A l’instar du rapport Mettling, la banque voit son métier se transformer vers une utilisation accrue de technologies numériques mais également génère l’entrée massive de nouveaux acteurs sur le marché.
Pour sa survie, elle doit devenir génératrice d’un écosystème, faire émerger de nouvelles sources de revenus, adapter sa gestion tant de ses ressources humaines que de son organisation.
Elle doit faire preuve d’ouverture, d’agilité et de créativité, tant à l’attention de ses collaborateurs, des contributeurs (instances sociales et syndicales) que de ses clients pour muer vers la banque 2.0
1. Les Echos Mardi 15 septembre 2015
de Daniel Karyotis
Cequeseralabanque
dansdixans
L’accélération et l’avènement des
nouvelles technologies dans
notre quotidien ont bouleversé
tous les secteurs d’activité en moins
d’une décennie. Aucun secteur n’est
épargnéetlesfrontièresentrelemonde
physique et le monde virtuel ont dis-
paru brutalement. Aux révolutions
industriellesdesXIXe
etXXe
siècleasuc-
cédé une révolution technologique
dontonneperçoitpasencoreleslimites
temporelles.
La banque est bien sûr impactée par
cette transformation rapide et violente
denotresociétéetelledoitrepenseren
profondeur son « business model ». Le
défi à relever est considérable. Jamais
les banques n’ont été à ce point défiées
surleur« corebusiness ».Aujourd’hui,
lacompétitionestmultiple(lesGafaou
autres Visa et MasterCard…) et la
menace n’est plus celle d’être attaqué
sursonterritoireparunnouvelentrant
bancaire mais bien d’être fragilisé par
des entreprises non bancaires sur les
paiements,lesflux,l’épargneousurles
crédits.
Menace d’autant plus forte que je ne
partage pas la thèse de ceux qui affir-
ment que le « réglementaire » est une
barrière à l’entrée pour un nouvel
acteur. Cela peut être un frein, certes,
maisjamaisunebarrière !Leréglemen-
taire ne doit pas être la ligne Maginot
des banquiers, même s’il faut se battre
contre ceux qui ne sont pas régulés
aujourd’hui et qui peuvent générer une
autre forme de risque systémique
demain.
Devenues mortelles car non assu-
rées de la pérennité de leurs revenus,
les banques doivent se réinventer et
relever plusieurs défis. Le défi du
numérique et des nouvelles techno-
logiesbiensûr.Laquestionn’estpasde
savoir si les banques vont être impac-
tées par le digital et l’accélération des
nouvellestechnologiesmaiscomment
les utiliser pour faire émerger de nou-
velles sources de revenus et des gains
de productivité. Donner plus de
confort et de liberté à ses clients est
essentiel, car chacun d’entre nous
l’exige à titre personnel.
Pour réaliser cette mutation numé-
rico-technologique, les banques
doivent avant tout « déformater » leur
recrutement pour intégrer des nou-
veaux profils de la nouvelle économie.
Le groupe LVMH ne vient-il pas de
recruter l’ancien patron de Beats
Music (racheté par Apple en 2014) Ian
Rogers? Et Apple n’avait-il pas débau-
ché l’ancienne patronne de Burberry,
Angela Ahrendts, pour redéfinir,
notamment, le design de ses produits
juste avant de lancer l’Apple Watch ?
Le défi industriel aussi, car les
banques demeurent de gros « paque-
bots bureaucratiques » dont il est
parfoisdifficiledemodifierrapidement
la trajectoire !
Simplifier la gouvernance, « débu-
reaucratiser » la banque, réduire sa
« comitologie », alléger les process,
simplifier les organigrammes, accroî-
tre les délégations… La bataille du
réglementaire ne doit pas nous faire
perdre de vue que nos clients demeu-
rent plus que jamais le cœur de notre
stratégie ! La banque doit, par consé-
quent, accélérer sa mutation indus-
trielle pour améliorer sa productivité,
son efficience et in fine son agilité
stratégique !
Pour gagner tous ces combats, la
banque dispose de deux atouts essen-
tiels : sa force de frappe financière et
les dispositifs élaborés pour contrer
la montée en puissance inexorable, et
oh combien inquiétante, de la cyber-
criminalité.
La puissance financière des banques
estfacilitatricepourredéfinirleurprofil
et recréer de la valeur et elles peuvent,
également,constitueruneconcurrence
crédible face aux porte-drapeaux de la
nouvelle économie car la banque a une
légitimité à être présente partout et sur
tout ! Et les millions de clients d’une
banque ont autant de valeur que ses
fonds propres.
Je suis convaincu qu’en 2025 la
banque nouvelle sera plus souple, mul-
tiforme,numérique,proposeradesser-
vices multiples associés aux comptes
bancairesetledesigndesesagences–et
même de ses cartes bancaires – sera
réalisé par une ancienne « grosse poin-
ture »d’ungroupedeluxe !Etlabanque
aura aussi réussi à créer autour d’elle
tout un écosystème d’entreprises de la
nouvelle économie dont elle aura
favorisé l’éclosion et le développement.
Daniel Karyotis est directeur général
et membre du directoire du groupe
BPCE.
Le « réglementaire »
ne doit pas être la ligne
Maginot des banquiers.
La banque doit accélérer
sa mutation industrielle
pour améliorer
sa productivité.