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Avec quot;Ce dont nous sommes faitsquot;, vous vous interrogez sur la signification
du mot quot;découvrirquot; et sur le diktat de la beauté ? Pouvez-vous nous raconter
comment vous est venue l’idée de cette création ?

« Ce dont nous sommes faits » a été créé au long de deux années, 1999 et 2000, période
marquée par les commémorations des 500 ans de la découverte du Brésil. Nous ne
concevions pas cette date comme une commémoration proprement dite étant donné que
l’histoire de ce qu’on appelle le Brésil a commencé avec l’un des grands génocides de
l’histoire : la décimation de la population et de la culture indigènes.
Ainsi l’un des points de départ a été de ‘découvrir’ et de travailler des questions qui nous
intéressaient : questions concernant la citoyenneté, l’histoire, la mémoire, concernant ce
que veut dire actuellement faire de l’art dans un pays comme le Brésil, questions évaluant à
quel point nous sommes contaminés par le diktat d’une certaine conception de beauté, d’art
contemporain, interrogeant comment l’art peut servir à penser le monde et comment son
mode de pensée peut aider le monde, et également des questions esthétiques, au sujet de
formes inusitées que le corps peut produire, ainsi que de formes différentes d’utilisation de
l’espace scénique.

Dans quot;Ce dont nous sommes faitsquot;, vous évoquez la question de la découverte
de l’autre, de ses convictions, de la place qu’occupe le corps dans notre
société. Que souhaitez-vous que les spectateurs retiennent plus
particulièrement de ce spectacle ? Quels sont les interrogations principales sur
ce sujet qui demeurent pour vous en suspens ?

Je n’ai pas de souhait spécifique sur quelque chose que j’aimerais que les spectateurs
retiennent de ce spectacle. Nous présentons un menu. Le choix est libre. Le fait que le
spectateur soit là partageant le même espace avec les danseurs, dans une situation de
proximité, qu’il soit exposé à un élargissement du temps, à travers des mouvements parfois
d’une extrême lenteur, cela produit un regard différent, presque ‘épidermique’.
En fait le spectateur est le coauteur de ce travail dans la mesure où il peut coller le signifié
qui lui convient dans les formes corporelles et dans les slogans ou lieux communs qu’il
entend. Je pense que le plus intéressant est de ne pas offrir des réponses mais de
promouvoir la réflexion, l’inquiétude.

En publiant lors de représentation du spectacle quot;Ce dont nous sommes faitsquot;
le budget annuel de la compagnie sur le programme, avez-vous souhaitez
mettre en évidence la question du prix de l’art et du prix de l’artiste?

Le prix de l’art et de l’artiste est directement lié au choix du modèle économique et social
proposé par le gouvernement. Ainsi dans un pays comme le Brésil où les deux tiers de la
population (environ 111 millions de personnes) vivent avec un revenu mensuel per capita
inférieur à deux salaires minimum ( le SMIG au Brésil équivaut à environ 80 dollars), on
peut imaginer la valeur attribuée aux artistes et à leurs projets.
A Rio nous avons donné le spectacle avec le prix de l’entrée fixé à 1 dollar et c’était
impressionnant de constater le public dans la salle, qui était le plus varié, comprenant des
personnes de la classe pauvre qui d’habitude ne fréquentent pas les théâtres. Nous sommes
restés 3 mois en représentation. Ayant reçu une subvention de la ville de Rio de Janeiro,
nous avons pensé qu’il était souhaitable de présenter un rapport concernant l’utilisation de
ces fonds publics.

quot;Ce dont nous sommes faitsquot; est une création considérée par la critique
comme l’une des productions brésiliennes d’avant-garde les plus réussies.
Comment expliquez-vous ce commentaire ?

Il est difficile pour moi d’expliquer ce commentaire car le regard que les personnes ont de
l’extérieur est complètement différent de celui que j’ai moi-même de mon travail. En
vérité « Ce dont nous sommes faits » intègre tout un parcours, qui ne commence pas et ne
finit avec cette création, mais qui est connecté aux autres projets que j’ai créés et à ceux
que je pense encore créer. Peut-être avons nous réussi à parler de certaines choses
auxquelles certaines personnes ont pu s’identifier. Mais il y en a d’autres qui ne se sont
pas du tout identifiées. Je pense qu’il est bien que ce soit comme ça, sans un consensus.

Pensez-vous que le Brésil soit encore un pays très isolé culturellement ?
 Beaucoup de compagnies attendent-elles une ouverture vers l’Europe et
irions-nous vers un courant irréversible ?

 Je commencerais par une question : isolé par rapport à qui ou à quoi ?
Au Brésil il n’existe pas de marché interne qui puisse garantir la subsistance de
compagnies de théâtre et de danse. Nous sommes un pays aux dimensions continentales où
il n’est pas toujours facile de se déplacer et de circuler. Dans ce sens il existe des projets en
cours et d’autres en phase d’implantation. Mais il faut beaucoup d’investissements pour
garantir la dissémination du produit culturel. Je pense que l’isolement culturel existe à
l’intérieur même de notre pays et plutôt en fonction de ces problèmes-là, malgré le fait que
l’accès à la culture soit un droit constitutionnel.
Par ailleurs il est intéressant de penser également que l’isolement culturel puisse exister par
rapport à l’Europe en raison du manque d’information concernant ce qui se produit ici. Il
existe au Brésil actuellement une production très vigoureuse et consistante en matière d’art
contemporain, mais qui n’est pas toujours reconnu en tant que telle. Je ne saurais dire que
les compagnies attendent une ouverture vers l’Europe. Je pense qu’il est beaucoup question
de fonctionnement en réseaux, d’Internet, etc. mais j’estime qu’on en est très loin, d’une
façon générale. Je vois une tendance chaque fois plus grande à la formation de réserves de
marché : protection du produit interne. Il suffit d’observer les grands conflits autour des
marques territoriales qui ont lieu à travers le monde. Des frontières qui se ferment. Aussi
bien les frontières géographiques que celles de l’échange culturelle. Je crois encore que
l’art peut être une arme puissante contre cet isolement. Mais il faut en avoir le désir, il faut
être ouvert aux différences. La diversité, à mon avis, est merveilleuse.

Vous critiquez vigoureusement la situation de l’artiste au Brésil. Expliquez-
nous…

Comme je l’ai dit nous vivons dans un pays qui a de graves problèmes sociaux et
économiques et la situation de l’artiste en est un reflet. Le modèle néo-libéral choisi par le
gouvernement suscite une désorganisation politique de la population et suscite une carence
quant aux programmes culturels.
Le « Movimento Arte contra a Barbárie » [« Mouvement Art contre la Barbarie »] qui
réunit des artistes et des producteurs culturels a une vision très éclairante là-dessus :
« L’actuelle politique officielle du gouvernement fédéral qui transfert la responsabilité de
l’appui à la création culturelle vers l’initiative privée, masque l’omission qui transforme
les services publics en de simples médiateurs dans les affaires. La quantité apparente
d’événements fait supposer une effervescence, mais en vérité elle cache la misère des
investissements culturels à long terme qui, eux, viseraient la qualité de la production
artistique. »
À Rio nous vivons une situation particulière car depuis 8 ans la Municipalité de Rio de
Janeiro développe une politique continue favorisant la danse, des projets spécifiques
conduisant à des résultats palpables. Cette année, le Gouvernement de l’État de Rio
[parallèlement à la Municipalité de la ville de Rio] a mis en place un projet pour la danse.
Quelques organismes non rattachés au gouvernement ont aussi un rôle important tels le
Serviço Social do Comércio [Service Social du Commerce] – SESC, la Banque Itaú, parmi
d’autres.


Pourquoi avoir crée le Panorama Rio Arte de Dança ? Quels sont vos objectifs
et missions en tant que fondatrice et directrice artistique ? Comment
travaillez-vous ? Quels sont les prochains artistes que vous souhaiteriez voir
évoluer au sein de ce festival ?
Le Festival Panorama RioArte de Dança résulte d’une invitation qui m’a été faite en 1992
par la RioArte, organe lié au Secrétariat à la Culture de la ville de Rio de Janeiro, afin
d’organiser une série de présentations de danse. Ce festival a commencé à une époque où il
n’y avait que peu de créations venant de quelques chorégraphes et de compagnies de danse
contemporaine à Rio, mais pas encore d’espace pour présenter les spectacles et le Festival
a servi à regrouper toutes ces personnes.
Cela a été une si grande réussite que les éditions se sont succédées et que le budget,
pratiquement nul au départ, s’est accru. Actuellement le festival dispose d’un budget d’à
peu près 125.000 dollars, il dure 12 jours, occupant deux théâtres parmi les plus importants
de la ville, sans compter l’appui de partenaires étrangers. Et l’une des choses les plus
importantes : le prix de l’entrée est très populaire, 2 dollars pour n’importe quel spectacle.
Le Panorama n’a pas un objectif unique. Roberto Pereira (chercheur dans le domaine de la
danse qui partage avec moi le poste de commissaire depuis 1998) est d’accord avec moi
quant aux multiples fonctions qu’a le festival : faire connaître des créateurs brésiliens,
créer un espace de circulation d’idées, un système nerveux irradiant et produisant le débat,
favoriser la communication et l’information. Bref, un terrain qui soit fertile pour que ces
mouvements aient lieu. En vérité, ce festival n’a pu survivre qu’en raison des partenariats
qui se sont établis : avec les artistes, avec les institutions qui y investissent, avec des
personnes en particulier nous apportant leur appui chaque année, avec la presse qui nous
fournit beaucoup d’espace. Le Panorama est un festival qui s’est construit autour d’une
union très forte de désirs et de forces. Je crois que le mot « mission » traduit bien ce que je
ressens étant à la tête de ce projet. Les conditions de travail, étant donné le budget très
réduit, ne sont pas idéales, mais quand je vois les spectacles et les séminaires bondés, je
pense que ça vaut la peine. L’équipe chargée de la production est extraordinaire.
Maintenant que nous en sommes à la 10ème édition du Panorama, je pense qu’il serait
intéressant de trouver de nouvelles modalités, de travailler en coproduction et avec des
residenciais [ ?].

Vous avez exploré la culture populaire à travers la vie de Mario Andrade
(quot;Foliaquot; (1996), vous avez également dirigé en 1998 une performance sur
l’œuvre de l’artiste brésilien Lygia Clark, quels sont les artistes qui
pourraient actuellement influencer ou servir votre travail, nourrir votre
réflexion ?
 Je pense que mon travail a l’influence non seulement d’artistes visuels comme Lygia
Clark mais également d’écrivains, de musiciens, de chorégraphes, de directeurs de théâtre.
Sans doute le fait pour moi d’avoir travaillé avec Maguy Marin a été décisif. C’est une
personne que j’admire et que je respecte profondément dans son travail et dans ses prises
de position.
Une multitude de choses et de personnes m’inspirent et me font réfléchir : les voyages que
je fais à l’intérieur du Brésil et vers d’autres pays, les spectacles auxquels j’assiste, des
lectures (je suis une grande lectrice de journaux), des connaissances que je fais, mes 3
enfants, les interprètes avec qui je travaille en étroite collaboration. Depuis 4 ans, je fais
partie d’un groupe d’études sur la danse à Rio de Janeiro et nous étudions Dawkins,
Damásio, Dennet, entre autres. C’est une expérience de réfléxion fondamentale dans mon
travail. Je me sens dans un processus permanent et constant de contamination et
d’apprentissage.

Vous êtes la représentante du Réseau de Promoteurs Culturels de l’Amérique
latine et des Caraïbes pour Rio de Janeiro. Pouvez-vous nous expliquer
comment fonctionne ce réseau et quels sont vos principales missions ?

Le RED est une organisation à but non lucratif qui comporte actuellement 25 noyaux en 21
pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, ainsi que des membres associés internationaux.
Son rôle est de promouvoir l’intégration de ces pays à travers différentes formes d’art.
L’un de ses principes est de respecter la diversité culturelle. Ses objectifs et ses actions
sont : faciliter et subventionner la circulation des créations artistiques, stimuler et diffuser
la création de langages artistiques et la réalisation de rencontres multidisciplinaires en vue
de dynamiser l’interaction géographique et culturelle, la coproduction de rencontres et de
spectacles, faire circuler l’information au sujet des rencontres, des présentateurs, des
artistes, des festivals.
Cela ressemble un peu au réseau européen IETM dont je fais partie également, mais le
RED a ses spécificités.
En tant que représentante du noyau de Rio de Janeiro, depuis 1 an, je tâche de promouvoir
un rapprochement avec les autres pays d’Amérique Latine. D’une façon générale, en
Amérique Latine, nous sommes très isolés. Mais d’un pays à l’autre les problèmes se
ressemblent.


Généralement, parlez-nous de votre engagement politique et social.

Je pense que toute action est, en principe, une action politique. Je n’appartiens à aucun
parti en particulier. J’ai de sérieuses critiques à l’égard des politiques professionnels. La
corruption est très grande, ici, il y a peu d’exceptions.
On n’a pas besoin d’appartenir à un parti politique pour mener des actions concrètes. Je
fais partie jusqu’à ce jour d’une ONG (« Amigas do Peito ») qui encourage l’allaitement
maternel. L’allaitement est un droit de l’enfant et de la mère. Cela paraît une évidence
mais ça ne l’est pas. Surtout dans un pays comme le Brésil où le taux de mortalité infantile
est très élevé, l’allaitement est très important. J’ai travaillé auprès de groupes de mères
dans des favelas, des hôpitaux publics et jusqu’à présent, j’oriente des jeunes mères qui
prennent contact avec moi.
L’année dernière j’ai coordonné également un festival d’art et d’action sociale, sous l’égide
d’une Banque (BNDES) où nous avons montré des projets de danse réunissant des enfants
et des adolescents en situation de risque social.
Ces actions, parallèlement au Panorama, seraient, disons, les actions les plus visibles et
concrètes.
Mais je crois également que l’acte de créer est, en lui-même, révolutionnaire, libertaire et
faire de l’art, au Brésil, actuellement, est un processus continu d’affirmation,
d’investissement et de résistance.
Je conçois l’art comme un instrument de connaissance, et la connaissance est le premier
pas qui conduit au changement. Je conçois la culture comme génératrice de dignité et de
citoyenneté.
Je crois que l’histoire d’une nation se construit au jour le jour, par chacun de nous et
chacun de nous en est responsable.
Je veux garder en moi toujours vivante la capacité de m’étonner, de m’indigner, d’agir, de
m’informer. Plus il y a d’information moins il y a de préjugés. Je crois encore à la
possibilité d’un monde où nous puissions être joyeux, amoureux, inventifs, tout en
maintenant le sens de la justice et de la solidarité entre les humains.

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Clipping03

  • 1. Avec quot;Ce dont nous sommes faitsquot;, vous vous interrogez sur la signification du mot quot;découvrirquot; et sur le diktat de la beauté ? Pouvez-vous nous raconter comment vous est venue l’idée de cette création ? « Ce dont nous sommes faits » a été créé au long de deux années, 1999 et 2000, période marquée par les commémorations des 500 ans de la découverte du Brésil. Nous ne concevions pas cette date comme une commémoration proprement dite étant donné que l’histoire de ce qu’on appelle le Brésil a commencé avec l’un des grands génocides de l’histoire : la décimation de la population et de la culture indigènes. Ainsi l’un des points de départ a été de ‘découvrir’ et de travailler des questions qui nous intéressaient : questions concernant la citoyenneté, l’histoire, la mémoire, concernant ce que veut dire actuellement faire de l’art dans un pays comme le Brésil, questions évaluant à quel point nous sommes contaminés par le diktat d’une certaine conception de beauté, d’art contemporain, interrogeant comment l’art peut servir à penser le monde et comment son mode de pensée peut aider le monde, et également des questions esthétiques, au sujet de formes inusitées que le corps peut produire, ainsi que de formes différentes d’utilisation de l’espace scénique. Dans quot;Ce dont nous sommes faitsquot;, vous évoquez la question de la découverte de l’autre, de ses convictions, de la place qu’occupe le corps dans notre société. Que souhaitez-vous que les spectateurs retiennent plus particulièrement de ce spectacle ? Quels sont les interrogations principales sur ce sujet qui demeurent pour vous en suspens ? Je n’ai pas de souhait spécifique sur quelque chose que j’aimerais que les spectateurs retiennent de ce spectacle. Nous présentons un menu. Le choix est libre. Le fait que le spectateur soit là partageant le même espace avec les danseurs, dans une situation de proximité, qu’il soit exposé à un élargissement du temps, à travers des mouvements parfois d’une extrême lenteur, cela produit un regard différent, presque ‘épidermique’. En fait le spectateur est le coauteur de ce travail dans la mesure où il peut coller le signifié qui lui convient dans les formes corporelles et dans les slogans ou lieux communs qu’il entend. Je pense que le plus intéressant est de ne pas offrir des réponses mais de promouvoir la réflexion, l’inquiétude. En publiant lors de représentation du spectacle quot;Ce dont nous sommes faitsquot; le budget annuel de la compagnie sur le programme, avez-vous souhaitez mettre en évidence la question du prix de l’art et du prix de l’artiste? Le prix de l’art et de l’artiste est directement lié au choix du modèle économique et social proposé par le gouvernement. Ainsi dans un pays comme le Brésil où les deux tiers de la population (environ 111 millions de personnes) vivent avec un revenu mensuel per capita inférieur à deux salaires minimum ( le SMIG au Brésil équivaut à environ 80 dollars), on peut imaginer la valeur attribuée aux artistes et à leurs projets. A Rio nous avons donné le spectacle avec le prix de l’entrée fixé à 1 dollar et c’était impressionnant de constater le public dans la salle, qui était le plus varié, comprenant des personnes de la classe pauvre qui d’habitude ne fréquentent pas les théâtres. Nous sommes restés 3 mois en représentation. Ayant reçu une subvention de la ville de Rio de Janeiro,
  • 2. nous avons pensé qu’il était souhaitable de présenter un rapport concernant l’utilisation de ces fonds publics. quot;Ce dont nous sommes faitsquot; est une création considérée par la critique comme l’une des productions brésiliennes d’avant-garde les plus réussies. Comment expliquez-vous ce commentaire ? Il est difficile pour moi d’expliquer ce commentaire car le regard que les personnes ont de l’extérieur est complètement différent de celui que j’ai moi-même de mon travail. En vérité « Ce dont nous sommes faits » intègre tout un parcours, qui ne commence pas et ne finit avec cette création, mais qui est connecté aux autres projets que j’ai créés et à ceux que je pense encore créer. Peut-être avons nous réussi à parler de certaines choses auxquelles certaines personnes ont pu s’identifier. Mais il y en a d’autres qui ne se sont pas du tout identifiées. Je pense qu’il est bien que ce soit comme ça, sans un consensus. Pensez-vous que le Brésil soit encore un pays très isolé culturellement ? Beaucoup de compagnies attendent-elles une ouverture vers l’Europe et irions-nous vers un courant irréversible ? Je commencerais par une question : isolé par rapport à qui ou à quoi ? Au Brésil il n’existe pas de marché interne qui puisse garantir la subsistance de compagnies de théâtre et de danse. Nous sommes un pays aux dimensions continentales où il n’est pas toujours facile de se déplacer et de circuler. Dans ce sens il existe des projets en cours et d’autres en phase d’implantation. Mais il faut beaucoup d’investissements pour garantir la dissémination du produit culturel. Je pense que l’isolement culturel existe à l’intérieur même de notre pays et plutôt en fonction de ces problèmes-là, malgré le fait que l’accès à la culture soit un droit constitutionnel. Par ailleurs il est intéressant de penser également que l’isolement culturel puisse exister par rapport à l’Europe en raison du manque d’information concernant ce qui se produit ici. Il existe au Brésil actuellement une production très vigoureuse et consistante en matière d’art contemporain, mais qui n’est pas toujours reconnu en tant que telle. Je ne saurais dire que les compagnies attendent une ouverture vers l’Europe. Je pense qu’il est beaucoup question de fonctionnement en réseaux, d’Internet, etc. mais j’estime qu’on en est très loin, d’une façon générale. Je vois une tendance chaque fois plus grande à la formation de réserves de marché : protection du produit interne. Il suffit d’observer les grands conflits autour des marques territoriales qui ont lieu à travers le monde. Des frontières qui se ferment. Aussi bien les frontières géographiques que celles de l’échange culturelle. Je crois encore que l’art peut être une arme puissante contre cet isolement. Mais il faut en avoir le désir, il faut être ouvert aux différences. La diversité, à mon avis, est merveilleuse. Vous critiquez vigoureusement la situation de l’artiste au Brésil. Expliquez- nous… Comme je l’ai dit nous vivons dans un pays qui a de graves problèmes sociaux et économiques et la situation de l’artiste en est un reflet. Le modèle néo-libéral choisi par le gouvernement suscite une désorganisation politique de la population et suscite une carence quant aux programmes culturels. Le « Movimento Arte contra a Barbárie » [« Mouvement Art contre la Barbarie »] qui réunit des artistes et des producteurs culturels a une vision très éclairante là-dessus :
  • 3. « L’actuelle politique officielle du gouvernement fédéral qui transfert la responsabilité de l’appui à la création culturelle vers l’initiative privée, masque l’omission qui transforme les services publics en de simples médiateurs dans les affaires. La quantité apparente d’événements fait supposer une effervescence, mais en vérité elle cache la misère des investissements culturels à long terme qui, eux, viseraient la qualité de la production artistique. » À Rio nous vivons une situation particulière car depuis 8 ans la Municipalité de Rio de Janeiro développe une politique continue favorisant la danse, des projets spécifiques conduisant à des résultats palpables. Cette année, le Gouvernement de l’État de Rio [parallèlement à la Municipalité de la ville de Rio] a mis en place un projet pour la danse. Quelques organismes non rattachés au gouvernement ont aussi un rôle important tels le Serviço Social do Comércio [Service Social du Commerce] – SESC, la Banque Itaú, parmi d’autres. Pourquoi avoir crée le Panorama Rio Arte de Dança ? Quels sont vos objectifs et missions en tant que fondatrice et directrice artistique ? Comment travaillez-vous ? Quels sont les prochains artistes que vous souhaiteriez voir évoluer au sein de ce festival ? Le Festival Panorama RioArte de Dança résulte d’une invitation qui m’a été faite en 1992 par la RioArte, organe lié au Secrétariat à la Culture de la ville de Rio de Janeiro, afin d’organiser une série de présentations de danse. Ce festival a commencé à une époque où il n’y avait que peu de créations venant de quelques chorégraphes et de compagnies de danse contemporaine à Rio, mais pas encore d’espace pour présenter les spectacles et le Festival a servi à regrouper toutes ces personnes. Cela a été une si grande réussite que les éditions se sont succédées et que le budget, pratiquement nul au départ, s’est accru. Actuellement le festival dispose d’un budget d’à peu près 125.000 dollars, il dure 12 jours, occupant deux théâtres parmi les plus importants de la ville, sans compter l’appui de partenaires étrangers. Et l’une des choses les plus importantes : le prix de l’entrée est très populaire, 2 dollars pour n’importe quel spectacle. Le Panorama n’a pas un objectif unique. Roberto Pereira (chercheur dans le domaine de la danse qui partage avec moi le poste de commissaire depuis 1998) est d’accord avec moi quant aux multiples fonctions qu’a le festival : faire connaître des créateurs brésiliens, créer un espace de circulation d’idées, un système nerveux irradiant et produisant le débat, favoriser la communication et l’information. Bref, un terrain qui soit fertile pour que ces mouvements aient lieu. En vérité, ce festival n’a pu survivre qu’en raison des partenariats qui se sont établis : avec les artistes, avec les institutions qui y investissent, avec des personnes en particulier nous apportant leur appui chaque année, avec la presse qui nous fournit beaucoup d’espace. Le Panorama est un festival qui s’est construit autour d’une union très forte de désirs et de forces. Je crois que le mot « mission » traduit bien ce que je ressens étant à la tête de ce projet. Les conditions de travail, étant donné le budget très réduit, ne sont pas idéales, mais quand je vois les spectacles et les séminaires bondés, je pense que ça vaut la peine. L’équipe chargée de la production est extraordinaire. Maintenant que nous en sommes à la 10ème édition du Panorama, je pense qu’il serait intéressant de trouver de nouvelles modalités, de travailler en coproduction et avec des residenciais [ ?]. Vous avez exploré la culture populaire à travers la vie de Mario Andrade (quot;Foliaquot; (1996), vous avez également dirigé en 1998 une performance sur
  • 4. l’œuvre de l’artiste brésilien Lygia Clark, quels sont les artistes qui pourraient actuellement influencer ou servir votre travail, nourrir votre réflexion ? Je pense que mon travail a l’influence non seulement d’artistes visuels comme Lygia Clark mais également d’écrivains, de musiciens, de chorégraphes, de directeurs de théâtre. Sans doute le fait pour moi d’avoir travaillé avec Maguy Marin a été décisif. C’est une personne que j’admire et que je respecte profondément dans son travail et dans ses prises de position. Une multitude de choses et de personnes m’inspirent et me font réfléchir : les voyages que je fais à l’intérieur du Brésil et vers d’autres pays, les spectacles auxquels j’assiste, des lectures (je suis une grande lectrice de journaux), des connaissances que je fais, mes 3 enfants, les interprètes avec qui je travaille en étroite collaboration. Depuis 4 ans, je fais partie d’un groupe d’études sur la danse à Rio de Janeiro et nous étudions Dawkins, Damásio, Dennet, entre autres. C’est une expérience de réfléxion fondamentale dans mon travail. Je me sens dans un processus permanent et constant de contamination et d’apprentissage. Vous êtes la représentante du Réseau de Promoteurs Culturels de l’Amérique latine et des Caraïbes pour Rio de Janeiro. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne ce réseau et quels sont vos principales missions ? Le RED est une organisation à but non lucratif qui comporte actuellement 25 noyaux en 21 pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, ainsi que des membres associés internationaux. Son rôle est de promouvoir l’intégration de ces pays à travers différentes formes d’art. L’un de ses principes est de respecter la diversité culturelle. Ses objectifs et ses actions sont : faciliter et subventionner la circulation des créations artistiques, stimuler et diffuser la création de langages artistiques et la réalisation de rencontres multidisciplinaires en vue de dynamiser l’interaction géographique et culturelle, la coproduction de rencontres et de spectacles, faire circuler l’information au sujet des rencontres, des présentateurs, des artistes, des festivals. Cela ressemble un peu au réseau européen IETM dont je fais partie également, mais le RED a ses spécificités. En tant que représentante du noyau de Rio de Janeiro, depuis 1 an, je tâche de promouvoir un rapprochement avec les autres pays d’Amérique Latine. D’une façon générale, en Amérique Latine, nous sommes très isolés. Mais d’un pays à l’autre les problèmes se ressemblent. Généralement, parlez-nous de votre engagement politique et social. Je pense que toute action est, en principe, une action politique. Je n’appartiens à aucun parti en particulier. J’ai de sérieuses critiques à l’égard des politiques professionnels. La corruption est très grande, ici, il y a peu d’exceptions. On n’a pas besoin d’appartenir à un parti politique pour mener des actions concrètes. Je fais partie jusqu’à ce jour d’une ONG (« Amigas do Peito ») qui encourage l’allaitement maternel. L’allaitement est un droit de l’enfant et de la mère. Cela paraît une évidence mais ça ne l’est pas. Surtout dans un pays comme le Brésil où le taux de mortalité infantile est très élevé, l’allaitement est très important. J’ai travaillé auprès de groupes de mères
  • 5. dans des favelas, des hôpitaux publics et jusqu’à présent, j’oriente des jeunes mères qui prennent contact avec moi. L’année dernière j’ai coordonné également un festival d’art et d’action sociale, sous l’égide d’une Banque (BNDES) où nous avons montré des projets de danse réunissant des enfants et des adolescents en situation de risque social. Ces actions, parallèlement au Panorama, seraient, disons, les actions les plus visibles et concrètes. Mais je crois également que l’acte de créer est, en lui-même, révolutionnaire, libertaire et faire de l’art, au Brésil, actuellement, est un processus continu d’affirmation, d’investissement et de résistance. Je conçois l’art comme un instrument de connaissance, et la connaissance est le premier pas qui conduit au changement. Je conçois la culture comme génératrice de dignité et de citoyenneté. Je crois que l’histoire d’une nation se construit au jour le jour, par chacun de nous et chacun de nous en est responsable. Je veux garder en moi toujours vivante la capacité de m’étonner, de m’indigner, d’agir, de m’informer. Plus il y a d’information moins il y a de préjugés. Je crois encore à la possibilité d’un monde où nous puissions être joyeux, amoureux, inventifs, tout en maintenant le sens de la justice et de la solidarité entre les humains.