Itw308 a 1+13_la_collaboration_entre_chefs_de_la_mise_en_marché_et_chefs_du_service_de_l’informatio_stimule_la_croissance
EXECUTIVE SUMMARY JUNE 2013
1+1=3: La collaboration entre
chefs de la mise en marché et
chefs du service de l’information
stimule la croissance
1 + 1 = CMO & CIO
Collaboration Best Practices
That Drive Growth
ÉtSupdoen csoomremd abny:dée par :
JUIN 2013
Avant-propos
Cette étude décrit les différentes façons dont les chefs de la mise en marché (CMO) et les chefs du service
de l’information (CIO) collaborent dans le but de stimuler la croissance de leurs entreprises.
Les clients recourent de plus en plus aux canaux numériques pour interagir avec les organisations commerciales
et publiques et, ce faisant, génèrent des volumes sans cesse croissants de données de toutes sortes. Les organi-sations
désireuses de se rapprocher de leur clientèle par l’entremise de ces canaux doivent par conséquent
adopter les nouvelles technologies de communication au même rythme que les clients eux-mêmes. La nouvelle
réalité change d’ores et déjà le rôle des services de marketing et de technologies de l’information (TI), tout comme
elle pousse les entreprises à se préparer aux nouvelles interactions numériques avec les consommateurs. Le présent
rapport, disponible en juin 2013, illustre l’importance de cette relation à travers des études de cas de sept entre-prises
canadiennes.
Remerciements
L’étude a été élaborée par la division Efficacité organisationnelle et Apprentissage du Conference Board du Canada,
sous la direction de Michael Bloom (Ph. D.), vice-président, Efficacité organisationnelle et Apprentissage.
La recherche et la rédaction ont été assurées par Michael Grant (directeur de la recherche, Conference Board
du Canada) et Catharine Johnston, consultante indépendante en recherche commerciale. Les auteurs souhaitent
remercier Erin Butler pour son assistance dans la recherche.
Nos remerciements les plus chaleureux vont aussi aux 21 hauts responsables d’organisations qui nous ont
généreusement accordé du temps et décrit leurs expériences, ainsi qu’aux membres du groupe de travail
CMO-CIO de l’Association canadienne du marketing pour leurs conseils stratégiques.
Membres du groupe de travail CMO-CIO :
Dave Burns, vice-président principal et chef de l’exploitation, LoyaltyOne
Perry Eisenschmid, vice-président Marketing, Conference Board du Canada
Bob Humphreys, directeur exécutif, Programmes de génération de la demande, IBM Canada
Brett Mooney, vice-président, Acquisition et gestion de consommateurs, American Express
Mathieu Péloquin, vice-président, Marketing et solutions de marketing numérique, TC Media
Helen Polatajko, ancienne chef du service de l’information, CIBC Mellon
Upinder Saini, vice-président, Développement de nouveaux produits, Rogers Communications
Sandra Singer, vice-présidente adjointe, Conseils sectoriels et Recherche, Association canadienne du marketing
André Turgeon, chef du service de l’information, Postes Canada
1
Table des matières
Chapitre 1 Introduction 3
Chapitre 2 Collaboration : l’impératif de concurrence 7
Chapitre 3 Les chemins vers la collaboration 12
Chapitre 4 Études de cas 21
Chapitre 5 Passer à la vitesse supérieure : les éléments essentiels 49
Bibliographie 53
2
Chapitre 1. — Introduction
Tous les deux jours, les habitants et les entreprises de la planète génèrent autant d’informations que toutes
les données créées depuis les débuts de la civilisation jusqu’en 20031. Cette remarque d’Eric Schmidt,
l’ancien PDG de Google Inc., résume bien la nouvelle situation à laquelle les entreprises canadiennes doivent
faire face. Pourquoi «jusqu’en 2003»? Parce que depuis une dizaine d’années, l’on assiste à une croissance
exponentielle des contenus générés par les utilisateurs, à la suite de l’arrivée de Facebook (2004), Flickr
(2004), YouTube (2005), Twitter (2006) et Tumblr (2007). Les internautes sont les auteurs de plus de 75 %
du volume total de données. Les médias sociaux ci-dessus ainsi que d’autres applications constituent
les plateformes sur lesquelles d’autres contenus et interactions d’utilisateurs vont se rajouter.
Le consommateur «connecté» représente un défi de taille ayant un impact direct sur les rôles traditionnels
du chef de la mise en marché (CMO) et du chef du service de l’information (CIO). Par le passé, les CMO
et les CIO n’avaient que peu d’occasions de travailler ensemble. Les CIO concentraient leur attention sur
les systèmes bureautiques, les ordinateurs personnels, le stockage de données, les réseaux, etc. Dans ce
rôle, le service informatique fixe les normes et fait fonctionner les systèmes. On évalue la technologie en
fonction de son interactivité (en ligne ou non), de sa fiabilité (peu de pannes), de sa sécurité et de son rapport
qualité-coût. Pour répondre à ces exigences, le service informatique n’avait pas vraiment besoin de collaborer
avec le service de marketing.
De leur côté, les professionnels de la mise en marché se concentraient sur la promotion de la marque et
le positionnement sur le marché. La connaissance des segments de marché était basée sur les informations
disponibles, quoique peu sophistiquées. La mise en marché n’accordait que peu d’importance à la technologie
et aux analyses de données, et avait très peu de raisons de faire appel au service informatique.
Pourquoi collaborer maintenant?
Les services de mise en marché et de technologies de l’information ont désormais de bonnes raisons de collaborer
ensemble. En premier lieu, les gros volumes de données générées par les clients s’avèrent très utiles pour mieux
comprendre ce qu’ils veulent vraiment, voire pour prédire leurs comportements d’achat. Un client potentiel qui
«tweete», qui achète en ligne ou qui fait une recherche de produits sur Internet laisse toujours une trace derrière lui.
Les professionnels de la mise en marché du XXIe siècle sont une sorte d’anthropologues numériques qui scrutent
des empreintes laissées dans le cyberespace. Deuxièmement, les clients s’attendent à interagir avec les entreprises
par l’entremise des mêmes outils et canaux qu’ils utilisent dans leur vie quotidienne. Les abonnés aux médias
sociaux exigent que les entreprises et les organismes caritatifs communiquent avec eux via Twitter et Facebook.
Ils souhaitent que les commerçants utilisent les informations qu’ils ont générées sur les réseaux sociaux pour
définir et proposer de meilleures offres à leur intention. Enfin, la technologie permet aux entreprises de conquérir
des marchés qui n’existaient pas auparavant, par exemple, les services d’apprentissage en ligne vendus par une
société canadienne à des clients en Australie.
Les analystes prédisent une convergence des réseaux sociaux avec la mobilité informatique, le traitement sur
le nuage et les schémas de données de grande envergure ainsi que leur renforcement mutuel pour donner
naissance à de nouveaux scénarios d’affaires. Même si ces forces sont nouvelles et déstabilisatrices en elles-mêmes,
ensemble, elles révolutionneront les façons de faire, secoueront les vieux modèles opérationnels et
ouvriront la voie à de nouveaux leaders sur le marché. Cela ne fera que renforcer davantage la relation entre
les CMO et les CIO.
Helen Polatajko, ancienne chef du service de l’information, CIBC Mellon, membre du groupe de travail
Les avancées technologiques et la chute des prix ont permis une connectivité plus étendue, l’achat de dispositifs
de communications par un plus grand nombre de gens tout en dopant l’utilisation de différentes applications. À
l’échelle du monde, il y a plus de 7 milliards d’utilisateurs de téléphones portables et plus de 1 milliard d’abonnés
1 Siegler, Eric Schmidt.
3
aux services de mobilité à large bande2. L’accès mobile à large bande croît à un rythme annuel de 28 %. Les ventes
de tablettes augmenteront de 35 % par an entre 2012 et 2016, selon les prévisions3. Facebook a maintenant plus
de 1,1 milliard d’utilisateurs actifs, chacun mettant en ligne en moyenne 90 billets ou autres formes de contenu
chaque mois. Les utilisateurs de Twitter envoient environ 140 millions de microbillets chaque jour. Pour ne pas être
en reste, les 490 millions d’utilisateurs de YouTube téléchargent en 60 jours un contenu vidéo plus gros que tout
ce que les 3 grandes chaînes de télévision américaines ont créé en 60 ans4.
Tous ces échanges en ligne génèrent des quantités astronomiques de données pour lesquelles il a fallu créer
de nouveaux mots pour les désigner5. En 2011, l’univers numérique contenait 1,8 zettaoctet (ou 1,8 trillion
de gigaoctets). Walmart recueille chaque heure plus de 2,5 pétaoctets de données sur ses clients dans le cadre
des transactions faites avec ces derniers6. Parallèlement, le nombre de fichiers transmis sur les réseaux augmente
de 75 fois à tous les 10 ans.
Les Canadiens sont représentatifs de cette tendance mondiale. Il existe plus de neuf millions de téléphones intelligents
au pays, représentant 45 % de tous les téléphones portables, un taux plus élevé que celui pour les États-Unis7.
Les appareils avec connexion Internet comblent une grande variété de besoins, et les Canadiens se comparent
aux Américains en matière d’utilisation de la messagerie texte, des médias sociaux et des recherches en ligne
(voir Tableau 1). Au Canada, Facebook compte 15 millions d’utilisateurs inscrits, dont neuf millions sont actifs
sur une base quotidienne8.
Les Canadiens font plus de quatre milliards de recherches dans Google chaque mois. Le commerce électronique
canadien s’accroît de 10 % annuellement et a dépassé le chiffre de 22 milliards de dollars par année. Le magasin en
ligne de vêtements pour hommes Frank & Oak, basé à Montréal, réalise 15 % de ses ventes par l’entremise
d’une application pour appareils mobiles. Lors de notre sondage de 21 organisations canadiennes, les répondants
ont accordé une cote d’importance de 4,4 sur 5 aux solutions de marketing numérique, plus particulièrement
les solutions pour sites Web et pour faire des évaluations (voir Graphique 1).
2 Chiffres tirés d’International Telecommunication Union, ICT Facts and Figures 2013.
3 Mobithinking, Global Mobile Statistics.
4 IBM, De l’élargissement au renforcement, p. 12.
5 Gantz and Reinsel, Extracting Value from Chaos.
6 SAS, Big Data’s Biggest Role, p. 4.
7 Comscore, 2012 Mobile, p. 7.
8 6s Marketing, Mind Blowing Canadian Facebook Usage. 4
La collaboration entre le CMO et le CIO est au coeur même de la création de valeur par l’entreprise, dans
un univers où le consommateur habile en interactions numériques est roi.
Mathieu Péloquin, vice-président, Marketing et solutions de marketing numérique, TC Media, membre
du groupe de travail
9 SAS, Big Data’s Biggest Role, 4.
5
Pour la toute première fois, l’ensemble de la relation entre un client et l’entreprise se déroule par le truchement
de moyens technologiques, depuis la prise de conscience de l’existence du produit offert par cette compagnie
jusqu’à l’achat et aux services après-vente. Ces interfaces doivent être optimisées de façon numérique. Par le passé,
des vendeurs étaient embauchés pour gérer la relation avec les clients. Il y avait donc une relation entre la mise
en marché et les ventes. Maintenant que les interactions ont lieu aussi dans la sphère Internet (dans certaines
entreprises, elles sont à 100 % numériques), la relation entre le service de marketing et le service informatique devient
plus importante que jamais.
Cependant, il faut reconnaître que, historiquement, la collaboration entre le marketing et le service informatique
n’a pas toujours été facile. Il ne s’agit pas d’une question d’affinité personnelle entre le CMO et le CIO. Leur service
respectif détermine le lieu où ils travaillent, la nature de leurs tâches et, surtout, la façon dont ils sont perçus et jugés.
La véritable collaboration implique la mise en jeu de plusieurs facteurs organisationnels dont la gouvernance,
les structures, les processus d’affaires, l’embauche et la gestion des effectifs.
Les campagnes de marketing numérique actuelles sont le fruit de changements complexes dans le fonctionnement
des organisations. C’est pourquoi cette étude se penche surtout sur la dynamique organisationnelle qui s’opère derri-ère
les campagnes de marketing numérique efficaces. Bien sûr, nous décrirons les projets en tant que tels, mais nous
mettrons toujours l’accent sur les liens avec les changements organisationnels ayant donné naissance à ces projets.
De nombreuses organisations ont essayé avec enthousiasme ces nouvelles méthodes de marketing. Une récente
étude de Gartner a montré une hausse des investissements dans les canaux numériques, car les entreprises aux chif-fres
d’affaires supérieurs à 500 millions de dollars ont réservé 12,5 % de leur budget de marketing aux campagnes
numériques. Certaines ont même triplé ce pourcentage, par exemple Adobe, qui avait annoncé que ses dépenses
en marketing numérique représentaient 74 % de son budget total de marketing9. Nos recherches corroborent ces
tendances. Toutefois, il faut se rappeler que ces budgets reflètent bel et bien un engagement stratégique envers
le marketing numérique et que, au final, l’efficacité des campagnes reposent sur une collaboration étroite entre
le marketing et le service informatique.
À propos de ce rapport
De nombreuses recherches ont été faites sur le marketing numérique et la collaboration entre le marketing et les TI
qui en découlent. La très vaste majorité des études porte sur des sociétés américaines. Notre rapport se base sur
la documentation existante, tout en tirant les conclusions applicables aux entreprises canadiennes.
L’Association canadienne de marketing a mis sur pied le groupe de travail CMO-CIO pour l’aider à déterminer qui
sont les chefs de file dans le domaine du marketing numérique. Dans ses discussions, le groupe de travail a pris soin
de prendre en compte des entreprises de différents secteurs, régions, tailles et vocations (par exemple, vente
aux entreprises (B2B) ou vente aux consommateurs (B2C). Nous présentons aussi les réflexions des membres
du groupe dans ces pages.
Le groupe de travail avait au préalable choisi 45 organisations à examiner. Le Conference Board du Canada a ensuite
appliqué les critères de sélection tels que la croissance des ventes et la reconnaissance par des tiers (par exemple,
récompenses et distinctions), tout en s’assurant de préserver le caractère diversifié de l’échantillon original. Après
6
l’application de ces critères, nous nous sommes penchés sur 20 organisations canadiennes, qui ont répondu au télé-phone
aux questions sur leurs priorités et pratiques de marketing, et sur le niveau de collaboration entre le marketing
et le service informatique. L’anonymat des répondants a été rappelé aux personnes interviewées. Par conséquent,
même si les données des entrevues sont utilisées dans le présent rapport, l’anonymat des répondants et de leur
organisation est préservé.
Sept organisations parmi les entreprises canadiennes les plus dynamiques en marketing numérique et les plus sus-ceptibles
de favoriser la collaboration entre le marketing et le service informatique ont été retenues pour faire l’objet
d’études de cas, présentées au chapitre 4. Les autres chapitres du document passent en revue les connaissances
actuelles et la documentation secondaire en lien avec le sujet. Le chapitre 2 se penche sur la raison stratégique
de collaborer. Le chapitre 3 présente les opportunités et les défis rencontrés par les entreprises qui souhaitent mettre
en place la collaboration. L’étude se termine par des recommandations à l’intention des organisations canadiennes.
Chapitre 2. — Collaboration : l’impératif de concurrence
Les consommateurs canadiens sont des acteurs à part entière de l’économie numérique. Qu’en est-il des entre-prises
canadiennes? D’après les résultats d’un sondage réalisé par le Conference Board du Canada pour le Forum
économique mondial, le Canada a glissé de la 15e à la 21e place au chapitre de l’innovation et du développement
de l’environnement d’affaires10. Le Canada est au 14e rang pour la sophistication du marketing, et au 23e rang pour
la sophistication des processus. Il semblerait donc que les entreprises canadiennes accusent un retard par rapport
aux consommateurs en matière d’adoption de nouvelles technologies et pratiques.
Les entreprises canadiennes avec l’ambition de croître doivent repenser leur modèle économique face à la nouvelle
réalité. Selon le Conference Board du Canada, les dépenses des ménages (inflation prise en compte) ont augmenté
d’un peu plus de 4 % par année depuis 200311. Le Canada a une économie développée et une population
vieillissante. Mais c’est une économie libre et ouverte au monde. Les consommateurs aiment acheter les produits
fabriqués par des sociétés basées à l’étranger et qui sont plus facilement accessibles grâce à l’essor de l’économie
numérique. Les compagnies canadiennes attachées aux façons traditionnelles de faire les choses ne pourront
simplement pas prospérer dans cet environnement. Soit elles croîtront très lentement, à l’instar de l’économie
du pays, soit elles régresseront dès que des concurrents étrangers convoiteront leur chasse gardée.
Les entreprises canadiennes qui s’intègrent parfaitement dans l’économie numérique peuvent échapper à ce sort.
Les interactions numériques leur permettent de toucher un plus grand nombre de clients, de mieux comprendre leurs
besoins et leurs préférences, et d’avoir des interactions plus fructueuses et plus efficaces sur l’ensemble du cycle
de vie du client, depuis le moment où ce dernier découvre l’existence du produit jusqu’à l’étape d’achat du produit
en question.
Dès lors, les entreprises les plus florissantes sont celles qui sont les plus présentes dans l’économie numérique.
Dans la liste Profitguide.com des 200 sociétés canadiennes ayant le taux de croissance le plus élevé en 2012 (voir
Tableau 2), les entreprises de technologies de l’information et les éditeurs de logiciels représentent plus du quart
du total. Le marketing y occupe une place prépondérante aussi, à la fois comme catégorie de services d’affaires
(22 entreprises) et comme logiciel (cinq entreprises). Cela montre que le marketing est l’un des secteurs les plus
dynamiques de l’économie canadienne, au-delà du fait que l’économie numérique crée de la demande pour
les services de marketing tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation.
10 The Conference Board of Canada, Poor Innovation Ranking Dims the Lights.
11 The Conference Board of Canada, eData. 7
Impact du changement sur le marketing
L’information confère aux consommateurs un pouvoir accru. Les technologies numériques permettent aux clients
d’accéder facilement à des renseignements de nature variée, de soupeser les choix possibles et de faire des achats
de plusieurs manières différentes. Parallèlement, il devient plus difficile pour les entreprises d’acquérir et de retenir
des clients, car pour le consommateur, les coûts inhérents au changement de marchands sont plus bas que jamais.
Le consommateur a des attentes plus élevées en termes de prix, de valeur recherchée, de qualité et de commodité
d’achat. Par ailleurs, il y a plus de clients qui accordent également de l’importance à la réputation de l’entreprise sur
le plan social et environnemental. Dès lors, il est impératif d’entretenir avec le client une relation qui dépasse la simple
transaction de vente.
Les technologies qui confèrent plus de choix au consommateur génèrent des quantités astronomiques de renseigne-ments
qu’on appelle «mégadonnées», qui présentent trois caractéristiques : le volume (en quantité prodigieuse),
la variété (multiplicité des sources) et la vélocité (génération de données à très grande vitesse). Le défi ne réside pas
dans la quantité des données, mais bien dans la façon de les rendre utiles à l’organisation. Il s’agit en premier lieu
de les interpréter, de discerner la relation avec ce que l’organisation a à offrir, avec sa part de marché et ses taux
de conservation de la clientèle. L’avantage concurrentiel consiste à faire les choses différemment de ses rivaux.
Les chefs de la mise en marché ressentent une pression accrue sur leurs épaules. IBM a publié les résultats d’un son-dage
auprès des CMO américains en 2011, déterminant quatre grands défis que ces derniers devront relever :
1. Croissance explosive des données
2. Médias sociaux
3. Prolifération des canaux d’interaction et d’appareils de communication
4. Changement démographique12.
8
12 IBM, De l’élargissement au renforcement, p.15.
De ces quatre défis, trois sont directement liés à la révolution numérique. Non seulement les responsables
du marketing doivent-ils extraire le sens des volumes vertigineux de données, les mêmes technologies et méthodes
employées pour mieux connaître la clientèle sont utilisées pour évaluer le marketing. En effet, on lui demande de plus
en plus de justifier ses dépenses de façon concrète, par exemple le rendement de l’investissement13.
La tâche pour les responsables du marketing dans le contexte actuel est d’adopter résolument les canaux
numériques déjà utilisés par les clients. C’est la façon la plus efficace de recueillir des renseignements sur
la clientèle, de les interpréter et d’interagir avec les clients. Les responsables des TI sont les alliés naturels
des professionnels du marketing. Mais pour que la relation soit efficace, il faut faire évoluer les rôles traditionnels.
Certes, il est important que les CMO et les CIO s’entendent sur la nature du défi stratégique. Ainsi, plus de 90 %
des CMO et des CIO sondés ont convenu que la technologie revêt une «importance capitale» pour la réussite
future de l’entreprise14.
L’alignement stratégique et tactique est essentiel à une bonne exécution. Cela est réalisable si les CMO
et les CIO partagent les mêmes objectifs.
Upinder Saini, vice-président, Développement de nouveaux produits, Rogers Communications,
membre du groupe de travail
Ils sont appelés à participer activement à l’avènement d’une organisation axée sur le client. Dans un sondage réalisé
par le CMO Council, ils ont reconnu d’un commun accord les diverses façons dont la technologie peut permettre à
l’organisation d’atteindre cet objectif. Plus particulièrement, cela consiste à mettre en place des plateformes robustes
servant à capturer et à analyser les données sur les clients. Toujours dans ce même sondage, 85 % des CMO
et des CIO ont répondu que la relation entre le service de marketing et le service informatique est d’une grande
importance. La volonté de collaborer existe bel et bien des deux côtés.
13 Hartman, The CIO and CMO: An Integrated Approach.
14 Institut IBM de recherche en valeur commerciale, CMOs and CIOs Acquaintances or Allies?, p. 4. 9
Les sondages auprès des CMO et des CIO font ressortir les obstacles évidents à la collaboration. Parmi les sujets
d’entente, les mégadonnées sont reconnues comme une opportunité inexploitée. Ceux pour qui les mégadonnées
représentent un obstacle organisationnel soulèvent l’insuffisance du stockage et la gestion ardue des données.
Les organisations visées ne sont pas en mesure de rassembler les données et de les utiliser pour appuyer la prise
de décision. Mais les CMO et les CIO qui partagent cette opinion sont la minorité. La majorité des répondants
pensent qu’il est nécessaire de trouver la bonne façon d’exploiter les mégadonnées, car c’est une réelle opportunité
à saisir15. Peu nombreux sont les CMO qui retirent le plein potentiel des interactions numériques. Presque 75 %
utilisent l’analytique de la clientèle pour explorer les données en profondeur, mais seulement 26 % font le suivi
des blogues, 42 % surveillent les commentaires d’internautes indépendants et 48 % lisent les opinions et critiques
des consommateurs. Cela est dû en grande partie au fait que les outils, les processus et les critères de mesure
ne sont pas suffisamment adaptés pour pouvoir capter et évaluer les données non structurées générées sur
les plateformes de réseautage social16.
Un sondage d’IBM allait dans le même sens, la majorité des CMO ayant indiqué qu’ils feraient certainement appel
aux CIO pour faire face à la croissance exponentielle des données issues des médias sociaux et à l’augmentation
des canaux d’interaction et du nombre d’appareils mobiles17. Les résultats d’un autre sondage d’IBM montraient
une communauté de vues des CMO et des CIO sur la complexification croissante dans les cinq prochaines années
et sur leur capacité à y faire face. La très grande majorité des répondants croient que de grands changements et
15 SapientNitro, Global Marketing Series, CMOs Reveal Obstacle to Successful Global Marketing.
16 IBM, De l’élargissement au renforcement, p. 24
17 IBM, De l’élargissement au renforcement, p. 10 10
une complexité inouïe les attendent à court terme, et seulement la moitié d’entre eux se sentent en mesure de relever
les défis qui en résultent18. Un sondage différent auprès des annonceurs et des agences de publicité mené par
la firme d’études de marché 33Across fait état de plusieurs préoccupations liées aux mégadonnées, notamment
la question de savoir comment les utiliser pour accroître le rendement de l’investissement en marketing
ou la nécessité d’intégrer les canaux dans l’interprétation des données (voir Tableau 4).
Dans le cheminement du service informatique, nous essayons de passer d’une organisation efficace sur le plan
financier et opérationnel à une organisation dynamique et visionnaire qui permet à l’entreprise de se transformer.
La collaboration avec l’équipe de marketing et notre équipe d’interactions numériques est à la base de cette
stratégie de changement. Les gens du marketing apprécient l’innovation et l’importance des données. Ils com-prennent
l’utilité des mathématiques et de l’analytique, et ce sont là les trois domaines dans lesquels le service
TI peut apporter sa contribution et son soutien.
André Turgeon, chef du service de l’information, Postes Canada, membre du groupe de travail
De la prise de conscience à l’action
Les CMO et les CIO sont conscients de l’enjeu que représentent les interactions numériques, ainsi que
des implications sur la gestion des données et des canaux et sur les interactions avec la clientèle. Ils sont
en pointe de la nouvelle tendance. Les CMO savent que les clients sont des fidèles utilisateurs de technologies
numériques. Les CIO entrevoient des quantités astronomiques de données sur la clientèle à stocker sur
les serveurs de l’entreprise.
Tout comme les CMO, les CIO savent que ce nouveau monde a un impact stratégique sur leur organisation.
Il existe donc une communauté de vues entre les deux groupes.
Pourtant, il est ardu de passer à l’action même si les deux groupes sont conscients de l’urgence de changer
les choses. L’économie numérique a vu le jour il y a à peine 10 ans, alors que les systèmes de gestion de l’information
existent depuis 30 ou 40 ans. Passer à l’action exige de renforcer la relation entre les CIO et les CMO. Cette
relation existe déjà dans le contexte organisationnel.
18 Institut IBM de recherche en valeur commerciale, CMOs and CIOs Acquaintances or Allies?, p. 3 11
12
Chapitre 3. — Les chemins vers la collaboration
Les données de sondages sur la collaboration entre les CMO et les CIO permettent de mieux comprendre
la question dans son ensemble. Mais, à l’instar du thermomètre, elles donnent la température, mais elles ne disent
pas pourquoi il pleut. Et tout comme la météo, il est plus facile d’en parler que de faire quelque chose
pour l’améliorer.
La difficulté à tisser des relations entre CMO et CIO dépend du point de départ de l’organisation. Ce dernier,
à son tour, dépend de la taille de l’organisation, de son âge, de l’environnement concurrentiel, de la vocation
de l’entreprise (B2C, B2B ou les deux) et du secteur d’activité. L’âge de l’organisation détermine si celle-ci est
à jour dans les affaires relevant de la technologie numérique. Les jeunes organisations ont peu de préoccupations
liées aux anciens systèmes. La taille de l’organisation va de pair avec sa complexité. À mesure qu’elles prennent
de l’essor, les organisations deviennent plus complexes et créent des divisions et des entités opérationnelles.
Cela a pour effet de séparer les professionnels du marketing des spécialistes des TI et d’entraver la collaboration.
La vocation de l’entreprise et le secteur dans lequel elle évolue décident du type de clients et de l’utilisation
des technologies numériques par ces derniers. Ils déterminent aussi les pratiques acceptables de marketing à
mettre en oeuvre, car l’usage des interactions numériques diffère selon le type de clientèle qu’on veut séduire.
Nous l’avons remarqué dans les résultats de nos sondages. Nous avons demandé aux 20 premiers répondants
d’évaluer l’importance des techniques numériques dans l’ensemble de leurs activités de marketing global.
Les entreprises B2B étaient moins enclines à accorder beaucoup d’importance aux campagnes par courriel,
aux médias sociaux et aux canaux de vente numériques, comparativement aux entreprises qui vendent aux
consommateurs (B2C). D’autres études réalisées par le Conference Board du Canada pour l’Association canadienne
de marketing ont démontré que les entreprises B2C comptent pour 75 % des dépenses totales de publicité19.
Certaines organisations sont plus ouvertes que d’autres face aux canaux numériques. Le cybermagasin Shop.ca
en est un très bon exemple. Le marketing numérique est une seconde nature pour cette entreprise née il y a
moins d’un an. Son modèle d’affaires repose sur les canaux numériques, et elle se sert d’indicateurs numériques
pour mener ses activités au quotidien. Entreprise B2C, elle traite des milliers de transactions quotidiennes avec
des clients, toutes conservées dans une base données interne.
Mais ce n’est pas la même réalité dans les entreprises traditionnelles. Le cabinet juridique canadien Torys a été
fondé dans les années 1940. Même si Torys a comme clients des entreprises aussi bien que des particuliers,
le haut niveau de confiance et de confidentialité est essentiel pour tous. La prestation des services juridiques
est sur une base personnelle, bien sûr. Torys a certes toute la latitude pour utiliser le marketing numérique pour
joindre les clients (voir chapitre 4), mais l’ancienneté et le type d’activité du cabinet demandent une approche
différente que celle utilisée par les magasins en ligne.
Un cadre pour comprendre la collaboration
Nous avons avancé l’idée selon laquelle la relation de collaboration entre le CMO et le CIO dépend de leurs rôles
respectifs dans l’organisation, lesquels dépendent à leur tour de l’histoire, de la culture et du modèle d’affaires
de cette entreprise. Ainsi, dans l’étude de SAS sur la collaboration CMO-CIO réalisée pour le CMO Council, 76 %
des répondants sont d’avis que la culture de l’entreprise détermine en grande partie si elle est centrée sur le client20.
Dans la même étude, la culture a été perçue comme un inhibiteur empêchant l’entreprise de devenir plus focalisée
sur le client. Si le client n’est pas au coeur de tout ce que fait l’organisation, il devient plus difficile de proposer
des projets de marketing numérique visant à mieux comprendre les clients et à resserrer les liens avec ces derniers.
La culture organisationnelle est fondée sur les comportements jugées acceptables21. Toutes les organisations
ont un système encourageant les comportements souhaités, assorti de méthodes de reconnaissance et
de récompenses.
19 Audet and others, Marketing’s Influence, p. 70.
20 SAS, Big Data’s Biggest Role, p.13.
21 Grant and Shamonda, The Secret Sauce.
La collaboration a lieu parce que les membres de l’organisation l’ont rendue possible, consciemment ou par hasard.
Bien que les résultats de sondages aient tendance à mettre de l’avant les facteurs comme les ressources disponibles
aux projets de marketing numérique ou les barrières entre les fonctions internes, ce ne sont que des symptômes
liés à des problématiques plus généralisées. Pour bien saisir les raisons expliquant une collaboration déficiente
ou inexistante, nous devons placer la collaboration dans le grand contexte organisationnel. Notre discussion s’articule
dans un cadre très simple (voir Illustration 2).
Intention stratégique
La vision d’une organisation ou la description de sa mission reflètent clairement sa propension à la collaboration.
Un énoncé de la vision décrit comment l’organisation souhaite être perçue et présente les valeurs auxquelles
elle adhère. L’énoncé de mission, plus concret, précise la façon dont l’organisation mesure sa réussite. L’énoncé
de mission sert à mobiliser les troupes en présentant un objectif à atteindre. Une vision axée sur le client et un
énoncé de mission permettent de savoir si l’organisation veut réellement mettre en place la collaboration entre
le CMO et le CIO. Par exemple, la vision de SHOP.CA s’énonce comme suit :
Faire du magasinage en ligne au Canada un modèle à suivre par les acheteurs du monde entier, en proposant
une destination de classe internationale caractérisée par une grande créativité et offrant une expérience client
exceptionnelle à chaque visite!
La mission et la vision d’une organisation s’expriment dans sa stratégie. Celle-ci lui permet de se démarquer
de la concurrence. Elle influe sur la structure organisationnelle, les processus de travail et la rémunération. Si
la stratégie n’accorde pas d’importance au renforcement des relations avec les clients, l’organisation sera moins
encline à financer les projets visant cet objectif.
La stratégie détermine la manière dont les efforts sont déployés, et les ressources, allouées. Elle définit les rôles
des unités et fonctions commerciales de l’organisation. Dans une organisation bien gérée, la stratégie sera assortie
d’objectifs bien précis et de critères de mesure des résultats. On se sert d’une fiche de pointage équilibrée pour
consigner ces résultats aux fins de récompenses des employés performants.
Le CMO et le CIO établissent les stratégies secondaires pour leurs services respectifs et participent à l’atteinte
des objectifs stratégiques de l’organisation entière. Lorsque les objectifs stratégiques sont clairement fixés en
13
Contexte stratégique
Une vision axée sur le client et un énoncé de mission permettent de savoir si l’organisation veut réellement
mettre en place la collaboration entre le CMO et le CIO. Par exemple, la vision de SHOP.CA s’énonce comme
suit :
Faire du magasinage en ligne au Canada un modèle à suivre par les acheteurs du monde entier, en proposant
une destination de classe internationale caractérisée par une grande créativité et offrant une expérience client
exceptionnelle à chaque visite!
La mission et la vision d’une organisation s’expriment dans sa stratégie. Celle-ci lui permet de se démarquer
de la concurrence. Elle influe sur la structure organisationnelle, les processus de travail et la rémunération. Si
la stratégie n’accorde pas d’importance au renforcement des relations avec les clients, l’organisation sera moins
encline à financer les projets visant cet objectif.
La stratégie détermine la manière dont les efforts sont déployés, et les ressources, allouées. Elle définit les rôles
des unités et fonctions commerciales de l’organisation. Dans une organisation bien gérée, la stratégie sera
assortie d’objectifs bien précis et de critères de mesure des résultats. On se sert d’un tableau de bord pour
consigner ces résultats aux fins de récompenses des employés performants.
Les responsables du marketing et des TI établissent les stratégies secondaires pour leurs services respectifs
et participent à l’atteinte des objectifs stratégiques de l’organisation entière. Lorsque les objectifs stratégiques
sont clairement fixés en se basant sur la connaissance des clients et sur les interactions avec eux, il y a de plus
grandes chances qu’il y ait un alignement entre les stratégies secondaires du marketing et des TI. Dans ce cas,
la collaboration ne pourra apporter que des avantages pour tous.
Nos études de cas portent sur des organisations ayant des stratégies de marketing, de TI, d’interaction numérique
et d’analytique distinctes. Celles-ci sont toutes alignées sur la stratégie générale de l’entreprise et jouent un rôle
déterminant dans la relation numérique avec la clientèle. Chacune doit être en cohérence avec les autres, quel
que soit le secteur qui l’a définie.
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se basant sur la connaissance des clients et sur les interactions avec eux, il y a de plus grandes chances qu’il
y ait un alignement entre les stratégies secondaires du marketing et des TI. Dans ce cas, la collaboration ne
pourra apporter que des avantages pour tous.
Conception de l’organisation
L’étude de SAS pour le CMO Council démontre clairement qu’il fallait bien plus qu’un alignement stratégique
théorique. Environ 40 % des CMO et des CIO interrogés disent avoir obtenu un alignement stratégique, mais que
l’exécution laissait à désirer. Il y a donc lieu d’examiner de près les différents niveaux de l’organisation pour cerner
la nature du problème.
La gouvernance est importante parce qu’elle influe sur la manière dont les décisions sont prises. Dans les grandes
entreprises, diverses fonctions et unités courent après les mêmes ressources, lesquelles sont priorisées par
les membres du conseil et la haute direction. Notre étude a pour sujet la collaboration entre le CMO et le CIO,
mais force est de constater que dans la vraie vie, les deux services dont ils sont responsables souffrent d’une sous-représentation
au sommet de l’organisation22. Les conseils d’administration sont habituellement composés
de spécialistes sectoriels (experts opérationnels) et d’administrateurs avec un parcours général. Très peu de ses
membres sont des professionnels ayant une expertise fonctionnelle comme le marketing et les technologies
de l’information. Ces personnes siègent parfois aux comités exécutifs, mais elles ne relèvent pas directement
du chef de la direction. Cela signifie qu’elles ne participent pas aux discussions sur la stratégie. Dans un autre
sondage, la moitié des professionnels des TI pensent que le conseil d’administration n’accorde pas suffisamment
de temps aux enjeux informatiques (voir Graphique 4).
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Au bout du compte, toutes les transactions passent par le service informatique; par conséquent, plus que
tout autre membre de la haute direction, le CIO est bien placé pour apporter une valeur ajoutée grâce
à la collaboration avec le CMO et d’autres collègues au sommet de l’organisation, créant du même coup
un avantage concurrentiel pour l’entreprise.
Dave Burns, vice-président principal et chef de l’exploitation, LoyaltyOne, membre du groupe de travail
Des plans bien agencés et une vision partagée entre le CMO et le CIO permettent à l’organisation de réussir
et de demeurer pérenne. Les entreprises visionnaires tireront parti de cette collaboration pour éviter
la désintermédiation, saisir les opportunités de croissance et créer une nouvelle valeur pour les consommateurs,
et ce, dans un marché en constante convergence et en mouvement accéléré.
Brett Mooney, vice-président, Acquisition et gestion de consommateurs, American Express,
membre du groupe de travail
22 Petersen, The CMO/CIO Organization Alignment Mandate.
16
En conséquence, le marketing et le service informatique peuvent être relégués aux rôles subalternes lors
de l’exécution de la stratégie d’entreprise. Le marketing et les TI sont souvent structurés comme des centres
de services partagés ou des centres de coûts. Cela complique davantage les choses puisque ces services sont
perçus comme des entités occasionnant des «frais généraux». Les entités fonctionnant en mode profit et pertes
peuvent se prendre pour les artisans du succès de l’entreprise et réclament à cor et à cri la réduction des frais
généraux. Si l’on ne vise que les résultats à court terme, les CMO et les CIO ne seront pas considérés comme
des acteurs importants pouvant aider l’entreprise à les obtenir23.
Cela oblige le marketing et les TI à devoir continuellement justifier leur existence et leur utilité. Dans le cas
du marketing, cela signifie plus de pression pour obtenir un bon rendement de l’investissement (ROI). D’après
une étude d’IBM, 63 % des CMO disent qu’ils sont évalués sur le rendement de l’investissement pendant
les cinq prochaines années, et seulement 44 % se sentent à l’aise face à cette perspective. Cela s’explique
en grande partie par l’absence d’outils et de méthodes permettant aux CMO de mesurer l’impact des canaux
numériques sur la rentabilité de l’entreprise24. Pour leur part, les TI s’emploient à abaisser le coût total
de l’informatique afin de démontrer leur contribution aux coffres de l’entreprise.
23 Petersen, The CMO/CIO Organization Alignment Mandate.
24 Institut IBM de recherche en valeur commerciale, CMOs and CIOs Acquaintances or Allies?, p. 13.
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Tableau 5
Modèles organisationnels pour un service responsable des interactions numériques
Modèle Description Avantages Inconvénients
Organique/
Les activités de réseautage social se propa-gent
dispersé
depuis la périphérie de l’entreprise.
Exemples : Sun Microsystems qui encourage
ses employés à tenir des blogues.
Semblance d’authenticité qui inspire la con-fiance.
Les conversations semblent porter
plus sur les produits et les clients.
Expérience client incohérente. Une partie
de l’entreprise ignore ce que l’autre est
en train de faire. Déploiement de multiples
logiciels. Donc gestion difficile des données
et problèmes pour le marketing.
Centralisé/
centre
d’excellence
Un seul service (souvent Communications
générales) contrôle les activités sur
les médias sociaux.
Expérience client cohérente, ressources
coordonnées, réactivité.
Peut souffrir d’un manque d’authenticité à
cause des communiqués de presse à saveur
bureaucratique mis en ligne sur les blogues
ou à cause des vidéos montrant des cadres
peu télégéniques.
Coordonné/
modèle
en étoile
Une équipe multidisciplinaire basée en
un lieu central soutient les unités d’affaires,
équipes de produit et régions opérationnelles
et les aide à réussir par de la formation et
du support. Exemple : La Croix Rouge dispose
d’antennes régionales bien organisées pour
faire face aux situations d’urgence.
Le centre est au courant des activités menées
par les satellites. Fournit une expérience
client globale cohérente grâce aux res-sources
centralisées.
Coûte cher. Le soutien de la haute direction
est indispensable; gestion de programmes;
solidarité et participation de toutes
les entités nécessaires.
Modèle
en multiples
étoiles
(en pissenlit)
Présent souvent dans les grandes multina-tionales
dans lesquelles les entités jouissent
d’une grande autonomie d’action sous
une même marque. Les sociétés vendant
plusieurs produits, telles que HP et IBM,
ont tendance à adopter ce modèle.
Les unités commerciales ont une grande
marge de manoeuvre, mais elles se par-tagent
une expérience commune.
Exige des communications constantes
qui peuvent devenir improductives.
Exige une même culture et la participation
active de la haute direction et
des employés dévoués.
Nid d’abeille
holistique
Tout le personnel s’affaire à servir le client
et l’autorisation est donnée aux employés
qui veulent adopter les réseaux sociaux.
Exemples : Dell et Zappos
Sollicite les talents de tout le personnel
(«Twelpforce» de Best Buy en est un bon
exemple) pour aider et servir le client.
Les dirigeants doivent savoir «lâcher prise».
Exige une culture d’entreprise mature.
Les dirigeants doivent prêcher par l’exemple.
Source : SapientNitro
Dans certains cas, l’innovation a permis aux entités de collaborer ensemble. Starbucks a créé l’unité opéra-tionnelle
Initiatives numériques dirigée par le vice-président exécutif Stephan Gillett, qui porte aussi le titre
de CIO. Il commente : «Si je mettais les activités numériques sous la responsabilité du service technique ou
informatique, elles seraient, malgré toutes les bonnes intentions possibles, trop influencées par une démarche
purement technologique. Mais si je les confie au marketing, elles se mettraient naturellement au diapason
d’une campagne de marketing. Les activités numériques doivent être capables de suivre leur destin et d’avoir
leur propre vision.»
Des théoriciens en sciences de l’organisation sont en train de mettre à l’essai de nouvelles structures organisa-tionnelles
pour favoriser une approche numérique en affaires. Ainsi, la société de services-conseils SapientNitro
préconise cinq types de structures pour la sphère numérique : organique, centralisée, coordonnée, multiples
étoiles et nid d’abeille (voir Tableau 5). Chaque type a ses avantages et ses inconvénients, et diffère des autres
selon le degré de liberté d’action laissée à l’employé individuel et le degré de contrôle par le centre.
Le marketing pourrait envisager des projets visant à accroître le rendement de l’investissement (et pour se hisser
au même rang des entités fonctionnant en mode profit et pertes), alors que le service informatique pourrait
préférer des projets permettant la réduction des coûts de traitement. Le service informatique se voit souvent
comme le responsable des normes et des standards, alors que le marketing se perçoit comme étant très réactif
aux forces du marché. C’est de là que vient le manque de collaboration entre les deux fonctions.
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Identification de projet et importance de l’exécution
L’étude de SAS pour le CMO Council démontre clairement qu’il fallait bien plus qu’un alignement stratégique
sur le papier. Environ 40 % des CMO et des CIO interrogés disent avoir obtenu un alignement stratégique, mais
que l’exécution laissait à désirer. Il y a donc lieu d’examiner de près les différents niveaux de l’organisation pour
pouvoir déterminer la nature du problème.
Cela commence par le sommet. Les conseils d’administration sont habituellement composés de spécialistes sec-toriels
(experts opérationnels) et d’administrateurs avec un parcours général. Très peu de ses membres sont
des professionnels ayant une expertise fonctionnelle comme le marketing et les technologies de l’information. Ces
personnes siègent parfois aux comités exécutifs, mais elles ne relèvent pas directement du chef de la direction. Cela
signifie qu’elles ne participent pas aux discussions sur la stratégie. Dans un autre sondage, la moitié des profession-nels
des TI pensent que le conseil d’administration n’accorde pas suffisamment de temps aux enjeux informatiques.
Dans certains cas, les responsables du marketing et des TI peuvent avoir un rôle subalterne dans l’application
de la stratégie d’entreprise, ce qui veut dire qu’il y a moins de projets de marketing numérique. Le marketing et
les TI sont souvent structurés comme des centres de services partagés ou des centres de coûts. Cela complique
davantage les choses, puisque ces services sont perçus comme des entités occasionnant des «frais généraux».
Les entités fonctionnant en mode profit et pertes peuvent se prendre pour les artisans du succès de l’entreprise
et réclament à cor et à cri la réduction des frais généraux. Si l’on ne vise que les résultats à court terme, les CMO
et les CIO ne seront pas considérés comme des acteurs importants pouvant aider l’entreprise à les obtenir25.
Bon nombre de CIO et de CMO se cantonnent dans de vieilles façons de faire les choses, et cela entrave la col-laboration
à des projets de marketing. Kirstin Hambelton, vice-présidente du marketing de Neolane (fournisseur
de technologie de marketing) décrit ainsi la situation : «Il y a une dizaine d’années, le marketing était la toute
dernière des priorités pour le service informatique. Ses projets passaient toujours après ceux des autres services.
Déçus de ce manque d’intérêt, les professionnels du marketing ont décidé d’ignorer carrément les TI et de faire
cavalier seul26.»
Les CIO perçoivent le comportement distant des CMO envers eux. Par exemple, selon un sondage du CMO Council,
plus de 60 % des CIO voulaient que les CMO les impliquent plus tôt dans les étapes de projet, et presque 50 %
ont dit qu’il fallait développer une stratégie commune avec le marketing pour combler le fossé qui séparait
les deux groupes27. La collaboration souffre aussi d’une mauvaise exécution de projets. Les gens ont tendance
à se joindre à des projets qui fonctionnent bien. Mais, selon une étude, 55 % des projets portant sur les méga-données
n’arrivent pas à terme alors que d’autres n’atteignent pas les objectifs visés28. Dans la plupart
des cas, cela est dû à une mauvaise définition de la portée du mandat. Dans le cadre de nos études de cas,
David Klein, vice-président du marketing, Aéroplan, a tenu ces propos : «Par le passé, le marketing aurait dit
que le service TI ne donnait pas ce que le marketing voulait, que cela prenait trop de temps pour obtenir des services
informatiques. De son côté, le service TI dirait qu’il ne savait pas ce que le marketing voulait et qu’il ne compre-nait
pas ses orientations.»
Capacités
La plupart des travailleurs apprennent à faire de nouvelles choses en les faisant. Puisque le marketing numérique
est relativement nouveau comme activité, il est difficile de trouver des gens susceptibles de changer les processus
en place. Selon Roxane Edjlaji, les capacités et les compétences en analytique figurent parmi les deux plus
grands inhibiteurs (l’autre étant l’infrastructure) pour les organisations exploitant les mégadonnées29. Une autre
étude fait état de la pénurie de spécialistes de données (60 % des répondants ont fait cette remarque). Plus
de 80 % des entreprises disent avoir de la difficulté à embaucher des cadres supérieurs qui savent comment
exploiter les mégadonnées pour déceler de nouvelles opportunités30. En conséquence, les entreprises font
preuve d’imagination pour dénicher ces perles rares. Clearly Contacts, société faisant partie de nos études de cas,
a ainsi embauché un expert en sciences économiques quantitatives pour diriger son équipe d’analytique prévisionnelle.
25 Petersen, The CMO/CIO Organization Alignment Mandate.
26 Gerneglia, Big Data Transforms CMO and CIO Relationship.
27 CMO Council, Driving Revenue Through Customer Relevance.
28 CMO Council, Driving Revenue Through Customer Relevance, p. 28
29 Edjlali, Roxane. Getting Value From Big Data.
30 NewVantage Partners, Big Data Executive Survey 2013.
19
Donc, même lorsque les priorités stratégiques sont alignées, il pourrait y avoir un manque de capacités entra-vant
la collaboration sur le plan des projets. Les professionnels du marketing sont différents des informaticiens
en ce qui concerne les compétences de base et les comportements. Ils préfèrent les outils simples à utiliser —
comme les tableurs — aux bases de données sophistiquées et aux logiciels d’analytique. De leur côté,
les informaticiens privilégient les grands systèmes d’entreprise (comme ceux vendus par IBM) plutôt que
les applications de marketing spécialisées comme celles de Neolane.
Le marketing a longtemps été une discipline relevant à la fois de l’art et de la science. Mais la profession a acquis
une dimension scientifique plus marquée de nos jours. Cela ouvre de nouvelles opportunités intéressantes pour
ceux qui s’intéressent à l’analytique.
Perry Eisenschmid, vice-président du marketing, Conference Board du Canada,
membre du groupe de travail
Problème d’embrayage
Le marketing aussi bien que les TI peuvent parfois souffrir d’une déconnexion par rapport aux grandes orienta-tions
stratégiques. À ses débuts, l’informatique avait permis aux entreprises d’automatiser les tâches existantes.
Ensuite, elle a favorisé de nouvelles façons de travailler. Dans ce type d’exploitation de la technologie, la perfor-mance
du service informatique est mesurée à l’aune du temps de bon fonctionnement des systèmes. Pour se
rapprocher du métier de base de l’entreprise, le service informatique doit démontrer à quel point il contribue
à l’atteinte des objectifs d’affaires. C’est encore mieux lorsqu’il confère un avantage concurrentiel qui permettra
à l’entreprise de se démarquer sur les marchés. Enfin, on peut aussi utiliser l’informatique comme levier
de transformation en profondeur du modèle d’affaires de l’organisation.
Les services bancaires de détail sont l’exemple parfait de la capacité du service informatique à passer à la cinquième
vitesse. ING Canada (récemment acquise par Banque Scotia) articule son modèle d’affaires autour de sa plateforme
TI. Toutes les banques de détail offrent désormais leurs services en ligne et du coup ont changé leur manière
de traiter des affaires. Les clients exigent des interactions électroniques avec leur banque par l’entremise
d’une interface gérée par celle-ci. Le cas de Home Trust illustre bien l’impact sur les institutions financières.
20
Certains trouvent que le service informatique est encore coincé à la deuxième vitesse, n’étant pas en mesure
de participer à l’atteinte des objectifs d’affaires ou d’aider l’entreprise à se différencier ou à se réinventer. C’est
la raison pour laquelle le CIO ne fait pas encore partie de la haute direction dans nombre d’organisations.
Les responsables du marketing, eux aussi, souhaitent avoir une plus grande visibilité stratégique. Ils pourraient y
parvenir s’ils sont capables de prouver que les campagnes de marketing permettent de hausser les ventes et
de préserver la base de clients existants. Un meilleur partenariat avec le service TI aiderait le marketing à trans-former
l’entreprise et à intensifier sa différenciation. Mais cela n’est possible que si le marketing commence
à exploiter les capacités technologiques sophistiquées du service TI afin de mieux comprendre les besoins
des clients et d’interagir efficacement avec ces derniers.
Nous présentons dans les pages suivantes les différentes approches à la collaboration utilisées dans
7 entreprises canadiennes.
21
Chapitre 4 : Études de cas
Dans le présent chapitre sont présentées 7 études de cas portant sur des organisations canadiennes qui ont
compris l’importance stratégique de l’économie numérique et pris les mesures nécessaires. Nous avons pris
soin de sélectionner des organisations de taille, de vocations (B2C, B2B), de régions et de secteurs d’activité
différents pour refléter la diversité de l’économie. Ces études se focalisent sur les approches concrètes et
pratiques à la collaboration.
Des entrevues ont été menées au printemps de 2013 auprès d’une vingtaine de dirigeants des organisations
étudiées. Nous voulions connaître le point de vue de la haute direction (souvent le chef de la direction),
du marketing (le CMO ou son équivalent) et du service informatique (en général, le CIO ou son équivalent).
Les réflexions des occupants de ces postes nous ont permis de comprendre les défis et les approches
en matière de collaboration.
ÉTUDE DE CAS 1. — SHOP.CA, le magasin qui ne ferme jamais
L’opportunité
Pressés par le temps, les consommateurs canadiens apprécient le confort du magasinage en ligne au moyen
de technologies numériques. De plus, la quantité de produits disponibles sur Internet s’accroît tous les jours
pour répondre à leurs besoins. Le commerce électronique au Canada devrait atteindre 35 milliards de dollars en
2016. En 2012, son rythme de croissance s’est établi à 13 % alors que globalement les ventes au détail étaient
stationnaires.
À propos de SHOP.CA
Siège social Toronto, Ontario
Taille Petite (35 employés)
Activité Magasin de détail en ligne
Vocation B2C
Opportunité Saisir des parts de marché aux détaillants
en ligne américains
Objectifs du marketing Attirer les clients sur le site; vendre; conserver
les clients.
Dépenses pour le numérique (% des dépenses totales de marketing) 75
Selon SHOP.CA, la moitié des dépenses en ligne des Canadiens sont dirigées vers des cybermagasins améri-cains
dans la dernière décennie à cause d’un manque de choix au pays. Cette estimation est basée sur
les résultats de plusieurs études. En 2011, SHOP.CA a décidé de renverser cette tendance. Ses études
de marché avaient montré que les acheteurs canadiens en avaient assez des complications liées au magasinage
en ligne aux États-Unis, par exemple les longs délais de livraison, les droits de douanes, les frais de dédouanage,
les garanties non respectées et les frais de livraison élevés.
22
SHOP.CA, jeune entreprise canadienne fondée en juillet 2011, a ouvert ses portes un an après comme le plus
gros site de commerce en ligne au Canada. Dix mois après son lancement, plus de six millions de Canadiens
ont visité son site et 600 000 de ces visiteurs sont membres de son programme de fidélisation.
Pourquoi collaborer?
SHOP.CA étant un site de commerce électronique, il y avait peu de raisons pour que le CMO et le CIO collaborent
ensemble. L’entreprise n’existe que depuis deux ans et ne compte que 35 employés. Le marketing sur Internet
est au coeur de son modèle d’affaires.
Approche globale
L’approche de collaboration prend sa source dans la vision et la mission de SHOP.CA, qui insistent toutes deux
sur l’importance primordiale de l’expérience client avec le magasinage en ligne. Le chef de la direction et le CMO
placent le client au premier rang des priorités de l’entreprise. Les deux plus importantes valeurs qui guident
la conduite de l’entreprise concernent le client directement.
Une telle focalisation sur le client signifie que ce dernier est l’affaire de tous les dirigeants. Le CMO a signalé que
quatre des cinq hauts dirigeants sont responsables chacun d’un volet de l’expérience client, depuis la phase
de marketing jusqu’au stade de la facturation. Le chef de la direction et le président sont tous deux chargés
de la stratégie client, alors que le CMO et le CIO s’occupent du déroulement de l’expérience client.
Selon le CMO, «les données sont notre oxygène.». Chaque jour, l’entreprise génère un rapport de résultats long
de 30 pages basé sur les données recueillies et contenant les rubriques ci-dessous :
• Origine du client
• Raison de son départ
• Achats qu’il a faits
• Comportements des clients d’une même cohorte
• Comportement de recherche en ligne
• Comportement d’achat
• Taux d’abandon du panier d’achats.
Les rapports sont prêts chaque matin à 7 h 30. À 8 h 37, les cadres supérieurs présentent leurs chiffres du jour
précédent lors d’une réunion de direction. Une heure plus tard, ils rencontrent leurs équipes pour passer en
revue les résultats de la division. Les données capturées par un système centralisé sont accessibles à tous
les employés. La libre circulation de l’information favorise la responsabilisation de tout le personnel à l’égard
de résultats opérationnels.
«Les choses bougent très vite, mais nous nous assurons que tout le monde participe au rêve commun», a commenté
le chef de la direction. Tous les employés détiennent des parts dans l’entreprise et sont traités comme
des associés par le chef de la direction.
Approche en matière de marketing et de technologies
À l’image d’un magasin physique avec pignon sur rue, l’apparence du site de ventes en ligne est primordiale
pour attirer les chalands. Comme il s’agit d’un magasin virtuel, il est beaucoup plus facile et plus rapide de rafraîchir
l’apparence et les fonctions. Pour SHOP.CA, les fonctionnalités et les caractéristiques du site sont renouvelées
toutes les deux semaines. En moyenne, le site présente un nouveau marchand partenaire chaque jour, et ce,
depuis son ouverture, l’objectif de son dirigeant étant de «démocratiser l’environnement d’achat au Canada».
«Nous ne sommes pas des conservateurs dans un musée de produits, précise-t-il, nous vendons tout produit
que les Canadiens recherchent pour autant qu’il convienne à la famille.»
23
SHOP.CA dépense de fortes sommes sur le marketing traditionnel et numérique. À l’heure actuelle, 75 % du budget
total est consacré aux activités de marketing numérique alors que l’entreprise doit aussi encourager les visites
de son site Web. Elle recourt aux annonces à la télé, à la radio et dans les journaux. Il y a quelques mois, son
PDG a fait l’objet d’une entrevue télévisée et immédiatement après, la fréquentation de son site Web a atteint
un pic pendant 45 minutes. Ce pic s’est reproduit chaque fois que l’entrevue a été rediffusée dans d’autres
régions du Canada.
SHOP.CA souscrit à la devise Done is better than perfect (le plus important est de terminer le travail à faire)
de Facebook concernant les questions de technologies. Le CIO a déclaré que son service informatique préfère
«implanter, essayer et tirer les leçons nécessaires plutôt que de prendre six mois à atteindre la perfection». Il
croit que c’est difficile à faire pour un service informatique traditionnel. Selon le CMO, «le marketing numérique
peut coûter moins cher au final, mais au début il y a beaucoup à faire pour gagner la confiance des gens».
Le CIO supervise le traitement d’un million de courriels envoyés quotidiennement aux clients. Il emploie
un sous-traitant pour gérer ce processus.
SHOP.CA ne fait pas systématiquement le suivi au niveau du client individuel. L’entreprise commence à cibler
des segments de clientèle même si elle possède déjà la capacité de cibler les informations sur les clients indi-viduels.
Selon le CMO, «nous avons la possibilité d’être pertinents pour le client individuel». L’entreprise s’est
associée à Rich Relevance, société fondée par d’anciens employés d’Amazon, spécialisée dans la génération
de recommandations automatiques du genre «les personnes qui aiment le produit que vous venez d’acheter
ont également acheté ce produit».
Lorsqu’un client abandonne un article de son panier d’achats, SHOP.CA lui envoie un courriel dans les 24 heures
pour lui en demander la raison. Le PDG envoie lui-même chaque semaine de cinq à dix courriels aux nouveaux
clients pour leur souhaiter la bienvenue, les remercier et leur demander s’il peut faire autre chose pour eux.
SHOP.CA utilise Pluck (technologie d’interaction avec la clientèle) pour rendre l’expérience d’achat en ligne plus
conviviale, de même que Context, application permettant aux clients d’essayer virtuellement les vêtements sur
eux (sur l’écran de leur ordinateur ou sur leur tablette). L’entreprise compare ses pratiques avec celles des chefs
de file du commerce en ligne. Amazon est considéré comme le meilleur de tous en raison de son taux de con-version
de visiteur à acheteur très élevé (plus de 10 %).
La relation de travail entre le CMO et le CIO
Le CIO croit que le CMO est la personne avec qui il travaille le plus étroitement. Une communication constante
existe entre les deux. Chacun ne lance jamais un plan quelconque sans demander l’avis de l’autre; même
lorsque le CMO conçoit une publicité, il consulte son collègue CIO. Le CIO connaît à fond les données sur
la clientèle. Les deux travaillent dans des bureaux adjacents, ce qui favorise une communication continue.
Ils croient que leur relation de travail doit commencer par les échelons supérieurs et, de là, descendre au niveau
de leurs équipes respectives, les employés suivant l’exemple de leurs chefs. Les systèmes informatiques
de l’organisation soutiennent la focalisation sur le client et cela favorise la collaboration. Le CMO et le CIO
s’entendent sur le profil d’employés dont l’entreprise a besoin. Bien sûr, les compétences techniques spéci-fiques
sont importantes pour les deux, mais ils recherchent aussi d’autres caractéristiques comme «futé»,
«passionné» et «engagement envers l’entreprise», par exemple. Le CMO apprécie les gens qui sont «à l’aise
avec les chiffres et qui aiment l’analytique». L’embauche d’effectifs permet aux services de marketing et
des TI de s’entendre sur le plan de la culture organisationnelle.
Mesurer l’impact
SHOP.CA utilise ses systèmes informatiques pour surveiller les facteurs opérationnels suivants :
1. Taux de conversion
2. Taux de rebond
3. Taux d’abandon du panier d’achats
24
4. Valeur moyenne de la commande
5. Performance de ventes par rapport aux prévisions
Des critères de mesure secondaires sont en place pour évaluer la performance de l’équipe de ventes (par exemple
le flux de produits) et celle de l’équipe chargée de mettre les produits sur le site. L’équipe de technologies est
évaluée en se basant sur la durée de la visite du site et sur le taux de conversion des visites que le marketing
a générées. Les résultats sont communiqués chaque matin à l’équipe de direction, puis aux employés afin qu’on
prenne les mesures qui s’imposent.
Enfin, nous avons aussi demandé au CMO quels sont les trois projets ou résultats les plus importants découlant
de la collaboration avec le CIO et qui ont permis d’augmenter les ventes. Les voici :
1. Envoi plus efficace de courriels grâce à une approche planifiée de communication basée sur le cycle de vie.
2. Pages d’accueil optimisées pour améliorer le marketing par moteur de recherche, tant pour le recrutement
de nouveaux membres que pour les transactions.
3. Envoi d’un message pertinent aux visiteurs après qu’ils ont quitté le site.
a) «Pas un jour ne passe sans que le CIO travaille à l’optimisation de la structure ou des fonctions du site pour
permettre au marketing d’améliorer le reciblage de clients ou de réduire le taux de rebond; nous changeons
sans cesse les choses pour demeurer excellents.»
25
ÉTUDE DE CAS 2. — Clearly Contacts
Clearly Contacts, producteur et détaillant de lentilles de contact et de lunettes basé à Vancouver, a été fondé
en 2000 par Roger Hardy et sa soeur Michaela Tokarski. Appelée ClearlyContacts.ca au début (ce nom est
maintenant une de ses marques), l’entreprise a depuis grandi très vite, passant d’un local situé dans un sous-sol
pour devenir un des plus importants détaillants de lentilles de contact et de lunettes en Amérique du Nord,
comptant plus de 650 employés et des bureaux au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Suède. La société
est cotée sur les Bourses TSX, NASDAQ et OMX (Suède).
Clearly Contacts est passée de la vente au détail uniquement à la production et vente de ses produits, en plus
de commercialiser des produits d’autres marques que la sienne. Plus de 90 % des lentilles et 30 % des lunettes
vendues présentement sont des produits d’autres marques. Clearly Contacts peut fabriquer jusqu’à 14 000
lunettes par jour, disposant aussi un service interne de design et de jeunes designers de lunettes sur sa liste
de paie.
À propos de Clearly Contacts
Siège social Vancouver, Colombie-Britannique
Taille Grande (750 employés)
Activité Fabricant et détaillant en ligne
Vocation B2C
Opportunité Vendre des lunettes à des prix raisonnables
Objectifs du marketing Promouvoir les produits et l’achat en ligne;
se différencier; être le chef de file dans
les médias sociaux.
Dépenses pour le numérique (% des dépenses totales de marketing) 90
L’opportunité
Au début, Clearly Contacts s’intéressait principalement au marché des lentilles de contact. Comme les délais
de livraison étaient souvent longs, Clearly Contacts voulait les raccourcir en optimisant sa logistique et en offrant
d’autres services. Les efforts ont porté leurs fruits et, en octobre 2012, l’entreprise s’est distinguée avec la Stella
Service Elite Award pour son service à la clientèle.
Dans le but de réduire le délai entre le moment de la commande et la date de réception, Clearly Contacts a mis
en place un processus prédictif de traitement des commandes basé sur les données sur le client. Si un client com-mande
des lentilles d’un type particulier pour une période de trois mois, le système prévoit le besoin de renouveler
sa commande 90 jours après. En ce qui concerne la politique de retour, le client peut retourner le produit dans
les 366 jours après l’achat sans aucune condition. De telles pratiques novatrices ont permis de porter le service
à la clientèle à un niveau supérieur et de fidéliser les clients.
26
Depuis maintenant quatre ans, Clearly Contacts commercialise aussi des lunettes à prix raisonnables. Aaron Magness,
son vice-président du marketing, affirme que son entreprise «offre une meilleure proposition de valeur que
les cartels qui pratiquent des prix exorbitants». Des prix raisonnables et un bon service à la clientèle constituent
les fondements de son activité. Selon son chef de la direction Roger Hardy, «Clearly Contacts se focalise sur
ses clients et cela lui a permis de connaître du succès». Sa vision se résume par cette expression : «la meilleure
façon d’acheter des lunettes et des verres». La dernière campagne de marketing de Clearly Contacts vise à
convaincre les clients que les lunettes sont des articles de mode qu’on achète comme accessoires pour aller
avec ses habits. L’entreprise offre des réductions pour stimuler les achats et compte de nombreux clients qui
possèdent plus d’une paire de lunettes. Elle a aussi recruté le célèbre joueur de hockey de Vancouver, Trevor
Linden, pour porter son message. De plus, la compositrice-interprète Alicia Keys et le rappeur Flo Rida ont
porté des lunettes Clearly Contacts dans des vidéos dernièrement.
Priorités de marketing
Les trois grands axes de marketing de Clearly Contacts sont les suivants :
1. Notoriété. Clearly Contacts a une bonne notoriété pour ses lentilles de contact et souhaite désormais
élargir cette réputation à ses produits de lunetterie.
2. Promotion du magasinage en ligne. À l’heure actuelle, les ventes de lunettes en ligne ne représentent
que 2 % du total. L’entreprise veut promouvoir ce canal à ses clients.
3. Se différencier. Les magasins brique et mortier dominent encore le marché de la lunetterie, et Clearly
Contacts veut se démarquer de ce groupe avec ses produits et ses services, en particulier en matière
de choix, de prix et de service après-vente.
Pour Clearly Contacts, les solutions de marketing numérique l’aideront à atteindre ses objectifs. Quatre-vingt-dix
pour cent de son budget de marketing est réservé aux solutions numériques, pourcentage très élevé dans
l’industrie. L’entreprise croit que le marketing numérique, s’il est adéquatement exécuté, lui permettra de mieux
connaître les clients et de communiquer efficacement avec ces derniers, surtout sur les médias sociaux.
Culture, organisation et collaboration
La structure de Clearly Contacts est basée sur la participation de 80 % de ses employés au capital de l’entreprise.
Selon M. Rogers, «la culture est son avantage compétitif». «Nos valeurs s’expriment à travers des slogans
comme Faites plus avec moins, Faites du bien et Les agents du changement.» Cette mentalité est renforcée
par le fait que les employés détiennent des parts dans l’entreprise, tandis que Clearly Contacts embauche
des gens ayant les mêmes idées et qui sont prêts à adhérer à sa culture organisationnelle.
Le chef de la direction, M. Rogers, a nommé un haut dirigeant en charge de tous les processus concernant
le contact avec les clients, notamment la publicité, l’interface Web et les transactions. Le service de marketing
de 30 employés doit s’assurer que toute l’entreprise connaît bien le client et ses besoins. Le marketing connaît
les données démographiques sur la clientèle et emploie les méthodes et les messages de communication qui
conviennent aux clients. Avec l’aide du groupe d’analytique, il modélise les personnalités de clients et leurs
besoins. Tous les gestionnaires écoutent les appels pour cerner les besoins des clients.
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Structure organisationnelle de Clearly Contacts
Président Chef financier Chef de l’exploitation
V.-p. Développement
d’entreprise
(Investisseurs)
Clearly Contacts est une entreprise axée sur le client. Des réunions de direction ont lieu chaque semaine pour
discuter de tous les aspects concernant les clients, dont le marketing, le traitement des commandes et la fac-turation.
À ces réunions, le principal critère de mesure — Net Promoter Score, servant à évaluer la loyauté
des clients — est à l’ordre du jour. Des objectifs interdépendants sont fixés chaque année pour le personnel
et ils sont reliés à ceux des échelons supérieurs, jusqu’au chef de la direction.
L’équipe de haute direction tient de courtes réunions quotidiennes de 10 minutes pour discuter de leurs tableaux
de bord. D’autres rencontres de 10 minutes ont lieu dans les divisions et les unités opérationnelles de l’organisation.
Tous les trimestres, un dirigeant choisit un thème pour faire ressortir les objectifs à atteindre au trimestre suiv-ant.
Chaque thème comporte cinq priorités ou objectifs trimestriels qui sont examinés pendant une journée. Au
cours des réunions hebdomadaires subséquentes, les participants font état de leur progression au regard
des objectifs fixés.
Le chef des TI se réunit aux deux semaines avec des responsables d’unités. Les responsables commerciaux
viennent à la réunion avec leurs demandes de services TI inscrites dans une application de planification de projet
appelée JIRA. Les projets sont priorisés au cours de cette réunion, et cela permet au vice-président des TI
d’avoir une liste des priorités pour les deux prochaines semaines. Il la remet aux groupes respectifs dans son
service pour qu’ils évaluent le temps nécessaire pour accomplir chaque projet. Les groupes décident des travaux
qu’ils peuvent faire et produit une liste finale. Les tâches débutent ensuite. La direction se réunit encore la semaine
suivante pour vérifier l’avancement de chaque projet individuel. Dans 90 % des cas, toutes les activités sur
la liste finale sont effectuées.
Le service informatique privilégie la réactivité face aux besoins des clients internes. Il a mis en oeuvre certains
volets de la méthodologie Agile tels que Scrum et Extreme Programming. La méthodologie Agile encourage
la planification adaptative, le développement et la livraison évolutifs et la réponse rapide et flexible au change-ment.
Le service TI emploie un cycle d’itération rapide de deux semaines pour développer des applications
et modifier le site Web. Il recherche un équilibre entre l’agilité et la stabilité.
V.-p. Développement
des affaires
V.-p. Opérations
V.-p. TI
V.-p. Ventes en ligne
V.-p. Publicité
et fidélisation
V.-p. Marketing
V.-p. Finances
V.-p. RH
Chef de la direction
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Chaque équipe de projet (un groupe peut avoir plusieurs projets, la moyenne est de 10) a un «Scrum Master»
désigné par le service TI pour s’assurer que tous se concentrent sur le travail à faire et ont accès aux ressources
nécessaires pour terminer le projet dans le délai de deux semaines. Un projet de marketing est guidé par
un responsable du marketing, qui est habituellement son demandeur. Celui-ci donne son approbation au projet
au terme de la période de deux semaines.
Approche de marketing numérique
Braden Hoeppner, vice-président, Ventes en ligne, indique que son équipe de 12 employés est responsable
de l’expérience client sur le Web. Relevant directement du chef de l’exploitation, il fournit le contenu créatif
au site Web alors que le service informatique veille à l’aspect technologique. Il voit le site Web comme le centre
d’une étoile d’où partent plusieurs branches (les points d’accès), dont le navigateur Web, les appareils mobiles
et les terminaux en magasin. Les appareils mobiles modernes sont si puissants que les clients ne peuvent s’en
passer pour faire des transactions partout et en tout temps. «La situation a beaucoup changé. Trente pour cent
des gens utilisent leur téléphone portable pour surfer sur le Web», remarque M. Hoeppner.
M. Hoeppner souhaite savoir comment optimiser l’expérience client sur tous les types d’appareils avant
de le faire avec l’aide du service TI. Au départ, des clients ne pensaient pas qu’un cybermagasin puisse être
un bon endroit où se procurer des lunettes. Clearly Contacts a donc mis en place un processus permettant
au client d’indiquer les dimensions des lunettes en ligne. Pour le convaincre encore plus, M. Hoeppner et son
équipe ont exploité à fond les données disponibles et ont trouvé que, au-delà des dimensions, l’esthétique était
le facteur le plus important et qu’elle ne pouvait être vérifiée que sur place, dans un magasin physique. Pour
surmonter ce problème, l’équipe de M. Hoeppner a inventé un miroir virtuel, fonction permettant au client
de télécharger une photo de son visage et de poser les modèles de lunettes sur l’image.
Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des clients de Clearly Contacts ont des interactions en ligne avec l’entreprise,
qui aspire à leur offrir une expérience agréable et conviviale. Clearly Contacts est perçue comme un chef de file
dans les médias sociaux, s’étant classée 3e parmi les détaillants en ligne en matière de réseautage social,
sur la liste Internet Retailer’s Social Media 300. L’entreprise a deux millions de partisans sur Facebook, utilise
toutes sortes de médias en ligne pour interagir avec ses clients et a recourt à autant de canaux que possible
pour entretenir les liens avec eux. Bien qu’il y ait un point de vente dans Robson Street, à Vancouver, le but
de ce magasin n’est pas de vendre sur place, mais de promouvoir la vente en ligne de lentilles et de lunettes.
M. Hoeppner affirme : «Nous gardons l’esprit ouvert sur les moyens que les gens emploient pour interagir avec
nous». C’est pourquoi l’expérience client doit être offerte sur plusieurs types d’appareils. Même si de nombreuses
sociétés ont optimisé leur site Web pour donner l’accès à partir d’appareils portables, M. Hoeppner pense que
cela est loin de suffire à la demande. Il pense qu’il y a un réel besoin d’adapter l’expérience pour n’importe
quels types d’appareils. Certaines entreprises croient que les utilisateurs d’appareils mobiles naviguent, mais
ils n’achètent pas en ligne. Mais Clearly Contacts a amélioré son site en permettant aux clients de saisir le code
à barres des lunettes avec leur téléphone afin d’en commander automatiquement une nouvelle paire. Désormais
acheter avec un téléphone portable est aussi simple que de le faire avec un ordinateur et un navigateur.
Presque toutes les lunettes comportent un numéro de référence gravé sur la monture pour faciliter la commande
en ligne. Dès que ce numéro est saisi sur le site Web, seuls les verres convenant à la monture sont présentés
à l’écran. Par conséquent, on arrive à restreindre la quantité de modèles disponibles. La sélection s’en trouve
donc facilitée.
Clearly Contacts est à l’écoute de ses clients pour comprendre la manière dont ils utilisent son site Web.
Des outils lui permettent de suivre la séquence de clics sur le site. Une application appelée Foresee permet
d’enregistrer la rétroaction des visiteurs qui ne font pas d’achats. Sur les médias sociaux, l’entreprise demande
aux internautes ce qu’ils pensent de son site. Clearly Contacts interrogent des clients pour savoir si ces derniers
ont «partagé» leur expérience d’achat sur les médias sociaux et si oui, à combien d’amis. Cela lui permet de savoir
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qui parmi ses clients sont des leaders d’opinion. L’entreprise surveille les commentaires sur les sites d’Alicia Keys
et de Flo Rida pour tenter de connaître l’opinion des gens sur les lunettes (de Clearly Contacts ou d’autres designers)
portées par ces deux vedettes. Clearly Contacts compare ses meilleures pratiques de marketing numérique avec
celles des chefs de file comme Zappos et Net-a-porter.
Le service d’analytique (voir ci-après) fournit les données sur les segments de clientèle. Le service de M. Hoeppner
se sert d’outils tels que Myers-Briggs pour déterminer la manière de joindre les différents groupes à l’intérieur
de chaque segment. Un laboratoire est mis en place pour étudier le comportement de navigation des gens qui
utilisent le site Web de l’entreprise pour la première fois. Le groupe d’analytique valide ensuite les données recueil-lies
sur les utilisateurs et mesure l’effet de chaque action effectuée par ces derniers. Par exemple, on vérifie si
les gens qui essaient le miroir virtuel sont plus enclins à acheter par rapport à d’autres visiteurs du site. Chaque
fois qu’un nouveau site Web est lancé, on tâche de savoir si les visiteurs de ce site y passent plus de temps et
sont plus enclins à acheter.
Acquérir des capacités
Étant donné la multiplicité d’interfaces numériques, Clearly Contacts doit avoir les ressources possédant diverses
compétences, parfois même des compétences peu ordinaires. Le marketing a des employés avec des compétences
techniques dans ses effectifs. M. Hoeppner a un groupe d’employés capables de faire du design et possédant
également des aptitudes techniques. En ce qui a trait à la gestion, le chef de la direction a embauché des ressources
avec de l’expérience en affaires, car il est plus facile de réussir avec des gens qui ont déjà connu du succès.
C’est la raison pour laquelle Clearly Contacts a embauché quelques gestionnaires chevronnés de Zappos.
Le service informatique recherche des employés avec plusieurs années d’expérience, qui veulent contribuer
au succès de l’entreprise et qui peuvent prouver qu’ils ont déjà fait de même dans leur emploi antérieur. Les gens
souples et adaptables sont très prisés. Selon M. Magness, «les employés du service TI doivent absolument être
à l’aise dans un environnement où les processus sont fluides. Ils doivent apprécier ce côté très dynamique
et la grande vitesse à laquelle vont les choses. Les TI ont besoin de gens qui s’adaptent aisément à un mode
de prestation flexible».
Alex Soria est un exemple du nouveau type d’employés dont Clearly Contacts a besoin. Économiste de formation,
il occupe le poste de directeur en chef de l’analyse statistique depuis un an et relève du vice-président de la publicité
et non du service financier, puisque l’entreprise met l’accent sur la connaissance et la prévision des com-portements
de clients. Il dirige trois analystes chargés d’examiner le processus client allant de la prise
de conscience de l’existence de Clearly Contacts jusqu’au moment d’achat.
Ils ont tout d’abord mis en place un entrepôt de données robuste capable de recevoir les données provenant
du centre d’appels, du marketing, des opérations, du service financier, etc. Une firme de services-conseils a été
retenue au début pour les aider à réaliser l’entrepôt de données, tâche qui a pris en tout un an. Comme la mise en
place d’un tel entrepôt implique aussi les ajouts et les retraits de données, le travail a dû se poursuivre à l’interne
après la première année dans le but d’affiner les informations. Toutes les données contenues dans l’entrepôt sont
générées de manière automatique sans aucune intervention humaine.
Ensuite, il a fallu scruter les données en profondeur pour mieux connaître la clientèle et distinguer les clients
fidèles des autres. Les fidèles rapportent plus à l’entreprise, car ils achètent des lunettes de grandes marques et
de marques privées. En scrutant les données plus en détail, Clearly Contacts veut savoir si ceux qui achètent pour
la première fois deviendront un jour des fidèles, en se basant sur les produits achetés, le mode d’achat sur plusieurs
canaux et les membres de la même famille qui sont eux aussi des acheteurs.
Selon M. Soria, les comportements d’un client fidèle potentiel varient d’un pays à l’autre. Les clients américains
sont attirés par les réductions et ne veulent pas dépenser autant que les Canadiens. Les Japonais se situent entre
ces deux extrémités. Ensuite, les clients sont divisés en cinq segments, allant de «achat unique» à «fidélité con-tinue
». En se fondant sur cette analyse, on met au point un modèle de prévision du comportement d’achat
d’un client fidèle.
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On a aussi fait des recherches sur les types de campagnes de marketing susceptibles d’attirer les fidèles.
La modélisation du comportement de la clientèle s’effectue sur SPSS. Grâce aux fonctionnalités de l’entrepôt
de données, on peut se rendre à un emplacement donné afin de créer un tableau de bord sur n’importe quel
aspect des opérations en temps réel. Clearly Contacts exploite présentement SAS pour capturer et organiser
les données non structurées provenant des médias sociaux. À l’heure actuelle, ces informations ne font pas partie
de l’entrepôt de données car, même après leur agencement, elles ne sont pas dans un format qui soit exploitable
avec les données de l’entrepôt. L’entreprise envisage d’utiliser Apache Hadoop, logiciel libre pouvant convertir
de gros volumes de données sociales en un format acceptable par un entrepôt de données. Netflix a commencé à
utiliser ce produit et cette entreprise est connue pour être le leader dans l’utilisation des données non structurées.
L’autre défi avec les données sociales réside dans l’impossibilité de relier les identités en ligne aux vrais noms
des gens. Il est par conséquent difficile de les identifier avec précision pour les besoins de campagnes de marketing
numérique. Enfin, selon M. Soria, «les médias sociaux sont à la mode, mais à ce jour il est impossible de mesurer
le rendement de l’investissement dans les efforts déployés dans ce domaine hors du marketing traditionnel».
Résultats
Le chiffre d’affaires de Clearly Contacts s’est accru de 26 % par an pendant les 10 dernières années grâce à
l’acquisition de plus de clients via son site Web.
L’utilisation de Net Promoter Score (NPS) depuis deux ans a permis à l’entreprise de poursuivre cette croissance.
L’indice NPS s’obtient en soustrayant les détracteurs (ceux qui donnent une note entre 0 et 6) du nombre
de promoteurs (ceux qui donnent une note de 9 ou 10) lorsqu’on leur demande s’ils recommanderaient l’entreprise
avec laquelle ils font affaire à un ami. L’indice NPS de Clearly Contacts est de 80 et plus. Une équipe est chargée
de surveiller ce score et de fixer un objectif chaque trimestre, par exemple, «réduire de 25 % le nombre
de détracteurs».
Un sondage est envoyé au client dans les deux semaines après son achat. On communique avec le détracteur
dans les 24 heures suivant la réception de son évaluation pour connaître son motif d’insatisfaction et savoir ce que
Clearly Contacts pourrait faire mieux pour le satisfaire. Une semaine après ce premier appel, au deuxième appel,
l’entreprise remarque que le score s’est amélioré. Clearly Contacts a pris la décision de mettre la barre plus haute
en matière d’évaluation de l’expérience client.
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ÉTUDE DE CAS 3 — Télécoms dans les Prairies : SaskTel
Société d’État de la Saskatchewan basée à Regina, SaskTel est leader dans son secteur des télécommuni-cations.
Entreprise plus que centenaire, elle a traversé plusieurs périodes de changement au cours de son
existence. Figure de proue de l’économie numérique, elle fait partie d’un réseau essentiel qui connecte
les habitants de la province et les relie au monde entier. Mais pour SaskTel, il s’agit de bien plus que la technologie,
car JD Powers l’avait nommée les deux années précédentes «Télécommunicateur sans fil à services complets
avec le taux de satisfaction client le plus élevé».
Le défi
Le chef de la direction de SaskTel affirme que les clients actuels veulent deux choses. D’abord, un accès multicanal
composé de clavardage, d’applications mobiles, de services téléphoniques, du courriel, de site Web et de points
de vente au détail. L’augmentation de la capacité de canaux pour répondre aux besoins de communications
sous plusieurs formes représente un défi de taille pour l’entreprise. Ensuite, les clients exigent une multiplicité
de solutions adaptées à leurs propres situations. Cela constitue une forme de segmentation individualisée
du marché.
À propos de SaskTel
Siège social Regina, Saskatchewan
Taille Grande (3 800 employés à temps plein,
1 000 à temps partiel)
Activité Télécommunications
Vocation B2C/B2B
Opportunité Exploiter les diverses technologies
de télécommunications pour répondre
aux besoins des clients
Objectifs du marketing Optimiser l’assortiment de produits actuels;
améliorer l’expérience client pour livrer concurrence
aux nouveaux acteurs sur le marché; adopter
les technologies les plus récentes.
Dépenses pour le numérique (% des dépenses totales de marketing) 30 %, atteignant 60 % en 2016
Les demandes de la clientèle s’inscrivent dans un contexte de changement technologique à grande vitesse.
Les réseaux 4G lancés seulement en 2009 et 2010 ont déjà atteint leur maturité. Les clients recherchent
la connectivité LTE, cinq fois plus rapide que 4G. Ce sont des changements qui prennent du temps à mettre
en place face aux attentes des clients qui veulent les avoir rapidement. Les sociétés de télécommunications
ont peine à suivre le rythme. Par ailleurs, l’activité de téléphonie traditionnelle exige une maintenance con-tinue.
Le système à câblage en cuivre demeure en service pour satisfaire les besoins d’un segment de clients
plus âgés. Du côté de la téléphonie mobile, SaskTel est en train de construire son troisième réseau en cinq ans.
«Il est difficile de passer rapidement d’une technologie à une autre et de faire des économies de coûts
en même temps», de dire M. Styles.
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«Nous passons des communications sur câbles en cuivre au système à fibre optique et nous voulons nous
assurer que les membres de la haute direction de SaskTel sont en mesure de suivre cette évolution et sont
à l’aise avec cette technologie, ajoute M. Styles. La transition n’a pas été facile pour certains de nos employés
en ventes. Parfois, nous prenons une décision particulière en tenant compte des clients qui ne peuvent ou
ne veulent faire la transition à la nouvelle technologie. La transition se fait de manière progressive, ce qui permet
de les maintenir sur la vieille technologie.»
Le secteur des télécommunications est soumis à une réglementation serrée, ce qui accentue davantage les défis.
Ainsi, le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) a récemment obligé
les sociétés de télécommunications à plafonner à 50 $ les plans de données au Canada et à 100 $ hors
du pays. Le fournisseur de services doit avertir le client quand la limite est atteinte. Le client a alors l’option
de se prévaloir ou non du service. Cela entraînera inévitablement un arrêt de service pour certains clients qui
autrement auraient souhaité de continuer d’en recevoir. Selon M. Styles, «les clients veulent du changement
sur-le-champ et en toute transparence».
«Les clients souhaitent plutôt une relation en ligne avec nous», commente Gail Lefebvre, directrice principale,
Développement des services. «Ils vivent dans un monde où tout bouge très vite, où des services peuvent être
obtenus en ligne. Ils veulent donc des services téléphoniques en ligne. Les attentes sont définies dans les autres
secteurs, et dans le secteur du sans-fil par nos concurrents, ce qui nous oblige à être aussi de la partie.» Elle
ajoute également : «Nous devons faciliter la relation d’affaires entre le client et nous.»
Concevoir une réponse
Pour relever les défis de SaskTel, M. Styles attaque sur deux fronts. D’abord, définir une vision du futur
à laquelle tous les employés peuvent adhérer. «La vision doit être celle de tout le personnel qui doit être
en mesure de l’expliquer aux clients», explique M. Styles.
La vision de SaskTel consiste à «faire de la Saskatchewan la région la plus connectée du monde». SaskTel
est sur la voie de la concrétiser. Première entreprise canadienne à offrir l’itinérance LTE à l’échelle du Canada,
elle est aussi la première à employer un système central pour fusionner les services 4G et LTE sur un réseau
unique. «Nous faisons évoluer le plus rapidement possible notre fibre optique et notre réseau central», affirme
M. Styles.
Le deuxième front a trait à la mobilisation du personnel par des moyens officiels et informels. M. Styles
préfère se déplacer à travers la province pour rencontrer les employés, et plutôt que de faire des discours,
il leur demande des idées pour améliorer le service à la clientèle. Il discute des nouvelles technologies et
encourage les employés à faire preuve d’engagement et à se familiariser avec les nouvelles technologies.
Ainsi, lors d’une réunion du Conseil, il a invité trois employés de première ligne à faire la démonstration
de la technologie de fibre optique aux membres du Conseil.
SaskTel se sert de la technologie pour discuter avec ses clients, qui d’ailleurs sont aussi ses actionnaires.
L’entreprise a mis en place des panels de discussion en ligne constitués chacun d’une centaine de consom-mateurs
volontaires pour tester de nouvelles idées de produits et de services. Un panel existe également pour
les clients B2B (PME et grandes entreprises, entreprises en milieu rural et urbain) et un autre pour les clients
B2C. Une fois par mois, SaskTel envoie aux panélistes deux ou trois questions en ligne. Cette interaction est
soutenue par un sondage mensuel des clients (en ligne et au téléphone).
Pour interagir avec sa clientèle, SaskTel recourt plus souvent aux médias sociaux. Des lignes de clavardage
ont été mises en place pour le service à la clientèle. Le marketing utilise Facebook et Twitter pour joindre
les clients. Des jeunes ont été embauchés et envoyés dans les écoles et les festivals pour sonder la clientèle
jeune sur ses besoins. SaskTel a également des stands dans des expositions pour montrer ses produits et
services à ce groupe de consommateurs.