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1
Université Paul Cézanne- Aix Marseille
Faculté de droit et de science politique d’Aix- Marseille
CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS
LITIGES ENTRE FRETEURS
ET
AFFRETEURS AU VOYAGE
Année 2008.
Master 2 Droit maritime et des transports
Sous la direction de Me Christian Scapel
Pierre Izenic
2
Remerciements
Je remercie tous mes professeurs et particulièrement
Le Commandant Figuière pour son dévouement et sa générosité
3
PREAMBULE
Il existe deux façons de transporter les marchandises par mer.
Les confier à un transporteur
louer tout ou partie d’ un navire pour le voyage envisagé et s’occuper de
sa marchandise.
Peu de différences apparaissent à première vue : dans les deux cas, la
marchandise est chargée à bord,(mais sur quel navire ?), puis transportée vers
le port convenu.
4
Ces deux prestations apparemment équivalentes s’effectuent sous des aspects
bien différents.
Sans qu’il soit utile, dans le cadre de cette étude, de dresser un tableau de
comparaison entre le transport maritime et l’affrètement au voyage, on pourra
mettre en évidence les différences essentielles au travers des personnalités
des acteurs, fréteur et affréteurs, et du particularisme de leur contrat, la charte-
partie.
Les clauses contractuelles sont adaptées, âprement discutées d’égal à égal.
Les liens qu’ils nouent sont étroits.
Malgré leur professionnalisme, des divergences apparaissent, soit dans
l’interprétation des clauses convenues, soit dans l’exécution de leurs obligations.
.
L’intérêt commercial commande de régler au plus vite et à l’amiable les
différends mineurs.
Si le désaccord persiste, une solution doit être trouvée.
Nous proposons d’exposer, en respectant la chronologie du voyage, les
principaux litiges et la manière dont ils ont été résolus.
On évoquera, en fin d’étude, un point clé de la procédure, la clause
compromissoire .
Certains exemples, bien qu’anciens, illustrent notre étude. Nous les présentons
lorsqu’ils créent une jurisprudence, qu’ils sont toujours d’actualité, ou bien
lorsque la solution apportée ne semble pas évidente.
5
Introduction
Les données économiques
• Les besoins en transport.
Par le plus grand des hasards, les richesses naturelles de notre planète ne se
trouvent pas sur les lieux mêmes de leur emploi.
Minerais et charbons sont aux antipodes : Chine, Australie, Amériques et
Afrique du Sud.
L’or noir le plus proche repose sous les sables du Moyen Orient.
Les bois précieux proviennent des forêts équatoriales.
Les besoins alimentaires, sans cesse croissants, imposent d’aller chercher :
-Le riz en extrême orient.
-Les grains principalement dans les grandes plaines canadiennes et
américaines.
La révolution industrielle engagée au XIXème siècle en Europe du nord a eu
vite raison des maigres ressources qui s’y trouvaient.
L’essor économique et industriel se propage dans le monde entier : les quatre
pays émergents, désignés sous l’acronyme BRIC(Brésil, Russie, Inde ,Chine)
occupent déjà une place de premier rang dans l’économie mondiale ; la Chine,
à elle seule ,consomme 37% de la production mondiale d’acier et l’Inde est
devenue importatrice d’acier en 2007. 1
.
Ces matières, devenues précieuses au vu de l’envolée de leurs cours, intéresse
bien des nouveaux clients.
Face à une telle demande, la flotte mondiale est à la traine; les ports sont
engorgés; Les taux de fret flambent.
1
http://www.oecd.org
6
Les affaires sont donc juteuses pour les propriétaires de navires et les fréteurs.
Il suffit d’ailleurs d’observer le carnet de commande des chantiers : Dans tous
les secteurs, hormis la pêche, ils affichent complet jusqu’en 2011.Il y a peu
d’espoir de négocier les prix.
C’est ce que tous s’accordaient à dire fin 2007.
• Une activité liée aux cycles économiques
Ce ciel radieux s’assombrit : la demande s’affaiblit, la croissance chute, la
récession menace.
Le 12 mai 2008, les échos titraient : « La baisse des commandes de navires tire
les prix du transport vers le haut »2
2
Les échos.fr du 12 mai 2008 extraits : Le boom historique de la construction navale se heurte aux restrictions de
crédit. Résultat : les armateurs annulent leurs commandes et les taux de fret s'envolent.
Aujourd'hui, les chantiers navals à travers le monde redoutent l'annulation de 14 milliards de dollars de commandes.
Ainsi, le plus grand constructeur naval au monde, le coréen Hyundai Heavy Industries Co, se voit menacée par des
annulations et des retards de livraison sur un volume qui représente 94% de son chiffre d'affaires annuel par Hyundai.
La cause de ce malaise ? "Le durcissement des conditions de crédit qui conduit les prêteurs à demander aux
emprunteurs de plus grande garanties de dépôt pour leurs financements à court terme", a déclaré Tobias Backer, le
responsable de la division Shippers Amériques chez Fortis. Et le mouvement ne fait que commencer.
Pour l'heure, les annulations ou les retards de livraisons portent sur 250 navires environ, ou 10% du carnet de
commandes, ce qui va rendre le marché de la construction navale plus difficile. Ceci au moment où la demande de
navires neufs émanant de la Chine et de l'Inde pour toutes sortes de marchandises _ des graines de soja au charbon _
n'a jamais été aussi soutenue. Conséquence : faute de faire face à la demande par l'augmentation de la flotte (et sur la
base des commandes en cours, soit 2.561 navires), les prix du transport maritime devraient progresser de 56% au
cours des trois prochaines années, estiment les professionnels des marchés à terme. "Ces annulations conduiront
certainement la hausse des taux de fret maritime du fait du manque de navires,'' explique ainsi Natasha Boyden,
analyste chez Cantor Fitzgerald à New York.
Niveaux records
L'enjeu ne porte pas seulement sur la construction navale mais aussi sur les profits des armements spécialisés dans un
secteur qui, malgré le ralentissement économique aux Etats-Unis, a sur-performé l'an passé grâce à l'appétit de la
Chine pour les matières premières. Ainsi, le Bloomberg Dry Ships Index, qui regroupe 12 compagnies maritimes, a-t-il
progressé de 69% en 2007, alors que l'indice Standard & Poor's 500 Index perdait 7,8% sur la même période. Deux
exemples : STX Pan Ocean Co., une compagnie maritime coréenne, a gagné 62% en 2007 et DryShips Inc, un
armement basé à Athènes, a plus que doublé.
Les stocks de navires en commandes ont été poussés par les taux de fret maritime, qui ont atteint, le 9 mai dernier, leur
plus haut niveau depuis cinq mois - s'inscrivant 7,3% sous le niveau record du 13 novembre 2007. La courbe des taux a
suivi celle de la baisse des commandes. Ainsi, pour les frets secs, le Dry Baltic Index (voir encadré) a augmenté de
58% l'an dernier, alors que le nombre de navires en cours de construction diminuait de 21% au cours de cette période,
selon les données du Lloyd's Registre Fairplay.
Le chargeur Jinhui Holdings Ltd de Hong Kong est un cas d'espèce. En janvier dernier, il a annulé une commande de
deux navires et il est prêt à payer 4 millions de dollars pour sortir du contrat. "Lorsque les gens paient 4 millions de
dollars pour sortir d'un chantier, c'est une dynamique intéressante dans le marché'', estime-ton chez Fortis.
(Source : Bloomberg)
(*) Un nouveau navire Le Cap, un des plus grands navires de charge, coûte environ 155 millions de dollars.
7
« c’est la débandade sur le pacifique nord »3
L’observation de la courbe des taux de fret du Baltic Dry index montre une
variation, sur les douze derniers mois, à la hausse(+100%) comme à la baisse(-
50%) à quatre reprises.4
INDICE BALTIC DRY INDEX
Les taux de fret miraculeux dureront-ils ?Les plans d’amortissement des
navires payés au prix fort sont-ils réalistes ?
C’est le risque majeur supporté par les propriétaires de navires. Le frètement
doit donc couvrir cette exposition. L’affrètement coque- nue ou à temps sur une
longue durée est une solution appropriée.
Libéré de toute contrainte patrimoniale, le transporteur maritime se concentre
sur son métier: Il organise les rotations des navires qu’ il arme et entretient,
mais surtout cherche activement à tisser un vaste réseau commercial, essence
même de l’emploi des navires.
3
Propos de Mr. Bernard Dreyer, Mars 2008, au sujet du trafic conteneurs
4
Source Les échos. Fr. http://bourse.lesechos.fr/bourse/matieres/details_matieres.jsp?
8
Il assure la desserte régulière de ports prédéterminés avec toutes sortes de
marchandises.
C’est le trafic de ligne.
Le tramping
Le trafic ponctuel est traditionnellement schématisé par un navire unique
chargé d’une cargaison unique provenant d’une zone de production vers un
pays de transformation.
Il existe un marché spot pour l’affrètement de ces navires.
Rien, cependant, n’interdit de ne louer qu’une partie de navire, d’affréter des
espaces, de prévoir des voyages consécutifs ou encore de charger plusieurs
marchandises.
Ces transports sont assurés dans le cadre de l’affrètement au voyage.
_ _ _ _ _ _
9
Le cadre du contrat d’affrètement au voyage
On peut « reconnaître schématiquement les trois catégories de contrat tendant
à l'exploitation commerciale des navires par les traits suivants : le time-charter
porte sur un navire : l’affrètement au voyage intéresse un navire et une
cargaison : le transport sous connaissement porte sur une cargaison »5
.
La liberté contractuelle
D’emblée, la loi française6
,par son art.1,titre1, précise le caractère supplétif du
contrat d’affrètement:
« Par le contrat d’affrètement, le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à
mettre un navire à la disposition d’un affréteur.
Les conditions et les effets de l’affrètement sont définis par les parties au
contrat et, à défaut, par les dispositions du présent titre et celles du décret pris
pour son application. »
Fréteur au voyage et affréteur au voyage ont donc toute latitude pour convenir,
sauf à enfreindre des dispositions d’ordre public, de leurs droits et obligations
respectifs.
Il est bien normal qu’entre professionnels aguerris aux pratiques du commerce
maritime,de surcroît international, la plus grande liberté contractuelle soit de
mise.
Le contrat conclu peut être, en cours d’exécution, modifié au gré des parties,
permettant ainsi une grande souplesse et une capacité d’adaptation aux
circonstances7
5
" (R. Rodière, Traité général de droit maritime : Dalloz 1970, t. I, p. 53)
6
L. n°66-420 du 18 juin 1966
10
Les cocontractants
Le fréteur
Le fréteur au voyage est un transporteur maritime.
Ses navires n’assurent pas une desserte régulière de ports prédéterminés. Il
recherche un commerçant disposant d’une cargaison et lui propose de la
transporter.
Mettre un navire à disposition suppose :
• d’en posséder un : c’est le cas du propriétaire de navires dont les
revenus proviennent du courtage (achat et vente) de navires neufs et
d’occasion .
C’est une activité essentiellement financière, bien souvent réalisée derrière
des sociétés écran, laquelle, compte tenu des sommes en jeu et des très
fortes volatilité des taux de fret, nécessite une prise de risque et un flair
certains.
• d’en exploiter un : c’est le schéma traditionnel de la compagnie de
navigation qui tire ses revenus de la gestion nautique et commerciale d’
une flotte. Ses contraintes principales sont d’armer correctement le
navire et surtout d’assurer sa navigabilité.
• Mais l’exploitant n’est pas forcément armateur : le fréteur au voyage peut
être lui-même affréteur coque nue ou à temps, ainsi que le stipule l’art.12
de la loi précitée ;c’est le principe des sous-affrètements. Cette
exploitation est alors purement commerciale.
7
Droit Maritime Français - 2007 - n°685 - 10-2007 Mtre Marie Noëlle Raynaud,avocat à la
Cour
11
L’ affréteur
L’affréteur au voyage ne transporte pas de marchandise.
L’acheminement de sa cargaison est très souvent la conséquence ou la suite
logique d’un contrat de vente ou d’achat, dont l’exécution finale requière un outil
de transport (navire vecteur) et une capacité d’emport (navire volume)8
.
Son profil type est celui du négociant, grossiste en matières premières
(commodités), généralement en vrac (minerais, grains, tourteaux, ciment
ferrailles, déchets…) , en citerne (huiles végétales, pétroles brut ou raffinés,
produits chimiques de base, gaz liquéfiés, vin…),en sac ou sachet (engrais,
ciment, riz).
Mais rien n’empêche toute autre personne, tel le commissionnaire de transport,
dès lors qu’il intervient en son nom et pour son compte.
Pareillement, s’il agit pour le compte de son commettant, par exemple le
réceptionnaire, c’est ce dernier qui aura qualité d’affréteur 9
.
.: « Rien ne s'oppose à ce qu'un commissionnaire de transport chargé
d'organiser un transport maritime décide de recourir aux services d'un fréteur
au voyage. Au demeurant, si la marchandise est un peu particulière et n'est pas
susceptible d'être « conteneurisée », le commissionnaire n'aura guère d'autres
possibilités. Le commissionnaire prend alors la qualité d'affréteur : c'est bien lui
le cocontractant de l'armateur, fréteur au voyage »..…. « et la qualité d'affréteur
ne peut être reconnue qu'à celui qui a donné pouvoir au commissionnaire. Si
c'est le réceptionnaire, celui-ci aura la qualité d'affréteur. C'est cette solution
que la Cour de cassation a récemment consacrée »
Ses deux obligations fondamentales sont :
8
Exprimée enTPL(tonnes de port en lourd) pour les masses,TxJ N (tonneaux de jauge nette)
pour les volumes.EVP(équivalent 20 pieds) pour les conteneurs.
9
Navire Inger riis(Cass. com. 14 janv. 2004, navire Inger Riis, DMF 2004, 979.voir également
les observations du Pr. Ph. Delebecque, dmf 2004 n°654 12-2004.
12
• Le paiement du fret à la date convenue. En droit français, le fréteur
bénéficie d’un privilège légal sur le paiement du fret.10
• Charger et décharger la quantité de marchandises convenue.
Compte tenu du caractère international de l’activité maritime, nous ne pouvons
passer sous silence la position des juristes étrangers :
• Le Professeur Arroyo11
distingue très nettement l’affrètement au voyage
du transport de marchandise par mer.
• Maitre Luis Cova Arria12
souligne l’importance de la C/P au voyage dans
le droit maritime vénézuelien :
“Thus the Italian Shipping Code, which has marked the way, contains
a classification of contracts containing the following categories :
contracts for the leasing of vessels, like contracts for the leasing of
abjects ; charterparties which include the well known voyage and
time charters...”
L’intérêt d’affréter au voyage
En l’absence de stipulations contraires13
, « Le fréteur est responsable des
marchandises reçues à bord par le capitaine dans les limites prévues à la
charte-partie.
Il se libère de cette responsabilité en établissant, soit qu’il a satisfait à ses
obligations de fréteur précisées par décret, soit que les dommages ne tiennent
pas à un manquement à ces obligations, soit que le dommage est dû à la faute
nautique du capitaine ou de ses préposés ».14
10
Loi du 18 juin 1966 art.2
11
Professeur de droit maritime à l’université autonome de Barcelone. « curso de derrecho
maritimo » éd.2001,JM Bosch éditor.
12
Avocat au barreau de Caracas. The venezuela legislative treatment of maritime law dmf
1990 n°497.
13
La responsabilité du fréteur est librement négociée.
14
Loi du 18 juin 1966, art.6
13
Le fardeau de la preuve incombe donc au fréteur au voyage. En cas de perte
ou d’avarie à la marchandise, le fréteur devra prouver qu’il a rempli ses
obligations pour s’exonérer de sa responsabilité.
Il répondra également des fautes commerciales de son capitaine.
Si la dissociation des taches permet à chacun, fréteur et affréteur, de se
concentrer sur le cœur de son métier, d’autres considérations, moins nobles,
peuvent motiver ce choix.
Mr. Jean Pierre Beurier, dont nous reproduisons un extrait de son article15
,
démontre l’intérêt qu’un industriel peut trouver à commercer sous le régime de
l’affrètement au voyage.
. « Le montage pour l’affrètement au voyage de l’Erika restera comme un
modèle du genre. La discrétion de l’affréteur est tout aussi remarquable, en
effet la Convention de 1969 (art. III§4) précisait que pour bénéficier du fonds
d’indemnisation aucune demande de réparation de dommage par pollution ne
pouvait être introduite contre les préposés ou mandataires du propriétaire, mais
la convention n’abordait pas la question de l’affréteur. Le protocole additionnel
du 27 novembre 1992 modifie le paragraphe 4 de l’article III en ajoutant le pilote,
les personnels des opérations de sauvetage et surtout (al. c) « tout affréteur,
armateur ou armateur gérant du navire ». Ce remarquable dispositif a permis de
protéger des demandes de réparation les opérateurs intermédiaires, et surtout
les principaux affréteurs, c’est-à-dire les compagnies pétrolières. Le système a
très bien fonctionné dans le cas de l’Erika mettant l’affréteur au voyage à l’abri
des recours. »
.
15
Mr JP Beurier est professeur à l’université de Nantes et directeur du CDMO.
DMF 2004,n°645
14
La charte-partie au voyage
Dans le monde des affaires, rien n’est figé ; l’opportunité crée la fonction.
Selon les perspectives comme des besoins ponctuels, l’affréteur deviendra
armateur, propriétaire ou non, voire fréteur sur certains marchés et affréteur sur
d’autres. Chacun se retrouve d’un coté comme de l’autre de la charte; c’est
dire la maitrise que ces industriels du transport ont des clauses du contrat
d’affrètement, la charte –partie au voyage.
Forme
Liberté contractuelle et consensualisme prévalent.
Les charte-parties au voyage sont généralement des documents pré-
imprimés16
, adaptés aux types de marchandises transportées. Des clauses
particulières complètent les clauses types. En cas d’indications contradictoires
ou d’effets contraires, les clauses particulières, à fortiori si manuscrites,
l’emportent sur les clauses générales dactylographiées17
.
Loi applicable
Contrairement au transport maritime, il n’existe aucune convention
internationale régissant les contrats d’affrètement.
L’art.3 de la loi du 18 juin 1966 précise : « En matière internationale, le contrat
d’affrètement est régi par la loi du pavillon du navire, sauf convention contraire
des parties ».
16
On trouvera sur le site www.bimco.dk/ une large palette de C/P spécialisées et leurs clauses
additionnelles.
17
Camp sentence 1027 du 28 janvier 2000
15
En droit civil anglais, en l’absence de loi expressément définie par les parties, la
loi régissant le contrat est la loi « with which the contract is most closely
connected »18
Cette règle s’applique.
Cette alternative revêt toute son importance depuis l’émergence de nombreux
petits états souverains, dont les systèmes juridiques sont souvent peu connus
des acteurs du commerce maritime, entrainant incertitude et insécurité
commerciales.
Il sera néanmoins appliqué,en dernier ressort,la loi du pavillon « when the
evidence is so evenly balanced that a fair and just conclusion cannot otherwise
be reached »;19
S’il est prévu une clause compromissoire fixant le lieu d’arbitrage, sans autre
précision, ce choix traduira la volonté forte des parties de soumettre la charte
partie à la loi du for.
Ainsi la clause 17 de la charte Synacomex stipulant l’application de la loi
française, pour la procédure comme pour le fond.20
« Sur la loi applicable, le Tribunal Arbitral a constaté que la clause 17 de la
charte-partie Synacomex renvoie expressément à la loi française, qu’il n’est pas
précisé que celle-ci ne s’appliquerait qu’à la procédure et que l’exigence de
l’article 3 § 1( Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit
être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des
circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi
applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.) de la
Convention de Rome était ainsi satisfaite. »
Enfin, une clause valide sous un système de loi et invalide sous un autre est un
indice permettant de déterminer la loi applicable.21
18
Scrutton on charterparties and bills of lading, 18ème éd. Sweet & Maxwell 1974, page 11.
19
Idem ci-dessus, page 12
20
Camp sentence 1127 du 20 décembre 2005 ; extrait :
21
Idem ci-dessus, page12.
16
Quelques exemples synthétisés ci-dessous,(traduction libre) illustrent le
propos22
.
Cas 1 : L’affréteur, anglais, affrète un navire français dans un port danois pour
un voyage Haïti- France ou Angleterre ; dans un port portugais, le capitaine fit
un emprunt à la grosse, engageant navire, fret et cargaison. Le propriétaire de
la marchandise, devant payer plus que l’emprunt, réclama des indemnités au
propriétaire du navire. Celui-ci lui abandonna navire et fret. Loi du pavillon
appliquée. (le délaissement étant une solution avantageuse en droit français).
Cas 2 : Un navire allemand, capitaine allemand, fut affrété par un allemand
pour un voyage de Russie vers l’Angleterre/P et B/L rédigés en anglais.
Solution : .La loi germanique doit régir ces contrats.
Cas 3 : Un affrètement fut conclu en Angleterre, en langue anglaise,
concernant un navire allemand, clause stipulant : « freight payable …per ton
delivered ».Le capitaine vendit la marchandise endommagée dans un port de
refuge. En droit germanique, le fret devait être payé intégralement,
contrairement au droit anglais.la Cour se détermina sur l’ intention des parties
d’établir un contrat anglais ; le fret ne fut pas payé.
Cas 4 : Une compagnie britannique fréta un navire anglais à un citoyen des
Etats-Unis pour transporter du bétail de Boston vers l’Angleterre. La Charte fut
conclue à Boston avec une clause exonérant le propriétaire des fautes de son
capitaine et de l’équipage. Une telle condition est contraire à l’ordre public dans
le Massachussetts, mais légale en droit anglais. La négligence du capitaine et
de l’équipage provoqua la perte du bétail En défense, la compagnie plaida
l’exonération de responsabilité. Solution : le droit applicable est la loi anglaise,
d’une façon générale au vu du pavillon, et notamment l’existence même d’une
telle clause démontrait l’intention des parties de s’y conformer. Décision
confirmée en appel.
22
: On Charter-parties Scutton p. 12.
Lloyd v. Guibert (1865) L.R. 1 Q.B.115
The Express (1872) LR 3 A & E. 597 .
The Industrie[1894] P 58 (CA).
Re Missouri S.S.Co.(1889) 42 Ch.D.321.
17
.
Validité
Alors que la loi 23
portant statut des navires impose, à peine de nullité, que
soient constatés par écrit « les contrats d’affrètement à temps et contrats
d’affrètement coque-nue conclus et délégations de fret consenties pour une
durée de plus d’un an ou dont la prorogation peut aboutir à une pareille
durée »,on admet ,comme c’est la règle en matière commerciale, toutes formes
de preuves, telles qu’ échanges de courriers, fax, télex ainsi que, depuis juin
200524
, le recours, en droit français, aux courriers électroniques « pour mettre à
disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou
services ».
A fortiori, « les informations destinées à un professionnel peuvent lui être
adressées par courrier électronique dès lors qu’il a communiqué son adresse
électronique ».25 26
Ce n’est pas le principe retenu par la Cour de Cassation27
, certes un an avant
les assouplissements évoqués ci-dessus, qui, sans remettre en cause
l’existence du contrat d’affrètement, a jugé « inopposable »à l’ayant-droit de
l’affréteur par le fréteur au voyage la C/P Gencon au motif que l’affréteur ne l’a
pas signée.
Il faut souligner que dans le cas de l’ espèce, l’affréteur était à la fois chargeur
et destinataire ; il est permis de penser que les magistrats ont accordé au
connaissement de charte-partie la qualité d’un connaissement ne pouvant plus
faire référence à la C/P et accordé à ce connaissement la qualité et la portée
prééminentes du contrat de transport signé par le capitaine(ou son agent) ,(bien
qu’il soit largement admis qu’un tel document ne circulant pas n’a que valeur
d’un reçu de marchandises), en se fondant sur l’unicité des personnalités,
23
N°67-5 du 03 janv.1967, art.10 al.2
24
C.com.,art. L.10-3
25
Ord.n°2005-674,16 juin 2005 ; C.civ., art.1369-1&3.
26
Lamy transport,tome2,éd.2008,chap.1049 & 1050,page486
27
Cass.com, 5 mai 2004, navire Hella,DMF 2005, obs .F.Arradon
18
chargeur-affréteur-destinataire pour établir le lien contractuel fréteur / affréteur,
ce qui conduit à l’application des règles strictes du contrat de transport au lieu
de règles contractuelles librement débattues.
Bien souvent, les parties s’accordent rapidement sur les grandes lignes du
contrat. En cas de relations suivies, elles font référence aux « conditions
habituelles ».
De nombreux points « de détail » restent à négocier. Si les choses trainent,
l’existence ou la validité du contrat peut être menacée. La Commercial Court a
réaffirmé, dans son jugement du 9 février 2004, que l’utilisation de l’idiome
« subject details » (ou « sub details »), dans une « recap » (un document
récapitulant les termes d’un contrat de vente ou d’affrètement de navire), a pour
effet de prévenir la conclusion définitive d’un contrat tant que les « details » ne
sont pas satisfaits ou levés.
Les parties peuvent ainsi librement négocier les termes principaux et
subsidiaires du contrat, qui ne sera définitivement conclu, que lorsque les
« details » seront satisfaits ou levés.
Il est donc souhaitable, au moment où les négociations ont abouti, d’incorporer
une mention « all subjects lifted » ou « all subjects agreed » dans la « recap »
finale d’un contrat d’affrètement de navire afin de minimiser les risques de
litiges relatifs à l’existence d’une convention liant les parties.28
Résolution
Les chartes parties contiennent souvent des clauses résolutoires dont les trois
plus fréquentes sont les suivantes :
• Défaut de paiement du fret
28
Thoresen & Co (Bangkok) Ltd v Fathom & Others [2004] EWHC 167 (Comm). « subject
details »Alexandre Besnard, solicitor, Londres. Dmf 2005 n°655 01-2005
19
La charte Baltime 1939 dispose que le paiement du loyer sera fait d'avance
tous les trente jours et, qu’à défaut, l'armateur aura le droit de retirer le navire
du service des affréteurs, sans préavis et sans intervention judiciaire ou
quelque formalité que ce soit, et sans préjudice de toute réclamation que
l'armateur pourrait par ailleurs avoir à faire à l'affréteur en vertu de la charte.29
• L’absence du navire promis aux lieu et date prévus (« cancelling date »).
Seul l’affréteur peut l’invoquer, passé un délai raisonnable.
• Le chargement de marchandises illicites ou expressément interdites,
Y compris si le capitaine accepte un tel chargement, car le capitaine (non
partie à la C/P) n’a pas le pouvoir de modifier les clauses contractuelles.30
Sans qu’il soit nécessaire de le stipuler, l’inadéquation manifeste d’un navire
entraine la résolution de plein droit.31
La sentence arbitrale rendue le 5 novembre 1974 sous la présidence du doyen
Chauveau, précise :
(Extrait)
« L'armateur qui a frété son navire au voyage pour le transport d'une certaine
marchandise (ici du toluène) a l'obligation de fournir non pas un bâtiment
quelconque, mais un navire apte à effectuer le transport de la marchandise
envisagée et spécifiée à la charte-partie. Cette obligation étant de l'essence du
contrat, le fréteur ne peut, sans qu'il soit besoin d'un texte pour le préciser, ni
s'en exonérer, ni soutenir qu'il n'en est pas garant. Il en est particulièrement
ainsi aux termes des dispositions claires et précises du titre VI du Code
maritime grec…. Toutefois, si l'affréteur, dûment avisé par les services de
contrôle de l'inaptitude du navire au transport de la marchandise, ordonne
néanmoins de procéder au chargement, il accepte sciemment les risques de
l'opération et ne peut se plaindre de la détérioration de la marchandise
constatée à l'arrivée ».
29
Jurisclasseur Transport Fasc.1205
30
Chandris v.Isbrandtsen Moller, 1951 Handy book for shipowners and masters p.196.
31
, dmf 1975,p.297.
20
La résolution d'une charte-partie exige de la part de celui qui l'invoque une
déclaration formelle, à défaut de quoi la charte reste en vigueur, tout
particulièrement quand des amendements ultérieurs y font une référence
explicite.32
La résolution doit être demandée en justice.
Toutefois, la Cour d’appel de Paris a retenu que l’affréteur au voyage n’avait
commis aucune faute en affrétant un navire de remplacement avant l’échéance
de la « cancelling date » sur le fondement de la clause « Lay/Can ».
Le fréteur avait été dans l’incapacité de fournir le navire initialement convenu et
n’avait proposé que tardivement un navire de remplacement, incapable de
surcroit de faire escale dans le port prévu.33
Enfin, la résolution, sauf en cas de force majeure,34
ne dispense pas le
contractant défaillant de réparer le préjudice subi par son cocontractant en
prenant, par exemple, en charge la compensation de différentiel de fret.35
• La force majeure
Lorsque la force majeure est invoquée, celle doit rendre définitive l’impossibilité
de poursuivre l’exécution du contrat36
.
Ainsi la Chambre a jugé que l'état de siège ne constituait pas un événement
définitivement insurmontable et que rien ne prouvait que cette situation difficile
32
Camp,sentence n°213 du 8 juin 1977 ; dmf 1977 , p.626 .
33
Navire Santa Rita Dmf 1996n°564.
34
Décret 66-1078 du 31 Décembre 1966 art.12 « le contrat est résolu sans dommages-
intérêts de part ni d'autre si, avant le départ du navire, survient une interdiction de
commercer avec le pays pour lequel il est destiné ou tout autre événements de force
majeure qui rend impossible l'exécution du voyage ».
35
Camp sentence n°899 du 26 novembre 1994
36
Décret 66-1078 du 31 décembre 19966, art. 14
Si la force majeure retarde simplement la sortie du navire, le contrat doit être maintenu et le
retard ne donne lieu à aucune indemnité.
Si la force majeure arrive pendant le voyage, on ne peut pas considérer le contrat comme non
avenu puisqu'il a reçu un début d'exécution. Dans ce cas le contrat est maintenu et il n'y a lieu à
aucune augmentation du fret.
Néanmoins, si l'affréteur préfère rompre le voyage il peut décharger la marchandise à ses frais,
mais il doit alors le fret entier (art. 14 in fine).
21
avait rendu impossible l'exécution de la charte-partie ; il appartenait à l'armateur
seul de juger des inconvénients en résultant pour lui, et d'accepter ou de
refuser la résiliation proposée par l'affréteur. La résiliation unilatérale est donc
le fait de l'affréteur, qui doit indemniser l'armateur de ses conséquences. 37
Incidence du connaissement sur les relations fréteur – affréteur
Le connaissement matérialise la relation entre le fréteur et le porteur du
connaissement.
• S’il s’agit de l’affréteur, la charte-partie régit les relations fréteur-affréteur.
• S’il s’agit d’un tiers, les relations fréteur-affréteur restent sous l’égide de
la charte-partie et le connaissement, contrat de transport impératif,
s’impose aux relations fréteur (transporteur) et au porteur du
connaissement (destinataire)38
, ceci en dépit de clauses de la charte
transférant la responsabilité de l’arrimage et la conservation de la
cargaison à l’affréteur.39
« Attendu que la S.E.I.M reproche à l’Arrêt , qui a laissé à l’Armement une
partie de la responsabilité de l’avarie, d’avoir, pour décider ainsi totalement
ignoré la clause 5 de la charte partie rendant les affréteurs responsables
des effets d’un mauvais arrimage et la « refrigorating clause » annexée à
la charte partie, alors que les premiers juges avaient fait état de ces
dispositions conventionnelles et licites pour exonérer la S.E.I.M de toute
responsabilité, que cette société avait repris leur argumentation dans les motifs
et le dispositif de ces conclusions et qu’il appartenait donc à la Cour, pour
justifier son infirmation du jugement, d’examiner et de réfuter cette
argumentation ;
37
Camp Sentence n°255 du 06 janvier 1978, dmf 1978, p.575
38
Loi du 18 juin 1966, art. 17 :” Titre II : Transport de marchandises
Les dispositions du présent titre s’appliquent :
1° Entre tous les intéressés au transport, en l’absence de charte-partie ;
2° Dans les rapports du transporteur et des tiers porteurs, aux connaissements émis en
exécution d’une charte-partie.
39
: C. Cass. Ch.civ.3, 23 Mars 1965 Ste Emeraude Industrielle et Maritime / Ste comptoir
français de l’industrie des conserves alimentaires
22
Mais, attendu que l’Arrêt constate que le thon congelé, chargé par COFICA, a
été transporté de Dakar à Bordeaux, suivant connaissement intervenu
directement entre la société COFICA et la société S.E.I.M, que la demande
d’indemnisation de la société COFICA est fondée sur un rapport d’expertise
amiable dressé par deux experts choisis d’un commun accord par les deux
sociétés précitées…et que DELHOMMES ,affréteur du navire, est demeuré
étranger au connaissement et à l’expertise amiable… »
Nota : Le fréteur tentera souvent d’opposer les clauses de la C/P au porteur du
connaissement en y incorporant des références, renvois, etc. Il existe une
jurisprudence anglaise et française abondante 40
.Dans le cas, normal, de
l’inopposabilité, les relations fréteur- affréteur s’exerceront dans le cadre d’une
action récursoire.
En revanche, il a été jugé que l'affréteur qui a délivré des connaissements sous
son seul en-tête a la qualité de transporteur41
.
Si les connaissements, bien qu’il y soit mentionné l’existence d’une charte-
partie, sont délivrés sans en-tête, la jurisprudence Vomar s’applique42
.
Dans le cas de l’espèce, la Cour d’Aix en Provence réaffirme le principe selon
lequel « la seule mention sur les connaissements de l’existence d’une charte-
partie, sans que soit désigné le transporteur réel, ne saurait autoriser l’armateur
à invoquer une connaissance par les chargeurs de son identité ».
Incidence du connaissement sur le calcul du fret
Sur quelles bases l’assiette du fret sera t’elle établie ?
40
Voir en ce sens art. du Pr.Y. Tassel »De la clause fio ou bord-à-bord et du destinataire tiers à
la charte-partie », dmf 2007 n°684 09-2007
41
(T. com. Marseille 22 févr. 1972 : DMF 1972, 731).
42
C. Aix-en-Provence (2e
Ch.), 26 juin 2006, navire Fortune Bay . DMF HS no
11, juin 2007,
no
82.
Voir : Y. Tassel, Le connaissement de charte-partie sans en-tête, DMF 1987. 547.
23
Les mentions de poids et quantité portées au connaissement peuvent t’elles
être prises en compte si elles sont différentes de celles figurant sur la C/P ?
Il faudra, dans chaque cas, se référer aux clauses de la charte.
Ports sûrs, quais sûrs
Définition
Désignent toutes les zones ou le navire est susceptible de réaliser, en toute
sécurité, ses opérations commerciales et son avitaillement : amarrage à quai ou
au large sur coffres, mouillage en rade, etc.
La notion peut prêter à confusion : on devrait parler de « navire en sécurité
dans un port » car un même port peut, le même jour, être sûr pour un navire et
non sûr pour un autre43
. De même, le quai d’une darse peut être sûr, et non
celui d’en face.
Lord Justice Seller, en a donné une définition aujourd’hui encore la plus
partagée :
« The safety of the port should be viewed in respect of a vessel properly
manned and equipped,and navigated and handled without negligence and in
accordance with good seamanship »
Très proches, les termes de l’arrêt rendu dans le procès concernant le navire
Eastern City” fait également autorité :
« A port will not be safe, unless, in the relevant period of time, the particular
ship can reach it, use it and return from it without, in the absence of some
abnormal occurrence, being exposed to danger which cannot be avoided by
good navigation and seamanship”.
Qui garantit le caractère sûr du port ?
Contrairement à l’affrètement à temps, le fréteur au voyage conserve la
direction nautique de l’expédition; il est réputé connaître les difficultés de
43
Leeds Shipping Co. V. Bunge, 1958.Handy book for shipowners and masters, by
H.Holman,16ème éd. M.R HOLMAN.,1964.,pages 183 à 185.
24
navigation à l’approche et dans les ports qu’il a contractuellement accepté de
desservir.
C’est pourquoi l’affréteur garantit souvent, via les clauses générales des C/P,
uniquement les ports non encore désignés. Ainsi, en l’absence de clause
particulière, le fait, pour l’affréteur, de désigner, sans autre précision, les ports
de chargement et/ou déchargement l’exonère de toute garantie.44
L’expression « safe port Rouen »suppose que le fréteur ait une connaissance
précise de toutes les conditions d’accès, notamment courants et marées. Le
chargement terminé, le temps d’attente d’une marée favorable sera à la charge
du fréteur.
La sécurité nautique (phares opérationnels, alignements, chenal correctement
sondé et balisé45
, zones d’évitage appropriées, défenses de quai, bittes
d’amarrages suffisantes, etc.) ne suffit pas, à elle seule, à qualifier un port sûr.
Le juge du fond ou l’arbitre appréciera la présence, même à distance
raisonnable (par exemple Le Havre –Antifer) de remorqueurs portuaires, en
nombre et puissance suffisants, disponibles, l’existence et la qualité d’aides à la
navigation, d’informations nautiques et météorologiques.46
:”En émettant un bulletin météorologique approprié dont la qualité n’est pas
contestée et en mettant en œuvre les moyens d’urgence nécessaires à toute
demande de mise en sécurité d’un navire, les autorités portuaires ont assuré la
sécurité du séjour des navires dans le coup de vent survenu le 31 décembre
2000 ( mise en alerte de six remorqueurs et de deux pilotes) .Par ailleurs,
aucun autre navire présent dans le port de Skikda le 31 décembre n’a subi de
dommages ni même signalé une situation mettant en péril sa sécurité ».
Le port doit être sûr dès la conclusion du contrat, pendant le voyage aller,
durant l’escale et jusqu’à l’éloignement du navire.
Physiquement sûr, le port doit aussi l’être politiquement47
.
44
Camp sentence 1099 du 25 juin 2004
45
A contrario l’absence de balisage d’un haut fond situé dans le chenal de sortie de port a
contribué a qualifier un port « non sur ». Sentence camp1099 du 25 juin 2004.
46
Sentence 1088 du 11 Aout 2003.
47
Ogden v. Graham (1861)
25
Traduction libre : Un navire fut affrété pour se rendre, chargé, « to a safe port in
Chile (with leave to call at Valparaiso) ». A Valparaiso, il reçu l’ordre de se
rendre à Carrisal Bajo, lequel se trouvait fermé sur ordre des autorités
chiliennes pour cause d’émeute. Les affréteurs ignoraient ce fait au moment de
la conclusion de la C/P. Ce port était naturellement sur, mais tout navire qui y
déchargeait sans autorisation risquait la saisie. Le navire attendit à Valparaiso,
38 jours durant, l’autorisation de décharger. Le navire assigna l’affréteur pour
détention. Solution/ Carrisal Bajo fut déclaré non sûr et les propriétaires furent
indemnisés pour rupture du contrat.
A également été jugé raisonnable le déroutement d’un navire vers un port
autre que celui initialement prévu pour le déchargement en raison d’une
situation devenue notoirement insurrectionnelle, compte tenu de manifestations
violentes et de grèves menaçant le pouvoir en place dans le premier port . 48
Ses accès, ‘au sens large, y compris la route suivie pour l’atteindre, doivent être
sûrs.49
&50
Il existe donc une infinité de conditions, propres à chaque cas, pour qu’un port
soit réputé sûr.
En cas de protestation, la preuve de l’insécurité doit être rapportée51
Depuis le 1er juillet 2004, date d’entrée en vigueur du code ISPS, de nouvelles
adaptations contractuelles sont nécessaires pour déterminer, d’une part,
l’incidence et la répercussion financières de ces nouvelles dispositions, d’autre
part du caractère sûr du port en fonction du niveau atteint52
48
Société maritime Delmas Vieljeux/Société Cie Groupe Concorde et autres. Bulletin des
transports et de la logistique, n°2698,17Mars 1997,p.227.
49
Palace Co. v. Gans line,1916 risque de torpillage en temps de guerre
50
Grace v. General steam Navigation Co., 1950 “if there is a serious danger of the vessel being
damaged by ice en route to the port.”
51
Sentence camp 1088 du 11 aout 2003.
52
Voir article »les clauses de sûreté maritime dans les chartes parties, auteur Phlilippe Boisson,
La Gazette de la Chambre, n°6.
Voir également sur site Web
http://www.nepia.com/risk/publications/newsletters/pdf/Signals54.pdf l’article « cracking the
code » revue en ligne Signal, page 5, auteur Phil Anderson
26
Choix du quai
Le poste précis de chargement ou déchargement est rarement défini dans la
charte. Sous réserve qu’il soit sûr et prévu pour ce type d’opérations, le
capitaine doit se soumettre aux instructions de l’affréteur. Par contre, une fois
ce poste désigné, il devra supporter les frais de déhalage s’il veut
ultérieurement en changer.53
Traduction libre : le vapeur Novington fut affrété pour acheminer une cargaison
de mais de Durban à destination de Liverpool. A son arrivée, le fréteur informa
l’autorité portuaire de la nature de la cargaison et un poste de déchargement lui
fut attribué dans la darse Langton. L’agent de l’affréteur et la majorité des
intérêts cargaison sollicitèrent de décharger dans la darse East Waterloo. Ordre
fut donné au fréteur de faire mouvement, mais le navire acheva son
déchargement au quai initial.
Le fréteur soutint qu’il est d’usage dans ce port que les autorités portuaires
désignent un poste en accord avec les représentants du fréteur. Solution :
l’usage invoqué n’a pas été établi ; le choix du poste incombait aux intérêts
cargaison et affréteurs.
Le navire, objet du contrat
Il appartient à l’affréteur, éventuellement assisté d’un courtier en affrètement54
,
de choisir un navire parfaitement adapté au voyage prévu. L’âge, la
classification et l’état du navire auront une incidence sur le taux de fret, mais
aussi sur la qualité des performances auxquelles il peut prétendre.55
Le courtier est responsable de ses fautes conformément au droit commun; ainsi
constitue une faute le choix d’un navire ne correspondant pas au transport
envisagé en raison de la configuration des cales.56
53
Handy book for shipowners and masters, déjà cité, p.192
Ireland & Sns v. Southdown S.S Co., Ltd. (1928).
54
On peut lire le statut et les obligations du courtier sur le site : www.french-shipbrokers.org/
55
Camp sentence n°1075 du 13 décembre 2002.
56
Com .20 janv.1987, n°84-17.738, dmf 1988, p.182.
27
En revanche, bien qu’il soit fait obligation au courtier de « se tenir, pour autant
que possible, documenté sur la moralité et la solvabilité des parties qu'il met en
rapport et de les renseigner respectivement, avec la discrétion voulue sur la
crédibilité de leur cocontractant. »57
, la Cour de Paris a jugé « qu’ un armateur,
victime d’un affréteur insolvable n’était pas fondé à agir en responsabilité contre
le courtier ayant négocié l’affrètement de son navire, au motif que le
renseignement favorable donné par ledit courtier sur la fiabilité de l’affréteur ait
été déterminant pour son engagement alors qu’il avait exprimé lui-même ses
doutes sur la solvabilité de cet affréteur et sur sa capacité à obtenir la cargaison
prévue en exigeant des garanties pour le paiement de son fret et de dix jours de
surestaries au port de charge ».58
Navigabilité et aptitude commerciale.
Tout navire, affrété ou non, doit être, du point de vue de la sauvegarde de la vie
humaine, « apte au service auquel il est destiné »59
Nous n’évoquerons donc que les incidences contractuelles découlant d’un
défaut de navigabilité
Pour sa part, Le fréteur « s’oblige à présenter à la date et au lieu convenus et
à maintenir pendant la durée du contrat le navire désigné en bon état de
navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations
prévues à la charte-partie. »60
.
Cette obligation fondamentale est sans commune mesure avec celle édictée
par la loi du 18 juin 1966(Titre II, art.21).61
57
Art.5 des obligations professionnelles des courtiers adhérant à la chambre syndicale des
courtiers d’affrètement maritime et de vente de navires de France.
58
Paris, 30 juin 1989, dmf 1990,p.480.
59
Conv.int. de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention Solas) ,
art.1er
,al.2
60
Décret66-1078 du 31 décembre 1966, art.19
« Nonobstant toute disposition contraire, le transporteur sera tenu, avant et au début du
voyage, de faire diligence pour :
a) Mettre le navire en état de navigabilité, compte tenu du voyage qu’il doit effectuer et des
marchandises qu’il doit transporter ;
b) Convenablement armer, équiper et approvisionner le navire ;
c) Approprier et mettre en bon état toutes parties du navire où les marchandises doivent être
28
Dans l’affrètement au voyage, l’obligation de résultat permanente se substitue
donc à l’obligation de moyen (diligence) imposée « avant et au début » du
contrat de transport62
.
L’innavigabilité ne concerne pas uniquement la coque et les équipements
principaux ;
Dans l’affaire suivante, l’état du navire (par ailleurs voué à la casse) et les
manquements du fréteur fournissent un très bel exemple.63
extraits : « les nombreux manquements du fréteur aux obligations de la charte-
partie (navire non mis en état pour le bon déroulement de l’expédition,
nombreuses avaries avant et pendant le voyage, incompétence du Capitaine,
carences des services de l’armement dans l’opération du navire, impossibilité
de tenir la vitesse décrite causant un retard ayant aggravé la situation, non-
respect du code ISM), et, d’autre part, la responsabilité pleine et entière du
navire, de son Capitaine et du fréteur quant à la cause des avaries à la
cargaison résidant dans l’incapacité à tenir la température contractuelle requise
pour le transport, les arbitres déclarèrent le navire innavigable au départ du
voyage, et, au cours du voyage, le fréteur et le Capitaine furent reconnus
défaillants dans leurs obligations liées au transport, à la garde et aux soins à la
cargaison. »
Le soin apporté à l’armement du navire pour réaliser le voyage promis est d’une
exigence absolue ;
Le fréteur est tenu de déterminer, avant le voyage, ses prévisions de soutage ;
Un navire quittant un port avec des soutes ne lui permettant pas de rallier le
prochain port de soutage prévu sera déclaré innavigable, même s’il existe sur
sa route un port où il peut souter.
L’exemple suivant illustre ce degré d’exigence (traduction libre)
Le « Patapsco » fut affrété pour un voyage aller et retour Liverpool-Rivière plate
chargées ».
62
voir en ce sens P. Bonassies-Chr.Scapel Traité de droit maritime (déjà cité) chap. 765 p.496
et suiv.
63
Camp sentence arbitrale 1125 du 24 décembre 2005.
29
(Canada, près de Tadoussac).Les soutes étaient à la charge de l’affréteur et il
ne faisait aucun doute pour chacune des parties que le navire
s’approvisionnerait en charbon dans les différents ports qu’il était amené à
desservir au cours de son voyage. La charte prévoyait l’exonération des
responsabilités de chacune des parties, sauf le cas d’innavigabilité. Le navire
appareilla de la Rivière Plate pour St. Vincent, mais, en raison d’une erreur de
calcul du chef mécanicien, les existants de charbon s’avéraient insuffisants
pour rallier St. Vincent, l’obligeant à ravitailler à Pernambuco.
Les affréteurs réclamèrent réparation au fréteur pour violation des dispositions
contractuelles et le paiement des dépenses supplémentaires qu’ils avaient
engagées.
La Chambre des Lords jugea, en dernier ressort, que le « Patapsco » était
sous-armé lorsqu’il appareilla de Rivière Plate, cette responsabilité incombant
au fréteur qui devait s’assurer de l’approvisionnement suffisant pour assurer
chaque traversée, malgré l’obligation des affréteurs de fournir et payer le
combustible64
L’arrimage ayant une influence directe sur le comportement du navire à la mer,
la question se pose souvent de savoir si un mauvais arrimage rend le navire
innavigable.
On considère qu’un mauvais arrimage qui compromet la sécurité du navire rend
celui-ci innavigable
(Traduction libre) Trois blindés pesant chacun 18 tonnes environ furent
embarqués à Hull sur le navire des défendeurs et furent arrimés sous la
responsabilité des défendeurs au dessus d’un lot de rails de chemin de fer puis
saisis sur des sabots de bois.
Dans le mauvais temps, l’un des blindés se désarrima et traversa le bordé,
provoquant le naufrage du navire.
Le navire fut déclaré en état d’innavigabilité dès son départ d’Hull.65
64
Mc Iver &Co., Ltd v. Tate steamers Ltd. (1903) Handy book for shipowners and masters
p.151
65
Kopitoff v. Wilson (1876) ) Handy book for shipowners and masters p.154
30
Son aptitude commerciale revêt également une obligation de résultat.
Le port en lourd (deadweight) comprend le port en marchandises (peu usité)
ainsi que les soutes, eau douce, eaux alimentaires des chaudières ; les
équipements de rechange (ancre, hélice..), outillage, etc. sont comptabilisés
dans le Poids lège (lightweight).
Afin de ne pas obérer la capacité commerciale du navire, seules les quantités
raisonnablement nécessaires doivent se trouver à bord66
.
Sauf à prouver l’existence d’un dysfonctionnement, le fréteur sera responsable
d’une altération des marchandises résultant du fonctionnement normal des
éléments du navire.67
Enfin, soulignons l’application, obligatoire depuis 2002, des contraintes du code
« ISM » concernant l’organisation de la sécurité à bord et, élément novateur,
l’obligation formelle imposée à « la compagnie » (propriétaire, armateur,
affréteur coque-nue) de mettre en œuvre et d’appliquer à la lettre la gestion de
tous les risques et les moyens pour les résoudre.
Un manquement grave constaté à terre pourra, à notre avis, conduire à
l’innavigabilité du navire.
Citons le Cdt. Georges Figuière, expert reconnu:68
A propos du chimiquier « Torpido », navire bien entretenu et sérieusement
armé, victime d’un échouement dans le détroit de Magellan suite à une
succession d’erreurs humaines :
66
Darling v. Raeburn (1907).
67
Camp sentence n°1037 du 22 juin 2000( échauffement d’une partie de la cargaison de riz en
vrac dû au réchauffage des soutes à combustible)
68
Cours du Cdt G.Figuière : »Le code ISM et la notion de navigabilité »
31
« A l’étude de ce cas, on ne peut que conclure, que dès lors que l’erreur
humaine est inévitable et que la perfection reste un rêve, les tribunaux jugent
avec sagesse que dans la mesure ou l’armement apporte la preuve de sa
diligence pour la mise du navire en état de navigabilité, de son maintien en cet
état, du soin qu’il apporte au choix de ses capitaines et des principaux de
l’équipage, du respect tant de la lettre que de l’esprit du code ISM, une erreur
humaine ne saurait empêcher l’armateur, le transporteur de limiter sa
responsabilité ».
L’inverse est tout aussi vrai.
La clause standard Bimco stipule :
:” From the date of coming into force of the International Safety Management
(ISM) Code in relation to the Vessel and thereafter during the currency of this
Charterparty, the Owners shall procure that both the Vessel and "the Company"
(as defined by the ISM Code) shall comply with the requirements of the ISM
Code. Upon request the Owners shall provide a copy of the relevant Document
of Compliance (DOC) and Safety Management Certificate (SMC) to the
Charterers”.
Erreur sur la capacité d’emport
L’erreur doit être suffisamment conséquente pour autoriser l’affréteur à résilier
la Charte –partie. C’est au cas par cas.
Une réduction de la capacité d’emport peut résulter de clauses imprécises :
Les armateurs du Norway garantissaient 3000 tonnes pour un tirant d’eau
maximal de 26 pieds. Il était prévu, dès la conclusion de la charte, que le
chargement aurait lieu en rivière ; en conséquence, la garantie s’appliquait
aussi bien en eau douce qu’en eau de mer.69
69
The Norway (1865), Handy book for shipowners anr masters p.351.
32
Les contraintes liées au ballastage, nécessaire à la stabilité et à la navigabilité,
sont de la responsabilité du capitaine. Une partie de la marchandise chargée
pourra faire office de ballast sans toutefois pouvoir diminuer la capacité
contractuelle d’emport du navire ni conduire à décharger dans un port
intermédiaire70
.
Ce point avait toute son importance à l’époque ou la stabilité était assurée soit
par du ballast solide (gueuses de béton, lingots de fonte) soit par une partie de
la marchandise. Les soutes et l’eau de mer ballastée assurent actuellement les
tirants d’eau et la stabilité appropriés, mais les navires seront-ils indéfiniment
autorisés à ballaster et déballaster n’importe où et n’importe quand ?
Mise à la disposition
“Le fréteur au voyage doit mettre à la disposition de l’affréteur, au lieu et en
temps convenus par la charte-partie, le navire prévu, en bon état de navigabilité,
prêt en tous points à exécuter le voyage »71
Il ne faut néanmoins pas négliger l’importance des usages du port .Ainsi la Cour
d’appel de Paris a jugé que les règles et usages du port de Rouen, que le
fréteur ne peut ignorer, consistant notamment à organiser la mise à quai des
navires suivant l’ ordre d’arrivée, s’imposait sur une clause »Free in custom of
port quai fournisseur/liner out » de surcroit complétée d’ une garantie écrite de
l’affréteur promettant le quai disponible à l’arrivée du navire, alors même qu’il
s’agit d’un quai privé.72
Chronologiquement, cette obligation est prioritaire sur l’obligation qu’a l’affréteur
de présenter la marchandise73
.
70
Towse v.Henderson (1850).
71
Camp sentence n°530 du 5 mai 1985 dmf 1985, p.114
72
C.Cass. (ch. com.) – 9 MAI 2007 – Navire Trade Swan - no
06-12644 Sté BOCS GmbH c/ Sté
SUCRIMEX, commentaires Mtre M ;N. Raynaud.dmf 2007 n°685 10-2007 et Pr Y. Tassel dmf
2006 n°669 04-2006
73
Camp sentence n°1098 du 27 mai 2004.dmf 2004. 1040
33
Voir, toutefois, le cas du navire Aello, House of Lords qui, bien que jugé « non
arrivé », a été dédommagé pour l’absence de marchandise prête à être
chargée.74
Le bon état de navigabilité, rappelons-le, est fondamental ; c’est une obligation
de résultat ; la diligence du fréteur ne suffit pas.75
L’inexécution d’une de ces deux obligations autorise l’affréteur à résilier
unilatéralement la C/P, sans préjudice de dommages-intérêts dûment
justifiés76
&77
, par exemple le paiement par le fréteur du surcoût résultant de
l’affrètement d’un autre navire à un taux de fret supérieur.78
Si l’innavigabilité résulte de la vétusté ou de multiples avaries techniques,
l’affréteur prudent aura tout intérêt à exercer sans délai cette faculté;
l’innavigabilité découverte après le chargement rend la solution plus délicate :
en cas de poursuite du voyage, il devra démontrer le lien de causalité entre
l’inexécution fautive du fréteur et les préjudices allégués79
.
L’heure limite prévue par la « cancelling clause »est impérative ; le délai de
grâce, possible, est court 80
(généralement 15 mn.).
Bien souvent, le fréteur est contraint de proposer une nouvelle date, acceptée
par l’affréteur en contrepartie de la prise en charge des surcoûts et préjudice
en résultant.81
Comme dans tout contrat, bonne foi et sincérité sont de mise.
Ainsi le fréteur qui cache sciemment son impossibilité manifeste de présenter
son navire avant la « cancelling date » verra la C/P valablement résiliée à
l’initiative de l’affréteur, et cela avant même la date limite. 82
74
Navire Aello Hand book for shipowners and Masters, 16ème éd. 1964p.196.
75
Idem ci dessus
76
Idem ci-dessus
77
Camp sentence n°968 du 6 juin 1997
78
Camp sentence n°1023 du 22 décembre 1999
79
Voir supra 33
80
Idem ci dessus
81
Camp sentence n°1024 du 20 décembre 1999
82
Camp sentence n°899 du 26 novembre 1994, dmf 1995,p.647.
34
Dans cette espèce, les arbitres ont souligné que « le fréteur, en parfaite
connaissance de la position de son navire dans le temps, avait communiqué à
l’affréteur, jour après jour, des prévisions qui ne pouvaient pas être réalisées,
qu’il lui avait donné des informations qui, dans les faits, se sont révélées
inexactes et que, par ailleurs, il n’avait jamais justifié des prétendues
circonstances imprévues, qu’il avait évoquées ». Ils ont ajouté : « il est
manifeste que cette attitude, probablement due à la crainte de perdre
l’affrètement, relève de la « mispresentation ».
Le paiement du fret
L’affrètement au voyage est un contrat de louage de services à titre onéreux. Il
s’exécute donc en contrepartie du paiement du fret.
Logiquement, le fréteur est en droit de percevoir l’intégralité du fret convenu dès
lors qu’il s’est acquitté de toutes ses obligations.
Toutefois, soucieux de ne pas avoir à supporter tous les périls de la mer et
autres aléas du transport maritime, les fréteurs, par le passé, prévoyaient « un
fret acquis à tout évènement ».
L’aventure maritime est aujourd’hui moins périlleuse, mais la tradition demeure.
Détermination du fret
On applique généralement un taux à l’unité choisie83
, masse ou volume,
fonction de la quantité convenue à la conclusion de la C/P ou réellement
chargée ou déchargée, ou tout autre calcul aux libre choix des parties.
Il peut aussi être forfaitaire « lumpsum freight », donc indépendant de la
quantité réellement chargée84
83
D.66-1078, art.5
84
Trib .com. de la Seine, 15 janvier 1960, dmf 1960, p. 363
35
Non-paiement du fret.
En droit français, le fréteur jouit d’un « privilège sur la marchandise pour le
paiement de son fret »85
.Il ne peut toutefois la garder à bord86
, mais doit la faire
saisir à terre en main tierce.
Seule une décision de justice peut l’autoriser à procéder à la vente.
C’est ce qu’a rappelé la Chambre arbitrale à l’armateur qui, prétextant avoir
subi des dommages (attentes et surestaries) a vendu la cargaison, sans
pouvoir justifier d’une quelconque décision de justice, dans le port de Mombasa,
au mépris de son engagement de se rendre à Tamatave pour y délivrer la
marchandise87
.
Le fréteur à temps, en raison de la défaillance de son cocontractant, l’affréteur à
temps, peut-il user d’un droit de rétention d’une marchandise embarquée dans
le cadre d’un affrètement au voyage ?
Cette clause de rétention liant le fréteur à temps à l’affréteur à temps, lui-même
fréteur au voyage est inopposable à l’affréteur au voyage88
.
Une autre voie, en droit français, est d’agir, comme le souligne le Pr. A.
Vialard89
, en action directe sur le fondement de l’art. 14 de la loi du 18 juin
1966.90
85
Art.2 de la Loi du 18 juin 1966
86
Sentence arbitrale du 31 janvier 1997, n°958, JMM 1997,p.2047.
87
Camp sentence 1132(second degré) du 3 octobre 2006.
88
Navire Symplea,, Ch. Com. Du 18 mars 2003. dmf 2005 n°9 sup.
89
Dmf 2005 n°9 sup.
90
Art. 14 Loi du 18 juin 1966 : « Le fréteur, dans la mesure de ce qui lui est dû par l’affréteur,
peut agir contre le sous-affréteur en paiement du fret encore dû par celui-ci ».
36
Arrivée du navire
Le capitaine déclare le navire « arrivé » et prêt à charger en émettant la
« notice of readineess », oralement (VHF) ou par écrit (mail, télex, lettre remise
en main propre…).
La première contestation porte sur la validité de la « notice of readiness », c’est
à dire l’instant précis ou le capitaine notifie à l’affréteur la mise à disposition de
son navire.
Sauf dispositions contractuelles contraires, telles que les clauses « whether in
port or not, wibon, wifpon, wechon ou wwww 91
», et si la zone prévue pour les
opérations commerciales est libre, la « notice of readiness » est réputée valide
une fois le navire à quai (ou au mouillage)92
.
Obligation de charger
C’est, avec le paiement du fret, la deuxième obligation fondamentale de
l’affréteur. Elle est « absolue et non délégable »93
Nous citerons Lord Selborne94
: « It would appear to me to be unreasonable to
suppose that the shipowner has contracted that his ship may be detained for an
unlimited time on accounts of impediments, whatever their nature may be , to
those things whith which he has nothing whatever to do, which precede the
operation of loading and which belong to that which is exclusevely the
charterer’s business ».
91
Voir en annexe glossaire des acronymes utilisés dans l’affrètement
92
Camp sentence 1054 du 22 octobre 2001
93
Pr. P.Bonassies, Traité de droit maritime Pierre Bonassies Christian Scapel 2006
L.G.D.J.,page512
94
Grant v. Coverdale 1884
37
L’acheminent de la cargaison est impérative. Si le navire n’est pas autorisé à
accoster en raison de l’absence de tout ou partie de la cargaison, l’affréteur
sera responsable des dommages résultant du délai supplémentaire95
.
La résiliation de la C/P par l’affréteur, du fait de la non-exécution d’un contrat
de vente est une résiliation fautive ,96
le cas de force majeure invoqué n’étant
pas retenu.
Plus sévère encore a été la sanction infligée à l’affréteur qui, en raison d’une
interdiction d’exporter du tournesol imposée par le gouvernement, n’a pu
assumer son obligation de charger.97
,98
Par contre, l’interdiction de charger à destination d’un port précis (embargo)
libère l’affréteur de son obligation99
.
Un navire est affrété pour embarquer du bétail dans un port anglais; bien que
l’embarquement d’un tel cheptel ne fût pas interdit, son acheminement vers ce
port l’était par ordre du Conseil. Les affréteurs furent responsables du délai
consécutif.
Si, à la mise à disposition du navire, l’affréteur constate une défaillance
entrainant l’innavigabilité, il peut refuser d’entreprendre le chargement jusqu’à
la remise en état du navire, sans préjudice d’une action en réparation pour les
dommages consécutifs au retard.
Il ne pourra cependant pas résilier la charte, sauf à démontrer que le délai
nécessaire à la remise en état, eu égard à la nature de la marchandise prévue
(marchandise à caractère saisonnier, denrées périssables, etc..), est
déraisonnable.
D’une façon générale et sauf stipulations contraires, l’affréteur ne sera pas
dispensé de son obligation en cas de grève, faillite du vendeur ou de l’acheteur,
inexistence de la marchandise100
95
The Aello[1961]A.C. 135 applying Ardant Sco. V. Weir
96
Australia Federal Court (Queensland District) (11 October 2006), Hyundai Merchant Marine
Co Ltd v Dartbrook Coal(Sales) Pty Ltd - ([2006] FCA 1324) - Australian Federal Court Website
- at <http://www.fedcourt.gov.au>.
97
Camp sentence 79 du 13 mars 1972
98
Scrutton on charters parties, page 150 exemple 1 Adams v. Royalmail Steam Co.(1858):
99
Ralli v.compania Naviera Sola, 1920 Handy book for masters and shipowners p.197
100
Scrutton on charters parties, page 150 exemple 2 (Fenwick v. Schmalz (1868).
38
Un navire fut affrété pour charger du charbon »in regular and customary turn,
except in case of riots, strikes, or others accidents beyond charterer’s contol
delaying or preventing loading ». Une tempête de neige retarda l’acheminement
de la cargaison .Les affréteurs furent déclarés responsables.
Mais c’est encore le cas suivant qui illustre le mieux la portée de cette
obligation101
(Traduction libre).
Le navire Aello fut affrété sous C/P Centrocon (port charter) pour charger du
grain dans un port de la rivière Panama et compléter à Buenos Aires. En raison
d’une restriction sur les exportations de grain en 1954 au départ de
l’Argentine,et compte tenu de la présence de nombreux navires affrétés pour
ce type de transport, les autorités portuaires avaient instauré un tour d’attente,
interdisant aux navires d’accoster immédiatement , lesquels devaient aller
mouiller dans une zone située à 22 milles des darses, en attente de leur tour.
Pour accoster, la marchandise devait être prête à être chargée et accompagnée
d’un certificat délivré par le Bureau des Grains.
Le 12 octobre 1954, l’Aello se présenta et ne put accoster que le 29 octobre,
pour charger.
Les armateurs réclamèrent :
Soit des surestaries au motif que l’aire de mouillage se situait à l’intérieur de la
zone commerciale de Buenos Aires et que la planche courrait dès l’arrivée du
navire au mouillage.
Soit des indemnités au motif que, si le navire n’est pas « arrivé », il doit
néanmoins être considéré comme tel en raison de l’indisponibilité de la
cargaison.
La Chambre des Lords jugea la zone d’attente en dehors des limites
commerciales du port, mais jugèrent les affréteurs en violation de leur obligation
absolue de fournir la marchandise à l’heure et permettre ainsi au navire d’être
un navire arrivé.
Les affréteurs furent donc condamnés à indemniser le fréteur.
101
Navire Aello (1961) Handy book for masters and shipowners 16ème éd. 1964 p. 196
39
De son coté, le fréteur, s’il n’ignore pas les difficultés ou l’impossibilité
d’approvisionnement, doit néanmoins présenter le navire s’il veut prétendre au
paiement du fret. 102
De la même façon, si l’affréteur refuse ou se trouve dans l’incapacité de charger,
le fréteur n’a pas intérêt d’attendre la fin de la planche pour dénoncer la charte
pour refus de charger, faute de quoi il laisse à l’affréteur l’initiative de charger
quand bon lui semble, avant l’expiration des staries.
Si, pendant cette attente, un événement rend l’exécution du contrat impossible
avant l’expiration du temps de planche, l’affréteur sera libéré de ses
obligations.103
Exemple (traduction libre) : Un navire anglais fut affrété pour se rendre au port
X et y charger une cargaison en 45 jours. Le navire était près à charger le 9
Mars. Du 1er
Mars au 1er
Avril, l’affréteur a maintes fois confirmé son refus de
charger, mais le capitaine maintint son navire à quai, paré à charger. Le 1er
Avril, avant la date butoir du temps de planche, la guerre éclata entre
l’Angleterre et la Russie. Le capitaine fit appareiller le 22 Avril.
Il fut jugé que le capitaine, n’ayant jamais accepté le refus de charger, l’affréteur
disposait de tout le temps de planche pour satisfaire à ses obligations ;
l’affréteur fut déchargé de ses obligations, l’impossibilité de les exécuter étant
intervenue avant la fin des staries.104
Le refus de charger sera considéré définitif si le fréteur l’accepte expressément.
La marchandise doit correspondre à ce qui a été convenu.
Pour toute quantité supérieure ou qualité différente (mais raisonnablement
proche), le fréteur pourra exiger un taux de fret supérieur, fonction des
conditions du marché105
.
102
Camp sentence n°858 du 7 décembre 1992
103
Scrutton on charter-parties p.157
104
Reid v. Hoskins (1856) 6 E.& B. 953. scrutton on charter-parties p.157
105
Steven v. Bromley[1919] 2 K.B. 722. Chandris v. Isbrandtsen- Moller [1951] 1 K.B. 24
40
Beaucoup plus contraignante est la clause « full and complete cargo » ; Elle
impose à l’affréteur de charger autant de marchandises que le navire peut
emporter, c’est à dire au delà de la quantité minimale convenue.106
Les deux exemples suivants montrent combien il est malaisé de déterminer à
qui incombe le choix de la quantité :
Cas 1 : Les affréteurs avaient convenu de charger « a cargo of beans, not less
than 6500 tons, but not exceeding 7000tons… ».Les affréteurs soutenaient
avoir entièrement satisfait à leur obligation en chargeant tout tonnage compris
entre 6500 et 7000 tonnes.
Les armateurs obtinrent gain de cause en exigeant que soient chargées 7000
tonnes dès lors que le navire pouvait les embarquer.107
Cas2 : La charte partie incluait la clause stipulée ci-avant. Arrivé au port de
chargement, le capitaine notifia aux affréteurs la disposition suivante : »la
quantité « approximative » de marchandises en cale sera de…au total 10400
tonnes ».Les affréteurs mirent cette quantité à disposition mais le capitaine
avait surestimé les capacités de son navire qui chargea 331 tonnes de moins.
Les affréteurs réclamèrent le remboursement des débours engagés pour cet
approvisionnement inutile.
La Court of Appeal jugea que cette option avait pour effet de permettre au
fréteur, via son capitaine, d’indiquer toute quantité comprise dans les limites
convenues et que cette quantité ainsi déclarée devenait « the full and complete
cargo ».En conséquence, le fréteur avait, dans ce cas ,l’obligation de charger
« approximativement »10400 T. Ce mot « approximatif » signifiait « environ » et
la Court jugea que les 331T. Manquantes, représentant 3,18% de 10400 se
situait à l’intérieur de la fourchette définie. Les affréteurs furent déboutés.
En revanche, le fréteur, qui, sans raison valable, ne charge pas la quantité
maximale à laquelle peut prétendre l’affréteur (généralement +/- 5% au choix de
l’affréteur) viole une disposition contractuelle et devra réparation108
.
106
Handy book for shipowners and masters p.209.
107
Jardine Matheson v. Clyde Shipping Co. (1910)Handy book for shipowners and masters
p.209.
108
Camp sentence 844 du 26 juin 1999
41
De même, il ne peut faire interrompre le chargement sans raison sérieuse.
Ainsi, un capitaine, dont la C/P exigeait un connaissement « clean on board »
qui a interrompu le chargement de grains au motif que les quelques impuretés
présentes ne garantissait pas une pureté à 100%, exigeait le remplacement
d’une partie de la cargaison.
Le temps perdu en négociations pour accepter que soit portée la
mention »foreign matters 2% max- clean on board » ne put être compté en
temps de planche.109
L’intervention des manutentionnaires
La majorité des dommages et avaries aux marchandises survient au cours des
opérations de chargement et de déchargement.
L’intérêt commun est de faire vite et bien.
Il va falloir se répartir les taches, choix du manutentionnaire, accord sur le plan
de chargement, mais surtout les frais, les risques et les responsabilités
découlant des opérations de mise à bord, arrimage et saisissage, puis
inversement au déchargement.
C’est dire le soin que fréteurs et affréteurs vont consacrer, lorsqu’ils le peuvent,
à la rédaction de ces clauses.
Depuis la deuxième moitié du XIXème siècle (XVème à Marseille), les bords
n’assurent plus les opérations de manutention.
Sauf clause contraire (Master’s servants), les manutentionnaires sont les
préposés de l’affréteur. Il lui appartient de faire appel à une entreprise de
manutention ; cette obligation découle de son obligation de
charger/décharger110
.
109
Camp sentence 1112 du 19 mai 2005 dmf 2006 n°666 01-2006
110
(V. T. com. Seine, 13 sept. 1978 : DMF 1979, 293).
42
Les clauses répartissant les frais, risques et responsabilités relatifs à
l’intervention des manutentionnaires sont d’interprétation difficile.
Dans l’affaire Blaikie v. Stembridge111
, la clause de la C/P précisait « stvedore
to be appointed by the charterer but to be paid by and act under the captain’s
orders »
Une action en responsabilité engagée par un chargeur contre le capitaine ne
put aboutir, le manutentionnaire n’étant pas le préposé du capitaine (ou de
l’armateur ?). Cet avis fut controversé, puis confirmé.
Dans l’affaire Swainston v. Garrick112
, par accord hors C/P, les affréteurs ont
engagé leur propre manutentionnaire ; les armateurs engagèrent une action
contre leur capitaine en garantie des dommages dont ils ont été tenus pour
responsables en raison d’un mauvais arrimage.
On jugea que l’accord de l’armateur d’autoriser l’affréteur à engager son
manutentionnaire s’est substitué à l’obligation d’arrimage soigneux qu’a le
capitaine envers son armateur.
Dans l’affaire Catherine Chalmers, au vu de la clause stipulant que le navire
devait être « stowed by charterer’s stevedore at the expense and risk of the
vessel », Sir R. Phillimore dégagea toute responsabilité du fréteur envers
l’affréteur pour un arrimage défectueux.
Cette décision est contestable car elle néglige l’effet de l’expression « and risk »
laquelle fut incontestablement incluse pour ce cas précis.
La clause précisant « charterers are to provide and pay a stevedore to do the
stowing of the cargo under the supervision of the master” a rendu les affréteurs
responsable du paiement du faux fret après avoir démontré la faute du
stevedore à réaliser un chargement complet.113
A l’inverse, d’autres clauses sont plus favorables à l’affréteur :
111
(1860) 6 C.B. 894. Scrutton on charter-parties p.169.
112
Idem ci-dessus
113
Brys & Gylsen v. Drysdale, idem ci-dessus.
43
Au travers de la clause : “the charterers are to have liberty to employ
stevedores and labourers to assist in the... stowage of the cargo ; but such
stevedoresbeing under the control and direction of the master, the charterers
are not in any case to be responsible to the owners for damage or improper
stowage...the liability shall remain the same as if there where carrying out a
voyage on their own account”, les affréteurs ont, avec succès, engagé la
responsabilité du fréteur pour mauvais arrimage. 114
A l’époque de la négociation de cette charte, les taux de fret devaient être
particulièrement bas...115
La marchandise se trouve le long du bord ; l’affréteur n’engage pas de
manutentionnaire…
Un navire fut affrété en vue de charger la quantité maximale possible de
marchandises. La clause précisait « Charterer’ s stevedore to be employed by
the ship, and the cargo...to be brought alongside at charterer’s risks and
expense”
L’affréteur n’engagea pas de manutentionnaire et le fréteur ne chargea pas une
cargaison complète. Pour les juges, la clause stipulant que l’affréteur devait
engager les manutentionnaires n’avait pas un caractère essentiel et,116
malgré
la défaillance de l’affréteur, le fréteur et son capitaine devaient
contractuellement charger toute la cargaison possible et qu’il était du ressort du
capitaine de se substituer au manutentionnaire (ou d’assurer son embauche).
L’arrimage
« the stowage is the sole act of the shipowner »117
Soulignons en préambule que les opérations de déchargement,(y compris
dessaisissage et désarrimage, comme celles concernant le chargement
114
Sack v. Ford (1860) 13 C.B. 90 Scrutton of charter-parties p.170
115
Voir en annexe courbe des taux de fret.
116
Anglo-African Co.v. Lamzed (1866) Scrutton on charter-parties p.171.
117
Lord Esher in Harris v.Best, 1892, Handy book for shipowner and masters,p.203
44
(arrimage, saisissage, fardelage, choulage inclus),sont, pour des raisons
impératives de sécurité, de stabilité et d’efforts sur les structures, supervisées
par le capitaine, préposé du fréteur ; ce qui n’exonère pas l’affréteur de sa
responsabilité en cas de dommage résultant d’un mauvais arrimage.
Une C/P à temps NYPE stipulait :
« Charterers are to load, stow and trim the cargo at their expense’ under the
supervision of the captain ».
La marchandise fut avariée en raison de son arrimage défectueux. Les
affréteurs soutinrent que le fréteur était responsable car il lui appartenait de
vérifier, via son capitaine, que l’arrimage avait été correctement réalisé.
La chambre des Lords rejeta l’argument et jugèrent que le fréteur ne pouvait
être tenu pour responsable, au travers de cette clause, que si le capitaine avait
imposé son propre plan de chargement .La preuve n’en étant pas rapportée, les
affréteurs furent déclarés responsables.
Lord Atkin déclara : « The supervision of the stowage by the captain is in any
case a matter of course; he has in any event to protect his ship from being
made unseaworthy; and in other respect, no doubt he has the right to interfere if
he considers that the propose stowage is likely to impose a liability upon his
owners.
If it could be proved by the charterers that the bad stowage was caused only by
the captain’s orders, and that there own proposed stowage would have cause
no damage, no doubt that might enable them to escape liability”.118
A l’inverse, la responsabilité du fréteur a été retenue car son capitaine avait
laissé charger, d’une manière manifestement contraire aux règles de l’art, des
rails et s’était présenté au port de déchargement avec une cargaison dont la
manutention allait à l’évidence créer des dangers, entrainer des coûts et des
délais extraordinaires, normalement imprévisibles.119
118
Court Line v. Canadian Transport Co. (1940) Handy Book for shipowners and masters p.215
119
Com. 7 novembre 1986, Bull.civ., IV, n°202.L’affrètement maritime, collection maritime, IETM,
p.68.
45
Certaines lois nationales interdisent cependant toute clause exonérant
totalement ou partiellement l’armateur de la responsabilité pour les dommages
résultant d’un mauvais arrimage.
La loi anglaise tolère, hors transport sous Convention de1924 ou autre, que le
fréteur puisse s’exonérer de sa responsabilité résultant d’un mauvais arrimage
si et seulement si le mauvais arrimage ne peut pas compromettre la
navigabilité120
.
Toute atteinte à la navigabilité rend la clause inopérante.
Les pressions exercées par l’affréteur sur les bords en vue d’accroitre les
cadences au détriment de la stabilité ou pour surcharger le navire impliquera la
coresponsabilité de l’affréteur.121
Voyage en droiture
Le déroutement, s’il ne met pas en péril l’équipage et le navire, est obligatoire
pour répondre à un appel de détresse, facultatif pour porter assistance.
D’une façon générale et sans même qu’il soit besoin de le préciser dans la
charte, le navire doit réaliser son voyage en empruntant la route, soit prévue,
soit celle étant à la fois la plus courte, la plus sûre et convenant le mieux à la
marchandise.
En principe, les cocontractants s’accordent sur une route contractuelle.
Les usages comptent beaucoup dans le choix des grandes routes
commerciales : saisons, phénomènes climatiques, prix des soutes, etc.…
Le capitaine peut, en cours de route, la modifier au gré des circonstances :
météo, houles, glaces, conflits, etc. Ce n’est pas un déroutement.
120
Handy book for masters and shipowners,p.211
121
Camp sentence 1082 du 14 mars 2003
46
Clause ou non, on admettra qu’un navire se déroute pour les besoins du
voyage (avitaillement, réparations) ou raisons sanitaires.
Un capitaine dont le navire a subi des avaries à cause du mauvais temps a le
droit et le devoir de relâcher afin de procéder aux réparations nécessaires et
raisonnables à la sauvegarde du navire, de la cargaison et de l’équipage122
.
Cette notion « raisonnable » dépend des circonstances et de la nature de la
marchandise.
Citons Lord Justice Scrutton : “Now it is clear that some delays on a voyage
may amount to a deviation.It is not an easy case to prove...But it is quite clear
that every delay is not a deviation.You must have such a delay that it makes the
voyage a different voyage from the contract voyage”.
-Un capitaine qui fait relâche pour éviter d’affronter une tempête exceptionnelle,
telle un ouragan perdra un temps raisonnable.
-A l’inverse, le « Renée Hyaffil » resta à quai durant 23 jours pour éviter une
tempête, qui, compte tenu du lieu et de la saison, n’avait rien d’exceptionnel.
La cargaison de fruits fut perdue et le fréteur fut tenu pour responsable du délai
déraisonnable.
Si l’affréteur décide de « fermer les yeux », et pourvu que la cargaison arrive
sans dommage à bon port, on considère l’affréteur redevable de l’intégralité du
fret.
S’il décide de rompre le contrat, il devra probablement acquitter un fret calculé
sur la base du parcours réalisé.
Si la charte-partie prévoit plusieurs voyages consécutifs, l’affréteur aura loisir de
mettre fin à ses obligations en refusant d’entreprendre le voyage suivant si le
navire s’est dérouté au cours du voyage précédent.
Ces voyages formant un seul et indivisible contrat par l’emploi de l’expression
« consécutifs », la charte- partie tout entière sera résiliée.123
122
Kish v. Taylor, (1912) Handy book for shipowners and masters p165
123
Cprimera v. Compania Arrendataria (1940) Handy book for shipowners and masters p.173
47
Mais un navire peut-il se dérouter pour compléter un chargement que
l’affréteur n’a pu lui fournir ?
Le fréteur peut être autorisé à entreprendre les démarches raisonnables pour
charger le navire, il peut aussi y être contraint pour limiter ses pertes dues au
faux fret. 124
.
L’exemple suivant, un peu ancien, s’applique mal sur un vraquier contemporain,
mais pourrait trouver tout son intérêt dans les affrètements d’espace.
Le vapeur Storviken fut affrété pour acheminer une cargaison de sucre de Java
à destination du Royaume Uni. Les affréteurs s’engagèrent à charger « une
pleine et entière cargaison », mais ne le firent pas.
Au cours du voyage retour, les armateurs décrochèrent un chargement
d’environ 1000 tonnes de tourteaux à Alexandrie et, sans solliciter l’accord des
affréteurs, ni même les informer de leur projet, chargèrent les tourteaux à bord.
Le chargement dura trois jours.
Les armateurs engagèrent une action en paiement du faux fret, les affréteurs
soutinrent que le temps perdu à charger les tourteaux caractérisait un
déroutement justifiant la rupture du contrat, ôtant tout droit d’action aux
armateurs.
Les juges ont estimé que les armateurs avaient raisonnablement agi en
réduisant ainsi le faux fret et leur action ne pouvait être qualifiée de
déroutement125
.
.
Obligation de décharger
Désignation du port de déchargement
L’affrètement au voyage est souvent l’une des composantes d’une vente.
124
Handy book for shipowners and masters p.329
125
Wallem Rederi v. Muller & Co. (1927) ; Handy book for shipowners and masters p.329
48
Cette vente n’est pas toujours finalisée lorsque le navire est en cours de
chargement : recherche d’acheteurs plus généreux, spéculation sur les
fluctuations des cours, etc.
C’est pourquoi, bien souvent, seule une zone de déchargement ou une liste de
ports figure dans la charte-partie.
L’affréteur va devoir se déterminer dans un temps imparti.
Une clause précisant “The vessel, on being loading should proceed as ordered
on signing bills of lading” signifie que les ports doivent être désignés avant et
non pas après la signature des connaissements.126
Ce choix fait est irréversible, sauf à renégocier les termes de la charte avec le
fréteur.
Certaines chartes prévoient que le navire entreprenne son voyage vers la zone
ou un port d’attente.
Le temps d’attente peut être déterminé mais ne doit pas être excessif.
Ces clauses doivent être scrupuleusement respectées en raison de leur
probable incidence sur la vente de la cargaison :
Le « Watsness » fut affrété pour transporter une cargaison de grain de Rivière
plate vers l’Europe. La charte prévoyait certains ports d’escale où le navire
devait se rendre et être aux ordres, ordres devant être donnés dans un délai de
24 heures par les destinataires dès réception par câble de l’escale du navire.
Dès son arrivée à Saint Vincent, port nommé, le capitaine informa par câble les
destinataires à Londres, mais, le soir même, sans attendre de réponse à son
câble, appareilla pour Las Palmas, en laissant pour consigne qu’on lui adressât
par morse les ordres concernant le port de déchargement.
Les destinataires vendirent la cargaison comme « arrivée à St. Vincent ».
Les acheteurs, constatant l’absence de la marchandise, dénoncèrent le contrat.
126
A/S Tank v. Agence maritime L.Stranose, (1939) Handy book for shipowners and Masters p.
241
49
Les destinataires réclamèrent réparation de leur préjudice au fréteur pour
rupture de la Charte.
La Court of Appeal confirma la rupture de la charte :
-pour ne pas avoir respecté le temps d’attente minimal de 24 heures.
-Que l’expression « arrivé à St. Vincent » matérialisant une condition de la
vente, les acheteurs étaient donc en droit de résoudre le contrat
.
Le déchargement
Cette obligation fondamentale incombe à l’affréteur ; il ne peut y déroger, quand
bien même le réceptionnaire, tiers à la charte, refuserait la marchandise,
avariée ou non.127
Néanmoins, la faute du fréteur (par ex. innavigabilité commerciale) peut
exonérer l’affréteur de son obligation si le lien de causalité entre la faute du
fréteur et l’interdiction (par les autorités) de décharger est « suffisamment étroit
et direct »128
.
Pour un cas, heureusement rare, dont l’origine fut la découverte de passagers
clandestins décédés conduisant à l’interdiction totale de décharger par les
autorités marocaines, le tribunal a conclu à l’entière responsabilité du fréteur
au motif que le cas excepté invoqué (fait du Prince) n’était que la conséquence
d’une faute première, le manque de diligence du fréteur dans la surveillance du
navire lors des escales de Cotonou et de Conakry, et alors même qu’il était
admis que le décès des malheureux provenait des suites d’une fumigation des
cales opérée par l’affréteur. 129
L’affréteur doit entreprendre les opérations techniques et administratives de
déchargement dès l’arrivée du navire.
127
Camp sentence(second degré) 1102 du 02 aout 2004
128
Camp sentence arbitrale 1125 du 24 décembre 2005
129
Camp sentence (second degré) du 24 octobre 1997.
Voir également la thèse du Pr.A. Sériaux : « la faute du transporteur »éd. Economica 1984, p.97 et suiv.
50
Ainsi, le retard consécutif aux opérations tardives de dédouanement est
imputable à l’affréteur130
.
Les apparaux de levage du navire, lorsqu’ils existent, sont mis à la disposition
de l’affréteur et conduits par les manutentionnaires.
La délicate question de savoir qui est responsable des avaries subies par le
navire et provenant d’un incident sur une grue du bord va également se poser.
La Chambre arbitrale maritime de Paris, par sa sentence 1114 rendue le 14 juin
2005 a répondu à cette question :
« Au stade du déchargement, l'obligation principale de l'affréteur(FIOS) est de
pourvoir au débarquement de la cargaison. Obligation contractuelle, c'est aussi
une obligation de résultat en ce sens qu'il y a une nécessité matérielle à
décharger la cargaison pour libérer le navire.
L'affréteur est en même temps débiteur envers l'armateur d'une seconde
obligation qui, pour être l'accessoire de la première, n'en est pas moins
importante, celle de ne pas causer ou laisser causer, durant le déchargement
auquel il pourvoit, de dommages au navire ni à ses apparaux, et ceci d'autant
plus qu'il a, en l'espèce, le libre usage de ces apparaux. Cette seconde
obligation est indissociablement liée à l'obligation principale : il s'agit d'une
obligation de résultat.
Dans ces conditions, la simple constatation de l'inexécution par l'affréteur de
son obligation de pourvoir au déchargement de la cargaison sans qu'il soit
causé de dommage au navire suffit à engager sa responsabilité contractuelle
sans qu'il soit besoin d'établir une quelconque faute de sa part ou de celle de
ses préposés manutentionnaires ; et sans même que la faute de ces derniers,
fût-elle établie, puisse être opposée à l'armateur.
Par ailleurs, l'affréteur n'a pas apporté d'éléments suffisants quant à une
défaillance de la grue qui aurait pu constituer un cas fortuit, ce qui l'aurait
exonéré de toute responsabilité.
Il est cependant communément admis que si la victime a contribué, même
partiellement, par sa faute à la réalisation du dommage, l'indemnisation qui lui
130
Camp sentence 1044 du 16 janvier 2001
51
est due peut se trouver réduite sur le fondement d'un partage de responsabilité.
Force est pour le Tribunal de constater que l'armateur a commis au moins deux
fautes, ou séries de fautes, parmi celles relevées par l'affréteur, qui n'ont pu
que participer à la réalisation du dommage :
D'une part la désactivation des sécurités de la grue avec clé sur le tableau de
bord, en l'absence d'une présence de l'équipage.
D'autre part l'inexistence de toute procédure écrite quant au maniement des
grues et de leurs sécurités, bien que requise tant par le simple bon sens que
par application du Code ISM.
Le Tribunal, compte tenu de l'importance des fautes relevées à l'encontre de
l'armateur et du lien de causalité partielle mais certaine entre ces fautes et la
réalisation du dommage, considère que s'impose un partage de responsabilité,
dans la proportion de 50 % à la charge de l'affréteur et de 50 % à la charge de
l'armateur.
En ce qui concerne le préjudice, le coût d'immobilisation n'a pas été retenu
aucune preuve de perte de revenu susceptible d'indemnisation n'étant
rapportée ».
Les chartes stipulent généralement que la marchandise est déchargée « aux
frais et risques de l’affréteur ».
Si la cadence prévue avec les équipements du bord ne peut être tenue, les
moyens complémentaires engagés seront à la charge de l’affréteur131
.
Par conséquent, sauf stipulation expresse contraire et sauf à démontrer la
négligence fautive du fréteur, il répond des avaries causées au navire par les
manutentionnaires.132
131
Camp sentence1093 du 21 février 2004
132
Camp sentence 1027 du 28 janvier 2000
52
-Staries, surestaries
Fréteur et affréteur sont convenus d’une durée précise impartie aux opérations
commerciales : le temps de planche ou staries.
Le décompte des staries est complexe et varie beaucoup d’une charte à l’autre.
Bien souvent, les temps de chargement et de déchargement sont dissociés.
Pour pallier la difficulté d’interprétation et d’application de ces clauses, le CMI,
puis la BIMCO, FONASBA et INTERCARGO ont publié, sous l'appellation de
"Voyage Charterparty Laytime Interpretation Rules 1993", un mémento
proposant des solutions d’interprétation des staries.133
En cas de différend entre les parties à un affrètement sur le sens ou
l'interprétation à donner à tel ou tel mot ou à telle ou telle expression d'une
charte au voyage, les Règles d'interprétation 1993 pourront aider à trouver la
solution convenable, - que celle-ci soit demandée ou non à un tribunal arbitral. Il
apparaît souhaitable qu'elles soient incorporées dans les chartes au moyen
d'un renvoi explicite.
Elles ne seront opérantes que dans le cas où le contexte de la négociation
ayant conduit à l'affrètement ne permet pas de donner une réponse certaine au
point litigieux. C'est leur effet supplétif.134
D’autre part, la charte ne dit pas tout : certains principes, non écrits, sont
appliqués : « une fois en surestaries, toujours en surestaries »135
En cas de dépassement du temps de planche, l’affréteur devra, sur la demande
du fréteur, indemniser ce dernier par le versement des surestaries, dont le taux
a été négocié dans la C/P.
En droit français, les surestaries sont un « supplément de fret »136
les anglo-
saxons l’assimilent à une indemnité.
133
Voir en annexe Règles d’interprétations des staries sous charte-partie au voyage de 1993
Auteur Jean yves Grondin.
134
Raymond Achard Jurisclasseur transport,fasc.1221, 02-2005
135
Cours du Cdt G.Figuière « once in demurrage, always in demurrage »
136
Art.11 du décet 66-1078 du 31décembre1966.
53
Le fréteur peut, en principe, valablement exercer le privilège offert par l’art.2 de
la loi de 1966.
Le temps gagné par l’affréteur peut lui être partiellement (50%) ou totalement
(rare) crédité : c’est la prime de célérité. « Despatch money ».
Enfin, alors même que le décret de 1966 prévoit le contraire137
, le temps
gagné au chargement pourra abonder le temps de planche du déchargement;
c’est la clause de réversibilité.
Le cumul des temps de planche, à fortiori lorsqu’il y a pluralité de ports, et du
temps sauvé, générateur de « despatch money » est la méthode la plus
avantageuse pour l’affréteur.
En voici un exemple :
Le navire « Azuero » charge une cargaison de grains en vrac à Philadelphie
pour Avonmouth et Belfast. Cette cargaison devra être déchargée à la cadence
moyenne de 1000 tonnes minimum par jour ouvré, temps permettant,
(dimanches et fériés exclus). A Belfast, la marchandise fut déchargée à la
cadence prévue, mais à une cadence inférieure à Avonmouth. Le fréteur établit
une feuille de calcul pour chaque port, réclama 300 £ par jour supplémentaire à
Avonmouth et proposa 150£ par jour gagné à Belfast. Ce calcul rendait
l’affréteur finalement redevable de 1600£.Ceux-ci réclamèrent que ces deux
opérations soient regroupées en une seule, ramenant ainsi les surestaries à
30£.
Le calcul de l’affréteur fut jugé conforme.
Le coût du navire, même à quai, (rémunération du capital, salaires, combustible
des auxiliaires, frais de port), auquel, naturellement, le fréteur ajoutera un profit
identique à celui qu’il retire lorsque le navire est en mer, est élevé, générant
ainsi des taux de surestaries conséquents et dissuasifs.
Les staries sont donc un élément important du contrat ; les litiges sont fréquents.
Les surestaries sont toujours à la charge de l’affréteur.
137
Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966, art. 9 al.2 : » Si celle-ci (la charte-partie) établit
distinctement un délai pour le chargement et un délai pour le déchargement, ces délais ne sont
pas réversibles et doivent être décomptés séparément [*computation*]. »
54
Toutefois, par le jeu de l’incorporation des clauses de la C/P au connaissement,
le destinataire peut se voir réclamer par le fréteur le paiement de surestaries138
.
Suspension des staries
La notice valablement remise, les staries courent à partir de l’heure
contractuellement convenue ;
.toutefois, des cales jugées sales, insuffisamment sèches font cesser le
décompte dès lors que l’exigence de l’affréteur est justifiée.139
L’encombrement du port est un risque que doit supporter l’affréteur, y compris
si le retard du navire est consécutif à l’innavigabilité fautive du fréteur. L’attente
est décomptée de la planche.140
L’affréteur peut utiliser les staries à sa convenance. Ainsi n’a pas été jugé
abusive l’immobilisation d’un vracquier du samedi midi au lundi matin, heure de
reprise du travail pour achever le déchargement d’un reliquat de marchandise
ne nécessitant qu’une heure de travail.141
Par contre la clause « always afloat »interdira l’affréteur de charger pendant les
périodes de basse mer menaçant la libre flottabilité du navire142
.
Le tribunal arbitral peut recalculer les staries lorsque des évènements
imputables au fréteur diminuent les cadences : panne d’une grue, ordre donné
au navire de déhaler vers un quai moins équipé en raison de la mouille
constatée dans la marchandise143
, etc.
Certains temps d’attente peuvent être assimilés à des staries. Doit-on dès lors y
intégrer les suspensions de staries contractuellement définies (samedis,
dimanches et jours fériés si non utilisés) ?
138
Miramar v. Holborn Dmf 2004 n°684 commentaires Y.Tassel.
139
Camp sentence 1139 du 09 mai 2007
140
Camp sentence 1075 du 13 décembre2002
141
Idem ci-dessus
142
Scrutton Carlton SS Co. V. Castle (1898)
143
Camp sentence 1089 du 23 octobre 2003
55
La question s’est posée pour un navire faisant escale l’hiver à St.Pétersbourg et
devant attendre la présence d’un brise –glace pour entrer et sortir en convoi.
Une clause additionnelle prévoyait que tout le temps d’attente devait « to be
counted as laytime », déduction faite d’une franchise de 12 heures.
Le fréteur soutenait que le temps d’attente devait être compté en staries dès la
13ème
heure, les suspensions n’étant applicables qu’aux opérations de
chargement et déchargement.
Après recherche de la volonté des parties, la chambre arbitrale a jugé que la
C/P assimilait clairement le temps d’attente aux staries, intégrant par
conséquent les suspensions prévues144
.
La « Conoco weather clause » et l’encombrement portuaire.
Sauf à pratiquer des taux de contre- surestaries145
exorbitants, les
dépassements du temps de planche contrarient la profitabilité et l’organisation
commerciale du fréteur : incertitude sur la date de fin de voyage, risque de ne
pouvoir honorer de nouvelles obligations, etc.
On peut donc être amené à lisser le coût de ces aléas.
Aussi, le partage des surestaries peut être envisagé, notamment dans la
situation fréquente du port engorgé et du mauvais temps (l’un aggravant l’autre),
par application de la clause de type « conoco wheather clause ».146
« Un des rôles essentiels d’une charte-partie est de répartir les risques de
retard dans les opérations portuaires, dont les conséquences affectent les
résultats de voyage aussi bien des armateurs que des affréteurs.
144
Camp sentence 1120 du 12 septembre 2005,dmf n°673 09-2006
145
Contre surestaries ou sur surestaries : taux majoré se substituant aux surestaries passé un
certain délai.
146
Dmf 2007 n° 680- Dominic O’SULLIVAN (Avocat Essex Court Chambers – Brisbane)
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Litiges entre freteurs

  • 1. 1 Université Paul Cézanne- Aix Marseille Faculté de droit et de science politique d’Aix- Marseille CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS LITIGES ENTRE FRETEURS ET AFFRETEURS AU VOYAGE Année 2008. Master 2 Droit maritime et des transports Sous la direction de Me Christian Scapel Pierre Izenic
  • 2. 2 Remerciements Je remercie tous mes professeurs et particulièrement Le Commandant Figuière pour son dévouement et sa générosité
  • 3. 3 PREAMBULE Il existe deux façons de transporter les marchandises par mer. Les confier à un transporteur louer tout ou partie d’ un navire pour le voyage envisagé et s’occuper de sa marchandise. Peu de différences apparaissent à première vue : dans les deux cas, la marchandise est chargée à bord,(mais sur quel navire ?), puis transportée vers le port convenu.
  • 4. 4 Ces deux prestations apparemment équivalentes s’effectuent sous des aspects bien différents. Sans qu’il soit utile, dans le cadre de cette étude, de dresser un tableau de comparaison entre le transport maritime et l’affrètement au voyage, on pourra mettre en évidence les différences essentielles au travers des personnalités des acteurs, fréteur et affréteurs, et du particularisme de leur contrat, la charte- partie. Les clauses contractuelles sont adaptées, âprement discutées d’égal à égal. Les liens qu’ils nouent sont étroits. Malgré leur professionnalisme, des divergences apparaissent, soit dans l’interprétation des clauses convenues, soit dans l’exécution de leurs obligations. . L’intérêt commercial commande de régler au plus vite et à l’amiable les différends mineurs. Si le désaccord persiste, une solution doit être trouvée. Nous proposons d’exposer, en respectant la chronologie du voyage, les principaux litiges et la manière dont ils ont été résolus. On évoquera, en fin d’étude, un point clé de la procédure, la clause compromissoire . Certains exemples, bien qu’anciens, illustrent notre étude. Nous les présentons lorsqu’ils créent une jurisprudence, qu’ils sont toujours d’actualité, ou bien lorsque la solution apportée ne semble pas évidente.
  • 5. 5 Introduction Les données économiques • Les besoins en transport. Par le plus grand des hasards, les richesses naturelles de notre planète ne se trouvent pas sur les lieux mêmes de leur emploi. Minerais et charbons sont aux antipodes : Chine, Australie, Amériques et Afrique du Sud. L’or noir le plus proche repose sous les sables du Moyen Orient. Les bois précieux proviennent des forêts équatoriales. Les besoins alimentaires, sans cesse croissants, imposent d’aller chercher : -Le riz en extrême orient. -Les grains principalement dans les grandes plaines canadiennes et américaines. La révolution industrielle engagée au XIXème siècle en Europe du nord a eu vite raison des maigres ressources qui s’y trouvaient. L’essor économique et industriel se propage dans le monde entier : les quatre pays émergents, désignés sous l’acronyme BRIC(Brésil, Russie, Inde ,Chine) occupent déjà une place de premier rang dans l’économie mondiale ; la Chine, à elle seule ,consomme 37% de la production mondiale d’acier et l’Inde est devenue importatrice d’acier en 2007. 1 . Ces matières, devenues précieuses au vu de l’envolée de leurs cours, intéresse bien des nouveaux clients. Face à une telle demande, la flotte mondiale est à la traine; les ports sont engorgés; Les taux de fret flambent. 1 http://www.oecd.org
  • 6. 6 Les affaires sont donc juteuses pour les propriétaires de navires et les fréteurs. Il suffit d’ailleurs d’observer le carnet de commande des chantiers : Dans tous les secteurs, hormis la pêche, ils affichent complet jusqu’en 2011.Il y a peu d’espoir de négocier les prix. C’est ce que tous s’accordaient à dire fin 2007. • Une activité liée aux cycles économiques Ce ciel radieux s’assombrit : la demande s’affaiblit, la croissance chute, la récession menace. Le 12 mai 2008, les échos titraient : « La baisse des commandes de navires tire les prix du transport vers le haut »2 2 Les échos.fr du 12 mai 2008 extraits : Le boom historique de la construction navale se heurte aux restrictions de crédit. Résultat : les armateurs annulent leurs commandes et les taux de fret s'envolent. Aujourd'hui, les chantiers navals à travers le monde redoutent l'annulation de 14 milliards de dollars de commandes. Ainsi, le plus grand constructeur naval au monde, le coréen Hyundai Heavy Industries Co, se voit menacée par des annulations et des retards de livraison sur un volume qui représente 94% de son chiffre d'affaires annuel par Hyundai. La cause de ce malaise ? "Le durcissement des conditions de crédit qui conduit les prêteurs à demander aux emprunteurs de plus grande garanties de dépôt pour leurs financements à court terme", a déclaré Tobias Backer, le responsable de la division Shippers Amériques chez Fortis. Et le mouvement ne fait que commencer. Pour l'heure, les annulations ou les retards de livraisons portent sur 250 navires environ, ou 10% du carnet de commandes, ce qui va rendre le marché de la construction navale plus difficile. Ceci au moment où la demande de navires neufs émanant de la Chine et de l'Inde pour toutes sortes de marchandises _ des graines de soja au charbon _ n'a jamais été aussi soutenue. Conséquence : faute de faire face à la demande par l'augmentation de la flotte (et sur la base des commandes en cours, soit 2.561 navires), les prix du transport maritime devraient progresser de 56% au cours des trois prochaines années, estiment les professionnels des marchés à terme. "Ces annulations conduiront certainement la hausse des taux de fret maritime du fait du manque de navires,'' explique ainsi Natasha Boyden, analyste chez Cantor Fitzgerald à New York. Niveaux records L'enjeu ne porte pas seulement sur la construction navale mais aussi sur les profits des armements spécialisés dans un secteur qui, malgré le ralentissement économique aux Etats-Unis, a sur-performé l'an passé grâce à l'appétit de la Chine pour les matières premières. Ainsi, le Bloomberg Dry Ships Index, qui regroupe 12 compagnies maritimes, a-t-il progressé de 69% en 2007, alors que l'indice Standard & Poor's 500 Index perdait 7,8% sur la même période. Deux exemples : STX Pan Ocean Co., une compagnie maritime coréenne, a gagné 62% en 2007 et DryShips Inc, un armement basé à Athènes, a plus que doublé. Les stocks de navires en commandes ont été poussés par les taux de fret maritime, qui ont atteint, le 9 mai dernier, leur plus haut niveau depuis cinq mois - s'inscrivant 7,3% sous le niveau record du 13 novembre 2007. La courbe des taux a suivi celle de la baisse des commandes. Ainsi, pour les frets secs, le Dry Baltic Index (voir encadré) a augmenté de 58% l'an dernier, alors que le nombre de navires en cours de construction diminuait de 21% au cours de cette période, selon les données du Lloyd's Registre Fairplay. Le chargeur Jinhui Holdings Ltd de Hong Kong est un cas d'espèce. En janvier dernier, il a annulé une commande de deux navires et il est prêt à payer 4 millions de dollars pour sortir du contrat. "Lorsque les gens paient 4 millions de dollars pour sortir d'un chantier, c'est une dynamique intéressante dans le marché'', estime-ton chez Fortis. (Source : Bloomberg) (*) Un nouveau navire Le Cap, un des plus grands navires de charge, coûte environ 155 millions de dollars.
  • 7. 7 « c’est la débandade sur le pacifique nord »3 L’observation de la courbe des taux de fret du Baltic Dry index montre une variation, sur les douze derniers mois, à la hausse(+100%) comme à la baisse(- 50%) à quatre reprises.4 INDICE BALTIC DRY INDEX Les taux de fret miraculeux dureront-ils ?Les plans d’amortissement des navires payés au prix fort sont-ils réalistes ? C’est le risque majeur supporté par les propriétaires de navires. Le frètement doit donc couvrir cette exposition. L’affrètement coque- nue ou à temps sur une longue durée est une solution appropriée. Libéré de toute contrainte patrimoniale, le transporteur maritime se concentre sur son métier: Il organise les rotations des navires qu’ il arme et entretient, mais surtout cherche activement à tisser un vaste réseau commercial, essence même de l’emploi des navires. 3 Propos de Mr. Bernard Dreyer, Mars 2008, au sujet du trafic conteneurs 4 Source Les échos. Fr. http://bourse.lesechos.fr/bourse/matieres/details_matieres.jsp?
  • 8. 8 Il assure la desserte régulière de ports prédéterminés avec toutes sortes de marchandises. C’est le trafic de ligne. Le tramping Le trafic ponctuel est traditionnellement schématisé par un navire unique chargé d’une cargaison unique provenant d’une zone de production vers un pays de transformation. Il existe un marché spot pour l’affrètement de ces navires. Rien, cependant, n’interdit de ne louer qu’une partie de navire, d’affréter des espaces, de prévoir des voyages consécutifs ou encore de charger plusieurs marchandises. Ces transports sont assurés dans le cadre de l’affrètement au voyage. _ _ _ _ _ _
  • 9. 9 Le cadre du contrat d’affrètement au voyage On peut « reconnaître schématiquement les trois catégories de contrat tendant à l'exploitation commerciale des navires par les traits suivants : le time-charter porte sur un navire : l’affrètement au voyage intéresse un navire et une cargaison : le transport sous connaissement porte sur une cargaison »5 . La liberté contractuelle D’emblée, la loi française6 ,par son art.1,titre1, précise le caractère supplétif du contrat d’affrètement: « Par le contrat d’affrètement, le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d’un affréteur. Les conditions et les effets de l’affrètement sont définis par les parties au contrat et, à défaut, par les dispositions du présent titre et celles du décret pris pour son application. » Fréteur au voyage et affréteur au voyage ont donc toute latitude pour convenir, sauf à enfreindre des dispositions d’ordre public, de leurs droits et obligations respectifs. Il est bien normal qu’entre professionnels aguerris aux pratiques du commerce maritime,de surcroît international, la plus grande liberté contractuelle soit de mise. Le contrat conclu peut être, en cours d’exécution, modifié au gré des parties, permettant ainsi une grande souplesse et une capacité d’adaptation aux circonstances7 5 " (R. Rodière, Traité général de droit maritime : Dalloz 1970, t. I, p. 53) 6 L. n°66-420 du 18 juin 1966
  • 10. 10 Les cocontractants Le fréteur Le fréteur au voyage est un transporteur maritime. Ses navires n’assurent pas une desserte régulière de ports prédéterminés. Il recherche un commerçant disposant d’une cargaison et lui propose de la transporter. Mettre un navire à disposition suppose : • d’en posséder un : c’est le cas du propriétaire de navires dont les revenus proviennent du courtage (achat et vente) de navires neufs et d’occasion . C’est une activité essentiellement financière, bien souvent réalisée derrière des sociétés écran, laquelle, compte tenu des sommes en jeu et des très fortes volatilité des taux de fret, nécessite une prise de risque et un flair certains. • d’en exploiter un : c’est le schéma traditionnel de la compagnie de navigation qui tire ses revenus de la gestion nautique et commerciale d’ une flotte. Ses contraintes principales sont d’armer correctement le navire et surtout d’assurer sa navigabilité. • Mais l’exploitant n’est pas forcément armateur : le fréteur au voyage peut être lui-même affréteur coque nue ou à temps, ainsi que le stipule l’art.12 de la loi précitée ;c’est le principe des sous-affrètements. Cette exploitation est alors purement commerciale. 7 Droit Maritime Français - 2007 - n°685 - 10-2007 Mtre Marie Noëlle Raynaud,avocat à la Cour
  • 11. 11 L’ affréteur L’affréteur au voyage ne transporte pas de marchandise. L’acheminement de sa cargaison est très souvent la conséquence ou la suite logique d’un contrat de vente ou d’achat, dont l’exécution finale requière un outil de transport (navire vecteur) et une capacité d’emport (navire volume)8 . Son profil type est celui du négociant, grossiste en matières premières (commodités), généralement en vrac (minerais, grains, tourteaux, ciment ferrailles, déchets…) , en citerne (huiles végétales, pétroles brut ou raffinés, produits chimiques de base, gaz liquéfiés, vin…),en sac ou sachet (engrais, ciment, riz). Mais rien n’empêche toute autre personne, tel le commissionnaire de transport, dès lors qu’il intervient en son nom et pour son compte. Pareillement, s’il agit pour le compte de son commettant, par exemple le réceptionnaire, c’est ce dernier qui aura qualité d’affréteur 9 . .: « Rien ne s'oppose à ce qu'un commissionnaire de transport chargé d'organiser un transport maritime décide de recourir aux services d'un fréteur au voyage. Au demeurant, si la marchandise est un peu particulière et n'est pas susceptible d'être « conteneurisée », le commissionnaire n'aura guère d'autres possibilités. Le commissionnaire prend alors la qualité d'affréteur : c'est bien lui le cocontractant de l'armateur, fréteur au voyage »..…. « et la qualité d'affréteur ne peut être reconnue qu'à celui qui a donné pouvoir au commissionnaire. Si c'est le réceptionnaire, celui-ci aura la qualité d'affréteur. C'est cette solution que la Cour de cassation a récemment consacrée » Ses deux obligations fondamentales sont : 8 Exprimée enTPL(tonnes de port en lourd) pour les masses,TxJ N (tonneaux de jauge nette) pour les volumes.EVP(équivalent 20 pieds) pour les conteneurs. 9 Navire Inger riis(Cass. com. 14 janv. 2004, navire Inger Riis, DMF 2004, 979.voir également les observations du Pr. Ph. Delebecque, dmf 2004 n°654 12-2004.
  • 12. 12 • Le paiement du fret à la date convenue. En droit français, le fréteur bénéficie d’un privilège légal sur le paiement du fret.10 • Charger et décharger la quantité de marchandises convenue. Compte tenu du caractère international de l’activité maritime, nous ne pouvons passer sous silence la position des juristes étrangers : • Le Professeur Arroyo11 distingue très nettement l’affrètement au voyage du transport de marchandise par mer. • Maitre Luis Cova Arria12 souligne l’importance de la C/P au voyage dans le droit maritime vénézuelien : “Thus the Italian Shipping Code, which has marked the way, contains a classification of contracts containing the following categories : contracts for the leasing of vessels, like contracts for the leasing of abjects ; charterparties which include the well known voyage and time charters...” L’intérêt d’affréter au voyage En l’absence de stipulations contraires13 , « Le fréteur est responsable des marchandises reçues à bord par le capitaine dans les limites prévues à la charte-partie. Il se libère de cette responsabilité en établissant, soit qu’il a satisfait à ses obligations de fréteur précisées par décret, soit que les dommages ne tiennent pas à un manquement à ces obligations, soit que le dommage est dû à la faute nautique du capitaine ou de ses préposés ».14 10 Loi du 18 juin 1966 art.2 11 Professeur de droit maritime à l’université autonome de Barcelone. « curso de derrecho maritimo » éd.2001,JM Bosch éditor. 12 Avocat au barreau de Caracas. The venezuela legislative treatment of maritime law dmf 1990 n°497. 13 La responsabilité du fréteur est librement négociée. 14 Loi du 18 juin 1966, art.6
  • 13. 13 Le fardeau de la preuve incombe donc au fréteur au voyage. En cas de perte ou d’avarie à la marchandise, le fréteur devra prouver qu’il a rempli ses obligations pour s’exonérer de sa responsabilité. Il répondra également des fautes commerciales de son capitaine. Si la dissociation des taches permet à chacun, fréteur et affréteur, de se concentrer sur le cœur de son métier, d’autres considérations, moins nobles, peuvent motiver ce choix. Mr. Jean Pierre Beurier, dont nous reproduisons un extrait de son article15 , démontre l’intérêt qu’un industriel peut trouver à commercer sous le régime de l’affrètement au voyage. . « Le montage pour l’affrètement au voyage de l’Erika restera comme un modèle du genre. La discrétion de l’affréteur est tout aussi remarquable, en effet la Convention de 1969 (art. III§4) précisait que pour bénéficier du fonds d’indemnisation aucune demande de réparation de dommage par pollution ne pouvait être introduite contre les préposés ou mandataires du propriétaire, mais la convention n’abordait pas la question de l’affréteur. Le protocole additionnel du 27 novembre 1992 modifie le paragraphe 4 de l’article III en ajoutant le pilote, les personnels des opérations de sauvetage et surtout (al. c) « tout affréteur, armateur ou armateur gérant du navire ». Ce remarquable dispositif a permis de protéger des demandes de réparation les opérateurs intermédiaires, et surtout les principaux affréteurs, c’est-à-dire les compagnies pétrolières. Le système a très bien fonctionné dans le cas de l’Erika mettant l’affréteur au voyage à l’abri des recours. » . 15 Mr JP Beurier est professeur à l’université de Nantes et directeur du CDMO. DMF 2004,n°645
  • 14. 14 La charte-partie au voyage Dans le monde des affaires, rien n’est figé ; l’opportunité crée la fonction. Selon les perspectives comme des besoins ponctuels, l’affréteur deviendra armateur, propriétaire ou non, voire fréteur sur certains marchés et affréteur sur d’autres. Chacun se retrouve d’un coté comme de l’autre de la charte; c’est dire la maitrise que ces industriels du transport ont des clauses du contrat d’affrètement, la charte –partie au voyage. Forme Liberté contractuelle et consensualisme prévalent. Les charte-parties au voyage sont généralement des documents pré- imprimés16 , adaptés aux types de marchandises transportées. Des clauses particulières complètent les clauses types. En cas d’indications contradictoires ou d’effets contraires, les clauses particulières, à fortiori si manuscrites, l’emportent sur les clauses générales dactylographiées17 . Loi applicable Contrairement au transport maritime, il n’existe aucune convention internationale régissant les contrats d’affrètement. L’art.3 de la loi du 18 juin 1966 précise : « En matière internationale, le contrat d’affrètement est régi par la loi du pavillon du navire, sauf convention contraire des parties ». 16 On trouvera sur le site www.bimco.dk/ une large palette de C/P spécialisées et leurs clauses additionnelles. 17 Camp sentence 1027 du 28 janvier 2000
  • 15. 15 En droit civil anglais, en l’absence de loi expressément définie par les parties, la loi régissant le contrat est la loi « with which the contract is most closely connected »18 Cette règle s’applique. Cette alternative revêt toute son importance depuis l’émergence de nombreux petits états souverains, dont les systèmes juridiques sont souvent peu connus des acteurs du commerce maritime, entrainant incertitude et insécurité commerciales. Il sera néanmoins appliqué,en dernier ressort,la loi du pavillon « when the evidence is so evenly balanced that a fair and just conclusion cannot otherwise be reached »;19 S’il est prévu une clause compromissoire fixant le lieu d’arbitrage, sans autre précision, ce choix traduira la volonté forte des parties de soumettre la charte partie à la loi du for. Ainsi la clause 17 de la charte Synacomex stipulant l’application de la loi française, pour la procédure comme pour le fond.20 « Sur la loi applicable, le Tribunal Arbitral a constaté que la clause 17 de la charte-partie Synacomex renvoie expressément à la loi française, qu’il n’est pas précisé que celle-ci ne s’appliquerait qu’à la procédure et que l’exigence de l’article 3 § 1( Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.) de la Convention de Rome était ainsi satisfaite. » Enfin, une clause valide sous un système de loi et invalide sous un autre est un indice permettant de déterminer la loi applicable.21 18 Scrutton on charterparties and bills of lading, 18ème éd. Sweet & Maxwell 1974, page 11. 19 Idem ci-dessus, page 12 20 Camp sentence 1127 du 20 décembre 2005 ; extrait : 21 Idem ci-dessus, page12.
  • 16. 16 Quelques exemples synthétisés ci-dessous,(traduction libre) illustrent le propos22 . Cas 1 : L’affréteur, anglais, affrète un navire français dans un port danois pour un voyage Haïti- France ou Angleterre ; dans un port portugais, le capitaine fit un emprunt à la grosse, engageant navire, fret et cargaison. Le propriétaire de la marchandise, devant payer plus que l’emprunt, réclama des indemnités au propriétaire du navire. Celui-ci lui abandonna navire et fret. Loi du pavillon appliquée. (le délaissement étant une solution avantageuse en droit français). Cas 2 : Un navire allemand, capitaine allemand, fut affrété par un allemand pour un voyage de Russie vers l’Angleterre/P et B/L rédigés en anglais. Solution : .La loi germanique doit régir ces contrats. Cas 3 : Un affrètement fut conclu en Angleterre, en langue anglaise, concernant un navire allemand, clause stipulant : « freight payable …per ton delivered ».Le capitaine vendit la marchandise endommagée dans un port de refuge. En droit germanique, le fret devait être payé intégralement, contrairement au droit anglais.la Cour se détermina sur l’ intention des parties d’établir un contrat anglais ; le fret ne fut pas payé. Cas 4 : Une compagnie britannique fréta un navire anglais à un citoyen des Etats-Unis pour transporter du bétail de Boston vers l’Angleterre. La Charte fut conclue à Boston avec une clause exonérant le propriétaire des fautes de son capitaine et de l’équipage. Une telle condition est contraire à l’ordre public dans le Massachussetts, mais légale en droit anglais. La négligence du capitaine et de l’équipage provoqua la perte du bétail En défense, la compagnie plaida l’exonération de responsabilité. Solution : le droit applicable est la loi anglaise, d’une façon générale au vu du pavillon, et notamment l’existence même d’une telle clause démontrait l’intention des parties de s’y conformer. Décision confirmée en appel. 22 : On Charter-parties Scutton p. 12. Lloyd v. Guibert (1865) L.R. 1 Q.B.115 The Express (1872) LR 3 A & E. 597 . The Industrie[1894] P 58 (CA). Re Missouri S.S.Co.(1889) 42 Ch.D.321.
  • 17. 17 . Validité Alors que la loi 23 portant statut des navires impose, à peine de nullité, que soient constatés par écrit « les contrats d’affrètement à temps et contrats d’affrètement coque-nue conclus et délégations de fret consenties pour une durée de plus d’un an ou dont la prorogation peut aboutir à une pareille durée »,on admet ,comme c’est la règle en matière commerciale, toutes formes de preuves, telles qu’ échanges de courriers, fax, télex ainsi que, depuis juin 200524 , le recours, en droit français, aux courriers électroniques « pour mettre à disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou services ». A fortiori, « les informations destinées à un professionnel peuvent lui être adressées par courrier électronique dès lors qu’il a communiqué son adresse électronique ».25 26 Ce n’est pas le principe retenu par la Cour de Cassation27 , certes un an avant les assouplissements évoqués ci-dessus, qui, sans remettre en cause l’existence du contrat d’affrètement, a jugé « inopposable »à l’ayant-droit de l’affréteur par le fréteur au voyage la C/P Gencon au motif que l’affréteur ne l’a pas signée. Il faut souligner que dans le cas de l’ espèce, l’affréteur était à la fois chargeur et destinataire ; il est permis de penser que les magistrats ont accordé au connaissement de charte-partie la qualité d’un connaissement ne pouvant plus faire référence à la C/P et accordé à ce connaissement la qualité et la portée prééminentes du contrat de transport signé par le capitaine(ou son agent) ,(bien qu’il soit largement admis qu’un tel document ne circulant pas n’a que valeur d’un reçu de marchandises), en se fondant sur l’unicité des personnalités, 23 N°67-5 du 03 janv.1967, art.10 al.2 24 C.com.,art. L.10-3 25 Ord.n°2005-674,16 juin 2005 ; C.civ., art.1369-1&3. 26 Lamy transport,tome2,éd.2008,chap.1049 & 1050,page486 27 Cass.com, 5 mai 2004, navire Hella,DMF 2005, obs .F.Arradon
  • 18. 18 chargeur-affréteur-destinataire pour établir le lien contractuel fréteur / affréteur, ce qui conduit à l’application des règles strictes du contrat de transport au lieu de règles contractuelles librement débattues. Bien souvent, les parties s’accordent rapidement sur les grandes lignes du contrat. En cas de relations suivies, elles font référence aux « conditions habituelles ». De nombreux points « de détail » restent à négocier. Si les choses trainent, l’existence ou la validité du contrat peut être menacée. La Commercial Court a réaffirmé, dans son jugement du 9 février 2004, que l’utilisation de l’idiome « subject details » (ou « sub details »), dans une « recap » (un document récapitulant les termes d’un contrat de vente ou d’affrètement de navire), a pour effet de prévenir la conclusion définitive d’un contrat tant que les « details » ne sont pas satisfaits ou levés. Les parties peuvent ainsi librement négocier les termes principaux et subsidiaires du contrat, qui ne sera définitivement conclu, que lorsque les « details » seront satisfaits ou levés. Il est donc souhaitable, au moment où les négociations ont abouti, d’incorporer une mention « all subjects lifted » ou « all subjects agreed » dans la « recap » finale d’un contrat d’affrètement de navire afin de minimiser les risques de litiges relatifs à l’existence d’une convention liant les parties.28 Résolution Les chartes parties contiennent souvent des clauses résolutoires dont les trois plus fréquentes sont les suivantes : • Défaut de paiement du fret 28 Thoresen & Co (Bangkok) Ltd v Fathom & Others [2004] EWHC 167 (Comm). « subject details »Alexandre Besnard, solicitor, Londres. Dmf 2005 n°655 01-2005
  • 19. 19 La charte Baltime 1939 dispose que le paiement du loyer sera fait d'avance tous les trente jours et, qu’à défaut, l'armateur aura le droit de retirer le navire du service des affréteurs, sans préavis et sans intervention judiciaire ou quelque formalité que ce soit, et sans préjudice de toute réclamation que l'armateur pourrait par ailleurs avoir à faire à l'affréteur en vertu de la charte.29 • L’absence du navire promis aux lieu et date prévus (« cancelling date »). Seul l’affréteur peut l’invoquer, passé un délai raisonnable. • Le chargement de marchandises illicites ou expressément interdites, Y compris si le capitaine accepte un tel chargement, car le capitaine (non partie à la C/P) n’a pas le pouvoir de modifier les clauses contractuelles.30 Sans qu’il soit nécessaire de le stipuler, l’inadéquation manifeste d’un navire entraine la résolution de plein droit.31 La sentence arbitrale rendue le 5 novembre 1974 sous la présidence du doyen Chauveau, précise : (Extrait) « L'armateur qui a frété son navire au voyage pour le transport d'une certaine marchandise (ici du toluène) a l'obligation de fournir non pas un bâtiment quelconque, mais un navire apte à effectuer le transport de la marchandise envisagée et spécifiée à la charte-partie. Cette obligation étant de l'essence du contrat, le fréteur ne peut, sans qu'il soit besoin d'un texte pour le préciser, ni s'en exonérer, ni soutenir qu'il n'en est pas garant. Il en est particulièrement ainsi aux termes des dispositions claires et précises du titre VI du Code maritime grec…. Toutefois, si l'affréteur, dûment avisé par les services de contrôle de l'inaptitude du navire au transport de la marchandise, ordonne néanmoins de procéder au chargement, il accepte sciemment les risques de l'opération et ne peut se plaindre de la détérioration de la marchandise constatée à l'arrivée ». 29 Jurisclasseur Transport Fasc.1205 30 Chandris v.Isbrandtsen Moller, 1951 Handy book for shipowners and masters p.196. 31 , dmf 1975,p.297.
  • 20. 20 La résolution d'une charte-partie exige de la part de celui qui l'invoque une déclaration formelle, à défaut de quoi la charte reste en vigueur, tout particulièrement quand des amendements ultérieurs y font une référence explicite.32 La résolution doit être demandée en justice. Toutefois, la Cour d’appel de Paris a retenu que l’affréteur au voyage n’avait commis aucune faute en affrétant un navire de remplacement avant l’échéance de la « cancelling date » sur le fondement de la clause « Lay/Can ». Le fréteur avait été dans l’incapacité de fournir le navire initialement convenu et n’avait proposé que tardivement un navire de remplacement, incapable de surcroit de faire escale dans le port prévu.33 Enfin, la résolution, sauf en cas de force majeure,34 ne dispense pas le contractant défaillant de réparer le préjudice subi par son cocontractant en prenant, par exemple, en charge la compensation de différentiel de fret.35 • La force majeure Lorsque la force majeure est invoquée, celle doit rendre définitive l’impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat36 . Ainsi la Chambre a jugé que l'état de siège ne constituait pas un événement définitivement insurmontable et que rien ne prouvait que cette situation difficile 32 Camp,sentence n°213 du 8 juin 1977 ; dmf 1977 , p.626 . 33 Navire Santa Rita Dmf 1996n°564. 34 Décret 66-1078 du 31 Décembre 1966 art.12 « le contrat est résolu sans dommages- intérêts de part ni d'autre si, avant le départ du navire, survient une interdiction de commercer avec le pays pour lequel il est destiné ou tout autre événements de force majeure qui rend impossible l'exécution du voyage ». 35 Camp sentence n°899 du 26 novembre 1994 36 Décret 66-1078 du 31 décembre 19966, art. 14 Si la force majeure retarde simplement la sortie du navire, le contrat doit être maintenu et le retard ne donne lieu à aucune indemnité. Si la force majeure arrive pendant le voyage, on ne peut pas considérer le contrat comme non avenu puisqu'il a reçu un début d'exécution. Dans ce cas le contrat est maintenu et il n'y a lieu à aucune augmentation du fret. Néanmoins, si l'affréteur préfère rompre le voyage il peut décharger la marchandise à ses frais, mais il doit alors le fret entier (art. 14 in fine).
  • 21. 21 avait rendu impossible l'exécution de la charte-partie ; il appartenait à l'armateur seul de juger des inconvénients en résultant pour lui, et d'accepter ou de refuser la résiliation proposée par l'affréteur. La résiliation unilatérale est donc le fait de l'affréteur, qui doit indemniser l'armateur de ses conséquences. 37 Incidence du connaissement sur les relations fréteur – affréteur Le connaissement matérialise la relation entre le fréteur et le porteur du connaissement. • S’il s’agit de l’affréteur, la charte-partie régit les relations fréteur-affréteur. • S’il s’agit d’un tiers, les relations fréteur-affréteur restent sous l’égide de la charte-partie et le connaissement, contrat de transport impératif, s’impose aux relations fréteur (transporteur) et au porteur du connaissement (destinataire)38 , ceci en dépit de clauses de la charte transférant la responsabilité de l’arrimage et la conservation de la cargaison à l’affréteur.39 « Attendu que la S.E.I.M reproche à l’Arrêt , qui a laissé à l’Armement une partie de la responsabilité de l’avarie, d’avoir, pour décider ainsi totalement ignoré la clause 5 de la charte partie rendant les affréteurs responsables des effets d’un mauvais arrimage et la « refrigorating clause » annexée à la charte partie, alors que les premiers juges avaient fait état de ces dispositions conventionnelles et licites pour exonérer la S.E.I.M de toute responsabilité, que cette société avait repris leur argumentation dans les motifs et le dispositif de ces conclusions et qu’il appartenait donc à la Cour, pour justifier son infirmation du jugement, d’examiner et de réfuter cette argumentation ; 37 Camp Sentence n°255 du 06 janvier 1978, dmf 1978, p.575 38 Loi du 18 juin 1966, art. 17 :” Titre II : Transport de marchandises Les dispositions du présent titre s’appliquent : 1° Entre tous les intéressés au transport, en l’absence de charte-partie ; 2° Dans les rapports du transporteur et des tiers porteurs, aux connaissements émis en exécution d’une charte-partie. 39 : C. Cass. Ch.civ.3, 23 Mars 1965 Ste Emeraude Industrielle et Maritime / Ste comptoir français de l’industrie des conserves alimentaires
  • 22. 22 Mais, attendu que l’Arrêt constate que le thon congelé, chargé par COFICA, a été transporté de Dakar à Bordeaux, suivant connaissement intervenu directement entre la société COFICA et la société S.E.I.M, que la demande d’indemnisation de la société COFICA est fondée sur un rapport d’expertise amiable dressé par deux experts choisis d’un commun accord par les deux sociétés précitées…et que DELHOMMES ,affréteur du navire, est demeuré étranger au connaissement et à l’expertise amiable… » Nota : Le fréteur tentera souvent d’opposer les clauses de la C/P au porteur du connaissement en y incorporant des références, renvois, etc. Il existe une jurisprudence anglaise et française abondante 40 .Dans le cas, normal, de l’inopposabilité, les relations fréteur- affréteur s’exerceront dans le cadre d’une action récursoire. En revanche, il a été jugé que l'affréteur qui a délivré des connaissements sous son seul en-tête a la qualité de transporteur41 . Si les connaissements, bien qu’il y soit mentionné l’existence d’une charte- partie, sont délivrés sans en-tête, la jurisprudence Vomar s’applique42 . Dans le cas de l’espèce, la Cour d’Aix en Provence réaffirme le principe selon lequel « la seule mention sur les connaissements de l’existence d’une charte- partie, sans que soit désigné le transporteur réel, ne saurait autoriser l’armateur à invoquer une connaissance par les chargeurs de son identité ». Incidence du connaissement sur le calcul du fret Sur quelles bases l’assiette du fret sera t’elle établie ? 40 Voir en ce sens art. du Pr.Y. Tassel »De la clause fio ou bord-à-bord et du destinataire tiers à la charte-partie », dmf 2007 n°684 09-2007 41 (T. com. Marseille 22 févr. 1972 : DMF 1972, 731). 42 C. Aix-en-Provence (2e Ch.), 26 juin 2006, navire Fortune Bay . DMF HS no 11, juin 2007, no 82. Voir : Y. Tassel, Le connaissement de charte-partie sans en-tête, DMF 1987. 547.
  • 23. 23 Les mentions de poids et quantité portées au connaissement peuvent t’elles être prises en compte si elles sont différentes de celles figurant sur la C/P ? Il faudra, dans chaque cas, se référer aux clauses de la charte. Ports sûrs, quais sûrs Définition Désignent toutes les zones ou le navire est susceptible de réaliser, en toute sécurité, ses opérations commerciales et son avitaillement : amarrage à quai ou au large sur coffres, mouillage en rade, etc. La notion peut prêter à confusion : on devrait parler de « navire en sécurité dans un port » car un même port peut, le même jour, être sûr pour un navire et non sûr pour un autre43 . De même, le quai d’une darse peut être sûr, et non celui d’en face. Lord Justice Seller, en a donné une définition aujourd’hui encore la plus partagée : « The safety of the port should be viewed in respect of a vessel properly manned and equipped,and navigated and handled without negligence and in accordance with good seamanship » Très proches, les termes de l’arrêt rendu dans le procès concernant le navire Eastern City” fait également autorité : « A port will not be safe, unless, in the relevant period of time, the particular ship can reach it, use it and return from it without, in the absence of some abnormal occurrence, being exposed to danger which cannot be avoided by good navigation and seamanship”. Qui garantit le caractère sûr du port ? Contrairement à l’affrètement à temps, le fréteur au voyage conserve la direction nautique de l’expédition; il est réputé connaître les difficultés de 43 Leeds Shipping Co. V. Bunge, 1958.Handy book for shipowners and masters, by H.Holman,16ème éd. M.R HOLMAN.,1964.,pages 183 à 185.
  • 24. 24 navigation à l’approche et dans les ports qu’il a contractuellement accepté de desservir. C’est pourquoi l’affréteur garantit souvent, via les clauses générales des C/P, uniquement les ports non encore désignés. Ainsi, en l’absence de clause particulière, le fait, pour l’affréteur, de désigner, sans autre précision, les ports de chargement et/ou déchargement l’exonère de toute garantie.44 L’expression « safe port Rouen »suppose que le fréteur ait une connaissance précise de toutes les conditions d’accès, notamment courants et marées. Le chargement terminé, le temps d’attente d’une marée favorable sera à la charge du fréteur. La sécurité nautique (phares opérationnels, alignements, chenal correctement sondé et balisé45 , zones d’évitage appropriées, défenses de quai, bittes d’amarrages suffisantes, etc.) ne suffit pas, à elle seule, à qualifier un port sûr. Le juge du fond ou l’arbitre appréciera la présence, même à distance raisonnable (par exemple Le Havre –Antifer) de remorqueurs portuaires, en nombre et puissance suffisants, disponibles, l’existence et la qualité d’aides à la navigation, d’informations nautiques et météorologiques.46 :”En émettant un bulletin météorologique approprié dont la qualité n’est pas contestée et en mettant en œuvre les moyens d’urgence nécessaires à toute demande de mise en sécurité d’un navire, les autorités portuaires ont assuré la sécurité du séjour des navires dans le coup de vent survenu le 31 décembre 2000 ( mise en alerte de six remorqueurs et de deux pilotes) .Par ailleurs, aucun autre navire présent dans le port de Skikda le 31 décembre n’a subi de dommages ni même signalé une situation mettant en péril sa sécurité ». Le port doit être sûr dès la conclusion du contrat, pendant le voyage aller, durant l’escale et jusqu’à l’éloignement du navire. Physiquement sûr, le port doit aussi l’être politiquement47 . 44 Camp sentence 1099 du 25 juin 2004 45 A contrario l’absence de balisage d’un haut fond situé dans le chenal de sortie de port a contribué a qualifier un port « non sur ». Sentence camp1099 du 25 juin 2004. 46 Sentence 1088 du 11 Aout 2003. 47 Ogden v. Graham (1861)
  • 25. 25 Traduction libre : Un navire fut affrété pour se rendre, chargé, « to a safe port in Chile (with leave to call at Valparaiso) ». A Valparaiso, il reçu l’ordre de se rendre à Carrisal Bajo, lequel se trouvait fermé sur ordre des autorités chiliennes pour cause d’émeute. Les affréteurs ignoraient ce fait au moment de la conclusion de la C/P. Ce port était naturellement sur, mais tout navire qui y déchargeait sans autorisation risquait la saisie. Le navire attendit à Valparaiso, 38 jours durant, l’autorisation de décharger. Le navire assigna l’affréteur pour détention. Solution/ Carrisal Bajo fut déclaré non sûr et les propriétaires furent indemnisés pour rupture du contrat. A également été jugé raisonnable le déroutement d’un navire vers un port autre que celui initialement prévu pour le déchargement en raison d’une situation devenue notoirement insurrectionnelle, compte tenu de manifestations violentes et de grèves menaçant le pouvoir en place dans le premier port . 48 Ses accès, ‘au sens large, y compris la route suivie pour l’atteindre, doivent être sûrs.49 &50 Il existe donc une infinité de conditions, propres à chaque cas, pour qu’un port soit réputé sûr. En cas de protestation, la preuve de l’insécurité doit être rapportée51 Depuis le 1er juillet 2004, date d’entrée en vigueur du code ISPS, de nouvelles adaptations contractuelles sont nécessaires pour déterminer, d’une part, l’incidence et la répercussion financières de ces nouvelles dispositions, d’autre part du caractère sûr du port en fonction du niveau atteint52 48 Société maritime Delmas Vieljeux/Société Cie Groupe Concorde et autres. Bulletin des transports et de la logistique, n°2698,17Mars 1997,p.227. 49 Palace Co. v. Gans line,1916 risque de torpillage en temps de guerre 50 Grace v. General steam Navigation Co., 1950 “if there is a serious danger of the vessel being damaged by ice en route to the port.” 51 Sentence camp 1088 du 11 aout 2003. 52 Voir article »les clauses de sûreté maritime dans les chartes parties, auteur Phlilippe Boisson, La Gazette de la Chambre, n°6. Voir également sur site Web http://www.nepia.com/risk/publications/newsletters/pdf/Signals54.pdf l’article « cracking the code » revue en ligne Signal, page 5, auteur Phil Anderson
  • 26. 26 Choix du quai Le poste précis de chargement ou déchargement est rarement défini dans la charte. Sous réserve qu’il soit sûr et prévu pour ce type d’opérations, le capitaine doit se soumettre aux instructions de l’affréteur. Par contre, une fois ce poste désigné, il devra supporter les frais de déhalage s’il veut ultérieurement en changer.53 Traduction libre : le vapeur Novington fut affrété pour acheminer une cargaison de mais de Durban à destination de Liverpool. A son arrivée, le fréteur informa l’autorité portuaire de la nature de la cargaison et un poste de déchargement lui fut attribué dans la darse Langton. L’agent de l’affréteur et la majorité des intérêts cargaison sollicitèrent de décharger dans la darse East Waterloo. Ordre fut donné au fréteur de faire mouvement, mais le navire acheva son déchargement au quai initial. Le fréteur soutint qu’il est d’usage dans ce port que les autorités portuaires désignent un poste en accord avec les représentants du fréteur. Solution : l’usage invoqué n’a pas été établi ; le choix du poste incombait aux intérêts cargaison et affréteurs. Le navire, objet du contrat Il appartient à l’affréteur, éventuellement assisté d’un courtier en affrètement54 , de choisir un navire parfaitement adapté au voyage prévu. L’âge, la classification et l’état du navire auront une incidence sur le taux de fret, mais aussi sur la qualité des performances auxquelles il peut prétendre.55 Le courtier est responsable de ses fautes conformément au droit commun; ainsi constitue une faute le choix d’un navire ne correspondant pas au transport envisagé en raison de la configuration des cales.56 53 Handy book for shipowners and masters, déjà cité, p.192 Ireland & Sns v. Southdown S.S Co., Ltd. (1928). 54 On peut lire le statut et les obligations du courtier sur le site : www.french-shipbrokers.org/ 55 Camp sentence n°1075 du 13 décembre 2002. 56 Com .20 janv.1987, n°84-17.738, dmf 1988, p.182.
  • 27. 27 En revanche, bien qu’il soit fait obligation au courtier de « se tenir, pour autant que possible, documenté sur la moralité et la solvabilité des parties qu'il met en rapport et de les renseigner respectivement, avec la discrétion voulue sur la crédibilité de leur cocontractant. »57 , la Cour de Paris a jugé « qu’ un armateur, victime d’un affréteur insolvable n’était pas fondé à agir en responsabilité contre le courtier ayant négocié l’affrètement de son navire, au motif que le renseignement favorable donné par ledit courtier sur la fiabilité de l’affréteur ait été déterminant pour son engagement alors qu’il avait exprimé lui-même ses doutes sur la solvabilité de cet affréteur et sur sa capacité à obtenir la cargaison prévue en exigeant des garanties pour le paiement de son fret et de dix jours de surestaries au port de charge ».58 Navigabilité et aptitude commerciale. Tout navire, affrété ou non, doit être, du point de vue de la sauvegarde de la vie humaine, « apte au service auquel il est destiné »59 Nous n’évoquerons donc que les incidences contractuelles découlant d’un défaut de navigabilité Pour sa part, Le fréteur « s’oblige à présenter à la date et au lieu convenus et à maintenir pendant la durée du contrat le navire désigné en bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations prévues à la charte-partie. »60 . Cette obligation fondamentale est sans commune mesure avec celle édictée par la loi du 18 juin 1966(Titre II, art.21).61 57 Art.5 des obligations professionnelles des courtiers adhérant à la chambre syndicale des courtiers d’affrètement maritime et de vente de navires de France. 58 Paris, 30 juin 1989, dmf 1990,p.480. 59 Conv.int. de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention Solas) , art.1er ,al.2 60 Décret66-1078 du 31 décembre 1966, art.19 « Nonobstant toute disposition contraire, le transporteur sera tenu, avant et au début du voyage, de faire diligence pour : a) Mettre le navire en état de navigabilité, compte tenu du voyage qu’il doit effectuer et des marchandises qu’il doit transporter ; b) Convenablement armer, équiper et approvisionner le navire ; c) Approprier et mettre en bon état toutes parties du navire où les marchandises doivent être
  • 28. 28 Dans l’affrètement au voyage, l’obligation de résultat permanente se substitue donc à l’obligation de moyen (diligence) imposée « avant et au début » du contrat de transport62 . L’innavigabilité ne concerne pas uniquement la coque et les équipements principaux ; Dans l’affaire suivante, l’état du navire (par ailleurs voué à la casse) et les manquements du fréteur fournissent un très bel exemple.63 extraits : « les nombreux manquements du fréteur aux obligations de la charte- partie (navire non mis en état pour le bon déroulement de l’expédition, nombreuses avaries avant et pendant le voyage, incompétence du Capitaine, carences des services de l’armement dans l’opération du navire, impossibilité de tenir la vitesse décrite causant un retard ayant aggravé la situation, non- respect du code ISM), et, d’autre part, la responsabilité pleine et entière du navire, de son Capitaine et du fréteur quant à la cause des avaries à la cargaison résidant dans l’incapacité à tenir la température contractuelle requise pour le transport, les arbitres déclarèrent le navire innavigable au départ du voyage, et, au cours du voyage, le fréteur et le Capitaine furent reconnus défaillants dans leurs obligations liées au transport, à la garde et aux soins à la cargaison. » Le soin apporté à l’armement du navire pour réaliser le voyage promis est d’une exigence absolue ; Le fréteur est tenu de déterminer, avant le voyage, ses prévisions de soutage ; Un navire quittant un port avec des soutes ne lui permettant pas de rallier le prochain port de soutage prévu sera déclaré innavigable, même s’il existe sur sa route un port où il peut souter. L’exemple suivant illustre ce degré d’exigence (traduction libre) Le « Patapsco » fut affrété pour un voyage aller et retour Liverpool-Rivière plate chargées ». 62 voir en ce sens P. Bonassies-Chr.Scapel Traité de droit maritime (déjà cité) chap. 765 p.496 et suiv. 63 Camp sentence arbitrale 1125 du 24 décembre 2005.
  • 29. 29 (Canada, près de Tadoussac).Les soutes étaient à la charge de l’affréteur et il ne faisait aucun doute pour chacune des parties que le navire s’approvisionnerait en charbon dans les différents ports qu’il était amené à desservir au cours de son voyage. La charte prévoyait l’exonération des responsabilités de chacune des parties, sauf le cas d’innavigabilité. Le navire appareilla de la Rivière Plate pour St. Vincent, mais, en raison d’une erreur de calcul du chef mécanicien, les existants de charbon s’avéraient insuffisants pour rallier St. Vincent, l’obligeant à ravitailler à Pernambuco. Les affréteurs réclamèrent réparation au fréteur pour violation des dispositions contractuelles et le paiement des dépenses supplémentaires qu’ils avaient engagées. La Chambre des Lords jugea, en dernier ressort, que le « Patapsco » était sous-armé lorsqu’il appareilla de Rivière Plate, cette responsabilité incombant au fréteur qui devait s’assurer de l’approvisionnement suffisant pour assurer chaque traversée, malgré l’obligation des affréteurs de fournir et payer le combustible64 L’arrimage ayant une influence directe sur le comportement du navire à la mer, la question se pose souvent de savoir si un mauvais arrimage rend le navire innavigable. On considère qu’un mauvais arrimage qui compromet la sécurité du navire rend celui-ci innavigable (Traduction libre) Trois blindés pesant chacun 18 tonnes environ furent embarqués à Hull sur le navire des défendeurs et furent arrimés sous la responsabilité des défendeurs au dessus d’un lot de rails de chemin de fer puis saisis sur des sabots de bois. Dans le mauvais temps, l’un des blindés se désarrima et traversa le bordé, provoquant le naufrage du navire. Le navire fut déclaré en état d’innavigabilité dès son départ d’Hull.65 64 Mc Iver &Co., Ltd v. Tate steamers Ltd. (1903) Handy book for shipowners and masters p.151 65 Kopitoff v. Wilson (1876) ) Handy book for shipowners and masters p.154
  • 30. 30 Son aptitude commerciale revêt également une obligation de résultat. Le port en lourd (deadweight) comprend le port en marchandises (peu usité) ainsi que les soutes, eau douce, eaux alimentaires des chaudières ; les équipements de rechange (ancre, hélice..), outillage, etc. sont comptabilisés dans le Poids lège (lightweight). Afin de ne pas obérer la capacité commerciale du navire, seules les quantités raisonnablement nécessaires doivent se trouver à bord66 . Sauf à prouver l’existence d’un dysfonctionnement, le fréteur sera responsable d’une altération des marchandises résultant du fonctionnement normal des éléments du navire.67 Enfin, soulignons l’application, obligatoire depuis 2002, des contraintes du code « ISM » concernant l’organisation de la sécurité à bord et, élément novateur, l’obligation formelle imposée à « la compagnie » (propriétaire, armateur, affréteur coque-nue) de mettre en œuvre et d’appliquer à la lettre la gestion de tous les risques et les moyens pour les résoudre. Un manquement grave constaté à terre pourra, à notre avis, conduire à l’innavigabilité du navire. Citons le Cdt. Georges Figuière, expert reconnu:68 A propos du chimiquier « Torpido », navire bien entretenu et sérieusement armé, victime d’un échouement dans le détroit de Magellan suite à une succession d’erreurs humaines : 66 Darling v. Raeburn (1907). 67 Camp sentence n°1037 du 22 juin 2000( échauffement d’une partie de la cargaison de riz en vrac dû au réchauffage des soutes à combustible) 68 Cours du Cdt G.Figuière : »Le code ISM et la notion de navigabilité »
  • 31. 31 « A l’étude de ce cas, on ne peut que conclure, que dès lors que l’erreur humaine est inévitable et que la perfection reste un rêve, les tribunaux jugent avec sagesse que dans la mesure ou l’armement apporte la preuve de sa diligence pour la mise du navire en état de navigabilité, de son maintien en cet état, du soin qu’il apporte au choix de ses capitaines et des principaux de l’équipage, du respect tant de la lettre que de l’esprit du code ISM, une erreur humaine ne saurait empêcher l’armateur, le transporteur de limiter sa responsabilité ». L’inverse est tout aussi vrai. La clause standard Bimco stipule : :” From the date of coming into force of the International Safety Management (ISM) Code in relation to the Vessel and thereafter during the currency of this Charterparty, the Owners shall procure that both the Vessel and "the Company" (as defined by the ISM Code) shall comply with the requirements of the ISM Code. Upon request the Owners shall provide a copy of the relevant Document of Compliance (DOC) and Safety Management Certificate (SMC) to the Charterers”. Erreur sur la capacité d’emport L’erreur doit être suffisamment conséquente pour autoriser l’affréteur à résilier la Charte –partie. C’est au cas par cas. Une réduction de la capacité d’emport peut résulter de clauses imprécises : Les armateurs du Norway garantissaient 3000 tonnes pour un tirant d’eau maximal de 26 pieds. Il était prévu, dès la conclusion de la charte, que le chargement aurait lieu en rivière ; en conséquence, la garantie s’appliquait aussi bien en eau douce qu’en eau de mer.69 69 The Norway (1865), Handy book for shipowners anr masters p.351.
  • 32. 32 Les contraintes liées au ballastage, nécessaire à la stabilité et à la navigabilité, sont de la responsabilité du capitaine. Une partie de la marchandise chargée pourra faire office de ballast sans toutefois pouvoir diminuer la capacité contractuelle d’emport du navire ni conduire à décharger dans un port intermédiaire70 . Ce point avait toute son importance à l’époque ou la stabilité était assurée soit par du ballast solide (gueuses de béton, lingots de fonte) soit par une partie de la marchandise. Les soutes et l’eau de mer ballastée assurent actuellement les tirants d’eau et la stabilité appropriés, mais les navires seront-ils indéfiniment autorisés à ballaster et déballaster n’importe où et n’importe quand ? Mise à la disposition “Le fréteur au voyage doit mettre à la disposition de l’affréteur, au lieu et en temps convenus par la charte-partie, le navire prévu, en bon état de navigabilité, prêt en tous points à exécuter le voyage »71 Il ne faut néanmoins pas négliger l’importance des usages du port .Ainsi la Cour d’appel de Paris a jugé que les règles et usages du port de Rouen, que le fréteur ne peut ignorer, consistant notamment à organiser la mise à quai des navires suivant l’ ordre d’arrivée, s’imposait sur une clause »Free in custom of port quai fournisseur/liner out » de surcroit complétée d’ une garantie écrite de l’affréteur promettant le quai disponible à l’arrivée du navire, alors même qu’il s’agit d’un quai privé.72 Chronologiquement, cette obligation est prioritaire sur l’obligation qu’a l’affréteur de présenter la marchandise73 . 70 Towse v.Henderson (1850). 71 Camp sentence n°530 du 5 mai 1985 dmf 1985, p.114 72 C.Cass. (ch. com.) – 9 MAI 2007 – Navire Trade Swan - no 06-12644 Sté BOCS GmbH c/ Sté SUCRIMEX, commentaires Mtre M ;N. Raynaud.dmf 2007 n°685 10-2007 et Pr Y. Tassel dmf 2006 n°669 04-2006 73 Camp sentence n°1098 du 27 mai 2004.dmf 2004. 1040
  • 33. 33 Voir, toutefois, le cas du navire Aello, House of Lords qui, bien que jugé « non arrivé », a été dédommagé pour l’absence de marchandise prête à être chargée.74 Le bon état de navigabilité, rappelons-le, est fondamental ; c’est une obligation de résultat ; la diligence du fréteur ne suffit pas.75 L’inexécution d’une de ces deux obligations autorise l’affréteur à résilier unilatéralement la C/P, sans préjudice de dommages-intérêts dûment justifiés76 &77 , par exemple le paiement par le fréteur du surcoût résultant de l’affrètement d’un autre navire à un taux de fret supérieur.78 Si l’innavigabilité résulte de la vétusté ou de multiples avaries techniques, l’affréteur prudent aura tout intérêt à exercer sans délai cette faculté; l’innavigabilité découverte après le chargement rend la solution plus délicate : en cas de poursuite du voyage, il devra démontrer le lien de causalité entre l’inexécution fautive du fréteur et les préjudices allégués79 . L’heure limite prévue par la « cancelling clause »est impérative ; le délai de grâce, possible, est court 80 (généralement 15 mn.). Bien souvent, le fréteur est contraint de proposer une nouvelle date, acceptée par l’affréteur en contrepartie de la prise en charge des surcoûts et préjudice en résultant.81 Comme dans tout contrat, bonne foi et sincérité sont de mise. Ainsi le fréteur qui cache sciemment son impossibilité manifeste de présenter son navire avant la « cancelling date » verra la C/P valablement résiliée à l’initiative de l’affréteur, et cela avant même la date limite. 82 74 Navire Aello Hand book for shipowners and Masters, 16ème éd. 1964p.196. 75 Idem ci dessus 76 Idem ci-dessus 77 Camp sentence n°968 du 6 juin 1997 78 Camp sentence n°1023 du 22 décembre 1999 79 Voir supra 33 80 Idem ci dessus 81 Camp sentence n°1024 du 20 décembre 1999 82 Camp sentence n°899 du 26 novembre 1994, dmf 1995,p.647.
  • 34. 34 Dans cette espèce, les arbitres ont souligné que « le fréteur, en parfaite connaissance de la position de son navire dans le temps, avait communiqué à l’affréteur, jour après jour, des prévisions qui ne pouvaient pas être réalisées, qu’il lui avait donné des informations qui, dans les faits, se sont révélées inexactes et que, par ailleurs, il n’avait jamais justifié des prétendues circonstances imprévues, qu’il avait évoquées ». Ils ont ajouté : « il est manifeste que cette attitude, probablement due à la crainte de perdre l’affrètement, relève de la « mispresentation ». Le paiement du fret L’affrètement au voyage est un contrat de louage de services à titre onéreux. Il s’exécute donc en contrepartie du paiement du fret. Logiquement, le fréteur est en droit de percevoir l’intégralité du fret convenu dès lors qu’il s’est acquitté de toutes ses obligations. Toutefois, soucieux de ne pas avoir à supporter tous les périls de la mer et autres aléas du transport maritime, les fréteurs, par le passé, prévoyaient « un fret acquis à tout évènement ». L’aventure maritime est aujourd’hui moins périlleuse, mais la tradition demeure. Détermination du fret On applique généralement un taux à l’unité choisie83 , masse ou volume, fonction de la quantité convenue à la conclusion de la C/P ou réellement chargée ou déchargée, ou tout autre calcul aux libre choix des parties. Il peut aussi être forfaitaire « lumpsum freight », donc indépendant de la quantité réellement chargée84 83 D.66-1078, art.5 84 Trib .com. de la Seine, 15 janvier 1960, dmf 1960, p. 363
  • 35. 35 Non-paiement du fret. En droit français, le fréteur jouit d’un « privilège sur la marchandise pour le paiement de son fret »85 .Il ne peut toutefois la garder à bord86 , mais doit la faire saisir à terre en main tierce. Seule une décision de justice peut l’autoriser à procéder à la vente. C’est ce qu’a rappelé la Chambre arbitrale à l’armateur qui, prétextant avoir subi des dommages (attentes et surestaries) a vendu la cargaison, sans pouvoir justifier d’une quelconque décision de justice, dans le port de Mombasa, au mépris de son engagement de se rendre à Tamatave pour y délivrer la marchandise87 . Le fréteur à temps, en raison de la défaillance de son cocontractant, l’affréteur à temps, peut-il user d’un droit de rétention d’une marchandise embarquée dans le cadre d’un affrètement au voyage ? Cette clause de rétention liant le fréteur à temps à l’affréteur à temps, lui-même fréteur au voyage est inopposable à l’affréteur au voyage88 . Une autre voie, en droit français, est d’agir, comme le souligne le Pr. A. Vialard89 , en action directe sur le fondement de l’art. 14 de la loi du 18 juin 1966.90 85 Art.2 de la Loi du 18 juin 1966 86 Sentence arbitrale du 31 janvier 1997, n°958, JMM 1997,p.2047. 87 Camp sentence 1132(second degré) du 3 octobre 2006. 88 Navire Symplea,, Ch. Com. Du 18 mars 2003. dmf 2005 n°9 sup. 89 Dmf 2005 n°9 sup. 90 Art. 14 Loi du 18 juin 1966 : « Le fréteur, dans la mesure de ce qui lui est dû par l’affréteur, peut agir contre le sous-affréteur en paiement du fret encore dû par celui-ci ».
  • 36. 36 Arrivée du navire Le capitaine déclare le navire « arrivé » et prêt à charger en émettant la « notice of readineess », oralement (VHF) ou par écrit (mail, télex, lettre remise en main propre…). La première contestation porte sur la validité de la « notice of readiness », c’est à dire l’instant précis ou le capitaine notifie à l’affréteur la mise à disposition de son navire. Sauf dispositions contractuelles contraires, telles que les clauses « whether in port or not, wibon, wifpon, wechon ou wwww 91 », et si la zone prévue pour les opérations commerciales est libre, la « notice of readiness » est réputée valide une fois le navire à quai (ou au mouillage)92 . Obligation de charger C’est, avec le paiement du fret, la deuxième obligation fondamentale de l’affréteur. Elle est « absolue et non délégable »93 Nous citerons Lord Selborne94 : « It would appear to me to be unreasonable to suppose that the shipowner has contracted that his ship may be detained for an unlimited time on accounts of impediments, whatever their nature may be , to those things whith which he has nothing whatever to do, which precede the operation of loading and which belong to that which is exclusevely the charterer’s business ». 91 Voir en annexe glossaire des acronymes utilisés dans l’affrètement 92 Camp sentence 1054 du 22 octobre 2001 93 Pr. P.Bonassies, Traité de droit maritime Pierre Bonassies Christian Scapel 2006 L.G.D.J.,page512 94 Grant v. Coverdale 1884
  • 37. 37 L’acheminent de la cargaison est impérative. Si le navire n’est pas autorisé à accoster en raison de l’absence de tout ou partie de la cargaison, l’affréteur sera responsable des dommages résultant du délai supplémentaire95 . La résiliation de la C/P par l’affréteur, du fait de la non-exécution d’un contrat de vente est une résiliation fautive ,96 le cas de force majeure invoqué n’étant pas retenu. Plus sévère encore a été la sanction infligée à l’affréteur qui, en raison d’une interdiction d’exporter du tournesol imposée par le gouvernement, n’a pu assumer son obligation de charger.97 ,98 Par contre, l’interdiction de charger à destination d’un port précis (embargo) libère l’affréteur de son obligation99 . Un navire est affrété pour embarquer du bétail dans un port anglais; bien que l’embarquement d’un tel cheptel ne fût pas interdit, son acheminement vers ce port l’était par ordre du Conseil. Les affréteurs furent responsables du délai consécutif. Si, à la mise à disposition du navire, l’affréteur constate une défaillance entrainant l’innavigabilité, il peut refuser d’entreprendre le chargement jusqu’à la remise en état du navire, sans préjudice d’une action en réparation pour les dommages consécutifs au retard. Il ne pourra cependant pas résilier la charte, sauf à démontrer que le délai nécessaire à la remise en état, eu égard à la nature de la marchandise prévue (marchandise à caractère saisonnier, denrées périssables, etc..), est déraisonnable. D’une façon générale et sauf stipulations contraires, l’affréteur ne sera pas dispensé de son obligation en cas de grève, faillite du vendeur ou de l’acheteur, inexistence de la marchandise100 95 The Aello[1961]A.C. 135 applying Ardant Sco. V. Weir 96 Australia Federal Court (Queensland District) (11 October 2006), Hyundai Merchant Marine Co Ltd v Dartbrook Coal(Sales) Pty Ltd - ([2006] FCA 1324) - Australian Federal Court Website - at <http://www.fedcourt.gov.au>. 97 Camp sentence 79 du 13 mars 1972 98 Scrutton on charters parties, page 150 exemple 1 Adams v. Royalmail Steam Co.(1858): 99 Ralli v.compania Naviera Sola, 1920 Handy book for masters and shipowners p.197 100 Scrutton on charters parties, page 150 exemple 2 (Fenwick v. Schmalz (1868).
  • 38. 38 Un navire fut affrété pour charger du charbon »in regular and customary turn, except in case of riots, strikes, or others accidents beyond charterer’s contol delaying or preventing loading ». Une tempête de neige retarda l’acheminement de la cargaison .Les affréteurs furent déclarés responsables. Mais c’est encore le cas suivant qui illustre le mieux la portée de cette obligation101 (Traduction libre). Le navire Aello fut affrété sous C/P Centrocon (port charter) pour charger du grain dans un port de la rivière Panama et compléter à Buenos Aires. En raison d’une restriction sur les exportations de grain en 1954 au départ de l’Argentine,et compte tenu de la présence de nombreux navires affrétés pour ce type de transport, les autorités portuaires avaient instauré un tour d’attente, interdisant aux navires d’accoster immédiatement , lesquels devaient aller mouiller dans une zone située à 22 milles des darses, en attente de leur tour. Pour accoster, la marchandise devait être prête à être chargée et accompagnée d’un certificat délivré par le Bureau des Grains. Le 12 octobre 1954, l’Aello se présenta et ne put accoster que le 29 octobre, pour charger. Les armateurs réclamèrent : Soit des surestaries au motif que l’aire de mouillage se situait à l’intérieur de la zone commerciale de Buenos Aires et que la planche courrait dès l’arrivée du navire au mouillage. Soit des indemnités au motif que, si le navire n’est pas « arrivé », il doit néanmoins être considéré comme tel en raison de l’indisponibilité de la cargaison. La Chambre des Lords jugea la zone d’attente en dehors des limites commerciales du port, mais jugèrent les affréteurs en violation de leur obligation absolue de fournir la marchandise à l’heure et permettre ainsi au navire d’être un navire arrivé. Les affréteurs furent donc condamnés à indemniser le fréteur. 101 Navire Aello (1961) Handy book for masters and shipowners 16ème éd. 1964 p. 196
  • 39. 39 De son coté, le fréteur, s’il n’ignore pas les difficultés ou l’impossibilité d’approvisionnement, doit néanmoins présenter le navire s’il veut prétendre au paiement du fret. 102 De la même façon, si l’affréteur refuse ou se trouve dans l’incapacité de charger, le fréteur n’a pas intérêt d’attendre la fin de la planche pour dénoncer la charte pour refus de charger, faute de quoi il laisse à l’affréteur l’initiative de charger quand bon lui semble, avant l’expiration des staries. Si, pendant cette attente, un événement rend l’exécution du contrat impossible avant l’expiration du temps de planche, l’affréteur sera libéré de ses obligations.103 Exemple (traduction libre) : Un navire anglais fut affrété pour se rendre au port X et y charger une cargaison en 45 jours. Le navire était près à charger le 9 Mars. Du 1er Mars au 1er Avril, l’affréteur a maintes fois confirmé son refus de charger, mais le capitaine maintint son navire à quai, paré à charger. Le 1er Avril, avant la date butoir du temps de planche, la guerre éclata entre l’Angleterre et la Russie. Le capitaine fit appareiller le 22 Avril. Il fut jugé que le capitaine, n’ayant jamais accepté le refus de charger, l’affréteur disposait de tout le temps de planche pour satisfaire à ses obligations ; l’affréteur fut déchargé de ses obligations, l’impossibilité de les exécuter étant intervenue avant la fin des staries.104 Le refus de charger sera considéré définitif si le fréteur l’accepte expressément. La marchandise doit correspondre à ce qui a été convenu. Pour toute quantité supérieure ou qualité différente (mais raisonnablement proche), le fréteur pourra exiger un taux de fret supérieur, fonction des conditions du marché105 . 102 Camp sentence n°858 du 7 décembre 1992 103 Scrutton on charter-parties p.157 104 Reid v. Hoskins (1856) 6 E.& B. 953. scrutton on charter-parties p.157 105 Steven v. Bromley[1919] 2 K.B. 722. Chandris v. Isbrandtsen- Moller [1951] 1 K.B. 24
  • 40. 40 Beaucoup plus contraignante est la clause « full and complete cargo » ; Elle impose à l’affréteur de charger autant de marchandises que le navire peut emporter, c’est à dire au delà de la quantité minimale convenue.106 Les deux exemples suivants montrent combien il est malaisé de déterminer à qui incombe le choix de la quantité : Cas 1 : Les affréteurs avaient convenu de charger « a cargo of beans, not less than 6500 tons, but not exceeding 7000tons… ».Les affréteurs soutenaient avoir entièrement satisfait à leur obligation en chargeant tout tonnage compris entre 6500 et 7000 tonnes. Les armateurs obtinrent gain de cause en exigeant que soient chargées 7000 tonnes dès lors que le navire pouvait les embarquer.107 Cas2 : La charte partie incluait la clause stipulée ci-avant. Arrivé au port de chargement, le capitaine notifia aux affréteurs la disposition suivante : »la quantité « approximative » de marchandises en cale sera de…au total 10400 tonnes ».Les affréteurs mirent cette quantité à disposition mais le capitaine avait surestimé les capacités de son navire qui chargea 331 tonnes de moins. Les affréteurs réclamèrent le remboursement des débours engagés pour cet approvisionnement inutile. La Court of Appeal jugea que cette option avait pour effet de permettre au fréteur, via son capitaine, d’indiquer toute quantité comprise dans les limites convenues et que cette quantité ainsi déclarée devenait « the full and complete cargo ».En conséquence, le fréteur avait, dans ce cas ,l’obligation de charger « approximativement »10400 T. Ce mot « approximatif » signifiait « environ » et la Court jugea que les 331T. Manquantes, représentant 3,18% de 10400 se situait à l’intérieur de la fourchette définie. Les affréteurs furent déboutés. En revanche, le fréteur, qui, sans raison valable, ne charge pas la quantité maximale à laquelle peut prétendre l’affréteur (généralement +/- 5% au choix de l’affréteur) viole une disposition contractuelle et devra réparation108 . 106 Handy book for shipowners and masters p.209. 107 Jardine Matheson v. Clyde Shipping Co. (1910)Handy book for shipowners and masters p.209. 108 Camp sentence 844 du 26 juin 1999
  • 41. 41 De même, il ne peut faire interrompre le chargement sans raison sérieuse. Ainsi, un capitaine, dont la C/P exigeait un connaissement « clean on board » qui a interrompu le chargement de grains au motif que les quelques impuretés présentes ne garantissait pas une pureté à 100%, exigeait le remplacement d’une partie de la cargaison. Le temps perdu en négociations pour accepter que soit portée la mention »foreign matters 2% max- clean on board » ne put être compté en temps de planche.109 L’intervention des manutentionnaires La majorité des dommages et avaries aux marchandises survient au cours des opérations de chargement et de déchargement. L’intérêt commun est de faire vite et bien. Il va falloir se répartir les taches, choix du manutentionnaire, accord sur le plan de chargement, mais surtout les frais, les risques et les responsabilités découlant des opérations de mise à bord, arrimage et saisissage, puis inversement au déchargement. C’est dire le soin que fréteurs et affréteurs vont consacrer, lorsqu’ils le peuvent, à la rédaction de ces clauses. Depuis la deuxième moitié du XIXème siècle (XVème à Marseille), les bords n’assurent plus les opérations de manutention. Sauf clause contraire (Master’s servants), les manutentionnaires sont les préposés de l’affréteur. Il lui appartient de faire appel à une entreprise de manutention ; cette obligation découle de son obligation de charger/décharger110 . 109 Camp sentence 1112 du 19 mai 2005 dmf 2006 n°666 01-2006 110 (V. T. com. Seine, 13 sept. 1978 : DMF 1979, 293).
  • 42. 42 Les clauses répartissant les frais, risques et responsabilités relatifs à l’intervention des manutentionnaires sont d’interprétation difficile. Dans l’affaire Blaikie v. Stembridge111 , la clause de la C/P précisait « stvedore to be appointed by the charterer but to be paid by and act under the captain’s orders » Une action en responsabilité engagée par un chargeur contre le capitaine ne put aboutir, le manutentionnaire n’étant pas le préposé du capitaine (ou de l’armateur ?). Cet avis fut controversé, puis confirmé. Dans l’affaire Swainston v. Garrick112 , par accord hors C/P, les affréteurs ont engagé leur propre manutentionnaire ; les armateurs engagèrent une action contre leur capitaine en garantie des dommages dont ils ont été tenus pour responsables en raison d’un mauvais arrimage. On jugea que l’accord de l’armateur d’autoriser l’affréteur à engager son manutentionnaire s’est substitué à l’obligation d’arrimage soigneux qu’a le capitaine envers son armateur. Dans l’affaire Catherine Chalmers, au vu de la clause stipulant que le navire devait être « stowed by charterer’s stevedore at the expense and risk of the vessel », Sir R. Phillimore dégagea toute responsabilité du fréteur envers l’affréteur pour un arrimage défectueux. Cette décision est contestable car elle néglige l’effet de l’expression « and risk » laquelle fut incontestablement incluse pour ce cas précis. La clause précisant « charterers are to provide and pay a stevedore to do the stowing of the cargo under the supervision of the master” a rendu les affréteurs responsable du paiement du faux fret après avoir démontré la faute du stevedore à réaliser un chargement complet.113 A l’inverse, d’autres clauses sont plus favorables à l’affréteur : 111 (1860) 6 C.B. 894. Scrutton on charter-parties p.169. 112 Idem ci-dessus 113 Brys & Gylsen v. Drysdale, idem ci-dessus.
  • 43. 43 Au travers de la clause : “the charterers are to have liberty to employ stevedores and labourers to assist in the... stowage of the cargo ; but such stevedoresbeing under the control and direction of the master, the charterers are not in any case to be responsible to the owners for damage or improper stowage...the liability shall remain the same as if there where carrying out a voyage on their own account”, les affréteurs ont, avec succès, engagé la responsabilité du fréteur pour mauvais arrimage. 114 A l’époque de la négociation de cette charte, les taux de fret devaient être particulièrement bas...115 La marchandise se trouve le long du bord ; l’affréteur n’engage pas de manutentionnaire… Un navire fut affrété en vue de charger la quantité maximale possible de marchandises. La clause précisait « Charterer’ s stevedore to be employed by the ship, and the cargo...to be brought alongside at charterer’s risks and expense” L’affréteur n’engagea pas de manutentionnaire et le fréteur ne chargea pas une cargaison complète. Pour les juges, la clause stipulant que l’affréteur devait engager les manutentionnaires n’avait pas un caractère essentiel et,116 malgré la défaillance de l’affréteur, le fréteur et son capitaine devaient contractuellement charger toute la cargaison possible et qu’il était du ressort du capitaine de se substituer au manutentionnaire (ou d’assurer son embauche). L’arrimage « the stowage is the sole act of the shipowner »117 Soulignons en préambule que les opérations de déchargement,(y compris dessaisissage et désarrimage, comme celles concernant le chargement 114 Sack v. Ford (1860) 13 C.B. 90 Scrutton of charter-parties p.170 115 Voir en annexe courbe des taux de fret. 116 Anglo-African Co.v. Lamzed (1866) Scrutton on charter-parties p.171. 117 Lord Esher in Harris v.Best, 1892, Handy book for shipowner and masters,p.203
  • 44. 44 (arrimage, saisissage, fardelage, choulage inclus),sont, pour des raisons impératives de sécurité, de stabilité et d’efforts sur les structures, supervisées par le capitaine, préposé du fréteur ; ce qui n’exonère pas l’affréteur de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un mauvais arrimage. Une C/P à temps NYPE stipulait : « Charterers are to load, stow and trim the cargo at their expense’ under the supervision of the captain ». La marchandise fut avariée en raison de son arrimage défectueux. Les affréteurs soutinrent que le fréteur était responsable car il lui appartenait de vérifier, via son capitaine, que l’arrimage avait été correctement réalisé. La chambre des Lords rejeta l’argument et jugèrent que le fréteur ne pouvait être tenu pour responsable, au travers de cette clause, que si le capitaine avait imposé son propre plan de chargement .La preuve n’en étant pas rapportée, les affréteurs furent déclarés responsables. Lord Atkin déclara : « The supervision of the stowage by the captain is in any case a matter of course; he has in any event to protect his ship from being made unseaworthy; and in other respect, no doubt he has the right to interfere if he considers that the propose stowage is likely to impose a liability upon his owners. If it could be proved by the charterers that the bad stowage was caused only by the captain’s orders, and that there own proposed stowage would have cause no damage, no doubt that might enable them to escape liability”.118 A l’inverse, la responsabilité du fréteur a été retenue car son capitaine avait laissé charger, d’une manière manifestement contraire aux règles de l’art, des rails et s’était présenté au port de déchargement avec une cargaison dont la manutention allait à l’évidence créer des dangers, entrainer des coûts et des délais extraordinaires, normalement imprévisibles.119 118 Court Line v. Canadian Transport Co. (1940) Handy Book for shipowners and masters p.215 119 Com. 7 novembre 1986, Bull.civ., IV, n°202.L’affrètement maritime, collection maritime, IETM, p.68.
  • 45. 45 Certaines lois nationales interdisent cependant toute clause exonérant totalement ou partiellement l’armateur de la responsabilité pour les dommages résultant d’un mauvais arrimage. La loi anglaise tolère, hors transport sous Convention de1924 ou autre, que le fréteur puisse s’exonérer de sa responsabilité résultant d’un mauvais arrimage si et seulement si le mauvais arrimage ne peut pas compromettre la navigabilité120 . Toute atteinte à la navigabilité rend la clause inopérante. Les pressions exercées par l’affréteur sur les bords en vue d’accroitre les cadences au détriment de la stabilité ou pour surcharger le navire impliquera la coresponsabilité de l’affréteur.121 Voyage en droiture Le déroutement, s’il ne met pas en péril l’équipage et le navire, est obligatoire pour répondre à un appel de détresse, facultatif pour porter assistance. D’une façon générale et sans même qu’il soit besoin de le préciser dans la charte, le navire doit réaliser son voyage en empruntant la route, soit prévue, soit celle étant à la fois la plus courte, la plus sûre et convenant le mieux à la marchandise. En principe, les cocontractants s’accordent sur une route contractuelle. Les usages comptent beaucoup dans le choix des grandes routes commerciales : saisons, phénomènes climatiques, prix des soutes, etc.… Le capitaine peut, en cours de route, la modifier au gré des circonstances : météo, houles, glaces, conflits, etc. Ce n’est pas un déroutement. 120 Handy book for masters and shipowners,p.211 121 Camp sentence 1082 du 14 mars 2003
  • 46. 46 Clause ou non, on admettra qu’un navire se déroute pour les besoins du voyage (avitaillement, réparations) ou raisons sanitaires. Un capitaine dont le navire a subi des avaries à cause du mauvais temps a le droit et le devoir de relâcher afin de procéder aux réparations nécessaires et raisonnables à la sauvegarde du navire, de la cargaison et de l’équipage122 . Cette notion « raisonnable » dépend des circonstances et de la nature de la marchandise. Citons Lord Justice Scrutton : “Now it is clear that some delays on a voyage may amount to a deviation.It is not an easy case to prove...But it is quite clear that every delay is not a deviation.You must have such a delay that it makes the voyage a different voyage from the contract voyage”. -Un capitaine qui fait relâche pour éviter d’affronter une tempête exceptionnelle, telle un ouragan perdra un temps raisonnable. -A l’inverse, le « Renée Hyaffil » resta à quai durant 23 jours pour éviter une tempête, qui, compte tenu du lieu et de la saison, n’avait rien d’exceptionnel. La cargaison de fruits fut perdue et le fréteur fut tenu pour responsable du délai déraisonnable. Si l’affréteur décide de « fermer les yeux », et pourvu que la cargaison arrive sans dommage à bon port, on considère l’affréteur redevable de l’intégralité du fret. S’il décide de rompre le contrat, il devra probablement acquitter un fret calculé sur la base du parcours réalisé. Si la charte-partie prévoit plusieurs voyages consécutifs, l’affréteur aura loisir de mettre fin à ses obligations en refusant d’entreprendre le voyage suivant si le navire s’est dérouté au cours du voyage précédent. Ces voyages formant un seul et indivisible contrat par l’emploi de l’expression « consécutifs », la charte- partie tout entière sera résiliée.123 122 Kish v. Taylor, (1912) Handy book for shipowners and masters p165 123 Cprimera v. Compania Arrendataria (1940) Handy book for shipowners and masters p.173
  • 47. 47 Mais un navire peut-il se dérouter pour compléter un chargement que l’affréteur n’a pu lui fournir ? Le fréteur peut être autorisé à entreprendre les démarches raisonnables pour charger le navire, il peut aussi y être contraint pour limiter ses pertes dues au faux fret. 124 . L’exemple suivant, un peu ancien, s’applique mal sur un vraquier contemporain, mais pourrait trouver tout son intérêt dans les affrètements d’espace. Le vapeur Storviken fut affrété pour acheminer une cargaison de sucre de Java à destination du Royaume Uni. Les affréteurs s’engagèrent à charger « une pleine et entière cargaison », mais ne le firent pas. Au cours du voyage retour, les armateurs décrochèrent un chargement d’environ 1000 tonnes de tourteaux à Alexandrie et, sans solliciter l’accord des affréteurs, ni même les informer de leur projet, chargèrent les tourteaux à bord. Le chargement dura trois jours. Les armateurs engagèrent une action en paiement du faux fret, les affréteurs soutinrent que le temps perdu à charger les tourteaux caractérisait un déroutement justifiant la rupture du contrat, ôtant tout droit d’action aux armateurs. Les juges ont estimé que les armateurs avaient raisonnablement agi en réduisant ainsi le faux fret et leur action ne pouvait être qualifiée de déroutement125 . . Obligation de décharger Désignation du port de déchargement L’affrètement au voyage est souvent l’une des composantes d’une vente. 124 Handy book for shipowners and masters p.329 125 Wallem Rederi v. Muller & Co. (1927) ; Handy book for shipowners and masters p.329
  • 48. 48 Cette vente n’est pas toujours finalisée lorsque le navire est en cours de chargement : recherche d’acheteurs plus généreux, spéculation sur les fluctuations des cours, etc. C’est pourquoi, bien souvent, seule une zone de déchargement ou une liste de ports figure dans la charte-partie. L’affréteur va devoir se déterminer dans un temps imparti. Une clause précisant “The vessel, on being loading should proceed as ordered on signing bills of lading” signifie que les ports doivent être désignés avant et non pas après la signature des connaissements.126 Ce choix fait est irréversible, sauf à renégocier les termes de la charte avec le fréteur. Certaines chartes prévoient que le navire entreprenne son voyage vers la zone ou un port d’attente. Le temps d’attente peut être déterminé mais ne doit pas être excessif. Ces clauses doivent être scrupuleusement respectées en raison de leur probable incidence sur la vente de la cargaison : Le « Watsness » fut affrété pour transporter une cargaison de grain de Rivière plate vers l’Europe. La charte prévoyait certains ports d’escale où le navire devait se rendre et être aux ordres, ordres devant être donnés dans un délai de 24 heures par les destinataires dès réception par câble de l’escale du navire. Dès son arrivée à Saint Vincent, port nommé, le capitaine informa par câble les destinataires à Londres, mais, le soir même, sans attendre de réponse à son câble, appareilla pour Las Palmas, en laissant pour consigne qu’on lui adressât par morse les ordres concernant le port de déchargement. Les destinataires vendirent la cargaison comme « arrivée à St. Vincent ». Les acheteurs, constatant l’absence de la marchandise, dénoncèrent le contrat. 126 A/S Tank v. Agence maritime L.Stranose, (1939) Handy book for shipowners and Masters p. 241
  • 49. 49 Les destinataires réclamèrent réparation de leur préjudice au fréteur pour rupture de la Charte. La Court of Appeal confirma la rupture de la charte : -pour ne pas avoir respecté le temps d’attente minimal de 24 heures. -Que l’expression « arrivé à St. Vincent » matérialisant une condition de la vente, les acheteurs étaient donc en droit de résoudre le contrat . Le déchargement Cette obligation fondamentale incombe à l’affréteur ; il ne peut y déroger, quand bien même le réceptionnaire, tiers à la charte, refuserait la marchandise, avariée ou non.127 Néanmoins, la faute du fréteur (par ex. innavigabilité commerciale) peut exonérer l’affréteur de son obligation si le lien de causalité entre la faute du fréteur et l’interdiction (par les autorités) de décharger est « suffisamment étroit et direct »128 . Pour un cas, heureusement rare, dont l’origine fut la découverte de passagers clandestins décédés conduisant à l’interdiction totale de décharger par les autorités marocaines, le tribunal a conclu à l’entière responsabilité du fréteur au motif que le cas excepté invoqué (fait du Prince) n’était que la conséquence d’une faute première, le manque de diligence du fréteur dans la surveillance du navire lors des escales de Cotonou et de Conakry, et alors même qu’il était admis que le décès des malheureux provenait des suites d’une fumigation des cales opérée par l’affréteur. 129 L’affréteur doit entreprendre les opérations techniques et administratives de déchargement dès l’arrivée du navire. 127 Camp sentence(second degré) 1102 du 02 aout 2004 128 Camp sentence arbitrale 1125 du 24 décembre 2005 129 Camp sentence (second degré) du 24 octobre 1997. Voir également la thèse du Pr.A. Sériaux : « la faute du transporteur »éd. Economica 1984, p.97 et suiv.
  • 50. 50 Ainsi, le retard consécutif aux opérations tardives de dédouanement est imputable à l’affréteur130 . Les apparaux de levage du navire, lorsqu’ils existent, sont mis à la disposition de l’affréteur et conduits par les manutentionnaires. La délicate question de savoir qui est responsable des avaries subies par le navire et provenant d’un incident sur une grue du bord va également se poser. La Chambre arbitrale maritime de Paris, par sa sentence 1114 rendue le 14 juin 2005 a répondu à cette question : « Au stade du déchargement, l'obligation principale de l'affréteur(FIOS) est de pourvoir au débarquement de la cargaison. Obligation contractuelle, c'est aussi une obligation de résultat en ce sens qu'il y a une nécessité matérielle à décharger la cargaison pour libérer le navire. L'affréteur est en même temps débiteur envers l'armateur d'une seconde obligation qui, pour être l'accessoire de la première, n'en est pas moins importante, celle de ne pas causer ou laisser causer, durant le déchargement auquel il pourvoit, de dommages au navire ni à ses apparaux, et ceci d'autant plus qu'il a, en l'espèce, le libre usage de ces apparaux. Cette seconde obligation est indissociablement liée à l'obligation principale : il s'agit d'une obligation de résultat. Dans ces conditions, la simple constatation de l'inexécution par l'affréteur de son obligation de pourvoir au déchargement de la cargaison sans qu'il soit causé de dommage au navire suffit à engager sa responsabilité contractuelle sans qu'il soit besoin d'établir une quelconque faute de sa part ou de celle de ses préposés manutentionnaires ; et sans même que la faute de ces derniers, fût-elle établie, puisse être opposée à l'armateur. Par ailleurs, l'affréteur n'a pas apporté d'éléments suffisants quant à une défaillance de la grue qui aurait pu constituer un cas fortuit, ce qui l'aurait exonéré de toute responsabilité. Il est cependant communément admis que si la victime a contribué, même partiellement, par sa faute à la réalisation du dommage, l'indemnisation qui lui 130 Camp sentence 1044 du 16 janvier 2001
  • 51. 51 est due peut se trouver réduite sur le fondement d'un partage de responsabilité. Force est pour le Tribunal de constater que l'armateur a commis au moins deux fautes, ou séries de fautes, parmi celles relevées par l'affréteur, qui n'ont pu que participer à la réalisation du dommage : D'une part la désactivation des sécurités de la grue avec clé sur le tableau de bord, en l'absence d'une présence de l'équipage. D'autre part l'inexistence de toute procédure écrite quant au maniement des grues et de leurs sécurités, bien que requise tant par le simple bon sens que par application du Code ISM. Le Tribunal, compte tenu de l'importance des fautes relevées à l'encontre de l'armateur et du lien de causalité partielle mais certaine entre ces fautes et la réalisation du dommage, considère que s'impose un partage de responsabilité, dans la proportion de 50 % à la charge de l'affréteur et de 50 % à la charge de l'armateur. En ce qui concerne le préjudice, le coût d'immobilisation n'a pas été retenu aucune preuve de perte de revenu susceptible d'indemnisation n'étant rapportée ». Les chartes stipulent généralement que la marchandise est déchargée « aux frais et risques de l’affréteur ». Si la cadence prévue avec les équipements du bord ne peut être tenue, les moyens complémentaires engagés seront à la charge de l’affréteur131 . Par conséquent, sauf stipulation expresse contraire et sauf à démontrer la négligence fautive du fréteur, il répond des avaries causées au navire par les manutentionnaires.132 131 Camp sentence1093 du 21 février 2004 132 Camp sentence 1027 du 28 janvier 2000
  • 52. 52 -Staries, surestaries Fréteur et affréteur sont convenus d’une durée précise impartie aux opérations commerciales : le temps de planche ou staries. Le décompte des staries est complexe et varie beaucoup d’une charte à l’autre. Bien souvent, les temps de chargement et de déchargement sont dissociés. Pour pallier la difficulté d’interprétation et d’application de ces clauses, le CMI, puis la BIMCO, FONASBA et INTERCARGO ont publié, sous l'appellation de "Voyage Charterparty Laytime Interpretation Rules 1993", un mémento proposant des solutions d’interprétation des staries.133 En cas de différend entre les parties à un affrètement sur le sens ou l'interprétation à donner à tel ou tel mot ou à telle ou telle expression d'une charte au voyage, les Règles d'interprétation 1993 pourront aider à trouver la solution convenable, - que celle-ci soit demandée ou non à un tribunal arbitral. Il apparaît souhaitable qu'elles soient incorporées dans les chartes au moyen d'un renvoi explicite. Elles ne seront opérantes que dans le cas où le contexte de la négociation ayant conduit à l'affrètement ne permet pas de donner une réponse certaine au point litigieux. C'est leur effet supplétif.134 D’autre part, la charte ne dit pas tout : certains principes, non écrits, sont appliqués : « une fois en surestaries, toujours en surestaries »135 En cas de dépassement du temps de planche, l’affréteur devra, sur la demande du fréteur, indemniser ce dernier par le versement des surestaries, dont le taux a été négocié dans la C/P. En droit français, les surestaries sont un « supplément de fret »136 les anglo- saxons l’assimilent à une indemnité. 133 Voir en annexe Règles d’interprétations des staries sous charte-partie au voyage de 1993 Auteur Jean yves Grondin. 134 Raymond Achard Jurisclasseur transport,fasc.1221, 02-2005 135 Cours du Cdt G.Figuière « once in demurrage, always in demurrage » 136 Art.11 du décet 66-1078 du 31décembre1966.
  • 53. 53 Le fréteur peut, en principe, valablement exercer le privilège offert par l’art.2 de la loi de 1966. Le temps gagné par l’affréteur peut lui être partiellement (50%) ou totalement (rare) crédité : c’est la prime de célérité. « Despatch money ». Enfin, alors même que le décret de 1966 prévoit le contraire137 , le temps gagné au chargement pourra abonder le temps de planche du déchargement; c’est la clause de réversibilité. Le cumul des temps de planche, à fortiori lorsqu’il y a pluralité de ports, et du temps sauvé, générateur de « despatch money » est la méthode la plus avantageuse pour l’affréteur. En voici un exemple : Le navire « Azuero » charge une cargaison de grains en vrac à Philadelphie pour Avonmouth et Belfast. Cette cargaison devra être déchargée à la cadence moyenne de 1000 tonnes minimum par jour ouvré, temps permettant, (dimanches et fériés exclus). A Belfast, la marchandise fut déchargée à la cadence prévue, mais à une cadence inférieure à Avonmouth. Le fréteur établit une feuille de calcul pour chaque port, réclama 300 £ par jour supplémentaire à Avonmouth et proposa 150£ par jour gagné à Belfast. Ce calcul rendait l’affréteur finalement redevable de 1600£.Ceux-ci réclamèrent que ces deux opérations soient regroupées en une seule, ramenant ainsi les surestaries à 30£. Le calcul de l’affréteur fut jugé conforme. Le coût du navire, même à quai, (rémunération du capital, salaires, combustible des auxiliaires, frais de port), auquel, naturellement, le fréteur ajoutera un profit identique à celui qu’il retire lorsque le navire est en mer, est élevé, générant ainsi des taux de surestaries conséquents et dissuasifs. Les staries sont donc un élément important du contrat ; les litiges sont fréquents. Les surestaries sont toujours à la charge de l’affréteur. 137 Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966, art. 9 al.2 : » Si celle-ci (la charte-partie) établit distinctement un délai pour le chargement et un délai pour le déchargement, ces délais ne sont pas réversibles et doivent être décomptés séparément [*computation*]. »
  • 54. 54 Toutefois, par le jeu de l’incorporation des clauses de la C/P au connaissement, le destinataire peut se voir réclamer par le fréteur le paiement de surestaries138 . Suspension des staries La notice valablement remise, les staries courent à partir de l’heure contractuellement convenue ; .toutefois, des cales jugées sales, insuffisamment sèches font cesser le décompte dès lors que l’exigence de l’affréteur est justifiée.139 L’encombrement du port est un risque que doit supporter l’affréteur, y compris si le retard du navire est consécutif à l’innavigabilité fautive du fréteur. L’attente est décomptée de la planche.140 L’affréteur peut utiliser les staries à sa convenance. Ainsi n’a pas été jugé abusive l’immobilisation d’un vracquier du samedi midi au lundi matin, heure de reprise du travail pour achever le déchargement d’un reliquat de marchandise ne nécessitant qu’une heure de travail.141 Par contre la clause « always afloat »interdira l’affréteur de charger pendant les périodes de basse mer menaçant la libre flottabilité du navire142 . Le tribunal arbitral peut recalculer les staries lorsque des évènements imputables au fréteur diminuent les cadences : panne d’une grue, ordre donné au navire de déhaler vers un quai moins équipé en raison de la mouille constatée dans la marchandise143 , etc. Certains temps d’attente peuvent être assimilés à des staries. Doit-on dès lors y intégrer les suspensions de staries contractuellement définies (samedis, dimanches et jours fériés si non utilisés) ? 138 Miramar v. Holborn Dmf 2004 n°684 commentaires Y.Tassel. 139 Camp sentence 1139 du 09 mai 2007 140 Camp sentence 1075 du 13 décembre2002 141 Idem ci-dessus 142 Scrutton Carlton SS Co. V. Castle (1898) 143 Camp sentence 1089 du 23 octobre 2003
  • 55. 55 La question s’est posée pour un navire faisant escale l’hiver à St.Pétersbourg et devant attendre la présence d’un brise –glace pour entrer et sortir en convoi. Une clause additionnelle prévoyait que tout le temps d’attente devait « to be counted as laytime », déduction faite d’une franchise de 12 heures. Le fréteur soutenait que le temps d’attente devait être compté en staries dès la 13ème heure, les suspensions n’étant applicables qu’aux opérations de chargement et déchargement. Après recherche de la volonté des parties, la chambre arbitrale a jugé que la C/P assimilait clairement le temps d’attente aux staries, intégrant par conséquent les suspensions prévues144 . La « Conoco weather clause » et l’encombrement portuaire. Sauf à pratiquer des taux de contre- surestaries145 exorbitants, les dépassements du temps de planche contrarient la profitabilité et l’organisation commerciale du fréteur : incertitude sur la date de fin de voyage, risque de ne pouvoir honorer de nouvelles obligations, etc. On peut donc être amené à lisser le coût de ces aléas. Aussi, le partage des surestaries peut être envisagé, notamment dans la situation fréquente du port engorgé et du mauvais temps (l’un aggravant l’autre), par application de la clause de type « conoco wheather clause ».146 « Un des rôles essentiels d’une charte-partie est de répartir les risques de retard dans les opérations portuaires, dont les conséquences affectent les résultats de voyage aussi bien des armateurs que des affréteurs. 144 Camp sentence 1120 du 12 septembre 2005,dmf n°673 09-2006 145 Contre surestaries ou sur surestaries : taux majoré se substituant aux surestaries passé un certain délai. 146 Dmf 2007 n° 680- Dominic O’SULLIVAN (Avocat Essex Court Chambers – Brisbane)