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CULTURE
SPORT
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Vladimir Delva :
un arlequin
des temps modernes
par Dangelo Néard
Haïti perd cinq
places au classement
Mondial
par Gérald Bordes
Évans Paul soumis
au devoir de réserve
HAÏTI / ÉLECTIONS
Les législatives en chiffrepar NoclÈs DebrÉus
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 NUMÉRO 56
WWW.LENATIONAL.HT
QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI
ACTUALITÉ
HAÏTI / PRÉSIDENCE / PROPOS GRIVOIS
Le Premier ministre Évans Paul. / Photo : J. J. Augustin
À moins de deux jours du 9 août, le Conseil électoral provisoire (CEP) met les dernières
touches pour s’assurer du bon déroulement de cette journée électorale. Pour ce jeudi
6 août 2015, les matériels sensibles (bulletins de vote et procès-verbaux) sont en
train d’être distribués dans les différents centres de vote, selon ce qu’a fait savoir, le
directeur exécutif de l’organisme électoral, maître Mosler Georges, lors d’un entretien
accordé au Journal sur les dernières dispositions adoptées.
T
ous les 5,8 millions d’électeurs
inscrits dans le registre
électoral sont conviés aux
urnes le dimanche 9 août
prochain. Pour ces élections, c’est un
peu plus de 12 millions de bulletins
de vote qui seront distribués dans les
13 525 bureaux de vote répartis dans
les 1 508 centres de vote, selon les
dernières informations communiquées
le jeudi 6 août 2015 par le directeur
exécutif du CEP, Mosler Georges. Pour
Chaque bureau, tout le personnel est
disponible, a informé, maître Georges.
Les séances de formation pour les
superviseurs, les agents de sécurité
électorale, les opérateurs de saisie du
centre de tabulation et les membres
des bureaux de vote (MBV) sont
terminées, dit-il, avant de reprendre
quelques chiffres sur le personnel
mobilisé dans ces joutes.
Attention, les
rapatriements
continuent !
par Lionel Edouard
2 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
TRIBUNE
J
’appelle « syndrome du candi-
dat déjà gagnant » un problème
retrouvé chez certains candi-
dats qui tendent à apprécier
leur victoire conformément à ce
qu’ils souhaitent croire, même si la
réalité dit autrement. C’est une situ-
ation illusoire qui se manifeste par
l’exagération. Quelqu’un qui souffre
du syndrome du candidat déjà gag-
nant croit qu’il n’a d’égal compétit-
eur que lui-même. Les compétitions
électorales ne sont pour lui qu’une
simple formalité qui consacrera sa
victoire tant il est aimé, populaire
et compétent. Tous les autres com-
pétiteurs sont des bons à rien. Il vit
constamment dans la paranoïa et la
mégalomanie. Il n’existe de réalité que
la sienne.
Tout sondage qui le met en situation
défavorable est non scientifique,
alors que n’importe quel faux sond-
age, fort souvent fabriqué par ses sup-
porteurs, le déclarant vainqueur est
acclamé par sa fanfare tonitruante.
Et quand finalement les résultats
définitifs de l’organe électoral proc-
lament sa cuisante défaite, il soutient
la théorie du complot. On en veut à
son modernisme, sa compétence, son
dynamisme et son honnêteté. Tout le
monde est contre lui. Quand ce n’est
pas une conspiration ourdie par ses
opposants qui explique son échec,
c’est le peuple qui n’est pas digne
de la grandeur de sa candidature. Ce
n’est pas son temps. Il est en avance
sur son temps. Pour le temps présent,
il n’attire que l’incompréhension d’un
peuple trop rétrograde et ignorant.
Tels sont, entres autres, les signes
symptomatiques du syndrome du
candidat déjà gagnant.
Très souvent, ce délire ne se mani-
feste pas uniquement chez le candi-
dat. Ça prend souvent la forme d’une
démence collective, en ce sens que le
cercle intime du candidat, sa famille
et ses amis, est aussi convaincu d’une
victoire inéluctable, nonobstant la
tangibilité des faits qui exposent une
réalité tout à fait contraire. Cepen-
dant, loyauté familiale et amicale
oblige, certains mettent la main à
la pâte sans pourtant avoir souffert
d’un quelconque syndrome. Cela dit,
les candidats qui souffrent du syn-
drome du candidat déjà gagnant ne
sont étrangers à personne. Ils sont
dans nos circonscriptions, ils sont
dans nos départements.
En outre, le syndrome du candidat
déjà gagnant n’est pas difficile à
identifier. Ces derniers jours, ils sont
quotidiennement dans les débats de
radio et télévision. Ce mercredi 5
août, Valery Numa, dans la rubrique
« Invité du jour », une émission très
écoutée, réalisait un beau débat met-
tant face à face deux jeunes candidats
très compétents, originaires de Port-
de-Paix. Quand le journaliste deman-
da à chacun d’eux de se position-
ner, en toute honnêteté, en termes
d’intentions de vote, sans aucune
hésitation, chacun s’est autoclassé
en première position. Cette question
a vite déclenché une petite bagarre
entre ces deux compétiteurs qui se
respectent, dirent-ils, mutuellement.
Cependant, quand le journaliste leur
fit savoir qu’aucun d’entre eux n’est
en première position dans le sondage
réalisé par le Bureau de recherche en
informatique et en développement
économique et social (Brides), ils
firent entendre un concert de rires
– jaunes, peut-être – pour blâmer
l’incongruité des résultats. En pas-
sant, je dois admettre, en fait, que
pour la députation, les résultats de ce
sondage laissent beaucoup à désirer.
Avec une marge d’erreur de plus
de 10 %, la réalité est difficilement
reflétée. Et le Brides ne cache pas sa
réserve en nous informant que « les
résultats au niveau de la circonscrip-
tion électorale pour les candidats à la
députation doivent être utilisés avec
beaucoup de précaution » (p. 3-4).
De toute façon, quand seulement 100
personnes par circonscription élec-
torale sont sondées, avec « une seule
indication » (p. 3), il ne saurait en
être autrement. Cela, de toute façon,
ne constitue pas une échappatoire
pour les candidats souffrant du syn-
drome du candidat déjà gagnant, car
même au cas où les résultats auraient
reflété la réalité, ils ne seraient pas
moins récalcitrants.
Cependant, il faut souligner que toute
manifestation d’irréalisme n’est pas
symptomatique du syndrome du can-
didat déjà gagnant. Un candidat, bien
imbu de son impopularité, peut choi-
sir d’exhiber une extrême confiance et
certitude dans sa victoire comme une
stratégie afin de manipuler l’opinion.
Si, par accident, il est élu, tant mieux,
mais être élu n’a jamais été l’objectif
initial. Les compétions électorales
ne seraient pour lui qu’un expédient,
un but pour atteindre une fin non
avouée. Une opération effectuée par
la ruse, la déception et la duperie.
Le sociologue Erving Goffman aurait
qualifié pareil candidat de cynique.
Dans son livre « The presentation of
self in everyday life », Goffman (1959)
utilise une métaphore dramaturgique
pour nous exposer le monde social
comme un théâtre où chacun cherche
constamment à influencer la percep-
tion de l’autre dans les interactions
quotidiennes. Nous sommes donc de
véritables acteurs qui performent en
vue de projeter la meilleure présen-
tation de soi à l’autre. Cependant, il
distingue deux sortes d’acteurs : l’un
qui, en performant sa mise en scène,
n’arrive pas à se dissocier de l’acte ;
il peut, sincèrement, finir par croire
à sa propre réalité illusoire. L’autre,
de son côté, n’a aucun intérêt dans
l’acte et n’y croit certainement pas,
mais tient à ce que l’audience accepte
la mise en scène comme une réalité.
C’est ce second groupe que le Dr Goff-
man identifie comme des cyniques.
Entre celui qui souffre du syndrome
du candidat déjà gagnant et le
cynique, il y a le réaliste qui évalue
toujours ses forces et ses faiblesses
en fonction des contingences et des
vicissitudes. Il est confiant, mais
humble. Cependant, rares sont-ils,
car la majorité des candidats, mal-
heureusement, souffre du syndrome
du candidat déjà gagnant. En fait,
aussi hilarant que cela puisse paraî-
tre, il est important de réfléchir aux
conséquences d’une telle anomalie
dans la mesure où je peux difficile-
ment concevoir un job qui requiert
autant de lucidité et de clairvoyance
que celui qui consiste à représenter
tout un peuple soit à la magistrature
suprême de l’État, soit au Parlement.
Ainsi donc, on doit s’attendre à ce
que quiconque aspirant à de telles
positions manifeste en tout temps
une capacité de discernement qui
reflète un sens d’équilibre. Et dans
notre cas (nous y assistons tous avec
consternation), quand la nation est
gouvernée par des délirants et des
illusionnés, le résultat n’est autre
qu’une débâcle morale, sociale et
économique. Suivez mon regard !
Le syndrome du candidat déjà gagnantPar Claude Joseph
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
56 | 3
ACTUALITÉ
Elections... J-1
On est dans la dernière ligne droite. Le Conseil électoral provisoire revoit ses devoirs,
vérifiequetoutestenplace,qu’aucuneerreurn’aétécommise.Onpeutêtreconscient
decertaineslacunes,decertainesfaiblesses,l’essentielc’estd’obtenirlanotedepas-
sage.Unenotequidépendaussidel’attitudedesélecteurs,descandidatsetdeleurs
partisans.
Lesorganisationsdedéfensedesdroitshumains,enparticulierleRéseaunationalde
défensedesdroitshumains(RNDDH)danssondernierrapportpubliélejeudi5août
dernier,tirentlasonnetted’alarme.Lacampagneélectoraleaétéponctuéedeviolences
oùsontsouventimpliqués,celan’étonnepasdanslatraditionhaïtienne,lescandidats
prochesdupouvoirenplace.
Les campagnes électorales suscitent partout des passions, et plus le tissu social est
déchiré,enlambeaux,pluslescasdeviolencesemultiplient.Mêmeauniveaufamilial
onpeutconstaterdesheurtsquipeuventlaisserdestraces.Onestàpeineétonnédelire
àlapage6durapportduRNDDH:«Le29juillet2015.Dansl’après-midi,àSaintLouis
duSud,localitéZangle,lecandidatàladéputationsouslabannièredePHTK,Gandhi
Dorfeuilles, accompagné deses partisans, agressephysiquementsonfrèreChrisma
Dorfeuiles,luiaussicandidatàladéputationsouslabannièreduRéseauBouclier.»
Ilestàcraindre,danscertaineslocalitésoùdescitoyenssesontconstruitdespositionsde
caciquegrâceàleursrapportsprivilégiésaveclespouvoirsenplace-quandlapopula-
tionfatiguéedesagissementsdecespersonnesmenacedefaireunautrechoix-des
risquesdedérapagesilapoliceetlajusticenefontpaspreuved’impartialitéettrouvent
desprétextespournepasagir.
LeConseilélectoralprovisoire,leConseilsupérieurdelamagistratureetlegouverne-
mentontcrubon,encoreunefoisàcettephasecruciale,derappeleràtouslesagents
dusystèmejudiciairel’obligationquileurestfaited’observerunetotaleneutralitéen
toutecirconstance.
Danslapratique,ceseradifficile.ÊtreaupouvoirenHaïtisignifiebeaucoupdechoses.
Lesconnivencesfamiliales,sociales,économiques,religieusesmême,liéesàlaprécarité,
créentunétatdesuspicionpermanent,unetensioncapablededéboucheràn’importe
quelmomentsurdesaffrontementspouvantcauserénormémentdetortsauprocessus
électoral.
Seuleslapaixetlatransparenceàtouteslesétapesduprocessussontenmesured’éviter
que les contestations, inévitables, ne se transforment en des tonnes de différends
ingérablesetquiviendrontencorepluspourrirl’atmosphèrepolitique.
À une journée des élections législatives, la majorité des électeurs semblent toujours
trèspeuconcernésparlaquestion.Iln’yapaseudedébatsd’idéesmalheureusement.
L’évènementnesembleintéresserqueceuxquijugentavoirunintérêtprécisdansla
victoire d’un candidat. Le National espère que dans les prochaines heures, dans un
sursautpatriotique,lesélecteurs,engrandnombre,serendrontauxurnespourtenter
deconstituerunemassecritiquededéputésetdesénateurscapablesdepermettreau
Parlementdetenirlerôlequiestlesien.
Gary VICTOR
Édito
Les législatives
en chiffrepar Noclès Débréus
HAÏTI/ÉLECTIONS
Hormis le personnel des Bureaux
électoraux départementaux (BED)
et celui des Bureaux électoraux
communaux (BEC), le CEP a
mobilisé un personnel vacataire
appelé à servir le jour vote. Ainsi,
les superviseurs électoraux et les
superviseurs généraux sont plus de
4 000, les membres des bureaux
de vote sont estimés à 41 175
personnes tandis que les agents
de sécurité électorale se chiffrent
à 5 256, et le personnel du Centre
de tabulation est évalué à plus
d’un millier. Tout le personnel en
question a déjà reçu les formations
nécessaires et attendent le jour « J
» pour pouvoir se mettre à l’œuvre.
Dans la foulée, Mosler Georges a
aussi annoncé que le CEP est en
train de distribuer les accréditations
pour les mandataires aux partis
politiques. Cette catégorie de
personnes joue un rôle capital,
car elle représente le candidat
ou le parti au bureau de vote.
Quant à l’observation électorale,
les organisations ayant formulé
la demande au CEP commencent
déjà à recevoir les accréditations, a
informé de son côté Lucien Hébert,
responsable de l’observation au
sein de l’institution électorale.
Pour ces élections, elles sont
nombreuses les organisations ayant
manifesté leur volonté de participer
à l’observation de ces joutes. Pas
moins de 70 organisations et/ou
institutions, dont une vingtaine
d’organisations étrangères, ont
fait la demande au CEP, a expliqué
Monsieur Hébert qui dit prévoir au
moins 30 mille observateurs pour
le jour du vote en tenant compte de
la quantité de demandes reçues. À
côté des organisations nationales,
comme le Conseil national
d’observation électorale (CNO), le
RNDDH, IMED, POHDH, plusieurs
organismes internationaux tels que
l’Organisation des États Américains
(OEA), l’Union européenne, sans
compter les ambassades des États
Unis, du Canada de la Suisse et
autres sont intéressées à observer
ces élections.
Interrogé sur les violences
électorales qui créent une grande
frayeur chez les électeurs, maître
Mosler Georges renvoie la balle
dans le camp de la Police et de
la Justice. Les 5 000 agents de
sécurité électorale (ASE) sont
appelés à être utilisés dans les
centres de vote, dit-il. Dans le
cadre de ces élections, poursuit-il,
la Police a déjà présenté un plan
de sécurité au CEP. Durant le jour
du vote, la PNH entend déployer
un important dispositif de sécurité
avec 9 600 agents de l’ordre qui
seront mobilisés et éparpillés à
travers le pays dès ce jeudi 6 août.
À ce sujet, le gouvernement de
son côté semble avoir joué sa
partition en dégageant un budget
de 6 millions de dollars au profit
de la Police nationale d’Haïti, si
l’on se fie aux propos du ministre
chargé de la Question électorale,
Jean Fritz Jean Louis. Pas moins
de 150 véhicules flambants neufs
ont été achetés pour la PNH qui a
la lourde responsabilité d’assurer
la sécurité de la population, en
particulier celle des électeurs et
des candidats le jour du vote, a
expliqué le Ministre. Il annonce par
ailleurs, un support particulier aux
candidats féminins en mettant à la
disposition de chaque candidate au
Sénat, conformément à la demande
du chef du gouvernement, Évans
Paul, un agent de la PNH.
Des opérations électorales à la
sécurité électorale, en passant par la
logistiqueetl’observationélectorale,
les autorités gouvernementales,
électorales, judiciaires et policières
se disent prêtes pour le 9 août. Et
personne n’est en mesure de dire
le contraire, malgré des doutes
persistants chez certains acteurs de
la classe politique et de la société
civile. Le jour « J » arrive dans 48
heures. Les autorités et Le CEP sont
donc attendus au tournant.
» suite de la première page
Mosler Georges, directeur exécutif du CEP. / Photo : J. J. Augustin
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JEAN JACQUES AUGUSTIN, RUBEN CHÉRY
CORRECTEURS :
JEAN ERIC FOUCHÉ, FRANTZ CLERGÉ,
JACKSON JOSEPH
GRAPHISTE : JUNIOR ADME
CARICATURISTE : FRANCISCO SILVA
DISTRIBUTION : PIERRE PAUL EMMANUEL
ADMINISTRATION : RACHELLE COMPÈRE
•••••••••••••
IMPRIMÉ EN HAÏTI PAR
LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A
C
es mesures seront effectives
dès le samedi 8 à partir de
six heures de l’après-midi,
jusqu’au lundi 10 août
2015, à minuit, si l’on en croit les
propos du porte-parole de la PNH,
Frantz Lerebours. Ces dispositions
traditionnelles, rappelle-t-il,
participent de la mission de la PNH
d’assurer la sécurité de la population.
« Même lorsqu’un citoyen est
détenteur d’un permis de port d’arme,
il ne pourra pas circuler avec durant
cette période », a-t-il poursuivi. Il a
en outre indiqué que les compagnies
de sécurité, elles-mêmes, ne pourront
pas non plus effectuer la relève
comme elles avaient l’habitude de le
faire auparavant. Ainsi, elles seront
obligées de le faire sur leurs lieux de
travail.
Selon Frantz Lerebours, il en sera
de même pour la circulation des
motocyclettes et des automobiles.
Motards et automobilistes,
informe-t-il, se verront refuser
l’accès aux artères conduisant
dans les parages des centres
de vote à environ 300 mètres,
notamment les Bureaux électoraux
départementaux (BED) et les
Bureaux électoraux communaux
(BEC). Ces dispositions générales,
souligne M. Lerebours, peuvent
subir des modifications en ce
qui concerne des officiels tels,
des membres de la presse, des
observateurs du déroulement du
scrutin. Néanmoins, cela ne sera
rendu possible qu’à l’aide d’une
autorisation (dûment signée).
Une circulation au rabais
La circulation sera difficile au
cours du déroulement de ce
scrutin, compte tenu de ces
mesures restrictives. Mais les
autorités semblent ne pas s’en
préoccuper.. Pour le commissaire,
il s’agit de décisions qui ont
été prises de concert avec les
membres du Conseil électoral
provisoire (CEP). S’il faut les
revoir, la Direction générale de la
Police s’évertuera à en informer la
population, souligne M. Lerebours.
En ce qui a trait aux contrevenants
à ces mesures, prévient le porte-
parole de la PNH, ils seront
interpellés et dépouillés des
objets interdits trouvés en leur
possession. Ensuite, ils seront
remis à la Justice pour les suites
légales.
Des numéros pour mieux
communiquer
Quant à la sécurité du vote,
la Police mobilise toutes ses
ressources afin de contribuer à
la réussite de ces législatives.
À cet effet, Frantz Lerebours
a communiqué une liste de
numéros de téléphone qui doivent
permettre d’alerter les directions
départementales en cas de besoin
: l’Ouest : 3820-1111, le Sud :
3804-3333 ; le Nord-Ouest : 3805-
8888 ; le Sud-Est : 3805-7777 ; le
Centre : 3806-6666 ; l’Artibonite
: 3822-4444 ; le Nord-Est : 3805-
9999, les Nippes : 3805-1010 ; la
Grand-Anse : 3806-5555 ; le Nord
: 3806-2222.
Il a également communiqué
les coordonnées du Centre de
renseignements et d’opération de
l’institution (CRO) : 3838-1111,
et la Direction départementale de
l’Ouest de la Police : 3821-111.
Le commissaire a en outre indiqué
que les membres de la population
peuvent partager des informations
avec l’institution sur des faits
d’intérêt public via ses comptes
Facebook : « policenationaledhaiti-
PNH» et Twitter « pnhofficiel ».
Quid du déploiement des
troupes ?
Après l’annonce de leur plan
spécial, les autorités policières
informent qu’elles vont augmenter
leur effectif à travers les différents
départements du pays. Une bonne
nouvelle pour les sceptiques
redoutant des actes de violence
lors des élections.
Au moment du déroulement du
processus électoral, le principe
de neutralité demeure le mot
d’ordre des agents de la PNH. Le
porte-parole a indiqué que près
de 9 621 agents, dont 7 126
officiers de l’institution seront
déployés dans les départements
du pays en vue de renforcer
l’effectif de ces policiers. Fauteurs
de trouble, attention ! Depuis la
publication du décret électoral
le 2 mars dernier, l’escalade des
scènes de violence préoccupe les
organisations de la société civile,
les candidats et les électeurs. Le
porte-parole adjoint de la PNH,
Garry Desrosiers, avait récemment
déclaré que les bandits n’auraient
pas de répit s’ils ne changeaient
pas de profession. Aujourd’hui,
Frantz Lerebours les appelle à la
raison et les invite à se détourner
de la voie de la violence, car la
police, promet-il, ne lésinera pas
sur les moyens pour sévir contre
eux.
Il a, par ailleurs, indiqué que dès
ce jeudi les directions départe-
mentales bénéficieront d’un ren-
forcement de leurs effectifs et
recevront des équipements néces-
saires en ce qui a trait au déroule-
ment de ce scrutin.
4 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
ACTUALITÉ
Le porte-parole de la PNH, Frantz Lerebours. / Photo : J. J. Augustin
La Police nationale
d'Haïti mobiliséepar Reynold Aris
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
La PNH annonce des mesures visant à contribuer au bon déroulement du scrutin du
9 août prochain. Interdiction du port d’arme, de la circulation des motocyclettes, la
vente des boissons alcoolisées ainsi que la fermeture des cabarets : telles sont, entre
autres, les mesures annoncées par le porte-parole de la Police nationale d’Haïti
(PNH), Frantz Lerebours, lors d’une conférence de presse donnée le jeudi 6 août
2015, dans les locaux du commissariat de Port-au-Prince au Champ de Mars.
«
Prezidan Martelly granmoun
», s’est exclamé le PM, invité
à réagir sur les ondes de Radio
Scoop FM, aux propos jugés
vulgaires lancés par le président
Martelly à l’endroit d’une dame
qui questionnait ses réalisations à
Miragoâne. Il croit que le Président
est maître de ses dires et est capable
de les assumer lui-même. « Je me
garde de faire des commentaires sur
quelque chose que je ne maîtrise
pas à 100 %», a ajouté le chef du
gouvernement, qui dit toutefois «
comprendre » la position de ceux qui
se sentent blessés par les diatribes
du président de la République. « S’il
y a des personnes qui se sentent
choquées, comme je suis un haut
responsable de l’État, je leur présente
des excuses », confesse le Premier
ministre visiblement mal à l’aise sur
la question.
Tantôt philosophe, tantôt politici-
en, le Premier ministre a rappelé
que chacun à une éducation et
un tempérament différents, et a
ensuite souligné que « le vivre-
ensemble n’autorise personne à
juger ou à crucifier l’autre ». Les
déclarations du chef de l’État, en plus
de soulever des réactions diverses au
sein de la société, ont poussé le parti
Fusion à se retirer du gouvernement,
trois jours avant le premier tour des
élections législatives. Le Premier
ministre ne croit pas que ce retrait
puisse affaiblir son gouvernement. Il
dit cependant respecter la position
de la Fusion, mais estime qu’il s’agit
d’un incident de parcours qui ne nuit
pas grandement à son équipe. Il rap-
pelle d’ailleurs qu’au cours de sa car-
rière de responsable politique, il a eu,
lui aussi, à demander à des ministres
de se retirer d’un gouvernement.
En effet, le jeudi 6 août, le ministre
des Affaires sociales et du Travail,
Victor Benoît, a, dans une lettre,
présenté sa démission au chef du
gouvernement, Évans Paul. Dans
cette correspondance, le leader du
Konakom explique que cette décision
intervient en dépit de la qualité de
ses relations politiques avec M. Paul,
dont il salue le leadership. À en croire
la présidente de la Fusion, Edmonde
Supplice Beauzile, la ministre Yvrose
Myrtil Morquette et le secrétaire d’État
à l’Alphabétisation, Clérisson Mozart,
devront suivre la même voie.Malgré
cette situation de tension au sein du
gouvernement, Évans Paul, avec la
maîtrise du verbe qu’on lui connaît
depuis les vingt dernières années,
a trouvé une façon d’esquiver toute
question relative à ses sentiments
personnels à l’écoute des propos du
chef de l’État. Il précise toutefois
que le Président se trouvait dans une
activité personnelle et qu’il est libre
de mener campagne. « J’ai choisi
de ne pas mener campagne pour
quiconque, bien que je sois membre
d’un parti. Aucune loi ne m’interdit
de le faire, mais j’ai choisi de ne pas
le faire. »
La neutralité n’existe pas
Sur la question électorale, le Pre-
mier ministre, qui parlait moins
de soixante-douze heures avant le
premier tour des législatives prévu
pour ce dimanche, a annoncé que
toutes les dispositions ont été prises
sur le plan sécuritaire pour la pleine
réussite de la journée électorale.
Il appelle la police à faire son travail
en toute impartialité et invite la popu-
lation à se rendre aux urnes en toute
quiétude.
Comme il le fait toujours, Évans Paul
n’a pas raté l’occasion de rappeler
que son gouvernement n’agira en
faveur d’aucun candidat. Il croit qu’il
en sera de même pour les conseillers
électoraux. Ce n’est pas parce que
les conseillers et les ministres sont
nécessairement neutres, explique-t-
il, c’est tout simplement parce qu’ils
se doivent de rester honnêtes et de
surpasser leurs penchants personnels
dès qu’ils se trouvent dans l’exercice
de leurs fonctions. « La neutralité
n’existe pas, ce qu’il faut privilégier,
c’est l’honnêteté », professe le
Premier ministre.
L
aFondationHéritagepourHaïti
(LFHH), section haïtienne de
Transparency International
(TI), a organisé, le jeudi 6
août 2015, un atelier de formation
à l’intention des journalistes haïtiens
qui vont assurer la couverture des
élections de cette année. L’objectif
a été de sensibiliser les journalistes
aux comportements qu’ils devront
avoir non seulement au moment
des campagnes électorales, mais
également pendant les scrutins.
À la fin des assises, les journalistes
ont signé volontairement un
pacte d’engagement proposé
par la Fondation Héritage. Ce
pacte d’engagement, informe
la présidente de la Fondation,
Marilyne B. Allien, va être posté
sur le web, transmis aux différents
partis et regroupements politiques,
ainsi qu’aux institutions concernées
par l’organisation des élections en
Haïti, en vue de faire savoir à toute la
population en général que la presse
s’engage à aider à la réalisation
d’élections honnêtes, justes et
équitables. Il est important, estime
Marilyn B. Allien, d’accompagner
les journalistes durant cette période
et de leur fournir un outil de travail
susceptible de les aider en matière
d’éthique et d’impartialité.
Pour elle, il est nécessaire que
les journalistes cultivent, le jour
du vote, la droiture, la loyauté,
la sincérité, la franchise, la
neutralité et l’objectivité dans leurs
reportages, ni plus ni moins. Pour
informer la population, encourage-
t-elle, il faut seulement faire
des rapports sur ce qui se passe
exactement au niveau des centres
et bureaux de vote, sans prendre
position, pour ne pas entraver la
fiabilité de l’information.
Le document signé a été discuté
en atelier par les journalistes.
Il comprend au total 10 articles
détaillés en plusieurs paragraphes.
En paraphant ce document, les
journalistes disent symboliquement
qu’ils s’engagent à user de leurs
compétences et de leurs expériences
pour assurer la couverture
du processus électoral avec
professionnalisme et objectivité. En
effet, leur devoir est d’exposer et de
faire connaître la loi électorale et
les dispositions de la Constitution,
sans pour autant orienter le vote de
la population à leurs fins, a déclaré
la présidente de la Fondation.
D’autres engagements sont égale-
ment confinés dans le document. Il
s’agit pour les journalistes d’assurer
la couverture des élections sans dis-
crimination aucune, en donnant à
tous, organisateurs, citoyens ou
candidats, le droit de s’exprimer
librement, dans le respect des
règles établies ; de soutenir toute
initiative favorisant l’apaisement
et l’éducation citoyenne, à savoir la
sauvegarde de l’unité nationale, le
respect et la défense de la culture
haïtienne, et le droit à la différence
d’opinion ; de dénoncer toutes
sortes de dérives quand il le faut,
qu’elles soient engendrées par les
candidats ou les organisateurs de
ces élections.
Le numéro un de la Fondation a, par
ailleurs, conseillé aux journalistes
de résister à toute forme de
pression et de manipulation de
nature à travestir l’objectivité de
l’information ou à déstabiliser
l’ambiance électorale.
Aussi les invite-t-il à s’abstenir,
durant la période électorale, de
diffuser des informations pouvant
provoquer des conflits, comme des
propos injurieux, vexatoires ou
diffamatoires, qui peuvent porter
atteinte à la dignité d’un candidat
ou d’un groupement politique.
Par conséquent, elle incite les
journalistes à observer ces règles
d’éthique et de déontologie qui
font la promotion pour l’exactitude
et l’équilibre des informations. À
pratiquer la probité morale, le
respect de la dignité humaine et
le sens de la responsabilité, avant,
pendant et après les élections,
pour enfin divorcer d’avec cette
pratique d’élections frauduleuses,
douteuses, et favoriser l’émergence
d’un climat de paix, de confiance
et de sérénité aux moments des
élections en Haïti.
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
56 | 5
ACTUALITÉ
Évans Paul soumis au devoir de réservepar Eddy Laguerre
Transparency International
sensibilise les journalistespar EVENS REGIS
HAÏTI/PRÉSIDENCE/PROPOSGRIVOIS
HAÏTI/ÉLECTIONS
» suite de la première page
À un moment où les dernières déclarations du président Martelly provoquent une petite implosion au sein
du gouvernement, le Premier ministre Évans Paul se refuse à tout commentaire sur cette sortie pour le moins
fracassante du chef de l’État. « J’ai mon opinion sur ces déclarations mais ma position ne me permet pas de
l’exprimer », s’est contenté de dire le chef du gouvernement, qui a même présenté des excuses à toute personne
choquée par les propos du premier mandataire de la nation.
6 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
ACTUALITÉ
S
elon les organisations de
défense de droits humains
œuvrant dans le domaine,
les rapatriements continuent.
Ce sont 949 personnes, dont 493
hommes, 336 femmes et 120 enfants,
qui ont été rapatriées rien que pour
le mois de juillet 2015. Des données
qui ont été collectées par le Groupe
d’appui aux réfugiés et rapatriés
(Garr) en collaboration avec le Réseau
frontalier Jeannot Succès (RFJS). La
plupart de ces ressortissants haïtiens
travaillaient dans le secteur agricole et
pratiquaient la cueillette de tomates.
Certaines communes frontalières
ont payé le prix fort. Dépourvues
de toute infrastructure d’accueil
et de présence conséquente des
responsables de l’État central,
elles paraissent désarmées face à
ce phénomène nouveau. Il s’agit,
notamment de Ouanaminthe,
commune la plus touchée par le
processus de rapatriement, Belladère,
Ganthier, Cornillon Grand-Bois, Fond-
Verrettes et Lascahobas.
La mise en place d’un centre d’accueil
au niveau de la frontière à Malpasse,
à l’arrière des locaux devant loger
la Douane, ne va apporter aucun
changement notable à la situation,
selon le Garr. Aucun dortoir, aucun
centre de stockage d’eau, l’espace est
peu accueillant. Le hangar qui offre le
plus de confort présente une surface
de 4 mètres de large sur 15 mètres
de long, informent les responsables
de cette organisation.
Ces rapatriements, en plus,
continuent de se pratiquer en totale
violation des droits des migrants
qui ont expliqué avoir été déportés
sans être payés par leurs employeurs
et/ou propriétaires de fermes en
République dominicaine, soutient le
Garr. De nombreux compatriotes ont,
dit-il, depuis le début de l’application
de l’arrêt 168-13, à la mi-juin,
rapporté avoir été victimes de ces
actes de violation qui les privent du
fruit de leur labeur.
Parmi les personnes refoulées en
Haïti, certaines auraient choisi
volontairement le chemin du retour.
Ils sont au total 7 679 personnes
recensées dans différents points
frontaliers par les institutions de
défense et de promotion des droits des
rapatriés depuis le mois de juin. Dans
ce lot, on compte 3 405 hommes, 3
557 femmes et 717 enfants.
Appel à la vigilance durant
les élections
Dansuneinterviewexclusiveaccordée
au National, Philippe Jean Thomas,
président du Groupe d’appui aux
rapatriés et réfugiés (Garr) pensent
que dans tous les pays les élections
éclipsent pas mal d’autres dossiers.
Aussi, en Haïti, estime-t-il, ce n’est
pas étonnant que les dossiers des
rapatriés évoluent dans l’ombre des
élections. Toutefois, il appelle à la
vigilance afin de protéger les acquis
de ces derniers jours.
« Le Plan national de régularisation
des étrangers (PNRE) a expiré et
la presse n’en parle même pas »,
fait-il remarquer. Une situation qui
préoccupe M. Jean Thomas qui
espère que la fièvre électorale qui
traversera le pays durant les jours
qui viennent ne sera pas exploitée
par les ultranationalistes dominicains
pour persécuter les immigrants ou les
déporter sans respecter leurs droits
et les normes établies en la matière.
En ce qui a trait au nouveau moratoire
qui serait en train d’être négocié par
des organisations internationales,
rapporté récemment par l’ancien
ministre des Haïtiens vivant à
l’étranger, Edwin Paraison, dans une
interview publiée dans les colonnes
du journal, Philippe Jean Thomas
s’est refusé à tout commentaire,
arguant qu’il n’était pas au courant.
D’un autre côté, le défenseur des
droits des migrants s’est dit satisfait
de la manière dont la diplomatie
haïtienne a abordé le dossier des
rapatriés, ces dernières semaines.
Le fait de porter le dossier au niveau
multinational est une bonne chose,
soutient-il, tout en lançant une mise
en garde afin d’éviter les négociations
binationales. « Les Dominicains ne
respectent pas ce qu’ils ont signé »,
a lâché le militant pour prévenir les
autorités haïtiennes, afin qu’elles ne
commettent pas les mêmes erreurs
qui ont desservi la cause des migrants.
Très optimiste, Philippe Jean
Thomas souhaite une reprise rapide
de ce dossier, immédiatement après
les élections. Aussi promet-il que
son organisation restera vigilante et
continuera de défendre les droits de
ces migrants.
Attention, les rapatriements continuent !par Lionel Edouard
HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE
Noyé dans le tohu-bohu électoral, le dossier de déportation des Haïtiens en provenance de la République
dominicaine continue pourtant de représenter à la fois une grande menace pour le pays et un grand défi pour
la diplomatie. Les vagues de déportations continuent, et le moratoire de quarante-cinq jours accordé après
l’expiration, le 17 juin dernier, du Plan national de régularisation des étrangers, a aussi pris fin le 2 août.
Les rapatriements continuent de se pratiquer en totale violation des droits des migrants. / Photo : J. J. Augustin
«
Les cas de fraudes sont
multiples », affirme Édouard
Paultre. Des membres de
bureau de vote, des électrices
et électeurs soudoyés, des partisans
de candidats monnayés, sont retenus
comme les protagonistes, artisans sur
le terrain, de ces scènes de magouille.
Frauder, n’est pas une entreprise
instituée juste pour le plaisir, « ils font
la fraude pour gagner les élections »,
traduit Édouard Paultre, joint par Le
National.
Dans la cohorte des actes de
fraudes, le Conhane répertorie,
la falsification des procès-verbaux
de votes, le vote intentionnel
pour plusieurs candidats sur un
même bulletin, ce qui élimine
automatiquement ce bulletin
et la création de la peur et de
l’intimidation, autour des centres
de vote par des partisans monnayés,
pour défendre les intérêts de
candidats faibles dans la zone où
se trouve le bureau.
La manipulation des commissaires
du gouvernement et des juges
de paix, lors des constats en cas
d’irrégularités, figure aussi sur le
registre du Conhane.
La liste ne peut que se défiler,
l’ancienne conseillère électorale,
Ginette Chérubin qui a occupé
cette fonction de décembre 2007
à avril 2011, revient, au moment
d’un entretien au National, sur
les types de fraudes dont elle se
rappelle.
Les bourrages d’urnes, consistant à
placer des bulletins de vote dans les
urnes avec de fausses signatures, ou,
en y insérant des bulletins vierges,
ne comportant aucune expression
de vote et le trafic de vote, réalisé
via le paiement d’une électrice ou
d’un électeur pour qu’il puisse
voter pour un candidat, au moment
du vote, sont d’autres situations
présentées par la Conseillère.
Les ratures volontaires opérées par
des membres de bureau de vote sur
les procès-verbaux, dans l’optique
d’éliminer un candidat, quand ils
n’y ajoutent pas de faux chiffres,
représentent une autre pratique
qui empêchent aux résultats de
refléter exactement l’image des
choix de la population. Un autre
contexte favorable à la fraude, c’est
au niveau du Centre de tabulation,
au moment du contrôle légal, où
sont mis en quarantaine par des
avocats du Centre, les procès-
verbaux de votes, non valides. Pour
Ginette Chérubin, le fait que cette
opération ne se déroule pas au vu
et au su de tous, avec un constat
juridique et légal sur le nombre de
procès-verbaux mis en quarantaine,
« constitue une faille ».
D’après la conseillère Chérubin, ce
processus de mise en quarantaine,
peut faciliter à des membres du
Centre de tabulation, hostiles à
un candidat, le déplacement des
procès-verbaux favorables à ce
dernier, dans le lot des écartés.
Ginette Chérubin est l’auteure de
l’ouvrage, « Le ventre pourri de
la bête », dressant un tableau des
manquements dans l’organisation
des élections en Haïti.
Marie Yolène Gilles est responsable
de programmes au Réseau national
de défense des droits humains
(RNDDH). Le réseau fait partie
des organisations qui observent
généralement les processus
électoraux dans le pays. Pour Mme
Gilles, parmi les cas étonnants,
c’est le fait qu’une personne sans
carte électorale ou avec la carte
de quelqu’un d’autre, parvienne à
voter. La situation où, le membre
d’un bureau de vote facilite un parti
au détriment d’un autre, est tout
aussi dénoncée par la militante.
Au grand mal,
de grands remèdes
« L’éducation civique reste le
principal moyen pour finir avec
les cas de fraudes dans le pays,
lors des élections », d’après Marie
Yolène Gilles. À côté de la nécessité
de permettre aux membres de
la population de connaître les
principes et les comportements
à adopter en période électorale,
il devient autant impératif, de
punir celles et ceux pris en train
d’exécuter des actions nuisibles
au processus. Cette absence de
punition « pérennise le cycle
d’impunité », dixit Gilles.
C’est aussi la position d’Édouard
Paultre, qui croit qu’il « faut
sanctionner les coupables ». Pour
M. Paultre, « seule l’application
intégrale de la loi électorale » peut
garantir l’honnêteté du processus.
Pour Ginette Chérubin, la solution
profonde reste « la sensibilisation
et l’éducation civique ». Elle croit
aussi important que pour les partis
et regroupements choisissent des
mandataires crédibles.
Le Conhane, impute ce grand mal
à la mauvaise organisation du
système politique, qui d’ailleurs fait
manquer le pas au pays. Il faut une
réorganisation du système politique
haïtien, préconise l’organisation.
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
56 | 7
ACTUALITÉ
La fraude, une culture électorale
par Stephen Ralph Henri
HAÏTI/ÉLECTIONS
Les cas de fraudes lors des journées de vote sont légion en Haïti. Dans leurs diverses
formes, ils doivent être éliminés par le respect de la loi et une réforme du système
politique haïtien, selon les constats et déclarations de personnalités de la société
ayant l’habitude de l’organisation ou de l’observation électorale.
8 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
MONDE
Dilma Rousseff de plus en plus impopulaire
au Brésil
Sources : Reuters
L
a cote de popularité de la prési-
dente brésilienne, Dilma Rous-
seff, reste au plus bas et un
nombre croissant de ses con-
citoyens souhaitent qu’elle ne termine
pas son mandat, montre un sondage
publié jeudi par l’institut Datafolha.
Eclaboussée par un vaste scan-
dale de corruption et affaiblie par
la pire crise économique qu’ait
connue le Brésil en un quart de
siècle, Dilma Rousseff ne bénéfi-
cie plus que du soutien de 8% des
personnes interrogées, un score
pratiquement inchangé par rap-
port à celui que lui donnait un
autre sondage récent (7,7 %).
La proportion des Brésiliens
jugeant « mauvaise » ou « très
mauvaise » l’action de son gou-
vernement a atteint 71 %, soit six
points de plus que dans l’enquête
Datafolha de juin.
En outre, 66 % des personnes
interrogées estiment qu’une
procédure de destitution devrait
être engagée à l’encontre de la
présidente, contre 63 % en avril,
selon ce sondage réalisé mardi et
mercredi auprès de 3 358 per-
sonnes.
L’impopularité de Dilma Rousseff
atteint ainsi un niveau sans précé-
dent depuis le début des études
d’opinion de Datafolha, dépassant
même celle de son prédécesseur
Fernando Collor de Mello en 1992,
alors qu’il était lui-même visé à
l’époque par une procédure de
destitution liée à des faits de cor-
ruption.
L’opposition appelle à des mani-
festations dans tout le pays le 16
août.
L’Inde, le Canada et le Brésil
figurent parmi les potentiels
acquéreurs mais la revente
des BPC ne sera pas une mince
affair
Paris et Moscou ont trouvé un
accord pour mettre un terme
à l’épineux dossier des Mistral.
La Russie sera remboursée et la
France se retrouve avec deux bâti-
ments de projection et de com-
mandement (BPC) sur les bras.
Il s’agit désormais de trouver un
nouvel acquéreur ou une éventu-
elle reconversion pour ces deux
porte-hélicoptères dont l’entretien
et la maintenance coûte plusieurs
millions d’euros par mois. 20 Min-
utes fait le point sur la « seconde
vie » des deux navires.
Les plus : un navire moderne
et polyvalent
Commençons par les bonnes nou-
velles. Le Mistral est un navire
polyvalent à la pointe de la tech-
nologie. « Ce type de bateau
peut convenir pour une palette
d’opérations variées », souligne
l’Amiral Alain Coldefy, directeur
de recherche à l’IRIS, spéciali-
ste de la stratégie maritime et
de l’industrie de défense. « Il a
la capacité de diriger des opéra-
tions depuis un poste de com-
mandement, ce qui intéressait
principalement les Russes, mais
aussi de mener des missions de
maintien de la paix, des opéra-
tions humanitaires, sanitaires,
d’assistance et d’évacuation ».
En effet, le Mistral permet à un
état-major de mener des opéra-
tions militaires de grande ampleur,
mais il dispose également d’un
hôpital équivalent à celui d’une
ville de 25.000 habitants. Cet
aspect « couteau suisse » permet
d’élargir la liste d’acquéreurs
potentiels.
Les moins : un marché de la
demande
L’IHS Jane’s estime la demande
mondiale pour ce type de navire
autour de 26 pour les dix pro-
chaines années. Pour autant, «
l’industrie navale militaire est un
marché de la demande », insiste
Charles Forrester, analyste en
industrie de la défense chez IHS
Jane’s.
Les clients font appel aux con-
structeurs selon leurs besoins,
en leur fournissant un cahier des
charges spécifiques. Or les Mistral
ont été conçus pour répondre aux
exigences russes.
En outre, « les Etats préfèrent sou-
vent assembler les vaisseaux mili-
taires sur leurs propres chantiers
navals », explique-t-il, question
de fierté.
Nouveau look pour une
nouvelle vie
Le futur acquéreur devra égale-
ment investir dans les équipe-
ments des navires. La Russie va en
effet récupérer ses équipements,
dont les systèmes d’information
et de combat. Il faudra ensuite
adapter le BPC aux exigences du
client. En fonction des besoins et
usages du repreneur, ce surcoût
est estimé entre quelques dizaines
à plusieurs centaines de millions
d’euros.
Sur le Vladivostok et le Sébasto-
pol, tout est adapté aux normes
russes, des noms inscrits en cyril-
lique sur le flanc des coques de
métal, à la documentation et au
système électrique « qui fonc-
tionne avec une fréquence de
50 Hz », note Alain Coldefy. « Or
tous les navires occidentaux ont
un système de 60 Hz, il faudra
donc changer toutes les installa-
tions électriques ou vendre à un
pays utilisant cette norme, comme
l’Inde. »
Inde, Brésil, Canada
Le ministre de la défense Jean-
Yves Le Drian s’est malgré tout
montré confiant ce jeudi, affir-
mant qu’« un certain nombre de
pays, ils sont nombreux, ont fait
connaître leur intérêt pour ces
bateaux », sur RTL.
A 600 millions d’euros l’unité (prix
initialement fixé dans le contrat de
2011), tout le monde ne peut pas
se permettre un tel achat. Il faut
avoir les moyens de manœuvrer
un tel navire et disposer de marins
bien formés. Selon les experts, les
acheteurs les plus sérieux sont
l’Inde, le Brésil et le Canada. Ce
dernier a de réels besoins dans un
contexte d’ouverture de la route
de l’Arctique, « d’autant plus
qu’Ottawa a perdu un navire ravi-
tailleur fin 2014 dans un incendie
», précise Charles Forrester.
Evoquées parmi les potentiels
clients, l’OTAN et l’Union euro-
péenne ne font plus figure de
repreneurs crédibles selon Alain
Coldefy.
Affaire des Mistral russes: A qui la France
peut-elle revendre les deux navires ?
Sources : 20minutes.fr
Le navire classe Mistral Vladivostok photographié en mai 2014 dans le chantier
naval de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). - SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA
Dilma Rousseff. / Photo : www.parismatch.com
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
56 | 9
TECHNOLOGIE
N
ecliquezsurtout
pas sur ces liens
, avertit le site
Internet de la
Sogebankquiconseilleàsesclients
d’effacer immédiatement les emails
frauduleux et d’informer la banque en cas
d’envoi d’informationssensibles.
« Ne saisissez pas votre mot de passe ou votre PIN
sécurisé d’Unibank Online » rappelle de son côté un avis
important publié sur le site de la Unibank. L’institution
et de ne jamais fournir d’informations sensibles sur ses
des emails, prétendant représenter les services à la
-
tiennes.
internautes visés vers des sites frauduleux imitant les
vrais sites des banques.
alors enregistrées par les fraudeurs qui s’empressent
Hackers contre banques
haïtiennes
PAR CLAUDEL VICTOR
Enbref
70 MILLIONS DÉJÀ
SUR WINDOWS 10
Microsoft a annoncé que son
nouveau système d’exploitation
avait été installé sur un
grand nombre de terminaux
(ordinateurs et tablettes)
une semaine après son
déploiement mondial.
Ces statistiques ne tiennent
pas compte des nombreux
utilisateurs ayant déjà réservé
Windows 10 et qui n’ont pas
encore eu droit à la mise à jour.
transition automatique pourrait
s’effectuer sur un mois.
VIRUS SUR MAC
Des experts informatiques
2», un virus indécelable
par les logiciels antivirus,
qui s’en prend au système
d’exploitation des ordinateurs
d’Apple. L’entreprise travaille
sur une mise à jour qui devrait
corriger le problème.
TÉLÉPHONES
ANDROID
MENACÉES PAR
UN MMS
En utilisant seulement le
pirates peuvent s’introduire
via une vulnérabilité laissée
dans le système d’exploitation,
sans même que le titulaire de
l’appareil n’interagisse. Google
pour corriger le problème.
GOOGLE+
DÉGRADÉ
L’entreprise américaine
n’imposera plus à ses
utilisateurs l’usage de son
réseau social comme identité
de connexion pour tous ses
services en ligne, à commencer
par sa plateforme de vidéos
MILLIONNAIRE
GRÂCE ÀYOUTUBE
Le Suédois Felix Kjellberg, alias
PewDiePie, aurait récolté 7,4
millions de dollars en 2014.
Grâce essentiellement aux 37
sur ce site, ses vidéos, dans
lesquelles on le voit tester des
jeux vidéos sur un ton décalé,
comptabilisent à ce jour plus
de 9 milliards de vues.
INTERNET.ORG
S’AGRANDIT
du monde entier sont
désormais invités à rejoindre
la fondation Internet.org
Elle propose une connexion
et d’autres services mobiles
gratuits aux populations qui
n’ont pas accès à Internet.
Baccalauréat : résultats et notes
sur Internet
PAR CLAUDEL VICTOR
Ld’innoverenligne.Lesrésultats,parécole,desexamens
du Baccalauréat 2015 sont disponibles à l’adresse
statistiquespubliées,letauxderéussitepardépartementcôtoie
le nombred’ajournés,d’éliminésetd’absents..
disponibles à partir de leur numéro d’ordre.
Rappelons que deux semaines avant le déroulement des
des candidats du Bac: rappels de programmes,
Le ministre Nesmy Manigat en conférence de presse. /
Photo : J.J. Augustin
Le site de la semaine : cephaiti.ht
PAR CLAUDEL VICTOR
E
-
ennes,voilàunsiteconsistantquel’ondevraitconsulter
entre les informations utiles aux électeurs et des
renseignements sur le processus de vote et les listes des
partis et candidats inscrits et agréés.
A côté des informations pratiques comme la liste des
centres et bureaux de vote classés par département,
commune et section communale, les spots de
sensibilisation, les conditions pour poser sa candidature
ou aller voter, une section bien distincte regroupant des
listes, des formulaires et des guides est destinée aux
candidats. Sans oublier la documentation abondante
de trouver facilement son centre de vote à partir du
le site qui permettrait de retrouver plus rapidement
Notez que le site est complété par un compte Twitter
et les communiqués de presse numérotés.
Photo : CEP
10 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
ÉCONOMIE
Haïti devrait-elle se préparer au
prochain krach financier ?
Par Henri Alphonse
CRISEFINANCIÈRE
I
ndubitablement, confirment les
experts, un autre effondrement de
l’économie mondiale est en cours.
D’ailleurs, ce sont les experts du
Fonds monétaire international (FMI)
qui ont eux-mêmes tiré la sonnette
d’alarme. Dans son dernier rapport
régulier publié en avril dernier, près
de six ans après l’éclatement de la
dernière grande crise financière
mondiale, le FMI surprend en effet
les observateurs de la situation
économique mondiale en faisant
état, le plus sérieusement du monde,
« d’une conjoncture qui, mois après
mois, ‘intensifie les risques’ de surv-
enue d’une nouvelle crise financière ».
Comme le constate le journali-
ste économique français Bernard
Delrue, le FMI est, à lui seul, «
un puissant révélateur sur l’état
d’esprit dans lequel se trouvent
les dirigeants financiers, pour-
tant versés d’ordinaire dans
l’autosatisfaction et le déni des
risques. Le fossé entre l’économie
réelle et la spéculation boursière
devient une abîme ».
« Dans cette course effrénée – s’alarme
notre confrère, « la bulle gonfle encore
et toujours, en quantité et en propor-
tions, faisant apparaître toujours
plus nettement la seule perspective
possible : l’éclatement violent de ce
gonflement artificiel, le plus grand que
l’Histoire aura connu ». Dans un article
intitulé : « Selon le FMI, la plus grosse
bulle financière de l’Histoire va bientôt
exploser », il scrute les états d’âme de
ce « système financier capitaliste (…)
ce monstre gigantesque en croissance
permanente (qui) construit toujours
plus sur du vide ».
Sauf que le vide, comme dit Jean-Paul
Sartre, c’est la douleur. Douleur de
tous ceux et celles qui ne s’y seront
pas préparés. Qui pourront difficile-
ment s’y préparer. Mais le pourra-t-
on réellement ? Au train où vont les
choses ? Le guide pratique survivali-
ste nous répond : « Une crise globale
se distingue d’une crise locale par
l’absence d’alternatives monétaires.
Si une crise financière et de devise
affecte le Pérou ou l’Argentine, les gens
peuvent se rabattre sur le dollar. Si
c’est le système financier entier qui est
affecté, lequel utilise le dollar, le dollar
ne permettra plus d’acheter quoique
ce soit puisqu’il perdra toute valeur.
Les dettes des pays étant majoritaire-
ment libellées en dollars, les monnaies
nationales y passeront aussi ».
Ce ne sera pas – on l’espère – aussi
dramatique – qui sait – mais tous,
dans une certaine mesure en pâtiront,
les plus vulnérables plus sévèrement.
Pour la cinéaste canadienne et critique
acerbe de la globalisation, Naomie
Klein, « ce ne sera pas la fin du monde
mais ce sera un très sale moment à
passer ». Ce sera, sans nul doute un
sale moment à passer pour nous qui
devons, jour après jour subir les affres
d’une économie en pleine déconfiture,
d’autant plus – ajoute-t-elle – que «
dans ces situations, les politicards en
profitent toujours pour instaurer un
nouvel ordre des choses qui change
radicalement la donne pour les popula-
tions, jamais à leur avantage ».
Chez nous, entretemps, c’est la course
électorale, douloureusement vide
d’idées nouvelles, vide de solutions
sensées. Chez nous, c’est aussi un quo-
tidien qui inspire les démarches déses-
pérées pour transformer en vivable ce
qui est invivable. L’enfer ! Aussi, pour
contribuer aux nombreuses démarches
en cours de recherche de solutions
viables, fiables et durables, avons-
nous pensé qu’il fallait approfondir la
problématique, nourrir la réflexion et
le débats.
À partir de ce lundi 10 août, nous part-
agerons avec vous dans cette rubrique,
dans les quatre prochaines éditions du
National, le compte-rendu – doublée
de l’analyse – de notre confrère Benoit
Delrue sur la thématique. S’il faut se
préparer à la « plus grosse bulle finan-
cière de l’Histoire » qui, selon le FMI «
va bientôt exploser », mieux vaut cher-
cher à tout comprendre, n’est-ce pas ?!
Par-delà le ton doucereux, presque
subliminal, adopté par nos dirige-
ants financiers dans le cadre de
leurs rares sorties publiques et
tentatives désespérées pour jus-
tifier l’injustifiable et nous faire
prendre des vessies pour des lan-
ternes, par-delà la valse des chif-
fres et des tableaux pour nommer
l’innommable, cet exercice de
compréhension nous incitera à
nous émerger – sains d’esprit – de
cette comédie à la Graham Greene
en vase clos, pour nous préparer
aux conséquences de ce krach
boursier annoncé par l’institution
de Bretton Woods.
On comprendra comment, « la
course effrénée conduite par les
grands financiers, poussés par la
caste politico-médiatique, fera
beaucoup de dégâts – et avant tout
chez les travailleurs qui nourris-
sent le monde de richesses, plutôt
que chez les spéculateurs qui gon-
flent leur fortune ».
Le prochain gouvernement devrait-il se préoccuper, en priorité, de la débâcle de
notre économie ? La question ne se pose même pas, la réponse étant assez évidente.
Suffisamment en tout cas, pour que tout programme de gouvernement qui ne s’en
soucierait pas, doive faire face à un sérieux déficit de crédibilité. Mais qu’en sera-t-il
de nous au cas où éclaterait une autre bulle financière, encore plus dévastatrice que
les précédentes ?
TAUX DE RÉFÉRENCE (BRH)
>Taux moyen d’achat
53.3302 GDES
>Taux moyen de vente
53.8628 GDES
COURS DE
LA GOURDE
5 AOÛT 2015
PAUVRETÉETEXCLUSIONFINANCIÈRE
L'ONU dévoile son plan d'action pour la planète
Source : Humanité-biodiversité
I
l remplace les huit Objectifs du
millénaire pour le développement,
adoptés en 2000.
A l’issue d’une semaine de négocia-
tions au siège de l’ONU à New York, les
experts et diplomates des 193 pays
membres des Nations unies ont adopté
le projet d’une trentaine de pages
intitulé « Transformer notre monde,
programme de développement durable
d’ici 2030 ».
L’ambassadeur kényan à l’ONU,
Macharia Kamau, a constaté le
consensus autour du texte, sous
les applaudissements des délé-
gués. « C’est vraiment un moment
historique », a-t-il estimé. Le
Kenya a coprésidé ces négocia-
tions avec l’Irlande. La chef de
cabinet du secrétaire général des
Nations unies Bank Ki-moon,
Susana Malcorra, a également
parlé d’un accord « historique »,
tout en soulignant l’immensité du
travail à réaliser.
17 objectifs
Cet ambitieux programme, qui com-
prend 17 objectifs de développement
durable déclinés en 169 « cibles »,
sera soumis pour adoption formelle
aux chefs d’Etat et de gouvernements
de la planète, les 26 et 27 septembre à
New York, en marge de la session annu-
elle de l’Assemblée générale de l’ONU.
Le pape François doit prononcer un
discours avant le début du sommet.
Le premier objectif cité est d’« élimi-
ner la pauvreté sous toutes ses formes
et partout dans le monde ». Un mil-
liard de personnes vivent avec moins
de 1,25 dollar par jour, notamment
en Afrique subsaharienne et en Asie.
Le plan entend également « permettre
à tous de vivre en bonne santé », «
assurer l’accès de tous à une éducation
de qualité » et « parvenir à l’égalité des
sexes » en éliminant toutes formes de
discrimination et de violence envers
les femmes. D’autres objectifs concern-
ent la réduction des inégalités, « un
travail décent pour tous », « des modes
de production et de consommation
durables » et « des sociétés pacifiques
et ouvertes à tous », car paix, dével-
oppement et bonne gouvernance vont
de pair.
Un symbole avant tout
L’objectif nº 13 enjoint aux gouver-
nements de « prendre d’urgence
des mesures pour lutter contre les
changements climatiques et leurs
répercussions ». Les responsables
de l’ONU soulignent le lien avec
la négociation climatique qui doit
se conclure à la fin de décembre
à Paris. Même si les deux initia-
tives sont distinctes, le document
appelle à conclure à Paris « un
accord ambitieux et universel sur
le climat ».
Le respect des 17 objectifs, qui
doivent entrer en vigueur au 1er
janvier 2016, sera volontaire
pour chaque Etat, qui choisira
les moyens de les atteindre. Mais
des « indicateurs » devraient
permettre de juger des progrès
accomplis et d’assurer un « suivi
systématique ».
S’exprimant au nom du G77
(134 pays en développement),
l’ambassadeur sud-africain King-
sley Mamabolo a cité Nelson Man-
dela, affirmant sous les applaud-
issements : « Cela semble toujours
impossible, jusqu’à ce que nous le
fassions. ».
*Pour en savoir plus : http://www.
lemonde.fr/planete/article/2015/08/03/
l-onu-devoile-son-plan-d-action-
pour-la-planete_4709205_3244.
html#TfLJ45CXSLzUyD
Les pays membres de l’ONU ont mis la dernière main, le 2 août, à un plan d’action censé éradiquer l’extrême
pauvreté dans le monde d’ici à 2030, tout en maîtrisant le réchauffement climatique.
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
56 | 11
ÉCONOMIE
Avons-nous les moyens et le
courage de nos politiques ?
Au courant de la semaine m’est
venue cette pensée : « Méfiez-
vous de celui qui vous demande
de changer ce qui fonctionnait
jusque-là ». Comme quoi on ne
changerait pas une équipe qui
gagne. J’ai eu cette idée en médi-
tant sur la situation du pays en me
demandant qui aura finalement
le courage d’affirmer l’échec des
acteurs de 1986 parce qu’ils ont
tous contribué à nous emmener à
ce carrefour par leurs décisions,
leurs discours et leurs lobbies?
Quand on perd sa voie, il faut
revenir sur ses pas. J’appelle
cela: revenir au « big bang » c’est-
à-dire au commencement quand
les choses fonctionnaient claire-
ment et que nous étions aux com-
mandes. Il nous faudrait revenir
absolument à ce qui marchait et
fonctionnait au bénéfice des con-
citoyens.
Des années avant le départ de
Jean-Claude Duvalier (aux envi-
rons de 1980) au moment où la
gourde haïtienne était de parité
avec le dollar américain, cinq
gourdes haïtiennes valaient un
dollar, il fallait 0.98 dollar baha-
mien pour 1dollar américain et
deux dollars barbadiens pour un
dollar américain, deux pays de la
Caraïbe (Je ne ferai pas référence
à la République Dominicaine qui,
elle, a connu une vaste fraude
bancaire avec la «Banintair» qui
avait causé une dévaluation accé-
lérée du peso dominicain). Si vous
vérifiez aujourd’hui au moment
où vous lisez avec votre appli-
cation “currency converter” vous
obtiendrez encore aujourd’hui
0.98 dollar bahamien égal à un
dollar US et deux dollars barbadi-
ens égalent 1 dollar US.
Au départ de Duvalier, notre
gourde s’échangeait déjà unique-
ment au marché informel par des
cambistes tous azimuts dont le
fameux Gérard DUMOND autour
de 5 gourdes et 60 centimes pour
1 dollar. Il ne faut pas croire que
nos banques faisaient depuis tou-
jours les transactions de change.
Cependant, aujourd’hui la gourde
s’échange dans les banques
mêmes au taux de 57 gourdes
pour 1 dollar (une dévaluation de
1040 % en 30 ans soit 35 % en
moyenne annuelle)
Qu’est-ce qui s’est passé entre 5
gourdes, 60 et 57 gourdes de 1985
à 2015?
À cette époque le principal client
de ce secteur était composé de
dominicains qui acceptaient la
gourde en République dominicaine
et venaient l’échanger contre des
dollars et ils offraient eux mêmes
leur taux de change dépendam-
ment de la disponibilité. Ceci était
fait au bon vouloir des acteurs
qui fixaient leurs propres règles
si bien que le Président Prosper
Avril voulant freiner ce « désordre
» fît arrêter et jeter en prison tous
les cambistes de la place qui ne
s’étaient pas mis à couvert. De
grands noms de Port-au-Prince
firent un petit tour au pénitencier
national dont les frères Vitiello,
Doura et le dénommé Cowboy
pour ne citer qu’eux.
À cette époque aussi, « transfert
» signifiait HATREXCO la plus
connue des maisons de transfert.
Le montant US des transferts jour-
naliers était remisé à la Banque
Centrale. Les comptes des clients
dans les banques étaient exprimés
en dollar haïtien. Un client n’avait
pas trente (30) mille gourdes à son
compte mais bien six (6) mille
dollars qu’il pouvait aussi obte-
nir en dollars américains en cas
de besoin par exemple lors des
voyages. La gourde était tellement
crédible que certains se permet-
taient de voyager avec, l’échanger
à l’extérieur et la Banque Centrale
allait honorer sa monnaie en
payant 1 dollar pour chaque 5
gourdes.
Les banques aussi se devaient de
départager la devise américaine
et de la remiser à la Banque Cen-
trale sous forme de dépôt à leurs
comptes tenus en dollar haïtien à
la BRH.
La conversion de tous les comptes
bancaires en gourdes haïtiennes
au taux de cinq (5) gourdes pour
un dollar va devenir obligatoire
aux environs de 1992 et quelque
temps après le gouverneur Boni-
vert Claude autorisait l’ouverture
de comptes en dollars américains
pour les particuliers et les entre-
prises.
Nos autorités réagissent toujours
sur le conjoncturel et n’agissent
que rarement sur le structurel.
Comme quoi, ils ont peur des
réprimandes des institutions
internationales et se courbent
de préférence à leurs quatre
desideratas surtout qu’à l’interne
les plus doués font la promo-
tion des recommandations de
l’internationale comme la seule
voie salutaire à part quelques
résistants bien entendu.
Remarquez que nous sommes déjà
en 1992 en plein régime putsch-
iste car le coup d’état a lieu en
septembre 1991. Un embargo va
être décrété sur Haïti par le gou-
vernement de Georges Bush père
et la banque centrale ne pouvant
imprimer des billets à l’extérieur,
la gourde haïtienne va devenir
extrêmement rare et les billets
de gourdes pourris vont s’acheter
comme des petits pains chauds au
marché noir et les banques détien-
dront des registres pour comptabi-
liser les dépôts en billets de leurs
clients pour de futurs retraits.
Dans ce nouveau climat, Il faut
à une banque de grandes connec-
tions politiques pour effectuer
un retrait des rares billets encore
gardés dans les coffres de la
Banque Centrale. Le gouverneur
d’alors en personne doit produire
cette autorisation après une
journée dans sa salle d’attente
sinon le surlendemain. Le crédit
étant au point mort, toutes les
banques remettaient aux clients
leurs certificats de dépôt et ne
payaient aucun intérêt sur les
comptes d’épargne.
Ceci a fait le bonheur de l’une des
trois premières banques actuelles
qui venait à peine de prendre
la relève de l’ancienne banque
royale du Canada et acceptait ces
dépôts elle-même. Elle aura ainsi
suffisamment de liquidités en
gourdes pour jouer le jeu de la
guerre des taux quand arriva Lesly
Delatour, nouveau Gouverneur qui
va introduire les fameux bons BRH
superbement rémunérés (jusqu’à
25 % l’an à un certain moment)
bons dénommés malicieusement
bonbons BRH.
Dès son retour d’exil après le
départ du feu Président Jean
Claude Duvalier (Baby Doc), Marc
Bazin grand économiste et surn-
ommé Mr Clean de son état com-
mence une croisade pour laisser
tomber la parité de la gourde au
dollar et de la faire flotter au gré du
marché. Étant donné que le taux
de 5 gourdes pour un dollar était
clairement imprimé sur chaque
billet et qu’au marché informel le
taux de change dépassait déjà les
6 gourdes, sa question était: qui
de vous acceptera 5 gourdes pour
son billet d’un dollar ? En même
temps le FMI rapportait déjà que
notre gourde était surévaluée.
Mais ceci était perçu comme pour
supporter une ouverture d’Haïti
au commerce extérieur sans bar-
rière aucune.
Devrait-on effectivement renoncer
à la parité fixe ou laisser flotter
la gourde au gré du marché? Si
effectivement le dollar ne pou-
vait plus être côté à 5 gourdes,
n’y avait-il pas lieu d’ajuster de
préférence la gourde à un taux de
parité plus approprié: 10 gourdes
par exemple au lieu de prôner la
« barrière libre » le laisser grinnin
? Pendant que les monnaies de
certains autres pays de la Caraïbe
restent stables en raison de leur
ouverture vers le tourisme et leur
stabilité politico-économique.
Quand il y a un acheteur et un
vendeur, forcément il y a un inter-
médiaire qui réalise un profit. Les
banques se sont mises de la partie
et ont commencé des opérations
de change comme les cambistes et
les bureaux de change.
La fonction constitutionnelle de la
Banque Centrale c’est qu’en étant
l’autorité monétaire, elle a pour
mission de maintenir la valeur de
notre monnaie nationale un des
symboles de notre souveraineté.
C’est elle d’imprimer la monnaie.
(Articles 224 à 226 de la Consti-
tution de 1987). Elle est aussi le
prêteur en dernier ressort.
En faisant du marché de change
le seul produit jusque-là de notre
marché financier, la Banque Cen-
trale cède à des acteurs privés
une partie de son droit d’ainesse
à détenir les devises pour mieux
conserver la valeur de la monnaie
dont elle a la garde constitution-
nelle. Comment ceci a-t-il pu en
arriver là ?
*Guy Laudé est gestionnaire, asso-
cié de l’Institut des banquiers can-
adiens et a travaillé comme haut
cadre pendant des années dans le
secteur bancaire haïtien.
Que faire face à la misère de la gourde ?Par Guy Laudé* | 1e partie
COLLABORATIONSPÉCIALE
DUVENDREDI7AUDIMANCHE9AOÛT2015N0
56|1312|N0
56DUVENDREDI7AUDIMANCHE9AOÛT2015
14 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
SOCIÉTÉ
«
Le ministère ne va plus se
contenter de publier les
résultats sur les taux d’échec
et de réussite des élèves
qui ont participé aux examens du
baccalauréat. Désormais l’État veut
analyser les données de ces résultats
afin de relever les différentes causes
deséchecsscolairesquel’onenregistre
depuis plus d’une décennie dans le
système de l’enseignement haïtien
», c’est ce qu’a déclaré le directeur
général du ministère, Rénold Telfort.
Dans les travaux d’analyse qui
sont initiés avec les directeurs
d’écoles privées et publiques,
a-t-il ajouté, le ministère peut
maintenant prendre des mesures
de correction devant permettre
un meilleur apprentissage des
élèves. Il a, par ailleurs, expliqué
que l’accent est aussi mis sur les
matières qui causent les échecs
scolaires et celles qui traduisent
la performance des élèves.
Monsieur Telfort dit également
espérer qu’avec les résultats de
l’atelier, le ministère va déterminer
les zones de dysfonctionnement
scolaire et corriger les erreurs
du système d’enseignement et
permettre une nouvelle rentrée
scolaire avec la prévision d’un
taux de réussite plus élevé.
Le docteur Fritz Dorvilier,
professeur de l’Université d’État
d’Haïti pour sa part, caractérise
le système éducatif par l’échec
des élèves qu’il faut examiner.
Selon lui, le système éducatif
fonctionne de telle sorte qu’il
éjecte les élèves. Il a fait savoir
que cet échec a un double impact.
Psychologiquement, les élèves
qui ne réussissent pas perdent
confiance et se croient incapables
de tout apprentissage.
Socialement, avance le professeur,
l’enfant devient la cible d’une
certaine marginalisation au niveau
de ses pairs et dans la société.
La troisième conséquence de
l’échec est le coût économique
qu’il implique pour les parents et
l’État. Le sociologue suggère qu’un
double effort peut être réalisé pour
éviter les redoublements dans le
système scolaire.
Dans cette perspective, a ajouté
le professeur, il faut envisager un
effort académique qui consiste
en un ensemble de mesures
d’accompagnement visant la
formation des maîtres, la réduction
des effectifs dans les salles de
cours, la formation de personnel
d’encadrement et l’évaluation
continue dans le système à tous
les niveaux. Dans une approche
sociologique qui rappelait la
théorie de Pierre Bourdieu sur
la relation entre l’échec scolaire
et l’origine sociale des élèves,
le professeur Fritz Dorvilier,
souhaitait que l’école haïtienne
se rapproche de la communauté
haïtienne en organisant des
réunions avec les parents des
élèves afin de connaitre et de
comprendre leur statut. « Ce
qui devrait permettre de savoir
si les élèves se trouvent dans un
environnement familial favorisant
un apprentissage scolaire pouvant
engendrer de meilleurs taux de
réussites scolaires », a-t-il précisé.
Dans ses conclusions, il a souligné
que l’évaluation de la performance
des écoles aux examens doit se
faire, en tenant compte des
causes intra scolaires estimées
en nombre d’heures de cours, en
l’absentéisme des professeurs, en
mode de leadership des directeurs,
l’évaluation du niveau de la
standardisation des méthodes
pédagogiques, et les causes
extra scolaires qui concernent
l’environnement familial des
élèves.
Le directeur du collège Catts
Pressoir, Guy Étienne, dont
l’institution est une sorte de
référence dans l’organisation des
foires scientifiques scolaires, et
dont le collège connait toujours
une très grande réussite aux
examens du baccalauréat, croit
que le ministère ne s’est jamais
soucié d’analyser les résultats des
examens officiels. Aussi pense-t-il
que cette nouvelle initiative prise
par l’actuel ministre de l’éducation
est favorable à l’amélioration
des performances des écoles
qui participent aux évaluations
officielles. Les curriculums
qui ont été mis en application
n’ayant jamais contribué à donner
des résultats satisfaisants, par
cette initiative, le ministère
pourra désormais élaborer un
plan incluant des méthodes de
corrections, de prévision des
résultats. Monsieur Guy Étienne
croit que le taux de réussite ne
dépend pas uniquement des
compétences des professeurs,
mais aussi de l’environnement
familial des élèves, de la
supervision pédagogique des
directeurs d’écoles.
Face au taux d’échec enregistré
aux examens du baccalauréat, un
atelierautourdelaperformancedes
écoles aux examens du bac 2015
dans le département de l’Ouest
«est certainement important pour
penser une réforme du système de
l’enseignement scolaire ».
Une ambition qui devrait prendre
en compte la crise structurelle
de l’ensemble de la société. La
distance qu’il y a entre l’éducation
et l’’instruction, comme le souligne
le sociologue Jean Casimir dans la
Culture opprimée, et qui traduit la
discontinuité entre les sphères de
la socialisation de l’enfant, est la
véritable cause de l’échec scolaire
en Haïti.
Il faut préciser cette année qu’au
niveau national les admis ont
représenté un taux de 51,45 %
en moyenne. Le département
de l’Ouest accuse le plus faible
taux de réussite. Soit 44.68 %.
Au cours d’une conférence donnée
après la publication des résultats
des examens du baccalauréat cette
année, le ministre de l’Éducation
nationale, Nesmy Manigat, a laissé
entendre que le pourcentage de
réussite au bac de cette année
au niveau national n’était pas
différent des résultats des 10
dernières années.
Évaluer la performance des écoles
du département de l'Ouestpar CHERISCLER Evens
Évaluer la performance des écoles du pays, a constitué l’objectif de l’atelier de travail du ministère de l’Éducation
nationale organisé le jeudi 6 août 2015 au Karibe convention center. C’était l’occasion pour les responsables du
MENFP d’échanger avec les directeurs d’écoles privées et publiques du département de l’Ouest, d’analyser les
résultats du baccalauréat afin de porter les corrections nécessaires.
J
e suis étonné de voir comment un certain vaudeville de très piètre qualité
a du succès chez nous comme si le goût commun s’était glissé dans le
caniveau. Comment peut-on s’étonner alors de certaines prestations pub-
liquesdupremiermandatairedelanation,luiquidevraitêtrel’expression,
l’exemple de ce qu’il y aurait de meilleur dans notre société ? Ailleurs, dans
les publicités, les médias privilégient le bon, le beau, le clean. Chez nous on
présente les bouffons dans des attitudes qui prennent racine dans le mépris et
la non connaissance du rural haïtien.
J’ai souffert en regardant un étrange feuilleton à la télévision où l’on montrait des
paysans dans des tenues totalement abracadabrantes avec aussi un gestuel et un
parler qu’on ne trouve nulle part dans le pays. Quelque chose qui a beaucoup à voir
avec notre manière de voir le pays en dehors. Je me suis demandé comment on
aurait pu nous caricaturer, nous, citadins, dans nos habitats hideux, nos détritus,
ce chaos dans nos rues, ce bruit permanent qui nous agresse et tout ce qui fait
notre misérable existence alors que nous nous croyons des dieux face aux paysans.
On peut aussi faire son public chez nous avec un personnage édenté, tenant
des propos pas même désopilants mais souvent totalement idiots comme si les
téléspectateurs frisaient le niveau de la débilité. Dire que nos téléspectateurs
n’ont rien d’autre à se mettre sous la dent comme production nationale n’est pas
une vraie excuse. Nous avons un vrai problème de niveau intellectuel et cela ne
sera résolu que quand l’école haïtienne aura un niveau basique acceptable pour
l’ensemble de notre population.
L’autre drame, c’est que les responsables des publicités au sein de nos entreprises
font le pari de la médiocrité en posant comme postulat que notre population ne
peut se brancher que sur une certaine forme de vaudeville frisant la bêtise et
même l’irrespect pour la partie majoritaire de notre population. Ce pari pour la
médiocrité, on le fait aussi quand on dépense des centaines de milliers de gourdes
pour des activités de rue qui ne sont que des sacres de l’ignorance, du chaos et
du sexe livré à tous les vents ; chômage, désespoir et prostitution se donnant
fébrilement la main dans des bacchanales diaboliques.
Ce n’est donc pas sans raison que la bouffonnerie s’exhibe ainsi, triomphante,
arrogante, agressive, brandissant même la bannière de l’impunité pour bien
montrer qu’elle est reine dans ce nouveau royaume où des citoyens, par crainte
de la pénurie, se sentent en droit de tout accepter.
Mais, heureusement, la bouffonnerie a ce quelque chose de particulier. Elle
s’époumone bien vite et elle a tendance à se noyer dans ses détritus. La
bouffonnerie est un suicide. Un suicide qui est aussi un crime même si les morts-
vivants que nous sommes parfois ne sont pas conscients de leur mise à mort.
L'ère de la bouffonnerie
par Gary VICTOR
EXIT
Rénold Telfort, directeur général
du MENFP. / Photo (archives): J. J.
Augustin.
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
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SOCIÉTÉ
Lutte contre les helminthiases : des résultats
d'enquête pour une campagne de déparasitage
Par Stéphanie Balmir
La Chambre de métier et d'artisanat
d'Haïti fait des heureusesPar Jeff Ibraïme
L
e ministère de la Santé
publique et de la Population,
à travers la Direction santé de
la famille (DSF), a diffusé au
tout début de cet atelier qui doit durer
deux jours, les résultats de l’enquête
sur la prévalence des helminthiases,
des pathologies causées par des
parasites (vers intestinaux) appelés
helminthes. « Cette nouvelle enquête
allait permettre d’évaluer la situation
des helminthiases et d’actualiser
les connaissances sur les niveaux
d’infestation des helminthiases et des
facteurs les favorisant ».
En plus de ces propos, le docteur
Anne Marie Desormeaux de la
direction d’épidémiologie et
de laboratoire de recherche du
ministère de la Santé, précise
que l’un des objectifs spécifiques
de cette enquête a été de
proposer des recommandations
opérationnelles et réalistes pour
lutter contre les helminthiases
face à leur prévalence à l’échelle
nationale et départementale dans
les écoles en tenant compte des
enjeux sanitaires.
En ce qui a trait aux facteurs de
risques favorisant les helmin-
thiases, le docteur Desormeaux
a surtout misé sur l’accès à l’eau
potable des populations. En effet,
les enfants consommant les eaux
de pluie, de puits, de sources et
de rivières sont plus enclins à
être parasités. Les helminthia-
ses dépendent du type d’eau et
peuvent varier en fonction de ce
facteur. Cette enquête a égale-
ment permis de cerner un prob-
lème d’information. Car 80 % des
enfants ignore comment les vers
sont transmis et 78.2 %, comment
se prévenir des vers.
En comparant les résultats des
deux enquêtes, celle de 2002 et
celle de 2013, l’on peut constater
qu’il y a eu une nette évolution,
c’est-à-dire une baisse des
helminthiases. Mais la situation
n’est pas des plus favorables.
La ministre Florence Duperval
Guillaume confirme : « Les
résultats sont inquiétants malgré
les progrès ». Elle a également
mis l’accent sur la nécessité de
travailler parce qu’avoir des vers
n’est pas normal : « Certains
pensent que tous les haïtiens ont
des vers, ce qui est peut-être vrai.
Mais ce n’est pas un fait banal.
Parce qu’avoir des vers traduit un
indicateur et les indicateurs sont
utilisés pour évaluer le pays. »
Les helminthiases sont des
pathologies causées par des
parasites (vers intestinaux)
appelés helminthes. Il en existe
plusieurs types qui dépendent du
ver responsable de l’infection.
Plusieurs troubles de santé tels, les
saignements intestinaux, l’anémie,
la perte d’appétit, les troubles
de croissance et la diarrhée
entre autres, sont les infections
causées par les helminthiases. Les
résultats de l’enquête soulignent
la pertinence du maintien de la
lutte contre les géohelminthiases.
Une lutte qui sera axée sur
l’éducation sanitaire, la formation
des professeurs et des élèves sur
ces pathologies, la mobilisation
sociale et des campagnes de
déparasitage basés spécifiquement
sur l’assainissement.
A
u bout de trois mois de
formation assidue, les
bénéficiaires ont reçu leur
certificat de la CMAH,
organe exécuteur du projet, avec un
sentiment de fierté et de satisfaction.
Par ailleurs, selon la représentante
de la CMAH, Mme D’Jénane J.
Armand, les cursus ont été montés
de façon spéciale, en vue de faire de
ces femmes des couturières et des
techniciennes de service hors pair.
« On a complété cette formation avec
des notions d’étiquette de table, de
secourisme et de planning familial,
a-t-elle ajouté ». La gestionnaire a
entre autres, rappelé qu’il n’existe
pas de faux métiers, encore moins de
métiers inférieurs.
Victimes de violence au quotidien,
ces femmes ont, tout au long de
la formation, bénéficié d’un suivi
psychologique visant à cicatriser
leurs blessures psychiques.
Majoritairement analphabètes,
les participantes ont aussi eu
des cours de français basique et
d’arithmétique en vue d’une mise
à niveau préalable. Aussi, selon
ce qu’explique madame Armand,
elles étaient nombreuses à ne
savoir ni lire ni écrire, alors que
sur le marché de l’emploi, elles
devront faire face aux contrats de
travail.
De leur côté, les bénéficiaires
étaient unanimes à reconnaitre
les avantages de cette formation.
Aussi, elles invitent la CMAH à
dupliquer une telle initiative un
peu partout à travers le pays.
À rappeler que la CMAH
entreprend des démarches auprès
d’institutions partenaires afin de
placer ces femmes nouvellement
certifiées sur le marché du travail.
C’est quoi la CMAH ?
Créée officiellement depuis
2007 lors d’un colloque national
organisé sur les métiers, la
Chambre de métiers et d’artisanat
d’Haïti est fille légitime de la
Chambre de commerce et de
l’industrie. La CMAH est toutefois,
en raison d’absence de fonds
de fonctionnement, longtemps
restée un rêve entre les lignes
du décret présidentiel ordonnant
sa création. « Faute de moyen
financier, la CMAH est longtemps
restée sur papier », a expliqué le
directeur exécutif de l’organisme.
Suite à une trop longue période
d’attente, comme en parle Frantz
Jeanty, premier et actuel directeur
exécutif de la Chambre.
C’est en 2011 que monsieur Hervé
Denis, président de la chambre du
commerce et d’industrie d’Haïti
(CCIH), avait entrepris des actions
ayant abouti à la création de
l’actuel Conseil d’administration
dont M. Hans Garoute assure la
présidence.
Selon le master en élaboration et
gestion de projet, cet organisme
est un outil de développement
socio-économique au service des
professionnels et artisans haïtiens.
« Nous voulons tout faire pour
revaloriser les métiers manuels,
les écoles professionnelles et
techniques et surtout favoriser la
portée économique des métiers ».
Avec l’espoir que l’État haïtien
finira sous peu par accorder
une part du budget national à la
CMAH, les cadres veulent avec les
maigres moyens dont ils disposent
rehausser les valeurs de l’artisanat
qui est une source d’autonomie
financière incontestable.
« Nous faisons un travail très
important, voire vital pour le
secteur de l’artisanat, a martelé
M. Jeanty, qui assure la gestion
administrative de la CMAH depuis
2013. Nous souhaitons surtout
que l’État et le secteur privé des
affaires prennent les dispositions
pour nous venir en aide, a-t-il dit».
En outre, la CMAH veut encourager
les travailleurs, les techniciens
et les artisans à se regrouper en
corps de métiers pour avoir une
meilleure représentation dans la
structure socio-économique du
pays.
« Avec un échantillon de 23 écoles par département, 3 844 élèves des classes primaires et du premier cycle
secondaire, âgés entre 5 et 15 ans, ont été touchés par une enquête réalisée et publiée en 2013 sur la prévalence
des helminthiases intestinales. Les résultats ont montré que le département de la Grande’Anse accuse un
pourcentage de 72.1 % », a informé les responsables du ministère de la Santé publique et de la Population, le 6
août 2015, lors d’un atelier de travail.
La Chambre de métier et d’artisanat d’Haïti (CMAH), après une séance de formation intensive de trois mois en
coupe couture et techniques de service (ménagère), a procédé le mercredi 5 août 2015 à une remise de certificats
à 32 femmes violentées en vue de clôturer cette formation qui s’était tenue autour du thème : Employabilité et
résilience économique. La cérémonie s’est par ailleurs déroulée en présence des représentants de l’OXFAM et de
l’INDEPCO aux sièges sociaux de la CMAH. Il s’agissait entre autres de donner à ces femmes, issues pour la plupart
des milieux défavorisés, un outil pouvant leur permettre de mieux gagner leur vie.
16 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
INSERTION DEMANDÉE
DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0
56 | 17
CULTURE
C
’est un roman dionysiaque.
D’autres diraient, pour être
plus vigoureusement authen-
tiques : c’est un texte guédé-
ique. Les attributs ne s’arrêteraient
pas là. Certains affirmeraient : « Voilà,
dans notre littérature contemporaine,
la première prose yanvalouesque. »
Quand il s’agit du mouvement du
corps, tout y passe. La mobilité, qui
contredit le rigide avec fougue, élé-
gance et reprises saccadées, traverse
toutes les cultures. Le sculpteur
connu Alexander Calder en savait
beaucoup de choses, lui qui passait sa
vie à nous montrer le jeu dialectique
entre le stabile et le mobile. Écrire,
par contre, le mouvement physique
du son et de la forme dans l’espace
relève de l’exploit proche de la cal-
ligraphie chinoise.
Josaphat-Robert Large fait
l’expérience unique et joyeuse des
lettres qui bougent, des phrases
qui dansent, de la vélocité des
chapitres et de la « roulade » de
son corps antillais qui épouse, par
les avenues des villes, le rythme
du jazz nègre. Des poètes comme
Apollinaire, Rimbaud, Baudelaire
ont tenté la synthèse entre les
vers, les couleurs et les formes.
Josaphat-Robert Large vient de la
poésie. La mémoire poétique uni-
verselle a retenu l’effort de com-
binaison des genres. C’est dans
cette archive-là que l’auteur de
Mississipi Blues est allé chercher
le savoir-faire de l’improvisation
qui donne un rythme nouveau au
roman.
C’est aussi la culture antillaise et
l’histoire de l’esclavage des Noirs
en Amérique qui tente, entre la
musique, la danse et l’écriture,
une nouvelle dynamique pour
ironiser le drame, rire au milieu
de la catastrophe et proposer la
joie de vivre comme manière de
contourner des tragédies inatten-
dues.
LA VITESSE ET LE RACCOURCI
L’histoire est simple et a tout l’air
d’une autobiographie courte. Un
jeune homme enthousiaste rentre
à Paris pour des études univer-
sitaires et continuer à travailler
sur une thèse commencée à
Port-au-Prince, à l’École normale
supérieure. Il rencontre des amis,
partage un appartement avec un
compatriote dont le lecteur devine
qu’il s’agit de l’auteur de Manhat-
tan Blues. Ils organisent dans le
meublé du 12e
Arrondissement
une cérémonie initiatique. Il
prend goût aux mondanités parisi-
ennes (salons de livres, maison
d’éditions…) Mais le plaisir ne
durera pas longtemps. Il reçoit un
télégramme. Il s’agit de la mort
d’un oncle. Il rentre en Haïti. Le
tremblement de terre met le pays
sens dessus, dessous. Il s’établit
au Champ-de-Mars sous une
tente. Sa vie va changer quand,
sur le port des « Yankees et des
Frenchies », il trouve un job de
mousse et découvre l’Amérique.
Tout l’art du romancier est dans le
raccourci et la vitesse. Le chapitre
qui décrit le séisme fait presque
oublier l’ampleur de la tragédie
par la manière de Large de traduire
le mouvement des hommes et des
choses. En un « youp là », les gens
traversent les fenêtres comme s’il
s’agissait d’une sarabande fes-
tive. Tout est dit, en l’espace de
quatre pages. Pourtant, ce récit
qui nous porte à mieux apprendre
de l’errance moderne fait défiler
à nos yeux une histoire héroïque
qui commence dans la cale des
bateaux négriers et ne se termine
pas avec la bataille de Vertières.
Le protagoniste découvre en
Amérique le jazz moderne et, au
bout de toutes ses chances miracu-
leuses, à cause d’une fleur tombée
de la lune près de sa tente au
Champ-de-Mars, l’amour d’Éloïse.
Les scènes les plus réussies de ce
roman joyeux sont : celles des
textes poétiques dits sur des bal-
cons et le retour « au pays natal
» avec Éloïse. Les tentes enlevées
au Champ-de-Mars, c’est le plus
long cortège carnavalesque qui
accompagne de la capitale à Jéré-
mie le poète qui n’a pas terminé
sa thèse.
Mais que peut signifier ce retour
dans la mer, au fond d’une grotte
? Souvent l’imaginaire court
derrière la beauté des choses.
Pour Large, ce refuge marin met
un terme à toutes les errances.
Comme une coda.
Josaphat-Robert Large. / Photo: www.dailymotion.com
L'archive de l'improvisationPar Pierre Clitandre
MISSISSIPIBLUES/JOSAPHAT-ROBERTLARGE
Les projets, les réalisations et les
perspectives de l'Académie créolePar : Schultz Laurent Junior
« Travailler pour l’intégration
de la population créolophone.
Encourager des travaux de recher-
che sur la langue créole. Faire des
propositions sur les différentes
façons d’utiliser la langue créole
comme outil de communication en
Haïti. Travailler pour que toutes
les institutions de l’État publient
les documents officiels en créole.
» Madame Louna Gourgues, secré-
taire exécutive de l’institution,
a défini au cours d’un entretien
accordé au National dans l’après-
midi du 5 août 2015 les priorités,
les projets et les perspectives de
l’Académie créole.
« Depuis la création de l’Académie,
les 33 membres ont déjà organ-
isé deux assemblées générales.
Au cours de ces assemblées, des
élections ont été organisées pour
élire un conseil académicien, un
conseil d’administration, un con-
seil consultatif et un secrétariat
exécutif. Chacune de ces entités
comprend sept membres qui tra-
vaillent de concert. Ils ont pour
mission d’assurer le bon fonc-
tionnement de l’Académie, de
la représenter tant en Haïti qu’à
l’étranger, d’établir des rapports
avec d’autres institutions du pays.
Ces différentes entités, sont aussi
chargées de faire des recomman-
dations quant au bon usage de la
langue créole. Elles aideront aussi
à réaliser des travaux sur la syn-
taxe, la terminologie de la langue
créole. »
Invitée à s’exprimer sur leurs pro-
jets d’avenir et leur rapport avec le
ministère de l’Éducation nationale
et de la Formation professionnelle
(MENFP) et la secrétairerie d’État
à l’Alphabétisation, Madame Gour-
gues a déclaré que « l’institution a
déjà organisé des missions impor-
tantes dans les villes de province.
L’Académie s’est déjà rendue à
Limbé pour la promotion de la
langue créole. Avec le MENFP, elle
a signé un partenariat qui vise à
valoriser la langue créole dans les
couloirs du ministère et dans le
cursus scolaire. Ils comptent, en
ce sens, donner leur apport dans
la formation des maîtres. De con-
cert avec la secrétairerie d’État
à l’Alphabétisation, ils comptent
éditer des ouvrages pour permettre
à ceux-là qui sont alphabétisés de
trouver des livres adéquats pour
leur formation ».
Toujours selon Madame Gour-
gues, un partenariat est signé en
même temps avec l’Unesco pour
élaborer une revue scientifique
en créole. L’Unesco les aidera
également à réaliser tant en Haïti
qu’à l’étranger des débats sur la
question linguistique. Des émis-
sions éducatives seront diffusées
bientôt sur la Télévision natio-
nale d’Haïti dans le but de faire
la promotion de la langue créole
et de véhiculer des informations
relatives à l’Académie, a déclaré
Madame Gourgues qui a profité
de l’occasion pour annoncer
que l’Académie prépare déjà des
activités dans le cadre du mois
de la langue créole, du 1er au 28
octobre 2015. Elle invite déjà,
au nom de l’Académie créole, les
créolistes et tous ceux qui sont
intéressés à la langue créole à
encourager les différentes initia-
tives de l’Académie, « une insti-
tution socioculturelle qui œuvre
en faveur du créole, instrument
important de notre culture et de
notre identité ».
L’Académie créole, depuis sa création, le 7 avril 2014, est une référence pour la langue créole en Haïti. Institution
de l’État, ayant un caractère administratif, culturel et scientifique, elle a pour mission de garantir le droit
linguistique de chaque Haïtien en ce qui a trait à la langue créole.
D
epuis son retour, en 1980,
dans le pays qui l’a vu
naître et grandir, on a
beaucoup parlé de Michel
Philippe Lerebours, diplômé de la
Sorbonne, mettant en exergue son
parcours exceptionnel et son exper-
tise en archéologie et en histoire de
l’art, son anthologie sur l’art haïtien «
Haïti et ses peintres », sa poésie, son
prix du ministère de la Coopération
française au concours RFI en 1996
pour sa pièce de théâtre « Les Circ-
oncis de la Saint-Jean », sans oublier
ses savantes recherches sur les sites
coloniaux de l’île d’Haïti. Doté d’une
capacité de travail hors du commun
et d’une générosité inconditionnelle,
jamais il ne se serait douté que cette
aventure prendrait une ampleur con-
sidérable dans sa vie.
1982, il fait bon vivre en Haïti,
les projets culturels abondent.
Ce pays, où la créativité foisonne
jusque dans la rue, connaît une
période fortement touristique, et
le marché de l’art constitue un
apport important pour l’équilibre
du budget de l’État. Michel
Philippe Lerebours fait la mise
en place du premier atelier de
restauration d’œuvres d’art, avec
l’appui de Ragnar Arnesen alors
directeur de l’OEA en Haïti. Cet
atelier va former les premiers res-
taurateurs haïtiens. Deux d’entre
eux sont encore vivants : Franck
Louissant et Marie Claude Gousse
Allen. Commence l’aménagement
du Musée du panthéon national
avec son assistance. Il est nommé
à la direction de l’École nationale
des arts, Enarts… Ma route croise
celle de cette âme et c’est le départ
pour un voyage enrichissant et
de grande sérénité. Je fais partie
d’une soixantaine de personnes
qui suivent avec attention le cours
d’histoire de l’art et d’esthétique
qu’il dispense à l’Institut français
d’Haïti. Le diplôme obtenu, nous
sommes sept à suivre le Maître à
l’École Orphée Noir pour un sup-
plément de connaissances. Dotés
d’une nouvelle vision du monde,
notre professeur nous ayant incul-
qué son amour de la beauté et de
la synthèse, sa quête des belles
lettres, son engouement pour la
recherche sur les sites coloniaux
et une identité haïtienne faite
de fierté et de tolérance, nous
partons après huit ans, lestés de
notre bagage en histoire de l’art.
Si écrire une critique construc-
tive nous passionne, Monsieur
Lerebours, comme nous le nom-
mons avec un affectueux respect,
demeure notre mentor et devient
un ami fidèle et attentionné.
En mars 1985, le Dr Michel
Philippe Lerebours reçoit de la
France le cordon du Chevalier de
l’Ordre National des Lettres et des
Arts.
1986, si elle amène une libéra-
tion, charrie également la houle
d’une violence latente, son magma
de malfaisance, d’opportunisme
et d’incompréhension. L’art plas-
tique connaît de grands débor-
dements de créativité, mais on
largue les amarres en route vers
des illusions et des projets irréal-
isables. Tout apprenti veut deve-
nir maître, tout disciple veut être
le porteur d’un projet de société,
même quand cette démarche com-
porte l’anéantissement des bases
mises en place pour l’évolution
culturelle et la destruction de la
réputation, voire la disparition
physique des directeurs de con-
science. Le Dr Michel Philippe
Lerebours comprend enfin
l’ampleur de l’envie et de la jal-
ousie qu’il inspire aux médiocres
chez lesquels il a voulu faire res-
sortir des valeurs morales et un
sentiment d’appartenance pour le
pays. Il fait face à une succession
d’agressions verbales et de menac-
es pour sa vie par des politiciens
prêtant une oreille sympathique
aux calomnies d’anciens étudiants
gonflés de suffisance et attirés
par les mirages de positions pour
lesquelles ils n’ont nulle quali-
fication. Jouant sa vie, la peur
aux tripes, il affronte stoïque-
ment les affres de l’ingratitude,
de la calomnie et de la trahison.
Lui si attentif à fuir la critique
destructrice et la polémique de
bas étage, se voit décrié par ceux-
là mêmes qu’il a formés dans le
souci de l’éthique, de l’amour et
de la rigueur qu’impose la cri-
tique d’art. L’École nationale des
arts, qu’il a structurée, assisté de
Madame Paulette Paoujol Oriol et
d’une équipe de professionnels
chevronnés, devient la cible des
cancres qui le prennent en otage.
(Cet établissement ne devait
jamais retrouver un curriculum
valable). Nous sommes alors les
témoins impuissants de la décep-
tion et de la crucifixion du Dr
Lerebours.
1991, c’est le « déchoukage » de
cet enseignant qui a tant donné à
la jeunesse haïtienne. Un homme
digne qui se voit traité en paria.
Suivent des années d’une infinie
tristesse dans un monde de vexa-
tions et de discriminations pour
les gens d’honneur, des années
de corruption et d’enlisement des
valeurs chez les directeurs de con-
science. Dans la démesure d’êtres
conditionnés par la passion et ses
délires contradictoires, Haïti perd
jusqu’au sens de la dérision. Le
sentiment d’appartenance perd
ses droits en faveur de l’égoïsme
hypertrophié.
Le Dr Michel Philippe Lerebours
se tient debout, malgré les expec-
tatives inquiètes engendrées par
la violence des vents batailleurs et
l’aventure périlleuse qu’est devenu
l’art haïtien. Comme l’écrit Jean
d’Ormesson, « il semble bien que
l’art ou ce qui en tient lieu, ait une
fonction magique », car loin de
se laisser envahir par le ressenti-
ment, les douloureuses appréhen-
sions et l’isolement le Dr Lere-
bours trouve une issue dans ses
recherches pour la mise à jour de
la réédition de la première publi-
cation de sa thèse de doctorat «
Haïti et ses peintres », une entre-
prise digne de considération. Une
série ininterrompue d’articles,
de lectures et de critiques pour
des institutions culturelles et des
universités aux États-Unis et en
Europe, occupe également son
temps.
Ce citoyen reste au service de son
pays et sans hésiter fait partie de
trois commissions présidentielles
et de la Route de l’Esclave. Un
bénévolat qui coûte cher en efforts
gratuits et inutiles sans aucune
compensation. Du dur travail pour
la patrie. Des journées qui ne lui
profitent guère.
La théorie étant toujours subor-
donnée à l’expérience, le Dr Lere-
bours demeure l’une des figures
les plus emblématiques du monde
de l’art haïtien. Il est actuelle-
ment le vice-président du Conseil
d’administration et le conserva-
teur des expositions du Musée
d’art haïtien du Collège
St-Pierre de Port-au-Prince. Malgré
sa renommée internationale
époustouflante et tout en ayant
une forte personnalité, il reste un
enseignant sobre, aimable, dis-
ponible, généreux et une âme trop
modeste. Les plaisirs du monde,
l’amitié et le bonheur en famille ne
sont pas négligés par cet érudit au
tempérament affectueux, enjoué
et avide de connaissances.
Cette phrase de Victor Hugo
s’adapte bien à l’image du Dr
Michel Philippe Lerebours : «
Savoir, penser, rêver. Tout est là. »
Ce dimanche 9 août, le Dr Michel
Philippe Lerebours est honoré au
Queens Museum de New York.
18 | N0
56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015
CULTURE
Michel Philippe Lerebours : Un personnage
emblématique dans le monde artistique haïtien
Par Marie Alice Théard
Michel Philippe Lerebours.
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  • 1. » lire page 5 » P.19 » P. 21 »   P. 6 CULTURE SPORT » suite page 3 Vladimir Delva : un arlequin des temps modernes par Dangelo Néard Haïti perd cinq places au classement Mondial par Gérald Bordes Évans Paul soumis au devoir de réserve HAÏTI / ÉLECTIONS Les législatives en chiffrepar NoclÈs DebrÉus DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 NUMÉRO 56 WWW.LENATIONAL.HT QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI ACTUALITÉ HAÏTI / PRÉSIDENCE / PROPOS GRIVOIS Le Premier ministre Évans Paul. / Photo : J. J. Augustin À moins de deux jours du 9 août, le Conseil électoral provisoire (CEP) met les dernières touches pour s’assurer du bon déroulement de cette journée électorale. Pour ce jeudi 6 août 2015, les matériels sensibles (bulletins de vote et procès-verbaux) sont en train d’être distribués dans les différents centres de vote, selon ce qu’a fait savoir, le directeur exécutif de l’organisme électoral, maître Mosler Georges, lors d’un entretien accordé au Journal sur les dernières dispositions adoptées. T ous les 5,8 millions d’électeurs inscrits dans le registre électoral sont conviés aux urnes le dimanche 9 août prochain. Pour ces élections, c’est un peu plus de 12 millions de bulletins de vote qui seront distribués dans les 13 525 bureaux de vote répartis dans les 1 508 centres de vote, selon les dernières informations communiquées le jeudi 6 août 2015 par le directeur exécutif du CEP, Mosler Georges. Pour Chaque bureau, tout le personnel est disponible, a informé, maître Georges. Les séances de formation pour les superviseurs, les agents de sécurité électorale, les opérateurs de saisie du centre de tabulation et les membres des bureaux de vote (MBV) sont terminées, dit-il, avant de reprendre quelques chiffres sur le personnel mobilisé dans ces joutes. Attention, les rapatriements continuent ! par Lionel Edouard
  • 2. 2 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 TRIBUNE J ’appelle « syndrome du candi- dat déjà gagnant » un problème retrouvé chez certains candi- dats qui tendent à apprécier leur victoire conformément à ce qu’ils souhaitent croire, même si la réalité dit autrement. C’est une situ- ation illusoire qui se manifeste par l’exagération. Quelqu’un qui souffre du syndrome du candidat déjà gag- nant croit qu’il n’a d’égal compétit- eur que lui-même. Les compétitions électorales ne sont pour lui qu’une simple formalité qui consacrera sa victoire tant il est aimé, populaire et compétent. Tous les autres com- pétiteurs sont des bons à rien. Il vit constamment dans la paranoïa et la mégalomanie. Il n’existe de réalité que la sienne. Tout sondage qui le met en situation défavorable est non scientifique, alors que n’importe quel faux sond- age, fort souvent fabriqué par ses sup- porteurs, le déclarant vainqueur est acclamé par sa fanfare tonitruante. Et quand finalement les résultats définitifs de l’organe électoral proc- lament sa cuisante défaite, il soutient la théorie du complot. On en veut à son modernisme, sa compétence, son dynamisme et son honnêteté. Tout le monde est contre lui. Quand ce n’est pas une conspiration ourdie par ses opposants qui explique son échec, c’est le peuple qui n’est pas digne de la grandeur de sa candidature. Ce n’est pas son temps. Il est en avance sur son temps. Pour le temps présent, il n’attire que l’incompréhension d’un peuple trop rétrograde et ignorant. Tels sont, entres autres, les signes symptomatiques du syndrome du candidat déjà gagnant. Très souvent, ce délire ne se mani- feste pas uniquement chez le candi- dat. Ça prend souvent la forme d’une démence collective, en ce sens que le cercle intime du candidat, sa famille et ses amis, est aussi convaincu d’une victoire inéluctable, nonobstant la tangibilité des faits qui exposent une réalité tout à fait contraire. Cepen- dant, loyauté familiale et amicale oblige, certains mettent la main à la pâte sans pourtant avoir souffert d’un quelconque syndrome. Cela dit, les candidats qui souffrent du syn- drome du candidat déjà gagnant ne sont étrangers à personne. Ils sont dans nos circonscriptions, ils sont dans nos départements. En outre, le syndrome du candidat déjà gagnant n’est pas difficile à identifier. Ces derniers jours, ils sont quotidiennement dans les débats de radio et télévision. Ce mercredi 5 août, Valery Numa, dans la rubrique « Invité du jour », une émission très écoutée, réalisait un beau débat met- tant face à face deux jeunes candidats très compétents, originaires de Port- de-Paix. Quand le journaliste deman- da à chacun d’eux de se position- ner, en toute honnêteté, en termes d’intentions de vote, sans aucune hésitation, chacun s’est autoclassé en première position. Cette question a vite déclenché une petite bagarre entre ces deux compétiteurs qui se respectent, dirent-ils, mutuellement. Cependant, quand le journaliste leur fit savoir qu’aucun d’entre eux n’est en première position dans le sondage réalisé par le Bureau de recherche en informatique et en développement économique et social (Brides), ils firent entendre un concert de rires – jaunes, peut-être – pour blâmer l’incongruité des résultats. En pas- sant, je dois admettre, en fait, que pour la députation, les résultats de ce sondage laissent beaucoup à désirer. Avec une marge d’erreur de plus de 10 %, la réalité est difficilement reflétée. Et le Brides ne cache pas sa réserve en nous informant que « les résultats au niveau de la circonscrip- tion électorale pour les candidats à la députation doivent être utilisés avec beaucoup de précaution » (p. 3-4). De toute façon, quand seulement 100 personnes par circonscription élec- torale sont sondées, avec « une seule indication » (p. 3), il ne saurait en être autrement. Cela, de toute façon, ne constitue pas une échappatoire pour les candidats souffrant du syn- drome du candidat déjà gagnant, car même au cas où les résultats auraient reflété la réalité, ils ne seraient pas moins récalcitrants. Cependant, il faut souligner que toute manifestation d’irréalisme n’est pas symptomatique du syndrome du can- didat déjà gagnant. Un candidat, bien imbu de son impopularité, peut choi- sir d’exhiber une extrême confiance et certitude dans sa victoire comme une stratégie afin de manipuler l’opinion. Si, par accident, il est élu, tant mieux, mais être élu n’a jamais été l’objectif initial. Les compétions électorales ne seraient pour lui qu’un expédient, un but pour atteindre une fin non avouée. Une opération effectuée par la ruse, la déception et la duperie. Le sociologue Erving Goffman aurait qualifié pareil candidat de cynique. Dans son livre « The presentation of self in everyday life », Goffman (1959) utilise une métaphore dramaturgique pour nous exposer le monde social comme un théâtre où chacun cherche constamment à influencer la percep- tion de l’autre dans les interactions quotidiennes. Nous sommes donc de véritables acteurs qui performent en vue de projeter la meilleure présen- tation de soi à l’autre. Cependant, il distingue deux sortes d’acteurs : l’un qui, en performant sa mise en scène, n’arrive pas à se dissocier de l’acte ; il peut, sincèrement, finir par croire à sa propre réalité illusoire. L’autre, de son côté, n’a aucun intérêt dans l’acte et n’y croit certainement pas, mais tient à ce que l’audience accepte la mise en scène comme une réalité. C’est ce second groupe que le Dr Goff- man identifie comme des cyniques. Entre celui qui souffre du syndrome du candidat déjà gagnant et le cynique, il y a le réaliste qui évalue toujours ses forces et ses faiblesses en fonction des contingences et des vicissitudes. Il est confiant, mais humble. Cependant, rares sont-ils, car la majorité des candidats, mal- heureusement, souffre du syndrome du candidat déjà gagnant. En fait, aussi hilarant que cela puisse paraî- tre, il est important de réfléchir aux conséquences d’une telle anomalie dans la mesure où je peux difficile- ment concevoir un job qui requiert autant de lucidité et de clairvoyance que celui qui consiste à représenter tout un peuple soit à la magistrature suprême de l’État, soit au Parlement. Ainsi donc, on doit s’attendre à ce que quiconque aspirant à de telles positions manifeste en tout temps une capacité de discernement qui reflète un sens d’équilibre. Et dans notre cas (nous y assistons tous avec consternation), quand la nation est gouvernée par des délirants et des illusionnés, le résultat n’est autre qu’une débâcle morale, sociale et économique. Suivez mon regard ! Le syndrome du candidat déjà gagnantPar Claude Joseph
  • 3. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 3 ACTUALITÉ Elections... J-1 On est dans la dernière ligne droite. Le Conseil électoral provisoire revoit ses devoirs, vérifiequetoutestenplace,qu’aucuneerreurn’aétécommise.Onpeutêtreconscient decertaineslacunes,decertainesfaiblesses,l’essentielc’estd’obtenirlanotedepas- sage.Unenotequidépendaussidel’attitudedesélecteurs,descandidatsetdeleurs partisans. Lesorganisationsdedéfensedesdroitshumains,enparticulierleRéseaunationalde défensedesdroitshumains(RNDDH)danssondernierrapportpubliélejeudi5août dernier,tirentlasonnetted’alarme.Lacampagneélectoraleaétéponctuéedeviolences oùsontsouventimpliqués,celan’étonnepasdanslatraditionhaïtienne,lescandidats prochesdupouvoirenplace. Les campagnes électorales suscitent partout des passions, et plus le tissu social est déchiré,enlambeaux,pluslescasdeviolencesemultiplient.Mêmeauniveaufamilial onpeutconstaterdesheurtsquipeuventlaisserdestraces.Onestàpeineétonnédelire àlapage6durapportduRNDDH:«Le29juillet2015.Dansl’après-midi,àSaintLouis duSud,localitéZangle,lecandidatàladéputationsouslabannièredePHTK,Gandhi Dorfeuilles, accompagné deses partisans, agressephysiquementsonfrèreChrisma Dorfeuiles,luiaussicandidatàladéputationsouslabannièreduRéseauBouclier.» Ilestàcraindre,danscertaineslocalitésoùdescitoyenssesontconstruitdespositionsde caciquegrâceàleursrapportsprivilégiésaveclespouvoirsenplace-quandlapopula- tionfatiguéedesagissementsdecespersonnesmenacedefaireunautrechoix-des risquesdedérapagesilapoliceetlajusticenefontpaspreuved’impartialitéettrouvent desprétextespournepasagir. LeConseilélectoralprovisoire,leConseilsupérieurdelamagistratureetlegouverne- mentontcrubon,encoreunefoisàcettephasecruciale,derappeleràtouslesagents dusystèmejudiciairel’obligationquileurestfaited’observerunetotaleneutralitéen toutecirconstance. Danslapratique,ceseradifficile.ÊtreaupouvoirenHaïtisignifiebeaucoupdechoses. Lesconnivencesfamiliales,sociales,économiques,religieusesmême,liéesàlaprécarité, créentunétatdesuspicionpermanent,unetensioncapablededéboucheràn’importe quelmomentsurdesaffrontementspouvantcauserénormémentdetortsauprocessus électoral. Seuleslapaixetlatransparenceàtouteslesétapesduprocessussontenmesured’éviter que les contestations, inévitables, ne se transforment en des tonnes de différends ingérablesetquiviendrontencorepluspourrirl’atmosphèrepolitique. À une journée des élections législatives, la majorité des électeurs semblent toujours trèspeuconcernésparlaquestion.Iln’yapaseudedébatsd’idéesmalheureusement. L’évènementnesembleintéresserqueceuxquijugentavoirunintérêtprécisdansla victoire d’un candidat. Le National espère que dans les prochaines heures, dans un sursautpatriotique,lesélecteurs,engrandnombre,serendrontauxurnespourtenter deconstituerunemassecritiquededéputésetdesénateurscapablesdepermettreau Parlementdetenirlerôlequiestlesien. Gary VICTOR Édito Les législatives en chiffrepar Noclès Débréus HAÏTI/ÉLECTIONS Hormis le personnel des Bureaux électoraux départementaux (BED) et celui des Bureaux électoraux communaux (BEC), le CEP a mobilisé un personnel vacataire appelé à servir le jour vote. Ainsi, les superviseurs électoraux et les superviseurs généraux sont plus de 4 000, les membres des bureaux de vote sont estimés à 41 175 personnes tandis que les agents de sécurité électorale se chiffrent à 5 256, et le personnel du Centre de tabulation est évalué à plus d’un millier. Tout le personnel en question a déjà reçu les formations nécessaires et attendent le jour « J » pour pouvoir se mettre à l’œuvre. Dans la foulée, Mosler Georges a aussi annoncé que le CEP est en train de distribuer les accréditations pour les mandataires aux partis politiques. Cette catégorie de personnes joue un rôle capital, car elle représente le candidat ou le parti au bureau de vote. Quant à l’observation électorale, les organisations ayant formulé la demande au CEP commencent déjà à recevoir les accréditations, a informé de son côté Lucien Hébert, responsable de l’observation au sein de l’institution électorale. Pour ces élections, elles sont nombreuses les organisations ayant manifesté leur volonté de participer à l’observation de ces joutes. Pas moins de 70 organisations et/ou institutions, dont une vingtaine d’organisations étrangères, ont fait la demande au CEP, a expliqué Monsieur Hébert qui dit prévoir au moins 30 mille observateurs pour le jour du vote en tenant compte de la quantité de demandes reçues. À côté des organisations nationales, comme le Conseil national d’observation électorale (CNO), le RNDDH, IMED, POHDH, plusieurs organismes internationaux tels que l’Organisation des États Américains (OEA), l’Union européenne, sans compter les ambassades des États Unis, du Canada de la Suisse et autres sont intéressées à observer ces élections. Interrogé sur les violences électorales qui créent une grande frayeur chez les électeurs, maître Mosler Georges renvoie la balle dans le camp de la Police et de la Justice. Les 5 000 agents de sécurité électorale (ASE) sont appelés à être utilisés dans les centres de vote, dit-il. Dans le cadre de ces élections, poursuit-il, la Police a déjà présenté un plan de sécurité au CEP. Durant le jour du vote, la PNH entend déployer un important dispositif de sécurité avec 9 600 agents de l’ordre qui seront mobilisés et éparpillés à travers le pays dès ce jeudi 6 août. À ce sujet, le gouvernement de son côté semble avoir joué sa partition en dégageant un budget de 6 millions de dollars au profit de la Police nationale d’Haïti, si l’on se fie aux propos du ministre chargé de la Question électorale, Jean Fritz Jean Louis. Pas moins de 150 véhicules flambants neufs ont été achetés pour la PNH qui a la lourde responsabilité d’assurer la sécurité de la population, en particulier celle des électeurs et des candidats le jour du vote, a expliqué le Ministre. Il annonce par ailleurs, un support particulier aux candidats féminins en mettant à la disposition de chaque candidate au Sénat, conformément à la demande du chef du gouvernement, Évans Paul, un agent de la PNH. Des opérations électorales à la sécurité électorale, en passant par la logistiqueetl’observationélectorale, les autorités gouvernementales, électorales, judiciaires et policières se disent prêtes pour le 9 août. Et personne n’est en mesure de dire le contraire, malgré des doutes persistants chez certains acteurs de la classe politique et de la société civile. Le jour « J » arrive dans 48 heures. Les autorités et Le CEP sont donc attendus au tournant. » suite de la première page Mosler Georges, directeur exécutif du CEP. / Photo : J. J. Augustin
  • 4. WWW.LENATIONAL.HT 10, RUE GABART · PÉTION-VILLE EMAIL: INFO@LENATIONAL.HT PUBLICITE@LENATIONAL.HT REDACTION@LENATIONAL.HT (509) 4611-1010 / 3214-5554 PROPRIÉTAIRE : LE NATIONAL. 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Ces dispositions traditionnelles, rappelle-t-il, participent de la mission de la PNH d’assurer la sécurité de la population. « Même lorsqu’un citoyen est détenteur d’un permis de port d’arme, il ne pourra pas circuler avec durant cette période », a-t-il poursuivi. Il a en outre indiqué que les compagnies de sécurité, elles-mêmes, ne pourront pas non plus effectuer la relève comme elles avaient l’habitude de le faire auparavant. Ainsi, elles seront obligées de le faire sur leurs lieux de travail. Selon Frantz Lerebours, il en sera de même pour la circulation des motocyclettes et des automobiles. Motards et automobilistes, informe-t-il, se verront refuser l’accès aux artères conduisant dans les parages des centres de vote à environ 300 mètres, notamment les Bureaux électoraux départementaux (BED) et les Bureaux électoraux communaux (BEC). Ces dispositions générales, souligne M. Lerebours, peuvent subir des modifications en ce qui concerne des officiels tels, des membres de la presse, des observateurs du déroulement du scrutin. Néanmoins, cela ne sera rendu possible qu’à l’aide d’une autorisation (dûment signée). Une circulation au rabais La circulation sera difficile au cours du déroulement de ce scrutin, compte tenu de ces mesures restrictives. Mais les autorités semblent ne pas s’en préoccuper.. Pour le commissaire, il s’agit de décisions qui ont été prises de concert avec les membres du Conseil électoral provisoire (CEP). S’il faut les revoir, la Direction générale de la Police s’évertuera à en informer la population, souligne M. Lerebours. En ce qui a trait aux contrevenants à ces mesures, prévient le porte- parole de la PNH, ils seront interpellés et dépouillés des objets interdits trouvés en leur possession. Ensuite, ils seront remis à la Justice pour les suites légales. Des numéros pour mieux communiquer Quant à la sécurité du vote, la Police mobilise toutes ses ressources afin de contribuer à la réussite de ces législatives. À cet effet, Frantz Lerebours a communiqué une liste de numéros de téléphone qui doivent permettre d’alerter les directions départementales en cas de besoin : l’Ouest : 3820-1111, le Sud : 3804-3333 ; le Nord-Ouest : 3805- 8888 ; le Sud-Est : 3805-7777 ; le Centre : 3806-6666 ; l’Artibonite : 3822-4444 ; le Nord-Est : 3805- 9999, les Nippes : 3805-1010 ; la Grand-Anse : 3806-5555 ; le Nord : 3806-2222. Il a également communiqué les coordonnées du Centre de renseignements et d’opération de l’institution (CRO) : 3838-1111, et la Direction départementale de l’Ouest de la Police : 3821-111. Le commissaire a en outre indiqué que les membres de la population peuvent partager des informations avec l’institution sur des faits d’intérêt public via ses comptes Facebook : « policenationaledhaiti- PNH» et Twitter « pnhofficiel ». Quid du déploiement des troupes ? Après l’annonce de leur plan spécial, les autorités policières informent qu’elles vont augmenter leur effectif à travers les différents départements du pays. Une bonne nouvelle pour les sceptiques redoutant des actes de violence lors des élections. Au moment du déroulement du processus électoral, le principe de neutralité demeure le mot d’ordre des agents de la PNH. Le porte-parole a indiqué que près de 9 621 agents, dont 7 126 officiers de l’institution seront déployés dans les départements du pays en vue de renforcer l’effectif de ces policiers. Fauteurs de trouble, attention ! Depuis la publication du décret électoral le 2 mars dernier, l’escalade des scènes de violence préoccupe les organisations de la société civile, les candidats et les électeurs. Le porte-parole adjoint de la PNH, Garry Desrosiers, avait récemment déclaré que les bandits n’auraient pas de répit s’ils ne changeaient pas de profession. Aujourd’hui, Frantz Lerebours les appelle à la raison et les invite à se détourner de la voie de la violence, car la police, promet-il, ne lésinera pas sur les moyens pour sévir contre eux. Il a, par ailleurs, indiqué que dès ce jeudi les directions départe- mentales bénéficieront d’un ren- forcement de leurs effectifs et recevront des équipements néces- saires en ce qui a trait au déroule- ment de ce scrutin. 4 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 ACTUALITÉ Le porte-parole de la PNH, Frantz Lerebours. / Photo : J. J. Augustin La Police nationale d'Haïti mobiliséepar Reynold Aris HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES La PNH annonce des mesures visant à contribuer au bon déroulement du scrutin du 9 août prochain. Interdiction du port d’arme, de la circulation des motocyclettes, la vente des boissons alcoolisées ainsi que la fermeture des cabarets : telles sont, entre autres, les mesures annoncées par le porte-parole de la Police nationale d’Haïti (PNH), Frantz Lerebours, lors d’une conférence de presse donnée le jeudi 6 août 2015, dans les locaux du commissariat de Port-au-Prince au Champ de Mars.
  • 5. « Prezidan Martelly granmoun », s’est exclamé le PM, invité à réagir sur les ondes de Radio Scoop FM, aux propos jugés vulgaires lancés par le président Martelly à l’endroit d’une dame qui questionnait ses réalisations à Miragoâne. Il croit que le Président est maître de ses dires et est capable de les assumer lui-même. « Je me garde de faire des commentaires sur quelque chose que je ne maîtrise pas à 100 %», a ajouté le chef du gouvernement, qui dit toutefois « comprendre » la position de ceux qui se sentent blessés par les diatribes du président de la République. « S’il y a des personnes qui se sentent choquées, comme je suis un haut responsable de l’État, je leur présente des excuses », confesse le Premier ministre visiblement mal à l’aise sur la question. Tantôt philosophe, tantôt politici- en, le Premier ministre a rappelé que chacun à une éducation et un tempérament différents, et a ensuite souligné que « le vivre- ensemble n’autorise personne à juger ou à crucifier l’autre ». Les déclarations du chef de l’État, en plus de soulever des réactions diverses au sein de la société, ont poussé le parti Fusion à se retirer du gouvernement, trois jours avant le premier tour des élections législatives. Le Premier ministre ne croit pas que ce retrait puisse affaiblir son gouvernement. Il dit cependant respecter la position de la Fusion, mais estime qu’il s’agit d’un incident de parcours qui ne nuit pas grandement à son équipe. Il rap- pelle d’ailleurs qu’au cours de sa car- rière de responsable politique, il a eu, lui aussi, à demander à des ministres de se retirer d’un gouvernement. En effet, le jeudi 6 août, le ministre des Affaires sociales et du Travail, Victor Benoît, a, dans une lettre, présenté sa démission au chef du gouvernement, Évans Paul. Dans cette correspondance, le leader du Konakom explique que cette décision intervient en dépit de la qualité de ses relations politiques avec M. Paul, dont il salue le leadership. À en croire la présidente de la Fusion, Edmonde Supplice Beauzile, la ministre Yvrose Myrtil Morquette et le secrétaire d’État à l’Alphabétisation, Clérisson Mozart, devront suivre la même voie.Malgré cette situation de tension au sein du gouvernement, Évans Paul, avec la maîtrise du verbe qu’on lui connaît depuis les vingt dernières années, a trouvé une façon d’esquiver toute question relative à ses sentiments personnels à l’écoute des propos du chef de l’État. Il précise toutefois que le Président se trouvait dans une activité personnelle et qu’il est libre de mener campagne. « J’ai choisi de ne pas mener campagne pour quiconque, bien que je sois membre d’un parti. Aucune loi ne m’interdit de le faire, mais j’ai choisi de ne pas le faire. » La neutralité n’existe pas Sur la question électorale, le Pre- mier ministre, qui parlait moins de soixante-douze heures avant le premier tour des législatives prévu pour ce dimanche, a annoncé que toutes les dispositions ont été prises sur le plan sécuritaire pour la pleine réussite de la journée électorale. Il appelle la police à faire son travail en toute impartialité et invite la popu- lation à se rendre aux urnes en toute quiétude. Comme il le fait toujours, Évans Paul n’a pas raté l’occasion de rappeler que son gouvernement n’agira en faveur d’aucun candidat. Il croit qu’il en sera de même pour les conseillers électoraux. Ce n’est pas parce que les conseillers et les ministres sont nécessairement neutres, explique-t- il, c’est tout simplement parce qu’ils se doivent de rester honnêtes et de surpasser leurs penchants personnels dès qu’ils se trouvent dans l’exercice de leurs fonctions. « La neutralité n’existe pas, ce qu’il faut privilégier, c’est l’honnêteté », professe le Premier ministre. L aFondationHéritagepourHaïti (LFHH), section haïtienne de Transparency International (TI), a organisé, le jeudi 6 août 2015, un atelier de formation à l’intention des journalistes haïtiens qui vont assurer la couverture des élections de cette année. L’objectif a été de sensibiliser les journalistes aux comportements qu’ils devront avoir non seulement au moment des campagnes électorales, mais également pendant les scrutins. À la fin des assises, les journalistes ont signé volontairement un pacte d’engagement proposé par la Fondation Héritage. Ce pacte d’engagement, informe la présidente de la Fondation, Marilyne B. Allien, va être posté sur le web, transmis aux différents partis et regroupements politiques, ainsi qu’aux institutions concernées par l’organisation des élections en Haïti, en vue de faire savoir à toute la population en général que la presse s’engage à aider à la réalisation d’élections honnêtes, justes et équitables. Il est important, estime Marilyn B. Allien, d’accompagner les journalistes durant cette période et de leur fournir un outil de travail susceptible de les aider en matière d’éthique et d’impartialité. Pour elle, il est nécessaire que les journalistes cultivent, le jour du vote, la droiture, la loyauté, la sincérité, la franchise, la neutralité et l’objectivité dans leurs reportages, ni plus ni moins. Pour informer la population, encourage- t-elle, il faut seulement faire des rapports sur ce qui se passe exactement au niveau des centres et bureaux de vote, sans prendre position, pour ne pas entraver la fiabilité de l’information. Le document signé a été discuté en atelier par les journalistes. Il comprend au total 10 articles détaillés en plusieurs paragraphes. En paraphant ce document, les journalistes disent symboliquement qu’ils s’engagent à user de leurs compétences et de leurs expériences pour assurer la couverture du processus électoral avec professionnalisme et objectivité. En effet, leur devoir est d’exposer et de faire connaître la loi électorale et les dispositions de la Constitution, sans pour autant orienter le vote de la population à leurs fins, a déclaré la présidente de la Fondation. D’autres engagements sont égale- ment confinés dans le document. Il s’agit pour les journalistes d’assurer la couverture des élections sans dis- crimination aucune, en donnant à tous, organisateurs, citoyens ou candidats, le droit de s’exprimer librement, dans le respect des règles établies ; de soutenir toute initiative favorisant l’apaisement et l’éducation citoyenne, à savoir la sauvegarde de l’unité nationale, le respect et la défense de la culture haïtienne, et le droit à la différence d’opinion ; de dénoncer toutes sortes de dérives quand il le faut, qu’elles soient engendrées par les candidats ou les organisateurs de ces élections. Le numéro un de la Fondation a, par ailleurs, conseillé aux journalistes de résister à toute forme de pression et de manipulation de nature à travestir l’objectivité de l’information ou à déstabiliser l’ambiance électorale. Aussi les invite-t-il à s’abstenir, durant la période électorale, de diffuser des informations pouvant provoquer des conflits, comme des propos injurieux, vexatoires ou diffamatoires, qui peuvent porter atteinte à la dignité d’un candidat ou d’un groupement politique. Par conséquent, elle incite les journalistes à observer ces règles d’éthique et de déontologie qui font la promotion pour l’exactitude et l’équilibre des informations. À pratiquer la probité morale, le respect de la dignité humaine et le sens de la responsabilité, avant, pendant et après les élections, pour enfin divorcer d’avec cette pratique d’élections frauduleuses, douteuses, et favoriser l’émergence d’un climat de paix, de confiance et de sérénité aux moments des élections en Haïti. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 5 ACTUALITÉ Évans Paul soumis au devoir de réservepar Eddy Laguerre Transparency International sensibilise les journalistespar EVENS REGIS HAÏTI/PRÉSIDENCE/PROPOSGRIVOIS HAÏTI/ÉLECTIONS » suite de la première page À un moment où les dernières déclarations du président Martelly provoquent une petite implosion au sein du gouvernement, le Premier ministre Évans Paul se refuse à tout commentaire sur cette sortie pour le moins fracassante du chef de l’État. « J’ai mon opinion sur ces déclarations mais ma position ne me permet pas de l’exprimer », s’est contenté de dire le chef du gouvernement, qui a même présenté des excuses à toute personne choquée par les propos du premier mandataire de la nation.
  • 6. 6 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 ACTUALITÉ S elon les organisations de défense de droits humains œuvrant dans le domaine, les rapatriements continuent. Ce sont 949 personnes, dont 493 hommes, 336 femmes et 120 enfants, qui ont été rapatriées rien que pour le mois de juillet 2015. Des données qui ont été collectées par le Groupe d’appui aux réfugiés et rapatriés (Garr) en collaboration avec le Réseau frontalier Jeannot Succès (RFJS). La plupart de ces ressortissants haïtiens travaillaient dans le secteur agricole et pratiquaient la cueillette de tomates. Certaines communes frontalières ont payé le prix fort. Dépourvues de toute infrastructure d’accueil et de présence conséquente des responsables de l’État central, elles paraissent désarmées face à ce phénomène nouveau. Il s’agit, notamment de Ouanaminthe, commune la plus touchée par le processus de rapatriement, Belladère, Ganthier, Cornillon Grand-Bois, Fond- Verrettes et Lascahobas. La mise en place d’un centre d’accueil au niveau de la frontière à Malpasse, à l’arrière des locaux devant loger la Douane, ne va apporter aucun changement notable à la situation, selon le Garr. Aucun dortoir, aucun centre de stockage d’eau, l’espace est peu accueillant. Le hangar qui offre le plus de confort présente une surface de 4 mètres de large sur 15 mètres de long, informent les responsables de cette organisation. Ces rapatriements, en plus, continuent de se pratiquer en totale violation des droits des migrants qui ont expliqué avoir été déportés sans être payés par leurs employeurs et/ou propriétaires de fermes en République dominicaine, soutient le Garr. De nombreux compatriotes ont, dit-il, depuis le début de l’application de l’arrêt 168-13, à la mi-juin, rapporté avoir été victimes de ces actes de violation qui les privent du fruit de leur labeur. Parmi les personnes refoulées en Haïti, certaines auraient choisi volontairement le chemin du retour. Ils sont au total 7 679 personnes recensées dans différents points frontaliers par les institutions de défense et de promotion des droits des rapatriés depuis le mois de juin. Dans ce lot, on compte 3 405 hommes, 3 557 femmes et 717 enfants. Appel à la vigilance durant les élections Dansuneinterviewexclusiveaccordée au National, Philippe Jean Thomas, président du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr) pensent que dans tous les pays les élections éclipsent pas mal d’autres dossiers. Aussi, en Haïti, estime-t-il, ce n’est pas étonnant que les dossiers des rapatriés évoluent dans l’ombre des élections. Toutefois, il appelle à la vigilance afin de protéger les acquis de ces derniers jours. « Le Plan national de régularisation des étrangers (PNRE) a expiré et la presse n’en parle même pas », fait-il remarquer. Une situation qui préoccupe M. Jean Thomas qui espère que la fièvre électorale qui traversera le pays durant les jours qui viennent ne sera pas exploitée par les ultranationalistes dominicains pour persécuter les immigrants ou les déporter sans respecter leurs droits et les normes établies en la matière. En ce qui a trait au nouveau moratoire qui serait en train d’être négocié par des organisations internationales, rapporté récemment par l’ancien ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, Edwin Paraison, dans une interview publiée dans les colonnes du journal, Philippe Jean Thomas s’est refusé à tout commentaire, arguant qu’il n’était pas au courant. D’un autre côté, le défenseur des droits des migrants s’est dit satisfait de la manière dont la diplomatie haïtienne a abordé le dossier des rapatriés, ces dernières semaines. Le fait de porter le dossier au niveau multinational est une bonne chose, soutient-il, tout en lançant une mise en garde afin d’éviter les négociations binationales. « Les Dominicains ne respectent pas ce qu’ils ont signé », a lâché le militant pour prévenir les autorités haïtiennes, afin qu’elles ne commettent pas les mêmes erreurs qui ont desservi la cause des migrants. Très optimiste, Philippe Jean Thomas souhaite une reprise rapide de ce dossier, immédiatement après les élections. Aussi promet-il que son organisation restera vigilante et continuera de défendre les droits de ces migrants. Attention, les rapatriements continuent !par Lionel Edouard HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE Noyé dans le tohu-bohu électoral, le dossier de déportation des Haïtiens en provenance de la République dominicaine continue pourtant de représenter à la fois une grande menace pour le pays et un grand défi pour la diplomatie. Les vagues de déportations continuent, et le moratoire de quarante-cinq jours accordé après l’expiration, le 17 juin dernier, du Plan national de régularisation des étrangers, a aussi pris fin le 2 août. Les rapatriements continuent de se pratiquer en totale violation des droits des migrants. / Photo : J. J. Augustin
  • 7. « Les cas de fraudes sont multiples », affirme Édouard Paultre. Des membres de bureau de vote, des électrices et électeurs soudoyés, des partisans de candidats monnayés, sont retenus comme les protagonistes, artisans sur le terrain, de ces scènes de magouille. Frauder, n’est pas une entreprise instituée juste pour le plaisir, « ils font la fraude pour gagner les élections », traduit Édouard Paultre, joint par Le National. Dans la cohorte des actes de fraudes, le Conhane répertorie, la falsification des procès-verbaux de votes, le vote intentionnel pour plusieurs candidats sur un même bulletin, ce qui élimine automatiquement ce bulletin et la création de la peur et de l’intimidation, autour des centres de vote par des partisans monnayés, pour défendre les intérêts de candidats faibles dans la zone où se trouve le bureau. La manipulation des commissaires du gouvernement et des juges de paix, lors des constats en cas d’irrégularités, figure aussi sur le registre du Conhane. La liste ne peut que se défiler, l’ancienne conseillère électorale, Ginette Chérubin qui a occupé cette fonction de décembre 2007 à avril 2011, revient, au moment d’un entretien au National, sur les types de fraudes dont elle se rappelle. Les bourrages d’urnes, consistant à placer des bulletins de vote dans les urnes avec de fausses signatures, ou, en y insérant des bulletins vierges, ne comportant aucune expression de vote et le trafic de vote, réalisé via le paiement d’une électrice ou d’un électeur pour qu’il puisse voter pour un candidat, au moment du vote, sont d’autres situations présentées par la Conseillère. Les ratures volontaires opérées par des membres de bureau de vote sur les procès-verbaux, dans l’optique d’éliminer un candidat, quand ils n’y ajoutent pas de faux chiffres, représentent une autre pratique qui empêchent aux résultats de refléter exactement l’image des choix de la population. Un autre contexte favorable à la fraude, c’est au niveau du Centre de tabulation, au moment du contrôle légal, où sont mis en quarantaine par des avocats du Centre, les procès- verbaux de votes, non valides. Pour Ginette Chérubin, le fait que cette opération ne se déroule pas au vu et au su de tous, avec un constat juridique et légal sur le nombre de procès-verbaux mis en quarantaine, « constitue une faille ». D’après la conseillère Chérubin, ce processus de mise en quarantaine, peut faciliter à des membres du Centre de tabulation, hostiles à un candidat, le déplacement des procès-verbaux favorables à ce dernier, dans le lot des écartés. Ginette Chérubin est l’auteure de l’ouvrage, « Le ventre pourri de la bête », dressant un tableau des manquements dans l’organisation des élections en Haïti. Marie Yolène Gilles est responsable de programmes au Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Le réseau fait partie des organisations qui observent généralement les processus électoraux dans le pays. Pour Mme Gilles, parmi les cas étonnants, c’est le fait qu’une personne sans carte électorale ou avec la carte de quelqu’un d’autre, parvienne à voter. La situation où, le membre d’un bureau de vote facilite un parti au détriment d’un autre, est tout aussi dénoncée par la militante. Au grand mal, de grands remèdes « L’éducation civique reste le principal moyen pour finir avec les cas de fraudes dans le pays, lors des élections », d’après Marie Yolène Gilles. À côté de la nécessité de permettre aux membres de la population de connaître les principes et les comportements à adopter en période électorale, il devient autant impératif, de punir celles et ceux pris en train d’exécuter des actions nuisibles au processus. Cette absence de punition « pérennise le cycle d’impunité », dixit Gilles. C’est aussi la position d’Édouard Paultre, qui croit qu’il « faut sanctionner les coupables ». Pour M. Paultre, « seule l’application intégrale de la loi électorale » peut garantir l’honnêteté du processus. Pour Ginette Chérubin, la solution profonde reste « la sensibilisation et l’éducation civique ». Elle croit aussi important que pour les partis et regroupements choisissent des mandataires crédibles. Le Conhane, impute ce grand mal à la mauvaise organisation du système politique, qui d’ailleurs fait manquer le pas au pays. Il faut une réorganisation du système politique haïtien, préconise l’organisation. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 7 ACTUALITÉ La fraude, une culture électorale par Stephen Ralph Henri HAÏTI/ÉLECTIONS Les cas de fraudes lors des journées de vote sont légion en Haïti. Dans leurs diverses formes, ils doivent être éliminés par le respect de la loi et une réforme du système politique haïtien, selon les constats et déclarations de personnalités de la société ayant l’habitude de l’organisation ou de l’observation électorale.
  • 8. 8 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 MONDE Dilma Rousseff de plus en plus impopulaire au Brésil Sources : Reuters L a cote de popularité de la prési- dente brésilienne, Dilma Rous- seff, reste au plus bas et un nombre croissant de ses con- citoyens souhaitent qu’elle ne termine pas son mandat, montre un sondage publié jeudi par l’institut Datafolha. Eclaboussée par un vaste scan- dale de corruption et affaiblie par la pire crise économique qu’ait connue le Brésil en un quart de siècle, Dilma Rousseff ne bénéfi- cie plus que du soutien de 8% des personnes interrogées, un score pratiquement inchangé par rap- port à celui que lui donnait un autre sondage récent (7,7 %). La proportion des Brésiliens jugeant « mauvaise » ou « très mauvaise » l’action de son gou- vernement a atteint 71 %, soit six points de plus que dans l’enquête Datafolha de juin. En outre, 66 % des personnes interrogées estiment qu’une procédure de destitution devrait être engagée à l’encontre de la présidente, contre 63 % en avril, selon ce sondage réalisé mardi et mercredi auprès de 3 358 per- sonnes. L’impopularité de Dilma Rousseff atteint ainsi un niveau sans précé- dent depuis le début des études d’opinion de Datafolha, dépassant même celle de son prédécesseur Fernando Collor de Mello en 1992, alors qu’il était lui-même visé à l’époque par une procédure de destitution liée à des faits de cor- ruption. L’opposition appelle à des mani- festations dans tout le pays le 16 août. L’Inde, le Canada et le Brésil figurent parmi les potentiels acquéreurs mais la revente des BPC ne sera pas une mince affair Paris et Moscou ont trouvé un accord pour mettre un terme à l’épineux dossier des Mistral. La Russie sera remboursée et la France se retrouve avec deux bâti- ments de projection et de com- mandement (BPC) sur les bras. Il s’agit désormais de trouver un nouvel acquéreur ou une éventu- elle reconversion pour ces deux porte-hélicoptères dont l’entretien et la maintenance coûte plusieurs millions d’euros par mois. 20 Min- utes fait le point sur la « seconde vie » des deux navires. Les plus : un navire moderne et polyvalent Commençons par les bonnes nou- velles. Le Mistral est un navire polyvalent à la pointe de la tech- nologie. « Ce type de bateau peut convenir pour une palette d’opérations variées », souligne l’Amiral Alain Coldefy, directeur de recherche à l’IRIS, spéciali- ste de la stratégie maritime et de l’industrie de défense. « Il a la capacité de diriger des opéra- tions depuis un poste de com- mandement, ce qui intéressait principalement les Russes, mais aussi de mener des missions de maintien de la paix, des opéra- tions humanitaires, sanitaires, d’assistance et d’évacuation ». En effet, le Mistral permet à un état-major de mener des opéra- tions militaires de grande ampleur, mais il dispose également d’un hôpital équivalent à celui d’une ville de 25.000 habitants. Cet aspect « couteau suisse » permet d’élargir la liste d’acquéreurs potentiels. Les moins : un marché de la demande L’IHS Jane’s estime la demande mondiale pour ce type de navire autour de 26 pour les dix pro- chaines années. Pour autant, « l’industrie navale militaire est un marché de la demande », insiste Charles Forrester, analyste en industrie de la défense chez IHS Jane’s. Les clients font appel aux con- structeurs selon leurs besoins, en leur fournissant un cahier des charges spécifiques. Or les Mistral ont été conçus pour répondre aux exigences russes. En outre, « les Etats préfèrent sou- vent assembler les vaisseaux mili- taires sur leurs propres chantiers navals », explique-t-il, question de fierté. Nouveau look pour une nouvelle vie Le futur acquéreur devra égale- ment investir dans les équipe- ments des navires. La Russie va en effet récupérer ses équipements, dont les systèmes d’information et de combat. Il faudra ensuite adapter le BPC aux exigences du client. En fonction des besoins et usages du repreneur, ce surcoût est estimé entre quelques dizaines à plusieurs centaines de millions d’euros. Sur le Vladivostok et le Sébasto- pol, tout est adapté aux normes russes, des noms inscrits en cyril- lique sur le flanc des coques de métal, à la documentation et au système électrique « qui fonc- tionne avec une fréquence de 50 Hz », note Alain Coldefy. « Or tous les navires occidentaux ont un système de 60 Hz, il faudra donc changer toutes les installa- tions électriques ou vendre à un pays utilisant cette norme, comme l’Inde. » Inde, Brésil, Canada Le ministre de la défense Jean- Yves Le Drian s’est malgré tout montré confiant ce jeudi, affir- mant qu’« un certain nombre de pays, ils sont nombreux, ont fait connaître leur intérêt pour ces bateaux », sur RTL. A 600 millions d’euros l’unité (prix initialement fixé dans le contrat de 2011), tout le monde ne peut pas se permettre un tel achat. Il faut avoir les moyens de manœuvrer un tel navire et disposer de marins bien formés. Selon les experts, les acheteurs les plus sérieux sont l’Inde, le Brésil et le Canada. Ce dernier a de réels besoins dans un contexte d’ouverture de la route de l’Arctique, « d’autant plus qu’Ottawa a perdu un navire ravi- tailleur fin 2014 dans un incendie », précise Charles Forrester. Evoquées parmi les potentiels clients, l’OTAN et l’Union euro- péenne ne font plus figure de repreneurs crédibles selon Alain Coldefy. Affaire des Mistral russes: A qui la France peut-elle revendre les deux navires ? Sources : 20minutes.fr Le navire classe Mistral Vladivostok photographié en mai 2014 dans le chantier naval de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). - SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA Dilma Rousseff. / Photo : www.parismatch.com
  • 9. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 9 TECHNOLOGIE N ecliquezsurtout pas sur ces liens , avertit le site Internet de la Sogebankquiconseilleàsesclients d’effacer immédiatement les emails frauduleux et d’informer la banque en cas d’envoi d’informationssensibles. « Ne saisissez pas votre mot de passe ou votre PIN sécurisé d’Unibank Online » rappelle de son côté un avis important publié sur le site de la Unibank. L’institution et de ne jamais fournir d’informations sensibles sur ses des emails, prétendant représenter les services à la - tiennes. internautes visés vers des sites frauduleux imitant les vrais sites des banques. alors enregistrées par les fraudeurs qui s’empressent Hackers contre banques haïtiennes PAR CLAUDEL VICTOR Enbref 70 MILLIONS DÉJÀ SUR WINDOWS 10 Microsoft a annoncé que son nouveau système d’exploitation avait été installé sur un grand nombre de terminaux (ordinateurs et tablettes) une semaine après son déploiement mondial. Ces statistiques ne tiennent pas compte des nombreux utilisateurs ayant déjà réservé Windows 10 et qui n’ont pas encore eu droit à la mise à jour. transition automatique pourrait s’effectuer sur un mois. VIRUS SUR MAC Des experts informatiques 2», un virus indécelable par les logiciels antivirus, qui s’en prend au système d’exploitation des ordinateurs d’Apple. L’entreprise travaille sur une mise à jour qui devrait corriger le problème. TÉLÉPHONES ANDROID MENACÉES PAR UN MMS En utilisant seulement le pirates peuvent s’introduire via une vulnérabilité laissée dans le système d’exploitation, sans même que le titulaire de l’appareil n’interagisse. Google pour corriger le problème. GOOGLE+ DÉGRADÉ L’entreprise américaine n’imposera plus à ses utilisateurs l’usage de son réseau social comme identité de connexion pour tous ses services en ligne, à commencer par sa plateforme de vidéos MILLIONNAIRE GRÂCE ÀYOUTUBE Le Suédois Felix Kjellberg, alias PewDiePie, aurait récolté 7,4 millions de dollars en 2014. Grâce essentiellement aux 37 sur ce site, ses vidéos, dans lesquelles on le voit tester des jeux vidéos sur un ton décalé, comptabilisent à ce jour plus de 9 milliards de vues. INTERNET.ORG S’AGRANDIT du monde entier sont désormais invités à rejoindre la fondation Internet.org Elle propose une connexion et d’autres services mobiles gratuits aux populations qui n’ont pas accès à Internet. Baccalauréat : résultats et notes sur Internet PAR CLAUDEL VICTOR Ld’innoverenligne.Lesrésultats,parécole,desexamens du Baccalauréat 2015 sont disponibles à l’adresse statistiquespubliées,letauxderéussitepardépartementcôtoie le nombred’ajournés,d’éliminésetd’absents.. disponibles à partir de leur numéro d’ordre. Rappelons que deux semaines avant le déroulement des des candidats du Bac: rappels de programmes, Le ministre Nesmy Manigat en conférence de presse. / Photo : J.J. Augustin Le site de la semaine : cephaiti.ht PAR CLAUDEL VICTOR E - ennes,voilàunsiteconsistantquel’ondevraitconsulter entre les informations utiles aux électeurs et des renseignements sur le processus de vote et les listes des partis et candidats inscrits et agréés. A côté des informations pratiques comme la liste des centres et bureaux de vote classés par département, commune et section communale, les spots de sensibilisation, les conditions pour poser sa candidature ou aller voter, une section bien distincte regroupant des listes, des formulaires et des guides est destinée aux candidats. Sans oublier la documentation abondante de trouver facilement son centre de vote à partir du le site qui permettrait de retrouver plus rapidement Notez que le site est complété par un compte Twitter et les communiqués de presse numérotés. Photo : CEP
  • 10. 10 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 ÉCONOMIE Haïti devrait-elle se préparer au prochain krach financier ? Par Henri Alphonse CRISEFINANCIÈRE I ndubitablement, confirment les experts, un autre effondrement de l’économie mondiale est en cours. D’ailleurs, ce sont les experts du Fonds monétaire international (FMI) qui ont eux-mêmes tiré la sonnette d’alarme. Dans son dernier rapport régulier publié en avril dernier, près de six ans après l’éclatement de la dernière grande crise financière mondiale, le FMI surprend en effet les observateurs de la situation économique mondiale en faisant état, le plus sérieusement du monde, « d’une conjoncture qui, mois après mois, ‘intensifie les risques’ de surv- enue d’une nouvelle crise financière ». Comme le constate le journali- ste économique français Bernard Delrue, le FMI est, à lui seul, « un puissant révélateur sur l’état d’esprit dans lequel se trouvent les dirigeants financiers, pour- tant versés d’ordinaire dans l’autosatisfaction et le déni des risques. Le fossé entre l’économie réelle et la spéculation boursière devient une abîme ». « Dans cette course effrénée – s’alarme notre confrère, « la bulle gonfle encore et toujours, en quantité et en propor- tions, faisant apparaître toujours plus nettement la seule perspective possible : l’éclatement violent de ce gonflement artificiel, le plus grand que l’Histoire aura connu ». Dans un article intitulé : « Selon le FMI, la plus grosse bulle financière de l’Histoire va bientôt exploser », il scrute les états d’âme de ce « système financier capitaliste (…) ce monstre gigantesque en croissance permanente (qui) construit toujours plus sur du vide ». Sauf que le vide, comme dit Jean-Paul Sartre, c’est la douleur. Douleur de tous ceux et celles qui ne s’y seront pas préparés. Qui pourront difficile- ment s’y préparer. Mais le pourra-t- on réellement ? Au train où vont les choses ? Le guide pratique survivali- ste nous répond : « Une crise globale se distingue d’une crise locale par l’absence d’alternatives monétaires. Si une crise financière et de devise affecte le Pérou ou l’Argentine, les gens peuvent se rabattre sur le dollar. Si c’est le système financier entier qui est affecté, lequel utilise le dollar, le dollar ne permettra plus d’acheter quoique ce soit puisqu’il perdra toute valeur. Les dettes des pays étant majoritaire- ment libellées en dollars, les monnaies nationales y passeront aussi ». Ce ne sera pas – on l’espère – aussi dramatique – qui sait – mais tous, dans une certaine mesure en pâtiront, les plus vulnérables plus sévèrement. Pour la cinéaste canadienne et critique acerbe de la globalisation, Naomie Klein, « ce ne sera pas la fin du monde mais ce sera un très sale moment à passer ». Ce sera, sans nul doute un sale moment à passer pour nous qui devons, jour après jour subir les affres d’une économie en pleine déconfiture, d’autant plus – ajoute-t-elle – que « dans ces situations, les politicards en profitent toujours pour instaurer un nouvel ordre des choses qui change radicalement la donne pour les popula- tions, jamais à leur avantage ». Chez nous, entretemps, c’est la course électorale, douloureusement vide d’idées nouvelles, vide de solutions sensées. Chez nous, c’est aussi un quo- tidien qui inspire les démarches déses- pérées pour transformer en vivable ce qui est invivable. L’enfer ! Aussi, pour contribuer aux nombreuses démarches en cours de recherche de solutions viables, fiables et durables, avons- nous pensé qu’il fallait approfondir la problématique, nourrir la réflexion et le débats. À partir de ce lundi 10 août, nous part- agerons avec vous dans cette rubrique, dans les quatre prochaines éditions du National, le compte-rendu – doublée de l’analyse – de notre confrère Benoit Delrue sur la thématique. S’il faut se préparer à la « plus grosse bulle finan- cière de l’Histoire » qui, selon le FMI « va bientôt exploser », mieux vaut cher- cher à tout comprendre, n’est-ce pas ?! Par-delà le ton doucereux, presque subliminal, adopté par nos dirige- ants financiers dans le cadre de leurs rares sorties publiques et tentatives désespérées pour jus- tifier l’injustifiable et nous faire prendre des vessies pour des lan- ternes, par-delà la valse des chif- fres et des tableaux pour nommer l’innommable, cet exercice de compréhension nous incitera à nous émerger – sains d’esprit – de cette comédie à la Graham Greene en vase clos, pour nous préparer aux conséquences de ce krach boursier annoncé par l’institution de Bretton Woods. On comprendra comment, « la course effrénée conduite par les grands financiers, poussés par la caste politico-médiatique, fera beaucoup de dégâts – et avant tout chez les travailleurs qui nourris- sent le monde de richesses, plutôt que chez les spéculateurs qui gon- flent leur fortune ». Le prochain gouvernement devrait-il se préoccuper, en priorité, de la débâcle de notre économie ? La question ne se pose même pas, la réponse étant assez évidente. Suffisamment en tout cas, pour que tout programme de gouvernement qui ne s’en soucierait pas, doive faire face à un sérieux déficit de crédibilité. Mais qu’en sera-t-il de nous au cas où éclaterait une autre bulle financière, encore plus dévastatrice que les précédentes ? TAUX DE RÉFÉRENCE (BRH) >Taux moyen d’achat 53.3302 GDES >Taux moyen de vente 53.8628 GDES COURS DE LA GOURDE 5 AOÛT 2015 PAUVRETÉETEXCLUSIONFINANCIÈRE L'ONU dévoile son plan d'action pour la planète Source : Humanité-biodiversité I l remplace les huit Objectifs du millénaire pour le développement, adoptés en 2000. A l’issue d’une semaine de négocia- tions au siège de l’ONU à New York, les experts et diplomates des 193 pays membres des Nations unies ont adopté le projet d’une trentaine de pages intitulé « Transformer notre monde, programme de développement durable d’ici 2030 ». L’ambassadeur kényan à l’ONU, Macharia Kamau, a constaté le consensus autour du texte, sous les applaudissements des délé- gués. « C’est vraiment un moment historique », a-t-il estimé. Le Kenya a coprésidé ces négocia- tions avec l’Irlande. La chef de cabinet du secrétaire général des Nations unies Bank Ki-moon, Susana Malcorra, a également parlé d’un accord « historique », tout en soulignant l’immensité du travail à réaliser. 17 objectifs Cet ambitieux programme, qui com- prend 17 objectifs de développement durable déclinés en 169 « cibles », sera soumis pour adoption formelle aux chefs d’Etat et de gouvernements de la planète, les 26 et 27 septembre à New York, en marge de la session annu- elle de l’Assemblée générale de l’ONU. Le pape François doit prononcer un discours avant le début du sommet. Le premier objectif cité est d’« élimi- ner la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ». Un mil- liard de personnes vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie. Le plan entend également « permettre à tous de vivre en bonne santé », « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité » et « parvenir à l’égalité des sexes » en éliminant toutes formes de discrimination et de violence envers les femmes. D’autres objectifs concern- ent la réduction des inégalités, « un travail décent pour tous », « des modes de production et de consommation durables » et « des sociétés pacifiques et ouvertes à tous », car paix, dével- oppement et bonne gouvernance vont de pair. Un symbole avant tout L’objectif nº 13 enjoint aux gouver- nements de « prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ». Les responsables de l’ONU soulignent le lien avec la négociation climatique qui doit se conclure à la fin de décembre à Paris. Même si les deux initia- tives sont distinctes, le document appelle à conclure à Paris « un accord ambitieux et universel sur le climat ». Le respect des 17 objectifs, qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2016, sera volontaire pour chaque Etat, qui choisira les moyens de les atteindre. Mais des « indicateurs » devraient permettre de juger des progrès accomplis et d’assurer un « suivi systématique ». S’exprimant au nom du G77 (134 pays en développement), l’ambassadeur sud-africain King- sley Mamabolo a cité Nelson Man- dela, affirmant sous les applaud- issements : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce que nous le fassions. ». *Pour en savoir plus : http://www. lemonde.fr/planete/article/2015/08/03/ l-onu-devoile-son-plan-d-action- pour-la-planete_4709205_3244. html#TfLJ45CXSLzUyD Les pays membres de l’ONU ont mis la dernière main, le 2 août, à un plan d’action censé éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde d’ici à 2030, tout en maîtrisant le réchauffement climatique.
  • 11. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 11 ÉCONOMIE Avons-nous les moyens et le courage de nos politiques ? Au courant de la semaine m’est venue cette pensée : « Méfiez- vous de celui qui vous demande de changer ce qui fonctionnait jusque-là ». Comme quoi on ne changerait pas une équipe qui gagne. J’ai eu cette idée en médi- tant sur la situation du pays en me demandant qui aura finalement le courage d’affirmer l’échec des acteurs de 1986 parce qu’ils ont tous contribué à nous emmener à ce carrefour par leurs décisions, leurs discours et leurs lobbies? Quand on perd sa voie, il faut revenir sur ses pas. J’appelle cela: revenir au « big bang » c’est- à-dire au commencement quand les choses fonctionnaient claire- ment et que nous étions aux com- mandes. Il nous faudrait revenir absolument à ce qui marchait et fonctionnait au bénéfice des con- citoyens. Des années avant le départ de Jean-Claude Duvalier (aux envi- rons de 1980) au moment où la gourde haïtienne était de parité avec le dollar américain, cinq gourdes haïtiennes valaient un dollar, il fallait 0.98 dollar baha- mien pour 1dollar américain et deux dollars barbadiens pour un dollar américain, deux pays de la Caraïbe (Je ne ferai pas référence à la République Dominicaine qui, elle, a connu une vaste fraude bancaire avec la «Banintair» qui avait causé une dévaluation accé- lérée du peso dominicain). Si vous vérifiez aujourd’hui au moment où vous lisez avec votre appli- cation “currency converter” vous obtiendrez encore aujourd’hui 0.98 dollar bahamien égal à un dollar US et deux dollars barbadi- ens égalent 1 dollar US. Au départ de Duvalier, notre gourde s’échangeait déjà unique- ment au marché informel par des cambistes tous azimuts dont le fameux Gérard DUMOND autour de 5 gourdes et 60 centimes pour 1 dollar. Il ne faut pas croire que nos banques faisaient depuis tou- jours les transactions de change. Cependant, aujourd’hui la gourde s’échange dans les banques mêmes au taux de 57 gourdes pour 1 dollar (une dévaluation de 1040 % en 30 ans soit 35 % en moyenne annuelle) Qu’est-ce qui s’est passé entre 5 gourdes, 60 et 57 gourdes de 1985 à 2015? À cette époque le principal client de ce secteur était composé de dominicains qui acceptaient la gourde en République dominicaine et venaient l’échanger contre des dollars et ils offraient eux mêmes leur taux de change dépendam- ment de la disponibilité. Ceci était fait au bon vouloir des acteurs qui fixaient leurs propres règles si bien que le Président Prosper Avril voulant freiner ce « désordre » fît arrêter et jeter en prison tous les cambistes de la place qui ne s’étaient pas mis à couvert. De grands noms de Port-au-Prince firent un petit tour au pénitencier national dont les frères Vitiello, Doura et le dénommé Cowboy pour ne citer qu’eux. À cette époque aussi, « transfert » signifiait HATREXCO la plus connue des maisons de transfert. Le montant US des transferts jour- naliers était remisé à la Banque Centrale. Les comptes des clients dans les banques étaient exprimés en dollar haïtien. Un client n’avait pas trente (30) mille gourdes à son compte mais bien six (6) mille dollars qu’il pouvait aussi obte- nir en dollars américains en cas de besoin par exemple lors des voyages. La gourde était tellement crédible que certains se permet- taient de voyager avec, l’échanger à l’extérieur et la Banque Centrale allait honorer sa monnaie en payant 1 dollar pour chaque 5 gourdes. Les banques aussi se devaient de départager la devise américaine et de la remiser à la Banque Cen- trale sous forme de dépôt à leurs comptes tenus en dollar haïtien à la BRH. La conversion de tous les comptes bancaires en gourdes haïtiennes au taux de cinq (5) gourdes pour un dollar va devenir obligatoire aux environs de 1992 et quelque temps après le gouverneur Boni- vert Claude autorisait l’ouverture de comptes en dollars américains pour les particuliers et les entre- prises. Nos autorités réagissent toujours sur le conjoncturel et n’agissent que rarement sur le structurel. Comme quoi, ils ont peur des réprimandes des institutions internationales et se courbent de préférence à leurs quatre desideratas surtout qu’à l’interne les plus doués font la promo- tion des recommandations de l’internationale comme la seule voie salutaire à part quelques résistants bien entendu. Remarquez que nous sommes déjà en 1992 en plein régime putsch- iste car le coup d’état a lieu en septembre 1991. Un embargo va être décrété sur Haïti par le gou- vernement de Georges Bush père et la banque centrale ne pouvant imprimer des billets à l’extérieur, la gourde haïtienne va devenir extrêmement rare et les billets de gourdes pourris vont s’acheter comme des petits pains chauds au marché noir et les banques détien- dront des registres pour comptabi- liser les dépôts en billets de leurs clients pour de futurs retraits. Dans ce nouveau climat, Il faut à une banque de grandes connec- tions politiques pour effectuer un retrait des rares billets encore gardés dans les coffres de la Banque Centrale. Le gouverneur d’alors en personne doit produire cette autorisation après une journée dans sa salle d’attente sinon le surlendemain. Le crédit étant au point mort, toutes les banques remettaient aux clients leurs certificats de dépôt et ne payaient aucun intérêt sur les comptes d’épargne. Ceci a fait le bonheur de l’une des trois premières banques actuelles qui venait à peine de prendre la relève de l’ancienne banque royale du Canada et acceptait ces dépôts elle-même. Elle aura ainsi suffisamment de liquidités en gourdes pour jouer le jeu de la guerre des taux quand arriva Lesly Delatour, nouveau Gouverneur qui va introduire les fameux bons BRH superbement rémunérés (jusqu’à 25 % l’an à un certain moment) bons dénommés malicieusement bonbons BRH. Dès son retour d’exil après le départ du feu Président Jean Claude Duvalier (Baby Doc), Marc Bazin grand économiste et surn- ommé Mr Clean de son état com- mence une croisade pour laisser tomber la parité de la gourde au dollar et de la faire flotter au gré du marché. Étant donné que le taux de 5 gourdes pour un dollar était clairement imprimé sur chaque billet et qu’au marché informel le taux de change dépassait déjà les 6 gourdes, sa question était: qui de vous acceptera 5 gourdes pour son billet d’un dollar ? En même temps le FMI rapportait déjà que notre gourde était surévaluée. Mais ceci était perçu comme pour supporter une ouverture d’Haïti au commerce extérieur sans bar- rière aucune. Devrait-on effectivement renoncer à la parité fixe ou laisser flotter la gourde au gré du marché? Si effectivement le dollar ne pou- vait plus être côté à 5 gourdes, n’y avait-il pas lieu d’ajuster de préférence la gourde à un taux de parité plus approprié: 10 gourdes par exemple au lieu de prôner la « barrière libre » le laisser grinnin ? Pendant que les monnaies de certains autres pays de la Caraïbe restent stables en raison de leur ouverture vers le tourisme et leur stabilité politico-économique. Quand il y a un acheteur et un vendeur, forcément il y a un inter- médiaire qui réalise un profit. Les banques se sont mises de la partie et ont commencé des opérations de change comme les cambistes et les bureaux de change. La fonction constitutionnelle de la Banque Centrale c’est qu’en étant l’autorité monétaire, elle a pour mission de maintenir la valeur de notre monnaie nationale un des symboles de notre souveraineté. C’est elle d’imprimer la monnaie. (Articles 224 à 226 de la Consti- tution de 1987). Elle est aussi le prêteur en dernier ressort. En faisant du marché de change le seul produit jusque-là de notre marché financier, la Banque Cen- trale cède à des acteurs privés une partie de son droit d’ainesse à détenir les devises pour mieux conserver la valeur de la monnaie dont elle a la garde constitution- nelle. Comment ceci a-t-il pu en arriver là ? *Guy Laudé est gestionnaire, asso- cié de l’Institut des banquiers can- adiens et a travaillé comme haut cadre pendant des années dans le secteur bancaire haïtien. Que faire face à la misère de la gourde ?Par Guy Laudé* | 1e partie COLLABORATIONSPÉCIALE
  • 13. 14 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 SOCIÉTÉ « Le ministère ne va plus se contenter de publier les résultats sur les taux d’échec et de réussite des élèves qui ont participé aux examens du baccalauréat. Désormais l’État veut analyser les données de ces résultats afin de relever les différentes causes deséchecsscolairesquel’onenregistre depuis plus d’une décennie dans le système de l’enseignement haïtien », c’est ce qu’a déclaré le directeur général du ministère, Rénold Telfort. Dans les travaux d’analyse qui sont initiés avec les directeurs d’écoles privées et publiques, a-t-il ajouté, le ministère peut maintenant prendre des mesures de correction devant permettre un meilleur apprentissage des élèves. Il a, par ailleurs, expliqué que l’accent est aussi mis sur les matières qui causent les échecs scolaires et celles qui traduisent la performance des élèves. Monsieur Telfort dit également espérer qu’avec les résultats de l’atelier, le ministère va déterminer les zones de dysfonctionnement scolaire et corriger les erreurs du système d’enseignement et permettre une nouvelle rentrée scolaire avec la prévision d’un taux de réussite plus élevé. Le docteur Fritz Dorvilier, professeur de l’Université d’État d’Haïti pour sa part, caractérise le système éducatif par l’échec des élèves qu’il faut examiner. Selon lui, le système éducatif fonctionne de telle sorte qu’il éjecte les élèves. Il a fait savoir que cet échec a un double impact. Psychologiquement, les élèves qui ne réussissent pas perdent confiance et se croient incapables de tout apprentissage. Socialement, avance le professeur, l’enfant devient la cible d’une certaine marginalisation au niveau de ses pairs et dans la société. La troisième conséquence de l’échec est le coût économique qu’il implique pour les parents et l’État. Le sociologue suggère qu’un double effort peut être réalisé pour éviter les redoublements dans le système scolaire. Dans cette perspective, a ajouté le professeur, il faut envisager un effort académique qui consiste en un ensemble de mesures d’accompagnement visant la formation des maîtres, la réduction des effectifs dans les salles de cours, la formation de personnel d’encadrement et l’évaluation continue dans le système à tous les niveaux. Dans une approche sociologique qui rappelait la théorie de Pierre Bourdieu sur la relation entre l’échec scolaire et l’origine sociale des élèves, le professeur Fritz Dorvilier, souhaitait que l’école haïtienne se rapproche de la communauté haïtienne en organisant des réunions avec les parents des élèves afin de connaitre et de comprendre leur statut. « Ce qui devrait permettre de savoir si les élèves se trouvent dans un environnement familial favorisant un apprentissage scolaire pouvant engendrer de meilleurs taux de réussites scolaires », a-t-il précisé. Dans ses conclusions, il a souligné que l’évaluation de la performance des écoles aux examens doit se faire, en tenant compte des causes intra scolaires estimées en nombre d’heures de cours, en l’absentéisme des professeurs, en mode de leadership des directeurs, l’évaluation du niveau de la standardisation des méthodes pédagogiques, et les causes extra scolaires qui concernent l’environnement familial des élèves. Le directeur du collège Catts Pressoir, Guy Étienne, dont l’institution est une sorte de référence dans l’organisation des foires scientifiques scolaires, et dont le collège connait toujours une très grande réussite aux examens du baccalauréat, croit que le ministère ne s’est jamais soucié d’analyser les résultats des examens officiels. Aussi pense-t-il que cette nouvelle initiative prise par l’actuel ministre de l’éducation est favorable à l’amélioration des performances des écoles qui participent aux évaluations officielles. Les curriculums qui ont été mis en application n’ayant jamais contribué à donner des résultats satisfaisants, par cette initiative, le ministère pourra désormais élaborer un plan incluant des méthodes de corrections, de prévision des résultats. Monsieur Guy Étienne croit que le taux de réussite ne dépend pas uniquement des compétences des professeurs, mais aussi de l’environnement familial des élèves, de la supervision pédagogique des directeurs d’écoles. Face au taux d’échec enregistré aux examens du baccalauréat, un atelierautourdelaperformancedes écoles aux examens du bac 2015 dans le département de l’Ouest «est certainement important pour penser une réforme du système de l’enseignement scolaire ». Une ambition qui devrait prendre en compte la crise structurelle de l’ensemble de la société. La distance qu’il y a entre l’éducation et l’’instruction, comme le souligne le sociologue Jean Casimir dans la Culture opprimée, et qui traduit la discontinuité entre les sphères de la socialisation de l’enfant, est la véritable cause de l’échec scolaire en Haïti. Il faut préciser cette année qu’au niveau national les admis ont représenté un taux de 51,45 % en moyenne. Le département de l’Ouest accuse le plus faible taux de réussite. Soit 44.68 %. Au cours d’une conférence donnée après la publication des résultats des examens du baccalauréat cette année, le ministre de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, a laissé entendre que le pourcentage de réussite au bac de cette année au niveau national n’était pas différent des résultats des 10 dernières années. Évaluer la performance des écoles du département de l'Ouestpar CHERISCLER Evens Évaluer la performance des écoles du pays, a constitué l’objectif de l’atelier de travail du ministère de l’Éducation nationale organisé le jeudi 6 août 2015 au Karibe convention center. C’était l’occasion pour les responsables du MENFP d’échanger avec les directeurs d’écoles privées et publiques du département de l’Ouest, d’analyser les résultats du baccalauréat afin de porter les corrections nécessaires. J e suis étonné de voir comment un certain vaudeville de très piètre qualité a du succès chez nous comme si le goût commun s’était glissé dans le caniveau. Comment peut-on s’étonner alors de certaines prestations pub- liquesdupremiermandatairedelanation,luiquidevraitêtrel’expression, l’exemple de ce qu’il y aurait de meilleur dans notre société ? Ailleurs, dans les publicités, les médias privilégient le bon, le beau, le clean. Chez nous on présente les bouffons dans des attitudes qui prennent racine dans le mépris et la non connaissance du rural haïtien. J’ai souffert en regardant un étrange feuilleton à la télévision où l’on montrait des paysans dans des tenues totalement abracadabrantes avec aussi un gestuel et un parler qu’on ne trouve nulle part dans le pays. Quelque chose qui a beaucoup à voir avec notre manière de voir le pays en dehors. Je me suis demandé comment on aurait pu nous caricaturer, nous, citadins, dans nos habitats hideux, nos détritus, ce chaos dans nos rues, ce bruit permanent qui nous agresse et tout ce qui fait notre misérable existence alors que nous nous croyons des dieux face aux paysans. On peut aussi faire son public chez nous avec un personnage édenté, tenant des propos pas même désopilants mais souvent totalement idiots comme si les téléspectateurs frisaient le niveau de la débilité. Dire que nos téléspectateurs n’ont rien d’autre à se mettre sous la dent comme production nationale n’est pas une vraie excuse. Nous avons un vrai problème de niveau intellectuel et cela ne sera résolu que quand l’école haïtienne aura un niveau basique acceptable pour l’ensemble de notre population. L’autre drame, c’est que les responsables des publicités au sein de nos entreprises font le pari de la médiocrité en posant comme postulat que notre population ne peut se brancher que sur une certaine forme de vaudeville frisant la bêtise et même l’irrespect pour la partie majoritaire de notre population. Ce pari pour la médiocrité, on le fait aussi quand on dépense des centaines de milliers de gourdes pour des activités de rue qui ne sont que des sacres de l’ignorance, du chaos et du sexe livré à tous les vents ; chômage, désespoir et prostitution se donnant fébrilement la main dans des bacchanales diaboliques. Ce n’est donc pas sans raison que la bouffonnerie s’exhibe ainsi, triomphante, arrogante, agressive, brandissant même la bannière de l’impunité pour bien montrer qu’elle est reine dans ce nouveau royaume où des citoyens, par crainte de la pénurie, se sentent en droit de tout accepter. Mais, heureusement, la bouffonnerie a ce quelque chose de particulier. Elle s’époumone bien vite et elle a tendance à se noyer dans ses détritus. La bouffonnerie est un suicide. Un suicide qui est aussi un crime même si les morts- vivants que nous sommes parfois ne sont pas conscients de leur mise à mort. L'ère de la bouffonnerie par Gary VICTOR EXIT Rénold Telfort, directeur général du MENFP. / Photo (archives): J. J. Augustin.
  • 14. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 15 SOCIÉTÉ Lutte contre les helminthiases : des résultats d'enquête pour une campagne de déparasitage Par Stéphanie Balmir La Chambre de métier et d'artisanat d'Haïti fait des heureusesPar Jeff Ibraïme L e ministère de la Santé publique et de la Population, à travers la Direction santé de la famille (DSF), a diffusé au tout début de cet atelier qui doit durer deux jours, les résultats de l’enquête sur la prévalence des helminthiases, des pathologies causées par des parasites (vers intestinaux) appelés helminthes. « Cette nouvelle enquête allait permettre d’évaluer la situation des helminthiases et d’actualiser les connaissances sur les niveaux d’infestation des helminthiases et des facteurs les favorisant ». En plus de ces propos, le docteur Anne Marie Desormeaux de la direction d’épidémiologie et de laboratoire de recherche du ministère de la Santé, précise que l’un des objectifs spécifiques de cette enquête a été de proposer des recommandations opérationnelles et réalistes pour lutter contre les helminthiases face à leur prévalence à l’échelle nationale et départementale dans les écoles en tenant compte des enjeux sanitaires. En ce qui a trait aux facteurs de risques favorisant les helmin- thiases, le docteur Desormeaux a surtout misé sur l’accès à l’eau potable des populations. En effet, les enfants consommant les eaux de pluie, de puits, de sources et de rivières sont plus enclins à être parasités. Les helminthia- ses dépendent du type d’eau et peuvent varier en fonction de ce facteur. Cette enquête a égale- ment permis de cerner un prob- lème d’information. Car 80 % des enfants ignore comment les vers sont transmis et 78.2 %, comment se prévenir des vers. En comparant les résultats des deux enquêtes, celle de 2002 et celle de 2013, l’on peut constater qu’il y a eu une nette évolution, c’est-à-dire une baisse des helminthiases. Mais la situation n’est pas des plus favorables. La ministre Florence Duperval Guillaume confirme : « Les résultats sont inquiétants malgré les progrès ». Elle a également mis l’accent sur la nécessité de travailler parce qu’avoir des vers n’est pas normal : « Certains pensent que tous les haïtiens ont des vers, ce qui est peut-être vrai. Mais ce n’est pas un fait banal. Parce qu’avoir des vers traduit un indicateur et les indicateurs sont utilisés pour évaluer le pays. » Les helminthiases sont des pathologies causées par des parasites (vers intestinaux) appelés helminthes. Il en existe plusieurs types qui dépendent du ver responsable de l’infection. Plusieurs troubles de santé tels, les saignements intestinaux, l’anémie, la perte d’appétit, les troubles de croissance et la diarrhée entre autres, sont les infections causées par les helminthiases. Les résultats de l’enquête soulignent la pertinence du maintien de la lutte contre les géohelminthiases. Une lutte qui sera axée sur l’éducation sanitaire, la formation des professeurs et des élèves sur ces pathologies, la mobilisation sociale et des campagnes de déparasitage basés spécifiquement sur l’assainissement. A u bout de trois mois de formation assidue, les bénéficiaires ont reçu leur certificat de la CMAH, organe exécuteur du projet, avec un sentiment de fierté et de satisfaction. Par ailleurs, selon la représentante de la CMAH, Mme D’Jénane J. Armand, les cursus ont été montés de façon spéciale, en vue de faire de ces femmes des couturières et des techniciennes de service hors pair. « On a complété cette formation avec des notions d’étiquette de table, de secourisme et de planning familial, a-t-elle ajouté ». La gestionnaire a entre autres, rappelé qu’il n’existe pas de faux métiers, encore moins de métiers inférieurs. Victimes de violence au quotidien, ces femmes ont, tout au long de la formation, bénéficié d’un suivi psychologique visant à cicatriser leurs blessures psychiques. Majoritairement analphabètes, les participantes ont aussi eu des cours de français basique et d’arithmétique en vue d’une mise à niveau préalable. Aussi, selon ce qu’explique madame Armand, elles étaient nombreuses à ne savoir ni lire ni écrire, alors que sur le marché de l’emploi, elles devront faire face aux contrats de travail. De leur côté, les bénéficiaires étaient unanimes à reconnaitre les avantages de cette formation. Aussi, elles invitent la CMAH à dupliquer une telle initiative un peu partout à travers le pays. À rappeler que la CMAH entreprend des démarches auprès d’institutions partenaires afin de placer ces femmes nouvellement certifiées sur le marché du travail. C’est quoi la CMAH ? Créée officiellement depuis 2007 lors d’un colloque national organisé sur les métiers, la Chambre de métiers et d’artisanat d’Haïti est fille légitime de la Chambre de commerce et de l’industrie. La CMAH est toutefois, en raison d’absence de fonds de fonctionnement, longtemps restée un rêve entre les lignes du décret présidentiel ordonnant sa création. « Faute de moyen financier, la CMAH est longtemps restée sur papier », a expliqué le directeur exécutif de l’organisme. Suite à une trop longue période d’attente, comme en parle Frantz Jeanty, premier et actuel directeur exécutif de la Chambre. C’est en 2011 que monsieur Hervé Denis, président de la chambre du commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH), avait entrepris des actions ayant abouti à la création de l’actuel Conseil d’administration dont M. Hans Garoute assure la présidence. Selon le master en élaboration et gestion de projet, cet organisme est un outil de développement socio-économique au service des professionnels et artisans haïtiens. « Nous voulons tout faire pour revaloriser les métiers manuels, les écoles professionnelles et techniques et surtout favoriser la portée économique des métiers ». Avec l’espoir que l’État haïtien finira sous peu par accorder une part du budget national à la CMAH, les cadres veulent avec les maigres moyens dont ils disposent rehausser les valeurs de l’artisanat qui est une source d’autonomie financière incontestable. « Nous faisons un travail très important, voire vital pour le secteur de l’artisanat, a martelé M. Jeanty, qui assure la gestion administrative de la CMAH depuis 2013. Nous souhaitons surtout que l’État et le secteur privé des affaires prennent les dispositions pour nous venir en aide, a-t-il dit». En outre, la CMAH veut encourager les travailleurs, les techniciens et les artisans à se regrouper en corps de métiers pour avoir une meilleure représentation dans la structure socio-économique du pays. « Avec un échantillon de 23 écoles par département, 3 844 élèves des classes primaires et du premier cycle secondaire, âgés entre 5 et 15 ans, ont été touchés par une enquête réalisée et publiée en 2013 sur la prévalence des helminthiases intestinales. Les résultats ont montré que le département de la Grande’Anse accuse un pourcentage de 72.1 % », a informé les responsables du ministère de la Santé publique et de la Population, le 6 août 2015, lors d’un atelier de travail. La Chambre de métier et d’artisanat d’Haïti (CMAH), après une séance de formation intensive de trois mois en coupe couture et techniques de service (ménagère), a procédé le mercredi 5 août 2015 à une remise de certificats à 32 femmes violentées en vue de clôturer cette formation qui s’était tenue autour du thème : Employabilité et résilience économique. La cérémonie s’est par ailleurs déroulée en présence des représentants de l’OXFAM et de l’INDEPCO aux sièges sociaux de la CMAH. Il s’agissait entre autres de donner à ces femmes, issues pour la plupart des milieux défavorisés, un outil pouvant leur permettre de mieux gagner leur vie.
  • 15. 16 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 INSERTION DEMANDÉE
  • 16. DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 N0 56 | 17 CULTURE C ’est un roman dionysiaque. D’autres diraient, pour être plus vigoureusement authen- tiques : c’est un texte guédé- ique. Les attributs ne s’arrêteraient pas là. Certains affirmeraient : « Voilà, dans notre littérature contemporaine, la première prose yanvalouesque. » Quand il s’agit du mouvement du corps, tout y passe. La mobilité, qui contredit le rigide avec fougue, élé- gance et reprises saccadées, traverse toutes les cultures. Le sculpteur connu Alexander Calder en savait beaucoup de choses, lui qui passait sa vie à nous montrer le jeu dialectique entre le stabile et le mobile. Écrire, par contre, le mouvement physique du son et de la forme dans l’espace relève de l’exploit proche de la cal- ligraphie chinoise. Josaphat-Robert Large fait l’expérience unique et joyeuse des lettres qui bougent, des phrases qui dansent, de la vélocité des chapitres et de la « roulade » de son corps antillais qui épouse, par les avenues des villes, le rythme du jazz nègre. Des poètes comme Apollinaire, Rimbaud, Baudelaire ont tenté la synthèse entre les vers, les couleurs et les formes. Josaphat-Robert Large vient de la poésie. La mémoire poétique uni- verselle a retenu l’effort de com- binaison des genres. C’est dans cette archive-là que l’auteur de Mississipi Blues est allé chercher le savoir-faire de l’improvisation qui donne un rythme nouveau au roman. C’est aussi la culture antillaise et l’histoire de l’esclavage des Noirs en Amérique qui tente, entre la musique, la danse et l’écriture, une nouvelle dynamique pour ironiser le drame, rire au milieu de la catastrophe et proposer la joie de vivre comme manière de contourner des tragédies inatten- dues. LA VITESSE ET LE RACCOURCI L’histoire est simple et a tout l’air d’une autobiographie courte. Un jeune homme enthousiaste rentre à Paris pour des études univer- sitaires et continuer à travailler sur une thèse commencée à Port-au-Prince, à l’École normale supérieure. Il rencontre des amis, partage un appartement avec un compatriote dont le lecteur devine qu’il s’agit de l’auteur de Manhat- tan Blues. Ils organisent dans le meublé du 12e Arrondissement une cérémonie initiatique. Il prend goût aux mondanités parisi- ennes (salons de livres, maison d’éditions…) Mais le plaisir ne durera pas longtemps. Il reçoit un télégramme. Il s’agit de la mort d’un oncle. Il rentre en Haïti. Le tremblement de terre met le pays sens dessus, dessous. Il s’établit au Champ-de-Mars sous une tente. Sa vie va changer quand, sur le port des « Yankees et des Frenchies », il trouve un job de mousse et découvre l’Amérique. Tout l’art du romancier est dans le raccourci et la vitesse. Le chapitre qui décrit le séisme fait presque oublier l’ampleur de la tragédie par la manière de Large de traduire le mouvement des hommes et des choses. En un « youp là », les gens traversent les fenêtres comme s’il s’agissait d’une sarabande fes- tive. Tout est dit, en l’espace de quatre pages. Pourtant, ce récit qui nous porte à mieux apprendre de l’errance moderne fait défiler à nos yeux une histoire héroïque qui commence dans la cale des bateaux négriers et ne se termine pas avec la bataille de Vertières. Le protagoniste découvre en Amérique le jazz moderne et, au bout de toutes ses chances miracu- leuses, à cause d’une fleur tombée de la lune près de sa tente au Champ-de-Mars, l’amour d’Éloïse. Les scènes les plus réussies de ce roman joyeux sont : celles des textes poétiques dits sur des bal- cons et le retour « au pays natal » avec Éloïse. Les tentes enlevées au Champ-de-Mars, c’est le plus long cortège carnavalesque qui accompagne de la capitale à Jéré- mie le poète qui n’a pas terminé sa thèse. Mais que peut signifier ce retour dans la mer, au fond d’une grotte ? Souvent l’imaginaire court derrière la beauté des choses. Pour Large, ce refuge marin met un terme à toutes les errances. Comme une coda. Josaphat-Robert Large. / Photo: www.dailymotion.com L'archive de l'improvisationPar Pierre Clitandre MISSISSIPIBLUES/JOSAPHAT-ROBERTLARGE Les projets, les réalisations et les perspectives de l'Académie créolePar : Schultz Laurent Junior « Travailler pour l’intégration de la population créolophone. Encourager des travaux de recher- che sur la langue créole. Faire des propositions sur les différentes façons d’utiliser la langue créole comme outil de communication en Haïti. Travailler pour que toutes les institutions de l’État publient les documents officiels en créole. » Madame Louna Gourgues, secré- taire exécutive de l’institution, a défini au cours d’un entretien accordé au National dans l’après- midi du 5 août 2015 les priorités, les projets et les perspectives de l’Académie créole. « Depuis la création de l’Académie, les 33 membres ont déjà organ- isé deux assemblées générales. Au cours de ces assemblées, des élections ont été organisées pour élire un conseil académicien, un conseil d’administration, un con- seil consultatif et un secrétariat exécutif. Chacune de ces entités comprend sept membres qui tra- vaillent de concert. Ils ont pour mission d’assurer le bon fonc- tionnement de l’Académie, de la représenter tant en Haïti qu’à l’étranger, d’établir des rapports avec d’autres institutions du pays. Ces différentes entités, sont aussi chargées de faire des recomman- dations quant au bon usage de la langue créole. Elles aideront aussi à réaliser des travaux sur la syn- taxe, la terminologie de la langue créole. » Invitée à s’exprimer sur leurs pro- jets d’avenir et leur rapport avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) et la secrétairerie d’État à l’Alphabétisation, Madame Gour- gues a déclaré que « l’institution a déjà organisé des missions impor- tantes dans les villes de province. L’Académie s’est déjà rendue à Limbé pour la promotion de la langue créole. Avec le MENFP, elle a signé un partenariat qui vise à valoriser la langue créole dans les couloirs du ministère et dans le cursus scolaire. Ils comptent, en ce sens, donner leur apport dans la formation des maîtres. De con- cert avec la secrétairerie d’État à l’Alphabétisation, ils comptent éditer des ouvrages pour permettre à ceux-là qui sont alphabétisés de trouver des livres adéquats pour leur formation ». Toujours selon Madame Gour- gues, un partenariat est signé en même temps avec l’Unesco pour élaborer une revue scientifique en créole. L’Unesco les aidera également à réaliser tant en Haïti qu’à l’étranger des débats sur la question linguistique. Des émis- sions éducatives seront diffusées bientôt sur la Télévision natio- nale d’Haïti dans le but de faire la promotion de la langue créole et de véhiculer des informations relatives à l’Académie, a déclaré Madame Gourgues qui a profité de l’occasion pour annoncer que l’Académie prépare déjà des activités dans le cadre du mois de la langue créole, du 1er au 28 octobre 2015. Elle invite déjà, au nom de l’Académie créole, les créolistes et tous ceux qui sont intéressés à la langue créole à encourager les différentes initia- tives de l’Académie, « une insti- tution socioculturelle qui œuvre en faveur du créole, instrument important de notre culture et de notre identité ». L’Académie créole, depuis sa création, le 7 avril 2014, est une référence pour la langue créole en Haïti. Institution de l’État, ayant un caractère administratif, culturel et scientifique, elle a pour mission de garantir le droit linguistique de chaque Haïtien en ce qui a trait à la langue créole.
  • 17. D epuis son retour, en 1980, dans le pays qui l’a vu naître et grandir, on a beaucoup parlé de Michel Philippe Lerebours, diplômé de la Sorbonne, mettant en exergue son parcours exceptionnel et son exper- tise en archéologie et en histoire de l’art, son anthologie sur l’art haïtien « Haïti et ses peintres », sa poésie, son prix du ministère de la Coopération française au concours RFI en 1996 pour sa pièce de théâtre « Les Circ- oncis de la Saint-Jean », sans oublier ses savantes recherches sur les sites coloniaux de l’île d’Haïti. Doté d’une capacité de travail hors du commun et d’une générosité inconditionnelle, jamais il ne se serait douté que cette aventure prendrait une ampleur con- sidérable dans sa vie. 1982, il fait bon vivre en Haïti, les projets culturels abondent. Ce pays, où la créativité foisonne jusque dans la rue, connaît une période fortement touristique, et le marché de l’art constitue un apport important pour l’équilibre du budget de l’État. Michel Philippe Lerebours fait la mise en place du premier atelier de restauration d’œuvres d’art, avec l’appui de Ragnar Arnesen alors directeur de l’OEA en Haïti. Cet atelier va former les premiers res- taurateurs haïtiens. Deux d’entre eux sont encore vivants : Franck Louissant et Marie Claude Gousse Allen. Commence l’aménagement du Musée du panthéon national avec son assistance. Il est nommé à la direction de l’École nationale des arts, Enarts… Ma route croise celle de cette âme et c’est le départ pour un voyage enrichissant et de grande sérénité. Je fais partie d’une soixantaine de personnes qui suivent avec attention le cours d’histoire de l’art et d’esthétique qu’il dispense à l’Institut français d’Haïti. Le diplôme obtenu, nous sommes sept à suivre le Maître à l’École Orphée Noir pour un sup- plément de connaissances. Dotés d’une nouvelle vision du monde, notre professeur nous ayant incul- qué son amour de la beauté et de la synthèse, sa quête des belles lettres, son engouement pour la recherche sur les sites coloniaux et une identité haïtienne faite de fierté et de tolérance, nous partons après huit ans, lestés de notre bagage en histoire de l’art. Si écrire une critique construc- tive nous passionne, Monsieur Lerebours, comme nous le nom- mons avec un affectueux respect, demeure notre mentor et devient un ami fidèle et attentionné. En mars 1985, le Dr Michel Philippe Lerebours reçoit de la France le cordon du Chevalier de l’Ordre National des Lettres et des Arts. 1986, si elle amène une libéra- tion, charrie également la houle d’une violence latente, son magma de malfaisance, d’opportunisme et d’incompréhension. L’art plas- tique connaît de grands débor- dements de créativité, mais on largue les amarres en route vers des illusions et des projets irréal- isables. Tout apprenti veut deve- nir maître, tout disciple veut être le porteur d’un projet de société, même quand cette démarche com- porte l’anéantissement des bases mises en place pour l’évolution culturelle et la destruction de la réputation, voire la disparition physique des directeurs de con- science. Le Dr Michel Philippe Lerebours comprend enfin l’ampleur de l’envie et de la jal- ousie qu’il inspire aux médiocres chez lesquels il a voulu faire res- sortir des valeurs morales et un sentiment d’appartenance pour le pays. Il fait face à une succession d’agressions verbales et de menac- es pour sa vie par des politiciens prêtant une oreille sympathique aux calomnies d’anciens étudiants gonflés de suffisance et attirés par les mirages de positions pour lesquelles ils n’ont nulle quali- fication. Jouant sa vie, la peur aux tripes, il affronte stoïque- ment les affres de l’ingratitude, de la calomnie et de la trahison. Lui si attentif à fuir la critique destructrice et la polémique de bas étage, se voit décrié par ceux- là mêmes qu’il a formés dans le souci de l’éthique, de l’amour et de la rigueur qu’impose la cri- tique d’art. L’École nationale des arts, qu’il a structurée, assisté de Madame Paulette Paoujol Oriol et d’une équipe de professionnels chevronnés, devient la cible des cancres qui le prennent en otage. (Cet établissement ne devait jamais retrouver un curriculum valable). Nous sommes alors les témoins impuissants de la décep- tion et de la crucifixion du Dr Lerebours. 1991, c’est le « déchoukage » de cet enseignant qui a tant donné à la jeunesse haïtienne. Un homme digne qui se voit traité en paria. Suivent des années d’une infinie tristesse dans un monde de vexa- tions et de discriminations pour les gens d’honneur, des années de corruption et d’enlisement des valeurs chez les directeurs de con- science. Dans la démesure d’êtres conditionnés par la passion et ses délires contradictoires, Haïti perd jusqu’au sens de la dérision. Le sentiment d’appartenance perd ses droits en faveur de l’égoïsme hypertrophié. Le Dr Michel Philippe Lerebours se tient debout, malgré les expec- tatives inquiètes engendrées par la violence des vents batailleurs et l’aventure périlleuse qu’est devenu l’art haïtien. Comme l’écrit Jean d’Ormesson, « il semble bien que l’art ou ce qui en tient lieu, ait une fonction magique », car loin de se laisser envahir par le ressenti- ment, les douloureuses appréhen- sions et l’isolement le Dr Lere- bours trouve une issue dans ses recherches pour la mise à jour de la réédition de la première publi- cation de sa thèse de doctorat « Haïti et ses peintres », une entre- prise digne de considération. Une série ininterrompue d’articles, de lectures et de critiques pour des institutions culturelles et des universités aux États-Unis et en Europe, occupe également son temps. Ce citoyen reste au service de son pays et sans hésiter fait partie de trois commissions présidentielles et de la Route de l’Esclave. Un bénévolat qui coûte cher en efforts gratuits et inutiles sans aucune compensation. Du dur travail pour la patrie. Des journées qui ne lui profitent guère. La théorie étant toujours subor- donnée à l’expérience, le Dr Lere- bours demeure l’une des figures les plus emblématiques du monde de l’art haïtien. Il est actuelle- ment le vice-président du Conseil d’administration et le conserva- teur des expositions du Musée d’art haïtien du Collège St-Pierre de Port-au-Prince. Malgré sa renommée internationale époustouflante et tout en ayant une forte personnalité, il reste un enseignant sobre, aimable, dis- ponible, généreux et une âme trop modeste. Les plaisirs du monde, l’amitié et le bonheur en famille ne sont pas négligés par cet érudit au tempérament affectueux, enjoué et avide de connaissances. Cette phrase de Victor Hugo s’adapte bien à l’image du Dr Michel Philippe Lerebours : « Savoir, penser, rêver. Tout est là. » Ce dimanche 9 août, le Dr Michel Philippe Lerebours est honoré au Queens Museum de New York. 18 | N0 56 DU VENDREDI 7 AU DIMANCHE 9 AOÛT 2015 CULTURE Michel Philippe Lerebours : Un personnage emblématique dans le monde artistique haïtien Par Marie Alice Théard Michel Philippe Lerebours.