2. Pensées.
Il est d’étranges événements qui ne sont pas
tous relatés, il est des hasards qui ne dépendent
pas des hommes, il est des histoires perdues qui ne
seront jamais racontées, il y a les histoires
inventées qui auraient pu se réaliser ou qui ne le
sont pas encore…
Le destin de l’homme est pour chacun un
mystère ! Combien de temps faut-il pour bâtir une
destinée hors du commun qui sera intégrée par
l’Histoire ?
Le temps qui nous accompagne n’est rien en
3. comparaison de celui qui a peut-être eu un début et
qui ne s’arrêtera pas, parce que l’une de ces
créatures, dite « intelligente », aura accompli une
mission sur la Terre ou dans le cosmos et aura
laissé une infime empreinte.
Dieu existera-t-il encore à l’extrémité du bout
du bout ?
*
La terre n'appartient à personne, il faut juste
penser qu'elle est en vie par notre présence. Elle
vit ses pulsations que nous ne comprenons pas,
elle ignore les nôtres... Nos échanges sont faits par
rapport à nous humains. Nous pensons qu'elle, la
Terre, pourrait nous supporter éternellement...
Nous sommes liés à elle par des liens du temps...
Nos racines ne sont que le fait du hasard... Nos
territoires et nos maisons ne sont que bâtis sur le
sang de nos ancêtres...Si la terre nous rejette c'est
parce que nous y vivons... Tout n'est pas immuable
et établi... Nous Sommes des nomades et rien de
plus à l'aune tu temps.
5. Prologue!
Il y a eu pour chaque grand projet sur notre
belle Terre, des hommes qui ont poussés leur
raisonnement au-delà de la raison humaine ou
scientifique et ceux qui n’attendaient rien de la
réflexion, sinon de vivre tout simplement là où leur
naissance les avait déposée, le nez dans un dur
quotidien au sein de la nature.
Il y a des humains qui n’ont vécus et ne vivent
que par rapport aux préceptes de leurs Dieux et de
leurs religions…
Tout est ainsi depuis la nuit des temps, enfin
peut être pas tout à fait !
Il y a les autres, philosophes, banquiers,
ingénieurs, médecins, juges, commissaires, homme
politiques, militaires, P.-D. G., maîtres à penser
qui portent la destinée de ces pays dits
développés…
Si vous observez ces derniers ils sont tous une
fonction qui les transforme et leur donne un statut
6. qui les met au-dessus du pecus vulgum.
L’Histoire à venir ne sera bâtie encore une fois
que sur cette constatation : le comportement de
l’homme peut s’accommoder de toutes les
situations lorsqu’il se trouve dans des
circonstances hors du commun, hors de ses
croyances, hors de son univers quotidien !
8. Chapitre 1 Afars.
Juin 1977 La République de Djibouti avait
gagné son indépendance plutôt pacifiquement, la
langue et un brin de civilisation française avaient
marqué son empreinte dans l’ancien Territoire des
Afars et des Issas.
L’Islam, pacifique progressait.
Tadjourah, étalait mollement sa blancheur sur
les côtes du Golfe d’Aden…
La mer y était bleue, les pécheurs remontaient
des pêches mirifiques sous un soleil de plomb. On
était sur la corne d’Afrique, Rimbaud un siècle et
demi plus tôt y avait fait un séjour et en était tombé
amoureux…
La colonisation avait surtout servi à la capitale
Djibouti quelques kilomètres plus loin…
9. Cette ville Blanche de Tadjourah était
caractérisée par ses minarets, ses monts chauves et
gris au loin et ce bord de mer au sable blanc…
Plus loin il y avait Ambobo, une perle
sauvage, et vers le nord-ouest en direction de
l’Ethiopie il y avait Randa perchée sur ses
montagnes. Les Faransawi (Français), à l’époque
coloniale, s’y rendaient pour avoir un peu de
fraîcheur pendant les vacances par des étés « de
plomb »
Tous ces lieux étaient des paradis que la
civilisation n’avait pas trop touchés, surtout vers
Randa.
Dans la ville de Tadj calme et paisible qui
avait reçu quelques éclats de la révolution pour
l’obtention de l’indépendance, vivaient les Afars.
Ils conservaient, malgré leur nouvelle
appartenance à l’Islam pour beaucoup,
farouchement leurs habitudes rituelles et
séculaires, leur « Dardar » le sultan, leurs règles
de vie acquises durant des millénaires…
*
10. Les Afars avec leurs règles (Maqda),
s’occupaient à résoudre leurs problèmes de police,
de morale, de respect de la vie. Ils vivaient en
harmonie avec la nature et se nourrissaient de leur
(lah) bétail et se déplaçaient, pour ceux qui
n’étaient pas devenus sédentaires, en longues
caravanes de (gala) chameaux.
La transhumance leur permettait
d’accompagner le bétail qu’ils devaient nourrir au
fil de longs voyages vers l’Ethiopie ou les pays
frontaliers…
Ils étaient issus de plusieurs tribus : (Illigler,
Hassoba, Ablé (divisé en deux : data-ablé et assa-
ablé), Adaili (tribu du sultan de Tadjourah),
Haissamalé, Adnito, Arolasso, Seika, Farka,
Takile, Adokom, Dabamela…), le Sultan était une
sorte de Roi qui les fédérait.
Les Afars ne se trouvaient pas seulement en
République de Djibouti, mais leurs tribus
considéraient que des territoires jusqu’à Awash en
Ethiopie, leur appartenaient. Un territoire entier en
Ethiopie portait le nom de ce peuple fier de ses
11. traditions !
Ils avaient un respect infini envers leur Dardar,
car il effectuait des jugements selon leurs lois et
non celles trop compliquées que les Français
avaient voulus leur imposer.
Le lac Assal apportait le sel journalier, lequel
était l’objet de troc et était véhiculé par de longues
caravanes spécialisées transportant le sel
d’Ethiopie vers Djibouti en longues files vivant au
rythme du jour et de la nuit…
Au centre de cette ville il y avait un vieux café
où les gens se réunissaient. Là des projets se
bâtissaient dans la chaleur torride des mois d’été,
en fait l’été durait de mars à novembre !
On parlait de sa famille, des derniers ragots,
de l’état de ses bêtes, ils parlaient de la pêche, de
la sécheresse qui brûlait les quelques touffes
d’herbes qu’il fallait aller chercher sur les hauts
plateaux on se séparait à l’heure de la prière… Le
Khat cette herbe qui faisait oublier le présent
circulait et personne ne prenait conscience des
ravages qu’elle provoquait !
On partait à la mosquée 5 fois par jour et Allah
12. était leur Dieu. Les Français avaient essayés de
leur vendre Jésus en tant que Dieu alternatif, mais
dans le livre sacré écrit en Arabe que personne ne
comprenait, il était écrit que Jésus était seulement
un prophète… Le Coran était une « bible » et ce
qui y était écrit avait été dicté à Mahomet par
Allah !
Les missions catholiques étaient quand même
appréciées car il y avait des médecins et des
infirmières qui s’occupaient des gens très malades,
moyennant de petits services…
*
Qui avait converti ce peuple des Afars et des
Issas à l’islam ? Mystère.
De l’autre côté du golfe, il y avait l’Arabie
Saoudite et le Yémen… et plein de grandes nations
arabes…
Ceci expliquait peut être cela !
On mourrait jeune, le regard perdu dans
d’autres mondes en d’autres lieux, Khaté par le
mauvais sort…
*
13. Un événement unique se préparait sur la plage
de Tadjourah où des Afars, tous cousins
originaires de la tribu d’Ablé venaient se réunir
quelques soirs… Ils allumaient un feu de bois et
chacun portait une part de nourriture.
Leurs yeux noirs brillaient et ils parlaient fort
et chantaient le nez vers les étoiles « le Hora » ou
« le Lalee ».
Le départ des Faransawi (Français) les avait
fait réfléchir à la force de l’union. Mohamed Omar
Hussein qu’ils avaient choisis comme chef, les
avait convaincus de le suivre dans une aventure
vers l’est vers les tribus aborigènes de la forêt
tropicale…
Ils devraient abandonner femmes et enfants et
se procurer chacun comme base de leurs ballots un
vénéré Coran.
Personne ne savait qui lui avait suggéré cette
idée, mais chacun pensait que ce voyage serait
moins cher qu’un pèlerinage à la Mecque et serait
surtout bien plus utile au grand « peuple de tous les
croyants musulmans. ».
Une vingtaine était là ce soir et ils devaient
14. prendre cette nuit du 10 Novembre 1977, la
décision finale de ce voyage, tout d’abord vers
leurs frères Afars des lieux reculés de la
République de Djibouti ainsi que d’Ethiopie, puis
vers le fin fond de la forêt tropicale : la tribu
Baka.
Pourquoi Mohamed avait il choisi cette tribu ?
Mystère !
*
Mohamed et ses cousins avaient réussi à faire
des études dans des établissements Français
d’avant 1977.
Ces études ne leur servaient à rien dans la
ville, car, à part des postes de fonctionnaires, les
autres cultivaient leur petit lopin de terre, partaient
à la gillabi (pêche), élevaient poules, canards,
chèvres et lapins, servaient de berger au cheptel du
Sultan, extrayaient ou transportaient le sel du Lac
Assal vers les villes… partaient en transhumances
dans les montagnes vers Randa, mendiaient,
commettaient des larcins...
Beaucoup avaient repris les métiers où ils
15. assistaient des boulangers, bouchers, selliers,
forgerons, croque morts !
Les cousins et Mohamed, tenant compte de leur
niveau du certificat d’études auraient pu prendre
des fonctions importantes, comme percepteurs
d’impôts, postiers, pompiers, voire Imam !
Mais les places avaient été prises de force et
quasi la majorité dans cette ville vivait
chichement. Les gouverneurs Français et leurs
sbires avaient vécus sur le dos des autochtones,
mais il fallait le reconnaître, de petits emplois
avaient été créés avant 1977 comme : chauffeur,
cuisinier, gardes, ils étaient souvent logés et
nourris…
*
Ils vivaient la dépression qui avait fait
disparaître la tutelle Française… Et les Faransawi
avaient laissés des places libres qui ne pouvaient
être remplies par les natifs Afars de Tadj.
Que leurs restaient-ils comme perspectives
maintenant qu’ils avaient vu les Français occuper
des fonctions enviables de très haut niveau comme
députés, ministres, enseignants, docteurs,
16. ingénieurs, architectes.
A l’époque de la colonisation… oui ! Mais
c’était fini ! Ils avaient frôlés malgré tout le
confort et l’opulence des pays riches !
Ils les avaient observés rouler dans de belles
voitures, aller s’installer dans de belles villas le
long de la mer… Ils avaient connu l’envie d’autres
choses, auxquelles ils ne pouvaient accéder…
Les seuls riches qui gardaient des privilèges,
après le départ des Faransawi, étaient dans
l’entourage du Sultan et constituaient sa cour et ses
« ministres ».
De nombreux emplois tournaient autour du
palace luxueux du Dardar… Un reste de faste
rituel !
Les Dardars se succédaient familialement entre
frères ou enfants et en cas de stérilité les cousins
germains… Eux pouvaient aller faire de belles
études à l’étranger !
*
Tenant compte de cette situation critique
d’après colonisation, Mohamed Omar Hussein et
ses compatriotes avaient décidés de quitter la ville
17. et de transmettre leurs connaissances où ils
pensaient être les plus utiles ; auprès de leurs
frères Afars illettrés et auprès de frères noirs au
fin fond de l’Afrique.
Pour eux qui comprenaient l’arabe et le
fransawi, ils allaient enseigner ces deux langues…
Le Coran était une source de science et de bon
sens inépuisable, selon eux et chacun devraient
s’en munir, quitte à le voler ! On n’allait pas les
punir pour de si petits vols, surtout pour une aussi
bonne cause !
L’un d’entre eux, Bachar venait d’avoir une
idée de génie :
« Et si on capturait l’Imam, ça nous éviterait
de trouver des Corans, je suis sûr qu’il n’y en a
pas un seul en français à Tadj et l’Arabe ne nous
est pas accessible à tous ! On n’a pas le temps
d’aller à Djibouti en chercher un en fransawi!».
Tous en cœur avaient trouvé l’idée ingénieuse !
«Oui dit Abdelaziz, nous allons travailler pour
Allah, prenons quelqu’un qui le connaît mieux que
nous ! ».
18. Certains souriaient à cette drôle d’idée. Ils ne
se sentaient pas concernés !
Ce soir Mohamed expliquait tout son plan à
ses cousins et collègues ! Ces interruptions
l’agaçaient, mais il devinait que s’il n’amendait
pas ce projet de la capture de l’Imam, l’idée allait
faire son chemin et il ne contrôlerait plus rien !
« On en reparle demain, mais c’est une bonne
suggestion ! » ;
L’assemblée s’était tue devant l’acceptation
implicite. L’instigateur de l’idée avait décidé déjà
de le faire avec son voisin, à la dernière prière de
la veille du départ!
Mohamed devant le silence revenu, continua
son projet…
« Toi Ali tu te chargeras des chameaux, voilà
l’argent pour en acheter 5 (3 mâles, 2 femelles) et
fait attention à leur âge, on les accompagnera le
temps qu’on en trouve de moins cher à Randa. Inch
Allah »
Ali avait eu ses directives. Il s’était éloigné de
19. ses compatriotes. Il ne lui restait plus qu’à
convaincre sa femme de s’occuper du quotidien à
Tadj !
« Toi Abdallah « l’instituteur » Il l’appelait
ainsi parce que ce métier était son rêve, trouve
nous au moins trois livres en Français sur Voltaire
ou Diderot ou Rimbaud… un dictionnaire Anglais
Français, arabe, Afar…
Prend des livres avec des images pour leur
donner une idée du monde où l’on vit… Trouve-
nous des disques, des cassettes et un tourne-
disque… Une batterie électrique… des piles !
Pour le Coran je le rappelle, chacun devra en
avoir un ! Nous allons apporter de la culture à de
moins cultivés que nous…».
Mohamed s’était déjà approprié « ses
peuples » dans l’échange qu’il imaginait : culture
contre soumission, les Français l’avaient bien fait
eux…
« Toi Ahmed, ton père était berger alors tu
nous ramèneras 3 chèvres et 1 bouc qui puissent
nous faire des chevreaux un « ana'tu » et une
« lema » et trois agneaux tendres pour nous nourrir
20. les premiers jours. N’oublie pas tes flèches ton arc
et ton couteau !
« Toi, Abdelaziz la boussole, les casseroles…
« Toi Bachar… et il confiait à chacun une
mission !
Les 20 présents sur la plage voyaient leur
projet se préparer ! Ils ne pensaient qu’à
s’occuper, loin de la « chienlit » résultant du 22
juin…
Mohamed leur avait déjà fait apporter ici
toutes leurs économies…
Il redistribuait l’argent après avoir fait de
longues analyses de la somme récoltée et de ce
qu’on pouvait immédiatement en tirer
d’économique et d’utile…
La date du voyage se rapprochait et ceux qui
n’avaient pas osé en parler à leur famille sentaient
venir les difficultés du départ, ils devraient
abandonner leurs mères âgées ; leurs femmes et
leurs enfants, certains avaient dépassé la
cinquantaine comme Basim et Abdelaziz…
Mohamed leur disait à chaque fois « Dites-leur
21. que nous allons divulguer la parole d’Allah et que
nous reviendrons chargés de gloire. »
Tous en cœur ils rajoutaient :
« Et il faut qu’on dise que nous reviendrons
riche aussi, sinon nous nous ferions étriper au
retour…».
Mohamed savait que selon sa pensée et pour
implanter la religion, il fallait trouver des
conjointes sur place, faire des enfants qu’ils
élèveraient selon leurs préceptes… entrer dans une
autre vie ailleurs à 2500km de là. Il savait que tous
n’arriveraient pas au bout en Afrique tropicale
dans la forêt. Il y aurait des malades, voire des
morts !
Lui était une force de la nature, célibataire, il
n’envisageait pas de revenir mais il ne l’avait dit à
personne… Il comptait sur le temps et sur Allah, et
aussi sur le Dieu chrétien ; c’est pour cela qu’il
avait demandé une bible à l’instituteur ! On ne sait
jamais… s’ils passaient sur des terres où régnait
Issa (Jésus) le prophète.
Il savait aussi que parmi les vingt de ce soir,
22. au moins la moitié préférerait leur pauvreté, leur
dénuement ici à Tadj, car la mer les nourrissait. Ils
savaient qu’il y avait de plus démunis qu’eux !
Mohamed avait confié des missions à ceux en
qui il avait toute confiance !
Il comptait au moins sur les 10 à qui il avait
confié les missions les plus compliquées…
Pour ne pas perdre de leurs faibles
connaissances, en attendant le jour du départ, ils
devaient lire et réciter après chaque prière des
strophes de leur adar-abeh (poète) préféré Afar lui
aussi…
En récitant leur aar adar (poème) ils avaient le
cœur qui gonflait et ils comprenaient ce qu’ils
perdaient et n’imaginaient pas où ils allaient, mais
ils se sentaient lâchés ici à Tadj, comme des
orphelins de la nation, pas des chômeurs, oui des
laissés pour compte !
Tadjourah la belle…
Mon regard d’enfant sauvage
23. A parcouru tes éternels rivages
Frappé de tes embruns amers
Et de la brise chaude de ta mer.
Sur les rives de tes plages blondes,
J’ai jeté des pierres de brume
Qui rebondissaient sur l’onde
Puis s’enfouissaient d’écume…
Cette ville est mienne désormais
Avec son passé d’esclaves
Ses immenses mosquées
Sur la route sainte tracée
D’un frère de Mahomet…
Avec Manfred le tristement connu
Trafiquant d’armes… qui tuent.
Rimbaud y a vécu heureux
Traçant dans la mer et les cieux
Ses sonnets merveilleux…
Mon père et ma mère
Ont franchis des frontières
24. Pour arriver jusqu’ici :
En route d’Ethiopie…
Patrie de tous mes frères et amis…
Je suis Afar et j’en suis fier
Ma langue sublime est restée
En mon âme, ancrée de sa beauté,
Comme ces nobles vaisseaux
Qui gîtent au gré de l’eau.
Tadjourah, berceau de ma jeunesse !
Certains d’entre eux venaient d’Ambobo et
Ambobo avait été célébrée…
Quand les deux grands Golfes chauds
Se rejoignent à la pointe des hérons,
Lorsque venant de Tadjourah ma ville
Mon regard s’imprègne d’Ambobo,
Mon éternelle et sauvage idylle,
Lorsque l’aurore proche et humide
Teinte le ciel de son encre tachée
25. Le village se réveille et se ravive
Par la brise sifflante, effleurée
La crête des vagues rondement caressées
Deviennent brusquement, des lames effilées…
Lorsque 5 heures sonnent
Se mélangent les chants du coq
Et l’appel de notre Dieu,
Les premiers croyants sortent hagards
De leurs rêves merveilleux…
Alors dame nature laisse la place à regret
Aux chants des moteurs torturés
Projetant leurs empreintes de fumées.
Succède alors, aux brisants de la mer qui
s’arrêtent,
Un brouhaha confus des hommes et de leurs
bêtes
Ils se frottent les yeux, touristes ou
autochtones,
Regardant les longues chevelures des palmiers
26. dattiers
Entraînés dans les filets d’Eole, s’éveillant à
moitié.
Un instant de silence étonnant
Célèbre la naissance du jour de retour
Et du soleil qui chauffe tes atours…
Il y avait aussi ceux venant de Bankoualé et
que le poète avait chanté…
L’oasis de Bankoualé
S’étale, clairsemé!
Poussent dans cette terre
Des îlots d’arbres verts
Des palmiers solitaires
Leurs chevelures plantées
Très haut en leur sommet.
Des huttes, de bois et de ramages,
Pour touristes en voyage,
Des pétales rouges
27. Tâchent la nature
Lorsque le regard descend
Vers le fond de vallée
Où repose isolée,
Une maison carrée.
Une terre arrangée en espalier
S’élève au flanc d’un mont ridé,
Produisant la subsistance
Des fermiers et bergers…
Des calaos au bec crochus
Epris de solitude
Apparaissent, étrange
En ce lieu si reclus…
A quelques minutes de marche à pieds,
Murmure une source, au cœur d’un rocher
Et dévale embrumée… une cascade
enchantée…
Nature tu accroches ta vie
Au flanc de nos montagnes
28. Au sein de tes déserts
Au fond de nos vallées
Perdues et desséchées
Tu imprègnes la vie
Par tes puits oasis
Et tes sources bénies
Et l’homme y survit !
Animaux : serpents
Chameaux, ânes bâtés
Oiseaux, papillons, insectes
Et tes prolifiques semences
S’imbriquent étrangement
Dans ton sein de jouvence !
Ils intégraient toutes ces images et pour occuper
leurs soirées au coin du feu, ils disaient des
poèmes et chantaient des chansons de leur
folklore…
Il y avait ceux qui voulaient partir et ceux qui
étaient circonspects et tremblaient pour annoncer
29. le jour de leur départ.
*
Mohamed l’organisateur en chef de cette future
épopée, voulait avoir de bons lecteurs, de futurs
instituteurs, de futurs Imams…
Il ne ménageait pas sa peine !
Il voulait que les gens gardent l’image de leur
village pour que ce souvenir les incite à revenir,
leur tâche accomplie…
Son plan avançait, ils regroupaient chameaux
et petit bétail dans un enclos à la limite de
Tadjourah en direction du palais du Dardar.
Les vingt concernés par la « croisade » les
surveillaient à tour de rôle comme la prunelle de
leurs yeux… les viandes étant rares en cette
période.
Le voisinage se demandait ce qui pouvait
motiver ce regroupement d’animaux beuglants,
bêlants et blatérants…
Ils récoltaient, chacun leur jour, le lait des
chèvres, mettaient à sécher les poissons et des
viandes de volailles qu’ils ne pouvaient
transporter vivant.
30. Les puanteurs de fientes, d’urines se
mélangeaient avec les odeurs des animaux vivants,
des viandes de poissons et de volailles qui
séchaient et dont les effluves s’envolaient vers la
mer ou les montagnes, selon la volonté du vent…
Ceux du jour qui assurait le tour de garde
souhaitaient vraiment que Mohamed prenne
rapidement sa décision de partir !
Mohamed haussait la voix et disait que tout
n’était pas prêt et que ce n’était pas sa faute si les
chameaux et les chèvres avaient été achetés trop
vite !
Des nuées de grosses mouches s’étaient
installées sur les dos des chameaux et des chèvres
que les pauvres animaux chassaient d’un revers de
cou ou d’un coup de queue…
*
Mohamed faisait le point de l’avancement
chaque soir et selon la catégorie, regroupaient les
divers documents de leur sacerdoce dans des
caisses en bois qu’ils fabriquaient de toute
pièce…
31. Un jour Ahmed ayant déposé des sacs de sel
« empruntés » au Lac Assal, s’aperçut, tenant
compte des amoncellements de choses et autres,
qu’ils étaient bel et bien en train de préparer une
nouvelle arche de Noé… Il demanda même avec
une pointe d’humour :
« Dis-moi Noé, chef tu crois qu’après ça il va
y avoir le déluge à Tadj ? ».
Mohamed, était plus pragmatique que disposé
à sourire et se disait qu’il allait falloir s’arrêter
d’empiler et il calculait et pesait les quantités
rassemblées…
Il était temps de savoir si les hommes et les
bestiaux allaient pouvoir porter cela !
*
Alors qu’il se posait ses questions, une
caravane d’au moins 20 chameaux, le dos vidés
des immenses sacs de sel, acheminés sûrement
vers Djib et transportaient en retour
principalement du blé dur, des fèves, et du riz,
beaucoup moins volumineux !
Chèvres, brebis, agneaux, et leurs bergers
32. nomades arrivaient dans Tadj par le Sud en
provenance de Djibouti…
Mohamed avait bien fait d’attendre : les
chameliers avaient sûrement besoin d’argent,
d’eau ou de nourriture.
Il avait repéré deux petits chameaux qui
tétaient encore et qui étaient peut-être achetables à
un bon prix…
*
Mohamed leva les bras au ciel, IL avait
entendu ses prières !
Allah était avec eux, Mohamed allait leur
demander des conseils pour leur aventure et se
demandait s’ils (lui et ses futurs nomades
prêcheurs) ne pouvaient pas se joindre à cette
caravane, auquel cas il fallait harnacher
rapidement tout ce qui pouvait être transporté à
dos de chameaux et ce qui devait être partagé entre
les futurs « prédicateurs »…
Mohamed s’avança vers le premier caravanier
et lui demanda s’il était le responsable.
L’homme était sûrement Afar car il parlait sa
33. langue natale, d’une autre tribu que Mohamed ne
connaissait peut être pas.
Mohamed se mit à genoux devant lui en se
frappant la poitrine face contre terre, puis éleva
les mains vers le ciel en criant :
« Merci, merci Allah, tu es grand et tu aides
ton serviteur », et il se mit à réciter des sourates…
Son interlocuteur étonné le regardait en se
retournant vers ses frères chameliers, désignant
Mohamed psalmodiant.
Il dit clairement en Afar à ses amis :
« Encore un qui me baiserait les pieds s’ils ne
sentaient pas aussi mauvais ! », joignant les
paroles d’un geste du doigt qui signifiait « byakit
(malade) ».
Les chameliers qui avaient rejoint le chef de
caravane riaient aux éclats comme des enfants…
Il prit le bras de Mohamed et l’aida à se
relever…
« Dis-nous où se trouve le puit pour nous
donner à boire et abreuver les bêtes… ».
34. Mohamed se sentant ridiculisé par les propos
du chamelier lui répondit.
« Si tu te moques de moi et de mon Dieu… »
Il s’arrêta là et réfréna sa honte et sa colère et
oublia ses projets momentanément… S’il voulait
se joindre à eux il devait garder son calme. D’un
geste rageur il fit signe aux chameliers de le
suivre… Il attendrait que tous se soient imprégnés
d’eau et alors il proposerait de partir en leur
compagnie ? Sûrement le lendemain à l’aube…
Mohamed prenait ses rêves pour la réalité…
36. Chapitre 2 Nasa. Cap
Kennedy…
Comme d’habitude, 7 jours sur 7, le Kennedy
Space Center Visitor Complex s’ouvrait sur des
masses de visiteurs avides de rêves. Rien à voir
avec les lieux d’amusements habituels habités par
Minnie et Mickey !
Là des millions de curieux sérieux, d’enfants
aux yeux scintillants, visitaient ce fabuleux centre
aéronautique… Il y avait le risque toujours
présent, d’espions infiltrés, de dangereux
terroristes, aucun des visiteurs n’y pensaient, bien
qu’un impressionnant mais discret dispositif de
sécurité soit en place.
37. Joan Kilt était la Directrice de cette
gigantesque organisation où se mêlaient un passé
proche à l’échelle de l’Histoire et un présent où la
conquête spatiale ne se trouvait pas seulement dans
les livres de Tintin.
Tout ce qu’elle avait comme responsabilité sur
ce site avait eu lieu en vraie grandeur, avec ses
conquêtes et ses déceptions, ses grands disparus au
fin fond de l’espace ou dans des expéditions
hasardeuses ou dans des attentats !
Elle était fière chaque jour de ce qu’elle
amenait comme science vulgarisée, comme outils
instructifs, comme événements quand elle
réussissait à faire venir les « anciens », ou des
directeurs de programmes en cours, actifs et
pédagogues… Elle adorait créer des événements
dont elle était l’instigatrice !
Elle avait récupéré ce job après avoir essayé
de devenir astronaute… Il y avait eu un choix, des
meilleurs hélas, elle avait toujours était à la limite
de partir, mais la destinée en avait décidée
autrement… Alors elle avait sauté sur cette
opportunité de développement de la vulgarisation
38. spatiale.
Au début, rien n’avait été facile, plus les
succès couronnaient les expéditions, plus elle se
sentait ridicule avec ce projet embryonnaire qu’on
lui avait confié…
Et puis il y avait eu cette coupe dans le budget
pour la conquête spatiale. Elle avait réalisé alors
que les hommes politiques cherchaient à
rentabiliser ce site à partir de ce qui existait !
*
Le site avait été créé dans un vaste espace le
long de l’Indian river. De son bureau situé dans le
Kennedy Space Center Visitor Complex, elle
apercevait au loin les structures de lancement des
fusées…
C’était un plat pays… Son site à elle avait une
telle étendue, qu’une visite sérieuse ne pouvait se
faire en moins de 8 heures.
Tous les matins elle faisait avant la date
fatidique des 9 heures le point avec son bras droit
Jerry : un vieux de la conquête spatiale mais un
« rampant » qui avait fait sa carrière dans les
différents services au sol, dont les prestations
39. d’entretien des bâtiments.
Il avait bien sûr rêvé, comme beaucoup, de
monter au-dessus des montagnes, des gratte-ciel,
des nuages, voire des cieux !
Il connaissait par cœur le site, mais l’endroit
qu’il aimait le plus était le centre de simulation…
Il avait bien sûr tout essayé et il estimait que son
job finalement sur le plancher des vaches avait un
attrait hors du commun…
De toute manière la retraite dont il repoussait
l’échéance, par manque de qualification des
prétendants à son poste, était à sa porte et il
pouvait l’ouvrir quand il le voulait.
Comme chaque jour il grimpait les marches du
building de direction et accédait après avoir repris
son souffle au bureau de la Directrice Joan Kilt.
Ce matin à la première heure il avait retrouvé
un enfant, un « resquilleur » enfermé dans la
navette Atlantis en exposition ! Personne n’avait
alerté le centre ? Pourquoi ? La police venait juste
de prendre en charge ce jeune garçon… Un tel
événement, rare, il allait évidemment le
40. mentionner en premier !
De ce fait il avait négligé le reste de sa visite ;
pour une fois il allait compter totalement sur le
sérieux de ses collaborateurs !
Kilt, le nom que portait sa patronne, était un
patronyme, qui, affecté à une femme, lui créait un
problème qu’il n’avait jamais su franchir !
« Avait-elle une petite culotte ou pas, comme
les hommes Ecossais? »
Avant sa retraite il aurait sa réponse, il aurait
le courage de le lui demander ; cette femme avait
tout pour elle, une brillante intelligence, un don
inné de l’organisation, une beauté encore
acceptable, mais… il lui manquait
l’humour, d’après lui évidemment !
Donc avant de frapper à la porte, cette
question entraînant cette image stupide lui
apparaissait encore une fois, lui faisant oublier
l’événement du matin !
En poussant la porte son visage,
inéluctablement, s’éclairait d’un sourire qui
plaisait beaucoup à Joan Kilt, lorsqu’elle se levait
41. pour lui serrer chaleureusement la main…
« Alors Jerry, quoi de particulier à noter sur
notre « plancher des vaches » ?
Jamais il ne l’avait vu en habit féminin. Ce
matin elle avait enfin enfilé un tailleur de marque
dont la jupe plissée laissait deviner enfin un corps
agréable de femme !
Jerry ne put s’empêcher de froncer les sourcils
d’étonnement.
« Eh bien quoi Jerry, que se passe t’il on
dirait que vous avez vu un OVNI ou… ma
remplaçante ? Dans 2 mois je prends ma retraite ;
je vais répondre à des centaines d’interrogations
tenant compte de cet événement ! Tout d’abord je
ne suis pas Ecossaise malgré ma rousseur et mes
grains de beauté, et… je porte une petite
culotte… »
Jerry s’était assis, à l’énoncé de cette rafale
d’informations, surtout la dernière !
« Mais Boss, vous êtes irremplaçable, vous
allez m’obligez à penser à la mienne… retraite ».
Joan sourit énigmatiquement :
42. « Savez-vous ce que je désirerais le plus au
monde à l’occasion de cet événement, vous qui me
côtoyez depuis plus de 20 ans ?
Jerry n’arrivant pas à placer une parole,
bêtement lui répondit ce qu’il n’aurait jamais osé
avant cette information :
« Vous mettre en Kilt ? »
Joan en entendant cette réponse totalement
imprévue, fronça les sourcils.
« Jerry, quelle réponse inattendue venant de
vous, feriez-vous partie de ceux qui colportaient
des informations salaces à mon encontre ? »
Jerry rougit comme un écolier pris en flagrant
délit de copiage ou de plaisir solitaire !
Il pensa au fond de lui :
« Putain ! Mais quand va-t-elle arrêter d’être
inquisitrice avec tout le monde ? »
Ce matin, Jerry se trompait sur l’état d’âme de
sa patronne, car instantanément elle éclata de rire,
ce qu’elle n’avait jamais fait encore !
*
Partis dans cette discussion oiseuse, ils
oubliaient le présent…
43. Joan reprit la main, reposant sa question
d’origine.
« Savez-vous ce que je désirerais le plus au
monde à l’occasion de cet événement, vous qui me
côtoyez depuis plus de 20 ans ? ».
Jerry ne comprenait pas ce qu’il devait
répondre, balourd qu‘il était avec les femmes…
Devant l’air surpris et gêné de son
collaborateur, après quelques instants elle
continua :
« Je veux un voyage vers les étoiles et je suis
invité à titre exceptionnel et honorifique… demain,
à participer à une réunion chez un sous-traitant de
la Nasa. Ce que je vais découvrir devrait me
redonner confiance dans l’avenir de la conquête
spatiale mais restera ultra secret…
Vous avez carte blanche en cas d’incidents
pour juger de la meilleure solution applicable
ici. ».
Joan se leva, prit une sacoche de business en
cuir élégante et se dirigea vers la sortie.
44. Elle répéta encore se retournant en souriant !
« Vous avez carte blanche. »
Jerry abasourdi par cette rencontre
exceptionnellement brève, se demandait quel
pouvait être le type d’événement pouvant
provoquer un tel enthousiasme chez Joan !
46. Chapitre 3 Rencontre chez
SpaceX
Hawthorne (Californie). 3684 km du Kennedy
Space Center Visitor Complex...
Après ce long voyage en avion, l’excitation de
Joan était à son comble.
Qu’allait- elle découvrir au siège de cette
société SpaceX qui puisse encore l’étonner ? Elle
y avait des amis, d’anciens de la Nasa qu’elle
avait côtoyé, mais aucun n’avait voulu la briefer ne
serait-ce qu’une seconde sur l’objet de ce
déplacement…
Tenant compte de son départ à la retraite
proche, elle savait qu’on ne pouvait lui reproposer
un poste, elle avait 67 ans bien qu’elle en paraisse
10 de moins extérieurement, mais elle ressentait
47. malgré tout le poids des ans dans son corps, à
l’intérieur…
Mais pourquoi elle ? Elle avait voyagé en first
aux frais de SpaceX, on était venu la chercher à
son Hôtel 5 étoiles et elle avait été accompagnée
dans une petite visite de ville et pour un dîner dans
un grand restaurant Français…
Elle aimait bien la France mais elle ne
connaissait que Kourou Guyane ! Elle avait
entendu parler de la cité de l’espace à Toulouse et
s’y était rendue virtuellement et de bons « amis »
lui envoyaient des images des dernières
modifications de ce site « ridiculement petit » à
ses yeux.
Les Européens se débrouillaient mais avaient
joués dans des petits créneaux, commercialement
rémunérateurs… Mais la France comme
l’Amérique, la Chine, le Japon, ne pouvaient se
passer de ces outils fabuleux qu’étaient les fusées
pour des raisons purement militaires et
stratégiques…
Elle n’aimait pas savoir que l’espace était
l’objet de tactiques militaires et aussi dans
48. d’autres domaines plus confidentiels proches du
gouvernement… L’idée de la guerre lui était
insupportable !
*
Le jour venait de se lever sur Hawthorne, on
ne pouvait deviner si cette journée du mercredi 15
Juillet 2015 allait être chaude ou pluvieuse.
L’esprit de Joan, dès l’éveil, s’était remis à
gamberger ! Plus que 2 heures avant le rendez-
vous…
Elle n’était pas dans l’anxiété mais dans
l’excitation ! Si elle avait été sélectionné dans sa
jeunesse comme astronaute potentielle, c’est
qu’elle avait semblé ignorer la peur !
Elle avait vite découvert qu’elle avait des
limites et c’est sûrement quelques paniques
incontrôlées au cours des entraînements qui
l’avaient peu à peu éloignées des grandes missions
spatiales…
L’heure approchait minute par minute…
A l’entrée du bâtiment de direction, le
Directeur en personne recevait les invités et
49. semblait particulièrement anxieux, le
développement de SpaceX dépendant de la
réussite de la réalisation d’un cahier des charges
démentiel, voire irréel, proposée par la Nasa.
SpaceX avait gagné l’appel d’offres et venait
de réussir ce pari qu’il définissait comme ça :
« SpaceX a terminé le travail de Dieu ».
En saluant Joan par un léger sourire à la vue de
son badge, il lui fit signe de se diriger vers une
hôtesse pour sa prise en charge…
*
Alors qu’elle arrivait au niveau de l’hôtesse
elle se retourna, mue par une de ses intuitions…
A cet instant sortant d’une voiture banalisée,
elle vit sortir… Obama, le Président ! Il était
entouré par ses gorilles et se dirigeait vers le
Directeur… puis vers elle et l’hôtesse… Puis vers
elle personnellement, lui tendant la main…
Etrange cette rencontre ! Jamais elle n’aurait
imaginée de le rencontrer en ce lieu, ni de le
revoir en personne après sa visite au monument
érigée en mémoire de JF Kennedy, chez elle, sur
son territoire, là-bas au Kennedy Space Center
50. Visitor Complex !
Elle n’avait jamais pensé qu’elle serait un jour
à nouveau en présence de Barack Obama Président
en exercice des Etats-Unis d’Amérique !
Il la regarda franchement dans les yeux et lui
sourit :
« Vous n’y êtes pas allée là-haut, moi non
plus ! »
Il levait les yeux vers le haut en tendant le bras
pointant l’index…
« Mais nos rôles sont importants aussi. N’est-
ce pas ? ».
Joan surpris de cette prise de contact se posa
la question de savoir de quel là-haut il parlait !
Obama continuait de lui parler, devinant ses
interrogations.
« Je parle de l’espace évidemment, Joan je
suis ravi de vous voir à nouveau, nous avions
besoin d’un complément d’avis technique de haut
niveau, mais féminin… ».
*
Tout ceci s’était produit brièvement et le
Directeur qui n’attendait que le Président de toute
51. évidence, venait de quitter sa fonction d’accueil,
laissée désormais à un subalterne.
Jeffrey Archery se dirigea vers le Président
qui échangeait avec Joan et lui appuya
discrètement mais chaleureusement sur l’épaule en
disant…
« Barack nous vous avons aménagé, selon vos
recommandations un salon VIP en attendant votre
discours d’introduction. »
*
Barack allait faire l’introduction d’une réunion
où elle était invitée… Joan se fit conduire en salle
de réunion, qui, au premier coup d’œil pouvait
bien recevoir 100 personnes. Là se trouvaient déjà
plusieurs individus inconnus et visiblement,
plusieurs membres assurant la sécurité… Un buffet
sympathique était dressé à la disposition des
participants.
Joan ne comprenait toujours pas, mais elle
était ravie que sa présence ait été connue du
Président.
Il lui suffisait d’attendre…
*
52. Elle commença à comprendre lorsque ses
vieux amis astronautes commencèrent à pénétrer
dans la salle !
Bruce Mac Candless
Adamson James, Buzz Aldrin, Thomas Akers,
Altman Scott, etc. tous titulaires d’un long séjour
dans l’espace.
Plus ses vieux copains arrivaient, plus elle se
disait que ce qu’elle allait entendre concernait une
avancée spatiale majeure…
Elle alla saluer Buzz qui l’avait invité. Puis
elle rencontra Thomas Akers avec qui elle avait eu
une liaison assez longue.
Eux, les astronautes à la retraite, avaient reçus
directement l’invitation de la maison Blanche !
Au milieu d’autant de connaissances elle se
disait que certainement plusieurs la pistonnerait
pour son voyage tant attendu dans l’espace…
Bien sûr, au vu de son âge elle ne pouvait
s’attendre à un voyage jusqu’à la station spatiale
Internationale, mais, peut être, allait-elle découvrir
quelque chose de nouveau créé dans une société de
droit privé ?
53. *
Le nombre d’invités semblait atteint car le
Directeur venait d’entrer dans cette immense salle
et se dirigeait vers un pupitre central… Il tapa sur
son microphone de corps pour en écouter la
résonance et fit le discours de bienvenue… Plus
aucun bruit ne filtrait désormais !
Sa voix s’élevait dans ce silence étrange où
chacun retenait sa respiration…
« Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis
Jeffrey Archery, Directeur général de SpaceX.
Nous avons conduit un projet unique dans les
annales du monde connu. Je l’ai appelé sans que ce
soit péjoratif pour le Créateur « l’homme
parfait », vous comprendrez pourquoi après le
speech de notre vénéré Président des Etats-Unis
qui s’est déplacé pour vous l’expliquer…
A tous, vétérans de la Nasa, membres de
l’équipe de notre projet, je vous souhaite la
bienvenue…
Maintenant je donne la parole à Barack
Obama !».
54. Parfaitement orchestrée, l’entrée du Président
fit battre les cœurs des invités… Enfin ils allaient
savoir…
« Messieurs, ce projet que le Directeur a
appelé « l’homme parfait » est une étape
fondamentale pour la reprise du programme
spatiale Américain, car nous allons bâtir des bases
spatiales de plus en plus éloignées de notre
planète. Les hommes qui vont participer à ces
missions et à ces développements de l’homme
dans l’espace seront précieux au point que nous ne
voulons en perdre aucun… Nous serons néanmoins
toujours des aventuriers avec des risques réduits
au maximum…
Aucun des participants à cette aventure ne
devra périr et se perdre dans l’espace, car chaque
homme a droit à une sépulture digne. Il y a eu des
guerres et hélas il y en a encore mais nous avons
trop transformé notre humanité en chair à canon…
Je déclare que moi Président des Etats-Unis,
tout homme envoyé dans l’espace et en mission
hors des navettes ou des stations orbitales, devra
55. revenir vivant sur Terre !
Je tiens à remercier nos amis décédés qui ont
joués les pionniers et qui hélas ne sont pas
revenus.
Je m’incline respectueusement devant les
parents, époux épouses, enfants et amis de ces
chers disparus…
Michael P Anderson, David Brown, Chalk
Kalpana, Clarck Laurel, Virgil Grissom, Rick
Husband,William McCool...”
Joan venait de décrocher son esprit de cette
énumération qui lui donnait les larmes aux yeux …
Elle attendait l’essentiel, mais pensa un instant que
son nom aurait pu être ce jour dans la bouche du
Président, dans cette liste de morts…
Barack Obama continuait son discours et
venait d’aborder le fil de ce qu’elle attendait
impatiemment,
« Tous ceux qui partiront et sortiront en
mission dans l’espace et de facto seront hors de
notre territoire, devront revenir chez eux…
La Nasa a confié une mission fondamentale à
56. la société SpaceX qui nous a convoqué.
Jeunes et vétérans, vous tous … »
Il parcourt du regard l’assistance avec
respect…
« Ce projet ne pouvait être ignoré plus
longtemps, car nous avons choisi l’homme qui
deviendra « l’homme parfait » et il partira en
mission dans 15jours.Tous ici vous êtes de la race
des aventuriers, certains sont grands pères,
certains comme Joan Kilt nous aident
financièrement tout en inculquant et formant des
milliers de visiteurs à la culture de l’espace. Nous
ne pouvions l’oublier car elle aussi avait voulu
être astronaute… Elle aussi va partir en retraite
comme beaucoup d’entre vous…
Il est temps pour moi de parler de l’homme
parfait, ou, l’homme qui ne pourra plus mourir
dans l’espace !
Comme je n’ai pas tout compris, sinon la
finalité, je passe la parole au chef de cet
incroyable projet… je nomme Jack Littlefoot ! A
vous Jack. Quant à moi je dois vous quitter et
délègue à Jeffrey Archery et Jack Littlefoot le soin
57. de vous informer au mieux ! Tout ce qui a été dit ou
qui sera commenté restera entre nous évidemment,
sinon nous aurions convoqués nos amis
journalistes… ».
Jack en entendant son nom, se lève, se
dirigeant lentement vers le pupitre, attendant le
départ du Président. On sent un homme timide, la
cinquantaine, les yeux pétillants d’intelligence. Il
porte des lunettes d’écailles noires, est de grande
taille porte un pantalon blanc et une chemise légère
à rayure bleue.
Il se dirige vers le micro sur pied, qu’il
empoigne maladroitement… Le directeur général
le rejoint pour affirmer son soutien indéfectible.
« Je m’appelle Jack Littlefoot, mais je chausse
du 45. Mon projet s’appelle « l’homme parfait »,
mes collaborateurs et notre cher Directeur disent
« SpaceX a terminé le travail de Dieu » n’y voyez
aucun sarcasme vis-à-vis de notre seigneur et
maître… »
58. Ce travail vous l’imaginez n’était pas simple.
Je vais être très vulgaire mais vous allez vite
comprendre la difficulté que nous avons résolue. »
Joan buvait les paroles de Jack mais il laissait
trop traîner… 100 personnes attendaient…
Le Directeur à ce stade se rapprocha de Jack et
lui glissa quelque chose à l’oreille.
Le chef de projet reprit :
« Messieurs de la sécurité nous vous
demandons de bien vouloir sortir, mais votre
protection doit rester assurée selon les termes de
votre mission… ».
Jack attendit quelques minutes puis continua :
« Donc j’ai dit vulgaire, mais aussi délicat…
Il ne savait comment entrer dans sujet du
cahier des charges défini par la Nasa…
« En gros l’homme est imparfait comparé au
poisson par exemple qui urine, chie et baise dans
son milieu naturel, lequel est conçu pour cela…
Donc notre mission a été de finaliser l’homme non
seulement pour l’adapter dans certaines situations
dramatiques dans l’atmosphère terrestre, dans
59. l’espace, dans le vide… »
Sarcastique, avec un léger sourire, il
poursuivit :
« Heureusement la demande ne concernait que
de faire vivre sur lui-même, l’humain pendant 6
mois en ne permettant qu’un amaigrissement au
plus de 10kgs !»
Les gens de l’assemblée ne réalisaient pas la
teneur des propos de Jack…
« Oui les futures stations orbitales ne seront
pas situées à plus de 6 mois de voyage les unes
des autres, donc tout homme séparé par accident
de la station où il effectue une mission externe
devra vivre où qu’il soit, en pouvant éviter tous
les objets dangereux pendant 6 mois, en respirant,
en se déplacent en mangeant, déféquant et
urinant… Heureusement que l’on ne nous a pas
demandé de lui permettre de se masturber pendant
ce laps de temps !
Les rencontres entre Dieux, déesses et ce futur
60. homme de l’espace ne font pas partie de notre
job. »
Jack souriait, observant l’auditoire, attendant
que son histoire atteigne les invités et les fassent
sourire…
« Donc je crois que tout le monde a compris le
challenge ! Si vous êtes là ce n’est pas pour vous
raconter notre challenge, mais bien de vous dire le
résultat, et le Président l’a dit, l’homme parfait
sera habité par un humain normal… Vous me
suivez toujours ? »
Un brouhaha commençait à monter de la salle
et il s’apprêtait à recevoir des questions qui
allaient surgir évidemment…
Les auditeurs commençaient à lever leurs
bras…
« Ai-je bien compris : l’homme parfait n’a
plus de fonctionnement vital… mais il est capable
de rester en vie 6 mois n’importe où ? Ce n’est pas
cohérent… Comment faites-vous ?».
Jack reprit l’invité :
61. « Non, il a un fonctionnement vital réduit qui
commence à évoluer morbidement, seulement au
bout de 6 mois… ».
Des voix s’élevaient parmi les scientifiques :
« Il est où ce mec parfait ? Qui a eu cette idée
saugrenue ? »
Jack attendait des questions positives…
Il désigna un autre participant…
« Donc il est nourrit pendant 6 mois et
vulgairement il urine et défèque dans une
combinaison ignifugée protégée contre les froids
extrêmes. Le rêve quoi ! ».
Jack sentait monter en lui une colère sourde…
« Pensez-vous Monsieur et vous autres qui êtes
silencieux que notre but était de paraître ridicule à
vos yeux ? ».
Le Directeur se dirigea vers le fond de la salle
jugeant que personne ne pouvait imaginer leur
homme parfait… Il frappa deux coups sur la paroi
qui s’ouvrit laissant apparaître une étrange
créature ressemblant aux tenues actuelles de
62. travail dans l’espace et marchant avec aisance…
Un incroyable décor futuriste de station spatiale et
de travailleurs de l’espace travaillant en
apesanteur apparut, alors qu’une musique aérienne
accompagnait le tout.
La créature s’avançait avec une facilité
ridicule dans une combinaison qui aurait due peser
200kgs. Il était évident que l’homme, puisqu’il
s’agissait d’un humain à l’intérieur, se mouvait en
état de pesanteur. ».
Jack s’écarta pour laisser à l’assemblée la
totalité du champ de vision alors que la salle
devenait une navette incluant les 100 invités.
Jack laissa à ses invités le soin d’apprécier la
mise en scène qui les avait laissé cois.
Il reprit la parole :
« Cet homme-ci est presque parfait car il a
subi toutes les simulations et tests possibles sur
Terre et se présente devant vous avec 6 mois de
fonctionnement. Entre le début de nos études et
aujourd’hui de nouveaux matériaux nous ont
permis de préciser que le temps prévisible dans
63. l’espace au froid ou à la chaleur extrême,
permettra un séjour rallongé de 50%
supplémentaire en appliquant des méthodes de
léthargie artificielle à la personne en état de
danger.
Je vous invite à nous suivre dans ce décor et
pour ceux que ça intéresse, il y aura la liste des
tests effectués sur cet habit vital dans l’avenir de
la conquête spatiale.
Sachez qu’un essai à partir de la station
internationale sera fait dans 15 jours…
Merci d’accueillir Jeremy Thumb… Comme
vous le remarquerez cette mission a été managée
par moi qui m’appelle Little foot (petit pied) et
sera exécutée par un Thumb (pouce)… ».
Personne ne releva ce dernier trait d’humour !
Les invités attendaient la fin du discours pour
aller constater l’existence de cette tenue ultra
légère et aux caractéristiques si surprenantes…
65. Chapitre 4 Secrets volés
A son retour de Hawthorne, Joan Kilt avait
repris son activité ayant au fond d’elle ce secret
qu’elle avait envie de partager. Jerry, son bras
droit, venait faire son rapport chaque matin et lui
avait posé beaucoup de questions qu’elle avait
détournées en disant que cela concernait sa
retraite.
Jerry lui avait fait remarquer que sa retraite
était organisée par ses amis du site et que si
d’autres s’en occupaient, il fallait le lui dire…
*
Le 3éme jour suivant son retour, elle adopta
une attitude de réserve inhabituelle !
Jerry s’en aperçut et fit ses rapports avec
froideurs, perdant son sourire charmeur du matin
66. en poussant la porte.
Parfois il se souvenait de discussion « à bâtons
rompus » sur des sujets aussi divers que la vie, le
bonheur, leurs familles… Quelques fois de petits
secrets étaient révélés.
Cette semaine qui avait suivi son retour était
distante, avec une économie de mots, de geste, de
la retenue, voire de l’agressivité…
Joan ne pouvait partager son secret, mais
l’insistance de Jerry à le connaître avait motivé
cette réserve dans laquelle elle s’était enfermée !
Elle l’avait comme collaborateur depuis 15
ans et il lui avait été imposé…
A part son éternel sourire, elle ne savait rien
de Jerry, sauf qu’il avait appelé Tom, son fils né
d’un premier mariage raté.
Sauf ce détail, elle ne savait rien de lui ! Elle
non plus n’avait rien laissé percer de sa vie
personnelle et c’était bien ainsi.
Elle regrettait amèrement leurs relations
d’avant son voyage, mais sa joie d’un tel honneur
ressenti pour cette invitation à Hawthorne, de
67. l’annonce de sa retraite l’avait fait sortir de son
habituelle réserve !
Elle découvrait donc un nouveau Jerry et
pensait que ses petits secrets lâchés précédemment
avaient gâché des relations de travail normales !
Il lui restait peu de jours avant la date de sa
retraite et elle pourrait supporter la froideur de
Jerry, qu’elle lui rendait bien !
Ce matin, Jerry ayant demandé une journée de
repos, elle attendait le rapport d’un de ses
collaborateurs, que lui avait recommandé son bras
droit récemment et suivait son évolution avec
intérêt…
Elle consultait sa montre avec anxiété car elle
avait rendez-vous avec Thomas Akers qui lui avait
signalé son passage dans le complexe. Il devait se
voir tout de suite après le passage de Jack Lados
(Ce collaborateur s’appelait ainsi) vers 10h.
Décidemment elle regrettait le départ
temporaire de Jerry et sa précision « horlogère ! ».
68. *
Cinq minutes après l’heure du RDV Jack
Lados entrait, le visage reflétant une étrange et
énigmatique émotion.
« Je viens d’apercevoir Thomas Akers qui se
garait dans le parking VIP, tenant compte de notre
tenue de fonction il m’a demandé à travers la grille
si je connaissais une certaine Joan Kilt ?
Ma réponse par l’affirmative l’a rassuré, ayant
oublié son smartphone, il m’a demandé de vous
prévenir qu’il préférait faire la visite incognito
avant de vous rencontrer comme prévue à 10
heures, mais pas au bureau ici ! ».
Reprenant son souffle, visiblement ému, il
reprit:
Il préfère tenant compte de « vos liens »vous
rencontrer au Motel 6 Coco Beach 11h chambre
23, un endroit discret où il ne risquera pas d’être
reconnu…
*
Thomas avait été un amour d’été, alors qu’elle
était jeune et belle ; sa rencontre récente à
Hawthorne s’était terminée par une accolade
69. appuyée…
Un peu surprise malgré tout elle nota et décida
de retarder tous ses entretiens de la journée.
Ce rendez-vous qui apparaissait comme un
souvenir de vieux copains, se transformait-il en
rencontre amoureuse ? Elle n’y était pas opposée !
Elle se regarda dans la glace et décida qu’elle
était « potable » au travail et que Thomas
l’accepterait comme ça !
Il y avait bien longtemps qu’un homme ne
s’était pas intéressé à elle… « Un peu de piment
dans la vie », pensa t’elle, « Ne se refuse
pas ! Surtout venant d’un aussi bel homme…».
La réunion avec Jack se déroula alors qu’elle
pensait sans cesse à cette rencontre proche.
Vers 10heures 15 elle décida de se rendre au
rendez-vous, seule, sans son « chien de garde »,
contournant les consignes de sécurités pourtant
strictes !
*
Joan Kilt arrêta son véhicule dans l’immense
parking de ce motel quelques minutes plus tard.
70. Cet immense immeuble était quelconque, bâti
sur deux étages, constata le peu de véhicule,
essaya de repérer la voiture de Thomas par
l’identification de sa plaque minéralogique, puis
conclut qu’il avait dû prendre une voiture de
location.
Elle ouvrit sa porte qui fut heurtée violemment
par un vent chaud. Elle jura en tentant de la fermer
et se dirigea vers la chambre 23.
De l’autre côté de la rue, la mer frappant la
langue de terre où était situé le motel, faisait un
bruit sourd. Ce mois d’août était particulièrement
venteux.
Elle prit son téléphone et donna un appel au
comptable en chef qu’elle avait oublié de prévenir
de son absence !
Ce rendez-vous inopiné l’avait totalement
perturbé. Le téléphone sonna longtemps et
finalement elle laissa un message.
Le temps de la communication elle s’était
trouvée devant la porte.
Son cœur s’était mis à battre la chamade
comme si elle était adolescente… Elle frappa
71. légèrement à la porte de la chambre 23.
Cet hôtel était quand même isolé et elle n’avait
vu personne !
La porte s’ouvrit et elle aperçut l’espace d’un
instant, deux individus cagoulés.
Sans comprendre elle se trouva projeté sur le
lit ! Elle pensa immédiatement à un viol… puis à
un vol.
Les individus devaient s’être trompés de cible.
Puis elle comprit quand une arme se trouva
braquée sur elle, que le sujet attendu était bien
elle…
Ses tempes et son cœur frappaient fortement
tout à coup ; elle cherchait à comprendre…
L’un des agresseurs se mit à parler dans une
langue qu’elle identifia comme Russe, puis le
second traduisit ses propos.
Joan venait de comprendre qu’elle était
« tombée dans un guêpier » mais elle ne
comprenait toujours pas pourquoi !
Elle réfléchissait à toute vitesse et se
demandait comment elle allait sortir de cette
situation maintenant partiellement éclairée…
72. Le premier avait clairement dit :
« Nous voulons savoir ce que vous avez fait
lors de votre voyage à Hawthorne !!! »
Pitoyablement, tremblante de peur, elle
répondit qu’elle avait été invitée avec des amis
astronautes à la retraite par SpaceX à un repas où
chacun avait raconté ses expériences passées… Le
but était publicitaire et un reportage allait bientôt
paraître dans les revues spécialisées et sur les
chaînes de télévisions…
Elle avait raconté ça blême de peur et la voix
tremblotante.
Ses agresseurs ne bougeaient pas et le
traducteur rapportait ses propos en Russe.
Au fond d’elle-même un brin de confiance
remontait, les temps de traduction…
Elle commençait à songer comment elle
pouvait se tirer vivante de ce guet-apens. Il
s’agissait vraisemblablement d’espions de l’est…
Désormais assise, elle observait les lieux,
mais au fond elle essayait de comprendre qui avait
su que Thomas était à Cap Canaveral, comment et
qui avait confié cette information à Jack Lados
73. dans le parking VIP ?
Elle avait mis en place toutes les mesures pour
éviter l’entrée de voyous de voleurs de fraudeurs
sur le site mais n’avait pas imaginé d’éventuels
espions intéressés par un site qui prônait la
vulgarisation des conquêtes de l’espace…
Soudain, après un silence glacial, elle comprit
que ces explications ne convenaient pas…
Nouvel échange dans un Russe où le ton calme
et posé du début commençait à monter crescendo,
jusqu’à l’hystérie…
Celui qui parlait anglais commença
calmement :
« Mon ami dit que vous vous foutez de sa
gueule, qu’on a jamais vu le Président des Etats-
Unis se rendre à un repas de retraités… Si vous
continuer à vous moquer de nous ! »
Il s’arrêta un instant puis sortit un couteau qu’il
appuya sur la veine jugulaire, criant quasiment…
« C’est la dernière fois que je répète la
question… Qu’avez-vous appris de cette réunion
qui a motivé la venue du Président Obama, vous
voyez nous avons des indicateurs partout et un
74. réseau de bouclage d’information ! ».
A nouveau plaquée sur le lit, Joan Kilt essayait
d’appeler au secours, mais aucun son ne sortait de
sa bouche.
Hystérique son agresseur commençait à être
ordurier.
« Vas-tu parler salope, que sais-tu de si
secret ! ».
Joan changea de stratégie, repoussant le
couteau elle montra qu’elle voulait parler, mais
qu’elle ne pouvait pas !
Un coup de fil se présenta alors sur l’appareil
du Russe. Il allait laisser un peu de temps à Joan
pour essayer de s’échapper, le couteau n’étant plus
appuyé sur sa jugulaire.
Un sourire éclaira alors son visage. Il posa le
téléphone sur le lit et prononça alors des mots
qu’elle avait déjà entendus… Ces mots elles
venaient de les comprendre, ils ne laissaient rien
augurer de bon !
« Si elle ne parle pas on la tue, nous avons
désormais d’autres moyens pour tout savoir, nous
avons pris Thomas Akers dans nos filets… Si elle
75. ne parle pas on la tue quand même… ».
Un jet d’adrénaline parcourut le corps de Joan
qui réussit à s’échapper de son emprise.
Elle se leva et se précipita sur la porte, appuya
puérilement sur la clenche.
Le dernier coup de fil avait signé son arrêt de
mort.
Elle sentit tout d’abord un choc violent qui
déclencha immédiatement une douleur fulgurante
dans son dos, puis un voile puis plus rien… Une
dernière pensée s’infiltra en elle « personne ne
saura que je ne suis pas Ecossaise ! ».
Elle ne saurait jamais qui avait pu la trahir…
Elle n’avait pas reconnu la voix du Russe… Il
s’appelait Jerry Igorovitch, il avait été son plus
proche collaborateur, il avait introduit un ami
auprès de Joan, Jack Ladosky. Leur plan était
simple et pertinent !
Elle était morte pour rien, peut-être pour
assouvir un vieux rêve celui de monter là-haut en
navette… Elle allait bientôt y être par un autre
moyen.
76. Les vautours de l’espionnage tournaient, ils
pénétraient là où on les attendait le moins et
restaient pacifiques, en léthargie pendant des
dizaines d’années ! Ils étaient pires que des loups
silencieux et rodaient partout…
Le tour de Thomas allait venir… Le projet de
« L’homme parfait » avait du souci à se faire !