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Romain Gallaud
  NOUVEAUTÉS


Raoul Follereau,
la contre enquête
 Dans l’opinion publique, la Fondation Raoul Fol-
 lereau est encore souvent auréolée de considéra-
 tion et même de prestige. Or, le livre de Romain
 Gallaud, Fondation Raoul Follereau, la contre-en-
 quête, sur la base d’une enquête très fouillée et
 de données circonstanciées, lance un message de
 prudence et de vigilance.

 Le monde des organismes caritatifs est devenu, par-
 fois pour le meilleur, mais souvent pour le pire, un
 monde de « charity business » dans lequel la géné-
 rosité publique est sollicitée selon des règles de mar-
 keting proches de celles usitées pour vendre des les-
 sives ou des parfums. Un tournant aussi inéluctable
 que décisif.

 C est dans ce contexte qu’il faut analyser la réécriture
 historique de la gure même de Raoul Follereau. Il est
 en e et clairement établi aujourd’hui que le véritable                     200 pages - 15 euros
 Raoul Follereau est très éloigné de l’image soigneuse-
 ment marketée que ses héritiers cherchent à lui attri-
 buer à coups de millions d’euros de frais de communi-
 cation, allant même jusqu’à initier des démarches en
 vue d obtenir sa canonisation par l’Église catholique :
                                                               Bon de commande
 car celui qui prétendait n’avoir vécu que pour la cause       Nom
 des lépreux fut en réalité, au moins de 1927 à 1945, le       Prénom
 dirigeant hyperactif d’une ligue d’extrême droite au
                                                               Adressse
 service des conceptions portées par, entre autres tris-
 tes gures de l’époque, Mussolini, Maurras, Coston ou
 le régime de Vichy.
                                                               Code postal
 Au-delà de ces impostures, le décryptage des comp-
                                                               Ville
 tes annuels et de l’organigramme juridique du grou-
 pe Follereau est très révélateur : entre opacité nan-         Pays
 cière suspecte et népotisme avéré, une famille, dont
 le père, André Récipon, revendique des convictions
 d extrême-droite dans le droit l de celles de Raoul            Je désire commander le livre
                                                               « Raoul Follereau, la contre enquête » pour un
 Follereau, a créé une situation de très grave scandale
                                                               montant de 15 euros + 3 euros de frais de port
 moral.
                                                               Veuillez retourner ce bon de commande
                                                               en joignant votre règlement à l’ordre de Golias
 Pour di érentes raisons, ceux qui devraient s’insurger        BP 3045 - 69605 Villeurbanne cx.
 se taisent. Mais les faits crient !                           Pour la Belgique virement à l’ordre
                                                               de Golias sarl, compte N° 435-3400801-61
Fondation
Raoul Follereau
La contre enquête
    Romain Gallaud
ISBN/EAN : 978-2-35472
          © Éditions Golias
BP 3045 - 69605 Villeurbanne Cedex
     Dépôt légal : janvier 2012

          www.golias.fr
       redaction@golias.fr
La contre - enquête




    « Cet amour même de sa patrie et de sa race, source puissante de
     multiples vertus et d'actes d'héroïsme lorsqu'il est réglé par la loi
chrétienne, n'en devient pas moins un germe d'injustice et d'iniquités
     nombreuses si, transgressant les règles de la justice et du droit, il
                         dégénère en amour immodéré de la nation. »


                     Pie XI, Lettre encyclique Ubi Acarno Di Consilio,
                                                  23 décembre 1922




                                                                     p. 3
La contre - enquête


                       Sommaire
Prolégomènes                                           Pages
Notre livre chez GOLIAS Éditions ?                         7
Note d’intention de l’auteur                               9
Bâtir sa maison sur le roc                                13

Les faces cachées de Raoul Follereau                     16
Quelques mots sur la biographie d’Étienne Thévenin        16
Contexte historique de Raoul Follereau                    18
Le maurrassien                                            22
La perte de l’innocence                                   36
Le réactionnaire national catholique                      43
Au service de l’Internationale fasciste                   58
L’antisémite                                              68
L’ami d’Henry Coston                                      78
Antisémite ? Synthèse et discussion                       87
Le marchand du temple                                     90
Le propagandiste au service du régime de Vichy           101
Adzopé, le prétexte caritatif au service d’un projet
politique                                                120
Adzopé et le maréchal Pétain                             130
Le faussaire de sa propre Histoire                       133
André Récipon, l’héritier de Raoul Follereau             148
Lettre ouverte à l’Église de France                      165
Réponse d'Etienne Thévenin                               172

Les faces cachées de la Fondation Raoul Follereau 175
Une fondation verrouillée de l’intérieur                 175
Les drôles de comptes de la FRF                          190
Des millions d’euros au cœur d’une nébuleuse             201

Dossier spécial Action française                         210




                                                           p. 5
La contre - enquête


                        Prolégomènes


   Notre livre chez GOLIAS Éditions ?


   Après plus de vingt mois d’enquête via des articles sur notre blog
ou sur divers sites internet, après la di usion gratuite de notre livre
PDF sur internet, nous avons décidé de franchir un nouveau cap en
optant pour une di usion papier, et donc payante, de cet ouvrage.
    Ce fut Christian Terras , des éditions Golias, qui nous le proposa
le premier.
   Pour nous qui sommes plutôt habitués à lire La Croix, France
Catholique, Famille Chrétienne, Il est vivant voire même parfois, par
souci d’éclectisme, Le Salon Beige … la surprise fut de taille.
   Fallait-il pour autant décliner la proposition ?
     Après avoir échangé avec Christian Terras, nous avons décidé de
privilégier ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous éloigne.
Nous avons surtout constaté qu'il n’attend de nous ni allégeance, ni
ralliement à la ligne éditoriale de Golias.
   Alors, puisque lui et nous partageons la même aspiration à la
vérité, dans le respect des particularités de chacun, nous sommes
heureux et ers de travailler ensemble pour le bien commun.




                                                                    p. 7
La contre - enquête


                      Note d'intention de l'auteur


   Les travaux de recherche que nous avons menés constituent une
contre-enquête dans le sens où notre objectif est d’aller à l’encontre
de ce que nous estimons être des actes délibérés de désinformation.
   Ainsi, ce n’est pas le fait que Raoul Follereau ait été mussolinien,
maurrassien, antisémite et pétainiste qui a provoqué ce livre
mais plutôt le fait que certains, Fondation Raoul Follereau en tête,
cherchent à faire passer Raoul Follereau pour ce qu’il ne fut pas.
    En e et, nous ferons ci-après la démonstration que Raoul Follereau
a pro té de sa notoriété pour asséner sa vérité au détriment de la
vérité, se rendant ainsi coupable, de son vivant, d’être le faussaire de
sa propre Histoire.
    En revanche, nous ne mettons pas en cause la bonne foi d’un Jean
Toulat, auteur de Raoul Follereau ou le baiser aux lépreux1 ou d’une
Françoise Brunnschweiler, auteur de Raoul Follereau – Messager
d’espoir et de vie2, par exemple. Nous pensons néanmoins qu’ils ont
été volontairement laissés, sinon induits en erreur, à propos du passé
e ectif de Raoul Follereau.3
    Par la suite, la Fondation Raoul Follereau s’est approprié et a
poursuivi cette stratégie a n de faire croire en un homme dont toute
la vie « fut un seul acte d’amour 4 ».
   Parmi la profusion de documents écrits, visuels ou sonores
qui relayent ces contre-vérités, les enfants sont particulièrement

1. Éd. Flammarion Salvator, 1978.
2. Édité par l’association suisse Raoul Follereau, 1978.
3. Étienne Thévenin écrit dans sa biographie de Raoul Follereau : « Au soir de sa vie, il
n’évoquait guère ces premiers engagements [de l’entre deux guerres], même en présence
de ses amis les plus proches. «Tout cela n’a pas d’importance, disait-il souvent à Françoise
Brunnschweiler qui rédigeait sa biographie. Et puis vous ne faites pas une thèse. Ce qui
compte ce sont les pauvres …» (Étienne Thévenin, Raoul Follereau, Hier et aujourd’hui,
Fayard, 1992, page 139)
4. La mention « Le Livre d’Amour de Raoul Follereau / 1920 – 1970 cinquante années d’une
vie qui fut un seul acte d’amour » ou des versions similaires gurent sur les multiples
rééditions du Livre d’Amour, ouvrage distribué massivement par la Fondation Raoul
Follereau.
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb37020965t/PUBLIC ou
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40245024v/PUBLIC

                                                                                      p. 9
Fondation Raoul Follereau
ciblés : qu'il s'agisse de bandes-dessinées, de petits jeux divers
(7 familles), ou de propagande écrite ( yers, prospectus) ou
orale (conférences, intervention dans les écoles notamment de
l'enseignement catholique sous couvert de catéchèse), tous les
moyens semblent bons pour faire croire en « l'homme qui a consacré
sa vie aux lépreux ».
  Par exemple, un dépliant destiné aux jeunes bénévoles
mentionne :
    « Raoul Follereau (1903-1977) est un humaniste engagé du XXe siècle
qui a consacré sa vie à lutter contre l'exclusion sous toutes ses formes. »
    Autre exemple, une bande dessinée, nancée et distribuée
gratuitement par la Fondation Raoul Follereau, met en images la
vie soi-disant complète de Raoul Follereau. Bien entendu, il est
inutile d'y chercher la moindre référence au passé fascisant de Raoul
Follereau ou à ses référents politiques que furent Mussolini, Maurras
ou Pétain.
    Même d'un point de vue institutionnel, la désinformation est
présente : l'article premier des statuts de la Fondation Raoul Follereau
mentionne : « La Fondation Raoul Follereau a pour objet de poursuivre
l'œuvre à laquelle Raoul Follereau a consacré toute sa vie «contre la lèpre
et toutes les lèpres. »
    Une nouvelle étape fut franchie lorsque, début 2009, une
association loi 1901 intitulée Mouvement pour la glori cation de Raoul
et Madeleine Follereau fut créée par la Fondation Raoul Follereau5.
Cette association, logée et subventionnée par la Fondation Raoul
Follereau au titre de ses « missions sociales6 », a pour objet de :
         - « promouvoir et donner en exemple la vie, l’œuvre et la pensée
         de Raoul et Madeleine Follereau »
         - dans l’objectif de « favoriser la mise en œuvre de ces actions
         dans les œuvres caritatives de bienfaisance et d’assistance dont

5. Cette nouvelle association loi 1901 vient rejoindre la nébuleuse de structures
juridiques, tantôt lucratives, tantôt non-lucratives, qui gravitent déjà, ou ont gravité,
avec plus ou moins d’opacité, autour de la famille Récipon : GIE Dantzig, GIE SCENE, GIE
LSR, SCI Dantzig Immobilier, SCI SALS Immo, SCI Beth-Mariam, association des Amis de
la Fondation Raoul Follereau, ACLE, AIDP, Fondation Raoul Follereau, Fondation pour
le Logement Social, Société d’Encouragement Au Bien, société anonyme Sacirs, Sarl
Follereau Logistique, etc. Cf. infra la section Des millions d’euros au cœur d’une
nébuleuse.
6. Cf. infra la section Les drôles de comptes de la Fondation Raoul Follereau.

p. 10
La contre - enquête
         ils ont suscité la création »
         - et, pour cela, entreprendre « les démarches nécessaires
         à l’ouverture d’une enquête en vue d’une procédure en
         canonisation de Raoul et Madeleine Follereau7 ».
     Déjà en 1997, le président d’honneur de la Fondation Raoul
Follereau, André Récipon, a rmait lors du XXe anniversaire de
la disparition de Raoul Follereau son désir de voir être préparée
« l’introduction de la cause de sa béati cation »8. Rappelons que les
« actes de béati cation et de canonisation ont pour but de proposer en
exemple au peuple chrétien le témoignage d’un des membres défunts
de l’Église et d’autoriser ou de prescrire un culte public en son honneur.
Ce culte public se traduit par l’attribution d’un jour de fête au calendrier
avec honneur plus ou moins solennel rendu au saint ou au bienheureux
pendant l’o ce et la messe du jour de sa fête. Il se traduit aussi par la
possibilité d’exposer des images et des reliques dans les églises9 ».
    Dans ces conditions, puisque la Fondation Raoul Follereau entend
ouvrir « une enquête en vue d’une procédure de canonisation de Raoul et
Madeleine Follereau », elle ne devrait pas nous tenir rigueur de notre
souhait de jouer, dans la mesure de nos humbles moyens, le rôle de
l’avocat du diable10.
    Aussi avons-nous décidé, à notre tour, de contribuer, à une
meilleure connaissance de certains aspects de « la vie, l’œuvre et la
pensée de Raoul Follereau » que ce satellite de la Fondation Raoul
Follereau entend « promouvoir et donner en exemple ».
   Initialement historique, notre démarche s’est éto ée par la suite,
car nous avons découvert d’importantes anomalies relatives au
fonctionnement actuel et/ou récent de la Fondation Raoul Follereau,
anomalies que nous révélons également dans ce livre.
7. Déclaration de création du Mouvement pour la glori cation de Raoul et Madeleine
Follereau du 3 juin 2009, parue le 27 juin 2009 au Journal O ciel des Associations.
http://www.journal-o ciel.gouv.fr/association/index.php?ACTION=Rechercher&HI_
PAGE=1&HI_COMPTEUR=0&original_method=get&WHAT=&JTH_ID=&JAN_BD_
CP=&JRE_ID=&JAN_LIEU_DECL=&JTY_ID=&JTY_WALDEC=W751200322&JTY_
SIREN=&JPA_D_D=&JPA_D_F=&rechercher.x=19&rechercher.
8. André Récipon, 6 décembre 1997, in Raoul Follereau (1903-1977) – Une voix qui
résonne encore, éditions Fondation Raoul Follereau, 1998, page 14.
9. http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/la-vie-spirituelle/saintete-et-
saints/beati cation-et-canonisation-.html.
10. En droit canon, l’avocat du diable était le surnom du clerc (nommé en réalité
promoteur de la foi) chargé de présenter les objections s’opposant à la canonisation
d’un catholique. Depuis 1983, ce rôle est désormais dévolu au Promoteur de Justice.

                                                                                 p. 11
Fondation Raoul Follereau
    Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, nous souhaitons
nous adresser tout particulièrement aux amis, sympathisants, salariés
et donateurs de la Fondation Raoul Follereau.




p. 12
La contre - enquête


                        Bâtir sa maison sur le roc

   Nous savons que Raoul Follereau, malgré tout ce que nous
pourrons écrire dans les prochaines pages, a sensibilisé des cœurs et
des esprits à certains drames de l’humanité.
    Nous savons qu’à l’appel de Raoul Follereau, des bonnes volontés
se sont levées par milliers à travers le monde avec l’objectif sincère
d’aimer leur prochain.
    Nous n’entendons pas contester les aspects positifs de l’œuvre
réalisée, jour après jour, par les bénévoles et les salariés de bonne foi
de la Fondation Raoul Follereau.
   Nous n’entendons pas critiquer ces hommes et ces femmes qui,
en France, en Afrique ou ailleurs, consacrent leur énergie à rendre
notre monde meilleur.
    À toutes celles et à tous ceux qui se dévouent, de bonne foi, à
la di usion d’une authentique fraternité humaine, nous exprimons
tout notre respect et notre entière considération.
   À toutes celles et à tous ceux qui s’attachent à répandre la charité
chrétienne partout où ils se trouvent, nous les assurons de notre
soutien et de nos prières.
   Pour autant, nous estimons qu’aucun mérite, aucune gloire, ne
permet de justi er ce que notre contre-enquête entend révéler.
    Une maison, pour durer, doit être bâtie sur le roc.
    Or, il apparaît que, selon nous, certains épisodes qui ont jalonnés
les cinquante années que Raoul Follereau prétend avoir dédiées
« au service des lépreux11 » présentent des facettes particulièrement
discutables.
    Tant que « la vie, l’œuvre et la pensée » de Raoul Follereau ne seront
pas, une bonne fois pour toutes, expurgées de ces scories, nul ne
pourra parler en son nom, de façon crédible, d’Amour et de Charité, a
fortiori s’il s’agit de le canoniser.

11. « Cinquante années au service des lépreux : cinquante souvenirs » est le titre du livre
testament écrit par Raoul Follereau à la n de sa vie et publié chez Flammarion après
sa mort en 1977.
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345995215/PUBLIC.

                                                                                    p. 13
Fondation Raoul Follereau
    Cela concerne en premier lieu les dirigeants de la Fondation Raoul
Follereau, qu’ils le soient devenus du fait de leurs mérites, de leurs
connivences idéologiques ou de leur seule naissance12.
    Nous savons que nos propos risquent de susciter des
chamboulements douloureux dans le cœur de ceux qui ont cru dans
le message de Charité proclamé par Raoul Follereau.
   Certains refuseront de regarder la vérité en face et rejetteront
nos arguments sans même les avoir lus. Ceux-là auront vite fait de
trouver un prétexte quelconque derrière lequel mettre à l’abri leurs
certitudes.
    À ceux là, nous dirons que « personne n’aime à être un messager de
malheur » et que c’est bien l’auteur du crime qui blesse l’âme et non
le messager qui en di use la nouvelle13.
   Certains, dans un sens diamétralement opposé, estimeront avoir
été trompés voire trahis. Ils en retireront un fort ressentiment qui
pourra aller jusqu’à tout rejeter d’un bloc.
    À ceux là, nous dirons qu’ils sont victimes avant d’être coupables
et que c’est la Charité qui doit faire taire le vice, et non l’inverse.
    En n, les derniers, que nous espérons être les plus nombreux,
regarderont avec lucidité les travers que nous dénonçons, mais
resteront acquis à l’idée que l’aventure suscitée par Raoul Follereau
peut demeurer globalement positive à condition, toutefois,
d’accomplir en conscience un travail d’analyse – une sorte de droit
d’inventaire – qui leur permettra de reconstruire cette grande
œuvre de Charité sur des fondations renouvelées, assainies et donc,
renforcées.
   Raoul Follereau a beaucoup parlé ; il a beaucoup agit ; il a beau-
coup écrit. Sa vie est le miroir des épreuves de son temps avec ses
aspérités et ses dilemmes cornéliens. Raoul Follereau n’en reste pas
moins un homme qui restera dans les mémoires. Certains de ses
actes, écrits ou idées sont remarquables. Le nier serait malhonnête.
Tout comme il serait malhonnête de nier le fait que certains de ses
actes, écrits ou idées sont abominables.
12. En 1992, André Récipon place son ls Michel à la tête de l’Association Française
Raoul-Follereau (future Fondation Raoul Follereau) car il considère que lui et ses
descendants ont reçu pour héritage de poursuivre l’œuvre de Raoul Follereau (cf. infra
la section Une fondation verrouillée de l’intérieur).
13. Cf. les échanges entre Créon et Le Gardien dans Antigone de Sophocle.

p. 14
La contre - enquête
    Notre vœu le plus cher serait que la Fondation Raoul Follereau se
dote d’hommes et de femmes capables de mettre un terme dé nitif
aux errements idéologiques du passé et d’embrasser leurs missions
caritatives dans la lumière, la vérité et la transparence. Ses dirigeants
actuels sont-ils de ceux-là ?
   Qui sait ?
   À Dieu, rien d’impossible.




                                                                   p. 15
Fondation Raoul Follereau


         Les faces cachées de Raoul Follereau


    Quelques mots sur la biographie d’Étienne
    Thévenin

   Nous ne pouvons pas entamer cette partie historique de notre
contre-enquête sans parler de la biographie écrite par Étienne
Thévenin, Raoul Follereau, Hier et aujourd’hui14.
    Elle a constitué la base de départ de nos travaux.
    Pour autant, notre opinion à son égard est très partagée.
   D’un côté, nous reconnaissons à Étienne Thévenin le mérite d’avoir
été le premier historien à tenter d’aborder la vie de Raoul Follereau
de façon scienti que. Nous devons dire et souligner qu’il l’a fait avec
des compétences qui sont incontestables.
    Il aborde donc un certain nombre d’éléments qui caractérisent
« la vie, l’œuvre et la pensée » de Raoul Follereau.
    Certes.
   D’un autre côté, son traitement des informations collectées
suscite d’importantes réserves de notre part. Certaines informations,
pourtant disponibles, semblent avoir été écartées.
    Nous regrettons notamment la multiplication de suppositions
particulièrement atteuses mais qui, hélas, ne sont assorties d’aucun
commencement de preuve et ne sont le fruit que d'une conviction
personnelle de l'auteur15. Peut-être qu’un jour, certaines de ces
intuitions seront validées, mais, en attendant, leur récurrence altère
en profondeur la qualité de son travail et jette un soupçon de
partialité voire de courtisanerie sur sa biographie.

14. Éditions Fayard, 1992.
15. Raoul Follereau agent secret, Raoul Follereau conseiller du prince, Raoul Follereau
résistant, Raoul Follereau détenteur de secrets d’État mais-qu’il-n’a-jamais-pu-dévoiler,
Raoul Follereau sauveur de juifs, Raoul Follereau inspirateur de tel ou tel grand nom
du XXe siècle, Raoul Follereau ceci, Raoul Follereau cela : Étienne Thévenin multiplie
les conditionnels atteurs, les « peut-être » élogieux, les « sans doute » et autres
« probablement » toujours favorables à son sujet …

p. 16
La contre - enquête
     Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à ressentir un malaise à la
lecture de son ouvrage : « Quel dommage qu’É.Thévenin se soit laissé
aussi complètement prendre aux pièges de l’hagiographie la plus naïve !
Il n’y a, dans son livre, d’autres visions que celle de Follereau lui-même.
(…) Il n’est de bien que français et catholique (…) on ne peut lire sans
un certain malaise le palmarès des vivants, qui retient certes des critères
humanitaires, mais aussi, de toute évidence, les critères idéologiques qui
sont ceux de Raoul Follereau16. »
    Nous regrettons également une pratique, excessive à nos yeux,
du name-dropping. Par« name-dropping », nous désignons la
démarche qui consiste à tenter de faire rejaillir sur Raoul Follereau
la notoriété de quelqu’un de favorablement reconnu (Abbé Pierre,
Mère Térésa, etc.) à l’aide de liens, comparaisons ou analogies à la
pertinence discutable.
    Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous référerons souvent
au contenu brut de cette biographie (dates, événements, extraits,
citations, etc) mais, en ce qui concerne l’analyse et l’interprétation,
nous tiendrons nos propres raisonnements.
    Nous signalons en n à nos lecteurs avoir échangé à plusieurs
reprises par mail avec Étienne Thévenin. Par courtoisie, nous lui avons
proposé de réagir à nos recherches historiques au sein même de ce
livre. Vous trouverez sa réponse à la n de la première partie.




16. Pierre Guillaume. Thévenin Étienne, Raoul Follereau, hier et aujourd’hui, Vingtième
Siècle. Revue d’histoire, 1993, vol. 37, n° 1, pp. 182-183.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1993_
num_37_1_2663_t1_0182_0000_2


                                                                                p. 17
Fondation Raoul Follereau


           Contexte historique de Raoul Follereau


   Nous l’avons déjà dit : notre contre enquête ne prétend pas être
une leçon d’Histoire. Elle ne prétend pas non plus traiter « la vie, la
pensée et l’œuvre » de Raoul Follereau de façon exhaustive.
    Nous entendons proposer des focus précis sur certains passages
de la vie de Raoul Follereau qui n’apparaissent pas – ou apparaissent
de façon tronquée ou déformée, selon nous – dans les autres versions
de son histoire proposée par d’autres, dont la Fondation Raoul
Follereau17.
   Néanmoins, pour aborder les aspects que nous entendons
révéler, nous devons replacer le parcours humain et politique de
Raoul Follereau dans le contexte de son époque.


                                           ***


   Raoul Follereau est né en 1903 dans une France secouée par
divers soubresauts.
    Au moins six traumatismes permettent de mieux comprendre les
événements de cette époque de façon générale, et les choix de Raoul
Follereau, en particulier.
    Tout d’abord, la forme républicaine du gouvernement était, en
France et au début du XXe siècle, une conception politique nouvelle
dans sa concrétisation : les Ie et IIe République ne fonctionnèrent
que peu de temps et, qui plus est, lors de périodes particulièrement
troublées (1792, 1848). En outre, cette forme de gouvernement était
quasiment unique en Europe. Même en France, l’Assemblée Nationale
de 1871 comptait une très confortable majorité de députés opposés
à la République : les deux tiers de la représentation nationale étaient
de sensibilité tantôt légitimiste, tantôt orléaniste, tantôt, dans une

17. Cf. les dossiers de presse di usés chaque année à l’occasion des journées mondiales
des lépreux, les documents papier di usés massivement, les vidéos o cielles
disponible sur Youtube, la mini-biographie « o cielle », les interviews, etc.
http://www.youtube.com/watch?v=sG8nOdE1W-U
http://www.scribd.com/doc/49951216/FRF-Follereau-Petite-Bio

p. 18
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                              Le maurrassien


    L’attachement de Raoul Follereau à la pensée de Charles Maurras
en particulier, et à celle développée dans le cadre du quotidien
L’Action française en général, ne fait aucun doute.
    Nous abordons dès maintenant cette dimension de « la vie, l’œuvre
et la pensée » de Raoul Follereau car nous estimons qu’elle constitue
une grille de lecture générale et indispensable, selon nous, pour
appréhender Raoul Follereau avec pertinence.
    « Raoul Follereau fait siennes la plupart des indignations nationalistes
et antirépublicaines de L’Action française. Il est profondément imprégné
de l’œuvre, de la méthode et des concepts de Maurras. Il lit L’Action
française dont il apprécie le ton polémique, les analyses politiques, et les
pages littéraires et artistiques, lesquelles sont rédigées avec le plus grand
soin. »
    « Maurras est indéniablement le « Maître à penser » du jeune Raoul
Follereau » 19
    Raoul Follereau « s’inscrit dans la mouvance de L’Action française. Il
fait siens la plupart de ses concepts20 ».
  Étienne Thévenin va même jusqu’à parler, concernant Charles
Maurras, d’un « père spirituel » pour Raoul Follereau21.
    Compte tenu de la proximité idéologique qui existe entre Raoul
Follereau et Charles Maurras, il nous semble essentiel de présenter ici
certaines caractéristiques du maurrassisme 22.


                                          ***


19. Étienne Thévenin, op. cit. page 30
20. Étienne Thévenin, op. cit. page 52
21. Étienne Thévenin, op. cit. page 223
22. Cf. Marie Lan Nguyen, Historique de L’Action française http://www.scribd.com/
doc/22779519/Historique-de-l-Action-francaise-Marie-Lan-Nguyen
Cf. également une analyse critique de l’œuvre de Charles Maurras par Alain de Benoist
http://www.alaindebenoist.com/pdf/entretien_charles_maurras.pdf



p. 22
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                           La perte de l’innocence


   En septembre 1920, Raoul Follereau quitte Nevers où il est né dix-
sept ans plus tôt. Il s’inscrit alors en facultés de droit et de philosophie
de Paris. À cette époque, L’Action française règne en maître sur le
quartier latin. Néanmoins, Raoul Follereau ne semble pas avoir été
immédiatement sous son emprise.
    En e et, nous disposons du texte d’une conférence que Raoul
Follereau anima à Paris, le 10 juin 1923 62 : elle s’intitule Dieu est
Amour 63. Nous y découvrons un Raoul Follereau encore intact, et
dont la candide innocence le rend presque touchant : sa description
des révolutionnaires de 1792 portant l’« Amour-Foi » et « l’écho de la
Parole de Dieu » aux quatre coins de l’Europe pour sauver le Monde
relève d’une lecture bien naïve de l’Histoire de France et, à ce titre,
aurait pu faire défaillir Maurras le contre-révolutionnaire s’il avait été
dans la salle :
    « Le Moyen-Âge, la noble Chevalerie, la Renaissance naissent, vivent,
meurent, laissant leur œuvre féconde. Puis le souvenir des siècles s’e ace.
L’orgueil renait qui paralyse les meilleurs élans. On croit trop à l’esprit, le
cœur ne bat plus guère. L’injustice remonte sur le trône et cyniquement
triomphe. Alors c’est Louis XIV et ses guerres folles, c’est Louis XV et sa
faiblesse. Les sceptiques, ces faux croyants, sont les maîtres de l’heure.
On ne croit plus. Sans l’amour, que va devenir la terre ? La vieille Europe
est toute branlante et menace ruine. On le sent ; la n est proche.
    Alors ?
    Alors, un peuple se lève ; un peuple, le plus beau, le plus grand: Nous !
Et nos pères se lancent à la conquête de l’amour perdu. À l’autel de la
Patrie, ils cueillent leur Idéal, et leur enthousiasme allume le monde. Et
que crient-ils ? « Fraternité ! » « Fraternité ! » crie la Révolution française,
62. Selon l’histoire o cielle de Raoul Follereau, celle di usée par la Fondation Raoul
Follereau, cette conférence aurait été tenue par Raoul Follereau, dès l’âge de 15 ans à
Nevers. Nous n’avons trouvé aucun document objectif de l’époque qui le prouve. Or,
compte tenu de la propension de Raoul Follereau et de ses héritiers à réécrire sa vie,
nous ne pouvons pas valider une telle allégation sans preuve irréfutable. En revanche,
nous avons bien trouvé une trace certi ant la date de 1923 : voir Le Pionnier, juin 1923
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56010245/f9
63. Raoul Follereau, Dieu est Amour, Œuvres Complètes de Raoul Follereau – Les
Conférences, éditions Fondation Raoul Follereau, 1992, page 7


p. 36
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La contre - enquête


              Le réactionnaire national-catholique


   Nous connaissons les idées politiques de Raoul Follereau grâce
aux nombreuses conférences qu’il anima dans le cadre de sa Ligue
d’Union latine.
    Deux d’entre elles ont été publiées par la Fondation Raoul
Follereau en 2002 :
     - « Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre » ?
     Cette conférence se tint à de très nombreuses reprises en France et
à l’étranger. Le texte dont nous disposons daterait du 6 mars 1930.
   - « Le sourire de la France »
   Cette conférence se tint pour la première fois le 2 octobre 1930.
Raoul Follereau souhaitait se rendre en Amérique du Sud ; il a organisé
cette conférence dans le but de collecter les fonds nécessaires au
 nancement de son voyage 89 (et oui … déjà !).
   Nous rajoutons à ces deux sources documentaires une troisième :
La trahison de l’intelligence. Il ne s’agit pas d’une conférence, mais
d’un livre, publié en 1936 90.
    Il est possible que le Raoul Follereau de 1936 soit plus radical
encore que le Raoul Follereau de 1930. Néanmoins, ces trois sources
restent très cohérentes les unes par rapport aux autres : si le propos
est plus acerbe en 1936, il est nettement présent dès 1930.
    Raoul Follereau diagnostique une crise d’idéal de la société
française :
89. C’est André Récipon en personne qui l’écrit : « Raoul Follereau eut l’idée de cette
conférence avant son départ a n de recueillir les premiers fonds pour payer son voyage et
pro ter du patronage pour se faire connaître et faire connaître la Jeune Académie, la Ligue
d’Union latine et ses idées. Il montre ainsi qu’il avait un sens profond de ce que l’on nomme
aujourd’hui la communication et qu’à l’époque on nommait faire sa réclame » André
Récipon, Œuvres complètes de Raoul Follereau – Les Conférences, éditions Fondation
Raoul Follereau, 1992, page 56
90. Raoul Follereau lui-même reconnut l’échec éditorial de ce livre : André Récipon
écrivit en 2002 « Lorsque ce livre paraît en 1936, il reçoit un accueil mitigé. Dix ans plus
tard, je le découvrirai dans la bibliothèque de mon beau-père, il me passionnera, et quand
je lui en parlerai, Raoul Follereau me répondra que j’avais été un de ses rares lecteurs. »
André Récipon, Les Livres A, op. cit. page 71


                                                                                      p. 43
Fondation Raoul Follereau
     « Un peuple (…) triste d’un ennui qui paraissait incurable. (…) la
jeunesse ne rit plus (…) la jeunesse est pensive, agitée, inquiète. (…) il
manque quelque chose à ces jeunes gens. (…) Ce quelque chose, c’est
l’Idéal 91. »
    Il analyse cette crise d’idéal comme la conséquence de la laïcisation
de la France et de la perte du sens de Dieu et de la Patrie :
    « L’homme n’aura pas, n’aura jamais de bonheur, s’il ne le cherche
au dessus de lui. (…) c’est d’en haut que vient la lumière et la paix et la
joie 92. »
   « Dieu est une nécessité philosophique qu’on ne saurait honnêtement
écarter 93.»
   « La Société, en se privant volontairement du secours de Dieu, est
incapable, sauf par la force, de maîtriser l’individu 94. »
    « La science et l’humanité sont devenues des dieux nouveaux (…)
des dieux civils (…) des dieux tristes, on a cru pouvoir faire un bonheur
laïque 95. »
    « Au nom delà science, du progrès, de l’humanité, on a arraché de
nos cœurs l’idée de Dieu ; on est en train de nous anesthésier l’amour de
la Patrie 96. »
    « L’ordre de Lénine, ce Moïse rouge, était clair (…) : détruire les deux
forces qui, dans chaque individu, o rent la plus grande résistance, (…) la
FOI et le PATRIOTISME 97. » 98
    « Le bolchevisme s’est attaché à ruiner dans l’esprit de chacun la
notion naturelle, sainte et sacrée du patriotisme. Ainsi sont nés ce
paci sme, ces objections de conscience, toutes ces idéologies pitoyables
et meurtrières qui trouvèrent trop fréquemment des oreilles et des cœurs
complaisants99. »


91. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 63
92. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 40
93. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, Œuvres complètes de Raoul Follereau –
Les Livres A, édition Fondation Raoul Follereau, 1992, page 106
94. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 101
95. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 39
96. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 38
97. En majuscules dans le texte
98. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151
99. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 152


p. 44
La contre - enquête
   Raoul Follereau déplore qu’une crise de conscience morale
découle naturellement de cette crise d’idéal :
    « Crise d’apathie morale, de jouissance matérielle », « l’envie de vivre
et de jouir immédiatement 100. »
   « On est arrivé à un égoïsme cruel, à un cynisme inconscient, à
des plaisirs sans joie. Nulle part on n’a trouvé le bonheur. Parce que le
bonheur est partir avec les grandes idées mortes101. »
   « Nous nous dressons contre toutes les anarchies mentales, contre
toutes les dissolutions de mœurs aussi, notre position sera violente
contre la pornographie102. »
    La pornographie 103 « est, avant tout sombre, bête et stupide, bête
et bestiale et malpropre au sens physique du mot. Elle nous fait horreur
et plus encore, elle nous dégoûte parce qu’elle est la plus avilissante
anarchie » 104.
    « Ceux qui, dans des buts de lucre, font un commerce éhonté de basse
pornographie, attant pour atteindre au gros tirages les appétits les plus
vifs, sèment ainsi dans les jeunes âmes les poisons abominables et font
en n à notre pays un tort immense et parfois irréparable. La position que
j’occupe parmi les jeunes poètes, mes collaborateurs et mes amis, m’a
permis de dénombrer les tragédies domestiques et les drames spirituels
causés par cette absinthe de voyou 105. »
    « Il paraît qu’on ne peut légalement rien contre ces commerçants qui
s’enrichissent aux dépens de la santé morale de la Patrie106. »
   « Notre œuvre de clarté (…) sera en même temps une œuvre
d’hygiène, de salubrité morale 107. »
100. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 63.
101. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 39.
102. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 72.
103. Dans la bouche de Raoul Follereau, le mot pornographie n’a pas le même sens
que de nos jours. À l’époque, Raoul Follereau désignait par ce terme les œuvres
artistiques ou littéraires contraire aux bonnes mœurs de l’époque. Par exemple, Raoul
Follereau avait été ulcéré par un livre de Victor Margueritte, La Garçonne, qui avait été
un important succès de librairie malgré des thématiques jugées licencieuses pour les
critères de l’époque.
104. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73.
105. Raoul Follereau, émission radiophonique du 20 novembre 1932, in Étienne
Thévenin, op. cit. page 57.
106. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 83.
107. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73.


                                                                                  p. 45
Fondation Raoul Follereau
   Ces crises d’idéal et, subséquemment, morales « entravent le
développement et l’essor de la pensée humaine » 108 :
    « Crise d’idéal, crise de conscience morale ont douloureusement
étreint les cerveaux 109. »
    Face à cette situation, Raoul Follereau préconise sa solution : la
latinité.
    « C’est (…) un remède philosophique qui est nécessaire (…). Nous
croyons trouver ce remède (…) dans un réveil de l’esprit latin 110. »
    « Il y a donc possibilité certaine, en face de l’anarchie qui monte et de
la dissolution des énergies et des mœurs, de recréer cet esprit latin111. »
    « Il est d’évidence que la latinité (…) est la suprême formule de
la civilisation ; que rien, sans elle ne fut constructif, qu’elle fut la mère
naturelle ou d’adoption des plus grands génies et que les plus grands
chefs d’œuvres naquirent à son ombre112. »
    « Qu’on le veuille ou non, aucune autre forme d’esprit, si séduisante
soit-elle d’abord, n’a tellement bâti pour l’avenir. La plupart des thèses
(et des exemples récents sont là qui nous éclairent) furent destructrices,
ce qui est facile, mais ne surent point refaire la maison du bonheur113. »
    « Nous voulons défendre cette culture et cette civilisation à laquelle
la France doit sa grandeur et sa magni cence, (…) le plus pur et le plus
beau ambeau qui ait jamais brillé sur le monde114. »
    Pour Raoul Follereau, le retour de cet esprit latin permettra de
rendre à la France sa suprématie vis-à-vis des autres nations.
    « La France (…) trouvera en cette action latine l’occasion d’être, une
fois de plus, à la tête des peuples115. »
   « Faire revivre l’esprit latin, (…) c’est redonner à la France un titre
nouveau à la royauté spirituelle du monde 116. »
    Pour Raoul Follereau, la latinité, c’est avant tout l’ordre, la clarté
et la discipline : « On peut, à notre sens, la dé nir [la latinité] d’un seul
108. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68
109. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 85
110. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68
111. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70
112. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68
113. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68
114. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 78
115. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 83
116. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 84

p. 46
La contre - enquête
mot : ordre. L’ordre est sa marque dominante, son caractère essentiel. Il
est la raison d’être de sa pérennité. (…) il est aussi ce qui manque le plus
au monde de l’après-guerre117. »
    « L’Ordre, c’est la clarté et la discipline 118. »
  Les produits de la latinité sont « hiérarchie, ordre, clarté et vertus
morales : désintéressement, dévouement119 ».
   Face à la latinité, il ne peut y avoir que l’anarchie. Entre les deux,
aucun compromis n’est possible :
    « Il faut le dire, le répéter et le redire encore : (…) tout, au monde de
la pensée, va à ces deux pôles d’attraction et se résorbe en n en ces deux
éléments naturels : l’ordre et l’anarchie120. »
    «Les bien-pensants sont devenus des rien-pensants. Au lieu d’être
charitables, ils sont devenus modérés, libéraux, comme si la vérité
supportait un marchandage, un compromis ou une atténuation. Sous
prétexte de concilier, ils ont déserté, ils ont renié121. »
    La conséquence de la tiédeur des modérés et des bien-pensants,
c’est l’anarchie et donc, le bolchevisme :
    « La plus récente création politique née de ces erreurs et de ces
malheurs, c’est le bolchevisme122 (…) » « Ce qu’il importe donc, c’est de
donner au monde un certain nombre de principes d’ordre, de clarté et
de justice qui puissent être communs (…). Sinon, on va à l’anarchie. Et
l’anarchie porte aujourd’hui un nom social : le bolchevisme 123. »
    « Les heures qui passent aggravent et précisent le tragique dilemme où
se débat le monde : Ordre ou anarchie, civilisation ou barbarie, chrétienté
ou bolchevisme. Il n’est plus possible de tergiverser, d’échafauder des
compromis médiocres et lâches, il faut choisir, il faut décider 124. »
   Raoul Follereau anticipe la future devise du régime de Vichy,
Travail – Famille – Patrie (Idéal, sous la plume de Follereau) :
117. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70 ; Raoul Follereau, La trahison
de l’intelligence, op. cit. page 146.
118. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 147.
119. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 123.
120. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 74 ; Raoul Follereau, La trahison
de l’intelligence, op. cit. page 151.
121. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 94.
122. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 94.
123. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 150.
124. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151.

                                                                                       p. 47
Fondation Raoul Follereau
    « Pro aris et focis : pour la famille, temple et gardienne des nations,
pour le travail et toutes ses saines joies (…), pour ce que donnent, plus
fort que tous les forts du monde, la Foi et l’Idéal, (…) nous vous appelons
au travail125. »
   Raoul Follereau dénonce les acquis de la Révolution Française
de 1789 qui, selon lui, mènent droit au désordre et, donc, au
communisme, cette « nouvelle géhenne 126 » :
    « On saisit immédiatement que notre position dé nitive, en ces
trois termes, ORDRE, CLARTE, DISCIPLINE 127, est essentiellement anti-
révolutionnaire128.»
    « Il faut battre en brèche les théories généreuses au premier abord
et cruelles quant au fond, qui forment la base même de rêves trop
faciles. Les hommes ne naissent pas égaux ; ils ne le deviennent, ni ne le
demeurent129. »
   « La Liberté a supprimé les libertés.
   L’Égalité a engendré la médiocrité.
   La Fraternité, depuis cent cinquante ans qu’on la proclame sur les
mairies de France, a vu passer quatre révolutions, une bonne douzaine
de guerre, d’innombrables émeutes et grèves de toutes sortes130. »
   « On ne peut que sourire en songeant que c’est au nom de la liberté
que fut élevée cette nouvelle géhenne [le communisme]. Et que la
fameuse Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a servi de
fondation à cette prison modèle131. »
    « Il faut le dire. Si le bolchevisme a pu parfois provoquer ses ravages,
c’est qu’il a trouvé devant lui des âmes en état de moindre résistance,
des âmes anémiées, énervées par un siècle de sot positivisme et de
matérialisme stérile et décevant. Le bolchevisme n’est que la hyène qui
achève l’agonisant pour se repaître du cadavre. Les assassins de l’homme
sont de plus ancienne lignée132 . »
125. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 75 ; Raoul Follereau, La trahison
de l’intelligence, op. cit. page 151.
126. Terme biblique désignant un lieu de tortures et d’abominations, l’Enfer.
127. En majuscules dans le texte original.
128. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 72.
129. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 71 ; Raoul Follereau, La trahison
de l’intelligence, op. cit. page 147.
130. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 92.
131. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 96.
132. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 103.



p. 48
La contre - enquête
    « (…) jamais peut-être, de plus grands dangers n’ont menacé
l’âme profonde des peuples. Trompés, endormis (…), les esprits ont
insensiblement dévié de la route logique et naturelle de l’Ordre. (…) Des
germes sournois, au masque de généreuses idéologies, s’y sont in ltrés
et fermentent gravement. Faire revivre l’esprit latin, c’est dissiper ces
miasmes et ces malaises. (…) 133 »
    Raoul Follereau s’oppose à la démocratie ; il considère qu’une
nation doit être menée par une élite et que les poètes appartiennent
à cette élite :
    « La nécessité d’une élite est pour une nation une question capitale.
Le pays doit penser par elle, et vouloir par elle. (…) Le cerveau d’un peuple
est nécessaire, mais il ne doit pas tenir le corps tout entier. Une planète de
penseurs mourrait de faim 134. »
    « Le poète a à remplir un rôle éminent et grave, il est, en quelque
sorte, et plus que tous les hommes d’action, un conducteur, un chef, un
guide d’âme135. »
    « L’individualisme sentimental d’un Jean-Jacques Rousseau n’est pas
seulement une lourde utopie, mais un danger public136. »
    Raoul Follereau croit en la « France réelle » de Charles Maurras ;
il dénonce les ennemis de l’intérieur, ces agents de l’Anti-France
que sont les étrangers, les juifs, les protestants, les communistes, les
francs-maçons, etc. :
    « J’ai cité Freud, j’eus pu en citer d’autres. Je n’ai rien contre cet
étranger, sinon qu’il est étranger, et dangereux comme tel 137. »
     « Les caractéristiques du Barbare ainsi dé nies sont celles de la
philosophie germanique toute entière. Le Germanisme (…) est né d’une
révolte. Il est né de l’insurrection d’un individu contre le pouvoir établi ;
son père est Luther et son premier acte fut la destruction de la Bulle du
pape romain. (…) L’esprit germain, né d’une révolte, ne peut vivre que de
la révolte et de la violence138. »
133. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 84.
134. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 71 ; Raoul Follereau, La trahison
de l’intelligence, op. cit. page 106.
135. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 37.
136. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 123.
137. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70.
138. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 116.

                                                                                       p. 49
Fondation Raoul Follereau
    « (…) admettre Luther, c’est attendre Lénine139. »
    « Lénine, ce Moïse140 rouge141. »
   Raoul Follereau conçoit l’Art comme un outil de propagande au
service d’une idéologie politique :
   « On sait le pouvoir inouï de di usion de ce nouveau mode d’art [le
cinéma], et combien il saura être utile à une juste cause142. »
   « Cette œuvre d’union latine et de propagande française, nous la
poursuivrons, nous la poursuivrons par tous les moyens143. »
    « Nous croyons aussi que c’est par l’Art qu’on donnera le premier sens
esthétique et moral à la foule144. »
     « Il nous [aux poètes] appartient de redonner au monde ce goût de
l’idéal 145. »
  Pour Raoul Follereau, seules comptent « non pas les pas redoublés
médiocres ou les valses faciles d’un répertoire sans art comme sans âme,
mais les œuvres ayant une portée artistique et un sens moral (…)146 »
   L’Art, dans une acceptation conservatrice et réactionnaire, est le
moyen de régénérer le public : en matière artistique, « notre intention
première est de ne point rompre avec la tradition. Nous ne sommes pas
révolutionnaires et nous n’aimons pas ce mot147. »
   Raoul Follereau s’insurge contre les « excès cubistes, dadaïstes ou
autres qui seront la risée de nos petits-enfants. « Originaux, personnels,
audacieux », dit-on autour de nous. « Ignorants, ignorants, ignorants »
répond déjà l’écho. Ces gens-là peignent sans savoir, sculptent sans
savoir, écrivent sans savoir, composent sans savoir. Leur prétendue
audace masque leur impuissance. (…) Que (les) parodies ridicules (de ces
139. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 74.
140. Nous reviendrons ultérieurement dans ce livre sur l’antisémitisme de Raoul
Follereau : cf. infra la section L’antisémite.
141. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 152.
142. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 77 ; Raoul Follereau, Faudra-t-il
arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 45.
143. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 49.
144. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73.
145. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 43.
146. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73.
147. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 72 ; Raoul Follereau, Faudra-t-il
arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 34.



p. 50
La contre - enquête
cerveaux malades ou facétieux) aient pu – un instant – soutenir l’attention
des hommes, causera un fou rire inextinguible à la postérité »148.
   « Le snobisme qui a poussé, ces dernières années surtout, tant de
natures généreusement douées à produire des œuvres absconses pour le
sadique plaisir de faire du neuf à tout prix et pour épater le populo est un
des produits les plus répugnants de la bêtise humaine149. »
   « Plus de charabia, plus de jargon dit artistique. Plus de théorèmes
absurdes de pensées, tels sous le signe de Freud ou de quelque autre
esprit, brillant sans doute, mais très nuisible, et qui donnent lieu à des
digressions de trois heures d’épouvantable ennui, qu’on appelle le
théâtre moderne150. »
    Raoul Follereau condamne avec véhémence ce qu’il considère
être les excès du romantisme :
    « Nous n’avaliserons pas ce mouvement dans son entier [le
romantisme], à cause de ses excès, justement, parce que parfois le règne
du cœur a tourné au règne du vermouth cassis, parce que nous n’avons
pas d’estime spéciale ni d’admiration spontanée pour les lles publiques,
et que nous voulons toujours raison garder (…). De même que nous
ne voyons pas l’utilité première d’élever des statues aux alcooliques ou
aux noceurs, nous ne tirons aucune gloire d’être poitrinaire, et fuirons,
comme il convient, cette horrible dignité151. »
   Ouvrons au passage une courte parenthèse pour noter que ces
derniers extraits n’empêchent pas Étienne Thévenin d’écrire :
    « Tout au long de sa vie d’écrivain et de conférencier, Raoul Follereau
se refusera à condamner les individus, ce sont les comportements
démoniaques qu’il dénoncera » ou « À aucun moment, il [Raoul
Follereau] ne recourt à l’insulte »152.
   Relevons, au passage, la quali cation de « démoniaque » donnée
par Étienne Thévenin. Pour un catholique, cet adjectif n’est pas
qu’un e et de style : il désigne l’œuvre du Mal, de Lucifer et de
Satan. Le point mérite un court développement car cet adjectif de
148. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 67.
149. Raoul Follereau, émission de radio du 20 novembre 1932, in Étienne Thévenin,
op. cit. page 56.
150. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70.
151. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 35.
152. Étienne Thévenin, op. cit. page 130.



                                                                             p. 51
Fondation Raoul Follereau
« démoniaque » est riche de sens et illustre bien les convictions de
certains nationaux-catholiques traditionnalistes voire intégristes :
comme ces gens sont intimement convaincus que la France, lle aînée
de l'Église, est la volonté du Dieu Tout Puissant, toute force contraire
ne peut être, inéluctablement, que démoniaque, puisqu'opposée
au projet de Dieu pour la France. De ce fait, tout comme Pie XI fut
voué aux gémonies après qu'il eut condamné l'Action française en
1926, tout ce qui est l'Anti-France ne peut être qu'Anti-Dieu et donc,
démoniaque. Chacun appréciera.
   Au travers de ces quelques extraits, il est possible de constater les
points de convergence idéologique entre Raoul Follereau et Charles
Maurras.
    Nous y retrouvons la même horreur des principes des Lumières
portés, entre autre, par la Révolution française et la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, la même fascination pour
la civilisation gréco-romaine porteuse d’un fantasmatique « esprit
latin », la même paranoïa haineuse des « agents de l’Anti-France »
soupçonnés de comploter contre la vraie France, le même rejet des
idées libérales et/ou modernes, la même obsession pour l’ordre, la
hiérarchie ou la discipline, toutes trois érigées en vertus cardinales
héritées de la latinité dont la France serait l'auguste héritière, etc.
    Raoul Follereau ressemble également à Charles Maurras par
le manichéisme et la radicalité de ses convictions politiques. Tout
semble fonctionner chez lui par blocs de granit idéologiques qui ne
laissent aucun espace disponible pour une opinion consensuelle ou
pondérée : il multiplie les propos tranchés, absolus et dé nitifs et ne
semble pas imaginer que les idées qu’il combat puissent véhiculer le
moindre aspect positif 153.
   À l’inverse, les conceptions politiques que Raoul Follereau
promeut sont magni ées et ne semblent sou rir d’aucun défaut.


                                              ***


153. Son rejet typiquement maurrassien de l’esprit germain et des penseurs anglo-
saxons en est l’exemple le plus agrant. D’ailleurs, dans La trahison de l’intelligence, Raoul
Follereau se montre incapable de reconnaître un seul mérite aux piliers de la culture
allemande ou anglo-saxonne : les grands auteurs étrangers ne sont favorablement
cités par Raoul Follereau que lorsqu'ils vantent la langue française ou la culture latine.

p. 52
La contre - enquête
    La dimension catholique de sa doctrine suscite également bien
des questions. Ainsi, le mimétisme idéologique de Raoul Follereau vis-
à-vis de Charles Maurras doit être approfondi au regard, notamment,
de la condamnation ponti cale de 1926.
    Ce point mérite toute notre attention car il semble capital pour
l’aboutissement favorable des procédures de reconnaissance de
sainteté de Raoul Follereau. C’est pourquoi nous publions sur notre
site internet (http://follereau-entre-ombre-et-lumiere.over-blog.
com/) di érents documents relatifs à la condamnation ponti cale de
l’Action Française de 1926 : nous y trouvons de nombreux points de
convergence entre les reproches faits à la doctrine maurassienne et
ceux qui pourraient être faits à la doctrine de Raoul Follereau.
    Comment, en e et, ne pas considérer son militantisme catholique
« ultra » comme un outil au service d’un projet politique lorsqu’il écrit
« Dieu est une nécessité philosophique qu’on ne saurait honnêtement
écarter »154. Ce choix des mots « Dieu est une nécessité philosophique »
– tout à fait volontaire de la part d’un homme de lettres comme Raoul
Follereau – est pour le moins intriguant : réduire Dieu à une nécessité
philosophique est une démarche profondément utilitariste du fait
religieux et contraire à la foi chrétienne ; cela pose la question de la
sincérité de la foi catholique de Raoul Follereau.
     Dans le même ordre d’idées, l’a rmation « La Société, en se privant
volontairement du secours de Dieu, est incapable, sauf par la force, de
maîtriser l’individu 155 » présente le même travers puisqu'elle conduit
à considérer Dieu à proportion de l’utilité sociologique attendue de
lui.
     En n, le vœu « Que notre orgueil unique soit de servir en tout,
partout, avec raison, avec ivresse, les destins glorieux et doux de la Patrie,
et la cause sacrée des Hommes 156 » contribue également à s’interroger
sur la sacralisation excessive des vertus patriotiques dans la doctrine
de Raoul Follereau car il présente le risque de conduire à un amour
immodéré de la Patrie déjà dénoncé par le Pape Pie XI dès 1922.
    De façon générale, nous nous posons la question : dans quelle
mesure Raoul Follereau ne considère-t-il pas le catholicisme comme
nécessaire pour assurer l’Ordre, qui, selon lui, est la caractéristique de
la civilisation latine ?
154. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 106.
155. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 101.
156. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 54.

                                                                                      p. 53
Fondation Raoul Follereau
   Or, comme nous l’avons déjà vu, le Vatican a, notamment,
reproché à Charles Maurras de ne considérer la religion catholique
que de façon utilitaire, une sorte de ciment social, servant à souder
une nation autour d’un idéal commun.
    Raoul Follereau dit-il autre chose ? Nous ne le croyons pas.
   Nous pensons au contraire que Raoul Follereau s’inscrit dans une
idéologie de type national-catholique dans la mesure où il entretient
en permanence une étroite confusion entre Foi patriotique et Foi
chrétienne, confusion dans laquelle la seconde n’a vocation qu’à
servir la première.
    « Le patriotisme est une vertu religieuse, c’est même une vertu
commune à toutes les religions. Les textes sacrés sont sur ce point
incontestables, indiscutables. […] Prétendre à une opposition entre la
doctrine évangélique et les devoirs qu’on doit à la Patrie est dénaturer
totalement, par égoïsme personnel, le sens élevé de la doctrine
chrétienne157. »
    Selon le national-catholicisme français, le baptême de Clovis
aurait fait de la France la lle aînée de l’Église. Héritière de Saint
Louis et de Jeanne d’Arc, la France aurait été forgée par mille ans de
dynastie capétienne et serait, à ce titre, chargée d’une mission divine
et catholique spéci que : « Gesta Dei per Francos 158 » !
    En janvier 1933, Raoul Follereau écrit : « Il faut que cette année
soit FRANÇAISE, puisque notre pays demeure le facteur essentiel de
l’équilibre du monde. (…) Un jour, demain peut-être, il faudra choisir : la
LATINITE ou l’ANARCHIE. Le reste est palliatif ou poison. Et, dans les jours
prochains où se jouera non seulement l’avenir de notre civilisation, mais
l’avenir de LA civilisation, nous devons être capables de continuer notre
mission : Gesta Dei per Francos159. »
   Quelques années plus tard, en 1943, Raoul Follereau écrit : « La
France est un pays prédestiné. Un pays missionnaire (…) Écoutez saint
Rémi baptisant Clovis : « Le royaume de France est prédestiné par Dieu
157. Raoul Follereau, Éloge et vertus du patriotisme, in L’Œuvre latine, avril 1936, n°101.
158. “Gesta dei per francos“ était le titre donné aux chroniques de la première croisade
écrites par l’abbé Guilbert de Nogent. Cette phrase est souvent reprise dans les milieux
ultracléricaux pour exprimer le rôle particulier qui serait dévolu à la France, lle aînée
de l’Église. Elle gure régulièrement dans les publications éditées par Raoul Follereau,
notamment son fascicule "Ce que le monde doit à la France", largement di usé pendant
la seconde guerre mondiale.
159. Raoul Follereau, L’Œuvre latine, janvier 1933, in Les Appels, op. cit. page 225.

p. 54
La contre - enquête
à la défense de l’Église de Jésus-Christ. Victorieux et prospère tant qu’il
restera dèle à sa foi, rudement châtié toutes les fois qu’il sera in dèle à
sa vocation. Il durera jusqu’à la n des temps 160 ».
     Étienne Thévenin con rme : « Pour lui [Raoul Follereau], la France
est investie d’une mission dans le monde, une mission qui lui a été con ée
par Dieu. Le sort de la France et celui du monde sont indissociablement
liés. L’intérêt de la France est identi é à celui du monde et à celui de
Dieu161. »
    Dans cette con guration idéologique, l’Édit de Nantes, la
philosophie des Lumières, la révolution de 1789, les lois de laïcisation
de 1905, etc. sont considérés comme des accidents de parcours causés
car des puissances occultes et les sociétés secrètes qui dénaturent la
« vraie » France, celle que Charles Maurras quali e de « pays réel ».
     C’est pour cette raison que, pour Charles Maurras et Raoul Follereau,
tout ce qui éloigne la France de sa vocation mystique doit être
banni : il s’agit des fameux agents de l’Anti-France. Par Anti-France,
il faut comprendre toutes celles et tous ceux qui complotent contre
cette France catholique, lle aînée de l’Église et empêchent cette
dernière de se consacrer à sa « vraie » mission, sa mission divine.
    Les Protocoles des Sages de Sion, dont nous parlerons plus tard dans
ce livre, est une des variantes – une des plus connues, en tout cas – de
ce supposé complot contre la civilisation française et chrétienne.
    Dans ce cadre, la création, en 1927, de la Ligue de l’Union latine
chargée de « défendre la civilisation chrétienne contre tous les
paganismes et toutes les barbaries » et d’« unir et fédérer les élites
latines pour la défense et la gloire de leur civilisation » prend une
signi cation toute di érente que la simple vocation culturelle que
la Fondation Raoul Follereau lui reconnaît aujourd’hui : derrière des
mots apparemment positifs, se cache en réalité un homme qui est
en croisade morale et politique, dans une guerre implicite qui ne
porte pas son nom et dans laquelle la civilisation latine est attaquée
subrepticement par des forces occultes et des sociétés secrètes.
    Ses armes sont doubles. D’un côté, Raoul Follereau dénonce
explicitement les ennemis de la « vraie » France (essentiellement la
franc-maçonnerie et le communisme, mais aussi, de façon plus subtile,
160. Raoul Follereau, Paroles de France, février 1943, in Étienne Thévenin, op. cit.
page 156.
161. Étienne Thévenin, op. cit. page 159.

                                                                             p. 55
Fondation Raoul Follereau
les juifs ou les catholiques modérés). De l’autre, Raoul Follereau
honore et promeut autant qu’il peut les missionnaires catholiques
français qui incarnent à ses yeux le « vrai visage de la France 162 ».
    Mais il les promeut en tant que représentants nationaux d'une
France catholique et non en tant que catholiques. Pour preuve, si
Raoul Follereau vantent régulièrement les ordres religieux catholiques
français, jamais, sur la période qui nous intéresse 1927-1943, il ne cite
d'œuvres catholiques étrangères.
    Deux anecdotes permettent d'illustrer cette a rmation : par
exemple, quelques années plus tard, dans ses récits de voyages autour
du monde, Raoul Follereau racontera son ravissement d’entendre des
petits africains chanter des chants profanes en français. Nous sommes
certains qu’il n’aurait pas exprimé le même ravissement si ces petits
africains avaient chanté la gloire de Dieu mais dans leur propre
langue : pour Raoul Follereau, les religieux missionnaires français ont
davantage pour mérite de faire aimer la France chrétienne que de
faire aimer Dieu.
    Autre exemple, lorsque Raoul Follereau participe en 1956 à
une conférence retranscrite dans un livre intitulé Patrie française et
principes chrétiens, il entame son intervention de la façon suivante :
« Un petit bled perdu dans un coin de l’Afrique. Tellement perdu que j’en
ai oublié le nom. Nous nous étions arrêtés, histoire de refroidir un peu le
moteur. Nous étions juste devant le presbytère. (…) Allons dire bonjour
au curé !
    Le curé est ici un prêtre indigène. Nous frappons. Nous entrons.
Très occupé, il ne nous a pas entendu venir. Il est penché sur des
documents, brochures, photos qu’il contemple avec une évidente joie.
Nous avons maintenant l’impression d’être indiscrets et ne savons plus
quelle contenance prendre. Je tousse un peu… Il se retourne, surpris
puis souriant. En se retournant, il fait tomber quelques photos. Je me
précipite pour les ramasser : Lourdes, Lourdes encore, puis Lisieux, puis
Notre-Dame de Paris. Et puis Lourdes à nouveau.
    Je lève les yeux, ému.
    — Je regardais la France, me dit-il simplement 163. »

162. Expression fréquemment utilisée par Raoul Follereau qu’il convient de relier au
concept du « pays réel » cher à Charles Maurras.
163. Association universelle des amis de Jeanne d’Arc, Patrie Française et principes
chrétiens, Nouvelles éditions latines, 1956.
http://books.google.fr/books?id=TSZ5nv92YOYC&lpg=PA97&dq=follereau&pg=PA97

p. 56
La contre - enquête
    Cette anecdote n’a rien d’anodin. Bien au contraire, elle est
                         164

extrêmement révélatrice : dans la narration de Raoul Follereau, ce
n’est pas la Sainte Vierge ou Dieu ou le Saint Sacrement que le prêtre
vénère mais la France. Nous disposons là d’une illustration de ce
détournement systématique auquel se livre Raoul Follereau : Lisieux,
Notre Dame de Paris ou Lourdes, autrement dit, les hauts lieux de la
religion catholique en France, sont les moyens de glori er la France.
    Raoul Follereau a très probablement la Foi.
   Mais il s’agit d’une Foi patriotique dans laquelle la religion
catholique est instrumentalisée au service de sa vision de la France.


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Nous pouvons di cilement ne pas relever quelques éléments d’information sur cet
ouvrage édité en 1956 qui mériterait probablement une section entière de notre livre.
Ici encore, à l’instar de nombreux documents révélés dans nos pages, la proximité
de Raoul Follereau avec certaines personnalités de la droite dite nationale est
incontestable.
L’association universelle des amis de Jeanne d’Arc fut fondée en 1953 par Pierre Virion,
un journaliste de sensibilité catholique traditionaliste proche des milieux nationalistes
et par le général Weygand qui fut entre 1940 et 1942 le bras droit du Maréchal Pétain.
Alors qu’il était Délégué général en Algérie française n 1940, le général Weygand
n’hésita pas, avec le soutien du recteur d’Alger Georges Hardy, à aller plus loin que la
loi sur le statut des Juifs en excluant, sans aucune base légale, donc, les enfants juifs
des écoles et des lycées d’Algérie. En 1951, le général Weygand soutient la création de
l’ADMP (association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain) qui entend obtenir
la révision du procès de 1945.
Le livre Patrie Française et principes chrétiens, quant à lui, est édité par les Nouvelles
Éditions Latines, société d’édition proche des milieux d’extrême-droite dont le
fondateur, Fernand Sorlot fut un proche de L’Action Française entre les deux guerres.
Son comportement sous l’Occupation lui vaudra d’ailleurs d’être condamné à vingt
ans d’indignité nationale et à la con scation de ses biens.
Parmi les autres co-auteurs de ce livre, outre Raoul Follereau, nous retrouvons le
général Weygand, ainsi que Georges Hardy, déjà cités ci-dessus pour leur rôle en 1940
en Algérie contre les enfants juifs, mais aussi Léon Bérard, ambassadeur du régime de
Vichy au Vatican ou encore Marcel Clément, éditeur ultramontain du journal catholique
L’Homme nouveau, très marqué à droite.
En avril 2011, l’Association universelle des amis de Jeanne était représentée au 4ème
Congrès nationaliste aux côtés de divers auteurs ou mouvements d’extrême-droite,
dont Rivarol, Civitas, Renouveau français, l’ADMP déjà citée ci-dessus, le GUD, Présent,
le Parti de la France, etc.
164. Est-elle seulement véridique ou n’est-elle qu’un stratagème de conférencier
pour mieux attirer l’attention de son auditoire ? Nul ne le saura jamais. Cependant,
comme nous le verrons plus tard dans ce livre (cf. infra la section Le Faussaire de sa
propre histoire) Raoul Follereau ne s’embarrassait pas de la vérité : conformément au
mot d’ordre typiquement maurrassien « Par tous moyens ! », il usait de tous ses talents
d’auteur-orateur-comédien pour faire passer ses idées.

                                                                                   p. 57
Fondation Raoul Follereau


                 Au service de l’Internationale fasciste


    Cette pensée politique amène Raoul Follereau à devenir le héraut
d’une cléricale-latinité à la française. D’ailleurs, Henry Coston, célèbre
hitlérophile et antisémite professionnel dont nous parlerons plus
longuement ci-après, parlera de son « ami » Follereau 165 comme du
« champion, en France, de la latinité 166 ».
    Cependant, l’action de Raoul Follereau ne va pas se limiter
au territoire national. Grâce à ses réseaux (notamment l’Alliance
française), Raoul Follereau va multiplier les déplacements, en Europe
et en Amérique du Sud, pour l’essentiel (citons l’Égypte ou le Liban,
également). Ce sera l’occasion pour lui d’exprimer sa sympathie, son
soutien et parfois son aide à la plupart des leaders fascisants des
années trente.
    Le premier d’entre eux fut certainement son mentor en politique,
l’inventeur du fascisme, le Duce italien Benito Mussolini :
    « L’Action française voyait [dans l’Italie fasciste de Benito Mussolini]
toutes les idées qu’elle défendait mises en place par le régime dès les
années vingt : lutte contre le communisme, le parlementarisme, le
syndicalisme, l’individualisme avec, en plus, la bénédiction du pape et
l’assentiment du roi 167. »
    Ouvrons ici une parenthèse pour souligner le fait que parler
de bénédiction du pape du régime fasciste italien ici est bien
évidemment une interprétation très personnelle de l'histoire de la
papauté. Étienne Thévenin fait probablement allusion aux accords
du Latran du 11 février 1929 mais les relations entre Mussolini et
le Vatican se tendront très rapidement et les points de con it avec
l'autorité ponti cale furent nombreux.
165. Cf. infra la section L’ami d’Henry Coston.
166. Henry Coston, Dictionnaire de la vie politique française, 2000, page 465
http://www.scribd.com/doc/34079407/Dictionnaire-de-la-politique-francaise-ed-
2000-Henry-Coston
167. David Mataix, L’Europe des Révolutions Nationales, 1940-1942 : l’impossible union
latine, édition L’Harmattan, 2006, page 294
h t t p : / / b o o k s . g o o g l e . f r / b o o k s ? i d = f 0 j s A r O N s c o C & l p g = PA 4 3 & o t s = l y s
D-iyYXt&dq=»Comité d’Action pour l’Universalité de Rome»&pg=PA2 -
v=onepage&q=maurras&f=false



p. 58
Version limitée.

La version complète chez votre libraire
 ou sur internet http://www.golias.fr/
Fondation Raoul Follereau


                                  L’antisémite


    Sur ce point, nous devons mentionner l’avis d’Étienne Thévenin :
« On peut remarquer qu’à aucun moment, dans ses écrits, Raoul Follereau
ne verse dans l’antisémitisme. Ses sentiments chrétiens le préservent
de tels égarements 209. » Par la suite, il réitère plusieurs fois la même
a rmation 210.
    Tout d’abord, nous apprécions à sa juste valeur la précision « dans
ses écrits » qui laisse supposer bien des choses quand on sait que
Raoul Follereau fut surtout un conférencier.
   Concernant les écrits, justement, dont nous disposons, et en
supposant que les œuvres complètes de Raoul Follereau publiées
par la Fondation Raoul Follereau en 2002 soient e ectivement
complètes 211 nous avons malgré tout identi é les preuves d’un réel
antisémitisme chez Raoul Follereau.
    Encore faut-il savoir parfois lire entre les lignes, autrement dit,
débusquer les insinuations et les clins d’œil qui, sans être forcément
explicites, sont parfaitement compréhensibles par ceux auxquels ils
s’adressent.
   Par exemple, dans son livre La trahison de l’intelligence, publié en
1936, Raoul Follereau écrit :
    « L’ordre de Lénine, ce Moïse rouge, était clair         212
                                                                . (…) »
    L’association des noms Lénine et Moïse, qui plus est quali é de la
couleur rouge, est une allusion claire à la théorie du complot judéo-
bolchevique selon laquelle la révolution russe de 1917 aurait été
manigancée par les israélites dans le but d’accéder au commandement
du monde. Cette association de Lénine avec Moïse n’est pas nouvelle.
Elle a notamment été employée par le nazi allemand Dietrich Eckart,
compagnon d’infortune d’Adolf Hitler lors de son putsch raté de
Munich en 1923 et auteur d’un livre dont le titre laisse peu de doutes
sur son contenu : Le bolchevisme de Moïse à Lénine.

209. Étienne Thévenin, op. cit. pages 133.
210. Étienne Thévenin, op. cit. pages 152, 153 et 154.
211. Nous avons déjà vu ci-dessus qu’il n’en est rien : cf. supra la section Au service de
l’Internationale fasciste.
212. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151.

p. 68
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Fondation Raoul Follereau


                            L’ami d’Henry Coston

   Avec Henry Coston, nous changeons de catégorie pour passer à la
catégorie « antisémite poids lourd ».
    Henry Coston, un « des théoriciens les plus connus de
l’antisémitisme 247 »,    ne dispose pas des mêmes capacités
intellectuelles de Maurras et il va le prouver dans le journal La Libre
Parole qu’il relance en 1930. Il su t de jeter un simple coup d’œil sur
les premières de couverture pour s’en convaincre 248.
    « La Libre Parole, le célèbre journal fondé par Édouard Drumont en
1892, avait disparu en 1924 ; il fut ressuscité une première fois en 1928-
1929, sans grand succès, puis une seconde fois en 1930 par Henry Coston
qui réussit à maintenir cette feuille en vie jusqu’à la veille de la guerre ;
Coston rassembla autour de lui de nombreuses signatures connues dans
le monde de l’antisémitisme, notamment celles de Jacques Ploncard,
Jean Drault, Henri-Robert Petit, Albert Monniot, Mathieu Degeilh, Louis
Tournayre, Jacques Ditte (…) 249. »
   Un peu plus tard, en 1938, La Libre Parole sera quali ée de « feuille
néo-hitlérienne » par le quotidien L’Aube 250.
   À partir de 1936, La Libre Parole est éditée par le Centre de
Documentation et de Propagande fondé par Henri-Robert Petit et
spécialisé dans les publications d’une violence antisémite extrême.
    « Le centre de documentation et de propagande créé au début de
1936 par Henri-Robert Petit, imprima de nombreux documents dans
lesquels les Juifs étaient attaqués sous les formes les plus diverses
(…) dans la seule année 1936 un total de 1.800.000 tracts, 425.000
247. Ralph Schor, L’antisémitisme en France dans l’entre-deux-guerres : prélude à Vichy,
Éditions Complexe page 35
http://books.google.fr/books?id=PbvpzzZgprgC&printsec=frontcover                       -
v=onepage&q&f=false
248. Cf. le site (apparemment) antisémite Wawa Conspi
http://www.the-savoisien.com/wawa-conspi/viewtopic.php?pid=294
249. Ralph Schor, op. cit. page 33
http://books.google.fr/books?id=PbvpzzZgprgC&printsec=frontcover                       -
v=onepage&q&f=false
250. L’Aube 25 mai 1938 in Ralph Schor, Dossier Philosémites chrétiens – Présentation,
Archives Juives 1/2007 (Vol. 40), p. 4-13,
http:/www.cairn.info/revue-archives-juives-2007-1-page-4.htm

p. 78
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La contre - enquête


              Antisémite ? Synthèse et discussion


    En synthèse de ces dernières sections, nous ne pouvons que
ressentir un profond malaise. : cet homme que la Fondation Raoul
Follereau entend faire canoniser, cette homme dont Étienne Thévenin
a rme que les sentiments chrétiens préservent de tels égarements,
cet homme qui, par la suite, prétendra avoir consacré toute sa vie
pour les lépreux, cet homme fut, en réalité, un acteur et un complice
de l'hystérie antisémite des années les plus sombres de l'histoire de
France
    Ses écrits, sa contribution aux activités de La Libre Parole dont
nous venons d’exposer quelques extraits explicites, la participation
en qualité de conférencier à au moins une réunion du Centre de
Documentation et de Propagande d’Henri-Robert Petit, le lien amical
avec Henry Coston, les tournées de conférences en Algérie avec
les groupuscules Unions latines, Amitiés latines et autres RNAS, ses
propos explicitement antisémites tenus à Tiaret 281 sur le complot
judéo-bolchevique, sa citoyenneté d’honneur de la ville de Sidi-Bel-
Abbès, réputée être un « petit Berlin », dont le maire, a lié au PPF, et
une majeure partie du conseil municipal sont des membres actifs de
la Ligue d’Union latine, tous ces éléments réunis forgent notre intime
conviction selon laquelle Raoul Follereau a, avec tout le talent dont il
disposait, contribué à un antisémitisme particulièrement radical.
    Qui plus est, et ce point mérite d'être souligné, Raoul Follereau
n’a jamais ni rejeté ni condamné, même longtemps après la guerre,
ces idéologies nauséabondes. Au contraire, comme nous l’avons
déjà vu, il a préféré faire graver deux vers de Charles Maurras sur sa
tombe. 282
    Nous souhaitons apporter deux précisions à notre propos.
    En premier lieu, Étienne Thévenin indique que Madame Rougier 283
lui aurait con é que Raoul Follereau aurait aidé quelques juifs

281. et probablement pas qu’à Tiaret …
282. Cf. supra la section Le maurrassien
283. Nous devons préciser que Madame Rougier est l’épouse de Louis Rougier,
universitaire français, fervent soutien du maréchal Pétain et du régime de Vichy. Il sera
notamment membre directeur de l’Association pour Défendre la Mémoire du Maréchal
Pétain dès 1951.

                                                                                  p. 87
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                        Le marchand du temple


    Nous abordons maintenant une facette des relations entre Raoul
Follereau et Charles de Foucauld.
    Nous allons exposer dans quelles circonstances Raoul Follereau
a été quali é de « marchand du temple » et d' « a airiste » par Louis
Massignon.
    Fin 1936, Raoul Follereau franchit une nouvelle étape essentielle :
il découvre à ce moment-là Charles de Foucauld lors d’un pèlerinage
sur les traces du frère universel et y retrouve tous les fondamentaux
politiques et religieux qui lui paraissent essentiels.
   Raoul Follereau décide alors d’utiliser le nom et l’image de Charles
de Foucauld pour promouvoir ses idées.
    Procédons tout d’abord à quelques rapides rappels sur sa vie.
    Charles de Foucauld est un missionnaire catholique français
assassiné en 1916 au n fond du désert algérien. Sa vie se caractérise
notamment par une conversion personnelle radicale, passant d’une
vie de luxe et de débauche à une vie quasi érémitique au milieu du
peuple touareg.
    Mais Charles de Foucauld est également un ancien o cier de
l’armée française qui a gardé de forts liens avec ses anciens frères
d’armes. C’est aussi un patriote fervent qui a pu écrire ou tenir des
propos ambigus287.
    C’est à cause de cette dualité de visage que les catholiques se sont
divisés, dès l’entre-deux-guerres, quant à l’interprétation de l’œuvre
de Charles de Foucauld.
    Certains membres du clergé catholique français ont cru pouvoir
reconnaître en Charles de Foucauld un représentant modèle de la
France conquérante, nationaliste et colonialiste. Raoul Follereau va
s’engou rer dans cette brèche. Il est en e et convaincu de retrouver
en Charles de Foucauld les fondamentaux nationaux-catholiques
287. Jean-Marie Müller, Lettre ouverte aux amis de Charles de Foucauld
http://www.non-violence-mp.org/muller/lettreouverte.htm

p. 90
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La contre - enquête


    Le propagandiste au service du régime de Vichy



   Avec l’avènement du maréchal Pétain, le 10 juillet 1940, les
sympathisants de L’Action française vont se scinder en plusieurs
tendances.
   Certains, minoritaires, considèrent que le salut de la France ne
peut plus passer que par de Gaulle : ils entrent alors, souvent très tôt,
dans la dissidence gaulliste306.
   Les autres font primer leur sens de l’obéissance et privilégie la
solution Pétain.
    Cependant, au sein de ceux-là, plusieurs sous tendances se
dessinent : certains rejoindront la Résistance un peu plus tard soit
par déception vis-à-vis de Pétain, soit par opportunisme, certains
autres, à l’inverse, basculeront dans l’ultra collaborationnisme. Entre
ces deux courants, un troisième courant incarné par Charles Maurras
en personne s’en tient à une règle stricte : la France, toute la France,
rien que la France, toute autre solution étant à proscrire car elle vient
de l’étranger (alliés dans un cas, allemands dans l’autre).
    Charles Maurras, nous l’avons vu précédemment 307, ne veut ni
des Allemands, ni des alliés et encore moins des gaullistes. Charles
Maurras croit dans le redressement moral de la France (de « sa »
France) sous les e ets conjugués de la Révolution nationale et d’une
stricte collaboration, dans l’esprit de l’armistice, avec l’Allemagne
victorieuse.
    Raoul Follereau s’inscrit dans cette logique également.
        « Maurras préconise le repli sur la seule France a n de la renouveler
        et la soustraire à toute in uence extérieure. (…) Comme Maurras,
        Follereau considère de Gaulle comme un dissident et le drame de
        Mers el-Kébir le rend plus anglophobe que jamais 308. »
306. Ce qui aurait fait dire au général de Gaulle : « À Londres, je n’ai trouvé que la
synagogue et la Cagoule », faisant allusion aux juifs et aux dissidents de l’Action
française du CSAR qui l’avaient rejoint dès l’été 1940.
307. Cf. supra la section Le Maurrassien.
308. Étienne Thévenin, op. cit. page 154.

        p. 101                                                                p. 101
Fondation Raoul Follereau
    Raoul Follereau voue pour le maréchal Pétain une admiration qui
n’est pas nouvelle : en 1937, déjà, Raoul Follereau vantait dans son
numéro de mai de L’Œuvre latine son « prestige », son « autorité » et sa
« gloire universelle ».
    À propos des cérémonies de couronnement du roi Georges VI
« un homme seul eut pu représenter tout le pays [la France], il avait le
prestige nécessaire, une autorité, une gloire universelle. Seul le maréchal
Pétain eut été digne de symboliser la France au cours d’une telle
cérémonie » 309.
    En juin 1940, « l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain bouleverse
les perspectives de la vie nationale et Raoul Follereau fonde sur lui de très
grands espoirs »310.
   « Tous les combats du Raoul Follereau des années trente semblaient
perdus en juin 1940, mais l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain
bouleverse tout 311. »
    Pour Raoul Follereau, le maréchal Pétain « est l’homme providentiel
qui gomme la période 1789-1940, (…) le sauveur envoyé à la France aux
yeux que ceux qui depuis des années rêvaient de héros et de personnages
exemplaires et fustigeaient la IIIe République » 312.
     Le 10 juillet 1940, date à laquelle les parlementaires français
réunis à Vichy accordent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain,
Raoul Follereau s’y trouve également. Est-ce étonnant ? Depuis le
1er juillet, Vichy est « subitement investie par les plus hautes autorités de
la République, anquées de hauts fonctionnaires, bientôt suivis par une
nuée de journalistes, de quémandeurs, d’ambitieux et d’aventuriers ». 313
   Cela a-t-il porté ses fruits ? Étienne Thévenin a rme que le
maréchal Pétain lui aurait fait des propositions de postes, dont un
important, mais que Raoul Follereau les aurait déclinées, souhaitant
œuvrer autrement en faveur de la « renaissance morale de la
France »314.

309. Étienne Thévenin, op. cit. page 152.
310. Étienne Thévenin, op. cit. page 150.
311. Étienne Thévenin, op. cit. page 151.
312. Étienne Thévenin, op. cit. page 151.
313. Christian Brosio, La IIIème République sombre à Vichy, Valeurs Actuelles, 8 juillet
2010
http://www.valeursactuelles.com/histoire/actualités/iiie-république-sombre-à-
vichy20100708.html
314. Étienne Thévenin, op. cit. page 152.

p. 102
La contre - enquête
   Qu’en est-il exactement ? Di cile de le savoir faute d’avoir accès
aux sources de l’époque.
   Néanmoins, une source démontre que Raoul Follereau ne s’est
pas autant tenu à l’écart des arcanes du pouvoir que Thévenin veut
bien le dire. Une vidéo de l’époque, sans son, montre Raoul Follereau
à Vichy, durant l’été 1940, avec des diplomates sud-américains. La
description écrite des images est en anglais :
    « 811 H (04:31:38): Vichy, (with Leblay camera) Meeting of the
diplomatic envoys of the Latin states of South America in Vichy, as they
watch the developments of the political situation. There was a strong
feeling that the Latin states in South America and Europe might play
an important part when peace conditions were discussed. LS, interior,
meeting, from left to right : Brazilian Minister Gonzales-Videla ; Mexican
Minister Luis Rodriguez ; Brazilian Ambassador L.M. de Souza-Dantas,
who presided over the meeting ; Argentine Ambassador Miguel Angel
Carcano; Uruguay Minister Cesar Guttierez. Same listening to Raoul
Follereau, President of the League of Latin Union, who exposed the
French point of view. 04:32:44 LS, ministers and ambassadors walking
down the street, arriving at the meeting at a villa on Blvd. des États-
Unis. The men entering and exiting the villa. Scene repeats with Raoul
Follereau arriving and entering the building with the other men 315. »
    Raoul Follereau semble donc avoir joué un rôle, pro tant
probablement de ses contacts avec les ambassadeurs sud-américains
pour « présenter le point de vue français » sur les conditions de la paix.
Nous n’en savons malheureusement pas davantage, il nous est donc
di cile d’être a rmatif dans un sens ou dans un autre. Quoiqu’il en
soit, la question de la participation o cielle de Raoul Follereau au
régime de Vichy ne nous paraît pas aussi dé nitivement close.
   Ce dont nous sommes certains, en revanche, c’est que, sitôt
démobilisé, après l’armistice, Raoul Follereau continue d’exercer, dès
1940, le métier qui est le sien : conférencier.
   « Il multiplie les conférences dans les communes de toute taille. (…)
Raoul Follereau parle de la France, de ses héros, de la reconstruction à
mener. Il développe les thèmes moraux de la Révolution nationale 316. »
315. United States Holocaust Memorial Museum, www.ushmmm.org
http://resources.ushmm.org/film/display/main.php?search=simple&dquer
y=Tape+Number%3A+2385&cache_file=uia_fzZEqs&total_recs=6&page_
len=25&page=1&rec=6& le_num=3465
316. Étienne Thévenin, op. cit. page 155.

                                                                   p. 103
Fondation Raoul Follereau
    Les extraits de Paroles de France que nous avons reproduits ci-après
permette de saisir la fréquence des conférences que Raoul Follereau
anime pour di user ses convictions sur sa « véritable France ». Cette
fastidieuse liste des villes et villages honorés du passage de Raoul
Follereau pendant la période 1940-1944 nous permet néanmoins de
démentir un des mythes que Raoul Follereau s’est créé : il aurait été,
dès juillet 1940, «traqué» par la Gestapo.
   Ainsi, Étienne Thévenin écrit qu’en juillet 1940 « Raoul Follereau
apprend (…) que les Allemands ont posé les scellés à la porte de son
domicile et qu’ils le recherchent »317.
    Pour accréditer cette thèse, les di érents biographes de Raoul
Follereau soulignent la tonalité germanophobe d’un article qu’aurait
écrit Raoul Follereau en d’avril 1939 dans lequel Hitler était quali é
d’Antéchrist.
   Étienne Thévenin excelle dans l’art de la dramatisation : en 1942,
« Raoul Follereau se sent menacé des Allemands, et pas seulement à
cause de ses textes d’avant guerre. Il lui faut trouver un refuge encore
plus sûr que les précédents. Il est désormais hébergé, avec son épouse,
par les sœurs de Notre-Dame-des-Apôtres à Vénissieux »318.
    Étienne Thévenin va même jusqu’à avancer ce motif pour justi er
le soi-disant peu de documents disponibles sur les années 1920 et
1930 de Raoul Follereau :
« La documentation pour la période de l’entre-deux-guerres est limitée et
fragmentaire, Raoul Follereau ayant dû se protéger des Allemands 319. »
    Il faudra nous expliquer comment un homme qui doit se cacher
car il se sent menacé peut, en même temps, parcourir villes et villages
de la France libre pour y prononcer des conférences publiques qui
font l’objet d’annonces et de publicités diverses plusieurs semaines
auparavant.
    Si nous comptons les seules conférences annoncées publique-
ment dans Paroles de France, Raoul Follereau anime, toujours en zone
libre ou en Afrique du Nord, a minima :
    -     au moins douze conférences en métropole entre juillet et n
          novembre 1940 ;
317. Étienne Thévenin, op. cit. page 150.
318. Étienne Thévenin, op. cit. page 164.
319. Étienne Thévenin, op. cit. page 597.

p. 104
La contre - enquête
   -    au moins neuf conférences en métropole pendant la
        première quinzaine de décembre 1940 ;
   -    plus de quatre-vingt-dix conférences en Afrique du Nord
        entre le 15 décembre et le mois d’avril 1941 (il y retourne en
        1942 pour de très nombreuses conférences, mais nous ne
        disposons pas du chi re précis) ;
   -    au moins vingt conférences en Rhône-Alpes pour le seul
        mois de mai 1942 ;
   -    au moins quinze conférences en Rhône-Alpes au mois de
        juin 1942 ;
   -    au moins dix-neuf conférences dans le sud de la France, en
        octobre 1942 ;
   -    autant, en novembre 1942, dans toute la France du sud-est ;
   -    au moins onze conférences en février 1943 entre la région
        centre et les Pyrénées ;
   -    en juin 1943, Paroles de France célèbre la trentième conférence
        au pro t des lépreux d’Adzopé depuis la première d’Annecy
        du 15 avril 1943.
   Soit plus de 225 conférences dans des villes de toutes tailles.
    Il est à noter que l’invasion de la zone libre, en novembre 1942, ne
change rien dans ses habitudes de conférencier. Qui peut croire qu’un
homme soi-disant traqué puisse parcourir aussi librement la France
libre pour y tenir des conférences publiques annoncées à grand renfort
de presse ? Il y a là un paradoxe insoluble qui nous amène à penser
que la thèse de l’homme « traqué » est particulièrement fantaisiste ;
mais il est bien évidemment plus opportun, lorsqu’on veut valoriser
quelqu’un, de monter en épingle un article hitlerophobe à grands
renforts de sous-entendus (« pas seulement à cause de ses textes d’avant
guerre »), que de s’étendre sur la propagande cléricale-fasciste, puis
vichyste, à laquelle se livre, depuis 1927, Raoul Follereau.
   Revenons à ses conférences, Ce que le monde doit à la France,
notamment. Grâce à elles, Raoul Follereau entreprend de
rehausser l’image de la France dans les yeux et dans le cœur de
ses contemporains. Telle est, en tout cas, la vision o cielle portée,
notamment, par André Récipon. Mais, est-ce réellement la nalité
poursuivie par Raoul Follereau ?


                                    ***


                                                                 p. 105
Fondation Raoul Follereau
   Pour bien comprendre quelle fut la démarche de Raoul Follereau,
nous devons la recontextualiser et revenir aux fondamentaux du
régime de Vichy. C’est ainsi que nous comprendrons mieux le sens
profond de ses initiatives.
    Pour le maréchal Pétain, ce n’est pas la guerre qui a causé
l’e ondrement de la France. La guerre n’est que le symptôme d’un
mal qui est bien plus profond. Il l’a rme sans détours dans ses
discours radiodi usés dès le 25 juin 1940 :
    « Notre défaite est venue de nos relâchements. L’esprit de jouissance
détruit ce que l’esprit de sacri ce a édi é. C’est à un redressement
intellectuel et moral que, d’abord, je vous convie. »
    « Le désastre n’est (...) que le re et, sur le plan militaire, des faiblesses
et des tares de l’ancien régime politique. »
   Des propos du même ordre sont repris dans le discours programme
du 11 octobre 1940.
    Dans l’idéologie vichyste, la débâcle de 1940 est la conséquence
directe d’un siècle et demi de délitements moraux et spirituels causés
par la Révolution française de 1789.
     Raoul Follereau ne pense pas à autre chose, lorsqu’il écrit, en
1943 : « Le royaume de France est prédestiné par Dieu à la défense de
l’Église de Jésus-Christ. Victorieux et prospère tant qu’il restera dèle à sa
foi, rudement châtié toutes les fois qu’il sera in dèle à sa vocation 320. »
   Sous la plume de Raoul Follereau, la débâcle de 1940 est le
châtiment de Dieu qui vient sanctionner la France car elle s’est
montrée, depuis trop longtemps, in dèle à sa vocation divine.
D’ailleurs, Raoul Follereau poursuit la citation précédente par la
phrase suivante : « Les gouvernements de la IIIe République n’avaient
point voulu s’en souvenir. Le châtiment s’est abattu, implacable. »
    Pour Raoul Follereau, le maréchal Pétain est celui qui permet à la
France de se retrouver et de se reconstruire : c’est le redressement
moral et intellectuel auquel le maréchal invite les Français à
contribuer. Lorsque Raoul Follereau se rend de villes en villes, de
villages en village pour prononcer Ce que le monde doit à la France,
c’est à ce redressement moral et intellectuel porté par le maréchal
Pétain et à sa devise o cielle « Travail, Famille, Patrie » à laquelle il
320. Raoul Follereau, Paroles de France, février 1943, in Étienne Thévenin, op. cit. page
156.

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Raoul Follereau, la contre-enquête
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Raoul Follereau, la contre-enquête

  • 1. Extraits La version complète chez votre libraire ou sur internet http://www.golias.fr/
  • 2. Romain Gallaud NOUVEAUTÉS Raoul Follereau, la contre enquête Dans l’opinion publique, la Fondation Raoul Fol- lereau est encore souvent auréolée de considéra- tion et même de prestige. Or, le livre de Romain Gallaud, Fondation Raoul Follereau, la contre-en- quête, sur la base d’une enquête très fouillée et de données circonstanciées, lance un message de prudence et de vigilance. Le monde des organismes caritatifs est devenu, par- fois pour le meilleur, mais souvent pour le pire, un monde de « charity business » dans lequel la géné- rosité publique est sollicitée selon des règles de mar- keting proches de celles usitées pour vendre des les- sives ou des parfums. Un tournant aussi inéluctable que décisif. C est dans ce contexte qu’il faut analyser la réécriture historique de la gure même de Raoul Follereau. Il est en e et clairement établi aujourd’hui que le véritable 200 pages - 15 euros Raoul Follereau est très éloigné de l’image soigneuse- ment marketée que ses héritiers cherchent à lui attri- buer à coups de millions d’euros de frais de communi- cation, allant même jusqu’à initier des démarches en vue d obtenir sa canonisation par l’Église catholique : Bon de commande car celui qui prétendait n’avoir vécu que pour la cause Nom des lépreux fut en réalité, au moins de 1927 à 1945, le Prénom dirigeant hyperactif d’une ligue d’extrême droite au Adressse service des conceptions portées par, entre autres tris- tes gures de l’époque, Mussolini, Maurras, Coston ou le régime de Vichy. Code postal Au-delà de ces impostures, le décryptage des comp- Ville tes annuels et de l’organigramme juridique du grou- pe Follereau est très révélateur : entre opacité nan- Pays cière suspecte et népotisme avéré, une famille, dont le père, André Récipon, revendique des convictions d extrême-droite dans le droit l de celles de Raoul  Je désire commander le livre « Raoul Follereau, la contre enquête » pour un Follereau, a créé une situation de très grave scandale montant de 15 euros + 3 euros de frais de port moral. Veuillez retourner ce bon de commande en joignant votre règlement à l’ordre de Golias Pour di érentes raisons, ceux qui devraient s’insurger BP 3045 - 69605 Villeurbanne cx. se taisent. Mais les faits crient ! Pour la Belgique virement à l’ordre de Golias sarl, compte N° 435-3400801-61
  • 3. Fondation Raoul Follereau La contre enquête Romain Gallaud
  • 4. ISBN/EAN : 978-2-35472 © Éditions Golias BP 3045 - 69605 Villeurbanne Cedex Dépôt légal : janvier 2012 www.golias.fr redaction@golias.fr
  • 5. La contre - enquête « Cet amour même de sa patrie et de sa race, source puissante de multiples vertus et d'actes d'héroïsme lorsqu'il est réglé par la loi chrétienne, n'en devient pas moins un germe d'injustice et d'iniquités nombreuses si, transgressant les règles de la justice et du droit, il dégénère en amour immodéré de la nation. » Pie XI, Lettre encyclique Ubi Acarno Di Consilio, 23 décembre 1922 p. 3
  • 6. La contre - enquête Sommaire Prolégomènes Pages Notre livre chez GOLIAS Éditions ? 7 Note d’intention de l’auteur 9 Bâtir sa maison sur le roc 13 Les faces cachées de Raoul Follereau 16 Quelques mots sur la biographie d’Étienne Thévenin 16 Contexte historique de Raoul Follereau 18 Le maurrassien 22 La perte de l’innocence 36 Le réactionnaire national catholique 43 Au service de l’Internationale fasciste 58 L’antisémite 68 L’ami d’Henry Coston 78 Antisémite ? Synthèse et discussion 87 Le marchand du temple 90 Le propagandiste au service du régime de Vichy 101 Adzopé, le prétexte caritatif au service d’un projet politique 120 Adzopé et le maréchal Pétain 130 Le faussaire de sa propre Histoire 133 André Récipon, l’héritier de Raoul Follereau 148 Lettre ouverte à l’Église de France 165 Réponse d'Etienne Thévenin 172 Les faces cachées de la Fondation Raoul Follereau 175 Une fondation verrouillée de l’intérieur 175 Les drôles de comptes de la FRF 190 Des millions d’euros au cœur d’une nébuleuse 201 Dossier spécial Action française 210 p. 5
  • 7. La contre - enquête Prolégomènes Notre livre chez GOLIAS Éditions ? Après plus de vingt mois d’enquête via des articles sur notre blog ou sur divers sites internet, après la di usion gratuite de notre livre PDF sur internet, nous avons décidé de franchir un nouveau cap en optant pour une di usion papier, et donc payante, de cet ouvrage. Ce fut Christian Terras , des éditions Golias, qui nous le proposa le premier. Pour nous qui sommes plutôt habitués à lire La Croix, France Catholique, Famille Chrétienne, Il est vivant voire même parfois, par souci d’éclectisme, Le Salon Beige … la surprise fut de taille. Fallait-il pour autant décliner la proposition ? Après avoir échangé avec Christian Terras, nous avons décidé de privilégier ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous éloigne. Nous avons surtout constaté qu'il n’attend de nous ni allégeance, ni ralliement à la ligne éditoriale de Golias. Alors, puisque lui et nous partageons la même aspiration à la vérité, dans le respect des particularités de chacun, nous sommes heureux et ers de travailler ensemble pour le bien commun. p. 7
  • 8. La contre - enquête Note d'intention de l'auteur Les travaux de recherche que nous avons menés constituent une contre-enquête dans le sens où notre objectif est d’aller à l’encontre de ce que nous estimons être des actes délibérés de désinformation. Ainsi, ce n’est pas le fait que Raoul Follereau ait été mussolinien, maurrassien, antisémite et pétainiste qui a provoqué ce livre mais plutôt le fait que certains, Fondation Raoul Follereau en tête, cherchent à faire passer Raoul Follereau pour ce qu’il ne fut pas. En e et, nous ferons ci-après la démonstration que Raoul Follereau a pro té de sa notoriété pour asséner sa vérité au détriment de la vérité, se rendant ainsi coupable, de son vivant, d’être le faussaire de sa propre Histoire. En revanche, nous ne mettons pas en cause la bonne foi d’un Jean Toulat, auteur de Raoul Follereau ou le baiser aux lépreux1 ou d’une Françoise Brunnschweiler, auteur de Raoul Follereau – Messager d’espoir et de vie2, par exemple. Nous pensons néanmoins qu’ils ont été volontairement laissés, sinon induits en erreur, à propos du passé e ectif de Raoul Follereau.3 Par la suite, la Fondation Raoul Follereau s’est approprié et a poursuivi cette stratégie a n de faire croire en un homme dont toute la vie « fut un seul acte d’amour 4 ». Parmi la profusion de documents écrits, visuels ou sonores qui relayent ces contre-vérités, les enfants sont particulièrement 1. Éd. Flammarion Salvator, 1978. 2. Édité par l’association suisse Raoul Follereau, 1978. 3. Étienne Thévenin écrit dans sa biographie de Raoul Follereau : « Au soir de sa vie, il n’évoquait guère ces premiers engagements [de l’entre deux guerres], même en présence de ses amis les plus proches. «Tout cela n’a pas d’importance, disait-il souvent à Françoise Brunnschweiler qui rédigeait sa biographie. Et puis vous ne faites pas une thèse. Ce qui compte ce sont les pauvres …» (Étienne Thévenin, Raoul Follereau, Hier et aujourd’hui, Fayard, 1992, page 139) 4. La mention « Le Livre d’Amour de Raoul Follereau / 1920 – 1970 cinquante années d’une vie qui fut un seul acte d’amour » ou des versions similaires gurent sur les multiples rééditions du Livre d’Amour, ouvrage distribué massivement par la Fondation Raoul Follereau. http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb37020965t/PUBLIC ou http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40245024v/PUBLIC p. 9
  • 9. Fondation Raoul Follereau ciblés : qu'il s'agisse de bandes-dessinées, de petits jeux divers (7 familles), ou de propagande écrite ( yers, prospectus) ou orale (conférences, intervention dans les écoles notamment de l'enseignement catholique sous couvert de catéchèse), tous les moyens semblent bons pour faire croire en « l'homme qui a consacré sa vie aux lépreux ». Par exemple, un dépliant destiné aux jeunes bénévoles mentionne : « Raoul Follereau (1903-1977) est un humaniste engagé du XXe siècle qui a consacré sa vie à lutter contre l'exclusion sous toutes ses formes. » Autre exemple, une bande dessinée, nancée et distribuée gratuitement par la Fondation Raoul Follereau, met en images la vie soi-disant complète de Raoul Follereau. Bien entendu, il est inutile d'y chercher la moindre référence au passé fascisant de Raoul Follereau ou à ses référents politiques que furent Mussolini, Maurras ou Pétain. Même d'un point de vue institutionnel, la désinformation est présente : l'article premier des statuts de la Fondation Raoul Follereau mentionne : « La Fondation Raoul Follereau a pour objet de poursuivre l'œuvre à laquelle Raoul Follereau a consacré toute sa vie «contre la lèpre et toutes les lèpres. » Une nouvelle étape fut franchie lorsque, début 2009, une association loi 1901 intitulée Mouvement pour la glori cation de Raoul et Madeleine Follereau fut créée par la Fondation Raoul Follereau5. Cette association, logée et subventionnée par la Fondation Raoul Follereau au titre de ses « missions sociales6 », a pour objet de : - « promouvoir et donner en exemple la vie, l’œuvre et la pensée de Raoul et Madeleine Follereau » - dans l’objectif de « favoriser la mise en œuvre de ces actions dans les œuvres caritatives de bienfaisance et d’assistance dont 5. Cette nouvelle association loi 1901 vient rejoindre la nébuleuse de structures juridiques, tantôt lucratives, tantôt non-lucratives, qui gravitent déjà, ou ont gravité, avec plus ou moins d’opacité, autour de la famille Récipon : GIE Dantzig, GIE SCENE, GIE LSR, SCI Dantzig Immobilier, SCI SALS Immo, SCI Beth-Mariam, association des Amis de la Fondation Raoul Follereau, ACLE, AIDP, Fondation Raoul Follereau, Fondation pour le Logement Social, Société d’Encouragement Au Bien, société anonyme Sacirs, Sarl Follereau Logistique, etc. Cf. infra la section Des millions d’euros au cœur d’une nébuleuse. 6. Cf. infra la section Les drôles de comptes de la Fondation Raoul Follereau. p. 10
  • 10. La contre - enquête ils ont suscité la création » - et, pour cela, entreprendre « les démarches nécessaires à l’ouverture d’une enquête en vue d’une procédure en canonisation de Raoul et Madeleine Follereau7 ». Déjà en 1997, le président d’honneur de la Fondation Raoul Follereau, André Récipon, a rmait lors du XXe anniversaire de la disparition de Raoul Follereau son désir de voir être préparée « l’introduction de la cause de sa béati cation »8. Rappelons que les « actes de béati cation et de canonisation ont pour but de proposer en exemple au peuple chrétien le témoignage d’un des membres défunts de l’Église et d’autoriser ou de prescrire un culte public en son honneur. Ce culte public se traduit par l’attribution d’un jour de fête au calendrier avec honneur plus ou moins solennel rendu au saint ou au bienheureux pendant l’o ce et la messe du jour de sa fête. Il se traduit aussi par la possibilité d’exposer des images et des reliques dans les églises9 ». Dans ces conditions, puisque la Fondation Raoul Follereau entend ouvrir « une enquête en vue d’une procédure de canonisation de Raoul et Madeleine Follereau », elle ne devrait pas nous tenir rigueur de notre souhait de jouer, dans la mesure de nos humbles moyens, le rôle de l’avocat du diable10. Aussi avons-nous décidé, à notre tour, de contribuer, à une meilleure connaissance de certains aspects de « la vie, l’œuvre et la pensée de Raoul Follereau » que ce satellite de la Fondation Raoul Follereau entend « promouvoir et donner en exemple ». Initialement historique, notre démarche s’est éto ée par la suite, car nous avons découvert d’importantes anomalies relatives au fonctionnement actuel et/ou récent de la Fondation Raoul Follereau, anomalies que nous révélons également dans ce livre. 7. Déclaration de création du Mouvement pour la glori cation de Raoul et Madeleine Follereau du 3 juin 2009, parue le 27 juin 2009 au Journal O ciel des Associations. http://www.journal-o ciel.gouv.fr/association/index.php?ACTION=Rechercher&HI_ PAGE=1&HI_COMPTEUR=0&original_method=get&WHAT=&JTH_ID=&JAN_BD_ CP=&JRE_ID=&JAN_LIEU_DECL=&JTY_ID=&JTY_WALDEC=W751200322&JTY_ SIREN=&JPA_D_D=&JPA_D_F=&rechercher.x=19&rechercher. 8. André Récipon, 6 décembre 1997, in Raoul Follereau (1903-1977) – Une voix qui résonne encore, éditions Fondation Raoul Follereau, 1998, page 14. 9. http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/la-vie-spirituelle/saintete-et- saints/beati cation-et-canonisation-.html. 10. En droit canon, l’avocat du diable était le surnom du clerc (nommé en réalité promoteur de la foi) chargé de présenter les objections s’opposant à la canonisation d’un catholique. Depuis 1983, ce rôle est désormais dévolu au Promoteur de Justice. p. 11
  • 11. Fondation Raoul Follereau Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, nous souhaitons nous adresser tout particulièrement aux amis, sympathisants, salariés et donateurs de la Fondation Raoul Follereau. p. 12
  • 12. La contre - enquête Bâtir sa maison sur le roc Nous savons que Raoul Follereau, malgré tout ce que nous pourrons écrire dans les prochaines pages, a sensibilisé des cœurs et des esprits à certains drames de l’humanité. Nous savons qu’à l’appel de Raoul Follereau, des bonnes volontés se sont levées par milliers à travers le monde avec l’objectif sincère d’aimer leur prochain. Nous n’entendons pas contester les aspects positifs de l’œuvre réalisée, jour après jour, par les bénévoles et les salariés de bonne foi de la Fondation Raoul Follereau. Nous n’entendons pas critiquer ces hommes et ces femmes qui, en France, en Afrique ou ailleurs, consacrent leur énergie à rendre notre monde meilleur. À toutes celles et à tous ceux qui se dévouent, de bonne foi, à la di usion d’une authentique fraternité humaine, nous exprimons tout notre respect et notre entière considération. À toutes celles et à tous ceux qui s’attachent à répandre la charité chrétienne partout où ils se trouvent, nous les assurons de notre soutien et de nos prières. Pour autant, nous estimons qu’aucun mérite, aucune gloire, ne permet de justi er ce que notre contre-enquête entend révéler. Une maison, pour durer, doit être bâtie sur le roc. Or, il apparaît que, selon nous, certains épisodes qui ont jalonnés les cinquante années que Raoul Follereau prétend avoir dédiées « au service des lépreux11 » présentent des facettes particulièrement discutables. Tant que « la vie, l’œuvre et la pensée » de Raoul Follereau ne seront pas, une bonne fois pour toutes, expurgées de ces scories, nul ne pourra parler en son nom, de façon crédible, d’Amour et de Charité, a fortiori s’il s’agit de le canoniser. 11. « Cinquante années au service des lépreux : cinquante souvenirs » est le titre du livre testament écrit par Raoul Follereau à la n de sa vie et publié chez Flammarion après sa mort en 1977. http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345995215/PUBLIC. p. 13
  • 13. Fondation Raoul Follereau Cela concerne en premier lieu les dirigeants de la Fondation Raoul Follereau, qu’ils le soient devenus du fait de leurs mérites, de leurs connivences idéologiques ou de leur seule naissance12. Nous savons que nos propos risquent de susciter des chamboulements douloureux dans le cœur de ceux qui ont cru dans le message de Charité proclamé par Raoul Follereau. Certains refuseront de regarder la vérité en face et rejetteront nos arguments sans même les avoir lus. Ceux-là auront vite fait de trouver un prétexte quelconque derrière lequel mettre à l’abri leurs certitudes. À ceux là, nous dirons que « personne n’aime à être un messager de malheur » et que c’est bien l’auteur du crime qui blesse l’âme et non le messager qui en di use la nouvelle13. Certains, dans un sens diamétralement opposé, estimeront avoir été trompés voire trahis. Ils en retireront un fort ressentiment qui pourra aller jusqu’à tout rejeter d’un bloc. À ceux là, nous dirons qu’ils sont victimes avant d’être coupables et que c’est la Charité qui doit faire taire le vice, et non l’inverse. En n, les derniers, que nous espérons être les plus nombreux, regarderont avec lucidité les travers que nous dénonçons, mais resteront acquis à l’idée que l’aventure suscitée par Raoul Follereau peut demeurer globalement positive à condition, toutefois, d’accomplir en conscience un travail d’analyse – une sorte de droit d’inventaire – qui leur permettra de reconstruire cette grande œuvre de Charité sur des fondations renouvelées, assainies et donc, renforcées. Raoul Follereau a beaucoup parlé ; il a beaucoup agit ; il a beau- coup écrit. Sa vie est le miroir des épreuves de son temps avec ses aspérités et ses dilemmes cornéliens. Raoul Follereau n’en reste pas moins un homme qui restera dans les mémoires. Certains de ses actes, écrits ou idées sont remarquables. Le nier serait malhonnête. Tout comme il serait malhonnête de nier le fait que certains de ses actes, écrits ou idées sont abominables. 12. En 1992, André Récipon place son ls Michel à la tête de l’Association Française Raoul-Follereau (future Fondation Raoul Follereau) car il considère que lui et ses descendants ont reçu pour héritage de poursuivre l’œuvre de Raoul Follereau (cf. infra la section Une fondation verrouillée de l’intérieur). 13. Cf. les échanges entre Créon et Le Gardien dans Antigone de Sophocle. p. 14
  • 14. La contre - enquête Notre vœu le plus cher serait que la Fondation Raoul Follereau se dote d’hommes et de femmes capables de mettre un terme dé nitif aux errements idéologiques du passé et d’embrasser leurs missions caritatives dans la lumière, la vérité et la transparence. Ses dirigeants actuels sont-ils de ceux-là ? Qui sait ? À Dieu, rien d’impossible. p. 15
  • 15. Fondation Raoul Follereau Les faces cachées de Raoul Follereau Quelques mots sur la biographie d’Étienne Thévenin Nous ne pouvons pas entamer cette partie historique de notre contre-enquête sans parler de la biographie écrite par Étienne Thévenin, Raoul Follereau, Hier et aujourd’hui14. Elle a constitué la base de départ de nos travaux. Pour autant, notre opinion à son égard est très partagée. D’un côté, nous reconnaissons à Étienne Thévenin le mérite d’avoir été le premier historien à tenter d’aborder la vie de Raoul Follereau de façon scienti que. Nous devons dire et souligner qu’il l’a fait avec des compétences qui sont incontestables. Il aborde donc un certain nombre d’éléments qui caractérisent « la vie, l’œuvre et la pensée » de Raoul Follereau. Certes. D’un autre côté, son traitement des informations collectées suscite d’importantes réserves de notre part. Certaines informations, pourtant disponibles, semblent avoir été écartées. Nous regrettons notamment la multiplication de suppositions particulièrement atteuses mais qui, hélas, ne sont assorties d’aucun commencement de preuve et ne sont le fruit que d'une conviction personnelle de l'auteur15. Peut-être qu’un jour, certaines de ces intuitions seront validées, mais, en attendant, leur récurrence altère en profondeur la qualité de son travail et jette un soupçon de partialité voire de courtisanerie sur sa biographie. 14. Éditions Fayard, 1992. 15. Raoul Follereau agent secret, Raoul Follereau conseiller du prince, Raoul Follereau résistant, Raoul Follereau détenteur de secrets d’État mais-qu’il-n’a-jamais-pu-dévoiler, Raoul Follereau sauveur de juifs, Raoul Follereau inspirateur de tel ou tel grand nom du XXe siècle, Raoul Follereau ceci, Raoul Follereau cela : Étienne Thévenin multiplie les conditionnels atteurs, les « peut-être » élogieux, les « sans doute » et autres « probablement » toujours favorables à son sujet … p. 16
  • 16. La contre - enquête Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à ressentir un malaise à la lecture de son ouvrage : « Quel dommage qu’É.Thévenin se soit laissé aussi complètement prendre aux pièges de l’hagiographie la plus naïve ! Il n’y a, dans son livre, d’autres visions que celle de Follereau lui-même. (…) Il n’est de bien que français et catholique (…) on ne peut lire sans un certain malaise le palmarès des vivants, qui retient certes des critères humanitaires, mais aussi, de toute évidence, les critères idéologiques qui sont ceux de Raoul Follereau16. » Nous regrettons également une pratique, excessive à nos yeux, du name-dropping. Par« name-dropping », nous désignons la démarche qui consiste à tenter de faire rejaillir sur Raoul Follereau la notoriété de quelqu’un de favorablement reconnu (Abbé Pierre, Mère Térésa, etc.) à l’aide de liens, comparaisons ou analogies à la pertinence discutable. Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous référerons souvent au contenu brut de cette biographie (dates, événements, extraits, citations, etc) mais, en ce qui concerne l’analyse et l’interprétation, nous tiendrons nos propres raisonnements. Nous signalons en n à nos lecteurs avoir échangé à plusieurs reprises par mail avec Étienne Thévenin. Par courtoisie, nous lui avons proposé de réagir à nos recherches historiques au sein même de ce livre. Vous trouverez sa réponse à la n de la première partie. 16. Pierre Guillaume. Thévenin Étienne, Raoul Follereau, hier et aujourd’hui, Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 1993, vol. 37, n° 1, pp. 182-183. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1993_ num_37_1_2663_t1_0182_0000_2 p. 17
  • 17. Fondation Raoul Follereau Contexte historique de Raoul Follereau Nous l’avons déjà dit : notre contre enquête ne prétend pas être une leçon d’Histoire. Elle ne prétend pas non plus traiter « la vie, la pensée et l’œuvre » de Raoul Follereau de façon exhaustive. Nous entendons proposer des focus précis sur certains passages de la vie de Raoul Follereau qui n’apparaissent pas – ou apparaissent de façon tronquée ou déformée, selon nous – dans les autres versions de son histoire proposée par d’autres, dont la Fondation Raoul Follereau17. Néanmoins, pour aborder les aspects que nous entendons révéler, nous devons replacer le parcours humain et politique de Raoul Follereau dans le contexte de son époque. *** Raoul Follereau est né en 1903 dans une France secouée par divers soubresauts. Au moins six traumatismes permettent de mieux comprendre les événements de cette époque de façon générale, et les choix de Raoul Follereau, en particulier. Tout d’abord, la forme républicaine du gouvernement était, en France et au début du XXe siècle, une conception politique nouvelle dans sa concrétisation : les Ie et IIe République ne fonctionnèrent que peu de temps et, qui plus est, lors de périodes particulièrement troublées (1792, 1848). En outre, cette forme de gouvernement était quasiment unique en Europe. Même en France, l’Assemblée Nationale de 1871 comptait une très confortable majorité de députés opposés à la République : les deux tiers de la représentation nationale étaient de sensibilité tantôt légitimiste, tantôt orléaniste, tantôt, dans une 17. Cf. les dossiers de presse di usés chaque année à l’occasion des journées mondiales des lépreux, les documents papier di usés massivement, les vidéos o cielles disponible sur Youtube, la mini-biographie « o cielle », les interviews, etc. http://www.youtube.com/watch?v=sG8nOdE1W-U http://www.scribd.com/doc/49951216/FRF-Follereau-Petite-Bio p. 18
  • 18. Version limitée. La version complète chez votre libraire ou sur internet http://www.golias.fr/
  • 19. Fondation Raoul Follereau Le maurrassien L’attachement de Raoul Follereau à la pensée de Charles Maurras en particulier, et à celle développée dans le cadre du quotidien L’Action française en général, ne fait aucun doute. Nous abordons dès maintenant cette dimension de « la vie, l’œuvre et la pensée » de Raoul Follereau car nous estimons qu’elle constitue une grille de lecture générale et indispensable, selon nous, pour appréhender Raoul Follereau avec pertinence. « Raoul Follereau fait siennes la plupart des indignations nationalistes et antirépublicaines de L’Action française. Il est profondément imprégné de l’œuvre, de la méthode et des concepts de Maurras. Il lit L’Action française dont il apprécie le ton polémique, les analyses politiques, et les pages littéraires et artistiques, lesquelles sont rédigées avec le plus grand soin. » « Maurras est indéniablement le « Maître à penser » du jeune Raoul Follereau » 19 Raoul Follereau « s’inscrit dans la mouvance de L’Action française. Il fait siens la plupart de ses concepts20 ». Étienne Thévenin va même jusqu’à parler, concernant Charles Maurras, d’un « père spirituel » pour Raoul Follereau21. Compte tenu de la proximité idéologique qui existe entre Raoul Follereau et Charles Maurras, il nous semble essentiel de présenter ici certaines caractéristiques du maurrassisme 22. *** 19. Étienne Thévenin, op. cit. page 30 20. Étienne Thévenin, op. cit. page 52 21. Étienne Thévenin, op. cit. page 223 22. Cf. Marie Lan Nguyen, Historique de L’Action française http://www.scribd.com/ doc/22779519/Historique-de-l-Action-francaise-Marie-Lan-Nguyen Cf. également une analyse critique de l’œuvre de Charles Maurras par Alain de Benoist http://www.alaindebenoist.com/pdf/entretien_charles_maurras.pdf p. 22
  • 20. Version limitée. La version complète chez votre libraire ou sur internet http://www.golias.fr/
  • 21. Fondation Raoul Follereau La perte de l’innocence En septembre 1920, Raoul Follereau quitte Nevers où il est né dix- sept ans plus tôt. Il s’inscrit alors en facultés de droit et de philosophie de Paris. À cette époque, L’Action française règne en maître sur le quartier latin. Néanmoins, Raoul Follereau ne semble pas avoir été immédiatement sous son emprise. En e et, nous disposons du texte d’une conférence que Raoul Follereau anima à Paris, le 10 juin 1923 62 : elle s’intitule Dieu est Amour 63. Nous y découvrons un Raoul Follereau encore intact, et dont la candide innocence le rend presque touchant : sa description des révolutionnaires de 1792 portant l’« Amour-Foi » et « l’écho de la Parole de Dieu » aux quatre coins de l’Europe pour sauver le Monde relève d’une lecture bien naïve de l’Histoire de France et, à ce titre, aurait pu faire défaillir Maurras le contre-révolutionnaire s’il avait été dans la salle : « Le Moyen-Âge, la noble Chevalerie, la Renaissance naissent, vivent, meurent, laissant leur œuvre féconde. Puis le souvenir des siècles s’e ace. L’orgueil renait qui paralyse les meilleurs élans. On croit trop à l’esprit, le cœur ne bat plus guère. L’injustice remonte sur le trône et cyniquement triomphe. Alors c’est Louis XIV et ses guerres folles, c’est Louis XV et sa faiblesse. Les sceptiques, ces faux croyants, sont les maîtres de l’heure. On ne croit plus. Sans l’amour, que va devenir la terre ? La vieille Europe est toute branlante et menace ruine. On le sent ; la n est proche. Alors ? Alors, un peuple se lève ; un peuple, le plus beau, le plus grand: Nous ! Et nos pères se lancent à la conquête de l’amour perdu. À l’autel de la Patrie, ils cueillent leur Idéal, et leur enthousiasme allume le monde. Et que crient-ils ? « Fraternité ! » « Fraternité ! » crie la Révolution française, 62. Selon l’histoire o cielle de Raoul Follereau, celle di usée par la Fondation Raoul Follereau, cette conférence aurait été tenue par Raoul Follereau, dès l’âge de 15 ans à Nevers. Nous n’avons trouvé aucun document objectif de l’époque qui le prouve. Or, compte tenu de la propension de Raoul Follereau et de ses héritiers à réécrire sa vie, nous ne pouvons pas valider une telle allégation sans preuve irréfutable. En revanche, nous avons bien trouvé une trace certi ant la date de 1923 : voir Le Pionnier, juin 1923 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56010245/f9 63. Raoul Follereau, Dieu est Amour, Œuvres Complètes de Raoul Follereau – Les Conférences, éditions Fondation Raoul Follereau, 1992, page 7 p. 36
  • 22. Version limitée. La version complète chez votre libraire ou sur internet http://www.golias.fr/
  • 23. La contre - enquête Le réactionnaire national-catholique Nous connaissons les idées politiques de Raoul Follereau grâce aux nombreuses conférences qu’il anima dans le cadre de sa Ligue d’Union latine. Deux d’entre elles ont été publiées par la Fondation Raoul Follereau en 2002 : - « Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre » ? Cette conférence se tint à de très nombreuses reprises en France et à l’étranger. Le texte dont nous disposons daterait du 6 mars 1930. - « Le sourire de la France » Cette conférence se tint pour la première fois le 2 octobre 1930. Raoul Follereau souhaitait se rendre en Amérique du Sud ; il a organisé cette conférence dans le but de collecter les fonds nécessaires au nancement de son voyage 89 (et oui … déjà !). Nous rajoutons à ces deux sources documentaires une troisième : La trahison de l’intelligence. Il ne s’agit pas d’une conférence, mais d’un livre, publié en 1936 90. Il est possible que le Raoul Follereau de 1936 soit plus radical encore que le Raoul Follereau de 1930. Néanmoins, ces trois sources restent très cohérentes les unes par rapport aux autres : si le propos est plus acerbe en 1936, il est nettement présent dès 1930. Raoul Follereau diagnostique une crise d’idéal de la société française : 89. C’est André Récipon en personne qui l’écrit : « Raoul Follereau eut l’idée de cette conférence avant son départ a n de recueillir les premiers fonds pour payer son voyage et pro ter du patronage pour se faire connaître et faire connaître la Jeune Académie, la Ligue d’Union latine et ses idées. Il montre ainsi qu’il avait un sens profond de ce que l’on nomme aujourd’hui la communication et qu’à l’époque on nommait faire sa réclame » André Récipon, Œuvres complètes de Raoul Follereau – Les Conférences, éditions Fondation Raoul Follereau, 1992, page 56 90. Raoul Follereau lui-même reconnut l’échec éditorial de ce livre : André Récipon écrivit en 2002 « Lorsque ce livre paraît en 1936, il reçoit un accueil mitigé. Dix ans plus tard, je le découvrirai dans la bibliothèque de mon beau-père, il me passionnera, et quand je lui en parlerai, Raoul Follereau me répondra que j’avais été un de ses rares lecteurs. » André Récipon, Les Livres A, op. cit. page 71 p. 43
  • 24. Fondation Raoul Follereau « Un peuple (…) triste d’un ennui qui paraissait incurable. (…) la jeunesse ne rit plus (…) la jeunesse est pensive, agitée, inquiète. (…) il manque quelque chose à ces jeunes gens. (…) Ce quelque chose, c’est l’Idéal 91. » Il analyse cette crise d’idéal comme la conséquence de la laïcisation de la France et de la perte du sens de Dieu et de la Patrie : « L’homme n’aura pas, n’aura jamais de bonheur, s’il ne le cherche au dessus de lui. (…) c’est d’en haut que vient la lumière et la paix et la joie 92. » « Dieu est une nécessité philosophique qu’on ne saurait honnêtement écarter 93.» « La Société, en se privant volontairement du secours de Dieu, est incapable, sauf par la force, de maîtriser l’individu 94. » « La science et l’humanité sont devenues des dieux nouveaux (…) des dieux civils (…) des dieux tristes, on a cru pouvoir faire un bonheur laïque 95. » « Au nom delà science, du progrès, de l’humanité, on a arraché de nos cœurs l’idée de Dieu ; on est en train de nous anesthésier l’amour de la Patrie 96. » « L’ordre de Lénine, ce Moïse rouge, était clair (…) : détruire les deux forces qui, dans chaque individu, o rent la plus grande résistance, (…) la FOI et le PATRIOTISME 97. » 98 « Le bolchevisme s’est attaché à ruiner dans l’esprit de chacun la notion naturelle, sainte et sacrée du patriotisme. Ainsi sont nés ce paci sme, ces objections de conscience, toutes ces idéologies pitoyables et meurtrières qui trouvèrent trop fréquemment des oreilles et des cœurs complaisants99. » 91. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 63 92. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 40 93. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, Œuvres complètes de Raoul Follereau – Les Livres A, édition Fondation Raoul Follereau, 1992, page 106 94. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 101 95. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 39 96. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 38 97. En majuscules dans le texte 98. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151 99. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 152 p. 44
  • 25. La contre - enquête Raoul Follereau déplore qu’une crise de conscience morale découle naturellement de cette crise d’idéal : « Crise d’apathie morale, de jouissance matérielle », « l’envie de vivre et de jouir immédiatement 100. » « On est arrivé à un égoïsme cruel, à un cynisme inconscient, à des plaisirs sans joie. Nulle part on n’a trouvé le bonheur. Parce que le bonheur est partir avec les grandes idées mortes101. » « Nous nous dressons contre toutes les anarchies mentales, contre toutes les dissolutions de mœurs aussi, notre position sera violente contre la pornographie102. » La pornographie 103 « est, avant tout sombre, bête et stupide, bête et bestiale et malpropre au sens physique du mot. Elle nous fait horreur et plus encore, elle nous dégoûte parce qu’elle est la plus avilissante anarchie » 104. « Ceux qui, dans des buts de lucre, font un commerce éhonté de basse pornographie, attant pour atteindre au gros tirages les appétits les plus vifs, sèment ainsi dans les jeunes âmes les poisons abominables et font en n à notre pays un tort immense et parfois irréparable. La position que j’occupe parmi les jeunes poètes, mes collaborateurs et mes amis, m’a permis de dénombrer les tragédies domestiques et les drames spirituels causés par cette absinthe de voyou 105. » « Il paraît qu’on ne peut légalement rien contre ces commerçants qui s’enrichissent aux dépens de la santé morale de la Patrie106. » « Notre œuvre de clarté (…) sera en même temps une œuvre d’hygiène, de salubrité morale 107. » 100. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 63. 101. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 39. 102. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 72. 103. Dans la bouche de Raoul Follereau, le mot pornographie n’a pas le même sens que de nos jours. À l’époque, Raoul Follereau désignait par ce terme les œuvres artistiques ou littéraires contraire aux bonnes mœurs de l’époque. Par exemple, Raoul Follereau avait été ulcéré par un livre de Victor Margueritte, La Garçonne, qui avait été un important succès de librairie malgré des thématiques jugées licencieuses pour les critères de l’époque. 104. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73. 105. Raoul Follereau, émission radiophonique du 20 novembre 1932, in Étienne Thévenin, op. cit. page 57. 106. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 83. 107. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73. p. 45
  • 26. Fondation Raoul Follereau Ces crises d’idéal et, subséquemment, morales « entravent le développement et l’essor de la pensée humaine » 108 : « Crise d’idéal, crise de conscience morale ont douloureusement étreint les cerveaux 109. » Face à cette situation, Raoul Follereau préconise sa solution : la latinité. « C’est (…) un remède philosophique qui est nécessaire (…). Nous croyons trouver ce remède (…) dans un réveil de l’esprit latin 110. » « Il y a donc possibilité certaine, en face de l’anarchie qui monte et de la dissolution des énergies et des mœurs, de recréer cet esprit latin111. » « Il est d’évidence que la latinité (…) est la suprême formule de la civilisation ; que rien, sans elle ne fut constructif, qu’elle fut la mère naturelle ou d’adoption des plus grands génies et que les plus grands chefs d’œuvres naquirent à son ombre112. » « Qu’on le veuille ou non, aucune autre forme d’esprit, si séduisante soit-elle d’abord, n’a tellement bâti pour l’avenir. La plupart des thèses (et des exemples récents sont là qui nous éclairent) furent destructrices, ce qui est facile, mais ne surent point refaire la maison du bonheur113. » « Nous voulons défendre cette culture et cette civilisation à laquelle la France doit sa grandeur et sa magni cence, (…) le plus pur et le plus beau ambeau qui ait jamais brillé sur le monde114. » Pour Raoul Follereau, le retour de cet esprit latin permettra de rendre à la France sa suprématie vis-à-vis des autres nations. « La France (…) trouvera en cette action latine l’occasion d’être, une fois de plus, à la tête des peuples115. » « Faire revivre l’esprit latin, (…) c’est redonner à la France un titre nouveau à la royauté spirituelle du monde 116. » Pour Raoul Follereau, la latinité, c’est avant tout l’ordre, la clarté et la discipline : « On peut, à notre sens, la dé nir [la latinité] d’un seul 108. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68 109. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 85 110. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68 111. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70 112. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68 113. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 68 114. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 78 115. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 83 116. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 84 p. 46
  • 27. La contre - enquête mot : ordre. L’ordre est sa marque dominante, son caractère essentiel. Il est la raison d’être de sa pérennité. (…) il est aussi ce qui manque le plus au monde de l’après-guerre117. » « L’Ordre, c’est la clarté et la discipline 118. » Les produits de la latinité sont « hiérarchie, ordre, clarté et vertus morales : désintéressement, dévouement119 ». Face à la latinité, il ne peut y avoir que l’anarchie. Entre les deux, aucun compromis n’est possible : « Il faut le dire, le répéter et le redire encore : (…) tout, au monde de la pensée, va à ces deux pôles d’attraction et se résorbe en n en ces deux éléments naturels : l’ordre et l’anarchie120. » «Les bien-pensants sont devenus des rien-pensants. Au lieu d’être charitables, ils sont devenus modérés, libéraux, comme si la vérité supportait un marchandage, un compromis ou une atténuation. Sous prétexte de concilier, ils ont déserté, ils ont renié121. » La conséquence de la tiédeur des modérés et des bien-pensants, c’est l’anarchie et donc, le bolchevisme : « La plus récente création politique née de ces erreurs et de ces malheurs, c’est le bolchevisme122 (…) » « Ce qu’il importe donc, c’est de donner au monde un certain nombre de principes d’ordre, de clarté et de justice qui puissent être communs (…). Sinon, on va à l’anarchie. Et l’anarchie porte aujourd’hui un nom social : le bolchevisme 123. » « Les heures qui passent aggravent et précisent le tragique dilemme où se débat le monde : Ordre ou anarchie, civilisation ou barbarie, chrétienté ou bolchevisme. Il n’est plus possible de tergiverser, d’échafauder des compromis médiocres et lâches, il faut choisir, il faut décider 124. » Raoul Follereau anticipe la future devise du régime de Vichy, Travail – Famille – Patrie (Idéal, sous la plume de Follereau) : 117. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70 ; Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 146. 118. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 147. 119. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 123. 120. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 74 ; Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151. 121. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 94. 122. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 94. 123. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 150. 124. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151. p. 47
  • 28. Fondation Raoul Follereau « Pro aris et focis : pour la famille, temple et gardienne des nations, pour le travail et toutes ses saines joies (…), pour ce que donnent, plus fort que tous les forts du monde, la Foi et l’Idéal, (…) nous vous appelons au travail125. » Raoul Follereau dénonce les acquis de la Révolution Française de 1789 qui, selon lui, mènent droit au désordre et, donc, au communisme, cette « nouvelle géhenne 126 » : « On saisit immédiatement que notre position dé nitive, en ces trois termes, ORDRE, CLARTE, DISCIPLINE 127, est essentiellement anti- révolutionnaire128.» « Il faut battre en brèche les théories généreuses au premier abord et cruelles quant au fond, qui forment la base même de rêves trop faciles. Les hommes ne naissent pas égaux ; ils ne le deviennent, ni ne le demeurent129. » « La Liberté a supprimé les libertés. L’Égalité a engendré la médiocrité. La Fraternité, depuis cent cinquante ans qu’on la proclame sur les mairies de France, a vu passer quatre révolutions, une bonne douzaine de guerre, d’innombrables émeutes et grèves de toutes sortes130. » « On ne peut que sourire en songeant que c’est au nom de la liberté que fut élevée cette nouvelle géhenne [le communisme]. Et que la fameuse Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a servi de fondation à cette prison modèle131. » « Il faut le dire. Si le bolchevisme a pu parfois provoquer ses ravages, c’est qu’il a trouvé devant lui des âmes en état de moindre résistance, des âmes anémiées, énervées par un siècle de sot positivisme et de matérialisme stérile et décevant. Le bolchevisme n’est que la hyène qui achève l’agonisant pour se repaître du cadavre. Les assassins de l’homme sont de plus ancienne lignée132 . » 125. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 75 ; Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151. 126. Terme biblique désignant un lieu de tortures et d’abominations, l’Enfer. 127. En majuscules dans le texte original. 128. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 72. 129. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 71 ; Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 147. 130. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 92. 131. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 96. 132. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 103. p. 48
  • 29. La contre - enquête « (…) jamais peut-être, de plus grands dangers n’ont menacé l’âme profonde des peuples. Trompés, endormis (…), les esprits ont insensiblement dévié de la route logique et naturelle de l’Ordre. (…) Des germes sournois, au masque de généreuses idéologies, s’y sont in ltrés et fermentent gravement. Faire revivre l’esprit latin, c’est dissiper ces miasmes et ces malaises. (…) 133 » Raoul Follereau s’oppose à la démocratie ; il considère qu’une nation doit être menée par une élite et que les poètes appartiennent à cette élite : « La nécessité d’une élite est pour une nation une question capitale. Le pays doit penser par elle, et vouloir par elle. (…) Le cerveau d’un peuple est nécessaire, mais il ne doit pas tenir le corps tout entier. Une planète de penseurs mourrait de faim 134. » « Le poète a à remplir un rôle éminent et grave, il est, en quelque sorte, et plus que tous les hommes d’action, un conducteur, un chef, un guide d’âme135. » « L’individualisme sentimental d’un Jean-Jacques Rousseau n’est pas seulement une lourde utopie, mais un danger public136. » Raoul Follereau croit en la « France réelle » de Charles Maurras ; il dénonce les ennemis de l’intérieur, ces agents de l’Anti-France que sont les étrangers, les juifs, les protestants, les communistes, les francs-maçons, etc. : « J’ai cité Freud, j’eus pu en citer d’autres. Je n’ai rien contre cet étranger, sinon qu’il est étranger, et dangereux comme tel 137. » « Les caractéristiques du Barbare ainsi dé nies sont celles de la philosophie germanique toute entière. Le Germanisme (…) est né d’une révolte. Il est né de l’insurrection d’un individu contre le pouvoir établi ; son père est Luther et son premier acte fut la destruction de la Bulle du pape romain. (…) L’esprit germain, né d’une révolte, ne peut vivre que de la révolte et de la violence138. » 133. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 84. 134. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 71 ; Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 106. 135. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 37. 136. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 123. 137. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70. 138. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 116. p. 49
  • 30. Fondation Raoul Follereau « (…) admettre Luther, c’est attendre Lénine139. » « Lénine, ce Moïse140 rouge141. » Raoul Follereau conçoit l’Art comme un outil de propagande au service d’une idéologie politique : « On sait le pouvoir inouï de di usion de ce nouveau mode d’art [le cinéma], et combien il saura être utile à une juste cause142. » « Cette œuvre d’union latine et de propagande française, nous la poursuivrons, nous la poursuivrons par tous les moyens143. » « Nous croyons aussi que c’est par l’Art qu’on donnera le premier sens esthétique et moral à la foule144. » « Il nous [aux poètes] appartient de redonner au monde ce goût de l’idéal 145. » Pour Raoul Follereau, seules comptent « non pas les pas redoublés médiocres ou les valses faciles d’un répertoire sans art comme sans âme, mais les œuvres ayant une portée artistique et un sens moral (…)146 » L’Art, dans une acceptation conservatrice et réactionnaire, est le moyen de régénérer le public : en matière artistique, « notre intention première est de ne point rompre avec la tradition. Nous ne sommes pas révolutionnaires et nous n’aimons pas ce mot147. » Raoul Follereau s’insurge contre les « excès cubistes, dadaïstes ou autres qui seront la risée de nos petits-enfants. « Originaux, personnels, audacieux », dit-on autour de nous. « Ignorants, ignorants, ignorants » répond déjà l’écho. Ces gens-là peignent sans savoir, sculptent sans savoir, écrivent sans savoir, composent sans savoir. Leur prétendue audace masque leur impuissance. (…) Que (les) parodies ridicules (de ces 139. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 74. 140. Nous reviendrons ultérieurement dans ce livre sur l’antisémitisme de Raoul Follereau : cf. infra la section L’antisémite. 141. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 152. 142. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 77 ; Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 45. 143. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 49. 144. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73. 145. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 43. 146. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 73. 147. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 72 ; Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 34. p. 50
  • 31. La contre - enquête cerveaux malades ou facétieux) aient pu – un instant – soutenir l’attention des hommes, causera un fou rire inextinguible à la postérité »148. « Le snobisme qui a poussé, ces dernières années surtout, tant de natures généreusement douées à produire des œuvres absconses pour le sadique plaisir de faire du neuf à tout prix et pour épater le populo est un des produits les plus répugnants de la bêtise humaine149. » « Plus de charabia, plus de jargon dit artistique. Plus de théorèmes absurdes de pensées, tels sous le signe de Freud ou de quelque autre esprit, brillant sans doute, mais très nuisible, et qui donnent lieu à des digressions de trois heures d’épouvantable ennui, qu’on appelle le théâtre moderne150. » Raoul Follereau condamne avec véhémence ce qu’il considère être les excès du romantisme : « Nous n’avaliserons pas ce mouvement dans son entier [le romantisme], à cause de ses excès, justement, parce que parfois le règne du cœur a tourné au règne du vermouth cassis, parce que nous n’avons pas d’estime spéciale ni d’admiration spontanée pour les lles publiques, et que nous voulons toujours raison garder (…). De même que nous ne voyons pas l’utilité première d’élever des statues aux alcooliques ou aux noceurs, nous ne tirons aucune gloire d’être poitrinaire, et fuirons, comme il convient, cette horrible dignité151. » Ouvrons au passage une courte parenthèse pour noter que ces derniers extraits n’empêchent pas Étienne Thévenin d’écrire : « Tout au long de sa vie d’écrivain et de conférencier, Raoul Follereau se refusera à condamner les individus, ce sont les comportements démoniaques qu’il dénoncera » ou « À aucun moment, il [Raoul Follereau] ne recourt à l’insulte »152. Relevons, au passage, la quali cation de « démoniaque » donnée par Étienne Thévenin. Pour un catholique, cet adjectif n’est pas qu’un e et de style : il désigne l’œuvre du Mal, de Lucifer et de Satan. Le point mérite un court développement car cet adjectif de 148. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 67. 149. Raoul Follereau, émission de radio du 20 novembre 1932, in Étienne Thévenin, op. cit. page 56. 150. Raoul Follereau, Le sourire de la France, op. cit. page 70. 151. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 35. 152. Étienne Thévenin, op. cit. page 130. p. 51
  • 32. Fondation Raoul Follereau « démoniaque » est riche de sens et illustre bien les convictions de certains nationaux-catholiques traditionnalistes voire intégristes : comme ces gens sont intimement convaincus que la France, lle aînée de l'Église, est la volonté du Dieu Tout Puissant, toute force contraire ne peut être, inéluctablement, que démoniaque, puisqu'opposée au projet de Dieu pour la France. De ce fait, tout comme Pie XI fut voué aux gémonies après qu'il eut condamné l'Action française en 1926, tout ce qui est l'Anti-France ne peut être qu'Anti-Dieu et donc, démoniaque. Chacun appréciera. Au travers de ces quelques extraits, il est possible de constater les points de convergence idéologique entre Raoul Follereau et Charles Maurras. Nous y retrouvons la même horreur des principes des Lumières portés, entre autre, par la Révolution française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, la même fascination pour la civilisation gréco-romaine porteuse d’un fantasmatique « esprit latin », la même paranoïa haineuse des « agents de l’Anti-France » soupçonnés de comploter contre la vraie France, le même rejet des idées libérales et/ou modernes, la même obsession pour l’ordre, la hiérarchie ou la discipline, toutes trois érigées en vertus cardinales héritées de la latinité dont la France serait l'auguste héritière, etc. Raoul Follereau ressemble également à Charles Maurras par le manichéisme et la radicalité de ses convictions politiques. Tout semble fonctionner chez lui par blocs de granit idéologiques qui ne laissent aucun espace disponible pour une opinion consensuelle ou pondérée : il multiplie les propos tranchés, absolus et dé nitifs et ne semble pas imaginer que les idées qu’il combat puissent véhiculer le moindre aspect positif 153. À l’inverse, les conceptions politiques que Raoul Follereau promeut sont magni ées et ne semblent sou rir d’aucun défaut. *** 153. Son rejet typiquement maurrassien de l’esprit germain et des penseurs anglo- saxons en est l’exemple le plus agrant. D’ailleurs, dans La trahison de l’intelligence, Raoul Follereau se montre incapable de reconnaître un seul mérite aux piliers de la culture allemande ou anglo-saxonne : les grands auteurs étrangers ne sont favorablement cités par Raoul Follereau que lorsqu'ils vantent la langue française ou la culture latine. p. 52
  • 33. La contre - enquête La dimension catholique de sa doctrine suscite également bien des questions. Ainsi, le mimétisme idéologique de Raoul Follereau vis- à-vis de Charles Maurras doit être approfondi au regard, notamment, de la condamnation ponti cale de 1926. Ce point mérite toute notre attention car il semble capital pour l’aboutissement favorable des procédures de reconnaissance de sainteté de Raoul Follereau. C’est pourquoi nous publions sur notre site internet (http://follereau-entre-ombre-et-lumiere.over-blog. com/) di érents documents relatifs à la condamnation ponti cale de l’Action Française de 1926 : nous y trouvons de nombreux points de convergence entre les reproches faits à la doctrine maurassienne et ceux qui pourraient être faits à la doctrine de Raoul Follereau. Comment, en e et, ne pas considérer son militantisme catholique « ultra » comme un outil au service d’un projet politique lorsqu’il écrit « Dieu est une nécessité philosophique qu’on ne saurait honnêtement écarter »154. Ce choix des mots « Dieu est une nécessité philosophique » – tout à fait volontaire de la part d’un homme de lettres comme Raoul Follereau – est pour le moins intriguant : réduire Dieu à une nécessité philosophique est une démarche profondément utilitariste du fait religieux et contraire à la foi chrétienne ; cela pose la question de la sincérité de la foi catholique de Raoul Follereau. Dans le même ordre d’idées, l’a rmation « La Société, en se privant volontairement du secours de Dieu, est incapable, sauf par la force, de maîtriser l’individu 155 » présente le même travers puisqu'elle conduit à considérer Dieu à proportion de l’utilité sociologique attendue de lui. En n, le vœu « Que notre orgueil unique soit de servir en tout, partout, avec raison, avec ivresse, les destins glorieux et doux de la Patrie, et la cause sacrée des Hommes 156 » contribue également à s’interroger sur la sacralisation excessive des vertus patriotiques dans la doctrine de Raoul Follereau car il présente le risque de conduire à un amour immodéré de la Patrie déjà dénoncé par le Pape Pie XI dès 1922. De façon générale, nous nous posons la question : dans quelle mesure Raoul Follereau ne considère-t-il pas le catholicisme comme nécessaire pour assurer l’Ordre, qui, selon lui, est la caractéristique de la civilisation latine ? 154. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 106. 155. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 101. 156. Raoul Follereau, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre, op. cit. page 54. p. 53
  • 34. Fondation Raoul Follereau Or, comme nous l’avons déjà vu, le Vatican a, notamment, reproché à Charles Maurras de ne considérer la religion catholique que de façon utilitaire, une sorte de ciment social, servant à souder une nation autour d’un idéal commun. Raoul Follereau dit-il autre chose ? Nous ne le croyons pas. Nous pensons au contraire que Raoul Follereau s’inscrit dans une idéologie de type national-catholique dans la mesure où il entretient en permanence une étroite confusion entre Foi patriotique et Foi chrétienne, confusion dans laquelle la seconde n’a vocation qu’à servir la première. « Le patriotisme est une vertu religieuse, c’est même une vertu commune à toutes les religions. Les textes sacrés sont sur ce point incontestables, indiscutables. […] Prétendre à une opposition entre la doctrine évangélique et les devoirs qu’on doit à la Patrie est dénaturer totalement, par égoïsme personnel, le sens élevé de la doctrine chrétienne157. » Selon le national-catholicisme français, le baptême de Clovis aurait fait de la France la lle aînée de l’Église. Héritière de Saint Louis et de Jeanne d’Arc, la France aurait été forgée par mille ans de dynastie capétienne et serait, à ce titre, chargée d’une mission divine et catholique spéci que : « Gesta Dei per Francos 158 » ! En janvier 1933, Raoul Follereau écrit : « Il faut que cette année soit FRANÇAISE, puisque notre pays demeure le facteur essentiel de l’équilibre du monde. (…) Un jour, demain peut-être, il faudra choisir : la LATINITE ou l’ANARCHIE. Le reste est palliatif ou poison. Et, dans les jours prochains où se jouera non seulement l’avenir de notre civilisation, mais l’avenir de LA civilisation, nous devons être capables de continuer notre mission : Gesta Dei per Francos159. » Quelques années plus tard, en 1943, Raoul Follereau écrit : « La France est un pays prédestiné. Un pays missionnaire (…) Écoutez saint Rémi baptisant Clovis : « Le royaume de France est prédestiné par Dieu 157. Raoul Follereau, Éloge et vertus du patriotisme, in L’Œuvre latine, avril 1936, n°101. 158. “Gesta dei per francos“ était le titre donné aux chroniques de la première croisade écrites par l’abbé Guilbert de Nogent. Cette phrase est souvent reprise dans les milieux ultracléricaux pour exprimer le rôle particulier qui serait dévolu à la France, lle aînée de l’Église. Elle gure régulièrement dans les publications éditées par Raoul Follereau, notamment son fascicule "Ce que le monde doit à la France", largement di usé pendant la seconde guerre mondiale. 159. Raoul Follereau, L’Œuvre latine, janvier 1933, in Les Appels, op. cit. page 225. p. 54
  • 35. La contre - enquête à la défense de l’Église de Jésus-Christ. Victorieux et prospère tant qu’il restera dèle à sa foi, rudement châtié toutes les fois qu’il sera in dèle à sa vocation. Il durera jusqu’à la n des temps 160 ». Étienne Thévenin con rme : « Pour lui [Raoul Follereau], la France est investie d’une mission dans le monde, une mission qui lui a été con ée par Dieu. Le sort de la France et celui du monde sont indissociablement liés. L’intérêt de la France est identi é à celui du monde et à celui de Dieu161. » Dans cette con guration idéologique, l’Édit de Nantes, la philosophie des Lumières, la révolution de 1789, les lois de laïcisation de 1905, etc. sont considérés comme des accidents de parcours causés car des puissances occultes et les sociétés secrètes qui dénaturent la « vraie » France, celle que Charles Maurras quali e de « pays réel ». C’est pour cette raison que, pour Charles Maurras et Raoul Follereau, tout ce qui éloigne la France de sa vocation mystique doit être banni : il s’agit des fameux agents de l’Anti-France. Par Anti-France, il faut comprendre toutes celles et tous ceux qui complotent contre cette France catholique, lle aînée de l’Église et empêchent cette dernière de se consacrer à sa « vraie » mission, sa mission divine. Les Protocoles des Sages de Sion, dont nous parlerons plus tard dans ce livre, est une des variantes – une des plus connues, en tout cas – de ce supposé complot contre la civilisation française et chrétienne. Dans ce cadre, la création, en 1927, de la Ligue de l’Union latine chargée de « défendre la civilisation chrétienne contre tous les paganismes et toutes les barbaries » et d’« unir et fédérer les élites latines pour la défense et la gloire de leur civilisation » prend une signi cation toute di érente que la simple vocation culturelle que la Fondation Raoul Follereau lui reconnaît aujourd’hui : derrière des mots apparemment positifs, se cache en réalité un homme qui est en croisade morale et politique, dans une guerre implicite qui ne porte pas son nom et dans laquelle la civilisation latine est attaquée subrepticement par des forces occultes et des sociétés secrètes. Ses armes sont doubles. D’un côté, Raoul Follereau dénonce explicitement les ennemis de la « vraie » France (essentiellement la franc-maçonnerie et le communisme, mais aussi, de façon plus subtile, 160. Raoul Follereau, Paroles de France, février 1943, in Étienne Thévenin, op. cit. page 156. 161. Étienne Thévenin, op. cit. page 159. p. 55
  • 36. Fondation Raoul Follereau les juifs ou les catholiques modérés). De l’autre, Raoul Follereau honore et promeut autant qu’il peut les missionnaires catholiques français qui incarnent à ses yeux le « vrai visage de la France 162 ». Mais il les promeut en tant que représentants nationaux d'une France catholique et non en tant que catholiques. Pour preuve, si Raoul Follereau vantent régulièrement les ordres religieux catholiques français, jamais, sur la période qui nous intéresse 1927-1943, il ne cite d'œuvres catholiques étrangères. Deux anecdotes permettent d'illustrer cette a rmation : par exemple, quelques années plus tard, dans ses récits de voyages autour du monde, Raoul Follereau racontera son ravissement d’entendre des petits africains chanter des chants profanes en français. Nous sommes certains qu’il n’aurait pas exprimé le même ravissement si ces petits africains avaient chanté la gloire de Dieu mais dans leur propre langue : pour Raoul Follereau, les religieux missionnaires français ont davantage pour mérite de faire aimer la France chrétienne que de faire aimer Dieu. Autre exemple, lorsque Raoul Follereau participe en 1956 à une conférence retranscrite dans un livre intitulé Patrie française et principes chrétiens, il entame son intervention de la façon suivante : « Un petit bled perdu dans un coin de l’Afrique. Tellement perdu que j’en ai oublié le nom. Nous nous étions arrêtés, histoire de refroidir un peu le moteur. Nous étions juste devant le presbytère. (…) Allons dire bonjour au curé ! Le curé est ici un prêtre indigène. Nous frappons. Nous entrons. Très occupé, il ne nous a pas entendu venir. Il est penché sur des documents, brochures, photos qu’il contemple avec une évidente joie. Nous avons maintenant l’impression d’être indiscrets et ne savons plus quelle contenance prendre. Je tousse un peu… Il se retourne, surpris puis souriant. En se retournant, il fait tomber quelques photos. Je me précipite pour les ramasser : Lourdes, Lourdes encore, puis Lisieux, puis Notre-Dame de Paris. Et puis Lourdes à nouveau. Je lève les yeux, ému. — Je regardais la France, me dit-il simplement 163. » 162. Expression fréquemment utilisée par Raoul Follereau qu’il convient de relier au concept du « pays réel » cher à Charles Maurras. 163. Association universelle des amis de Jeanne d’Arc, Patrie Française et principes chrétiens, Nouvelles éditions latines, 1956. http://books.google.fr/books?id=TSZ5nv92YOYC&lpg=PA97&dq=follereau&pg=PA97 p. 56
  • 37. La contre - enquête Cette anecdote n’a rien d’anodin. Bien au contraire, elle est 164 extrêmement révélatrice : dans la narration de Raoul Follereau, ce n’est pas la Sainte Vierge ou Dieu ou le Saint Sacrement que le prêtre vénère mais la France. Nous disposons là d’une illustration de ce détournement systématique auquel se livre Raoul Follereau : Lisieux, Notre Dame de Paris ou Lourdes, autrement dit, les hauts lieux de la religion catholique en France, sont les moyens de glori er la France. Raoul Follereau a très probablement la Foi. Mais il s’agit d’une Foi patriotique dans laquelle la religion catholique est instrumentalisée au service de sa vision de la France. #v=onepage&q=follereau&f=false Nous pouvons di cilement ne pas relever quelques éléments d’information sur cet ouvrage édité en 1956 qui mériterait probablement une section entière de notre livre. Ici encore, à l’instar de nombreux documents révélés dans nos pages, la proximité de Raoul Follereau avec certaines personnalités de la droite dite nationale est incontestable. L’association universelle des amis de Jeanne d’Arc fut fondée en 1953 par Pierre Virion, un journaliste de sensibilité catholique traditionaliste proche des milieux nationalistes et par le général Weygand qui fut entre 1940 et 1942 le bras droit du Maréchal Pétain. Alors qu’il était Délégué général en Algérie française n 1940, le général Weygand n’hésita pas, avec le soutien du recteur d’Alger Georges Hardy, à aller plus loin que la loi sur le statut des Juifs en excluant, sans aucune base légale, donc, les enfants juifs des écoles et des lycées d’Algérie. En 1951, le général Weygand soutient la création de l’ADMP (association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain) qui entend obtenir la révision du procès de 1945. Le livre Patrie Française et principes chrétiens, quant à lui, est édité par les Nouvelles Éditions Latines, société d’édition proche des milieux d’extrême-droite dont le fondateur, Fernand Sorlot fut un proche de L’Action Française entre les deux guerres. Son comportement sous l’Occupation lui vaudra d’ailleurs d’être condamné à vingt ans d’indignité nationale et à la con scation de ses biens. Parmi les autres co-auteurs de ce livre, outre Raoul Follereau, nous retrouvons le général Weygand, ainsi que Georges Hardy, déjà cités ci-dessus pour leur rôle en 1940 en Algérie contre les enfants juifs, mais aussi Léon Bérard, ambassadeur du régime de Vichy au Vatican ou encore Marcel Clément, éditeur ultramontain du journal catholique L’Homme nouveau, très marqué à droite. En avril 2011, l’Association universelle des amis de Jeanne était représentée au 4ème Congrès nationaliste aux côtés de divers auteurs ou mouvements d’extrême-droite, dont Rivarol, Civitas, Renouveau français, l’ADMP déjà citée ci-dessus, le GUD, Présent, le Parti de la France, etc. 164. Est-elle seulement véridique ou n’est-elle qu’un stratagème de conférencier pour mieux attirer l’attention de son auditoire ? Nul ne le saura jamais. Cependant, comme nous le verrons plus tard dans ce livre (cf. infra la section Le Faussaire de sa propre histoire) Raoul Follereau ne s’embarrassait pas de la vérité : conformément au mot d’ordre typiquement maurrassien « Par tous moyens ! », il usait de tous ses talents d’auteur-orateur-comédien pour faire passer ses idées. p. 57
  • 38. Fondation Raoul Follereau Au service de l’Internationale fasciste Cette pensée politique amène Raoul Follereau à devenir le héraut d’une cléricale-latinité à la française. D’ailleurs, Henry Coston, célèbre hitlérophile et antisémite professionnel dont nous parlerons plus longuement ci-après, parlera de son « ami » Follereau 165 comme du « champion, en France, de la latinité 166 ». Cependant, l’action de Raoul Follereau ne va pas se limiter au territoire national. Grâce à ses réseaux (notamment l’Alliance française), Raoul Follereau va multiplier les déplacements, en Europe et en Amérique du Sud, pour l’essentiel (citons l’Égypte ou le Liban, également). Ce sera l’occasion pour lui d’exprimer sa sympathie, son soutien et parfois son aide à la plupart des leaders fascisants des années trente. Le premier d’entre eux fut certainement son mentor en politique, l’inventeur du fascisme, le Duce italien Benito Mussolini : « L’Action française voyait [dans l’Italie fasciste de Benito Mussolini] toutes les idées qu’elle défendait mises en place par le régime dès les années vingt : lutte contre le communisme, le parlementarisme, le syndicalisme, l’individualisme avec, en plus, la bénédiction du pape et l’assentiment du roi 167. » Ouvrons ici une parenthèse pour souligner le fait que parler de bénédiction du pape du régime fasciste italien ici est bien évidemment une interprétation très personnelle de l'histoire de la papauté. Étienne Thévenin fait probablement allusion aux accords du Latran du 11 février 1929 mais les relations entre Mussolini et le Vatican se tendront très rapidement et les points de con it avec l'autorité ponti cale furent nombreux. 165. Cf. infra la section L’ami d’Henry Coston. 166. Henry Coston, Dictionnaire de la vie politique française, 2000, page 465 http://www.scribd.com/doc/34079407/Dictionnaire-de-la-politique-francaise-ed- 2000-Henry-Coston 167. David Mataix, L’Europe des Révolutions Nationales, 1940-1942 : l’impossible union latine, édition L’Harmattan, 2006, page 294 h t t p : / / b o o k s . g o o g l e . f r / b o o k s ? i d = f 0 j s A r O N s c o C & l p g = PA 4 3 & o t s = l y s D-iyYXt&dq=»Comité d’Action pour l’Universalité de Rome»&pg=PA2 - v=onepage&q=maurras&f=false p. 58
  • 39. Version limitée. La version complète chez votre libraire ou sur internet http://www.golias.fr/
  • 40. Fondation Raoul Follereau L’antisémite Sur ce point, nous devons mentionner l’avis d’Étienne Thévenin : « On peut remarquer qu’à aucun moment, dans ses écrits, Raoul Follereau ne verse dans l’antisémitisme. Ses sentiments chrétiens le préservent de tels égarements 209. » Par la suite, il réitère plusieurs fois la même a rmation 210. Tout d’abord, nous apprécions à sa juste valeur la précision « dans ses écrits » qui laisse supposer bien des choses quand on sait que Raoul Follereau fut surtout un conférencier. Concernant les écrits, justement, dont nous disposons, et en supposant que les œuvres complètes de Raoul Follereau publiées par la Fondation Raoul Follereau en 2002 soient e ectivement complètes 211 nous avons malgré tout identi é les preuves d’un réel antisémitisme chez Raoul Follereau. Encore faut-il savoir parfois lire entre les lignes, autrement dit, débusquer les insinuations et les clins d’œil qui, sans être forcément explicites, sont parfaitement compréhensibles par ceux auxquels ils s’adressent. Par exemple, dans son livre La trahison de l’intelligence, publié en 1936, Raoul Follereau écrit : « L’ordre de Lénine, ce Moïse rouge, était clair 212 . (…) » L’association des noms Lénine et Moïse, qui plus est quali é de la couleur rouge, est une allusion claire à la théorie du complot judéo- bolchevique selon laquelle la révolution russe de 1917 aurait été manigancée par les israélites dans le but d’accéder au commandement du monde. Cette association de Lénine avec Moïse n’est pas nouvelle. Elle a notamment été employée par le nazi allemand Dietrich Eckart, compagnon d’infortune d’Adolf Hitler lors de son putsch raté de Munich en 1923 et auteur d’un livre dont le titre laisse peu de doutes sur son contenu : Le bolchevisme de Moïse à Lénine. 209. Étienne Thévenin, op. cit. pages 133. 210. Étienne Thévenin, op. cit. pages 152, 153 et 154. 211. Nous avons déjà vu ci-dessus qu’il n’en est rien : cf. supra la section Au service de l’Internationale fasciste. 212. Raoul Follereau, La trahison de l’intelligence, op. cit. page 151. p. 68
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  • 42. Fondation Raoul Follereau L’ami d’Henry Coston Avec Henry Coston, nous changeons de catégorie pour passer à la catégorie « antisémite poids lourd ». Henry Coston, un « des théoriciens les plus connus de l’antisémitisme 247 », ne dispose pas des mêmes capacités intellectuelles de Maurras et il va le prouver dans le journal La Libre Parole qu’il relance en 1930. Il su t de jeter un simple coup d’œil sur les premières de couverture pour s’en convaincre 248. « La Libre Parole, le célèbre journal fondé par Édouard Drumont en 1892, avait disparu en 1924 ; il fut ressuscité une première fois en 1928- 1929, sans grand succès, puis une seconde fois en 1930 par Henry Coston qui réussit à maintenir cette feuille en vie jusqu’à la veille de la guerre ; Coston rassembla autour de lui de nombreuses signatures connues dans le monde de l’antisémitisme, notamment celles de Jacques Ploncard, Jean Drault, Henri-Robert Petit, Albert Monniot, Mathieu Degeilh, Louis Tournayre, Jacques Ditte (…) 249. » Un peu plus tard, en 1938, La Libre Parole sera quali ée de « feuille néo-hitlérienne » par le quotidien L’Aube 250. À partir de 1936, La Libre Parole est éditée par le Centre de Documentation et de Propagande fondé par Henri-Robert Petit et spécialisé dans les publications d’une violence antisémite extrême. « Le centre de documentation et de propagande créé au début de 1936 par Henri-Robert Petit, imprima de nombreux documents dans lesquels les Juifs étaient attaqués sous les formes les plus diverses (…) dans la seule année 1936 un total de 1.800.000 tracts, 425.000 247. Ralph Schor, L’antisémitisme en France dans l’entre-deux-guerres : prélude à Vichy, Éditions Complexe page 35 http://books.google.fr/books?id=PbvpzzZgprgC&printsec=frontcover - v=onepage&q&f=false 248. Cf. le site (apparemment) antisémite Wawa Conspi http://www.the-savoisien.com/wawa-conspi/viewtopic.php?pid=294 249. Ralph Schor, op. cit. page 33 http://books.google.fr/books?id=PbvpzzZgprgC&printsec=frontcover - v=onepage&q&f=false 250. L’Aube 25 mai 1938 in Ralph Schor, Dossier Philosémites chrétiens – Présentation, Archives Juives 1/2007 (Vol. 40), p. 4-13, http:/www.cairn.info/revue-archives-juives-2007-1-page-4.htm p. 78
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  • 44. La contre - enquête Antisémite ? Synthèse et discussion En synthèse de ces dernières sections, nous ne pouvons que ressentir un profond malaise. : cet homme que la Fondation Raoul Follereau entend faire canoniser, cette homme dont Étienne Thévenin a rme que les sentiments chrétiens préservent de tels égarements, cet homme qui, par la suite, prétendra avoir consacré toute sa vie pour les lépreux, cet homme fut, en réalité, un acteur et un complice de l'hystérie antisémite des années les plus sombres de l'histoire de France Ses écrits, sa contribution aux activités de La Libre Parole dont nous venons d’exposer quelques extraits explicites, la participation en qualité de conférencier à au moins une réunion du Centre de Documentation et de Propagande d’Henri-Robert Petit, le lien amical avec Henry Coston, les tournées de conférences en Algérie avec les groupuscules Unions latines, Amitiés latines et autres RNAS, ses propos explicitement antisémites tenus à Tiaret 281 sur le complot judéo-bolchevique, sa citoyenneté d’honneur de la ville de Sidi-Bel- Abbès, réputée être un « petit Berlin », dont le maire, a lié au PPF, et une majeure partie du conseil municipal sont des membres actifs de la Ligue d’Union latine, tous ces éléments réunis forgent notre intime conviction selon laquelle Raoul Follereau a, avec tout le talent dont il disposait, contribué à un antisémitisme particulièrement radical. Qui plus est, et ce point mérite d'être souligné, Raoul Follereau n’a jamais ni rejeté ni condamné, même longtemps après la guerre, ces idéologies nauséabondes. Au contraire, comme nous l’avons déjà vu, il a préféré faire graver deux vers de Charles Maurras sur sa tombe. 282 Nous souhaitons apporter deux précisions à notre propos. En premier lieu, Étienne Thévenin indique que Madame Rougier 283 lui aurait con é que Raoul Follereau aurait aidé quelques juifs 281. et probablement pas qu’à Tiaret … 282. Cf. supra la section Le maurrassien 283. Nous devons préciser que Madame Rougier est l’épouse de Louis Rougier, universitaire français, fervent soutien du maréchal Pétain et du régime de Vichy. Il sera notamment membre directeur de l’Association pour Défendre la Mémoire du Maréchal Pétain dès 1951. p. 87
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  • 46. Fondation Raoul Follereau Le marchand du temple Nous abordons maintenant une facette des relations entre Raoul Follereau et Charles de Foucauld. Nous allons exposer dans quelles circonstances Raoul Follereau a été quali é de « marchand du temple » et d' « a airiste » par Louis Massignon. Fin 1936, Raoul Follereau franchit une nouvelle étape essentielle : il découvre à ce moment-là Charles de Foucauld lors d’un pèlerinage sur les traces du frère universel et y retrouve tous les fondamentaux politiques et religieux qui lui paraissent essentiels. Raoul Follereau décide alors d’utiliser le nom et l’image de Charles de Foucauld pour promouvoir ses idées. Procédons tout d’abord à quelques rapides rappels sur sa vie. Charles de Foucauld est un missionnaire catholique français assassiné en 1916 au n fond du désert algérien. Sa vie se caractérise notamment par une conversion personnelle radicale, passant d’une vie de luxe et de débauche à une vie quasi érémitique au milieu du peuple touareg. Mais Charles de Foucauld est également un ancien o cier de l’armée française qui a gardé de forts liens avec ses anciens frères d’armes. C’est aussi un patriote fervent qui a pu écrire ou tenir des propos ambigus287. C’est à cause de cette dualité de visage que les catholiques se sont divisés, dès l’entre-deux-guerres, quant à l’interprétation de l’œuvre de Charles de Foucauld. Certains membres du clergé catholique français ont cru pouvoir reconnaître en Charles de Foucauld un représentant modèle de la France conquérante, nationaliste et colonialiste. Raoul Follereau va s’engou rer dans cette brèche. Il est en e et convaincu de retrouver en Charles de Foucauld les fondamentaux nationaux-catholiques 287. Jean-Marie Müller, Lettre ouverte aux amis de Charles de Foucauld http://www.non-violence-mp.org/muller/lettreouverte.htm p. 90
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  • 48. La contre - enquête Le propagandiste au service du régime de Vichy Avec l’avènement du maréchal Pétain, le 10 juillet 1940, les sympathisants de L’Action française vont se scinder en plusieurs tendances. Certains, minoritaires, considèrent que le salut de la France ne peut plus passer que par de Gaulle : ils entrent alors, souvent très tôt, dans la dissidence gaulliste306. Les autres font primer leur sens de l’obéissance et privilégie la solution Pétain. Cependant, au sein de ceux-là, plusieurs sous tendances se dessinent : certains rejoindront la Résistance un peu plus tard soit par déception vis-à-vis de Pétain, soit par opportunisme, certains autres, à l’inverse, basculeront dans l’ultra collaborationnisme. Entre ces deux courants, un troisième courant incarné par Charles Maurras en personne s’en tient à une règle stricte : la France, toute la France, rien que la France, toute autre solution étant à proscrire car elle vient de l’étranger (alliés dans un cas, allemands dans l’autre). Charles Maurras, nous l’avons vu précédemment 307, ne veut ni des Allemands, ni des alliés et encore moins des gaullistes. Charles Maurras croit dans le redressement moral de la France (de « sa » France) sous les e ets conjugués de la Révolution nationale et d’une stricte collaboration, dans l’esprit de l’armistice, avec l’Allemagne victorieuse. Raoul Follereau s’inscrit dans cette logique également. « Maurras préconise le repli sur la seule France a n de la renouveler et la soustraire à toute in uence extérieure. (…) Comme Maurras, Follereau considère de Gaulle comme un dissident et le drame de Mers el-Kébir le rend plus anglophobe que jamais 308. » 306. Ce qui aurait fait dire au général de Gaulle : « À Londres, je n’ai trouvé que la synagogue et la Cagoule », faisant allusion aux juifs et aux dissidents de l’Action française du CSAR qui l’avaient rejoint dès l’été 1940. 307. Cf. supra la section Le Maurrassien. 308. Étienne Thévenin, op. cit. page 154. p. 101 p. 101
  • 49. Fondation Raoul Follereau Raoul Follereau voue pour le maréchal Pétain une admiration qui n’est pas nouvelle : en 1937, déjà, Raoul Follereau vantait dans son numéro de mai de L’Œuvre latine son « prestige », son « autorité » et sa « gloire universelle ». À propos des cérémonies de couronnement du roi Georges VI « un homme seul eut pu représenter tout le pays [la France], il avait le prestige nécessaire, une autorité, une gloire universelle. Seul le maréchal Pétain eut été digne de symboliser la France au cours d’une telle cérémonie » 309. En juin 1940, « l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain bouleverse les perspectives de la vie nationale et Raoul Follereau fonde sur lui de très grands espoirs »310. « Tous les combats du Raoul Follereau des années trente semblaient perdus en juin 1940, mais l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain bouleverse tout 311. » Pour Raoul Follereau, le maréchal Pétain « est l’homme providentiel qui gomme la période 1789-1940, (…) le sauveur envoyé à la France aux yeux que ceux qui depuis des années rêvaient de héros et de personnages exemplaires et fustigeaient la IIIe République » 312. Le 10 juillet 1940, date à laquelle les parlementaires français réunis à Vichy accordent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, Raoul Follereau s’y trouve également. Est-ce étonnant ? Depuis le 1er juillet, Vichy est « subitement investie par les plus hautes autorités de la République, anquées de hauts fonctionnaires, bientôt suivis par une nuée de journalistes, de quémandeurs, d’ambitieux et d’aventuriers ». 313 Cela a-t-il porté ses fruits ? Étienne Thévenin a rme que le maréchal Pétain lui aurait fait des propositions de postes, dont un important, mais que Raoul Follereau les aurait déclinées, souhaitant œuvrer autrement en faveur de la « renaissance morale de la France »314. 309. Étienne Thévenin, op. cit. page 152. 310. Étienne Thévenin, op. cit. page 150. 311. Étienne Thévenin, op. cit. page 151. 312. Étienne Thévenin, op. cit. page 151. 313. Christian Brosio, La IIIème République sombre à Vichy, Valeurs Actuelles, 8 juillet 2010 http://www.valeursactuelles.com/histoire/actualités/iiie-république-sombre-à- vichy20100708.html 314. Étienne Thévenin, op. cit. page 152. p. 102
  • 50. La contre - enquête Qu’en est-il exactement ? Di cile de le savoir faute d’avoir accès aux sources de l’époque. Néanmoins, une source démontre que Raoul Follereau ne s’est pas autant tenu à l’écart des arcanes du pouvoir que Thévenin veut bien le dire. Une vidéo de l’époque, sans son, montre Raoul Follereau à Vichy, durant l’été 1940, avec des diplomates sud-américains. La description écrite des images est en anglais : « 811 H (04:31:38): Vichy, (with Leblay camera) Meeting of the diplomatic envoys of the Latin states of South America in Vichy, as they watch the developments of the political situation. There was a strong feeling that the Latin states in South America and Europe might play an important part when peace conditions were discussed. LS, interior, meeting, from left to right : Brazilian Minister Gonzales-Videla ; Mexican Minister Luis Rodriguez ; Brazilian Ambassador L.M. de Souza-Dantas, who presided over the meeting ; Argentine Ambassador Miguel Angel Carcano; Uruguay Minister Cesar Guttierez. Same listening to Raoul Follereau, President of the League of Latin Union, who exposed the French point of view. 04:32:44 LS, ministers and ambassadors walking down the street, arriving at the meeting at a villa on Blvd. des États- Unis. The men entering and exiting the villa. Scene repeats with Raoul Follereau arriving and entering the building with the other men 315. » Raoul Follereau semble donc avoir joué un rôle, pro tant probablement de ses contacts avec les ambassadeurs sud-américains pour « présenter le point de vue français » sur les conditions de la paix. Nous n’en savons malheureusement pas davantage, il nous est donc di cile d’être a rmatif dans un sens ou dans un autre. Quoiqu’il en soit, la question de la participation o cielle de Raoul Follereau au régime de Vichy ne nous paraît pas aussi dé nitivement close. Ce dont nous sommes certains, en revanche, c’est que, sitôt démobilisé, après l’armistice, Raoul Follereau continue d’exercer, dès 1940, le métier qui est le sien : conférencier. « Il multiplie les conférences dans les communes de toute taille. (…) Raoul Follereau parle de la France, de ses héros, de la reconstruction à mener. Il développe les thèmes moraux de la Révolution nationale 316. » 315. United States Holocaust Memorial Museum, www.ushmmm.org http://resources.ushmm.org/film/display/main.php?search=simple&dquer y=Tape+Number%3A+2385&cache_file=uia_fzZEqs&total_recs=6&page_ len=25&page=1&rec=6& le_num=3465 316. Étienne Thévenin, op. cit. page 155. p. 103
  • 51. Fondation Raoul Follereau Les extraits de Paroles de France que nous avons reproduits ci-après permette de saisir la fréquence des conférences que Raoul Follereau anime pour di user ses convictions sur sa « véritable France ». Cette fastidieuse liste des villes et villages honorés du passage de Raoul Follereau pendant la période 1940-1944 nous permet néanmoins de démentir un des mythes que Raoul Follereau s’est créé : il aurait été, dès juillet 1940, «traqué» par la Gestapo. Ainsi, Étienne Thévenin écrit qu’en juillet 1940 « Raoul Follereau apprend (…) que les Allemands ont posé les scellés à la porte de son domicile et qu’ils le recherchent »317. Pour accréditer cette thèse, les di érents biographes de Raoul Follereau soulignent la tonalité germanophobe d’un article qu’aurait écrit Raoul Follereau en d’avril 1939 dans lequel Hitler était quali é d’Antéchrist. Étienne Thévenin excelle dans l’art de la dramatisation : en 1942, « Raoul Follereau se sent menacé des Allemands, et pas seulement à cause de ses textes d’avant guerre. Il lui faut trouver un refuge encore plus sûr que les précédents. Il est désormais hébergé, avec son épouse, par les sœurs de Notre-Dame-des-Apôtres à Vénissieux »318. Étienne Thévenin va même jusqu’à avancer ce motif pour justi er le soi-disant peu de documents disponibles sur les années 1920 et 1930 de Raoul Follereau : « La documentation pour la période de l’entre-deux-guerres est limitée et fragmentaire, Raoul Follereau ayant dû se protéger des Allemands 319. » Il faudra nous expliquer comment un homme qui doit se cacher car il se sent menacé peut, en même temps, parcourir villes et villages de la France libre pour y prononcer des conférences publiques qui font l’objet d’annonces et de publicités diverses plusieurs semaines auparavant. Si nous comptons les seules conférences annoncées publique- ment dans Paroles de France, Raoul Follereau anime, toujours en zone libre ou en Afrique du Nord, a minima : - au moins douze conférences en métropole entre juillet et n novembre 1940 ; 317. Étienne Thévenin, op. cit. page 150. 318. Étienne Thévenin, op. cit. page 164. 319. Étienne Thévenin, op. cit. page 597. p. 104
  • 52. La contre - enquête - au moins neuf conférences en métropole pendant la première quinzaine de décembre 1940 ; - plus de quatre-vingt-dix conférences en Afrique du Nord entre le 15 décembre et le mois d’avril 1941 (il y retourne en 1942 pour de très nombreuses conférences, mais nous ne disposons pas du chi re précis) ; - au moins vingt conférences en Rhône-Alpes pour le seul mois de mai 1942 ; - au moins quinze conférences en Rhône-Alpes au mois de juin 1942 ; - au moins dix-neuf conférences dans le sud de la France, en octobre 1942 ; - autant, en novembre 1942, dans toute la France du sud-est ; - au moins onze conférences en février 1943 entre la région centre et les Pyrénées ; - en juin 1943, Paroles de France célèbre la trentième conférence au pro t des lépreux d’Adzopé depuis la première d’Annecy du 15 avril 1943. Soit plus de 225 conférences dans des villes de toutes tailles. Il est à noter que l’invasion de la zone libre, en novembre 1942, ne change rien dans ses habitudes de conférencier. Qui peut croire qu’un homme soi-disant traqué puisse parcourir aussi librement la France libre pour y tenir des conférences publiques annoncées à grand renfort de presse ? Il y a là un paradoxe insoluble qui nous amène à penser que la thèse de l’homme « traqué » est particulièrement fantaisiste ; mais il est bien évidemment plus opportun, lorsqu’on veut valoriser quelqu’un, de monter en épingle un article hitlerophobe à grands renforts de sous-entendus (« pas seulement à cause de ses textes d’avant guerre »), que de s’étendre sur la propagande cléricale-fasciste, puis vichyste, à laquelle se livre, depuis 1927, Raoul Follereau. Revenons à ses conférences, Ce que le monde doit à la France, notamment. Grâce à elles, Raoul Follereau entreprend de rehausser l’image de la France dans les yeux et dans le cœur de ses contemporains. Telle est, en tout cas, la vision o cielle portée, notamment, par André Récipon. Mais, est-ce réellement la nalité poursuivie par Raoul Follereau ? *** p. 105
  • 53. Fondation Raoul Follereau Pour bien comprendre quelle fut la démarche de Raoul Follereau, nous devons la recontextualiser et revenir aux fondamentaux du régime de Vichy. C’est ainsi que nous comprendrons mieux le sens profond de ses initiatives. Pour le maréchal Pétain, ce n’est pas la guerre qui a causé l’e ondrement de la France. La guerre n’est que le symptôme d’un mal qui est bien plus profond. Il l’a rme sans détours dans ses discours radiodi usés dès le 25 juin 1940 : « Notre défaite est venue de nos relâchements. L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacri ce a édi é. C’est à un redressement intellectuel et moral que, d’abord, je vous convie. » « Le désastre n’est (...) que le re et, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l’ancien régime politique. » Des propos du même ordre sont repris dans le discours programme du 11 octobre 1940. Dans l’idéologie vichyste, la débâcle de 1940 est la conséquence directe d’un siècle et demi de délitements moraux et spirituels causés par la Révolution française de 1789. Raoul Follereau ne pense pas à autre chose, lorsqu’il écrit, en 1943 : « Le royaume de France est prédestiné par Dieu à la défense de l’Église de Jésus-Christ. Victorieux et prospère tant qu’il restera dèle à sa foi, rudement châtié toutes les fois qu’il sera in dèle à sa vocation 320. » Sous la plume de Raoul Follereau, la débâcle de 1940 est le châtiment de Dieu qui vient sanctionner la France car elle s’est montrée, depuis trop longtemps, in dèle à sa vocation divine. D’ailleurs, Raoul Follereau poursuit la citation précédente par la phrase suivante : « Les gouvernements de la IIIe République n’avaient point voulu s’en souvenir. Le châtiment s’est abattu, implacable. » Pour Raoul Follereau, le maréchal Pétain est celui qui permet à la France de se retrouver et de se reconstruire : c’est le redressement moral et intellectuel auquel le maréchal invite les Français à contribuer. Lorsque Raoul Follereau se rend de villes en villes, de villages en village pour prononcer Ce que le monde doit à la France, c’est à ce redressement moral et intellectuel porté par le maréchal Pétain et à sa devise o cielle « Travail, Famille, Patrie » à laquelle il 320. Raoul Follereau, Paroles de France, février 1943, in Étienne Thévenin, op. cit. page 156. p. 106