EGPS 18/10/14 - Note de travail sur l'engagement 46 de François Hollande
1. Note de réflexion du groupe parlementaire socialiste “Laïcité et cultes” sur les modalités de mise
en oeuvre de l’engagement présidentiel n°46
Janvier
2013 La
communauté de destin d’une Nation repose sur les valeurs communes qui
permettent le vivre ensemble et lui donnent sens. Un siècle et demi après les lois de la
Troisième République qui ont fondé le socle républicain contemporain (liberté d’expression,
liberté d’association, liberté syndicale, école obligatoire et laïque, séparation des églises et de
l’Etat), retravailler ces principes essentiels permettrait non de les modifier mais de les faire vivre
pleinement.
C’est en revenant aux valeurs — les vrais repères d’une société démocratique — en les
approfondissant, en les confrontant au réel que l’on donnera l’occasion aux citoyens de
se les réapproprier pour finalement les partager réellement. Le socle républicain n’est pas
une religion. Il n’a pas besoin de grands prêtres, de dogmes, ni d’inquisition. Il doit être compris
par tous pour être vécu au quotidien et porter pleinement ses effets bénéfiques sur la société.
C’est de cela dont il est question pour la laïcité.
Concrétiser l’engagement présidentiel n°461 permettrait une réaffirmation politique importante de
la laïcité et ouvrirait la voie à sa réappropriation large par les citoyens. C’est dans ce cadre de
réflexion que le groupe parlementaire socialiste “Laïcité et cultes” a mené son travail (1) pour
aboutir à une proposition équilibrée qui précise le sens de la laïcité dans la Constitution française
(2) et dont les modaltés de mise en oeuvre sont pensées de manière graduée (3).
1 Cet engagement propose “d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la
Constitution en insérant, à l’article premier, un deuxième alinéa ainsi rédigé : ‘la République assure la liberté
de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Eglises et de l’Etat,
conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles partiulières applicables en Alsace
et Moselle’ “.
2. 1 Le
travail du groupe socialiste “Laïcité et cultes”
Les réunions du groupe de travail ont permis de faire trois constats :
A. La loi de 1905 dite de “Séparation des églises et de l’Etat”, fondement de notre laïcité, qui
a généré une jurisprudence importante, repose sur un équilibre juridique subtil qu’une
modification ou une réécriture risquerait de remettre en cause.
B. Le régime concordataire en Alsace Moselle ainsi que les dispositions dérogatoires de
l’outremer
bénéficient d’un large consensus dans les territoires concernés, qu’il serait
politiquement inefficace et dangereux de remettre en cause.
C. La place de la laïcité dans les valeurs de la République apparaît aujourd’hui amoindrie du
fait de la fragmentation croissante de la société ainsi que de la montée en puissance de
religions offrant des “identités de secours” et tendant vers l’intégrisme.
Ainsi, a été évoquée, comme alternative à la constitutionnalisation des deux premiers articles de
la loi de 1905, l’idée d’adosser une “Charte de la laïcité” à la Constitution. Cette charte aurait pu
préciser les grands principes juridiques largement consacrés dans la jurisprudence du Conseil
d’Etat et du Conseil constitutionnel. Cette solution aurait donné un fondement textuel plus fort à
la laïcité qu’un texte de loi, comme l’a affirmé Olivier Dord, professeur de droit public.
Cette idée, confrontée à la réflexion des cabinets de la Présidence de la République et de la
Présidene de l’Assemblée nationale, n’a finalement pas été retenue notamment parce que les
principes identifiés pour figurer dans ce texte n’étaient pas en nombre suffisants pour
légitimement prétendre à l’appellation de “Charte”.
2 La
proposition d’un deuxième alinéa à l’article 1er de la Constitution française
Pour faire vivre le compromis élaboré par la loi de 1905 — parce qu’il s’agit bien d’un compromis
fruit d’un large débat parlementaire démocratique — et faire face à la demande de nombreux
agents publics de se sentir confortés par une ligne politique forte et protectrice sur la laïcité
(personnel des hôpitaux, des écoles, des prions…), il est proposé que la neutralité et
l’impartialité de l’Etat, des services et des agents publics soient inscrites dans la
Constitution. En effet, cette proposition permettra de réaffirmer que le fait de croire ou de ne
pas croire ne doit pas créer une “condition humaine particulière” dans l’accès aux institutions
républicaines et aux services publics.
3. Ainsi, est proposée l’insertion d’un nouvel alinéa à l’article 1er de la Constitution. Ce nouvel
alinéa énoncerait que :
“La laïcité, garante de l’unité de la Nation et de la participation de chacun à la vie en société,
implique la neutralité et l’impartialité de l’Etat, des autres collectivités publiques et de leurs
services publics, et des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions.”
Cette proposition définit une laïcité positive, ferme et concrète tout en préservant la valeur
supérieure de la Constitution2.
3 Les
possibilités de mise en oeuvre de cette proposition
Fruit des auditions3 menées dans le cadre du groupe de réflexion parlementaire et des réunions
institutionnelles organisées sur le sujet, cette proposition de concrétisation de l’engagement
présidentiel n°46 est ainsi soumise à la Présidence de la République.
Parce qu’il n’est pas aisé d’ouvrir un débat sur la laïcité au sein de la société française — y
compris au sein même des socialistes en désaccord sur le sens du combat laïque — , il est
proposé que le groupe de travail “Laïcité et cultes” formule publiquement ces
conclusions. Ceci pourrait consister en un premier test de l’acceptabilité de ces
dernières. Les réactions à cette proposition pourront être étudiées et mesurées. La Présidence
de la République pourra s’en prévaloir pour prendre sa décision.
2 Cette proposition semblerait, néanmoins, impliquer une saisine de l’Institut du droit local pour étude de la
compatibilité de cet alinéa avec le service public confessionnel de l’enseignement qui existe en Alsace
Moselle.
3 Ont été auditionnés : Jean Baubérot, professeur émérite spécialiste de la sociologie des religions, Franck
Frégosi, directeur de recherche au CNRS spécialiste de l’Islam, et Olivier Dord, professeur de droit public.