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MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
LE MINISTRE
Paris, le 18 juillet 2013
Monsieur le Président,
Je veux, par la présente, réagir aux propos que vous avez tenus cette semaine dans les médias,
sur I-Télé, sur France 2 puis dans Le Figaro, à la suite de mon audition par la Commission
d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des
services de l'Etat, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui
a conduit à la démission d'un membre du Gouvernement.
1 - Vous indiquez tout d’abord que « telle qu’était rédigée la lettre de la demande
d’entraide administrative, elle ne pouvait qu’avoir une réponse négative ».
Cette assertion est totalement inexacte. Comme a eu l’occasion de l’expliquer en détail
Bruno Bézard, Directeur général des finances publiques, lors de son audition du mardi 28
mai, et comme je l’ai fait moi-même, la demande d’entraide a fait l’objet d’un travail précis et
attentif de l’administration, de telle manière qu’elle puisse couvrir le champ le plus large
possible, à la fois dans le temps et dans l’espace, et que sa rédaction soit conforme à la
convention fiscale franco-suisse de 1966, modifiée par avenant le 27 août 2009 et encadrée
par l’échange de lettre du 11 février 2010, afin de maximiser la probabilité de réponse de la
part de l’administration helvétique.
M. Charles de COURSON
Président de la Commission d’enquête
relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action
du Gouvernement et des services de l’Etat, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013,
dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du Gouvernement
ASSEMBLEE NATIONALE
101, Rue de l’Université
75007 PARIS
Vous ne tenez sciemment aucun compte de mes explications, des pièces précises du
dossier et des témoignages recueillis sous serment par votre Commission d'enquête. La
vérité est que personne ne connaissait « l'implication de la banque Reyl » en décembre 2012
et qu’il n'était pas possible d'interroger sur un autre établissement financier qu'UBS.
Dans ces conditions, et sauf à imaginer que l’établissement de crédit concerné ou
l’administration suisse répondent sciemment de façon inexacte, si M. Jérôme Cahuzac avait
détenu entre le 1.1.2006 et le 31.12.2012 un compte chez UBS ou s’il avait été, même sans
apparaître nominativement, l’ayant droit économique d’un compte détenu chez UBS, nous
aurions dû avoir une réponse positive compte tenu du droit bancaire hélvétique. Si la réponse
est négative, c’est donc parce que l’information de presse – précise – qui faisait l’objet de
notre vérification, par tous moyens de droit, ne correspondait pas, ou plus, à la réalité.
Soutenir que la raison en est une mauvaise rédaction de la question, qui plus
est volontaire, me semble relever de l’incompréhension technique, de la mauvaise foi ou
– pire – d’une lecture juridique biaisée par des considérations politiques.
2 - Il n’est pas moins inexact d’indiquer que ce qui a été fait « était sans précédent ».
Comme vous ne l’ignorez pas, la règle en matière de fraude fiscale - dite du « monopole des
poursuites » – veut que l’administration fiscale poursuive ses investigations avant de saisir la
justice. Cette organisation – fut-elle aujourd’hui contestée par certains – date de 1920. Depuis
cinq ans, sous l’effet de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Justice peut se saisir
directement de dossiers de blanchiment de fraude fiscale. Dans ces cas, par construction
beaucoup plus rares car très récents, les procédures ne sont alors non pas consécutives mais
parallèles – sans bien souvent que l’administration fiscale ait du reste connaissance de
l’ouverture d’une enquête de l’autorité judiciaire. Contrairement à ce que vous avez sous-
entendu, l’ouverture d’une enquête préliminaire ne suspend en aucun cas l’enquête fiscale –
faute de quoi, du reste, une grande partie des impôts fraudés ne pourraient être récupérés sans
risque juridique, ce qui n’est pas, j’imagine, votre souhait.
A nouveau, la lecture proposée, mettant en scène une « opération parallèle sans
précédent » me semble relever d’une approche biaisée de la réalité.
139, rue de Bercy – 75012 Paris
2
3 – Il est également inexact d’affirmer, comme vous l’avez fait, que « le 16 janvier, à
l’issue du Conseil des ministres, Pierre Moscovici a demandé [une] réunion informelle
pour se couvrir. »
Je confirme cet échange rapide – comme je l’ai indiqué à la Commission d’enquête.
Celui-ci ne met aucunement « en doute la fameuse muraille de Chine » – dont je comprends
en creux que vous reconnaissez l’opportunité, de même que pour l’assistance administrative
internationale – en vigueur depuis le 10 décembre 2012. En aucun cas, contrairement à ce que
vous laissez entendre, Jérôme Cahuzac n’a été « associé » au processus de rédaction ni
d’envoi de la lettre conséquente, que cela soit au fond ou sur la forme.
Je maintiens donc que le principe de la « muraille de Chine » a été pleinement appliqué.
4 - Je veux également m’élever contre votre accusation de « mauvais conseil » adressée à
la Direction générale des finances publiques, dont l’action a au contraire été
irréprochable dans la gestion de ce dossier. Cette critique ne repose sur aucun élément de
droit ou de fait solide. Dans les débats politiques qui peuvent opposer majorité et opposition,
il me semble d’intérêt général de ne pas salir ni fourvoyer l’action d’une administration dont
chacun reconnait le sérieux et l’indépendance, et qui aura engagé les démarches nécessaires et
successives – « muraille de Chine », imprimé 754, demande d’Assistance Administrative
Indépendante (AAI)… etc. – avec diligence et rigueur.
5 - Je tiens enfin à vous dire à nouveau mon étonnement des conclusions que vous croyez
pouvoir tirer d’éléments factuels épars issus d’une période très antérieure à la prise de
fonctions du Gouvernement. Je relève que n’arrivant pas à mettre au jour des erreurs de
l’administration dont j’ai la charge pendant la période couverte par votre Commission
d’enquête, c’est-à-dire du 4 décembre 2012 au 2 avril 2013, vous cherchez à démontrer de
« graves dysfonctionnements », quelle qu’en soit l’ampleur, dans une période très antérieure à
la période sous revue, remontant jusqu’en 2001.
En réalité, en évoquant les allégations de M. Garnier, portées dans un cadre contentieux et
sans élément de preuve, vous convoquez des faits antérieurs à la période pour laquelle votre
139, rue de Bercy – 75012 Paris
3
Commission d’enquête est compétente, isolés de leur contexte et présentés de façon
téléologique.
Vous n’apportez aucune démonstration et révélez l’esprit qui vous anime et, hélas, la
méthode qui en découle.
* *
*
Monsieur le Président, vous avez déclaré le 5 avril dernier au « Parisien » : « Pierre
Moscovici a trompé le peuple français ». Vos récentes déclarations attestent qu’en dépit de
tous les témoignages déposés sous serment devant votre Commission d’enquête – à
commencer par le mien, que vous déformez ou récusez – cette thèse, que vous avez d’ailleurs
reprise sur une chaîne de télévision, reste présente dans votre esprit. Comme j’ai eu l’occasion
de le dire lors de mon audition, je ne peux la laisser passer, par souci de mon nom, ma
réputation, mon honneur.
En la réitérant, vous contredisez les travaux mêmes de votre Commission d’enquête, qui
ont clairement fait litière des reproches qui m’ont été adressés. Je note que certains
parlementaires de l’opposition, tout en posant légitimement des questions, ont reconnu ma
cohérence et mon honnêteté, ou bien sont convenus qu’il n’y avait eu ni connivence, ni
tentative d’étouffement.
Votre comportement montre que, loin de chercher à établir une vérité de façon
impartiale, vous tentez de donner chair à une thèse politique, développée avant même le
début de votre enquête. Je regrette cette attitude et vous demande d’adresser copie de cette
lettre aux membres de la Commission d’enquête.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma considération distinguée.
Pierre MOSCOVICI
139, rue de Bercy – 75012 Paris
4

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  • 1. MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES LE MINISTRE Paris, le 18 juillet 2013 Monsieur le Président, Je veux, par la présente, réagir aux propos que vous avez tenus cette semaine dans les médias, sur I-Télé, sur France 2 puis dans Le Figaro, à la suite de mon audition par la Commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l'action du Gouvernement et des services de l'Etat, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d'une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du Gouvernement. 1 - Vous indiquez tout d’abord que « telle qu’était rédigée la lettre de la demande d’entraide administrative, elle ne pouvait qu’avoir une réponse négative ». Cette assertion est totalement inexacte. Comme a eu l’occasion de l’expliquer en détail Bruno Bézard, Directeur général des finances publiques, lors de son audition du mardi 28 mai, et comme je l’ai fait moi-même, la demande d’entraide a fait l’objet d’un travail précis et attentif de l’administration, de telle manière qu’elle puisse couvrir le champ le plus large possible, à la fois dans le temps et dans l’espace, et que sa rédaction soit conforme à la convention fiscale franco-suisse de 1966, modifiée par avenant le 27 août 2009 et encadrée par l’échange de lettre du 11 février 2010, afin de maximiser la probabilité de réponse de la part de l’administration helvétique. M. Charles de COURSON Président de la Commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’Etat, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du Gouvernement ASSEMBLEE NATIONALE 101, Rue de l’Université
  • 2. 75007 PARIS Vous ne tenez sciemment aucun compte de mes explications, des pièces précises du dossier et des témoignages recueillis sous serment par votre Commission d'enquête. La vérité est que personne ne connaissait « l'implication de la banque Reyl » en décembre 2012 et qu’il n'était pas possible d'interroger sur un autre établissement financier qu'UBS. Dans ces conditions, et sauf à imaginer que l’établissement de crédit concerné ou l’administration suisse répondent sciemment de façon inexacte, si M. Jérôme Cahuzac avait détenu entre le 1.1.2006 et le 31.12.2012 un compte chez UBS ou s’il avait été, même sans apparaître nominativement, l’ayant droit économique d’un compte détenu chez UBS, nous aurions dû avoir une réponse positive compte tenu du droit bancaire hélvétique. Si la réponse est négative, c’est donc parce que l’information de presse – précise – qui faisait l’objet de notre vérification, par tous moyens de droit, ne correspondait pas, ou plus, à la réalité. Soutenir que la raison en est une mauvaise rédaction de la question, qui plus est volontaire, me semble relever de l’incompréhension technique, de la mauvaise foi ou – pire – d’une lecture juridique biaisée par des considérations politiques. 2 - Il n’est pas moins inexact d’indiquer que ce qui a été fait « était sans précédent ». Comme vous ne l’ignorez pas, la règle en matière de fraude fiscale - dite du « monopole des poursuites » – veut que l’administration fiscale poursuive ses investigations avant de saisir la justice. Cette organisation – fut-elle aujourd’hui contestée par certains – date de 1920. Depuis cinq ans, sous l’effet de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Justice peut se saisir directement de dossiers de blanchiment de fraude fiscale. Dans ces cas, par construction beaucoup plus rares car très récents, les procédures ne sont alors non pas consécutives mais parallèles – sans bien souvent que l’administration fiscale ait du reste connaissance de l’ouverture d’une enquête de l’autorité judiciaire. Contrairement à ce que vous avez sous- entendu, l’ouverture d’une enquête préliminaire ne suspend en aucun cas l’enquête fiscale – faute de quoi, du reste, une grande partie des impôts fraudés ne pourraient être récupérés sans risque juridique, ce qui n’est pas, j’imagine, votre souhait. A nouveau, la lecture proposée, mettant en scène une « opération parallèle sans précédent » me semble relever d’une approche biaisée de la réalité. 139, rue de Bercy – 75012 Paris 2
  • 3. 3 – Il est également inexact d’affirmer, comme vous l’avez fait, que « le 16 janvier, à l’issue du Conseil des ministres, Pierre Moscovici a demandé [une] réunion informelle pour se couvrir. » Je confirme cet échange rapide – comme je l’ai indiqué à la Commission d’enquête. Celui-ci ne met aucunement « en doute la fameuse muraille de Chine » – dont je comprends en creux que vous reconnaissez l’opportunité, de même que pour l’assistance administrative internationale – en vigueur depuis le 10 décembre 2012. En aucun cas, contrairement à ce que vous laissez entendre, Jérôme Cahuzac n’a été « associé » au processus de rédaction ni d’envoi de la lettre conséquente, que cela soit au fond ou sur la forme. Je maintiens donc que le principe de la « muraille de Chine » a été pleinement appliqué. 4 - Je veux également m’élever contre votre accusation de « mauvais conseil » adressée à la Direction générale des finances publiques, dont l’action a au contraire été irréprochable dans la gestion de ce dossier. Cette critique ne repose sur aucun élément de droit ou de fait solide. Dans les débats politiques qui peuvent opposer majorité et opposition, il me semble d’intérêt général de ne pas salir ni fourvoyer l’action d’une administration dont chacun reconnait le sérieux et l’indépendance, et qui aura engagé les démarches nécessaires et successives – « muraille de Chine », imprimé 754, demande d’Assistance Administrative Indépendante (AAI)… etc. – avec diligence et rigueur. 5 - Je tiens enfin à vous dire à nouveau mon étonnement des conclusions que vous croyez pouvoir tirer d’éléments factuels épars issus d’une période très antérieure à la prise de fonctions du Gouvernement. Je relève que n’arrivant pas à mettre au jour des erreurs de l’administration dont j’ai la charge pendant la période couverte par votre Commission d’enquête, c’est-à-dire du 4 décembre 2012 au 2 avril 2013, vous cherchez à démontrer de « graves dysfonctionnements », quelle qu’en soit l’ampleur, dans une période très antérieure à la période sous revue, remontant jusqu’en 2001. En réalité, en évoquant les allégations de M. Garnier, portées dans un cadre contentieux et sans élément de preuve, vous convoquez des faits antérieurs à la période pour laquelle votre 139, rue de Bercy – 75012 Paris 3
  • 4. Commission d’enquête est compétente, isolés de leur contexte et présentés de façon téléologique. Vous n’apportez aucune démonstration et révélez l’esprit qui vous anime et, hélas, la méthode qui en découle. * * * Monsieur le Président, vous avez déclaré le 5 avril dernier au « Parisien » : « Pierre Moscovici a trompé le peuple français ». Vos récentes déclarations attestent qu’en dépit de tous les témoignages déposés sous serment devant votre Commission d’enquête – à commencer par le mien, que vous déformez ou récusez – cette thèse, que vous avez d’ailleurs reprise sur une chaîne de télévision, reste présente dans votre esprit. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de mon audition, je ne peux la laisser passer, par souci de mon nom, ma réputation, mon honneur. En la réitérant, vous contredisez les travaux mêmes de votre Commission d’enquête, qui ont clairement fait litière des reproches qui m’ont été adressés. Je note que certains parlementaires de l’opposition, tout en posant légitimement des questions, ont reconnu ma cohérence et mon honnêteté, ou bien sont convenus qu’il n’y avait eu ni connivence, ni tentative d’étouffement. Votre comportement montre que, loin de chercher à établir une vérité de façon impartiale, vous tentez de donner chair à une thèse politique, développée avant même le début de votre enquête. Je regrette cette attitude et vous demande d’adresser copie de cette lettre aux membres de la Commission d’enquête. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma considération distinguée. Pierre MOSCOVICI 139, rue de Bercy – 75012 Paris 4