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UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES
D’AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE
Centre de Droit Maritime et des Transports
LES GARANTIES P&I
Mémoire pour le Master 2 Droit Maritime et des Transports
Présenté par Marie-Camille DELAYE
Sous la Direction de M. Christian SCAPEL
Année de soutenance 2007
1
Remerciements
Je remercie avant tout Maître Christian Scapel pour sa disponibilité et pour m’avoir
donné l’occasion d’intégrer ce Master 2 de Droit Maritime et des Transports.
Je tiens également à remercier mes Professeurs Messieurs Pierre Bonassies et Georges
Figuière pour leur disponibilité et les connaissances qu’ils ont pu m’apporter.
Mes remerciements se tournent aussi vers Monsieur Philippe Garo, directeur de
McLeans S.A, correspondant de P&I Club ainsi que vers toute son équipe, pour leur patience et
leurs précieux conseils.
Enfin, je remercie Nelly Laurendon pour son soutien et ses relectures.
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION……………………………………………………………….4
CHAPITRE PRELIMINAIRE : Les règles particulières des P&I Clubs…..15
Section 1 : Règles originales quant au fonctionnement…………………………………….15
Section 2: Pratique particulière au niveau du contentieux……………………….. ………20
CHAPITRE PREMIER : Les garanties classiques proposées par les P&I
clubs……………………………………………………………………………..32
Section 1 : Diversité d’objets des garanties clubs……………………………………………...32
Section 2 : Les lettres de garanties……………………………………………………………..48
CHAPITRE SECOND : Les garanties proposées par les P&I Clubs dans le
cadre des dommages causés à l’environnement………………………………60
Section 1 : Les risques de pollutions…………………………………………………………...62
Section 2 : La protection de l’environnement dans le cadre de l’assistance maritime…………74
CONCLUSION :………………………………………………………………..80
TABLE DES ANNEXES :……………………………………………………..82
BIBLIOGRAPHIE :…………………………………………………………..112
TABLE DES MATIERES :…………………………………………………..115
3
INTRODUCTION
« Aussi loin que remonte la mémoire humaine, la mer a toujours représenté le lieu de
tous les dangers »1
. Cependant, il apparut très tôt nécessaire d’utiliser à des fins commerciales
cette formidable mais périlleuse immensité, espace naturel d’échanges. Les dangers étant
autrefois encore plus importants qu’ils ne le sont aujourd’hui, les premiers navigateurs
ressentirent le besoin de partager d’un point de vue financier les aléas maritimes, de mettre en
commun les risques.
L’assurance était née.
Cette vision de la mer et du transport, marquée par le danger et par l’esprit de
solidarité, a donc légitimement donné à l’assurance maritime une place prédominante. Ainsi,
on ne peut aujourd’hui raisonnablement envisager le transport maritime sans l’assurance
maritime, « l’assurance est la condition même du commerce maritime. »2
Différents types d’assurances existent en transport maritime. Tout d’abord, l’assurance
sur facultés est une assurance marchandises souscrite par les intérêts cargaison afin de protéger
leurs marchandises. L’armateur doit également assurer ses navires via une assurance corps et
machines. L’armateur doit aussi se prémunir des risques liés à sa responsabilité civile. Pour
1
Pierre Albertini, « Le rôle de l’assurance », annales IMTM 1997 p. 143
2
Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1280 p. 819
4
cela, il existe deux polices françaises types créées en 1972 à l’initiative du ministère des
finances; la police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de
navires de mer et la police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du
transporteur maritime.
Cependant, en matière de responsabilité de l’armateur, l’assurance maritime la plus
utilisée est celle fournie par les Protection and Indemnity Clubs ou Clubs de protection et
d’indemnité. Ce sont les garanties fournies par ces P&I Clubs que je vais tenter de traiter dans
ce mémoire en raison du rôle capital de l’assurance dans le monde maritime et aussi parce que
les P&I Clubs sont une institution tout à fait atypique et bien qu’incontournable, assez mal
connue de certains acteurs du transport maritime.
Les P&I couvrent globalement « la plupart des responsabilités contractuelles ou légales
liées à l’exploitation du navire que le membre soit armateur, affréteur ou opérateur »3
Selon
l’article 1 de la loi du 3 janvier 1969, l’armateur est « celui qui exploite le navire en son nom,
qu’il en soit ou non propriétaire. » Nous n’envisagerons cependant dans cette étude que
l’armateur propriétaire de navire. Il est important également de préciser que les Clubs
envisagent la notion de navire de manière très large. Ce sont en effet, tous les engins destinés à
la navigation sur l’eau, sous l’eau, dans l’eau, peu importe le mode de propulsion. En revanche,
les navires de sauvetage, de forage, les dragues et autres navires spécialisés sont expressément
exclus.4
D’origine britannique, ces clubs ont eu une création originale. Il ne s’agit pas
d’assurance maritime à proprement parler mais de mutuelles. Selon le Doyen Rodière et le
professeur Emmanuel du Pontavice, la différence se fait dans la distribution des risques qui
peut être réalisée de deux manières « soit par l’entente de ceux qui courent les risques ; c’est le
procédé des mutuelles, où en fin d’année, les risques sont également répartis entre tous les
intéressés ; soit par l’intermédiaire d’un professionnel, entrepreneur qui réalisera un profit ;
c’est le système des compagnies d’assurances »5
. En 1999, AXA Corporate Solutions, asuureur
commercial a tenté d’offrir des garanties P&I mais ce sans succès, ce produit ne représentait
que 0,5% des primes encaissées par Axa CS, le groupe décida donc de supprimer cette
couverture fin 2005.
3
Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3
4
Rule 28 des Rules 2007 du Shipowners
5
René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit Maritime, Précis Dalloz, 11ème
éd, 1991 § 523 p.411
5
Ces Protection and Indemnity Clubs sont les descendants des assureurs corps constitués
en Club, les « Hull Clubs »6
. Ces derniers sont apparus en Angleterre dans le milieu du
XVIIIème siècle en réponse au « Bubble Act » de 1720 qui autorisait uniquement la « Royal
Exchange Assurance » et la « London Assurance » de fournir des assurances maritimes.7
Ce manque de concurrence inquiéta terriblement les armateurs qui craignaient une
augmentation importante des primes ainsi qu’une acceptation réduite des risques assurés. En
outre, le marché étant concentré à Londres, certains armateurs devaient recourir à des
intermédiaires d’assurance, ce qui augmentait également les sommes à verser pour s’assurer.
Les armateurs britanniques ont donc décidé de s’associer et d’assurer leurs aléas
maritimes sur une base mutualiste et sous forme d’association, c’est-à-dire à but non lucratif.
Au milieu du XIXème siècle, de nombreux « Hull Clubs » existaient à Londres, dont
certains s’étaient spécialisés, par exemple dans la couverture des risques des caboteurs ou
encore des voiliers. Ces Clubs possédaient bien des avantages notamment celui d’engager des
coûts de fonctionnement réduits, et de créer des relations de proximité entre les membres.
Cependant, malgré ces avantages, « le caractère local et volontairement limité de ces
clubs devenait un obstacle à leur croissance. »8
Ainsi, certains membres désirant appartenir à
un Club plus puissant, acceptaient l’adhésion d’armateurs inconnus dont le sérieux pouvait
faire défaut à certains, pénalisant de la sorte les armateurs consciencieux. Dès lors, dès le début
du XIXème siècle les Hull Clubs ont connu une période de déclin qui s’aggrava d’autant plus
avec l’abolition du Bubble Act en 1824. Les armateurs ont donc abandonné peu à peu ces
clubs, qui devinrent par la force des choses des « Rust Bucket Clubs » !
En outre, la disparition des clubs coïncidait avec la révolution industrielle en Grande-
Bretagne dont les effets se sont évidemment fait sentir aussi dans le monde maritime. Les
avancées technologiques ont conduit à produire des navires de plus en plus puissants et par
conséquent plus chers. Aussi les produits plus technologiques, manufacturés pendant la
révolution industrielle allaient constituer des marchandises à transporter d’une plus grande
valeur marchande.
6
Aussi appelés « Mutual Hull Underwritting Associations »
7
Il s’agit précisément du Royal Exchange and London Assurance Corporation Act 1719.
8
Georges Figuière, Fascicule « Origine et Historique des Clubs » p.3
6
Dans ce monde en pleine évolution et effervescence, l’affaire De Vaux v. Salvador9
de
1836 allait provoquer des effets retentissants. En effet, les juges de la High Court décidèrent
qu’en cas d’abordage, l’assureur corps n’était plus responsable du remboursement des
dommages dus à la responsabilité de l’armateur. Le marché anglais de l’assurance maritime
tenta d’y remédier en proposant une couverture contre le paiement d’une surprime. Toutefois,
cette couverture n’était pas complète. Les assureurs britanniques ont alors proposé une
couverture à hauteur des ¾ en cas d’abordage, la somme maximum pouvant être remboursée
étant celle de la valeur du navire. Il était de plus fait application des dispositions du Marine
Insurance Act de 1745 qui interdisait aux armateurs de s’assurer pour des sommes excédant la
valeur du navire. Ainsi, il restait à la charge des armateurs ¼ des sommes dues ainsi que toutes
celles excédant la valeur du navire.10
En outre, une responsabilité sans limite était imposée aux armateurs dans le cadre des
décès, dommages corporels et pour les dommages aux objets fixes et flottants (les F.F.O.)11
. En
effet, une série de textes, dont le « Fatal Accidents Act » de 1846, qui a permis d’attaquer
l’armateur pour le décès de personnes (à bord ou non) causé par la faute de l’armateur. Puis le
texte de 1847, le « Harbours, Docks and Piers Clauses Act » donna la possibilité aux ports
d’intenter une action pour les dommages causés aux F.F.O. Enfin, le « Employers’Liability
Act » en 1880 a obligé les employeurs et notamment les armateurs à garantir leurs employés en
cas de dommages corporels dans le cadre de leur travail.
Par conséquent, la couverture proposée par le marché britannique ne correspondait plus
aux attentes et aux besoins des armateurs. Ces derniers ont ainsi eu l’idée de reprendre le
concept des « Hull Clubs » ; un système mutualiste d’association pour les dommages non
couverts par le marché traditionnel, le « quart » à leur charge dans la police traditionnelle en
cas d’abordage, les dommages corporels pour les membres d’équipage ainsi que les passagers
et les F.F.O .
The Shipowners Mutual Protection Society12
fut le premier club à voir le jour en 1855,
d’autres clubs furent institués par la suite. Ces Clubs n’étaient alors que des clubs de
9
De Vaux v. Salvador, [1836] 4 Ad. & E. 420, 111 Eng. Rep. 845.
10
Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit
maritime européen, 4 mars 2005
11
Fixed and Floating Object
12
Ce club est le prédécesseur du Britannia P&I Club, un des clubs les plus importants du marché encore
aujourd’hui
7
protection, le service d’indemnité (connu sous l’initial I) que propose aujourd’hui tous les P&I
clubs n’existait pas. C’est avec les réclamations marchandises (cargo claims) que cette notion,
ce service est apparu. En effet, jusqu’à la fin du XIXème siècle, les armateurs n’étaient pas
considérés comme pleinement responsables pour la perte ou le dommage de la cargaison qu’ils
transportaient. Cette situation abusive disparut grâce à deux célèbres affaires du droit maritime
anglais.
Tout d’abord, dans les années 1870 l’affaire « Westen Hope » dans laquelle ce navire
effectua un voyage jusqu’à Cape Town en Afrique du Sud mais dû se dérouter à Port Elisabeth
où il effectua une escale. Le juge décida que l’armateur ne pouvait valablement se prévaloir des
dispositions contractuelles du contrat de transport et des exceptions qui y étaient incorporées.
L’armateur dû ainsi indemniser les intérêts cargaison pour la complète valeur de la
marchandise.
Ensuite, c’est avec l’affaire « EMILY » dans laquelle ce navire ainsi que la cargaison
furent perdus. L’armateur ne put invoquer l’exception du péril de la mer. Le juge décida que la
perte de la marchandise et du navire étaient due à une faute de navigation, ce qui n’était pas à
l’époque exclu par les connaissements. Les protecting clubs ne prévoyaient pas cependant la
garantie de ce type d’événement dans leur rules.13
Le retentissement de ces deux décisions allait entraîner une nécessaire adaptation des
garanties proposées par les protecting clubs. Ils ajoutèrent une « indemnity class » pour fournir
la couverture indispensable aux armateurs. Tel fut le cas en 1866 pour le Shipowners Mutual
Protection Society.
« Les P&I Clubs étaient nés. »14
Ainsi, comme le remarque justement Françoise
Fouchet de France P&I « les Clubs tels que nous les connaissons aujourd’hui sont le résultat de
l’évolution du marché de l’assurance et de l’augmentation des responsabilités pesant sur les
armateurs.»15
Si les P&I Clubs de la fin du XIXème siècle étaient gérés totalement sous forme
d’association par les armateurs, les P&I Clubs modernes sont gérées par des sociétés
commerciales pour les affaires « quotidiennes ». On peut citer par exemple, la société Thomas
Miller (UK Club) ou Tindall Riley & Co (Britannia) situées toutes deux à Londres. Ces
13
« rules » est le terme qui désigne les règmes de la police qu’offre les P&I Clubs
14
Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit
maritime européen, 4 mars 2005
15
Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3
8
sociétés ont une personnalité morale propre qui leur permet d’accomplir tous les actes
juridiques. Il n’est plus nécessaire par exemple, comme il l’était auparavant d’intenter une
action contre chaque membre dans le cadre d’un conflit avec le club. Ces sociétés sont
constituées comme toute société conformément au droit des sociétés de leur siège social.
En droit anglais, les Clubs ont la forme d’une « private company limited by guarantee »,
forme souvent utilisée par les associations à but non lucratif. En effet, dans ce type de société,
l’absence de profit ne nécessite donc pas le partage des bénéfices et l’apport initial lors de la
création de la société n’est pas réglementé.16
Pour le UK Club, dans un P&I Club, les managers17
sont les serviteurs du Club,
consacrés à la disposition et au développement du service que les armateurs membres exigent.
Les assureurs traditionnels fournissent une assurance à un armateur client.18
Il y a ainsi une
différence d’approche entre les deux types d’assurance, la première est basée sur la mutualité
sous forme de société à but non lucratif et la seconde est une véritable société commerciale. La
mutualité et la forme non lucrative des P&I entraînent également l’effet non négligeable de
constituer une assurance moins coûteuse que celle que pourrait proposer une assurance
typiquement commerciale.
En outre, il est important de préciser que les Clubs fournissent également conseil et
assistance à leur membre via leur important réseau de correspondants à travers le monde. Ces
sociétés de correspondants basées dans tous les ports du monde vont être le lien entre le navire
et le Club. En effet, lorsqu’un événement important et urgent se produit, le capitaine contacte
directement le correspondant de Club du port le plus proche qui prendra toutes les mesures
nécessaires de gestion du sinistre.
Cependant, les décisions très importantes concernant les grandes orientations du Club
( utilisation du fond de réserves du Club, signature des contrats de réassurances, montant des
« calls »19
etc…) ou concernant un membre (litige avec un membre, utilisation de l’omnibus
rule, réclamation importante etc…) sont néanmoins prises par le « board »20
qui est composé
d’armateurs membres. Une fois par an, une assemblée générale extraordinaire est convoquée
afin notamment de renouveler ou non les mandats des directeurs du conseil d’administration.
16
Davies, P Gower and Davies’ Principles of Modern Company Law. 7th
Edition. Sweet & Maxwell. London 2003
17
« managers » signifie les directeurs de la société commerciale
18
http://www.ukpandi.com/ukpandi/infopool.nsf/HTML/About_Home
19
Les « calls » sont les cotisations demandées au membre
20
« Board » signifie conseil d’administration que nous appellerons conseil dans cette étude
9
Il est important de préciser qu’il existe des Clubs spécialisés notamment dans la
couverture des risques liés à l’affréteur. Le premier a vu tardivement le jour puisqu’il a été créé
en 1986. Il est intéressant de souligner qu’en règle générale, c’est le système de prime fixe qui
sera utilisé dans ce type de Club.21
Un autre Club a pour domaine de préférence le risque de
grève22
, les lock-outs et arrêts ou restrictions de travail. Il existe aussi un club spécialisé dans la
protection du risque de guerre. Un célèbre Club est le TT Club, Trough Transport Club créé en
1968 et spécialisé dans la protection des opérateurs du transport multi-modal. Les Clubs
proposent enfin la classe, Freight, Demurrage and Defence (F.D.D.) qui fournit aux membres
une assistance pour les frais de défenses, d’expertises judiciaires en relation avec des
réclamations concernant les surestaries, le fret, le loyer de l’affrètement, la vitesse du navire
inscrit dans une charte-partie.
Cependant, nous n’étudierons pas ici ni ces clubs spécialisés ni ces différentes classes,
nous nous limiterons aux règles protecting and indemnity.
Certaines règles phares de la classe P&I sont à respecter religieusement. En effet, « ne
sont couverts que la responsabilité, la perte ou les débours dont la couverture est expressément
mentionnée dans les règles. En outre, ne sont pas couverts la responsabilité, perte ou débours
qui font ou auraient pu faire l’objet d’une autre couverture. » 23
De plus, le Club ne couvre le
membre que pour ce dont il est légalement responsable.
Cependant, « le droit traverse souvent mal les frontières. »24
et parfois le droit n’est pas
l’élément principal à considérer. Il peut arriver que pour des raisons locales ou du fait d’un
rapport d’expertise erroné, le membre soit condamné alors que les textes étaient de son côté.
Dans ce cas ci, le Club prendra en charge la réclamation. 25
De plus, le Membre se doit d’être à jour dans le paiement de ses primes pour éviter
toute suspension ou cessation de couverture. Il est assez intéressant de noter que le
renouvellement des contrats d’assurance se fait le 20 février, date qui marquait la reprise de la
navigation en mer Baltique autrefois. La particularité des P&I Clubs est qu’il ne s’agit pas
21
Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd
ed, LLP, 1996 p.143
22
Il est néanmoins possible via son P&I Club d’obtenir une couverture risque de grève strike class
23
Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3
24
Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1152 p. 743
25
Mathieu Constantini, Complémentarités entre les conditions de polices d’assurance corps et la couverture du
P&I club de l’armateur, cdmt 2005, p.59
10
d’une assurance à prime fixe. En effet, les « calls » représentent plus une contrepartie qu’un
paiement véritable d’une prime d’assurance.26
Ainsi au début de chaque exercice, le conseil demandera des « advance calls »27
qui
sont des cotisations calculées en fonction de la jauge du navire, des frais de fonctionnement du
Club et des indemnisations moyennes prévisibles à titre de cotisations de fond provisoire pour
l’exercice en cause. Il est possible pendant l’exercice ou à la fin de chaque exercice mais avant
que celui-ci soit clôturé que le conseil oblige les membres à demander des cotisations
supplémentaires « additional calls »28
. Il est en mesure également de demander des « overspill
calls »29
, ce sont des cotisations exceptionnelles demandées aux membres quand le montant des
indemnités dues par le Club dépasse le plafond des réserves et les prévisions de dépenses de
celui-ci ».30
Il est prévu que si le navire inscrit est vendu, ou perdu, ou bien si le navire est désarmé
pour une période de plus de 30 jours consécutifs dans un port sûr, une ristourne sera proposée
au membre, la ristourne ne comprend pas toutefois le montant des « overspill calls »
préalablement versés. Ce sont les « laid-up returns ». 31
En outre, si le conseil avait été trop
pessimiste dans ses prévisions, le surplus des cotisations initialement perçues alimente le fond
de réserve du Club.32
Enfin, si un membre cesse d’être assuré au titre du navire inscrit, les managers du Club
peuvent exiger de leur ex membre des appels supplémentaires (exceptés les « overspill calls »)
représentant les obligations estimées de l’ancien membre.
La cessation de la couverture se fait aussi lorsque le membre est mort, en faillite,
incapable pour une personne physique. La couverture cesse lorsque le membre, personne
morale est en redressement judiciaire, en liquidation judiciaire. De plus, lorsque le navire
inscrit est vendu, hypothéqué, s’il perd sa classe, s’il est perdu notamment.33
26
Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd
ed, LLP, 1996 p.39
27
Rule 50 des Rules 2007 de Shipowners Mutual Protection & Indemnity Association, ci-après dénommé
Shipowners
28
Rule 51 des Rules 2007 de Shipowners
29
Rule 52 des Rules 2007 de Shipowners
30
Geoges Figuière, Dictionnaire français-français de commerce maritime
31
Rule 55 des Rules 2007 de Shipowners
32
Rule 56 des Rules 2007 de Shipowners
33
Rule 45 des Rules 2007 de Shipowners
11
Pour l’année 2007, les Clubs vont offrir un premier niveau de couverture (la Club’s
retention) qui est de l’ordre de 7 millions de dollars34
. Selon Philippe Garo35
, environ 95% du
nombre de dossiers se situent dans cette couverture, et 80% en terme de montant en jeu
Treize P&I Clubs se sont regroupés au sein de l’International Group of P&I Clubs afin
de fédérer leurs intérêts, d’obtenir une représentation et d'acquérir une solide protection en
réassurance. Il s’agit de l’American Steamship Owners Mutual Protection and Indemnity
Association Inc, de l’Assuranceforeningen Gard, de l’Assuranceforeningen Skuld, du Britannia
Steam Ship Insurance Association Limited, du Japan Ship Owners' Mutual Protection &
Indemnity Association, du London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited,
du North of England Protection & Indemnity Association , du Shipowners' Mutual Protection
& Indemnity Association (Luxembourg), du Standard Steamship Owners’ Protection &
Indemnity Association (Bermuda) Limited, du Steamship Mutual Underwriting Association
(Bermuda) Limited, du Swedish Club, du United Kingdom Mutual Steam Ship Assurance
Association (Bermuda) Limited et du West of England Ship Owners Mutual Insurance
Association (Luxembourg).
Beaucoup de ces clubs sont gérés de Londres même si certains Clubs ont fait le choix
d’installer leur siège social au Luxembourg ou aux Bermudes ! D’autres Clubs sont situés en
Scandinavie, au Japon et aux Etats-Unis. 36
Le monopole britannique s’est quelque peu effrité
mais la philosophie des Clubs et leur fonctionnement sont toujours britanniques.
L’international Group représente environ 90% du tonnage mondial37
. Les Clubs sont
donc incontournables. Dès lors des problèmes de concurrence dans le cadre communautaire ont
pu se poser. En effet, l’International Group a créé deux accords principaux. Le premier est
l’I.G.A (International Group Agreement), il s’agit d’un « accord entre les P&I Clubs qui établit
des règles sur les méthodes pour offrir une couverture P&I à un armateur qui est déjà membre
d’un autre club. » 38
Le second est l’I.G.P.A. (International Group Pooling Agreement) qui
concerne la couverture au sein du groupe international pour les dossiers entre USD
5.000.000,00 et USD 30.000.000,00.39
34
L’année dernière il était de 6 millions de dollars.
35
Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit
maritime européen, 4 mars 2005
36
Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit
maritime européen, 4 mars 2005
37
Il existe donc des Clubs n’appartenant pas à ce groupe mais leur part est peu significative sur le marché du P&I.
38
Philippe Garo, ibid
39
Montant de 2005
12
A plusieurs reprises, en 1983 et en 1995 le « Greek Shipping Corporation Commitee »
avait soulevé l’aspect non concurrentiel de l’International Group devant la Commission
Européenne. Le commissaire responsable de la concurrence, M. Karel Van Miert avait adressé
des objections au groupe international. En effet, selon la commission, la concurrence ne
fonctionnait pas pleinement à l’intérieur du groupe obligeant ainsi les clubs à offrir le même
niveau de couverture et en imposant des limites de concurrence de prix entre eux. En outre,
avec 90% de part de marché, le groupe ne laissait que peu de places aux autres assureurs.
Le Groupe prit donc rapidement des mesures, il a tout d’abord abaissé la limite de
couverture maximale qui était à l’époque de 18 milliards de dollars à 4,25 milliards de dollars,
tout en laissant la possibilité aux armateurs d’obtenir une limite de couverture maximale
supérieure. Puis en 1997, les clubs acceptèrent d’exclure de la base de leur calcul des primes
leurs frais administratifs internes ce qui permettaient d’ouvrir la concurrence sur ce chapitre
important.40
La commission renouvelle l’exemption en 1999, selon elle, si les clubs avec 90% de
part de marché sont en position dominante, il n’y a toutefois pas abus de position dominante41
et ce notamment grâce aux efforts faits par les clubs et les changements et modifications
consentis par eux. De plus, elle confirme le fait qu’un tel groupement est nécessaire pour leur
permettre d’offrir le niveau de couverture qu’ils offraient à l’époque, niveau réduit après
concertation avec les membres à 4, 25 milliards de dollars. Ainsi, l’accord entre les assureurs
mutualistes ne relèvent pas des dispositions de l’article 81 du Traité.
La commission exempta aussi « la procédure de tarification qui vise à éviter que les
Clubs ne sous-cotent leurs prix les uns par rapport aux autres. En effet, la nouvelle procédure
de tarification telle qu’amendée par rapport au mécanisme initial, s’applique uniquement aux
coûts qui sont liés aux risques et non plus aux coûts administratifs. » 42
Ainsi l’International
Group bénéficie maintenant d’une nouvelle exemption de groupe vis-à-vis des règles de
concurrence européenne jusqu’en 2009.
Pour l’année 2007, le « pooling agreement » est composé de deux niveaux. Le premier
niveau couvre les dossiers entre 7 et 30 millions de dollars et le second niveau couvre les
40
Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit
maritime européen, 4 mars 2005
41
C’est l’abus de position dominante qui constitue une infraction au droit de la concurrence et non pas la seule
position dominante
42
Philippe Garo, ibid.
13
dossiers entre 30 et 50 millions de dollars. Ce dernier pallier ne concerne qu’un à deux dossiers
par an en moyenne tandis que le premier pallier concerne une vingtaine de dossiers par an.
L’accord prévoit aussi un mécanisme de partage des réclamations entre 7 millions de dollars et
5, 4 milliards de dollars.
Le groupe est aussi re-assuré pour les dossiers entre 50 millions de dollars et 2,5
milliards de dollars. C’est le plus important contrat d’assurance maritime au monde.
Les clubs malgré ces aménagements, ont su garder leur esprit mutualiste, faisant leur
originalité et leur force dans le marché mondial de l’assurance maritime.
Il apparaît maintenant nécessaire avant de présenter les différentes garanties proposées
par les P&I Clubs d’expliquer, l’esprit atypique qui guide les Clubs, les règles particulières
qu’ils utilisent.
D’une manière préliminaire, nous allons donc présenter les règles qui font des clubs une
assurance très originale tant dans leur fonctionnement interne que dans leur pratique
contentieuse (chapitre préliminaire). Ensuite, une étude des différentes garanties proposées par
les Clubs sera traitée ainsi qu’une présentation d’un service très apprécié que fournissent les
Clubs, l’émission de lettres de garantie (chapitre premier). Enfin, nous nous attacherons à
présenter les garanties proposées par les P&I Clubs dans le cadre des dommages causés à
l’environnement ; la protection de l’environnement étant un sujet sensible pour lequel les Clubs
se sont fortement investis ces dernières années.
14
CHAPITRE PRELIMINAIRE : Les règles particulières des P&I
Clubs
Les P&I clubs ont un fonctionnement particulier causé par deux règles atypiques dans
leurs relations avec leurs membres (section 1). Ils essayent également d’imposer des règles
spécifiques dans leur pratique contentieuse (section 2).
Section 1 : Règles originales quant au fonctionnement
Les règles originales utilisées par les clubs sont issues pour certaines des règles de
Common Law, droit originaire des Clubs. Les Clubs peuvent en effet, avoir recours à
« l’omnibus rule » dans certaines circonstances exceptionnelles, règle qui a pour but de
rembourser le membre même lorsque le risque n’est pas légitimement couvert (§1). Enfin, le
Club suit également un grand principe de Common Law auquel il ne déroge jamais, la règle
« Pay to be paid » (§2).
§1 : L’omnibus rule :
La règle de principe est que le membre n’est garanti que pour ses obligations légales et
non pour des réclamations faites à titre commercial. Il existe cependant des exceptions lorsque
la condamnation est prononcée pour des raisons locales, « étrangères » aux règles
internationales ou par exemple lorsque la condamnation s’est faite sur la base d’un rapport
d’expertise erronée.
15
De plus, dans un souci d’adaptation à l’augmentation de la responsabilité des armateurs,
« l’omnibus rule » permet au conseil d’autoriser le paiement de certaines réclamations des
armateurs qui ne sont pas objectivement prévues dans la couverture du Club mais qui sont
toutefois dans le champ, dans l’esprit de la couverture.43
Cette clause originale nous rappelle que les Clubs sont des mutuelles à but non lucratif,
elles agissent et existent pour le bénéfice des armateurs. Cette règle de l’omnibus permet donc
au conseil de s’adapter de manière très réactive aux besoins de leurs membres, notamment
lorsqu’un nouveau risque apparaît ou lorsqu’un événement exceptionnel se produit et ne
correspond pas parfaitement aux clauses des Rules. 44
Cette règle représente également le
pragmatisme britannique qui a de nombreuses fois su s’adapter aux situations nouvelles.
On peut citer de célèbres exemples, telles les affaires « Emily » and « Westen Hope »
qui ont été réglées par la règle omnibus. Il en va de même concernant la délicate question des
clandestins, les clubs ont également élargi leur couverture après les évènements
des «Vietnamese boat-people ».
En règle générale, les assureurs traditionnels (à prime fixe) sont assez drastiques dans
l’appréciation du champ d’application de la garantie. Il existe également des exceptions,
comme la pratique des règlements commerciaux mais cependant la justification n’est pas la
même. L’assureur permet le remboursement pour des motifs commerciaux et donc pécuniaires,
du fait de l’importance de son client par exemple. Dans le cadre des P&I Clubs, le
remboursement s’effectue parce que le membre et le Club sont du même côté. Cette conception
n’est pas commune dans le marché de l’assurance et notamment dans les assurances maritimes.
En outre, il est important de souligner que ce ne sont pas les managers du Club qui
prennent la décision de faire application de « l’omnibus rule, » mais le « board », le conseil
d’administration composé d’armateurs. Cette décision revient donc aux membres en quelque
sorte, c’est l’esprit mutualiste qui prend le pas, la solidarité, parce que le membre qui a mis en
jeu sa responsabilité mérite vraiment d’être couvert par le Club du fait d’un comportement
43
“Notwithstanding anything to the contrary contained in these Rules the Board in its discretion shall have power
to admit a right of recovery by a member in respect of liabilities or expenses incidental to the business of owning,
operating or managing vessels, which in the opinion of the board fall within the scope of the cover of Rules 2, 3 or
4. provided that A Any amount claimed under this Rule would be expressly excluded by the provisions of any other
Rule may only be paid if the decision of those members of the Board present when the claim is considered
unanimous. B Any amount claimed under this Rule shall be recoverable to such extent onlas the Board in its
discretion may determine.” Rule 5 des Rules 2007 du Shipowners’
44
www. ukpandi.com/ukpandi/infopool.nsf/HTML/Cover#omnibus
16
exemplaire et donc par chacun des membres. Un souci de justice, d’équité anime donc aussi
cette règle.
L’omnibus rule est décidée de manière discrétionnaire par le conseil, qui doit statuer à
l’unanimité voire à une majorité absolue que la demande du membre tombe dans cette
catégorie. Le conseil n’a pas besoin de justifier son refus. L’appréciation de l’application ou
non de « l’omnibus rule » se fait au cas par cas et non pas par référence à un événement
antérieur. Il est important en effet, pour les clubs d’éviter la formation de « precedents ». C’est
en effet, un mécanisme qui peut s’avérer très contraignant en Common Law, puisque
le « precedent » lie de manière très forte les juridictions en représentant le droit et ici les règles
de la couverture.
Même si les membres n’ont pas de véritable droit d’assigner le conseil pour
discrimination, le membre lésé peut demander un arbitrage conformément aux règles du Club
ou demander l’assistance du juge.
En conséquence, on reconnaît bien ici le pragmatisme des Clubs, qui grâce à cette règle
issue du mutualisme de l’institution, sont en mesure de s’adapter aux évolutions des
responsabilités imposées aux armateurs.
Une autre règle capitale représente bien l’esprit des clubs et ainsi leur originalité, la
règle « pay to be paid » qui n’a pas d’équivalent dans le système français.
17
§2 : La règle pay to be paid:
La règle « pay to be paid » démontre encore une fois la singularité des P&I Clubs dans
le monde de l’assurance maritime internationale et de l’influence particulièrement grande de la
Common Law sur ces institutions.
Cette règle qui prévoit que le membre doit au préalable payer le réclamant avant de
pouvoir prétendre à un remboursement par le Club est d’une importance capitale car elle
conditionne une façon différente de travailler entre le Club et le membre et surtout elle est à la
base de la problématique de l’action directe qui empêche ainsi un recours direct de la victime à
l’encontre du Club, problématique que nous verrons dans la section suivante. Au contraire, en
France dans les assurances « terrestres » ou même dans les assurances françaises, l’assureur
paye directement le tiers lésé.
Le droit anglais présente une particularité. En effet, il existe la Common Law qui est un
droit fortement jurisprudentiel et l'Equity qui vient remédier les dysfonctionnements de la
Common Law. Et la règle « pay to be paid » a été créée par la Common Law.
L’Equity a donc tenté d’apporter des remèdes à cette règle qui peut être, dans certaines
situations, injuste. En effet, selon les principes de la Common Law, dans un « contrat
d’indemnité », il est nécessaire de payer d’abord avant de demander un remboursement à
l’assureur. Les juges de l’ordre de l’Equity ont décidé dans l’affaire « Johnston v. The Salvage
Association »45
que le paiement préalable n’était pas demandé dans un contrat d’indemnité et
notamment lorsque ce paiement avait pour conséquence de ruiner l’assuré.
45
Johnston v. The Salvage Association (1887) 19 Q.B.D. 458 p. 460 per Lindley L.J.
18
Toutefois, dans deux célèbres arrêts britaniques « The Fanti » and « the Padre
Island »46
, les juges ont décidé que les principes d’Equity ne pouvaient supplanter les termes
clairs d’un contrat d’indemnité qui prévoyaient que l’assuré devait régler d’abord le tiers lésé et
que l’assureur rembourserait ensuite l’assuré. La règle “pay to be paid” est exprimée de
manière très claire dans les rules des différents clubs, ce qui provoque ainsi l’application
certaine des règles de Common Law.
Ces deux décisions ont eu aussi pour effet d’établir le départ de la prescription d’une
action du membre à l’encontre du Club lorsque le membre a totalement payé ses dettes de
responsabilités et non pas à partir du moment où sa responsabilité serait seulement établie et
quantifiée.47
Le paiement préalable par le membre est une condition impérative pour obtenir un
remboursement du club. En effet, la règle peut être exprimée en ces termes : “Unless the Board
in its discretion otherwise decides, it is a condition precedent of a Member’s right to recover
from the funds of the Association in respect of any liabilities, costs or expenses that he shall
first have discharged or paid the same.”48
Cependant comme l’indique cette règle, il existe des exceptions à cette règle générale
qui sont décidées discrétionnairement par le conseil. Ainsi, le conseil d’administration du Club
peut décider pour trois raisons de ne pas exiger le paiement au préalable du membre.
Il s’agit généralement des règlements amiables. Ce sont également les cas où le Club
doit fournir une lettre de garantie et enfin lorsque le Club gère directement l’affaire avec le
réclamant sans pour autant admettre une reconnaissance de responsabilité (without
prejudice).49
Ce sont les seules exceptions et comme toutes exceptions elles sont interprétées
strictement.
Ainsi, le fonctionnement des P&I Clubs est soumis à des règles originales issues
notamment de la Common Law qui marquent les P&I d’un particularisme profond. Pour les
mêmes raisons la pratique contentieuse des Clubs est également marquée par les règles de
Common Law, droit originaire de ces associations.
46
The « Fanti » and the « Padre Island » [1990] 2 Lloyd’s Rep. 191,
47
Steven J. Hazelwood P&I Clubs Law and Practice, 3rd Edition, LLP, 2001, p. 355
48
Rules 2007 Shipowners, Rule 16 qui pourraient se traduit en français par « À moins que le Conseil
discrétionnairement n’en décide autrement, c'est une condition préalable au droit du Membre pour obtenir
remboursement du Club de régler d’abord ses dettes de responsabilités et toutes dépenses s’y rapportant »
49
Steven J. Hazelwood, ibid., p.352
19
Section 2: Pratique particulière au niveau du contentieux
Les P&I Clubs essayent de faire appliquer le principe de l’anti-suit injunction dans leur
pratique contentieuse. Ce principe qui est ordonné par le juge anglais afin d’empêcher toute
procédure hors du territoire anglais, est une arme redoutable utilisée par les Clubs (§2). En
outre, les Clubs, en s’appuyant sur la règle « pay to be paid » tentent de contrer le principe de
l’action directe (§1). Cependant, les Clubs n’auront pas toujours le dernier mot dans la maîtrise
de la pratique contentieuse.
§ 1 : La question de l’action directe :
L’action directe est un mécanisme qui permet de pallier les effets négatifs de la
relativité des contrats en permettant à une personne lésée de « poursuivre directement, en son
nom propre et pour son propre compte »50
, le débiteur de son débiteur.
En France, l’article L124-3 du code des assurances51
combiné aux deux arrêts de la
Chambre Mixte de la Cour de Cassation52
offre une véritable action directe à la victime. En
effet, dans le cadre d’une procédure collective, la victime peut se faire payer directement par
50
Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.4
51
Article L124-3 du code des assurances : « L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de
la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des
conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré. »
52
Cass. Ch.Mixte, 15 juin 1979, Rev.gén.ass.terr. 1979, 364, conclusions Toubas, note Besson
20
l’assureur même si elle n’a pas déclarée sa créance contre l’assuré, et que cette créance se
trouve éteinte.53
Ce principe présente une sécurité importante pour le justiciable. Il est en effet, plus
confortable de poursuivre un P&I Club dont la solidité financière est connue et reconnue
mondialement, plutôt que de poursuivre par exemple une compagnie maritime du type «single
ship company » qui aura été créée par des montages juridiques complexes afin justement de
« perdre l’ennemi » et dont le navire est enregistré sous un pavillon de complaisance.54
En outre, il n’est jamais vain de rappeler que le titulaire de l’action directe est bien
évidemment la personne qui a le droit d’agir, c’est-à-dire qui possède l’intérêt et la qualité à
agir conformément aux règles traditionnelles de procédure civile.55
Si en France l’action directe est possible, ceci est à nuancer en droit anglais, droit
originaire des Clubs. Ces derniers sont très attachés à cette quasi-impossibilité d’une action
directe en droit anglais. La détermination de la loi applicable est donc liée à la recevabilité de
l’action directe. Il suffit alors d’utiliser les règles de droit international privé pour déterminer
quelle loi sera applicable (chose qui est loin d’être aisée eu égard à la complexité et au manque
d’uniformité de l’interprétation de ces règles).
Ainsi, en Angleterre (comme en France), la victime de la négligence d’un armateur est
un tiers au contrat d’assurance qui lie cet armateur à son assureur, en l’espèce le contrat entre le
P&I et son membre. Ceci signifie que la victime n’avait pas le droit de poursuivre l’assureur,
n’ayant pas de lien de droit avec ce dernier. C’est pourquoi le Third Party Act de 1930 a
instauré un système de subrogation légale.56
Selon Steven J. Hazelwood, cette loi marque un
changement dans la conception de l’assurance en Angleterre. On va désormais considérer les
intérêts de la victime plutôt que ceux de l’assuré.57
Le Third Party Act est une loi qui s’applique aux contrats d’assurance, certains
contestaient le fait que le contrat établi entre un P&I et son membre constituait un contrat
53
Christian Scapel, L’action directe contre les P&I Clubs, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, éditions Moreux
2001 p.338
54
Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.10
55
article 31 de N.C.P.C « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une
prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie
pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
56
Steven J. Hazelwood, op.cit. p.309
57
Steven J. Hazelwood, ibid. p.309
21
d’assurance. L’arrêt « The Allobrogia »58
a estimé tout de même qu’il s’agissait d’un contrat
d’assurance.
Le Third Party Act s’applique ainsi à tous les assureurs de responsabilité et donc aux
P&I Clubs. Néanmoins, cette subrogation légale ne s’applique que dans le cas où l’assuré est
en faillite ou en liquidation judiciaire, peu importe toutefois que cet état soit arrivé avant ou
après la responsabilité59
.
Pour que l’action directe s’applique, il faut aussi que le P&I Club ait accepté de couvrir
le risque encouru par le membre, c’est-à-dire que le risque réponde aux conditions des rules,
qu’aucune exception ne soit soulevée.
Par ailleurs, on sait que le non paiement des « calls », des cotisations par le membre
interrompt sa couverture. Cependant, pour le contentieux français, la Cour de Cassation a
précisé que « si l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le
bénéfice, les exceptions opposables au souscripteur originaire, cette disposition n'autorise pas
l'assureur de responsabilité à déduire de l'indemnité due à la victime le montant des primes
échues à la date du sinistre et non réglées. »60
Néanmoins, les P&I Clubs revendiquant fièrement la règle « pay to be paid »,
soutiennent donc qu’une action directe n’est pas possible à leur encontre. En effet, la règle
« pay to be paid » va à l’encontre du principe de l’action directe. Le membre ayant directement
payé le tiers réclamant, le Club n’a aucun lien juridique avec ce dernier. Néanmoins, le Club
acceptera parfois une action directe à son encontre car cela lui permet d’avoir un contrôle plus
grand sur l’affaire.
58
Re Allobrogia Steamship Corporation [1979] 1 Lloyd’s Rep.190
59
Third Party Act de 1930 (1) “Where under any contract of insurance a person (hereinafter referred to as the
insured) is insured against liabilities to third parties which he may incur, then— (a) in the event of the insured
becoming bankrupt or making a composition or arrangement with his creditors; or (b) in the case of the insured
being a company, in the event of a winding-up order or an administration order] being made, or a resolution for a
voluntary winding-up being passed, with respect to the company, or of a receiver or manager of the company’s
business or undertaking being duly appointed, or of possession being taken, by or on behalf of the holders of any
debentures secured by a floating charge, of any property comprised in or subject to the charge or of a voluntary
arrangement proposed for the purposes of Part I of the Insolvency Act 1986 being approved under that Part; if,
either before or after that event, any such liability as aforesaid is incurred by the insured, his rights against the
insurer under the contract in respect of the liability shall, notwithstanding anything in any Act or rule of law to the
contrary, be transferred to and vest in the third party to whom the liability was so incurred.”
60
Civ 1ère
31 mars 1993
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=72804&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1
22
En outre, dans les arrêts «The Fanti » et « The Padre Island »61
la Chambre des Lords a
réaffirmé la prédominance de la règle « pay to be paid » et par conséquent l’impossibilité de
principe de l’action directe.
Toutefois, les juges précisent qu’il existe un principe d’Equity qui va venir « adoucir »
cette règle. En effet, lorsque les Rules ne contiendront pas explicitement la règle « pay to be
paid », l’action directe sera possible.62
Mais c’est un leurre, les Clubs particulièrement attachés
à cette règle, ne manqueront jamais de l’inscrire de manière explicite dans leurs Rules.
Les Lords ajoutent que la victime n’aura jamais plus de droit que le membre, elle doit
« standing in the shoes of the insured ». Ainsi, « dans le cas où le membre est en liquidation et
n’est plus en état de payer la victime, cette dernière n’est pas fondée à se prévaloir de l’action
directe car elle ne saurait avoir plus de droit que les membres qui selon le principe du « pay to
be paid », ne sont plus non plus en position d’obtenir une indemnisation du Club »63
.On se
souvient en effet, que les règles des Clubs sur la cessation de la couverture sont assez
drastiques et qu’elles disposent que le membre en liquidation par exemple, ne peut plus
bénéficier d’une indemnisation du Club, et donc la règle « pay to be paid » ne peut s’appliquer.
En outre, les Lords dans ces deux décisions soulignent que les Clubs ne cherchaient pas
par l’application de la règle « pay to be paid » à contester l’objectif du Third Parties Rights Act
car cette règle était une règle à part entière des Rules bien avant la proclamation de cette loi.64
Toutefois, il est intéressant de noter que Lord Goff, a prévenu les Clubs que s’ils se
cachaient derrière la règle « pay to be paid » pour échapper au paiement des personnes victimes
de dommages corporels ou de mort, une réponse législative à un tel comportement serait
donnée. Toutefois, on peut raisonnablement penser que les Clubs dans le cadre de dommages
corporels n’auront pas une telle attitude, en raison au moins des retombées médiatiques que
pourraient avoir un tel refus.
Alors, « il apparaît qu’en cas d’insolvabilité de l’armateur, la victime agissant sur le
fondement du droit français, est incontestablement recevable à agir contre le Club, mais que
son action ne puisse aboutir parce que la garantie du club n’est pas engagée. »65
.
61
The « Fanti » and the « Padre Island » [1990] 2 Lloyd’s Rep. 191,
62
Steven J. Hazelwood, P&I Clubs Law and Practice, 3ème éd., LLP, 2001 p.318
63
Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.9
64
Françoise Foucher, ibid., p.9
65
Christian Scapel, L’action directe contre les P&I Clubs, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, éditions Moreux
2001 p.339
23
Cependant, la Cour de Rouen en 200066
a affirmé : « est recevable l’action directe de
l’assureur sur facultés contre l’émanation française d’un P&I Club étranger lorsque cette
dernière se présente comme une entreprise régie par le code français des assurances et accorde
au nom du transporteur un report de prescription, prenant ainsi la position d’assureur. Il en est
ainsi, a fortiori, quand la loi étrangère dont dépend le P&I Club prévoit que ladite action n’est
pas subordonnée à l’indemnisation préalable de la victime par l’assuré, en cas d’insolvabilité de
ce dernier. » C’est peut être une porte de sortie, si cette jurisprudence n’est pas interprétée en
fonction des principes de Common Law. Dans le cas contraire, on retombe sur la solution
dégagée dans les arrêts «The Fanti » et « The Padre Island ».
En conséquence, pour que l’action directe produise tous ces effets en France également,
il faudrait que la règle « pay to be paid » soit considérée comme contraire à l’ordre public
international français. Cependant, comme le remarque très justement Maurice
Cozian : « L’action directe est sans doute impérative en droit interne, mais elle n’est pas à ce
point essentielle à notre civilisation qu’elle devienne d’ordre public en droit international
privé.»67
Par ailleurs, en matière de pollution, la convention de Bruxelles 1969/1992 CLC prévoit
que les victimes d’une pollution par hydrocarbures pourront utiliser le mécanisme de l'action
directe contre l’assureur responsabilité, c’est-à-dire le P&I Club. Si en France, cette nouvelle
disposition ne change pas le droit, il n’en va pas évidemment de même pour le droit anglais.
Les Clubs qui couvrent la responsabilité des armateurs pétroliers ne pourront, dans le cas des
dommages par pollution visés par la Convention, échapper à l’action directe.68
Il est donc raisonnable de penser que l’action directe n’est totalement applicable que
pour les cas de pollution et de dommages corporels. Les Clubs peuvent utiliser une autre arme
l’anti-suit injunction pour se voir appliquer une loi et une juridiction sinon plus clémente, plus
familière.
66
CA Rouen, 29 juin 2000, “Navire Kovrov” Société Groupama navigation et Transports c/ Société Translink
Navigation et a., D.M.F. Avril 2001, p.336
67
M. Cozian, L’action directe, préf. Ponsard, 1969, p.217 repris par Christian Scapel, L’action directe contre les
P&I Clubs, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, éditions Moreux 2001 p.339
68
Pierre Bonassies, « Après l'érika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d'une pollution
maritime par hydrocarbures », Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2000, p.143
24
§2 : Un outil redoutable utilisé par les clubs : l’anti-suit injunction :
Il existe enfin, un autre principe issu du droit de la Common Law69
, l’anti-suit
injunction ; outil s’il est reconnu pouvant être redoutable. Pour faire appliquer la clause de
juridiction ou la clause compromissoire contenue dans le contrat, un justiciable va demander
aux juges d’interdire à toute personne de saisir une juridiction étrangère.
Cette procédure a été à l’origine imaginée par les juridictions d’Equity à la fin du
XVIème siècle dans le cadre d’un conflit de compétence avec les juridictions de Common
Law.70
Pour mettre en place une anti-suit injunction, il suffit de demander à la High Court de
Londres, d’émettre un ordre interdisant à toute personne de saisir une juridiction étrangère ou
d’interrompre une procédure en cours devant une juridiction étrangère. Si tous les documents
sont présentés devant le juge londonien, une anti-suit injunction peut être obtenue en 24 heures.
Cette procédure dont la simplicité déconcerte est doublée de sanctions civiles et pénales très
lourdes. En effet, si une personne venait contrevenir cet ordre, cette personne commettrait un
« contempt of court ». Ceci signifie que le contrevenant s’expose à des dommages-intérêts très
lourds et peut même se voir condamner à une peine de prison. Ces mesures sont donc
complètement rédhibitoires, la personne condamnée ne tentera plus de fouler le sol anglais !
L’anti-suit est rédigée en anglais et s’exprime souvent en ces termes : “This order
prohibits you from continuing, instigating or commencing proceedings whether in rem or
otherwise or from continuing to detain the vessel [name] for claims arising from alleged
shortage/damage to cargo carried under bills of lading numbered [numbers] issued on [date]
at [load port] in any jurisdiction other than before a London arbitration tribunal. If you
69
On le retrouve également aux Etats-Unis avec le Supreme Court Act 1981, s.37 qui prévoit :“The High Court
may by order grant an injunction in allcases which it appears to the Court to be just and convenient to do so.”
American Club Currents Issue number 23 December 2006
70
Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1174 p. 758
25
disobey this order you may be found guilty of contempt of court and may be sent to prison or
fined. In the case of a corporate correspondent, it may be fined, its directors may be sent to
prison or fined or its assets may be seized.”71
Ctte procédure n’a pas que des effets néfastes. En effet, elle peut permettre, et c’est à
l’origine son objectif premier, de se prémunir contre des actions dilatoires ou intempestives et
enfin protéger les clauses compromissoires ou de juridictions intégrées dans les contrats.
L’anti-suit injunction sera autorisée ou non suivant qu’il s’agit d’une clause
compromissoire ou d’une clause de juridiction et en fonction aussi de la situation géographique
de la juridiction étrangère sur le territoire de l’Union Européenne ou non.
A Dans le cadre d’une procédure juridictionnelle :
Le respect dû aux provisions contractuelles peut justifier l’application de cette
procédure. Cependant au vu des prescriptions contenues dans la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 puis du Règlement du 22 décembre 2000 44/2001, cette procédure n’est plus
justifiée. En effet, ces deux textes prévoient que les juridictions des Etats membres de l’Union
Européenne se doivent respect mutuel et doivent coopérer72
. Par ailleurs, dans le seizième
alinéa du préambule du 22 décembre, il est inscrit que « la confiance réciproque dans la justice
au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient
reconnues de plein droit ». En outre, l’alinéa 17 précise que « cette même confiance réciproque
justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue
dans un autre État membre soit efficace et rapide ».73
C’est pourquoi l’arrêt Turner v. Grovit74
de la Cour de Justice des Communautés a bien jugé en déclarant la procédure d’anti-suit
injunction irrecevable pour les actions intentées sur le territoire communautaire.
Dans cette affaire communautaire, un employé d’un groupe international détaché de
Grande-Bretagne en Espagne avait été licencié. Il intenta une action devant les juridictions
anglaises tandis que son employeur intenta une action devant les juridictions espagnoles. M.
71
American Club Currents Issue number 23 December 2006 p.4
72
Philippe Delebecque, ibid., p.1
73
Pierre Bonassies « L’entrée en vigueur du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice en matière civile et
commerciale » Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2002 p. 50
74
Turner v. Grovit, affaire C-159/02 27 avril 2004
26
Turner obtint une anti-suit injunction, interdisant donc à son employeur de mener une action
devant les juridictions ibériques. Toutefois, la réponse donnée par la Cour de Justice des
Communautés à la Chambre des Lords fut sans équivoque ; la procédure d’anti-suit injunction
est incompatible avec le droit communautaire et notamment contraire à l’esprit et aux
intentions des textes communautaires précités.
Récemment, une affaire d’anti-suit s’est posée devant le tribunal de commerce de
Marseille, le 13 janvier 2006, « Navire Antigoni »75
. Ce navire affrété à temps transportait une
cargaison de riz à destination de trois ports africains. Des manquants furent constatés à
l’arrivée, les assureurs facultés subrogés dans les droits des intérêts cargaison agirent contre le
fréteur, membre du London Steamship. Ce Club délivra alors des lettres de garanties afin de se
prémunir contre la saisie du navire. En mai 2005, le fréteur demanda à la High Court de
Londres une procédure d’anti-suit injunction contre les assureurs facultés afin de protéger la
compétence de la clause compromissoire de la charte partie. Cependant, en septembre, les
assureurs facultés opposèrent une demande d’ « anti-anti-suit injunction » devant le Tribunal de
Marseille afin de protéger la compétence de la clause de juridiction insérée dans les lettres de
garanties. Par ailleurs, cette demande peut paraître paradoxale puisque les assureurs facultés
contestaient la saisine du juge britannique.
Pour reprendre une expression d’Olivier Cachard dans son article du DMF, « il est
interdit d’interdire »76
, le Tribunal de Commerce a donc refusé la demande d’anti-anti-suit
injunction pour mettre un terme à cette contradiction; « accorder une anti anti-suit serait tomber
dans le même travers que celui qui lui est précisément reprochée, savoir l’interdiction de
conduire une procédure devant une autre juridiction. »77
En outre, les juges consulaires précisent qu’« il n’y a en l’espèce aucun manquement
caractérisé de respect de la justice puisque l’anti-suit n’est pas dirigée à l’encontre de la
juridiction étrangère qu’est le tribunal de Commerce de Marseille, mais vise la partie qui a
assigné devant ladite juridiction. »78
Ces juges reprennent donc la conception anglaise de
l’anti-suit injunction. En effet, selon eux, « l’anti-suit injunction vise in personam son
75
T. Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 856-876 obs Olivier Cachard et Anti-suit
injunction : la jurisprudence Turner s’applique même en cas de soumission alléguée des litiges à l’arbitrage,
Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2006, p.5, Renaud Carrier
76
Ibid., p. 873 obs Olivier Cachard, expression reprise de Monsieur Gaillard
77
ibid., p. 856 obs Olivier Cachard
78
ibid., p. 856 obs Olivier Cachard
27
destinataire »79
. L’action est menée contre la personne intentant l’action contre le Tribunal
étranger et non pas contre le Tribunal étranger représentant la souveraineté de l’Etat impliqué.
Mais la conception communautaire ne va pas du tout dans ce sens. Au point n° 27 de
l’arrêt Turner v. Grovit les juges écrivent que « dès lors que le demandeur se voit interdire
d’intenter une telle action par une injunction, force est de constater l’existence d’une ingérence
dans la compétence de la juridiction étrangère, incompatible en tant que telle avec le système
de la convention. »80
La question de la procédure d’anti-suit injunction est réglée par la Cour des
Communauté de Justice au niveau juridictionnelle. Qu’en est-il maintenant dans le cadre de
l’arbitrage ?
B L’anti-suit injunction et la clause compromissoire :
Ce qui est souvent en cause lorsque l’on rencontre une anti-suit injunction , c’est
l’opposabilité d’une clause compromissoire, insérée dans une charte partie, au tiers porteur du
connaissement, destinataire de la marchandise. En effet, nombreuses sont les chartes-parties qui
donnent compétence au droit anglais et à la chambre arbitrale de Londres, la LMAA81
.
Le Professeur Bonassies, dans son article de 200282
, c’est-à-dire deux ans avant que la
décision Turner et Grovit ne soit rendue, avait senti que « l’exclusion de l’arbitrage par l’article
1er
du règlement peut alors permettre d’éviter la confrontation de l’anti-suit injunction avec le
droit communautaire, surtout si l’on adopte – à tort sans doute, mais c’est là la tendance de la
Cour de Justice – une conception large de cette exclusion. »83
En effet, l’arrêt Turner v. Grovit a été rendu pour les clauses de juridictions au visa de
la Convention de Bruxelles de 1968 qui n’envisage pas les questions d’arbitrage. De la même
79
Philippe Delebecque, Anti-suit injunction et arbitrage : quel remèdes ? Gazette de la C.A.M.P. n°12, Hiver
2006-2007 p.2
80
T Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 874 obs Olivier Cachard
81
LMMA signifie London Maritime Arbitrators Association
82
Pierre BONASSIES « L’entrée en vigueur du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice en matière civile et
commerciale » Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2002 p. 48
83
Pierre Bonassies ibid., p. 51
28
façon, le règlement 44/2001 exclut de son champ l’arbitrage dans son article 162, d. 84
Ainsi, il
est possible d’en déduire que la procédure d’anti-suit injunction est valable dans le cadre d’une
clause compromissoire.
C’est pourquoi les juges britanniques ont décidé dans l’affaire « The Front Comor »85
dans laquelle ce navire, était entré en collision avec la jetée d’une raffinerie en Sicile. Les
propriétaires de la raffinerie qui étaient également l’affréteur ont intenté une procédure
d’arbitrage à Londres conformément à la clause compromissoire de la charte partie. Cependant,
trois ans plus tard, les assureurs du fréteur, propriétaire du navire ont intenté une action devant
le Tribunal de Syracuse. Selon ces juges d’appel, la jurisprudence communautaire Turner v.
Grovit ne s’applique pas pour les affaires d’arbitrage.86
Si pour la majorité des commentateurs
britanniques, le règlement ne s’appliquant pas aux questions d’arbitrage, l’anti-suit reste
possible dans ces situations, pour le Professeur Delebecque ne vaudrait-il pas mieux interpréter
cette jurisprudence par analogie plutôt qu’a contrario ?87
D’aucuns ne peuvent se satisfaire également d’une telle solution. C’est l’opinion
défendue par les Professeurs Bonassies et Scapel qui dans leur Traité88
estiment que
l’interprétation extensive de la Cour de Justice des Communautés concernant l’exclusion de
l’arbitrage dans la Convention de 1968 et du règlement 44/2001 ne peut être approuvée.
Pour le Professeur Delebecque, la procédure d’anti-suit injunction « intéresse, par elle
même, la matière civile et commerciale qui ressortit du champ d’application du règlement
44/2001(art.1-1). L’injonction anti-suit ne relève pas, en elle-même, de la matière de
l’arbitrage. […] En d’autres termes, elle existe à part entière et n’est pas attraite par la
procédure qu’elle cherche à garantir, ni même par celle contre laquelle elle agit. Son régime
juridique n’est pas tributaire de la procédure qu’elle entend défendre et ne l’est pas davantage
de la procédure contre laquelle elle s’oppose. »89
Ainsi, selon le Professeur Delebecque, l’anti-
suit devrait relever du règlement communautaire.
Quant à Olivier Cachard, il estime qu’il ne faut pas combattre les anti-suit injunctions
sur le terrain de la Convention de 1968 et du Règlement 44/2001 mais avec les armes du droit
de l’arbitrage qui est notamment le principe « compétence-compétence. » En effet, selon ces
84
Il est intéressant de noter que le règlement ne s’applique pas au Danemark.
85
The Front Comor [2005] EWHC 454 (Comm)
86
Alan Mackinnon, Is Time up ?, Maritime Risk International, May 2005, p.7
87
Philippe Delebecque, Anti-suit injunction et arbitrage : quel remèdes ? Gazette de la C.A.M.P. n°12, Hiver
2006-2007 p.2
88
Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traité de Droit Maritime, L.G.D.J., 1ère
éd., 2006 p. 760 § 1176
89
Philippe Delebecque, ibid., p.2
29
termes le principe « compétence-compétence » « constitue le remède le plus approprié en ce
qu’il protège la compétence de l’arbitre contre toute interférence positive (affirmation d’une
compétence concurrente) ou négative (anti-suit injunction). »90
Toutefois, il ne faut pas oublier que cette jurisprudence Turner v. Grovit est
communautaire. Ainsi, les litiges internationaux non communautaires et ils sont nombreux ne
sont pas soumis à cette jurisprudence.
Selon la jurisprudence britannique, Toniscstar Ltd v. American Home Assurancce Co
[2004]91
, il suffit que la juridiction britannique soit la plus appropriée, que la procédure
engagée à l’étranger soit « vexatious and oppressive or unconscionable » et enfin, que la
procédure d’anti-suit soit prononcée de manière discrétionnaire, la Cour devant seulement
examiner toutes les circonstances de l’affaire et prononcer la procédure seulement si les intérêts
de la Justice sont en jeu. 92
Il faut donc fortement se méfier de cet outil redoutable qui peut parfois s’apparenter à
une pratique déloyale. Les Clubs appréciant grandement cet instrument judiciaire, ils édictent
des recommandations qui s’apparentent plus à « une recette d’anti-suit injunction ».
L’American Club93
demande notamment aux armateurs de toujours préférer intégrer des
clauses compromissoires désignant la Chambre de Londres plutôt qu’une clause de juridiction
dans la charte partie. De plus, il rappelle aux membres de penser à s’assurer que le
connaissement fasse une référence expresse à la charte-partie.
La Chambre des Lords a posé une question préjudicielle dans le cadre de l’affaire « The
Front Comor » sur l’opposabilité de la clause compromissoire. Une réponse claire de la Cour
de Justice des Communautés Européennes est donc très attendue.
Ainsi, ce chapitre préliminaire, qui avait pour objectif de démontrer les caractéristiques
originales du fonctionnement d’un P&I Club était nécessaire avant de présenter les garanties
proposées par les P&I clubs ainsi que les services qu’ils sont en mesure de fournir. Les P&I
clubs sont donc dotés d’un grand pragmatisme comme le démontre la règle de « l’omnibus
90
T Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 876 obs Olivier Cachard
91
Toniscstar Ltd v. American Home Assurancce Co [2004] EWCH 1234 (Comm)
92
Tim Taylor, Natalie Dabdoub, Do anti_suit injunctions suit ?, Maritime Risk International, June 2005, p. 21
93
American Club Currents Issue number 23 December 2006 p.5
30
rule » et la règle « pay to be paid », pragmatisme issu de la Common Law. Les pratiques
judiciaires des P&I Clubs doivent rester à l’esprit de tout professionnel intentant une action à
leur encontre, car l’issue du litige pourra dépendre de l’application ou non de ces principes
chers aux Clubs, qu’ils tenteront de faire appliquer dans chaque affaire.
31
CHAPITRE PREMIER : Les garanties classiques proposées par
les P&I Clubs
Les Clubs ayant su adapter leur couverture à l’augmentation des responsabilités
imposées aux armateurs, ils sont désormais en mesure d’offrir des garanties nombreuses et
variées (section 1). De plus, les Clubs proposent le service d’émettre des lettres de garanties,
service très apprécié des membres (section 2).
Section 1 : Diversité d’objets des garanties clubs
Il est possible de classer les garanties P&I en quatre catégories, la première étant celle
liée à la cargaison (§1), la deuxième est celle liée aux personnes (§2), la troisième est celle liée
aux navires (§3) et enfin une quatrième catégorie concerne les dépenses liées au contentieux et
aux diverses amendes (§4). Nous allons nous appuyer sur les rules proposées par les Clubs
Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association et London Steam-Ship Owners'
Mutual Insurance Association Limited.94
Mais avant il est important d’établir, les différents cas d’exclusions ou de limitations de
garanties. Il faut rappeler que ces exclusions, limitations, et exceptions peuvent varier d’un
P&I Club à l’autre et qu’il est de plus possible que des aménagements, moyennant une
94
Vous trouverez en Annexe A p.83 à 115 les Rules 2007 proposées par Shipowners' Mutual Protection &
Indemnity Association
32
surprime, soient réalisés dans le contrat liant le Club avec chaque membre95
. Il est tout de
même possible de dresser un profil de ces garanties.
Tout d’abord, le P&I ne couvre pas évidemment ce qui est couvert par une autre
assurance. C’est la règle de la double assurance96
. Ce sont par exemple, les dommages causés
aux navires assurés qui sont couverts par une police corps et machines ou les dommages
couverts par la classe F.D.D. Il en va de même pour les risques de guerre97
. Pour ces risques il
faut s’assurer sous une classe spéciale ou un Club spécialisé.
Les termes utilisés par les Clubs pour ce type d’exclusions sont très précis et détaillés
afin de se prémunir contre toutes les situations possibles et surtout inimaginables. Par exemple,
les Clubs vont préciser que ne sont pas couverts les risques de guerre civile, de révolutions, de
rebellions, d’actes de terrorisme, d’utilisation de mines, d’explosifs ou d’autres armes de guerre
similaires. Pour le shipowners, par exemple, les risques de guerre chimiques, biologiques et
électromagnétiques sont également écartés comme les risques nucléaires.
Une autre exclusion catégorique est celle résultant d’une conduite délictueuse volontaire
(Wilful Misconduct)98
c’est-à-dire, quand un membre agit de manière délictueuse
intentionnelle ou commet une faute inexcusable. Dans le droit des assurances, la notion de
bonne foi est prédominante, et encore plus dans le cadre mutualiste des P&I clubs dans lequel
le membre et son Club sont supposés marcher main dans la main. Une exclusion liée à cette
dernière est celle de l’exclusion de couverture lors d’un comportement illégal, imprudent et
d’un transport inadapté à la marchandise transportée. Il s’agit par exemple, du transport de
marchandises illégales, interdites (contrebandes, armes etc…)
Le membre doit être à jour dans le paiement de ses cotisations, c’est une condition
impérative.
Par ailleurs, une exigence est posée par les clubs : ils exigent que le navire soit en état
de navigabilité sans quoi, l’assuré ne pourra se voir rembourser. La notion de navigabilité est
très large et ne se limite pas seulement à une navigabilité nautique, il peut être pris en compte
les notions de navigabilité commerciale et administrative dans cette définition. Le navire doit
avoir aussi une classe satisfaisante et l’armateur doit respecter les prescriptions de la société de
classification ainsi que celles de l’Etat du pavillon.
95
Rule 3 des Rules 2007 du Shipowners
96
Rule 23 des Rules 2007du Shipowners
97
Rule 25 des Rules 2007 du Shipowners
98
Rule 30 des Rules 2007 du Shipowners
33
Il existe en outre, des limitations dans le montant de certains risques. Par exemple, le
Club ne couvrira un dommage pour pollution que dans la limite de 1 milliard de dollars pour
chaque accident ou événement99
, concernant la protection des passagers, elle sera de 2
millards de dollars.100
Les Clubs pratiquent aussi le système des « deductibles ». Comme le système de la
« franchise » en assurance maritime, l’assureur accepte de rembourser le risque uniquement
quand le risque a excédé la « franchise » ou le « deductible ». Cependant, concernant la
franchise, une fois le montant du risque excédé l’assureur rembourse le montant complet, ab
initio. A l’inverse, dans le cadre des « deductibles », il restera toujours un montant à la charge
de l’assuré, l’assureur ne remboursera que l’excédent.101
Selon les auteurs Hill, Hazelwood et Robertson, cette pratique des « deductibles » se
justifie pour certains par le fait qu’à très long terme, elle va permettre de réduire les coûts
d’assurance. Les membres ne gaspilleront ni temps ni argent pour résoudre des petits litiges qui
représentent les mêmes frais que des litiges très importants. D’autres pensent que cette pratique
permet aussi aux membres d’être plus consciencieux et prudents sur la façon d’exercer leurs
opérations.102
Le membre peut négocier le montant des « deductibles » imposé par le club,
cette négociation peut se faire à l’entrée du membre dans le club ou à l’occasion des
renouvellements.
Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des exclusions proposées par les P&I Clubs mais
d’un panel assez représentatif des différentes exclusions actuelles.
Comme pour les exclusions, il existe une trame générale de garanties mais elles peuvent
être aménagées pour une situation particulière donnée ou pour un armateur donné. Une
surprime justifiant dans tous les cas la possibilité de couvrir un événement.
99
Rule 21 A des Rules 2007 du Shipowners
100
Rule 21 D des Rules 2007 du Shipowners
101
Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd
ed, LLP, 1996 p. 98-99
102
ibid.,p. 98-99
34
§ 1 : Les garanties liées à la cargaison :
Historiquement, la garantie cargaison a été ajoutée à la couverture, au XIXème siècle
par ce qu’ étaient alors les Clubs de Protection. A partir de là, les clubs sont devenus des P&I
Clubs. Les « cargo claims » correspondent à la fonction d’indemnité car la responsabilité
survient de l’utilisation du navire plutôt que de sa propriété. Les avaries cargaison sont les
avaries les plus fréquentes en transport maritime, environ un tiers des réclamations traitées.
Seront présentées dans un premier temps, les garanties classiques (A), puis le modèle de la
lettre de garantie pour absence de connaissement à la livraison, modèle institué pour remédier à
une exclusion de la garantie cargaison (B).
A Les garanties classiques
Il est tout d’abord intéressant de souligner que le fait que la marchandise appartienne au
membre ou à un tiers n’a aucune importance, les mêmes règles seront appliquées aussi bien au
membre qu’à une tierce personne.
En règle générale, le Club couvre les avaries, pertes et manquants des marchandises
transportées par un navire assuré, avaries provoquées par le membre ou par une personne pour
laquelle il répond de ses actes et négligences et ce, dans le cadre des opérations de chargement,
manutention, entreposage, soin, garde, déchargement et de livraison de la marchandise. Il est
souvent précisé que la couverture commence à la réception de la marchandise sur le quai
jusqu’à la livraison sur le quai. Le Club va également couvrir les frais engagés par le
déchargement ou la destruction de la marchandise endommagée si le membre ne peut recouvrer
ses dépenses par une autre personne.
35
Le London Steam-Ship103
comme le Shipowners104
par exemple, c’est une pratique
courante, prévoient aussi la couverture des avaries, pertes et manquants et autres
responsabilités pendant les phases de transport par terre, eaux fluviales et air de ou à
destination du navire assuré mais seulement dans les termes du connaissement préalablement
approuvés par le Club qui peut exiger bien évidemment une surprime. Le Club a ainsi une
vision multimodale du transport.
Sont également couverts par le P&I le fait pour le réceptionnaire de n’avoir pas collecté
sa marchandise, laissant à la charge de l’armateur les coûts de stockage. L’armateur,
responsable de cette marchandise doit alors essayer de proposer la marchandise au chargeur par
exemple. Puis, si ni le réceptionnaire, ni le chargeur n’acceptent de récupérer cette
marchandise, une vente sera alors réalisée. Le Club ne couvrira que les frais engagés par le
membre supérieur au montant de la vente et ce, dans la mesure où il n’ y a pas de tiers pouvant
rembourser ces sommes105
.
Les Clubs prévoient des conditions impératives pour l’application de la couverture. En
effet, le remboursement des litiges « cargaison » s’effectue conformément aux règles édictées
par la Convention de la Bruxelles de 1924 et la Convention modifiée par le Protocole de Visby
de 1968. De plus, ne seront pas couverts les avaries dues à un déroutement sauf si celui-ci
provient d’une des causes d’exonérations prévues par les texte précités. Certains clubs comme
le London Steam-Ship permettent une atténuation du manquement si le membre prévient
immédiatement le Club de son déroutement. Bien évidemment l'appréciation de ces deux
conditions restent à la discrétion du conseil et à des accords particuliers conclus entre le
membre et le Club.106
Les Clubs se réservent également la possibilité de créer ou de publier des normes
donnant des standards concernant le transport ou les procédures de manutention. Ceci reflète le
travail de prévention qui est effectué par les Clubs. Le manquement à l’une de ces règles
édictées par le Club peut provoquer la cessation de la couverture ou à tout le moins une
réduction significative du montant remboursé au membre.
103
Rule 9.19.1.4. London Steam-Ship
104
Rule 2 Section 14 D
105
La formule très souvent utilisée par les clubs est celle-ci “The liabilities and additionnal costs incurred by a
Member, over and above the costs which would have been incurred by him if…”
106
La formule très souvent utilisée par les clubs est celle-ci “Unless the Association shall have previously agreed
or arranged cover on special terms (which may include the requirement of a further call or premium) or unless
the Committee in its sole discretion shall otherwise determine…”
36
En plus de ces conditions, il existe des exclusions particulières en sus des exclusions
générales précédemment évoquées.
En effet, les Clubs attachés au principe de bonne foi, ne couvriront pas les avaries,
pertes ou manquants des marchandises qui figuraient sur un connaissement ou une lettre de
transport maritime erroné. Il en va de même pour les connaissements ou les lettres de transport
maritime frauduleux notamment les connaissement anti ou post datés. Ne seront pas couverts
également les arrivées tardives ou les « non arrivées » du navire assuré au port de chargement.
En règle générale ce sont tous les manquements délibérés et frauduleux de l’armateur
ou de ses préposés au contrat de transport.
Apparaissent aussi très souvent dans les exclusions des rules, les marchandises rares tels
les objets d’art, artisanat d’art ou ancien mais aussi les métaux précieux et les marchandises
représentant une valeur tels les billets de banque, les instruments négociables etc… sauf bien
entendu accord préalable avec le Club.
La plupart des Clubs ne couvrent pas au delà de USD 2500 par unité, pièce ou paquet
lorsque l’on se trouve en présence d’un connaissement ad valorem sauf si un accord avec le
membre allant dans un sens différent le prévoit.
Enfin, les Clubs ne garantissent pas la livraison de la marchandise sans la production du
connaissement original par la personne mentionnée sur ce dernier ni la délivrance à une
personne autre que celle mentionnée sur ce connaissement ainsi que le déchargement à un port
autre que celui prévu sur le connaissement ou sur tout autre document de transport maritime.
B La solution proposée par les Clubs pour la livraison en l’absence de connaissement
La livraison en l’absence de connaissement est une situation trop fréquente qui
s’explique par le fait que le connaissement peut voyager plus lentement que le navire. En effet,
les services postaux peuvent être très longs, les circuits bancaires lors de l’émission de crédits
documentaires sont quant à eux parsemés d’embûches, il arrive aussi que le connaissement se
perde tout simplement! Ainsi, le destinataire n’aura pas le connaissement original pour
collecter sa marchandise.
37
Cependant, le transporteur pour des raisons, des pressions commerciales, à cause de la
nature périssable de la marchandise, ou des frais annexes se rapportant au stockage d’une
marchandise, ne pourra refuser la livraison de la marchandise même s’il sait que ceci peut être
considéré comme une faute et qu’à la survenance du moindre problème son assureur P&I ne le
couvrira pas.107
Le transporteur s’engagera donc à subir l’action du véritable titulaire du
connaissement.
Ainsi très souvent le transporteur acceptera de délivrer cette marchandise sans la
production du connaissement original à la condition que le destinataire lui signe une lettre de
garantie au déchargement, (letter of guarantee108
). « Il s’agit d’une garantie à première
demande et une garantie autonome. Elle échappe à la prescription annale du contrat de
transport, car elle a pour cause l’engagement de payer le prix à la banque. »109
. C’est en effet ce
que précise l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation « Happy Buccaneer »
110
. Selon les juges « la lettre de garantie consacre un engagement indépendant du contrat de
transport. Il en résulte que l’action exercée sur le fondement exclusif d’une lettre de garantie…
est soumise non à la prescription annale du contrat de transport mais à la prescription
commerciale de droit commun ». C’est également l’opinion du Professeur William Tetley111
,
pour qui l’action porte sur la mauvaise livraison alors que la Convention de Bruxelles ne traite
pas des questions de livraison.
Toutefois, il est important de préciser que ces lettres sont remises par le destinataire de
la marchandise et n’ont pas le même objet que les lettres de garanties pour mainlevée de saisie
de navire qui sont remises par le Club. Cependant, les lettres de garanties pour livraison en
l’absence de connaissement intéressent notre étude puisque ce sont les Clubs qui ont élaboré un
modèle type.
En 1998, l’International Group recommanda aux P&I Clubs par le biais d’une circulaire
d’élaborer de nouveaux standards de lettres de garanties pour absence de connaissement à la
livraison. C’est en 2001 que la version nouvelle fut réalisée. Il existe désormais trois standards
élaborés par les P&I Clubs : les lettres de garantie pour livraison de la marchandise sans la
remise du connaissement original (standard A), les lettres de garantie pour livraison de la
107
Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1036 p. 663
108
L’intitulé des lettres types pour livraison en l’absence de connaissement est très souvent « letter of indemnity ».
Cependant, pour le Professeur William Teltey ce sont des « letter of guarantee ». Les « letter of indemnity » étant
les lettres de garantie au chargement, lettres qui n’ont pas du tout le même objet.
109
Pierre Bonassies et Christian Scapel ,ibid., § 1037 p. 664
110
Cass. Com. 17 juin 1997, Happy Buccaneer, DMF 1997. 725, rapp. Rémery
111
William Tetley, www.mcgill.ca/files/maritimelaw/ch38-marine.pdf, p.35
38
marchandise à un port autre que celui mentionné sur le connaissement (standard B) et enfin les
lettres de garantie pour livraison de la marchandise à un port autre que celui mentionné sur le
connaissement et sans la remise du connaissement original (standard C) 112
. A ces trois modèles
s’ajoutent les modèles AA, BB, et CC auxquels se greffent les banquiers membres de la British
Bankers Association (BBA).
Ces lettres de garanties fournissent une indemnisation à l’armateur ainsi qu’à ses
préposés et à ses agents, dans le cadre des responsabilités et dépenses dans une des trois
hypothèses précitées. Les Clubs peuvent même prendre en charge les frais judiciaires pour ce
type d’affaire.
Généralement, il est recommandé d’imposer une limite financière de 200% de la valeur
du marché de la marchandise. Les personnes signant la lettre verront leur responsabilité être
conjointe et solidaire. La loi anglaise ainsi que la High Court seront respectivement loi et
juridiction compétente.
Il est intéressant de noter que l’International Group a créé une sorte de présomption de
livraison conforme dans le cadre de transport de gaz ou de vrac liquide, ce qui n’est pas le cas
dans le cadre du pétrole.
Sous la forme A et AA, la responsabilité du destinataire s’éteint lorsque le
connaissement original est donné. Si le connaissement n’est jamais donné, la responsabilité du
destinataire continue tandis que celle de la banque s’éteint au bout de six ans reconductibles
automatiquement pour une période de deux ans à la demande de l’armateur. Sa responsabilité
cesse bien entendu si la banque paie le montant maximum mentionné sur la lettre de garantie.
Concernant les formes B, BB, C et CC, la responsabilité du destinataire et de la banque est
engagée jusqu’à la preuve à l’armateur qu’aucune action ne sera plus intentée.113
Par ailleurs, le Professeur William Tetley114
cite une alternative à ces lettres proposée
par Intertanko en collaboration avec la Chase Manhattan Bank, celle d’un registre central, dans
lequel le connaissement original serait déposé et sur lequel toutes les informations ou
opérations ultérieures seraient enregistrées par le destinataire sur le registre. Le problème est de
savoir dans quelle mesure le système pourrait certifier de l’identification de la partie ayant droit
à la marchandise et aussi qui voudrait payer pour l’établissement d’un tel système ? Il envisage
aussi comme une alternative possible l’utilisation plus massive de la lettre de transport
112
Vous trouverez en Annexe B les trois modèles p.105
113
William Tetley, www.mcgill.ca/files/maritimelaw/ch38-marine.pdf, p.35
114
William Tetley, ibid., p.36
39
maritime, qui ne nécessite pas d’être présentée à la réception de la marchandise, eu égard à son
caractère non négociable.
Ainsi, la couverture proposée par les clubs est relativement large concernant les « cargo
claims », cependant et comme dans tous types d’assurance, ne seront pas couverts les actes
démontrant un caractère délictueux. On remarque également les efforts réalisés par les P&I afin
de protéger leurs membres contres les effets pervers du commerce international, à savoir
l’élaboration de standards pour les lettres pour absence de connaissement.
Les cargo claims sont certes les plus nombreux mais il existe bien d’autres types de
risques couverts par les Clubs et certains sont très délicats à traiter, il s’agit des garanties liées à
la personne.
40
§2 : Les garanties liées aux personnes victimes de l’armateur :
Les personnes pouvant être victimes du comportement frauduleux ou de la négligence
de l’armateur sont nombreuses. Il peut s’agir de l’équipage, des passagers ou des personnes ne
se trouvant pas à bord, mais aussi des clandestins. En cas de conduite volontairement
délictueuse et de faute inexcusable, le membre ne sera pas couvert.
A Les garanties liées à l’équipage
Le Club va couvrir l’armateur pour dommages corporels, maladies, frais
d’hospitalisation, frais de rapatriement, frais funéraires, et décès de tout marin qu’il soit à bord
ou non.
Les Clubs paieront les salaires des membres de l’équipage pendant la période
d’hospitalisation du marin ou de sa convalescence, ou pendant son rapatriement causé par une
blessure ou une maladie. Les membres d’équipage percevront aussi une indemnité pour la perte
totale ou partielle du navire après un échouement ou un naufrage par exemple.
Les membres d’équipage pourront également se voir rembourser via le P&I le dommage
ou la perte de leurs effets personnels, sauf biens précieux, rares et négociables (cf supra), et ce
dans la limite de USD 5000 par marin sauf accord différent entre les directeurs du Club et
l’armateur.115
La rule 9.8 du London Steam-ship prévoit que les époux (ou plus souvent les épouses !)
ainsi que les enfants des membres d’équipage voyageant à bord du navire assuré peuvent
bénéficier de la couverture du P&I pour le rapatriement, les frais d’hospitalisation et médicaux,
115
Rule 2 Section 1 Shipowners Rules 9.3, 9.4, 9.5,9.6, 9.8, 9.11 London Steam-Ship
41
les frais funéraires en relation avec la maladie, dommages corporels ou décès d’un membre
d’équipage. Il en va de même quand l’époux ou l’épouse a dû se rendre sur le navire pour
s’occuper de son enfant, mari ou femme.
Le sort des marins passés en revue, celui des personnes autres que les membres de
l’équipage sont maintenant à étudier.
B Les garanties données par les Clubs pour les autres personnes :
Généralement, les Clubs distinguent dans leur couverture les marins des autres
personnes et dans cette dernière catégorie les passagers des autres personnes.
Concernant les passagers, le contrat doit tout d’abord avoir été approuvé par le club.
L’armateur est protégé contre les dommages et intérêts qu’il pourrait verser en cas de décès, de
dommages corporels, de maladies, de frais d’hospitalisation et de frais de funéraires. Seront
également couverts lors d’un accident sur un navire assuré, le paiement du transport pour finir
le voyage, ou le retour au port d’embarquement. Mais moyennant, dans certains Clubs, une
« special entry », l’armateur sera couvert pour des dommages plus particuliers aux passagers. Il
s’agit par exemple, de la perte ou des dommages aux bagages et effets personnels des passagers
ainsi qu’à leur véhicule, cependant comme expliqué supra, les biens précieux, rares et
négociables ne sont jamais couverts.
Toutefois, dans la plupart des polices, l’assurance de l’armateur ne couvrira pas les
éventuels incidents se produisant lors d’excursions sur la terre ferme. Les Clubs demandent aux
armateurs le plus grand soin dans la rédaction de leurs contrats afin de limiter au maximum la
responsabilité de l’armateur mais également de ses préposés, agents et de toute personne
travaillant avec lui ou de concert par le biais de la Clause Himalaya.116
Les dommages corporels, décès, et frais médicaux des manutentionnaires seront
également pris en charge.
Par ailleurs, il existe une très délicate problématique humaine concernant les
clandestins, qui sont toujours plus nombreux à tenter leur chance en risquant leur vie dans des
116
C’est une clause qui permet d’étendre le benefice de la limitation de responsabilité et des exceptions stipules au
profit du transporteur à l’entreprise de manutention. Exemple Rule 2 Section 2 Shipowners Rule 9.2 London
Steam-Ship
42
conteneurs ou dans les cales d’un navire. Pour l’armateur, il est très « fâcheux » d’avoir un
clandestin à bord puisque en plus de la problématique humaine, le capitaine est responsable de
l’entrée d’une personne en situation irrégulière sur un territoire et ainsi les frais de
rapatriements sont à la charge de l’armateur. Des amendes devront aussi être payées par le
membre. Le P&I Club couvre bien évidemment ce risque, qui s’intitule souvent dans les rules
« responsabilités et dépenses en relation avec les déserteurs, les clandestins et réfugiés. » Le
Club ne prendra en charge les frais de rapatriement, amendes, et les frais en relation avec les
déserteurs, réfugiés ou sauvetage d’un homme à la mer, dans le cas uniquement où l’armateur
est tenu légalement responsable ou lorsqu’il en a été décidé ainsi avec les managers du Club.117
Seront souvent couverts les risques pour dommages corporels, maladies et décès de
toutes les personnes engagées dans la manutention de la marchandise du navire assuré.
Concernant le sauvetage de vies humaines, les membres sont couverts uniquement pour
les sommes à verser lorsque des tiers, des assistants professionnels ou non auront sauvé ou
tenté de sauver des vies à partir du navire assuré ou à partir d’un autre lieu. Les Clubs couvrent
ce risque si et seulement si ce n’est pas recouvrable sous la police corps et machines ou sous la
police sur facultés.118
Le Club va couvrir les dépenses résultant d’un déroutement ou du retard d’un navire
(les frais de soutes, les salaires, les taxes des ports, l’approvisionnement) qui a été rendu
nécessaire par les mesures de traitement d’une personne malade et de l’organisation de son
rapatriement, l’attente du remplaçant d’un membre d’équipage blessé ou malade, le
débarquement de clandestins, réfugiés, déserteurs ou personnes sauvées en mer, ainsi que le
retard ou déroutement dans le but de sauver une vie.119
Enfin, il ne faut pas oublier les personnes se trouvant dans une autre situation que celle
précédemment présentée mais qui ont tout de même subi des dommages corporels, des
maladies, un décès, le remboursement de leurs effets personnels se trouvant à bord du navire
assuré sauf les biens précieux, rare et négociables.120
Ces personnes peuvent être un expert, un
pilote, du personnel de maintenance, un avocat…à bord pour un court instant ou des personnes
victimes de l’armateur à terre. Si un dommage survient, ces dommages sont soumis aux règles
générales de la responsabilité civile, ce qui est donc sans limitation de responsabilité, les Clubs
117
Rule 2 Section 5 Shipowners Rule 9.9 London Steam-Ship
118
Section 6 des Rules 2007 de Shipowners
119
Rule 9.7 London Steam-Ship et Rule 2 Section 4 Shipowners
120
Rule 9.2. London Steam-Ship ou Rule 2 Section 3 Shipowners
43
conseillent alors à leurs membres d’essayer autant que possible d’établir une relation
contractuelle avec ces visiteurs afin de limiter leur responsabilité.121
Il existe une autre grande catégorie de garantie qui, elle, touche à une « personne »
importante du transport maritime, il s’agit bien évidemment du navire.
§3 : Les garanties liées au navire :
Les assurances de transport et les assurances maritimes en particulier sont des
assurances de dommages et d’indemnité. L’assuré ne peut être indemnisé au delà du préjudice
qu’il a subi. En effet, l’assurance ne doit pas être source d’enrichissement. L’assurance corps et
machines est globalement une assurance de chose qui couvre les pertes et les dommages subis
par le navire. Ce n’est que de manière subsidiaire qu’elle est une assurance de responsabilité.122
On se souvient de la création des P&I, en réponse à des lacunes des polices corps et machines
dans le domaine de la responsabilité de l’armateur. Les deux types d’assurance sont donc assez
complémentaires dans le cadre de la couverture du navire.
L’abordage123
du navire assuré avec un autre navire est couvert en partie par les P&I
Clubs. Cette garantie montre bien le chevauchement des garanties P&I avec la police corps et
machines. Suivant la « Running Down Clause », l’assureur corps prend en charge les ¾ des
risques d’abordage mais exclut les risques de décès, de dommages corporels, de pertes ou
dommages à la marchandise, et le relèvement d’épave. Le quart de la responsabilité et les
exclusions ont été à l’origine laissées à la charge de l’armateur pour lui faire prendre
conscience qu’il avait fait preuve de négligence.
Mais P&I Club a pris en charge le quart de la responsabilité en matière d’abordage et
les risques restants, finalement on peut se demander si les P&I Clubs ne sont pas les « grands
frères» des armateurs. C’est souvent le Club qui se chargera de mener le dossier au nom de tous
les assureurs en jeu puisqu’il sera généralement l’assureur le plus important, les assureurs corps
étant souvent plusieurs pour assurer un même navire.
121
Steven J. Hazelwood, P&I Clubs Law and Practice, 3ème éd., LLP, 2001, p.214
122
Mathieu Constantini, Complémentarités entre les conditions de polices d’assurance corps et la couverture du
P&I club de l’armateur, cdmt 2005
123
Rule 2 Section 7 Shipowners Rule 9.13 London Steam-Ship
44
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  • 1. UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE Centre de Droit Maritime et des Transports LES GARANTIES P&I Mémoire pour le Master 2 Droit Maritime et des Transports Présenté par Marie-Camille DELAYE Sous la Direction de M. Christian SCAPEL Année de soutenance 2007 1
  • 2. Remerciements Je remercie avant tout Maître Christian Scapel pour sa disponibilité et pour m’avoir donné l’occasion d’intégrer ce Master 2 de Droit Maritime et des Transports. Je tiens également à remercier mes Professeurs Messieurs Pierre Bonassies et Georges Figuière pour leur disponibilité et les connaissances qu’ils ont pu m’apporter. Mes remerciements se tournent aussi vers Monsieur Philippe Garo, directeur de McLeans S.A, correspondant de P&I Club ainsi que vers toute son équipe, pour leur patience et leurs précieux conseils. Enfin, je remercie Nelly Laurendon pour son soutien et ses relectures. 2
  • 3. SOMMAIRE INTRODUCTION……………………………………………………………….4 CHAPITRE PRELIMINAIRE : Les règles particulières des P&I Clubs…..15 Section 1 : Règles originales quant au fonctionnement…………………………………….15 Section 2: Pratique particulière au niveau du contentieux……………………….. ………20 CHAPITRE PREMIER : Les garanties classiques proposées par les P&I clubs……………………………………………………………………………..32 Section 1 : Diversité d’objets des garanties clubs……………………………………………...32 Section 2 : Les lettres de garanties……………………………………………………………..48 CHAPITRE SECOND : Les garanties proposées par les P&I Clubs dans le cadre des dommages causés à l’environnement………………………………60 Section 1 : Les risques de pollutions…………………………………………………………...62 Section 2 : La protection de l’environnement dans le cadre de l’assistance maritime…………74 CONCLUSION :………………………………………………………………..80 TABLE DES ANNEXES :……………………………………………………..82 BIBLIOGRAPHIE :…………………………………………………………..112 TABLE DES MATIERES :…………………………………………………..115 3
  • 4. INTRODUCTION « Aussi loin que remonte la mémoire humaine, la mer a toujours représenté le lieu de tous les dangers »1 . Cependant, il apparut très tôt nécessaire d’utiliser à des fins commerciales cette formidable mais périlleuse immensité, espace naturel d’échanges. Les dangers étant autrefois encore plus importants qu’ils ne le sont aujourd’hui, les premiers navigateurs ressentirent le besoin de partager d’un point de vue financier les aléas maritimes, de mettre en commun les risques. L’assurance était née. Cette vision de la mer et du transport, marquée par le danger et par l’esprit de solidarité, a donc légitimement donné à l’assurance maritime une place prédominante. Ainsi, on ne peut aujourd’hui raisonnablement envisager le transport maritime sans l’assurance maritime, « l’assurance est la condition même du commerce maritime. »2 Différents types d’assurances existent en transport maritime. Tout d’abord, l’assurance sur facultés est une assurance marchandises souscrite par les intérêts cargaison afin de protéger leurs marchandises. L’armateur doit également assurer ses navires via une assurance corps et machines. L’armateur doit aussi se prémunir des risques liés à sa responsabilité civile. Pour 1 Pierre Albertini, « Le rôle de l’assurance », annales IMTM 1997 p. 143 2 Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1280 p. 819 4
  • 5. cela, il existe deux polices françaises types créées en 1972 à l’initiative du ministère des finances; la police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de navires de mer et la police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du transporteur maritime. Cependant, en matière de responsabilité de l’armateur, l’assurance maritime la plus utilisée est celle fournie par les Protection and Indemnity Clubs ou Clubs de protection et d’indemnité. Ce sont les garanties fournies par ces P&I Clubs que je vais tenter de traiter dans ce mémoire en raison du rôle capital de l’assurance dans le monde maritime et aussi parce que les P&I Clubs sont une institution tout à fait atypique et bien qu’incontournable, assez mal connue de certains acteurs du transport maritime. Les P&I couvrent globalement « la plupart des responsabilités contractuelles ou légales liées à l’exploitation du navire que le membre soit armateur, affréteur ou opérateur »3 Selon l’article 1 de la loi du 3 janvier 1969, l’armateur est « celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire. » Nous n’envisagerons cependant dans cette étude que l’armateur propriétaire de navire. Il est important également de préciser que les Clubs envisagent la notion de navire de manière très large. Ce sont en effet, tous les engins destinés à la navigation sur l’eau, sous l’eau, dans l’eau, peu importe le mode de propulsion. En revanche, les navires de sauvetage, de forage, les dragues et autres navires spécialisés sont expressément exclus.4 D’origine britannique, ces clubs ont eu une création originale. Il ne s’agit pas d’assurance maritime à proprement parler mais de mutuelles. Selon le Doyen Rodière et le professeur Emmanuel du Pontavice, la différence se fait dans la distribution des risques qui peut être réalisée de deux manières « soit par l’entente de ceux qui courent les risques ; c’est le procédé des mutuelles, où en fin d’année, les risques sont également répartis entre tous les intéressés ; soit par l’intermédiaire d’un professionnel, entrepreneur qui réalisera un profit ; c’est le système des compagnies d’assurances »5 . En 1999, AXA Corporate Solutions, asuureur commercial a tenté d’offrir des garanties P&I mais ce sans succès, ce produit ne représentait que 0,5% des primes encaissées par Axa CS, le groupe décida donc de supprimer cette couverture fin 2005. 3 Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3 4 Rule 28 des Rules 2007 du Shipowners 5 René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit Maritime, Précis Dalloz, 11ème éd, 1991 § 523 p.411 5
  • 6. Ces Protection and Indemnity Clubs sont les descendants des assureurs corps constitués en Club, les « Hull Clubs »6 . Ces derniers sont apparus en Angleterre dans le milieu du XVIIIème siècle en réponse au « Bubble Act » de 1720 qui autorisait uniquement la « Royal Exchange Assurance » et la « London Assurance » de fournir des assurances maritimes.7 Ce manque de concurrence inquiéta terriblement les armateurs qui craignaient une augmentation importante des primes ainsi qu’une acceptation réduite des risques assurés. En outre, le marché étant concentré à Londres, certains armateurs devaient recourir à des intermédiaires d’assurance, ce qui augmentait également les sommes à verser pour s’assurer. Les armateurs britanniques ont donc décidé de s’associer et d’assurer leurs aléas maritimes sur une base mutualiste et sous forme d’association, c’est-à-dire à but non lucratif. Au milieu du XIXème siècle, de nombreux « Hull Clubs » existaient à Londres, dont certains s’étaient spécialisés, par exemple dans la couverture des risques des caboteurs ou encore des voiliers. Ces Clubs possédaient bien des avantages notamment celui d’engager des coûts de fonctionnement réduits, et de créer des relations de proximité entre les membres. Cependant, malgré ces avantages, « le caractère local et volontairement limité de ces clubs devenait un obstacle à leur croissance. »8 Ainsi, certains membres désirant appartenir à un Club plus puissant, acceptaient l’adhésion d’armateurs inconnus dont le sérieux pouvait faire défaut à certains, pénalisant de la sorte les armateurs consciencieux. Dès lors, dès le début du XIXème siècle les Hull Clubs ont connu une période de déclin qui s’aggrava d’autant plus avec l’abolition du Bubble Act en 1824. Les armateurs ont donc abandonné peu à peu ces clubs, qui devinrent par la force des choses des « Rust Bucket Clubs » ! En outre, la disparition des clubs coïncidait avec la révolution industrielle en Grande- Bretagne dont les effets se sont évidemment fait sentir aussi dans le monde maritime. Les avancées technologiques ont conduit à produire des navires de plus en plus puissants et par conséquent plus chers. Aussi les produits plus technologiques, manufacturés pendant la révolution industrielle allaient constituer des marchandises à transporter d’une plus grande valeur marchande. 6 Aussi appelés « Mutual Hull Underwritting Associations » 7 Il s’agit précisément du Royal Exchange and London Assurance Corporation Act 1719. 8 Georges Figuière, Fascicule « Origine et Historique des Clubs » p.3 6
  • 7. Dans ce monde en pleine évolution et effervescence, l’affaire De Vaux v. Salvador9 de 1836 allait provoquer des effets retentissants. En effet, les juges de la High Court décidèrent qu’en cas d’abordage, l’assureur corps n’était plus responsable du remboursement des dommages dus à la responsabilité de l’armateur. Le marché anglais de l’assurance maritime tenta d’y remédier en proposant une couverture contre le paiement d’une surprime. Toutefois, cette couverture n’était pas complète. Les assureurs britanniques ont alors proposé une couverture à hauteur des ¾ en cas d’abordage, la somme maximum pouvant être remboursée étant celle de la valeur du navire. Il était de plus fait application des dispositions du Marine Insurance Act de 1745 qui interdisait aux armateurs de s’assurer pour des sommes excédant la valeur du navire. Ainsi, il restait à la charge des armateurs ¼ des sommes dues ainsi que toutes celles excédant la valeur du navire.10 En outre, une responsabilité sans limite était imposée aux armateurs dans le cadre des décès, dommages corporels et pour les dommages aux objets fixes et flottants (les F.F.O.)11 . En effet, une série de textes, dont le « Fatal Accidents Act » de 1846, qui a permis d’attaquer l’armateur pour le décès de personnes (à bord ou non) causé par la faute de l’armateur. Puis le texte de 1847, le « Harbours, Docks and Piers Clauses Act » donna la possibilité aux ports d’intenter une action pour les dommages causés aux F.F.O. Enfin, le « Employers’Liability Act » en 1880 a obligé les employeurs et notamment les armateurs à garantir leurs employés en cas de dommages corporels dans le cadre de leur travail. Par conséquent, la couverture proposée par le marché britannique ne correspondait plus aux attentes et aux besoins des armateurs. Ces derniers ont ainsi eu l’idée de reprendre le concept des « Hull Clubs » ; un système mutualiste d’association pour les dommages non couverts par le marché traditionnel, le « quart » à leur charge dans la police traditionnelle en cas d’abordage, les dommages corporels pour les membres d’équipage ainsi que les passagers et les F.F.O . The Shipowners Mutual Protection Society12 fut le premier club à voir le jour en 1855, d’autres clubs furent institués par la suite. Ces Clubs n’étaient alors que des clubs de 9 De Vaux v. Salvador, [1836] 4 Ad. & E. 420, 111 Eng. Rep. 845. 10 Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit maritime européen, 4 mars 2005 11 Fixed and Floating Object 12 Ce club est le prédécesseur du Britannia P&I Club, un des clubs les plus importants du marché encore aujourd’hui 7
  • 8. protection, le service d’indemnité (connu sous l’initial I) que propose aujourd’hui tous les P&I clubs n’existait pas. C’est avec les réclamations marchandises (cargo claims) que cette notion, ce service est apparu. En effet, jusqu’à la fin du XIXème siècle, les armateurs n’étaient pas considérés comme pleinement responsables pour la perte ou le dommage de la cargaison qu’ils transportaient. Cette situation abusive disparut grâce à deux célèbres affaires du droit maritime anglais. Tout d’abord, dans les années 1870 l’affaire « Westen Hope » dans laquelle ce navire effectua un voyage jusqu’à Cape Town en Afrique du Sud mais dû se dérouter à Port Elisabeth où il effectua une escale. Le juge décida que l’armateur ne pouvait valablement se prévaloir des dispositions contractuelles du contrat de transport et des exceptions qui y étaient incorporées. L’armateur dû ainsi indemniser les intérêts cargaison pour la complète valeur de la marchandise. Ensuite, c’est avec l’affaire « EMILY » dans laquelle ce navire ainsi que la cargaison furent perdus. L’armateur ne put invoquer l’exception du péril de la mer. Le juge décida que la perte de la marchandise et du navire étaient due à une faute de navigation, ce qui n’était pas à l’époque exclu par les connaissements. Les protecting clubs ne prévoyaient pas cependant la garantie de ce type d’événement dans leur rules.13 Le retentissement de ces deux décisions allait entraîner une nécessaire adaptation des garanties proposées par les protecting clubs. Ils ajoutèrent une « indemnity class » pour fournir la couverture indispensable aux armateurs. Tel fut le cas en 1866 pour le Shipowners Mutual Protection Society. « Les P&I Clubs étaient nés. »14 Ainsi, comme le remarque justement Françoise Fouchet de France P&I « les Clubs tels que nous les connaissons aujourd’hui sont le résultat de l’évolution du marché de l’assurance et de l’augmentation des responsabilités pesant sur les armateurs.»15 Si les P&I Clubs de la fin du XIXème siècle étaient gérés totalement sous forme d’association par les armateurs, les P&I Clubs modernes sont gérées par des sociétés commerciales pour les affaires « quotidiennes ». On peut citer par exemple, la société Thomas Miller (UK Club) ou Tindall Riley & Co (Britannia) situées toutes deux à Londres. Ces 13 « rules » est le terme qui désigne les règmes de la police qu’offre les P&I Clubs 14 Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit maritime européen, 4 mars 2005 15 Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3 8
  • 9. sociétés ont une personnalité morale propre qui leur permet d’accomplir tous les actes juridiques. Il n’est plus nécessaire par exemple, comme il l’était auparavant d’intenter une action contre chaque membre dans le cadre d’un conflit avec le club. Ces sociétés sont constituées comme toute société conformément au droit des sociétés de leur siège social. En droit anglais, les Clubs ont la forme d’une « private company limited by guarantee », forme souvent utilisée par les associations à but non lucratif. En effet, dans ce type de société, l’absence de profit ne nécessite donc pas le partage des bénéfices et l’apport initial lors de la création de la société n’est pas réglementé.16 Pour le UK Club, dans un P&I Club, les managers17 sont les serviteurs du Club, consacrés à la disposition et au développement du service que les armateurs membres exigent. Les assureurs traditionnels fournissent une assurance à un armateur client.18 Il y a ainsi une différence d’approche entre les deux types d’assurance, la première est basée sur la mutualité sous forme de société à but non lucratif et la seconde est une véritable société commerciale. La mutualité et la forme non lucrative des P&I entraînent également l’effet non négligeable de constituer une assurance moins coûteuse que celle que pourrait proposer une assurance typiquement commerciale. En outre, il est important de préciser que les Clubs fournissent également conseil et assistance à leur membre via leur important réseau de correspondants à travers le monde. Ces sociétés de correspondants basées dans tous les ports du monde vont être le lien entre le navire et le Club. En effet, lorsqu’un événement important et urgent se produit, le capitaine contacte directement le correspondant de Club du port le plus proche qui prendra toutes les mesures nécessaires de gestion du sinistre. Cependant, les décisions très importantes concernant les grandes orientations du Club ( utilisation du fond de réserves du Club, signature des contrats de réassurances, montant des « calls »19 etc…) ou concernant un membre (litige avec un membre, utilisation de l’omnibus rule, réclamation importante etc…) sont néanmoins prises par le « board »20 qui est composé d’armateurs membres. Une fois par an, une assemblée générale extraordinaire est convoquée afin notamment de renouveler ou non les mandats des directeurs du conseil d’administration. 16 Davies, P Gower and Davies’ Principles of Modern Company Law. 7th Edition. Sweet & Maxwell. London 2003 17 « managers » signifie les directeurs de la société commerciale 18 http://www.ukpandi.com/ukpandi/infopool.nsf/HTML/About_Home 19 Les « calls » sont les cotisations demandées au membre 20 « Board » signifie conseil d’administration que nous appellerons conseil dans cette étude 9
  • 10. Il est important de préciser qu’il existe des Clubs spécialisés notamment dans la couverture des risques liés à l’affréteur. Le premier a vu tardivement le jour puisqu’il a été créé en 1986. Il est intéressant de souligner qu’en règle générale, c’est le système de prime fixe qui sera utilisé dans ce type de Club.21 Un autre Club a pour domaine de préférence le risque de grève22 , les lock-outs et arrêts ou restrictions de travail. Il existe aussi un club spécialisé dans la protection du risque de guerre. Un célèbre Club est le TT Club, Trough Transport Club créé en 1968 et spécialisé dans la protection des opérateurs du transport multi-modal. Les Clubs proposent enfin la classe, Freight, Demurrage and Defence (F.D.D.) qui fournit aux membres une assistance pour les frais de défenses, d’expertises judiciaires en relation avec des réclamations concernant les surestaries, le fret, le loyer de l’affrètement, la vitesse du navire inscrit dans une charte-partie. Cependant, nous n’étudierons pas ici ni ces clubs spécialisés ni ces différentes classes, nous nous limiterons aux règles protecting and indemnity. Certaines règles phares de la classe P&I sont à respecter religieusement. En effet, « ne sont couverts que la responsabilité, la perte ou les débours dont la couverture est expressément mentionnée dans les règles. En outre, ne sont pas couverts la responsabilité, perte ou débours qui font ou auraient pu faire l’objet d’une autre couverture. » 23 De plus, le Club ne couvre le membre que pour ce dont il est légalement responsable. Cependant, « le droit traverse souvent mal les frontières. »24 et parfois le droit n’est pas l’élément principal à considérer. Il peut arriver que pour des raisons locales ou du fait d’un rapport d’expertise erroné, le membre soit condamné alors que les textes étaient de son côté. Dans ce cas ci, le Club prendra en charge la réclamation. 25 De plus, le Membre se doit d’être à jour dans le paiement de ses primes pour éviter toute suspension ou cessation de couverture. Il est assez intéressant de noter que le renouvellement des contrats d’assurance se fait le 20 février, date qui marquait la reprise de la navigation en mer Baltique autrefois. La particularité des P&I Clubs est qu’il ne s’agit pas 21 Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd ed, LLP, 1996 p.143 22 Il est néanmoins possible via son P&I Club d’obtenir une couverture risque de grève strike class 23 Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3 24 Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1152 p. 743 25 Mathieu Constantini, Complémentarités entre les conditions de polices d’assurance corps et la couverture du P&I club de l’armateur, cdmt 2005, p.59 10
  • 11. d’une assurance à prime fixe. En effet, les « calls » représentent plus une contrepartie qu’un paiement véritable d’une prime d’assurance.26 Ainsi au début de chaque exercice, le conseil demandera des « advance calls »27 qui sont des cotisations calculées en fonction de la jauge du navire, des frais de fonctionnement du Club et des indemnisations moyennes prévisibles à titre de cotisations de fond provisoire pour l’exercice en cause. Il est possible pendant l’exercice ou à la fin de chaque exercice mais avant que celui-ci soit clôturé que le conseil oblige les membres à demander des cotisations supplémentaires « additional calls »28 . Il est en mesure également de demander des « overspill calls »29 , ce sont des cotisations exceptionnelles demandées aux membres quand le montant des indemnités dues par le Club dépasse le plafond des réserves et les prévisions de dépenses de celui-ci ».30 Il est prévu que si le navire inscrit est vendu, ou perdu, ou bien si le navire est désarmé pour une période de plus de 30 jours consécutifs dans un port sûr, une ristourne sera proposée au membre, la ristourne ne comprend pas toutefois le montant des « overspill calls » préalablement versés. Ce sont les « laid-up returns ». 31 En outre, si le conseil avait été trop pessimiste dans ses prévisions, le surplus des cotisations initialement perçues alimente le fond de réserve du Club.32 Enfin, si un membre cesse d’être assuré au titre du navire inscrit, les managers du Club peuvent exiger de leur ex membre des appels supplémentaires (exceptés les « overspill calls ») représentant les obligations estimées de l’ancien membre. La cessation de la couverture se fait aussi lorsque le membre est mort, en faillite, incapable pour une personne physique. La couverture cesse lorsque le membre, personne morale est en redressement judiciaire, en liquidation judiciaire. De plus, lorsque le navire inscrit est vendu, hypothéqué, s’il perd sa classe, s’il est perdu notamment.33 26 Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd ed, LLP, 1996 p.39 27 Rule 50 des Rules 2007 de Shipowners Mutual Protection & Indemnity Association, ci-après dénommé Shipowners 28 Rule 51 des Rules 2007 de Shipowners 29 Rule 52 des Rules 2007 de Shipowners 30 Geoges Figuière, Dictionnaire français-français de commerce maritime 31 Rule 55 des Rules 2007 de Shipowners 32 Rule 56 des Rules 2007 de Shipowners 33 Rule 45 des Rules 2007 de Shipowners 11
  • 12. Pour l’année 2007, les Clubs vont offrir un premier niveau de couverture (la Club’s retention) qui est de l’ordre de 7 millions de dollars34 . Selon Philippe Garo35 , environ 95% du nombre de dossiers se situent dans cette couverture, et 80% en terme de montant en jeu Treize P&I Clubs se sont regroupés au sein de l’International Group of P&I Clubs afin de fédérer leurs intérêts, d’obtenir une représentation et d'acquérir une solide protection en réassurance. Il s’agit de l’American Steamship Owners Mutual Protection and Indemnity Association Inc, de l’Assuranceforeningen Gard, de l’Assuranceforeningen Skuld, du Britannia Steam Ship Insurance Association Limited, du Japan Ship Owners' Mutual Protection & Indemnity Association, du London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited, du North of England Protection & Indemnity Association , du Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association (Luxembourg), du Standard Steamship Owners’ Protection & Indemnity Association (Bermuda) Limited, du Steamship Mutual Underwriting Association (Bermuda) Limited, du Swedish Club, du United Kingdom Mutual Steam Ship Assurance Association (Bermuda) Limited et du West of England Ship Owners Mutual Insurance Association (Luxembourg). Beaucoup de ces clubs sont gérés de Londres même si certains Clubs ont fait le choix d’installer leur siège social au Luxembourg ou aux Bermudes ! D’autres Clubs sont situés en Scandinavie, au Japon et aux Etats-Unis. 36 Le monopole britannique s’est quelque peu effrité mais la philosophie des Clubs et leur fonctionnement sont toujours britanniques. L’international Group représente environ 90% du tonnage mondial37 . Les Clubs sont donc incontournables. Dès lors des problèmes de concurrence dans le cadre communautaire ont pu se poser. En effet, l’International Group a créé deux accords principaux. Le premier est l’I.G.A (International Group Agreement), il s’agit d’un « accord entre les P&I Clubs qui établit des règles sur les méthodes pour offrir une couverture P&I à un armateur qui est déjà membre d’un autre club. » 38 Le second est l’I.G.P.A. (International Group Pooling Agreement) qui concerne la couverture au sein du groupe international pour les dossiers entre USD 5.000.000,00 et USD 30.000.000,00.39 34 L’année dernière il était de 6 millions de dollars. 35 Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit maritime européen, 4 mars 2005 36 Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit maritime européen, 4 mars 2005 37 Il existe donc des Clubs n’appartenant pas à ce groupe mais leur part est peu significative sur le marché du P&I. 38 Philippe Garo, ibid 39 Montant de 2005 12
  • 13. A plusieurs reprises, en 1983 et en 1995 le « Greek Shipping Corporation Commitee » avait soulevé l’aspect non concurrentiel de l’International Group devant la Commission Européenne. Le commissaire responsable de la concurrence, M. Karel Van Miert avait adressé des objections au groupe international. En effet, selon la commission, la concurrence ne fonctionnait pas pleinement à l’intérieur du groupe obligeant ainsi les clubs à offrir le même niveau de couverture et en imposant des limites de concurrence de prix entre eux. En outre, avec 90% de part de marché, le groupe ne laissait que peu de places aux autres assureurs. Le Groupe prit donc rapidement des mesures, il a tout d’abord abaissé la limite de couverture maximale qui était à l’époque de 18 milliards de dollars à 4,25 milliards de dollars, tout en laissant la possibilité aux armateurs d’obtenir une limite de couverture maximale supérieure. Puis en 1997, les clubs acceptèrent d’exclure de la base de leur calcul des primes leurs frais administratifs internes ce qui permettaient d’ouvrir la concurrence sur ce chapitre important.40 La commission renouvelle l’exemption en 1999, selon elle, si les clubs avec 90% de part de marché sont en position dominante, il n’y a toutefois pas abus de position dominante41 et ce notamment grâce aux efforts faits par les clubs et les changements et modifications consentis par eux. De plus, elle confirme le fait qu’un tel groupement est nécessaire pour leur permettre d’offrir le niveau de couverture qu’ils offraient à l’époque, niveau réduit après concertation avec les membres à 4, 25 milliards de dollars. Ainsi, l’accord entre les assureurs mutualistes ne relèvent pas des dispositions de l’article 81 du Traité. La commission exempta aussi « la procédure de tarification qui vise à éviter que les Clubs ne sous-cotent leurs prix les uns par rapport aux autres. En effet, la nouvelle procédure de tarification telle qu’amendée par rapport au mécanisme initial, s’applique uniquement aux coûts qui sont liés aux risques et non plus aux coûts administratifs. » 42 Ainsi l’International Group bénéficie maintenant d’une nouvelle exemption de groupe vis-à-vis des règles de concurrence européenne jusqu’en 2009. Pour l’année 2007, le « pooling agreement » est composé de deux niveaux. Le premier niveau couvre les dossiers entre 7 et 30 millions de dollars et le second niveau couvre les 40 Philippe Garo, Intervention à la conférence internationale de l’Union des Avocats Européens sur le droit maritime européen, 4 mars 2005 41 C’est l’abus de position dominante qui constitue une infraction au droit de la concurrence et non pas la seule position dominante 42 Philippe Garo, ibid. 13
  • 14. dossiers entre 30 et 50 millions de dollars. Ce dernier pallier ne concerne qu’un à deux dossiers par an en moyenne tandis que le premier pallier concerne une vingtaine de dossiers par an. L’accord prévoit aussi un mécanisme de partage des réclamations entre 7 millions de dollars et 5, 4 milliards de dollars. Le groupe est aussi re-assuré pour les dossiers entre 50 millions de dollars et 2,5 milliards de dollars. C’est le plus important contrat d’assurance maritime au monde. Les clubs malgré ces aménagements, ont su garder leur esprit mutualiste, faisant leur originalité et leur force dans le marché mondial de l’assurance maritime. Il apparaît maintenant nécessaire avant de présenter les différentes garanties proposées par les P&I Clubs d’expliquer, l’esprit atypique qui guide les Clubs, les règles particulières qu’ils utilisent. D’une manière préliminaire, nous allons donc présenter les règles qui font des clubs une assurance très originale tant dans leur fonctionnement interne que dans leur pratique contentieuse (chapitre préliminaire). Ensuite, une étude des différentes garanties proposées par les Clubs sera traitée ainsi qu’une présentation d’un service très apprécié que fournissent les Clubs, l’émission de lettres de garantie (chapitre premier). Enfin, nous nous attacherons à présenter les garanties proposées par les P&I Clubs dans le cadre des dommages causés à l’environnement ; la protection de l’environnement étant un sujet sensible pour lequel les Clubs se sont fortement investis ces dernières années. 14
  • 15. CHAPITRE PRELIMINAIRE : Les règles particulières des P&I Clubs Les P&I clubs ont un fonctionnement particulier causé par deux règles atypiques dans leurs relations avec leurs membres (section 1). Ils essayent également d’imposer des règles spécifiques dans leur pratique contentieuse (section 2). Section 1 : Règles originales quant au fonctionnement Les règles originales utilisées par les clubs sont issues pour certaines des règles de Common Law, droit originaire des Clubs. Les Clubs peuvent en effet, avoir recours à « l’omnibus rule » dans certaines circonstances exceptionnelles, règle qui a pour but de rembourser le membre même lorsque le risque n’est pas légitimement couvert (§1). Enfin, le Club suit également un grand principe de Common Law auquel il ne déroge jamais, la règle « Pay to be paid » (§2). §1 : L’omnibus rule : La règle de principe est que le membre n’est garanti que pour ses obligations légales et non pour des réclamations faites à titre commercial. Il existe cependant des exceptions lorsque la condamnation est prononcée pour des raisons locales, « étrangères » aux règles internationales ou par exemple lorsque la condamnation s’est faite sur la base d’un rapport d’expertise erronée. 15
  • 16. De plus, dans un souci d’adaptation à l’augmentation de la responsabilité des armateurs, « l’omnibus rule » permet au conseil d’autoriser le paiement de certaines réclamations des armateurs qui ne sont pas objectivement prévues dans la couverture du Club mais qui sont toutefois dans le champ, dans l’esprit de la couverture.43 Cette clause originale nous rappelle que les Clubs sont des mutuelles à but non lucratif, elles agissent et existent pour le bénéfice des armateurs. Cette règle de l’omnibus permet donc au conseil de s’adapter de manière très réactive aux besoins de leurs membres, notamment lorsqu’un nouveau risque apparaît ou lorsqu’un événement exceptionnel se produit et ne correspond pas parfaitement aux clauses des Rules. 44 Cette règle représente également le pragmatisme britannique qui a de nombreuses fois su s’adapter aux situations nouvelles. On peut citer de célèbres exemples, telles les affaires « Emily » and « Westen Hope » qui ont été réglées par la règle omnibus. Il en va de même concernant la délicate question des clandestins, les clubs ont également élargi leur couverture après les évènements des «Vietnamese boat-people ». En règle générale, les assureurs traditionnels (à prime fixe) sont assez drastiques dans l’appréciation du champ d’application de la garantie. Il existe également des exceptions, comme la pratique des règlements commerciaux mais cependant la justification n’est pas la même. L’assureur permet le remboursement pour des motifs commerciaux et donc pécuniaires, du fait de l’importance de son client par exemple. Dans le cadre des P&I Clubs, le remboursement s’effectue parce que le membre et le Club sont du même côté. Cette conception n’est pas commune dans le marché de l’assurance et notamment dans les assurances maritimes. En outre, il est important de souligner que ce ne sont pas les managers du Club qui prennent la décision de faire application de « l’omnibus rule, » mais le « board », le conseil d’administration composé d’armateurs. Cette décision revient donc aux membres en quelque sorte, c’est l’esprit mutualiste qui prend le pas, la solidarité, parce que le membre qui a mis en jeu sa responsabilité mérite vraiment d’être couvert par le Club du fait d’un comportement 43 “Notwithstanding anything to the contrary contained in these Rules the Board in its discretion shall have power to admit a right of recovery by a member in respect of liabilities or expenses incidental to the business of owning, operating or managing vessels, which in the opinion of the board fall within the scope of the cover of Rules 2, 3 or 4. provided that A Any amount claimed under this Rule would be expressly excluded by the provisions of any other Rule may only be paid if the decision of those members of the Board present when the claim is considered unanimous. B Any amount claimed under this Rule shall be recoverable to such extent onlas the Board in its discretion may determine.” Rule 5 des Rules 2007 du Shipowners’ 44 www. ukpandi.com/ukpandi/infopool.nsf/HTML/Cover#omnibus 16
  • 17. exemplaire et donc par chacun des membres. Un souci de justice, d’équité anime donc aussi cette règle. L’omnibus rule est décidée de manière discrétionnaire par le conseil, qui doit statuer à l’unanimité voire à une majorité absolue que la demande du membre tombe dans cette catégorie. Le conseil n’a pas besoin de justifier son refus. L’appréciation de l’application ou non de « l’omnibus rule » se fait au cas par cas et non pas par référence à un événement antérieur. Il est important en effet, pour les clubs d’éviter la formation de « precedents ». C’est en effet, un mécanisme qui peut s’avérer très contraignant en Common Law, puisque le « precedent » lie de manière très forte les juridictions en représentant le droit et ici les règles de la couverture. Même si les membres n’ont pas de véritable droit d’assigner le conseil pour discrimination, le membre lésé peut demander un arbitrage conformément aux règles du Club ou demander l’assistance du juge. En conséquence, on reconnaît bien ici le pragmatisme des Clubs, qui grâce à cette règle issue du mutualisme de l’institution, sont en mesure de s’adapter aux évolutions des responsabilités imposées aux armateurs. Une autre règle capitale représente bien l’esprit des clubs et ainsi leur originalité, la règle « pay to be paid » qui n’a pas d’équivalent dans le système français. 17
  • 18. §2 : La règle pay to be paid: La règle « pay to be paid » démontre encore une fois la singularité des P&I Clubs dans le monde de l’assurance maritime internationale et de l’influence particulièrement grande de la Common Law sur ces institutions. Cette règle qui prévoit que le membre doit au préalable payer le réclamant avant de pouvoir prétendre à un remboursement par le Club est d’une importance capitale car elle conditionne une façon différente de travailler entre le Club et le membre et surtout elle est à la base de la problématique de l’action directe qui empêche ainsi un recours direct de la victime à l’encontre du Club, problématique que nous verrons dans la section suivante. Au contraire, en France dans les assurances « terrestres » ou même dans les assurances françaises, l’assureur paye directement le tiers lésé. Le droit anglais présente une particularité. En effet, il existe la Common Law qui est un droit fortement jurisprudentiel et l'Equity qui vient remédier les dysfonctionnements de la Common Law. Et la règle « pay to be paid » a été créée par la Common Law. L’Equity a donc tenté d’apporter des remèdes à cette règle qui peut être, dans certaines situations, injuste. En effet, selon les principes de la Common Law, dans un « contrat d’indemnité », il est nécessaire de payer d’abord avant de demander un remboursement à l’assureur. Les juges de l’ordre de l’Equity ont décidé dans l’affaire « Johnston v. The Salvage Association »45 que le paiement préalable n’était pas demandé dans un contrat d’indemnité et notamment lorsque ce paiement avait pour conséquence de ruiner l’assuré. 45 Johnston v. The Salvage Association (1887) 19 Q.B.D. 458 p. 460 per Lindley L.J. 18
  • 19. Toutefois, dans deux célèbres arrêts britaniques « The Fanti » and « the Padre Island »46 , les juges ont décidé que les principes d’Equity ne pouvaient supplanter les termes clairs d’un contrat d’indemnité qui prévoyaient que l’assuré devait régler d’abord le tiers lésé et que l’assureur rembourserait ensuite l’assuré. La règle “pay to be paid” est exprimée de manière très claire dans les rules des différents clubs, ce qui provoque ainsi l’application certaine des règles de Common Law. Ces deux décisions ont eu aussi pour effet d’établir le départ de la prescription d’une action du membre à l’encontre du Club lorsque le membre a totalement payé ses dettes de responsabilités et non pas à partir du moment où sa responsabilité serait seulement établie et quantifiée.47 Le paiement préalable par le membre est une condition impérative pour obtenir un remboursement du club. En effet, la règle peut être exprimée en ces termes : “Unless the Board in its discretion otherwise decides, it is a condition precedent of a Member’s right to recover from the funds of the Association in respect of any liabilities, costs or expenses that he shall first have discharged or paid the same.”48 Cependant comme l’indique cette règle, il existe des exceptions à cette règle générale qui sont décidées discrétionnairement par le conseil. Ainsi, le conseil d’administration du Club peut décider pour trois raisons de ne pas exiger le paiement au préalable du membre. Il s’agit généralement des règlements amiables. Ce sont également les cas où le Club doit fournir une lettre de garantie et enfin lorsque le Club gère directement l’affaire avec le réclamant sans pour autant admettre une reconnaissance de responsabilité (without prejudice).49 Ce sont les seules exceptions et comme toutes exceptions elles sont interprétées strictement. Ainsi, le fonctionnement des P&I Clubs est soumis à des règles originales issues notamment de la Common Law qui marquent les P&I d’un particularisme profond. Pour les mêmes raisons la pratique contentieuse des Clubs est également marquée par les règles de Common Law, droit originaire de ces associations. 46 The « Fanti » and the « Padre Island » [1990] 2 Lloyd’s Rep. 191, 47 Steven J. Hazelwood P&I Clubs Law and Practice, 3rd Edition, LLP, 2001, p. 355 48 Rules 2007 Shipowners, Rule 16 qui pourraient se traduit en français par « À moins que le Conseil discrétionnairement n’en décide autrement, c'est une condition préalable au droit du Membre pour obtenir remboursement du Club de régler d’abord ses dettes de responsabilités et toutes dépenses s’y rapportant » 49 Steven J. Hazelwood, ibid., p.352 19
  • 20. Section 2: Pratique particulière au niveau du contentieux Les P&I Clubs essayent de faire appliquer le principe de l’anti-suit injunction dans leur pratique contentieuse. Ce principe qui est ordonné par le juge anglais afin d’empêcher toute procédure hors du territoire anglais, est une arme redoutable utilisée par les Clubs (§2). En outre, les Clubs, en s’appuyant sur la règle « pay to be paid » tentent de contrer le principe de l’action directe (§1). Cependant, les Clubs n’auront pas toujours le dernier mot dans la maîtrise de la pratique contentieuse. § 1 : La question de l’action directe : L’action directe est un mécanisme qui permet de pallier les effets négatifs de la relativité des contrats en permettant à une personne lésée de « poursuivre directement, en son nom propre et pour son propre compte »50 , le débiteur de son débiteur. En France, l’article L124-3 du code des assurances51 combiné aux deux arrêts de la Chambre Mixte de la Cour de Cassation52 offre une véritable action directe à la victime. En effet, dans le cadre d’une procédure collective, la victime peut se faire payer directement par 50 Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.4 51 Article L124-3 du code des assurances : « L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré. » 52 Cass. Ch.Mixte, 15 juin 1979, Rev.gén.ass.terr. 1979, 364, conclusions Toubas, note Besson 20
  • 21. l’assureur même si elle n’a pas déclarée sa créance contre l’assuré, et que cette créance se trouve éteinte.53 Ce principe présente une sécurité importante pour le justiciable. Il est en effet, plus confortable de poursuivre un P&I Club dont la solidité financière est connue et reconnue mondialement, plutôt que de poursuivre par exemple une compagnie maritime du type «single ship company » qui aura été créée par des montages juridiques complexes afin justement de « perdre l’ennemi » et dont le navire est enregistré sous un pavillon de complaisance.54 En outre, il n’est jamais vain de rappeler que le titulaire de l’action directe est bien évidemment la personne qui a le droit d’agir, c’est-à-dire qui possède l’intérêt et la qualité à agir conformément aux règles traditionnelles de procédure civile.55 Si en France l’action directe est possible, ceci est à nuancer en droit anglais, droit originaire des Clubs. Ces derniers sont très attachés à cette quasi-impossibilité d’une action directe en droit anglais. La détermination de la loi applicable est donc liée à la recevabilité de l’action directe. Il suffit alors d’utiliser les règles de droit international privé pour déterminer quelle loi sera applicable (chose qui est loin d’être aisée eu égard à la complexité et au manque d’uniformité de l’interprétation de ces règles). Ainsi, en Angleterre (comme en France), la victime de la négligence d’un armateur est un tiers au contrat d’assurance qui lie cet armateur à son assureur, en l’espèce le contrat entre le P&I et son membre. Ceci signifie que la victime n’avait pas le droit de poursuivre l’assureur, n’ayant pas de lien de droit avec ce dernier. C’est pourquoi le Third Party Act de 1930 a instauré un système de subrogation légale.56 Selon Steven J. Hazelwood, cette loi marque un changement dans la conception de l’assurance en Angleterre. On va désormais considérer les intérêts de la victime plutôt que ceux de l’assuré.57 Le Third Party Act est une loi qui s’applique aux contrats d’assurance, certains contestaient le fait que le contrat établi entre un P&I et son membre constituait un contrat 53 Christian Scapel, L’action directe contre les P&I Clubs, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, éditions Moreux 2001 p.338 54 Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.10 55 article 31 de N.C.P.C « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. » 56 Steven J. Hazelwood, op.cit. p.309 57 Steven J. Hazelwood, ibid. p.309 21
  • 22. d’assurance. L’arrêt « The Allobrogia »58 a estimé tout de même qu’il s’agissait d’un contrat d’assurance. Le Third Party Act s’applique ainsi à tous les assureurs de responsabilité et donc aux P&I Clubs. Néanmoins, cette subrogation légale ne s’applique que dans le cas où l’assuré est en faillite ou en liquidation judiciaire, peu importe toutefois que cet état soit arrivé avant ou après la responsabilité59 . Pour que l’action directe s’applique, il faut aussi que le P&I Club ait accepté de couvrir le risque encouru par le membre, c’est-à-dire que le risque réponde aux conditions des rules, qu’aucune exception ne soit soulevée. Par ailleurs, on sait que le non paiement des « calls », des cotisations par le membre interrompt sa couverture. Cependant, pour le contentieux français, la Cour de Cassation a précisé que « si l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice, les exceptions opposables au souscripteur originaire, cette disposition n'autorise pas l'assureur de responsabilité à déduire de l'indemnité due à la victime le montant des primes échues à la date du sinistre et non réglées. »60 Néanmoins, les P&I Clubs revendiquant fièrement la règle « pay to be paid », soutiennent donc qu’une action directe n’est pas possible à leur encontre. En effet, la règle « pay to be paid » va à l’encontre du principe de l’action directe. Le membre ayant directement payé le tiers réclamant, le Club n’a aucun lien juridique avec ce dernier. Néanmoins, le Club acceptera parfois une action directe à son encontre car cela lui permet d’avoir un contrôle plus grand sur l’affaire. 58 Re Allobrogia Steamship Corporation [1979] 1 Lloyd’s Rep.190 59 Third Party Act de 1930 (1) “Where under any contract of insurance a person (hereinafter referred to as the insured) is insured against liabilities to third parties which he may incur, then— (a) in the event of the insured becoming bankrupt or making a composition or arrangement with his creditors; or (b) in the case of the insured being a company, in the event of a winding-up order or an administration order] being made, or a resolution for a voluntary winding-up being passed, with respect to the company, or of a receiver or manager of the company’s business or undertaking being duly appointed, or of possession being taken, by or on behalf of the holders of any debentures secured by a floating charge, of any property comprised in or subject to the charge or of a voluntary arrangement proposed for the purposes of Part I of the Insolvency Act 1986 being approved under that Part; if, either before or after that event, any such liability as aforesaid is incurred by the insured, his rights against the insurer under the contract in respect of the liability shall, notwithstanding anything in any Act or rule of law to the contrary, be transferred to and vest in the third party to whom the liability was so incurred.” 60 Civ 1ère 31 mars 1993 http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=72804&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1 22
  • 23. En outre, dans les arrêts «The Fanti » et « The Padre Island »61 la Chambre des Lords a réaffirmé la prédominance de la règle « pay to be paid » et par conséquent l’impossibilité de principe de l’action directe. Toutefois, les juges précisent qu’il existe un principe d’Equity qui va venir « adoucir » cette règle. En effet, lorsque les Rules ne contiendront pas explicitement la règle « pay to be paid », l’action directe sera possible.62 Mais c’est un leurre, les Clubs particulièrement attachés à cette règle, ne manqueront jamais de l’inscrire de manière explicite dans leurs Rules. Les Lords ajoutent que la victime n’aura jamais plus de droit que le membre, elle doit « standing in the shoes of the insured ». Ainsi, « dans le cas où le membre est en liquidation et n’est plus en état de payer la victime, cette dernière n’est pas fondée à se prévaloir de l’action directe car elle ne saurait avoir plus de droit que les membres qui selon le principe du « pay to be paid », ne sont plus non plus en position d’obtenir une indemnisation du Club »63 .On se souvient en effet, que les règles des Clubs sur la cessation de la couverture sont assez drastiques et qu’elles disposent que le membre en liquidation par exemple, ne peut plus bénéficier d’une indemnisation du Club, et donc la règle « pay to be paid » ne peut s’appliquer. En outre, les Lords dans ces deux décisions soulignent que les Clubs ne cherchaient pas par l’application de la règle « pay to be paid » à contester l’objectif du Third Parties Rights Act car cette règle était une règle à part entière des Rules bien avant la proclamation de cette loi.64 Toutefois, il est intéressant de noter que Lord Goff, a prévenu les Clubs que s’ils se cachaient derrière la règle « pay to be paid » pour échapper au paiement des personnes victimes de dommages corporels ou de mort, une réponse législative à un tel comportement serait donnée. Toutefois, on peut raisonnablement penser que les Clubs dans le cadre de dommages corporels n’auront pas une telle attitude, en raison au moins des retombées médiatiques que pourraient avoir un tel refus. Alors, « il apparaît qu’en cas d’insolvabilité de l’armateur, la victime agissant sur le fondement du droit français, est incontestablement recevable à agir contre le Club, mais que son action ne puisse aboutir parce que la garantie du club n’est pas engagée. »65 . 61 The « Fanti » and the « Padre Island » [1990] 2 Lloyd’s Rep. 191, 62 Steven J. Hazelwood, P&I Clubs Law and Practice, 3ème éd., LLP, 2001 p.318 63 Françoise Foucher, L’action directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.9 64 Françoise Foucher, ibid., p.9 65 Christian Scapel, L’action directe contre les P&I Clubs, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, éditions Moreux 2001 p.339 23
  • 24. Cependant, la Cour de Rouen en 200066 a affirmé : « est recevable l’action directe de l’assureur sur facultés contre l’émanation française d’un P&I Club étranger lorsque cette dernière se présente comme une entreprise régie par le code français des assurances et accorde au nom du transporteur un report de prescription, prenant ainsi la position d’assureur. Il en est ainsi, a fortiori, quand la loi étrangère dont dépend le P&I Club prévoit que ladite action n’est pas subordonnée à l’indemnisation préalable de la victime par l’assuré, en cas d’insolvabilité de ce dernier. » C’est peut être une porte de sortie, si cette jurisprudence n’est pas interprétée en fonction des principes de Common Law. Dans le cas contraire, on retombe sur la solution dégagée dans les arrêts «The Fanti » et « The Padre Island ». En conséquence, pour que l’action directe produise tous ces effets en France également, il faudrait que la règle « pay to be paid » soit considérée comme contraire à l’ordre public international français. Cependant, comme le remarque très justement Maurice Cozian : « L’action directe est sans doute impérative en droit interne, mais elle n’est pas à ce point essentielle à notre civilisation qu’elle devienne d’ordre public en droit international privé.»67 Par ailleurs, en matière de pollution, la convention de Bruxelles 1969/1992 CLC prévoit que les victimes d’une pollution par hydrocarbures pourront utiliser le mécanisme de l'action directe contre l’assureur responsabilité, c’est-à-dire le P&I Club. Si en France, cette nouvelle disposition ne change pas le droit, il n’en va pas évidemment de même pour le droit anglais. Les Clubs qui couvrent la responsabilité des armateurs pétroliers ne pourront, dans le cas des dommages par pollution visés par la Convention, échapper à l’action directe.68 Il est donc raisonnable de penser que l’action directe n’est totalement applicable que pour les cas de pollution et de dommages corporels. Les Clubs peuvent utiliser une autre arme l’anti-suit injunction pour se voir appliquer une loi et une juridiction sinon plus clémente, plus familière. 66 CA Rouen, 29 juin 2000, “Navire Kovrov” Société Groupama navigation et Transports c/ Société Translink Navigation et a., D.M.F. Avril 2001, p.336 67 M. Cozian, L’action directe, préf. Ponsard, 1969, p.217 repris par Christian Scapel, L’action directe contre les P&I Clubs, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, éditions Moreux 2001 p.339 68 Pierre Bonassies, « Après l'érika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d'une pollution maritime par hydrocarbures », Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2000, p.143 24
  • 25. §2 : Un outil redoutable utilisé par les clubs : l’anti-suit injunction : Il existe enfin, un autre principe issu du droit de la Common Law69 , l’anti-suit injunction ; outil s’il est reconnu pouvant être redoutable. Pour faire appliquer la clause de juridiction ou la clause compromissoire contenue dans le contrat, un justiciable va demander aux juges d’interdire à toute personne de saisir une juridiction étrangère. Cette procédure a été à l’origine imaginée par les juridictions d’Equity à la fin du XVIème siècle dans le cadre d’un conflit de compétence avec les juridictions de Common Law.70 Pour mettre en place une anti-suit injunction, il suffit de demander à la High Court de Londres, d’émettre un ordre interdisant à toute personne de saisir une juridiction étrangère ou d’interrompre une procédure en cours devant une juridiction étrangère. Si tous les documents sont présentés devant le juge londonien, une anti-suit injunction peut être obtenue en 24 heures. Cette procédure dont la simplicité déconcerte est doublée de sanctions civiles et pénales très lourdes. En effet, si une personne venait contrevenir cet ordre, cette personne commettrait un « contempt of court ». Ceci signifie que le contrevenant s’expose à des dommages-intérêts très lourds et peut même se voir condamner à une peine de prison. Ces mesures sont donc complètement rédhibitoires, la personne condamnée ne tentera plus de fouler le sol anglais ! L’anti-suit est rédigée en anglais et s’exprime souvent en ces termes : “This order prohibits you from continuing, instigating or commencing proceedings whether in rem or otherwise or from continuing to detain the vessel [name] for claims arising from alleged shortage/damage to cargo carried under bills of lading numbered [numbers] issued on [date] at [load port] in any jurisdiction other than before a London arbitration tribunal. If you 69 On le retrouve également aux Etats-Unis avec le Supreme Court Act 1981, s.37 qui prévoit :“The High Court may by order grant an injunction in allcases which it appears to the Court to be just and convenient to do so.” American Club Currents Issue number 23 December 2006 70 Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1174 p. 758 25
  • 26. disobey this order you may be found guilty of contempt of court and may be sent to prison or fined. In the case of a corporate correspondent, it may be fined, its directors may be sent to prison or fined or its assets may be seized.”71 Ctte procédure n’a pas que des effets néfastes. En effet, elle peut permettre, et c’est à l’origine son objectif premier, de se prémunir contre des actions dilatoires ou intempestives et enfin protéger les clauses compromissoires ou de juridictions intégrées dans les contrats. L’anti-suit injunction sera autorisée ou non suivant qu’il s’agit d’une clause compromissoire ou d’une clause de juridiction et en fonction aussi de la situation géographique de la juridiction étrangère sur le territoire de l’Union Européenne ou non. A Dans le cadre d’une procédure juridictionnelle : Le respect dû aux provisions contractuelles peut justifier l’application de cette procédure. Cependant au vu des prescriptions contenues dans la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 puis du Règlement du 22 décembre 2000 44/2001, cette procédure n’est plus justifiée. En effet, ces deux textes prévoient que les juridictions des Etats membres de l’Union Européenne se doivent respect mutuel et doivent coopérer72 . Par ailleurs, dans le seizième alinéa du préambule du 22 décembre, il est inscrit que « la confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit ». En outre, l’alinéa 17 précise que « cette même confiance réciproque justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre soit efficace et rapide ».73 C’est pourquoi l’arrêt Turner v. Grovit74 de la Cour de Justice des Communautés a bien jugé en déclarant la procédure d’anti-suit injunction irrecevable pour les actions intentées sur le territoire communautaire. Dans cette affaire communautaire, un employé d’un groupe international détaché de Grande-Bretagne en Espagne avait été licencié. Il intenta une action devant les juridictions anglaises tandis que son employeur intenta une action devant les juridictions espagnoles. M. 71 American Club Currents Issue number 23 December 2006 p.4 72 Philippe Delebecque, ibid., p.1 73 Pierre Bonassies « L’entrée en vigueur du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale » Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2002 p. 50 74 Turner v. Grovit, affaire C-159/02 27 avril 2004 26
  • 27. Turner obtint une anti-suit injunction, interdisant donc à son employeur de mener une action devant les juridictions ibériques. Toutefois, la réponse donnée par la Cour de Justice des Communautés à la Chambre des Lords fut sans équivoque ; la procédure d’anti-suit injunction est incompatible avec le droit communautaire et notamment contraire à l’esprit et aux intentions des textes communautaires précités. Récemment, une affaire d’anti-suit s’est posée devant le tribunal de commerce de Marseille, le 13 janvier 2006, « Navire Antigoni »75 . Ce navire affrété à temps transportait une cargaison de riz à destination de trois ports africains. Des manquants furent constatés à l’arrivée, les assureurs facultés subrogés dans les droits des intérêts cargaison agirent contre le fréteur, membre du London Steamship. Ce Club délivra alors des lettres de garanties afin de se prémunir contre la saisie du navire. En mai 2005, le fréteur demanda à la High Court de Londres une procédure d’anti-suit injunction contre les assureurs facultés afin de protéger la compétence de la clause compromissoire de la charte partie. Cependant, en septembre, les assureurs facultés opposèrent une demande d’ « anti-anti-suit injunction » devant le Tribunal de Marseille afin de protéger la compétence de la clause de juridiction insérée dans les lettres de garanties. Par ailleurs, cette demande peut paraître paradoxale puisque les assureurs facultés contestaient la saisine du juge britannique. Pour reprendre une expression d’Olivier Cachard dans son article du DMF, « il est interdit d’interdire »76 , le Tribunal de Commerce a donc refusé la demande d’anti-anti-suit injunction pour mettre un terme à cette contradiction; « accorder une anti anti-suit serait tomber dans le même travers que celui qui lui est précisément reprochée, savoir l’interdiction de conduire une procédure devant une autre juridiction. »77 En outre, les juges consulaires précisent qu’« il n’y a en l’espèce aucun manquement caractérisé de respect de la justice puisque l’anti-suit n’est pas dirigée à l’encontre de la juridiction étrangère qu’est le tribunal de Commerce de Marseille, mais vise la partie qui a assigné devant ladite juridiction. »78 Ces juges reprennent donc la conception anglaise de l’anti-suit injunction. En effet, selon eux, « l’anti-suit injunction vise in personam son 75 T. Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 856-876 obs Olivier Cachard et Anti-suit injunction : la jurisprudence Turner s’applique même en cas de soumission alléguée des litiges à l’arbitrage, Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2006, p.5, Renaud Carrier 76 Ibid., p. 873 obs Olivier Cachard, expression reprise de Monsieur Gaillard 77 ibid., p. 856 obs Olivier Cachard 78 ibid., p. 856 obs Olivier Cachard 27
  • 28. destinataire »79 . L’action est menée contre la personne intentant l’action contre le Tribunal étranger et non pas contre le Tribunal étranger représentant la souveraineté de l’Etat impliqué. Mais la conception communautaire ne va pas du tout dans ce sens. Au point n° 27 de l’arrêt Turner v. Grovit les juges écrivent que « dès lors que le demandeur se voit interdire d’intenter une telle action par une injunction, force est de constater l’existence d’une ingérence dans la compétence de la juridiction étrangère, incompatible en tant que telle avec le système de la convention. »80 La question de la procédure d’anti-suit injunction est réglée par la Cour des Communauté de Justice au niveau juridictionnelle. Qu’en est-il maintenant dans le cadre de l’arbitrage ? B L’anti-suit injunction et la clause compromissoire : Ce qui est souvent en cause lorsque l’on rencontre une anti-suit injunction , c’est l’opposabilité d’une clause compromissoire, insérée dans une charte partie, au tiers porteur du connaissement, destinataire de la marchandise. En effet, nombreuses sont les chartes-parties qui donnent compétence au droit anglais et à la chambre arbitrale de Londres, la LMAA81 . Le Professeur Bonassies, dans son article de 200282 , c’est-à-dire deux ans avant que la décision Turner et Grovit ne soit rendue, avait senti que « l’exclusion de l’arbitrage par l’article 1er du règlement peut alors permettre d’éviter la confrontation de l’anti-suit injunction avec le droit communautaire, surtout si l’on adopte – à tort sans doute, mais c’est là la tendance de la Cour de Justice – une conception large de cette exclusion. »83 En effet, l’arrêt Turner v. Grovit a été rendu pour les clauses de juridictions au visa de la Convention de Bruxelles de 1968 qui n’envisage pas les questions d’arbitrage. De la même 79 Philippe Delebecque, Anti-suit injunction et arbitrage : quel remèdes ? Gazette de la C.A.M.P. n°12, Hiver 2006-2007 p.2 80 T Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 874 obs Olivier Cachard 81 LMMA signifie London Maritime Arbitrators Association 82 Pierre BONASSIES « L’entrée en vigueur du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale » Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports 2002 p. 48 83 Pierre Bonassies ibid., p. 51 28
  • 29. façon, le règlement 44/2001 exclut de son champ l’arbitrage dans son article 162, d. 84 Ainsi, il est possible d’en déduire que la procédure d’anti-suit injunction est valable dans le cadre d’une clause compromissoire. C’est pourquoi les juges britanniques ont décidé dans l’affaire « The Front Comor »85 dans laquelle ce navire, était entré en collision avec la jetée d’une raffinerie en Sicile. Les propriétaires de la raffinerie qui étaient également l’affréteur ont intenté une procédure d’arbitrage à Londres conformément à la clause compromissoire de la charte partie. Cependant, trois ans plus tard, les assureurs du fréteur, propriétaire du navire ont intenté une action devant le Tribunal de Syracuse. Selon ces juges d’appel, la jurisprudence communautaire Turner v. Grovit ne s’applique pas pour les affaires d’arbitrage.86 Si pour la majorité des commentateurs britanniques, le règlement ne s’appliquant pas aux questions d’arbitrage, l’anti-suit reste possible dans ces situations, pour le Professeur Delebecque ne vaudrait-il pas mieux interpréter cette jurisprudence par analogie plutôt qu’a contrario ?87 D’aucuns ne peuvent se satisfaire également d’une telle solution. C’est l’opinion défendue par les Professeurs Bonassies et Scapel qui dans leur Traité88 estiment que l’interprétation extensive de la Cour de Justice des Communautés concernant l’exclusion de l’arbitrage dans la Convention de 1968 et du règlement 44/2001 ne peut être approuvée. Pour le Professeur Delebecque, la procédure d’anti-suit injunction « intéresse, par elle même, la matière civile et commerciale qui ressortit du champ d’application du règlement 44/2001(art.1-1). L’injonction anti-suit ne relève pas, en elle-même, de la matière de l’arbitrage. […] En d’autres termes, elle existe à part entière et n’est pas attraite par la procédure qu’elle cherche à garantir, ni même par celle contre laquelle elle agit. Son régime juridique n’est pas tributaire de la procédure qu’elle entend défendre et ne l’est pas davantage de la procédure contre laquelle elle s’oppose. »89 Ainsi, selon le Professeur Delebecque, l’anti- suit devrait relever du règlement communautaire. Quant à Olivier Cachard, il estime qu’il ne faut pas combattre les anti-suit injunctions sur le terrain de la Convention de 1968 et du Règlement 44/2001 mais avec les armes du droit de l’arbitrage qui est notamment le principe « compétence-compétence. » En effet, selon ces 84 Il est intéressant de noter que le règlement ne s’applique pas au Danemark. 85 The Front Comor [2005] EWHC 454 (Comm) 86 Alan Mackinnon, Is Time up ?, Maritime Risk International, May 2005, p.7 87 Philippe Delebecque, Anti-suit injunction et arbitrage : quel remèdes ? Gazette de la C.A.M.P. n°12, Hiver 2006-2007 p.2 88 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Traité de Droit Maritime, L.G.D.J., 1ère éd., 2006 p. 760 § 1176 89 Philippe Delebecque, ibid., p.2 29
  • 30. termes le principe « compétence-compétence » « constitue le remède le plus approprié en ce qu’il protège la compétence de l’arbitre contre toute interférence positive (affirmation d’une compétence concurrente) ou négative (anti-suit injunction). »90 Toutefois, il ne faut pas oublier que cette jurisprudence Turner v. Grovit est communautaire. Ainsi, les litiges internationaux non communautaires et ils sont nombreux ne sont pas soumis à cette jurisprudence. Selon la jurisprudence britannique, Toniscstar Ltd v. American Home Assurancce Co [2004]91 , il suffit que la juridiction britannique soit la plus appropriée, que la procédure engagée à l’étranger soit « vexatious and oppressive or unconscionable » et enfin, que la procédure d’anti-suit soit prononcée de manière discrétionnaire, la Cour devant seulement examiner toutes les circonstances de l’affaire et prononcer la procédure seulement si les intérêts de la Justice sont en jeu. 92 Il faut donc fortement se méfier de cet outil redoutable qui peut parfois s’apparenter à une pratique déloyale. Les Clubs appréciant grandement cet instrument judiciaire, ils édictent des recommandations qui s’apparentent plus à « une recette d’anti-suit injunction ». L’American Club93 demande notamment aux armateurs de toujours préférer intégrer des clauses compromissoires désignant la Chambre de Londres plutôt qu’une clause de juridiction dans la charte partie. De plus, il rappelle aux membres de penser à s’assurer que le connaissement fasse une référence expresse à la charte-partie. La Chambre des Lords a posé une question préjudicielle dans le cadre de l’affaire « The Front Comor » sur l’opposabilité de la clause compromissoire. Une réponse claire de la Cour de Justice des Communautés Européennes est donc très attendue. Ainsi, ce chapitre préliminaire, qui avait pour objectif de démontrer les caractéristiques originales du fonctionnement d’un P&I Club était nécessaire avant de présenter les garanties proposées par les P&I clubs ainsi que les services qu’ils sont en mesure de fournir. Les P&I clubs sont donc dotés d’un grand pragmatisme comme le démontre la règle de « l’omnibus 90 T Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 876 obs Olivier Cachard 91 Toniscstar Ltd v. American Home Assurancce Co [2004] EWCH 1234 (Comm) 92 Tim Taylor, Natalie Dabdoub, Do anti_suit injunctions suit ?, Maritime Risk International, June 2005, p. 21 93 American Club Currents Issue number 23 December 2006 p.5 30
  • 31. rule » et la règle « pay to be paid », pragmatisme issu de la Common Law. Les pratiques judiciaires des P&I Clubs doivent rester à l’esprit de tout professionnel intentant une action à leur encontre, car l’issue du litige pourra dépendre de l’application ou non de ces principes chers aux Clubs, qu’ils tenteront de faire appliquer dans chaque affaire. 31
  • 32. CHAPITRE PREMIER : Les garanties classiques proposées par les P&I Clubs Les Clubs ayant su adapter leur couverture à l’augmentation des responsabilités imposées aux armateurs, ils sont désormais en mesure d’offrir des garanties nombreuses et variées (section 1). De plus, les Clubs proposent le service d’émettre des lettres de garanties, service très apprécié des membres (section 2). Section 1 : Diversité d’objets des garanties clubs Il est possible de classer les garanties P&I en quatre catégories, la première étant celle liée à la cargaison (§1), la deuxième est celle liée aux personnes (§2), la troisième est celle liée aux navires (§3) et enfin une quatrième catégorie concerne les dépenses liées au contentieux et aux diverses amendes (§4). Nous allons nous appuyer sur les rules proposées par les Clubs Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association et London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited.94 Mais avant il est important d’établir, les différents cas d’exclusions ou de limitations de garanties. Il faut rappeler que ces exclusions, limitations, et exceptions peuvent varier d’un P&I Club à l’autre et qu’il est de plus possible que des aménagements, moyennant une 94 Vous trouverez en Annexe A p.83 à 115 les Rules 2007 proposées par Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association 32
  • 33. surprime, soient réalisés dans le contrat liant le Club avec chaque membre95 . Il est tout de même possible de dresser un profil de ces garanties. Tout d’abord, le P&I ne couvre pas évidemment ce qui est couvert par une autre assurance. C’est la règle de la double assurance96 . Ce sont par exemple, les dommages causés aux navires assurés qui sont couverts par une police corps et machines ou les dommages couverts par la classe F.D.D. Il en va de même pour les risques de guerre97 . Pour ces risques il faut s’assurer sous une classe spéciale ou un Club spécialisé. Les termes utilisés par les Clubs pour ce type d’exclusions sont très précis et détaillés afin de se prémunir contre toutes les situations possibles et surtout inimaginables. Par exemple, les Clubs vont préciser que ne sont pas couverts les risques de guerre civile, de révolutions, de rebellions, d’actes de terrorisme, d’utilisation de mines, d’explosifs ou d’autres armes de guerre similaires. Pour le shipowners, par exemple, les risques de guerre chimiques, biologiques et électromagnétiques sont également écartés comme les risques nucléaires. Une autre exclusion catégorique est celle résultant d’une conduite délictueuse volontaire (Wilful Misconduct)98 c’est-à-dire, quand un membre agit de manière délictueuse intentionnelle ou commet une faute inexcusable. Dans le droit des assurances, la notion de bonne foi est prédominante, et encore plus dans le cadre mutualiste des P&I clubs dans lequel le membre et son Club sont supposés marcher main dans la main. Une exclusion liée à cette dernière est celle de l’exclusion de couverture lors d’un comportement illégal, imprudent et d’un transport inadapté à la marchandise transportée. Il s’agit par exemple, du transport de marchandises illégales, interdites (contrebandes, armes etc…) Le membre doit être à jour dans le paiement de ses cotisations, c’est une condition impérative. Par ailleurs, une exigence est posée par les clubs : ils exigent que le navire soit en état de navigabilité sans quoi, l’assuré ne pourra se voir rembourser. La notion de navigabilité est très large et ne se limite pas seulement à une navigabilité nautique, il peut être pris en compte les notions de navigabilité commerciale et administrative dans cette définition. Le navire doit avoir aussi une classe satisfaisante et l’armateur doit respecter les prescriptions de la société de classification ainsi que celles de l’Etat du pavillon. 95 Rule 3 des Rules 2007 du Shipowners 96 Rule 23 des Rules 2007du Shipowners 97 Rule 25 des Rules 2007 du Shipowners 98 Rule 30 des Rules 2007 du Shipowners 33
  • 34. Il existe en outre, des limitations dans le montant de certains risques. Par exemple, le Club ne couvrira un dommage pour pollution que dans la limite de 1 milliard de dollars pour chaque accident ou événement99 , concernant la protection des passagers, elle sera de 2 millards de dollars.100 Les Clubs pratiquent aussi le système des « deductibles ». Comme le système de la « franchise » en assurance maritime, l’assureur accepte de rembourser le risque uniquement quand le risque a excédé la « franchise » ou le « deductible ». Cependant, concernant la franchise, une fois le montant du risque excédé l’assureur rembourse le montant complet, ab initio. A l’inverse, dans le cadre des « deductibles », il restera toujours un montant à la charge de l’assuré, l’assureur ne remboursera que l’excédent.101 Selon les auteurs Hill, Hazelwood et Robertson, cette pratique des « deductibles » se justifie pour certains par le fait qu’à très long terme, elle va permettre de réduire les coûts d’assurance. Les membres ne gaspilleront ni temps ni argent pour résoudre des petits litiges qui représentent les mêmes frais que des litiges très importants. D’autres pensent que cette pratique permet aussi aux membres d’être plus consciencieux et prudents sur la façon d’exercer leurs opérations.102 Le membre peut négocier le montant des « deductibles » imposé par le club, cette négociation peut se faire à l’entrée du membre dans le club ou à l’occasion des renouvellements. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des exclusions proposées par les P&I Clubs mais d’un panel assez représentatif des différentes exclusions actuelles. Comme pour les exclusions, il existe une trame générale de garanties mais elles peuvent être aménagées pour une situation particulière donnée ou pour un armateur donné. Une surprime justifiant dans tous les cas la possibilité de couvrir un événement. 99 Rule 21 A des Rules 2007 du Shipowners 100 Rule 21 D des Rules 2007 du Shipowners 101 Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd ed, LLP, 1996 p. 98-99 102 ibid.,p. 98-99 34
  • 35. § 1 : Les garanties liées à la cargaison : Historiquement, la garantie cargaison a été ajoutée à la couverture, au XIXème siècle par ce qu’ étaient alors les Clubs de Protection. A partir de là, les clubs sont devenus des P&I Clubs. Les « cargo claims » correspondent à la fonction d’indemnité car la responsabilité survient de l’utilisation du navire plutôt que de sa propriété. Les avaries cargaison sont les avaries les plus fréquentes en transport maritime, environ un tiers des réclamations traitées. Seront présentées dans un premier temps, les garanties classiques (A), puis le modèle de la lettre de garantie pour absence de connaissement à la livraison, modèle institué pour remédier à une exclusion de la garantie cargaison (B). A Les garanties classiques Il est tout d’abord intéressant de souligner que le fait que la marchandise appartienne au membre ou à un tiers n’a aucune importance, les mêmes règles seront appliquées aussi bien au membre qu’à une tierce personne. En règle générale, le Club couvre les avaries, pertes et manquants des marchandises transportées par un navire assuré, avaries provoquées par le membre ou par une personne pour laquelle il répond de ses actes et négligences et ce, dans le cadre des opérations de chargement, manutention, entreposage, soin, garde, déchargement et de livraison de la marchandise. Il est souvent précisé que la couverture commence à la réception de la marchandise sur le quai jusqu’à la livraison sur le quai. Le Club va également couvrir les frais engagés par le déchargement ou la destruction de la marchandise endommagée si le membre ne peut recouvrer ses dépenses par une autre personne. 35
  • 36. Le London Steam-Ship103 comme le Shipowners104 par exemple, c’est une pratique courante, prévoient aussi la couverture des avaries, pertes et manquants et autres responsabilités pendant les phases de transport par terre, eaux fluviales et air de ou à destination du navire assuré mais seulement dans les termes du connaissement préalablement approuvés par le Club qui peut exiger bien évidemment une surprime. Le Club a ainsi une vision multimodale du transport. Sont également couverts par le P&I le fait pour le réceptionnaire de n’avoir pas collecté sa marchandise, laissant à la charge de l’armateur les coûts de stockage. L’armateur, responsable de cette marchandise doit alors essayer de proposer la marchandise au chargeur par exemple. Puis, si ni le réceptionnaire, ni le chargeur n’acceptent de récupérer cette marchandise, une vente sera alors réalisée. Le Club ne couvrira que les frais engagés par le membre supérieur au montant de la vente et ce, dans la mesure où il n’ y a pas de tiers pouvant rembourser ces sommes105 . Les Clubs prévoient des conditions impératives pour l’application de la couverture. En effet, le remboursement des litiges « cargaison » s’effectue conformément aux règles édictées par la Convention de la Bruxelles de 1924 et la Convention modifiée par le Protocole de Visby de 1968. De plus, ne seront pas couverts les avaries dues à un déroutement sauf si celui-ci provient d’une des causes d’exonérations prévues par les texte précités. Certains clubs comme le London Steam-Ship permettent une atténuation du manquement si le membre prévient immédiatement le Club de son déroutement. Bien évidemment l'appréciation de ces deux conditions restent à la discrétion du conseil et à des accords particuliers conclus entre le membre et le Club.106 Les Clubs se réservent également la possibilité de créer ou de publier des normes donnant des standards concernant le transport ou les procédures de manutention. Ceci reflète le travail de prévention qui est effectué par les Clubs. Le manquement à l’une de ces règles édictées par le Club peut provoquer la cessation de la couverture ou à tout le moins une réduction significative du montant remboursé au membre. 103 Rule 9.19.1.4. London Steam-Ship 104 Rule 2 Section 14 D 105 La formule très souvent utilisée par les clubs est celle-ci “The liabilities and additionnal costs incurred by a Member, over and above the costs which would have been incurred by him if…” 106 La formule très souvent utilisée par les clubs est celle-ci “Unless the Association shall have previously agreed or arranged cover on special terms (which may include the requirement of a further call or premium) or unless the Committee in its sole discretion shall otherwise determine…” 36
  • 37. En plus de ces conditions, il existe des exclusions particulières en sus des exclusions générales précédemment évoquées. En effet, les Clubs attachés au principe de bonne foi, ne couvriront pas les avaries, pertes ou manquants des marchandises qui figuraient sur un connaissement ou une lettre de transport maritime erroné. Il en va de même pour les connaissements ou les lettres de transport maritime frauduleux notamment les connaissement anti ou post datés. Ne seront pas couverts également les arrivées tardives ou les « non arrivées » du navire assuré au port de chargement. En règle générale ce sont tous les manquements délibérés et frauduleux de l’armateur ou de ses préposés au contrat de transport. Apparaissent aussi très souvent dans les exclusions des rules, les marchandises rares tels les objets d’art, artisanat d’art ou ancien mais aussi les métaux précieux et les marchandises représentant une valeur tels les billets de banque, les instruments négociables etc… sauf bien entendu accord préalable avec le Club. La plupart des Clubs ne couvrent pas au delà de USD 2500 par unité, pièce ou paquet lorsque l’on se trouve en présence d’un connaissement ad valorem sauf si un accord avec le membre allant dans un sens différent le prévoit. Enfin, les Clubs ne garantissent pas la livraison de la marchandise sans la production du connaissement original par la personne mentionnée sur ce dernier ni la délivrance à une personne autre que celle mentionnée sur ce connaissement ainsi que le déchargement à un port autre que celui prévu sur le connaissement ou sur tout autre document de transport maritime. B La solution proposée par les Clubs pour la livraison en l’absence de connaissement La livraison en l’absence de connaissement est une situation trop fréquente qui s’explique par le fait que le connaissement peut voyager plus lentement que le navire. En effet, les services postaux peuvent être très longs, les circuits bancaires lors de l’émission de crédits documentaires sont quant à eux parsemés d’embûches, il arrive aussi que le connaissement se perde tout simplement! Ainsi, le destinataire n’aura pas le connaissement original pour collecter sa marchandise. 37
  • 38. Cependant, le transporteur pour des raisons, des pressions commerciales, à cause de la nature périssable de la marchandise, ou des frais annexes se rapportant au stockage d’une marchandise, ne pourra refuser la livraison de la marchandise même s’il sait que ceci peut être considéré comme une faute et qu’à la survenance du moindre problème son assureur P&I ne le couvrira pas.107 Le transporteur s’engagera donc à subir l’action du véritable titulaire du connaissement. Ainsi très souvent le transporteur acceptera de délivrer cette marchandise sans la production du connaissement original à la condition que le destinataire lui signe une lettre de garantie au déchargement, (letter of guarantee108 ). « Il s’agit d’une garantie à première demande et une garantie autonome. Elle échappe à la prescription annale du contrat de transport, car elle a pour cause l’engagement de payer le prix à la banque. »109 . C’est en effet ce que précise l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation « Happy Buccaneer » 110 . Selon les juges « la lettre de garantie consacre un engagement indépendant du contrat de transport. Il en résulte que l’action exercée sur le fondement exclusif d’une lettre de garantie… est soumise non à la prescription annale du contrat de transport mais à la prescription commerciale de droit commun ». C’est également l’opinion du Professeur William Tetley111 , pour qui l’action porte sur la mauvaise livraison alors que la Convention de Bruxelles ne traite pas des questions de livraison. Toutefois, il est important de préciser que ces lettres sont remises par le destinataire de la marchandise et n’ont pas le même objet que les lettres de garanties pour mainlevée de saisie de navire qui sont remises par le Club. Cependant, les lettres de garanties pour livraison en l’absence de connaissement intéressent notre étude puisque ce sont les Clubs qui ont élaboré un modèle type. En 1998, l’International Group recommanda aux P&I Clubs par le biais d’une circulaire d’élaborer de nouveaux standards de lettres de garanties pour absence de connaissement à la livraison. C’est en 2001 que la version nouvelle fut réalisée. Il existe désormais trois standards élaborés par les P&I Clubs : les lettres de garantie pour livraison de la marchandise sans la remise du connaissement original (standard A), les lettres de garantie pour livraison de la 107 Pierre Bonassies et Christian Scapel ,« Traité de Droit Maritime », LGDJ éd. 2006 § 1036 p. 663 108 L’intitulé des lettres types pour livraison en l’absence de connaissement est très souvent « letter of indemnity ». Cependant, pour le Professeur William Teltey ce sont des « letter of guarantee ». Les « letter of indemnity » étant les lettres de garantie au chargement, lettres qui n’ont pas du tout le même objet. 109 Pierre Bonassies et Christian Scapel ,ibid., § 1037 p. 664 110 Cass. Com. 17 juin 1997, Happy Buccaneer, DMF 1997. 725, rapp. Rémery 111 William Tetley, www.mcgill.ca/files/maritimelaw/ch38-marine.pdf, p.35 38
  • 39. marchandise à un port autre que celui mentionné sur le connaissement (standard B) et enfin les lettres de garantie pour livraison de la marchandise à un port autre que celui mentionné sur le connaissement et sans la remise du connaissement original (standard C) 112 . A ces trois modèles s’ajoutent les modèles AA, BB, et CC auxquels se greffent les banquiers membres de la British Bankers Association (BBA). Ces lettres de garanties fournissent une indemnisation à l’armateur ainsi qu’à ses préposés et à ses agents, dans le cadre des responsabilités et dépenses dans une des trois hypothèses précitées. Les Clubs peuvent même prendre en charge les frais judiciaires pour ce type d’affaire. Généralement, il est recommandé d’imposer une limite financière de 200% de la valeur du marché de la marchandise. Les personnes signant la lettre verront leur responsabilité être conjointe et solidaire. La loi anglaise ainsi que la High Court seront respectivement loi et juridiction compétente. Il est intéressant de noter que l’International Group a créé une sorte de présomption de livraison conforme dans le cadre de transport de gaz ou de vrac liquide, ce qui n’est pas le cas dans le cadre du pétrole. Sous la forme A et AA, la responsabilité du destinataire s’éteint lorsque le connaissement original est donné. Si le connaissement n’est jamais donné, la responsabilité du destinataire continue tandis que celle de la banque s’éteint au bout de six ans reconductibles automatiquement pour une période de deux ans à la demande de l’armateur. Sa responsabilité cesse bien entendu si la banque paie le montant maximum mentionné sur la lettre de garantie. Concernant les formes B, BB, C et CC, la responsabilité du destinataire et de la banque est engagée jusqu’à la preuve à l’armateur qu’aucune action ne sera plus intentée.113 Par ailleurs, le Professeur William Tetley114 cite une alternative à ces lettres proposée par Intertanko en collaboration avec la Chase Manhattan Bank, celle d’un registre central, dans lequel le connaissement original serait déposé et sur lequel toutes les informations ou opérations ultérieures seraient enregistrées par le destinataire sur le registre. Le problème est de savoir dans quelle mesure le système pourrait certifier de l’identification de la partie ayant droit à la marchandise et aussi qui voudrait payer pour l’établissement d’un tel système ? Il envisage aussi comme une alternative possible l’utilisation plus massive de la lettre de transport 112 Vous trouverez en Annexe B les trois modèles p.105 113 William Tetley, www.mcgill.ca/files/maritimelaw/ch38-marine.pdf, p.35 114 William Tetley, ibid., p.36 39
  • 40. maritime, qui ne nécessite pas d’être présentée à la réception de la marchandise, eu égard à son caractère non négociable. Ainsi, la couverture proposée par les clubs est relativement large concernant les « cargo claims », cependant et comme dans tous types d’assurance, ne seront pas couverts les actes démontrant un caractère délictueux. On remarque également les efforts réalisés par les P&I afin de protéger leurs membres contres les effets pervers du commerce international, à savoir l’élaboration de standards pour les lettres pour absence de connaissement. Les cargo claims sont certes les plus nombreux mais il existe bien d’autres types de risques couverts par les Clubs et certains sont très délicats à traiter, il s’agit des garanties liées à la personne. 40
  • 41. §2 : Les garanties liées aux personnes victimes de l’armateur : Les personnes pouvant être victimes du comportement frauduleux ou de la négligence de l’armateur sont nombreuses. Il peut s’agir de l’équipage, des passagers ou des personnes ne se trouvant pas à bord, mais aussi des clandestins. En cas de conduite volontairement délictueuse et de faute inexcusable, le membre ne sera pas couvert. A Les garanties liées à l’équipage Le Club va couvrir l’armateur pour dommages corporels, maladies, frais d’hospitalisation, frais de rapatriement, frais funéraires, et décès de tout marin qu’il soit à bord ou non. Les Clubs paieront les salaires des membres de l’équipage pendant la période d’hospitalisation du marin ou de sa convalescence, ou pendant son rapatriement causé par une blessure ou une maladie. Les membres d’équipage percevront aussi une indemnité pour la perte totale ou partielle du navire après un échouement ou un naufrage par exemple. Les membres d’équipage pourront également se voir rembourser via le P&I le dommage ou la perte de leurs effets personnels, sauf biens précieux, rares et négociables (cf supra), et ce dans la limite de USD 5000 par marin sauf accord différent entre les directeurs du Club et l’armateur.115 La rule 9.8 du London Steam-ship prévoit que les époux (ou plus souvent les épouses !) ainsi que les enfants des membres d’équipage voyageant à bord du navire assuré peuvent bénéficier de la couverture du P&I pour le rapatriement, les frais d’hospitalisation et médicaux, 115 Rule 2 Section 1 Shipowners Rules 9.3, 9.4, 9.5,9.6, 9.8, 9.11 London Steam-Ship 41
  • 42. les frais funéraires en relation avec la maladie, dommages corporels ou décès d’un membre d’équipage. Il en va de même quand l’époux ou l’épouse a dû se rendre sur le navire pour s’occuper de son enfant, mari ou femme. Le sort des marins passés en revue, celui des personnes autres que les membres de l’équipage sont maintenant à étudier. B Les garanties données par les Clubs pour les autres personnes : Généralement, les Clubs distinguent dans leur couverture les marins des autres personnes et dans cette dernière catégorie les passagers des autres personnes. Concernant les passagers, le contrat doit tout d’abord avoir été approuvé par le club. L’armateur est protégé contre les dommages et intérêts qu’il pourrait verser en cas de décès, de dommages corporels, de maladies, de frais d’hospitalisation et de frais de funéraires. Seront également couverts lors d’un accident sur un navire assuré, le paiement du transport pour finir le voyage, ou le retour au port d’embarquement. Mais moyennant, dans certains Clubs, une « special entry », l’armateur sera couvert pour des dommages plus particuliers aux passagers. Il s’agit par exemple, de la perte ou des dommages aux bagages et effets personnels des passagers ainsi qu’à leur véhicule, cependant comme expliqué supra, les biens précieux, rares et négociables ne sont jamais couverts. Toutefois, dans la plupart des polices, l’assurance de l’armateur ne couvrira pas les éventuels incidents se produisant lors d’excursions sur la terre ferme. Les Clubs demandent aux armateurs le plus grand soin dans la rédaction de leurs contrats afin de limiter au maximum la responsabilité de l’armateur mais également de ses préposés, agents et de toute personne travaillant avec lui ou de concert par le biais de la Clause Himalaya.116 Les dommages corporels, décès, et frais médicaux des manutentionnaires seront également pris en charge. Par ailleurs, il existe une très délicate problématique humaine concernant les clandestins, qui sont toujours plus nombreux à tenter leur chance en risquant leur vie dans des 116 C’est une clause qui permet d’étendre le benefice de la limitation de responsabilité et des exceptions stipules au profit du transporteur à l’entreprise de manutention. Exemple Rule 2 Section 2 Shipowners Rule 9.2 London Steam-Ship 42
  • 43. conteneurs ou dans les cales d’un navire. Pour l’armateur, il est très « fâcheux » d’avoir un clandestin à bord puisque en plus de la problématique humaine, le capitaine est responsable de l’entrée d’une personne en situation irrégulière sur un territoire et ainsi les frais de rapatriements sont à la charge de l’armateur. Des amendes devront aussi être payées par le membre. Le P&I Club couvre bien évidemment ce risque, qui s’intitule souvent dans les rules « responsabilités et dépenses en relation avec les déserteurs, les clandestins et réfugiés. » Le Club ne prendra en charge les frais de rapatriement, amendes, et les frais en relation avec les déserteurs, réfugiés ou sauvetage d’un homme à la mer, dans le cas uniquement où l’armateur est tenu légalement responsable ou lorsqu’il en a été décidé ainsi avec les managers du Club.117 Seront souvent couverts les risques pour dommages corporels, maladies et décès de toutes les personnes engagées dans la manutention de la marchandise du navire assuré. Concernant le sauvetage de vies humaines, les membres sont couverts uniquement pour les sommes à verser lorsque des tiers, des assistants professionnels ou non auront sauvé ou tenté de sauver des vies à partir du navire assuré ou à partir d’un autre lieu. Les Clubs couvrent ce risque si et seulement si ce n’est pas recouvrable sous la police corps et machines ou sous la police sur facultés.118 Le Club va couvrir les dépenses résultant d’un déroutement ou du retard d’un navire (les frais de soutes, les salaires, les taxes des ports, l’approvisionnement) qui a été rendu nécessaire par les mesures de traitement d’une personne malade et de l’organisation de son rapatriement, l’attente du remplaçant d’un membre d’équipage blessé ou malade, le débarquement de clandestins, réfugiés, déserteurs ou personnes sauvées en mer, ainsi que le retard ou déroutement dans le but de sauver une vie.119 Enfin, il ne faut pas oublier les personnes se trouvant dans une autre situation que celle précédemment présentée mais qui ont tout de même subi des dommages corporels, des maladies, un décès, le remboursement de leurs effets personnels se trouvant à bord du navire assuré sauf les biens précieux, rare et négociables.120 Ces personnes peuvent être un expert, un pilote, du personnel de maintenance, un avocat…à bord pour un court instant ou des personnes victimes de l’armateur à terre. Si un dommage survient, ces dommages sont soumis aux règles générales de la responsabilité civile, ce qui est donc sans limitation de responsabilité, les Clubs 117 Rule 2 Section 5 Shipowners Rule 9.9 London Steam-Ship 118 Section 6 des Rules 2007 de Shipowners 119 Rule 9.7 London Steam-Ship et Rule 2 Section 4 Shipowners 120 Rule 9.2. London Steam-Ship ou Rule 2 Section 3 Shipowners 43
  • 44. conseillent alors à leurs membres d’essayer autant que possible d’établir une relation contractuelle avec ces visiteurs afin de limiter leur responsabilité.121 Il existe une autre grande catégorie de garantie qui, elle, touche à une « personne » importante du transport maritime, il s’agit bien évidemment du navire. §3 : Les garanties liées au navire : Les assurances de transport et les assurances maritimes en particulier sont des assurances de dommages et d’indemnité. L’assuré ne peut être indemnisé au delà du préjudice qu’il a subi. En effet, l’assurance ne doit pas être source d’enrichissement. L’assurance corps et machines est globalement une assurance de chose qui couvre les pertes et les dommages subis par le navire. Ce n’est que de manière subsidiaire qu’elle est une assurance de responsabilité.122 On se souvient de la création des P&I, en réponse à des lacunes des polices corps et machines dans le domaine de la responsabilité de l’armateur. Les deux types d’assurance sont donc assez complémentaires dans le cadre de la couverture du navire. L’abordage123 du navire assuré avec un autre navire est couvert en partie par les P&I Clubs. Cette garantie montre bien le chevauchement des garanties P&I avec la police corps et machines. Suivant la « Running Down Clause », l’assureur corps prend en charge les ¾ des risques d’abordage mais exclut les risques de décès, de dommages corporels, de pertes ou dommages à la marchandise, et le relèvement d’épave. Le quart de la responsabilité et les exclusions ont été à l’origine laissées à la charge de l’armateur pour lui faire prendre conscience qu’il avait fait preuve de négligence. Mais P&I Club a pris en charge le quart de la responsabilité en matière d’abordage et les risques restants, finalement on peut se demander si les P&I Clubs ne sont pas les « grands frères» des armateurs. C’est souvent le Club qui se chargera de mener le dossier au nom de tous les assureurs en jeu puisqu’il sera généralement l’assureur le plus important, les assureurs corps étant souvent plusieurs pour assurer un même navire. 121 Steven J. Hazelwood, P&I Clubs Law and Practice, 3ème éd., LLP, 2001, p.214 122 Mathieu Constantini, Complémentarités entre les conditions de polices d’assurance corps et la couverture du P&I club de l’armateur, cdmt 2005 123 Rule 2 Section 7 Shipowners Rule 9.13 London Steam-Ship 44