hindenburg des élections pour le 5 mars. La campagne électorale qui suivit
fut l'un des premiers exemples d'utilisation massive et moderne des médias pour des élections. Le ministre du Reich
à la Propagande, Joseph Goebbels, écrivit[1] :
« À partir de maintenant, il nous sera facile de nous battre, car nous pouvons compter sur toutes les ressources
de l'État. La radio et la presse sont à notre disposition. Nous allons mettre en place un chef-d'œuvre de
propagande. »
Dans les jours précédant les élections, les nazis organisèrent la violence dans la rue pour intimider l'opposition et
susciter la peur du communisme. L'incendie du Reichstag, six jours avant, devint l'élément pivot de la campagne
électorale. Un forcené hollandais, ancien membre de l'ultra-gauche néerlandaise, avait été arrêté dans le bâtiment et
servit de prétexte à présenter l'incendie comme un complot communiste. Se servant de la « menace communiste »,
Hitler persuada le président Hindenburg de promulguer les pouvoirs d'urgence par la Reichstagsbrandverordnung,
qui supprimait les libertés fondamentales et l'habeas corpus. Grâce à ce décret, les membres du KPD furent
pourchassés, ce qui éliminait l'une des principales oppositions au Reichstag.
En dépit de 5 millions de voix supplémentaires (le NSDAP obtient 43,9 % des voix) et même en ajoutant les 52
sièges du parti nationaliste DNVP à leur coalition, les nazis n'avaient qu'une faible majorité le 5 mars, insuffisante
pour faire avaliser par les députés la loi des pleins pouvoirs dont l'adoption nécessitait une majorité des deux tiers.
Lors de la première réunion gouvernementale d'après les élections, le 15 mars, le premier point à l'ordre du jour était
le plan pour obtenir les pleins pouvoirs de façon constitutionnelle. Hitler se décida pour une « loi des pleins
pouvoirs » qui donnerait au gouvernement les pouvoirs législatifs pour quatre ans. La Reichstagsbrandverordnung
avait déjà permis l'arrestation de députés de l'opposition, et Hitler avait confiance en sa capacité à convaincre le parti
catholique du Zentrum de prêter ses voix et de parvenir ainsi à la majorité des deux tiers[1] .
Hitler négocia avec le président du parti centriste, le prêtre catholique Ludwig Kaas, parvenant à un accord le 22
mars. Kaas accepta de soutenir la loi monnayant la reconnaissance des droits civiques des catholiques et
l'instauration de quotas de fonctionnaires et d'écoles catholiques, ainsi que leur protection. Il demandait aussi le
maintien des libertés fondamentales. Les débats au sein même du parti centriste se poursuivirent jusqu'au 23 mars,
l'ex-chancelier Heinrich Brüning dénonçant la loi des pleins pouvoirs comme une loi inique, de la pire espèce, et
demandant au Reichstag de remettre les délibérations jusqu'à ce que les esprits s'apaisent. Kaas persista à dire que
des garanties écrites seraient fournies par Hitler. Fort de son expérience de Hitler, Brüning prévint Kaas de bien
recevoir ses garanties écrites avant le vote, mais finalement accepta de maintenir la discipline de vote et approuva la
loi.
23. Loi des pleins pouvoirs 21
Plus tard dans la journée, le Reichstag ouvrit sa session. Le discours de Hitler, qui dura près de deux heures et demie
et insistait sur l'héritage chrétien de la culture allemande, était calibré pour apaiser les sensibilités du Zentrum, et
contenait presque mot pour mot les garanties que Kaas avait demandées. Kaas parla, affirmant le soutien du Zentrum
alors que « la Patrie [était] dans le plus grand danger », et Brüning resta remarquablement silencieux. Seul Otto Wels,
du SPD, s'opposa à la loi. Le vote commença sans que Kaas, convaincu par les paroles de Hitler, ait jamais reçu ses
assurances écrites.
La majorité qualifiée des deux tiers requise (361 voix suite à l'absence des 81 députés communistes et de 26 députés
socialistes internés, en exil ou pourchassés) fut acquise selon le décompte suivant :
• 288 députés NSDAP ;
• 52 députés DNVP ;
• 74 députés Zentrum ;
• 18 députés BVP ;
• 12 députés non inscrits.
Soit un total de 444 voix (83 %), bien au-delà de la majorité requise. Les votes opposés provenaient des 94 députés
du SPD présents, qui votèrent non à l'appel de leur chef de groupe, Otto Wels.
Le Reichstag était de facto éliminé de la scène politique allemande.
Conséquences
Si des lois d'exception avaient été votées dans les premiers jours de la république de Weimar, la loi des pleins
pouvoirs allait bien au-delà, son article 2 autorisant les infractions à la Constitution. Cette disposition rendait
nécessaire une majorité des deux tiers, mais les dispositions de la Reichstagsbrandverordnung avaient permis
l'arrestation des députés communistes et de 26 des SPD. Les mandats communistes furent déclarés « en sommeil »
par le gouvernement peu près les élections. Le SPD avait d'abord eu l'intention de saborder la loi en boycottant le
scrutin, où la présence des deux tiers du corps législatif était exigée, mais sous la conduite du président du Reichstag,
Hermann Göring, les règles avaient été modifiées de sorte que le président pouvait déclarer présent tout député
« absent sans excuse », rendant impossible cette tactique d'obstruction. Ainsi, les SPD durent-ils se rendre à la
séance, où leur porte-parole, Otto Wels, fit un discours vigoureux contre la loi. Les quelques députés restés
indépendants furent toutefois intimidés par les SA qui encerclaient la chambre, laissant le SPD seul à s'opposer à la
loi[2] .
Pendant les négociations entre le gouvernement et le Zentrum, on tomba d'accord pour que le gouvernement informe
les partis du Reichstag des mesures législatives passées sous l'égide de la loi des pleins pouvoirs. À cet effet, on
instaura un deuxième comité, présidé par Hitler et Kaas, mais qui ne se réunit que trois fois.
Le président Hindenburg était satisfait de la fermeté de Hitler. À la première réunion gouvernementale sur la loi des
pleins pouvoirs, le représentant de Hindenburg déclara que le président se retirerait des affaires quotidiennes du
gouvernement et que la collaboration présidentielle sur les lois décrétées selon les pleins pouvoirs ne serait pas
nécessaire.
Si la loi conférait des pouvoirs législatifs au gouvernement dans son ensemble, ces pouvoirs furent exercés par Hitler
personnellement. Comme Goebbels l'écrivit peu après le vote, « l'autorité du Führer est maintenant pleinement
établie. On ne vote plus. Le Führer décide. Et tout cela est allé bien plus vite que ce que nous n'osions l'espérer. »
Les réunions gouvernementales se raréfièrent sous le Troisième Reich, et disparurent complètement pendant toute la
Seconde Guerre mondiale.
Le soin que Hitler apportait à maintenir les apparences de la légalité transparaît particulièrement dans le fait que la
loi des pleins pouvoirs fut effectivement prolongée deux fois par le Reichstag, alors devenue simple chambre
d'enregistrement.
24. Loi des pleins pouvoirs 22
Après la promulgation de la loi des pleins pouvoirs, le Reichstag n'était plus guère qu'une tribune pour les discours
de Hitler. Les partis d'opposition furent supprimés ou interdits, et finalement même les partis de la coalition de Hitler
se dissolvèrent eux-mêmes sous la pression. Dès le 14 juillet 1933, le gouvernement décréta une loi interdisant tout
parti politique autre que le parti nazi. C'était l'accomplissement de la promesse de Hitler : « Je me donne un but […]
éliminer ces trente partis d'Allemagne ! »
Voir aussi
• Chronologie du IIIe Reich
Références
[1] William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich, Simon & Schuster, New York, 1959 (ISBN 0-671-62420-2)
[2] Deutsche Parlamentsdebatten - Band 2 : 1919-1933 - Vorwort von Golo Mann - Fischer Bücherei, Bücher des Wissens, N° 6065,
Frankfurt-am-Main, 1971 - (ISBN 3-436-01325-0) (298 pages) : p. 224 : « Die Sitzung, zu der sich die Abgeordneten am 23. März in der
Kroll-Oper versammelten, war überschattet von einer Atmosphäre der Einschüchterung und latenten Gewalt. SA- und SS-Leute hielten sich in
großer Zahl auf dem Vorplatz und im Sitzungssaal auf, wobei sich SA und SS besonders demonstrativ und drohend neben den Sitzen der
sozialdemokratischen Abgeordneten aufgebaut hatten. »
Autodafé
Un autodafé (du portugais auto da fé, qui est auto de fé aujourd'hui,
venu du latin actus fidei — acte de foi) consistait, à l'origine, à brûler
des livres considérés comme païens, blasphématoires ou immoraux
(mesure qu'aurait pratiquée Paul de Tarse). Puis, au Moyen Âge, il
devint la proclamation solennelle d'un jugement prononcé par
l'Inquisition et dont l'exécution conduisait le coupable à sa destruction,
mort ou vif, par le feu.
Savonarole
Le dominicain Jérôme Savonarole a organisé un autodafé appelé bûcher
des Vanités, en 1497 à Florence, où les habitants durent apporter bijoux,
cosmétiques, miroirs, livres immoraux, robes trop décolletées ou
richement décorées, images licencieuses, etc.
Péninsule ibérique et Inquisition
Autodafé de livres.
Tableau du XVe siècle.
25. Autodafé 23
Fin de la Reconquista
Peu de temps après l'année cruciale et la chute du royaume nasride de Grenade, l'évêque de la nouvelle cité devenue
très catholique précipite au feu les livres écrits en langue arabe. Ces traces de l'histoire du pays de 711 à 1492
disparaissent irrémédiablement.
Faux-semblants
Il importe de lever un malentendu trop souvent répandu. En aucun cas l'Inquisition et les autodafés ne concernèrent
les Juifs en tant que tels. L'objet des tribunaux inquisitoriaux était très précis: il s'agissait de rechercher parmi les
Juifs convertis au catholicisme (appelés "conversos", ou encore "nouveaux-chrétiens"), ceux qui ne s'étaient
convertis que par intérêt (car le statut de chrétien donnait de grands avantages) tout en continuant en fait à pratiquer
le judaïsme en secret. Car ces conversions de façade avaient tendance à se répandre, déclenchant l'animosité
populaire (troubles de Tolède et Cordoue en 1449, de Ségovie en 1474), mais également les protestations des Juifs
sincèrement convertis au christianisme, qui voient l'attitude de ceux qui sont faussement convertis (les conversos)
jeter le discrédit sur l'ensemble des "nouveaux-chrétiens". C'est pour cette raison que l'on trouvera de nombreux Juifs
convertis parmi les promoteurs de l'Inquisition. Il est important de savoir aussi que les tribunaux inquisitoriaux
instituèrent ce que nous nommons actuellement les " jurys " qui étaient inconnus jusqu'alors et qui ne seront repris
que bien plus tard dans les institutions judiciaires. Ces jurys étaient constitués de notables locaux-qui connaissaient
donc bien l'accusé- voire de juristes qui pouvaient poser des questions au "présumé coupable ", questions " à charge "
ou " à décharge ". Ils pouvaient aller jusqu'à 51 personnes.Sachons encore que les faux témoins, s'ils étaient
découverts, s'exposaient à de très lourdes sanctions, en principe les mêmes que celles qui auraient été infligées à
l'accusé. ( Cf les "Constitutiones" du Grand Inquisiteur le cardinal Torquemada et ses instructions aux responsables
inquisiteurs; consulter aussi les comptes-rendus d'audiences de l'inquisition française durant l'affaire des Albigeois)
(Sources:Archives espagnoles déposées à Séville, actes des procès inquisitoriaux en France au XIIIè siècle ).
Condamnations au bûcher
Ainsi en 1499, l'inquisiteur Diego Rodrigues
Lucero condamna à être brûlés vifs 107 juifs
« convertis », convaincus d'être en réalité
restés fidèles à leur ancienne religion. Ce fut
un des plus meurtriers autodafés du pays.
Au Portugal, il n'y eut pas d'autodafé avant
1540 (quatre ans après la création de
l'Inquisition portugaise) mais durant les 40
ans qui suivirent, il y en eut environ 40,
avec, précisons-le, "seulement" 170
condamnations au bûcher parmi les 2500
Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Rizi (1683)
condamnations prononcées. Par la suite
(1580), Philippe II d'Espagne envahit le
Portugal : conformément à la précision apportée plus haut, le Roi garantit aux Juifs qu'ils pourraient continuer à
pratiquer leur religion. Mais ceux qui se convertissent doivent le faire sincèrement, sous peine de risquer d'encourir
les foudres de l'Église. Et de fait, en vingt ans, 3200 condamnations (dont, ici encore, "seulement" 160 au bûcher)
seront prononcées. Les autodafés continueront dans la Péninsule Ibérique pendant tout le Moyen Âge et jusqu'au
XVIIe siècle.
L'exécution des accusés ne faisait pas partie de l'auto da fé et avait lieu à une cérémonie ultérieure, normalement à
l'extérieur de la ville, où la pompe de la procession principale était absente. Les principaux éléments de la cérémonie
étaient la procession, la messe, le sermon à la messe et la réconciliation des pécheurs. Il serait faux de supposer,
26. Autodafé 24
comme il l'est souvent fait, que les exécutions étaient au centre de l'événement[1] , bien que certains auteurs, tels que
Voltaire dans son conte philosophique Candide, répandront l'idée contraire.
Civilisation maya
Le 12 juillet 1562 Diego de Landa ordonne un autodafé de l'ensemble des documents en écriture maya[2] . Seul trois
ou quatre codex mayas parviennent à réchapper du bûcher sacrificiel.
Nazisme
« Là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes.
»
— Heinrich Heine, Almansor[3] Par analogie des méthodes, ce terme
fut employé pour désigner la destruction par le feu que les nazis
appliquèrent aux ouvrages dissidents ou dont les auteurs étaient Juifs.
Le premier autodafé nazi eut lieu le 10 mai 1933 à Berlin (Bebelplatz),
et fut suivi par d'autres à Brême, à Dresde, à Francfort-sur-le-Main, à
Hanovre, à Munich et à Nuremberg. Furent ainsi condamnés au feu les
ouvrages, entre autres, de Bertolt Brecht, d'Alfred Döblin, de Lion
Feuchtwanger, de Sigmund Freud, d'Erich Kästner, d'Heinrich Mann, Berlin, 10 mai 1933.
de Karl Marx, de Friedrich Wilhelm Foerster, de Carl von Ossietzky,
d'Erich Maria Remarque, de Kurt Tucholsky, de Franz Werfel,
d'Arnold Zweig et de Stefan Zweig.
Chine
Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huang brûla les écrits
confucéens pour asseoir son pouvoir et l'idéologie du légisme.
Pendant la Révolution culturelle, dans les régions musulmanes de
l'ouest de la Chine, des Corans furent détruits dans de grands
[4] Le 11 mai 1933 à Berlin
autodafés . Des manuscrits bouddhistes furent également brûlés.
Histoire récente
• Plus récemment, en 1995, on a parlé d'autodafé quand le cardinal de Nairobi Maurice Otunga, a brûlé, en août,
des boîtes de préservatifs en compagnie de l'imam de Jamia. Le 31 août 1996, il réitère devant 250 fidèles : aux
boîtes de préservatifs viennent se joindre de petits livres sur le Sida et les moyens de s'en protéger[5] .
• 2007 : autodafé à la Mosquée rouge.
• 20 mai 2008 : Le quotidien Maariv rapporte avec photos à l’appui, comment l’adjoint au maire de Or Yehuda, une
ville israélienne de 32000 habitants située à 7 km de Tel Aviv, a organisé un autodafé public du Nouveau
Testament distribué quelques jours au précédent par un groupe évangélique faisant du porte à porte.
27. Autodafé 25
Voir aussi
• L'Autodafé, texte de Blaise Pascal.
• Autodafé, titre français d'un roman d'Elias Canetti paru en 1935.
• Fahrenheit 451, roman de Ray Bradbury, adapté au cinéma par François Truffaut.
• La scène de l'autodafé (chapitre sixième) dans Candide, de Voltaire.
Liens externes
• L'Inquisition espagnole [6], Lexique de l'Espagne moderne, M. Boeglin - V. Parello, U.O.H.
Références
[1] Henry Kamen, The Spanish Inquisition : An Historical Revision, 2000, Orion Publishing Group, p. 211.
[2] http:/ / www. lemonde. fr/ aujourd-hui/ article/ 2008/ 11/ 30/ l-ecriture-maya-livre-ses-secrets_1124947_3238. html L'écriture maya livre ses
secrets, Le Monde, 30 novembre 2008
[3] Almansor, vers 243, voir texte sur Wikisource : http:/ / de. wikisource. org/ wiki/ Almansor/
Das_Innere_eines_alten,_ver%C3%B6deten_Maurenschlosses
[4] Collectif, Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1998, p.614
[5] (en) Lynne Muthoni Wanyeki, Church Burns Condoms and AIDS Materials (http://www.aegis.org/news/ips/1996/IP960901.html),
Inter Press Service (IPS), 5 septembre 1996, reproduit sur le site de l'AIDS Education Global Information System (ÆGiS).
[6] http:/ / meticebeta. univ-montp3. fr/ lexique/ content/ view/ 579/ 31/
Nuit des Longs Couteaux
La nuit des Longs Couteaux[1] ,[2] (allemand :
Röhm-Putsch)[3] , est le nom donné à l'ensemble des
assassinats perpétrés par les nazis en Allemagne entre
les 29 juin et 2 juillet 1934, le terme se référant plus
spécifiquement à la nuit du 29 au 30 juin 1934.
Au moins 85 personnes furent tuées par des membres
de la Schutzstaffel (SS) et de la Gestapo, même si le
bilan final fut sans doute plus proche de la centaine de
victimes, dont la majorité appartenait à la
Sturmabteilung (SA)[4] ,[5] , avec un millier de
personnes arrêtées[4] .
Cette purge permit au chancelier Adolf Hitler de briser
définitivement toute velléité d'indépendance de la SA,
débarrassant ainsi le mouvement nazi de son « aile
gauche » qui souhaitait que la révolution politique soit
suivie par une révolution sociale. De ce fait, elle rassura Emblème de la Sturmabteilung (SA)
la Reichswehr, les milieux conservateurs traditionnels,
les grands financiers et industriels, principalement issus de la bourgeoisie prussienne et hostiles à des réformes
sociales de grande ampleur tout en créant un climat de terreur « légale » vis-à-vis de tous les opposants au régime.