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Conversations avec
le CAC40
100 interviews
de décideurs
Trans-
formation
Digitale
2015
Transformation Digitale 2015
2
«C’est quoi le digital ?
De l’informatique vite faite et mal faite».
V
oilà ce que me disait en 2015 le DSI d’un
grand groupe français. L’expression (qui a
sa part de vérité !) m’a paru symptomatique
de ce que pouvait représenter le digital pour les
grandes entreprises : une notion mal définie et dif-
ficile à juger avec les structures de pensée tradi-
tionnelles d’un cadre dirigeant.
Une notion floue d’abord, car elle paraît mal diffé-
renciée de l’informatique dite classique et il peut y
avoir un certain inconfort à manier un concept qui
regroupe pêle-mêle :
-	les nouveaux usages mobiles apportés par les
smartphones, tablettes et autres appareils connectés
- 	les opportunités issues de possibilités de collecte
et de traitement de données décuplées
- 	l’exploitation de ressources informatiques dans le
Cloud, souvent inspirées de services grand public
- 	les nouvelles techniques de communication et
de publicité sur internet
-	le renforcement de logiques communautaires et
collaboratives issues des réseaux sociaux
Un concept perturbant ensuite, parce que, contrai-
rement à certaines mutations antérieures (l’informa-
tisation, les ERP…) le digital ne correspond pas aux
logiques industrielles qui permettent aux organisa-
tions complexes de fonctionner. Les valeurs asso-
ciées à ce phénomène entrent en conflit avec cer-
tains usages traditionnels de la grande entreprise :
- La transparence et le fonctionnement en réseau
court-circuite les logiques hiérarchiques et les silos
qui structurent le travail dans les grands groupes
- L’ouverture et le partage d’informations avec
l’extérieur s’oppose souvent aux exigences de sé-
curité et de contrôle d’une informatique industrielle
- La culture de l’expérimentation permanente,
des initiatives lancées rapidement et dans l’incer-
titude du résultat attendu vient à contre-courant
des planifications de projets de long terme et des
logiques de ROI systématiques.
La tension digitale
3
Préambule | La tension digitale
Or, au-delà de ces constats, il est une caractéris-
tique du digital reconnue désormais par tous : il
s’agit du plus grand vecteur de transformation des
entreprises et de la société tout entière que les
générations actuellement en poste auront connu.
Conséquence de la collision entre un tel enjeu
et une telle divergence culturelle, le digital met
aujourd’hui les grandes entreprises sous tension.
Il y a comme une différence de potentiel électrique
entre des modes de travail hérités d’un long pro-
cessus de structuration et les nouvelles attentes
des clients et du monde qui les entoure. Cette dif-
férence génère une circulation d’énergie tout au
long de l’organisation, laquelle suscite résistances,
déperditions, accidents – et, parfois, alimente
d’impressionnantes réussites.
Avec nos deux partenaires Weave et IBM, nous
avons voulu aller à la rencontre des hommes et
des femmes qui ont été désignés pour jouer le rôle
de transformateurs de cette énergie digitale. Qu’ils
soient Directeurs du digital en titre, Directeurs des
systèmes d’information, Directeurs du Marketing
ou de l’innovation, ils cherchent à en adapter l’in-
tensité et à diffuser ce courant de renouveau à
tous les niveaux de l’entreprise.
Nous avons restitué ici une petite partie des pas-
sionnantes discussions que nous avons eues avec
eux, dans l’espoir qu’elle vous donne une image
du stade d’avancement de cette transformation
dans les grandes entreprises françaises. Espérons
qu’elle soit aussi une source d’inspiration pour
tirer parti de la tension qui traverse vos propres
organisations.
Vous verrez que le voltage est plus ou moins éle-
vé selon les secteurs et qu’il n’est pas stabilisé,
loin s’en faut. Mais une chose est sûre : on ne
débranchera plus la prise.
Arthur Haimovici
ebg
4
som
maire
Trans-
formation
Digitale
2015
CONVERSATIONS
avec le CAC40
100 interviews
de décideurs
p.48
3.Les vecteurs
technologiques de
la transformation
p.57
3.3
L’Internet
des Objets pour
garder le contact
avec son produit
ou son client
p.50
3.1
Le mobile
au cœur
de la vie digitale
p.53
3.2
Le Big Data
pour mieux
valoriser
la donnée
p.60
3.4
Des outils
pour personnali-
ser
sa relation client
p.62
3.5
Des outils
collaboratifs
pour décloisonner
l’entreprise
p.6
Intro
duction
À l’avant-garde de
la transformation
digitale
p.2
PRÉAM
BULELa tension
digitale
p.10
1.1
L’ère
des disruptions
p.14
1.2
Une concurrence
exacerbée
par le digital
p.17
1.3
La grande
menace de la
désintermédiation
p.8
1.Un monde
qui change…
vite !
p.33
2.4
Les produits
sont morts,
vive les services
p.25
2.2
Saisir
de nouvelles
opportunités
p.22
2.1
Le digital,
axe stratégique
et prioritaire
p.29
2.3
(Ré)inventer
une relation client
p.38
2.5
Casser les silos
et favoriser
le travail
collaboratif
p.43
2.6
Une transformation
tous azimuts…
et une révolution
culturelle
p.20
2.Le digital,
nouveau champ
de bataille
des entreprises
Sommaire
p.70
4.1
Fixer
un plan d’action…
souple
p.68
4.Mener à bien
des projets
digitaux
p.74
4.2
Travailler
en mode startup
p.78
4.3
Privilégier
le mode «plateau»
p.80
4.4
Ne pas toujours
s’attacher
à un ROI
p.84
4.5
Collaborer avec
des startups
p.114
6.2
Le Marketing
en mutation
profonde
p.110
6.Les enjeux
organisationnels
de la digitalisation
p.112
6.1
De nouvelles
règles
de management
p.117
6.3
La DSI,
un rôle
à redéfinir
p.120
6.4
L’Open Innovation
devient
la norme
p.124
6.5
Le CDO
en quête
de visibilité
p.88
5.Les leviers
pour entraîner
toute l’entreprise
dans le digital
p.90
5.1
Acculturer
les salariés,
une action
prioritaire
p.96
5.2
Recruter
des forces vives
digitales
p.105
5.4
Entraîner
ses écosystèmes
dans la révolution
digitale
p.99
5.3
Surmonter
les résistances
au changement
p.160
p.170
p.130
contri
buteurs
p.131
Annuaire
des
contributeurs
p.164p.128
conclu
SIONLibérer
l’énergie digitale
5
INTRO
DUCTION
VT 100, terminal vidéo de Digital Equipment Corporation - 1964
introduction | À l’avant-garde de la transformation digitale
7
À l’avant-garde
de la transformation digitale
L
e digital, c’est finalement assez facile d’en par-
ler de façon théorique. Nous le savons tous
désormais : il constitue une troisième révo-
lution industrielle qui va modifier en profondeur les
activités et les structures de toutes les entreprises.
Un nouveau monde est en gestation et ceux qui n’en
comprendront pas les nouvelles règles disparaîtront
comme ont disparu Kodak, Virgin Megastore et la
plupart des boutiques de DVD. Certes. Mais concrète-
ment, sur le terrain, comment opère-t-on cette trans-
formation ? Par où commence-t-on ? Avec quelles
attentes concrètes ? « Une transformation digitale,
cela n’est pas seulement une vision et des grandes
phrases. Cela veut dire des actions » résume Marc
Florette, Membre du Comité Exécutif et Directeur Di-
gital d’Engie.
En allant à la rencontre de ceux qui dans les grandes
entreprises françaises sont en charge de cette mue,
l’objectif était justement de mieux comprendre leurs
succès, leurs méthodes et leurs difficultés au quoti-
dien. Qu’ils aient une casquette de CDO, de DSI, de
Directeur Marketing ou de DRH, tous ces avant-gar-
distes du digital partagent un même enthousiasme
pour la mission qui leur a été confiée d’engager la
transformation de leurs entreprises.
Le défi est toutefois gigantesque. Ces organisations
existent pour beaucoup d’entre elles depuis des dé-
cennies, et même, pour quelques-unes, depuis des
siècles. Avec des organisations qui comptent des di-
zaines de milliers de collaborateurs, elles ont façonné
pendant plusieurs générations des produits, des pro-
cess et des organisations qui ont été en leur temps
des leviers de succès. Impossible de balayer tout cet
édifice d’un coup de baguette, fût-elle digitale !
« Quand on parle de transformation digitale,
les mots qui apparaissent en premier sont ceux
liés aux outils: cloud, data, serveur... Mais le sujet
le plus compliqué, c’est la dimension humaine »
affirme Patrick Hoffstetter, Chief Digital Officer /
Directeur Digital Factory de Renault. De fait, sur le
terrain, la transformation digitale combine énormé-
ment d’éléments : de la technologie, des dimensions
RH et de management, un rapport à l’innovation,
des relations clients différentes... Elle concerne éga-
lement - ou concernera à terme - l’ensemble des
métiers et des activités de l’entreprise. Il n’existe pas
de recette simple. Le succès passera nécessairement
par l’activation de multiples leviers, au bon rythme,
et en fonction de la complexité de chaque entreprise,
de son héritage, de ses écosystèmes et de sa culture.
88
1
p.10
1.1
L’ère
des disruptions
p.14
1.2
Une concurrence
exacerbée
par le digital
p.17
1.3
La grande
menace de la
désintermédiation
p.8
1.Un monde
qui change…
vite !
BrionvegaAlgol11,TVportable-1964
9
S
ur les dix dernières années, le monde a vécu
des bouleversements à hauteur de ceux qui
ont marqué la révolution industrielle. Digitali-
sation de l’économie d’une part, avec l’émergence
d’acteurs rebattant les cartes sur les marchés tra-
ditionnels, et mondialisation d’autre part, avec le
rattrapage exceptionnellement rapide des pays
émergents en termes de développement écono-
mique. Le digital n’est qu’une des pièces de cette
nouvelle économie, également influencée par des
évolutions réglementaires issues de la crise finan-
cière et des exigences croissantes en matière envi-
ronnementale et sociétale.
L’enjeu des grandes entreprises françaises est
de réussir à traverser ces courants contraires en
assurant la pérennité de leurs modèles écono-
miques. L’évolution doit se faire en douceur, mais
elle est incontournable. Les organisations doivent
apprendre à naviguer plus agilement, à accélérer
leurs transformations internes, à oser se remettre
en question plus fréquemment. Il faut aller vite
et la route est encore longue puisque près de 2/3
des entreprises du CAC40 jugent que le digital
n’a, pour l’instant, pas radicalement modifié leur
rythme business.
De fait, les nouvelles technologies n’attendent pas
pour révolutionner notre quotidien. Illustration de
cette urgence, le Big Data, opportunité technolo-
gique annoncée depuis plusieurs années, et déjà
concrète outre-manche, est considéré comme
une réalité opérationnelle dans moins d’1/3 des
sociétés du CAC40. Ces technologies – et les nou-
veaux usages qui les accompagnent - sont pour-
tant une mine d’or à exploiter.
...............................................................................................................
Près de 2/3 des entreprises
du CAC40 jugent que le digital
n’a pas radicalement modifié
leur rythme business
...............................................................................................................
Moins d’1/3 des entreprises
du CAC40 utilisent
opérationnellement
les technologies Big Data
1. Un monde
qui change…
vite !
10
«
A
ujourd’hui, le problème des entre-
prises est que le digital transforme la
vie quotidienne du consommateur
plus vite qu’il ne transforme les entreprises. C’est
sûrement la première fois qu’on assiste à un phé-
nomène de ce type » lance Marc Florette, Membre
du Comité Exécutif et Directeur Digital d’Engie. En
très peu de temps, l’accélération technologique a
été fulgurante. Il y a une décennie, l’iPhone n’exis-
tait que dans la tête de Steve Jobs, Twitter était
une startup qui venait tout juste de se monter en
Californie, et les termes “Big Data”, “Click&Collect“
ou “objet connecté” n’étaient pas encore inventés.
« On oublie vite, mais l’environnement techno-
logique a énormément changé en très peu de
temps. Essor des smartphones et des tablettes,
nouvelles fonctionnalités, tailles d’écrans diffé-
rentes,... Entre la première application de notre
magazine Paris Match sur iPad et celle d’au-
jourd’hui,l’évolutionestgigantesque.Làoùnous
faisions principalement du texte et des photos,
nous faisons désormais du texte, de l’audio, de la
vidéo et des photos » rappelle Fabien Sfez, Direc-
teur Général du Développement Numérique et
Technologique de Lagardère Active.
1.1 L’ère des disruptions
1 | Un monde qui change… vite !
interview
Publicis Groupe | Rishad Tobaccowala
| Chief Strategist et Membre du Comité Exécutif
Les entreprises en retard
par rapport à leurs
clients
«Qu’est ce qui nous pousse à
nous transformer ? C’est le
consommateur. Les 30 années pen-
dant lesquelles j’ai travaillé pour de grandes entre-
prises, j’ai toujours entendu “le client est roi”. Mais
il y a encore 5 ans, ce n’était pas vrai. Les profes-
sionnels du marketing avaient déjà toutes les infor-
mations, tous les outils et toutes les technologies.
Mais ce n’était pas eux qui avaient le pouvoir dans
l’entreprise. Le marketing consistait alors à faire de
la logistique et plein d’autres tâches qui n’étaient
pas vraiment du marketing. À partir de 1994, avec
la sortie du premier navigateur web, mais surtout à
partir de 2007 avec le smartphone, le consomma-
teur s’est rebellé. Et soudainement, les entreprises
ont réalisé qu’elles devaient enfin apprendre à faire
du marketing. Le premier grand changement, c’est
que les entreprises sont désormais en retard par
rapport à leurs clients.»
11
Désormais, le consommateur, smartphone à la
main, s’informe, discute, achète en ligne en dés-
tabilisant les process patiemment mis en place par
les entreprises. Grâce à un accès immédiat et illimi-
té à l’information, ses besoins ont très vite évolué.
« Notre client s’est complètement digitalisé.
Il a envie que ça aille vite, et il en sait souvent
plus que le vendeur. Cela nécessite un gros tra-
vail d’adaptation, et une capacité à combler
ce fossé » témoigne Christian Lou, Directeur
Marketing et Digital et Membre du Comité Exécutif
de Darty. Même constat chez Bouygues Immobilier :
« Le client étant mieux informé grâce à internet,
nos conseillers commerciaux doivent évoluer
de vendeur à technico-commercial » explique
Fabien Le Pen, Directeur Digital et de la Prospection
Commerciale de Bouygues Immobilier.
Le digital transforme beaucoup de choses, mais
particulièrement le rapport au temps. « Le digital
est révolutionnaire dans le sens où il est disrup-
tif par nature. Dans toutes les entreprises de plus
de 10 ans, il percute les rythmes traditionnels.
Si une entreprise échappe à cela, c’est qu’elle
n’a pas encore été touchée par le digital » as-
sure Emmanuelle Turlotte, Directrice Stratégie
Transformation Digitale, Marketing et Data de la
SNCF. Un changement de rythme qui impacte tout
le fonctionnement de l’entreprise. « Les clients et
les salariés de l’entreprise sont dans leur vie per-
sonnelle en contact avec des environnements
digitaux d’une qualité phénoménale qui offrent
gratuitement des services incroyables. En entre-
prise, ils attendent donc des outils de qualité simi-
laires. Il y a une attente de plus en plus forte d’im-
médiateté, avec des time to market raccourcis »
affirme pour sa part Vincent Cadoret, Directeur des
Systèmes d’Information d’Omnicom Media Group.
1.1 | L“ère des disruptions
“ Le Digital est
révolutionnaire
dans le sens
où il est disruptif
par nature „SNCF | Emmanuelle Turlotte
ORANGE | Emmanuel Cacheux
| Vice-président d’Orange Horizons
et Président d’Orange Horizons Latina
Aujourd’hui, c’est le client
qui dicte le rythme
«L e succès de la transformation
digitale pour les entreprises
aujourd’hui... c’est d’arriver à rattraper la vitesse
du client. Aujourd’hui c’est le client qui dicte le
rythme. On est obligé de faire du 24/24h pour aller
à la même vitesse. Le plus dur dans les années qui
viennent pour la transformation digitale, va être de
s’adapter à cette nouvelle donne, ce qui est très
dur pour une entreprise de 180 000 personnes.»
interview
“ Il y a une attente
de plus en plus forte
d’immédiateté, avec des
time to market raccourcis „Omnicom Media Group | Vincent Cadoret
Vectrex, console de jeux - 1982
1 | Un monde qui change… vite !
12
Mais la transformation digitale est plus qu’une
simple accélération de rythme ou la démocratisa-
tion de nouveaux outils technologiques. « Derrière
la transformation numérique, la transformation
est plus profonde que simplement l’utilisation
de nouveaux outils. Les nouvelles générations
digital natives ont de nouvelles façons de consom-
mer, de travailler ou de faire du business, en ré-
seau et de façon connectée » constate Bernard
Larrivière, Directeur de l’Innovation et de la Veille
Stratégique du Crédit Agricole. Ce qui oblige les
entreprises à se réinventer sur de multiples aspects.
« Les entreprises sont aujourd’hui engagées dans
une véritable course de vitesse pour optimiser
leurs processus, revoir leurs fonctionnements in-
ternes, et trouver de nouveaux clients » analyse
Emmanuel Carli, Directeur Général de l’école infor-
matique Epitech.
interview
“ les nouvelles
générations digital native
ont de nouvelles
façons de consommer,
de travailler
ou de faire du business „Crédit Agricole | Bernard Larrivière
interview
Renault | Patrick Hoffstetter
| Chief Digital Officer / Directeur Digital Factory
L’expérience client sur
le web devient la norme
«Acculturé au digital, le client
devient exigeant avec tous les
acteurs, qu’ils soient online ou offline:
le client étant de plus en plus connec-
té il s’attend à ce que tout aille plus vite de façon
générale. Il a du mal à faire la différence en terme
d’attente d’un acteur à l’autre. Son expérience chez
Darty, Amazon, Itunes ou Facebook devient simi-
laire, il y a une fusion entre les acteurs offline et
online en termes d’attente et d’expérience client.
La réactivité et la facilité de process que l’on a sur
des “pure players” du web devient l’attente basique
même chez le concessionnaire auto.»
Alstom | Ronan Stephan
| Group Chief Innovation
Officer
et Robert Plana
| R&D University
Relations Director
Le digital renouvelle complètement
l’ergonomie des échanges
«L e digital renouvelle complètement l’ergo-
nomie des échanges, leur conférant flui-
dité, instantanéité et abolissant grandement les
distances. On assiste ainsi à l’émergence, opéra-
tionnelle, du paradigme d’intelligence collective,
qui stimule la créativité et favorise l’innovation. Les
effets du digital débordent naturellement le péri-
mètre de l’entreprise et apportent tout une gamme
de médiations aux échanges entre l’entreprise et
son écosystème; celui-ci est constitué d’autres en-
treprises, de laboratoires etc. et aussi de données
(le Big Data). C’est toute la relation à l’information
et la donnée qui s’en trouve transformée. D’un
point de vue “business”, cela modifie les cycles de
développement et les échelles de temps pour l’éla-
boration des produits, des solutions et des offres.»
1.1 | L’ère des disruptions
13
Denouvellesrèglesdujeuquetouteslesentreprises
doivent intégrer au plus vite. « Tous les secteurs
sont en train de se transformer. Du commerce
de détail à l’industrie lourde, en passant par
l’environnement et la santé. L’innovation affecte
tous les secteurs d’activités puisque à chaque
fois, c’est l’usage qui change » résume Cécile
Brosset, Directrice du Développement de l’Inno-
vation de Bpifrance. Un bouleversement général
auquel se préparent des entreprises comme EDF.
« Avec la digitalisation, nous sommes dans ce
que les physiciens appellent l’équilibre instable.
Les éléments fondamentaux de rupture sur nos
métiers sont en place depuis plus de dix ans:
attentes des clients, modes de régulation, ouver-
ture des marchés... Les ruptures technologiques
sont déjà pratiquement là. Il ne manque qu’un
déclencheur pour que tout bascule » affirme
Philippe Charton, Coordinateur e-Transformation
- Directeur du projet services collaboratifs et com-
munications unifiées au sein du Groupe EDF.
AVIS D’EXPERT
Transformation digitale :
jusqu'où aller ?
”C
es dernières années ont vu naître et
se développer à un rythme effréné les
conséquences de la révolution digitale.
En effet, les médias sociaux et la mobilité font
maintenant partie intégrante de notre quotidien,
aussi bien personnellement que professionnelle-
ment. Ceci oblige les organisations, publiques et
privées à reconsidérer leurs propres fonctionne-
ments, replaçant ainsi le client ou l’utilisateur au
centre de la chaîne de valeur. De nouveaux mo-
dèles économiques apparaissent et les acteurs tra-
ditionnels doivent se réinventer pour se différencier
de la concurrence traditionnelle tout comme celle
des nouveaux entrants. Le principal challenge ren-
contré consiste à définir les limites de cette trans-
formation digitale, en emmenant l’intégralité des
acteurs: collaborateurs, clients, partenaires, … mais
aussi comment aller «assez vite» pour assurer une
position dominante et différenciante ? Les clients,
en effet, souhaitent toujours plus de services, plus
de valeur ajoutée, plus de (re)connaissance, … Les
données, qu’elles soient internes ou externes sont
la clé de cet apport : l’information augmentée sur
le client ou sur l’utilisateur sont maintenant au
centre de tous les processus, détrônant ainsi le
produit qui occupait cette place
centrale jusqu’à maintenant. „
Apple Newton, assistant personnel - 1993
14
1.2 Une concurrence
exacerbée par le digital
L
e syndrome de «l’uberisation», c’est, semble-
t-il, la nouvelle angoisse de tous les dirigeants
d’entreprise. Ce néologisme apparu fin 2013
fait référence à Uber, cette startup américaine qui a
violemment bouleversé l’industrie du taxi sur l’en-
semble de la planète en moins de quatre ans. De
fait, les technologies numériques ont fait sauter en
éclat les barrières d’entrée de nombreux marchés
laissant s’engouffrer de nouveaux-venus bien déci-
dés à s’accaparer une partie de la chaîne de valeur
des acteurs historiques. « Aujourd’hui, votre plus
grand compétiteur ne vient plus de votre univers
traditionnel. Le futur concurrent de Sheraton, ce
n’est pas Hilton, c’est Airbnb. Et celui de BMW, ce
n’est pas Mercedes, c’est Uber » observe Rishad
Tobaccowala, Chief Strategist et Membre du Comité
Exécutif de Publicis Groupe.
1 | Un monde qui change… vite !
interview
Lagardère Active | Fabien Sfez
| Directeur Général
du Développement Numérique
et Technologique
Un nouvel univers
concurrentiel
«Nos concurrents d’aujourd’hui ne sont plus
nos concurrents historiques. Auparavant,
chacun avait sa place dans l’écosystème des médias
et nous évoluions dans un univers où les règles du
jeu étaient bien établies. Aujourd’hui, les compé-
titeurs d’Europe 1 ne sont plus seulement RTL ou
RMC, mais des entreprises du digital et qui n’exis-
taient pas il y a 10 ans. Sur le marché de la presse
en ligne, des “pure players” du web sont devenus
des concurrents, au même titre que Le Figaro ou
Les Echos. Notre enjeu, c’est donc d’émerger, dans
ce nouvel univers, en étant différents de nos com-
pétiteurs.»
TV portable Solid State, circa 1960
Même l’industrie lourde n’est plus à l’abri d’une
concurrence nouvelle. Safran, par exemple, ob-
serve avec attention le développement de SpaceX,
cette jeune entreprise californienne d’astronau-
tique. « Le succès de SpaceX nous pousse à nous
transformer et à nous moderniser. En quelques
années, le prix des lanceurs spatiaux a été divisé
par deux. Personne ne pouvait imaginer que ce
marché allait évoluer aussi radicalement. La re-
cette de SpaceX est d’avoir cassé toutes les règles
et d’avoir su tirer bénéfice de toutes les techno-
logies du digital » souligne un représentant du
Groupe Safran. C’est le même phénomène dans
l’industrie automobile qui a vu débouler la voi-
ture électrique Tesla de façon rapide et inattendue.
« Évidemment, Tesla nous fait rêver parce que
c’est une nouvelle marque automobile qui com-
mence “from scratch” et qui embarque d’office le
digital dans sa relation client comme dans ses
véhicules » commente Anne-Laure Mérillon, Head
of Digital Marketing Peugeot International chez PSA
Peugeot-Citroën
15
Vivendi | Bruno Thibaudeau
| Directeur Business Innovation
Une surveillance
des nouveaux modèles
«Nous surveillons de près ce
que font les nouveaux acteurs
sur nos métiers et les modèles qu’ils mettent en
place. Mais il ne me semble pas pertinent de se
comparer directement à eux car ce sont avant
tout des entreprises de technologies qui entrent
sur ces marchés des contenus pour faire du
commerce. Ce ne sont pas des spécialistes du
métier. Ils ont les moyens d’accaparer une part
de marché significative mais à partir d’un certain
niveau, il y a des barrières à l’entrée liées aux
savoir-faire spécifiques du business. Si Netflix veut
se lancer dans la production de films, il devra se
structurer en conséquence, pouvoir investir des
dizaines de millions d’euros sur chaque œuvre
etc. En revanche il devient absolument critique
de comprendre finement la chaîne de valeur et de
détecter les idées d’avenir. »
interview
1.2 | Une concurrence exacerbée par le digital
“ LA recette
de SpaceX
est d’avoir cassé
toutes les règles
et d’avoir su tirer
bénéfice de toutes
les technologies
du digital „Safran
16
Si la concurrence a toujours été rude, la nouveauté
générée par le digital, est que l’on ne sait plus d’où
viendra la menace. D’où la nécessité d’une veille
très active. « Même si on imagine mal des nou-
veaux arrivants débarquer sur le marché très spé-
cifique de l’acier, nous sommes très à l’écoute en
matière de digital. Nous savons que la situation
peut évoluer rapidement et que des concurrents
peuvent utiliser des leviers technologiques pour
changer la donne du marché » explique Michel
Tiffon, IT Europe - CIO Office chez ArcelorMittal.
interview
Bpifrance | Paul-François Fournier
| Directeur de l’Innovation
et Membre du Comité Exécutif
L’innovation
est aujourd’hui
multiforme
«A ujourd’hui, notamment grâce au digital,
l’innovation n’est plus seulement techno-
logique. La startup Blablacar, qui est l’une des belles
réussites de l’écosystème digital français, n’est pas
basée sur la plus grosse innovation technologique
du siècle. En revanche, elle a opéré un véritable
changement d’usages. Il faut un regard plus ouvert
sur les différentes facettes de l’innovation. Celle-ci
peut aussi s’exercer dans le marketing ou le com-
mercial, les usages, les modèles d’affaires, dans les
procédés d’organisation et même dans le social.
C’est pourquoi nous avons fait évoluer début 2015
nos dispositifs de financement pour couvrir tous
ces champs.»
“ Des concurrents
peuvent utiliser des leviers technologiques
pour changer la donne
du marché „ArcelorMittal | Michel Tiffon
1 | Un monde qui change… vite !
AquatronVX33byWeltron,radiocassette8pistes-1973
1.3 | La grande menace de la désintermédiation
17
C
ela a fait le succès de Google, Amazon,
d’Hotels.com et autres Spotify : la désin-
termédiation a déjà remodelé des sec-
teurs entiers de l’économie comme le tourisme,
la musique, les médias ou les télécoms. Mais le
danger existe pour toutes les entreprises. « Notre
conviction est que le digital va remodeler toutes
les chaînes de valeur. Les activités BtoC sont
touchées en premier. Mais les activités BtoB le
seront à leur tour, même si cela prendra plus de
temps » estime Olivier Delabroy Directeur de la
Recherche et Développement d’Air Liquide.
Un risque qui oblige chaque entreprise à bien
identifier ses atouts pour mieux protéger sa rela-
tion directe avec ses clients. « Sur la question des
systèmes de paiement, l’émergence de nou-
veaux acteurs challenge clairement les banques.
Or, ce qui fait que des clients estimeront qu’il y
a un avantage à passer par un système de paie-
ment bancaire plutôt que par Google, c’est la
sécurité. Ces enjeux de sécurité et de confiance
sont majeurs pour nous » indique Françoise
Mercadal-Delasalles, Directrice des Ressources et
de l’Innovation, et Membre du Comité Exécutif de
la Société Générale.
Un discours que l’on retrouve dans la plupart des
entreprises. « Dans notre domaine, la désinter-
médiation est déjà en cours. Elle ne va pas nous
attendre. Notre défi, c’est de l’intégrer dans une
chaîne de valeur nouvelle au service de nos
clients. Nous trouverons notre place dans un en-
vironnement qui se digitalise en combinant habi-
lement les outils technologiques et l’humain, qui
reste notre savoir-faire et notre atout principal »
explique Guillaume Fichefeux, Directeur Marketing
et Communication d’Europ Assistance.
1.3 La grande menace
de la désintermédiation
interview
Accor | Romain Roulleau
| Directeur e-Commerce
/ Senior Vice-président e-Commerce
Être le meilleur sur
l’ensemble de la chaîne
«Faire face aux nouveaux acteurs hôteliers, di-
rects ou indirects, que favorise le monde digi-
tal nécessite que nous redéfinissions notre message.
Pour nous, il s’agit d’expliquer qu’en tant qu’hôte-
lier, nous avons une maîtrise du parcours client et
de ses étapes: rêve, recherche, réservation, séjour
et partage. Sur tous ces points, nous allons trouver
à chaque fois quelqu’un qui est meilleur que nous.
L’idée va donc être d’être meilleur sur l’ensemble de
la chaîne plutôt que point par point. Les services digi-
taux que nous développons vont nous permettre de
répondre de façon englobante aux problématiques
auxquelles sont confrontés les voyageurs.»
1 | Un monde qui change… vite !
18
Pour éviter de faire satelliser par un géant de l’Inter-
net, la conception de nouveaux services clients est
un levier essentiel. « Les filiales de distribution du
groupe Saint-Gobain comme Point P ou Lapeyre
ont une problématique : Amazon est-il un concur-
rent aujourd’hui, demain ou après-demain ? Et si
oui, comment se positionner par rapport à cette
concurrence ? » s’interroge Gérald Fafet, Directeur
Général de Saint-Gobain Recherche.
Chez Point P, par exemple, on a mis en place un
système d’alertes de SMS que les clients reçoivent
trois heures, puis une demi-heure avant la livraison
des marchandises commandées. Voilà un élément
parmi d’autres d’une stratégie de digitalisation des
magasins suivie par beaucoup d’acteurs disposant
d’un réseau physique de distribution. « Nous avons
commencé il y a trois ans à accompagner les
opticiens sur le web aux États-Unis. Nous com-
mençons maintenant à en parler à nos clients en
France. La valeur demain pour un opticien sera
d’être présent à la fois en boutique et sur le web,
c’est fondamental » témoigne Bernard Duverneuil,
Directeur des Systèmes d’Information Groupe et
Membre du Comité Exécutif d’Essilor.
interview
Air France | Stéphane Ormand
| Director Digital Sales and Promotion
Pour l’instant,
pas de danger
«Pour l’instant, nous ne souffrons
pas de ces nouveaux intermé-
diaires BtoC qui vendent des billets d’avion sur
Internet. C’est compliqué de distribuer des billets
d’avion. Nous sommes plus gros et grossissons
plus vite que ces intermédiaires BtoC. Aujourd’hui,
c’est plutôt eux qui courent après nous. Sur Kayak,
par exemple, qui distribue notre offre directe, notre
challenge est d’être bien représenté sur leur site.
Google est aussi entré sur ce marché, mais ils sont
allés moins vite que ce qu’ils prévoyaient.... Bien sûr
cela restera vrai jusqu’au moment où nous n’irions
plus assez vite ou quand un plus malin trouvera le
moyen de rattraper le temps perdu. »
Atari 2600, console de jeux - 1977
EMIACII,ordinateur
analogique,circa1960
1.3 | La grande menace de la désintermédiation
19
Pour sa part, Vinci Park voit apparaître aux États-
Unis et en Europe des agrégateurs qui vont collec-
ter des places de parking chez des opérateurs pour
les proposer directement aux consommateurs.
« Y a-t-il un risque de désintermédiation ? C’est
en tout cas une nouvelle contrainte liée au digital
qui nous oblige à nous adapter. De fait, si nous
avons les bons outils digitaux, nous pouvons
utiliser ces services d’agrégation pour optimiser
nos exploitations aux tarifs et aux périodes qui
correspondent aux demandes de nos clients »
assure David Kownator, Directeur Général Adjoint -
Chief Transformation Officer de Vinci Park.
Si un secteur est régulièrement promis à un phé-
nomène massif de désintermédiation, c’est celui
de l’assurance. Pour AXA, la bataille se jouera sur
la capacité des assureurs à rassurer les consom-
mateurs sur l’utilisation de leurs données privées.
« Aujourd’hui, le consommateur est assez pas-
sif sur l’utilisation de ses données. Mais cela va
changer rapidement. Certains auront confiance
par rapport à une marque ou une entreprise, et
d’autres, non. Le but du jeu est que nos clients
continuent à faire confiance à AXA en matière de
données plutôt qu’à de nouveaux acteurs qui ar-
riveraient sur le marché » explique Frédéric Tardy,
Directeur Marketing et Distribution Groupe d’AXA.
“  C’est une nouvelle
contrainte liée
au digital
qui nous oblige
à nous adapter „ Vinci Park
| David Kownator AVIS D’EXPERT
La stratégie gagnante
est de cultiver un esprit de conquête
”L
e rythme d’évolution de la société et des
nouveaux comportements de consom-
mation est exponentiel. Avant, il était
possible de prendre 15 ans pour développer un
produit. Puis, cette phase est passée à 5 ans et
désormais il s’agit de circuits courts de moins d’1
an. Face à ce nouvel environnement, les entre-
prises s’agitent beaucoup, mais sont handicapées
par leur taille. Car en parallèle, depuis plus de 30
ans, les grandes entreprises françaises se sont
consolidées en entités gigantesques de 100 000
ou 200 000 collaborateurs. Ces organisations ont
atteintunplafonddeperformance:legainmarginal
de l’ajout d’une nouvelle équipe est extrêmement
faible, car son activité est vampirisée par la gestion
de la structure elle-même. Les grandes entreprises
sont sclérosées et suivent difficilement les évolu-
tions sociétales. Cet état de fait tend à les posi-
tionner sur des réactions défensives pour protéger
leurs parts de marché. Or la stratégie gagnante est
de cultiver un esprit de conquête, de se remettre
en question, de mener de nouvelles batailles, de
s’installer sur de nouveaux marchés. C’est la seule
façon de survivre à la loi darwi-
nienne de l’évolution business.„
2
p.33
2.4
Les produits
sont morts,
vive les services
p.25
2.2
Saisir
de nouvelles
opportunités
p.22
2.1
Le digital,
axe stratégique
et prioritaire
p.29
2.3
(Ré)inventer
une relation client
p.38
2.5
Casser les silos
et favoriser
le travail
collaboratif
p.43
2.6
Une transformation
tous azimuts…
et une révolution
culturelle
p.20
2.Le digital,
nouveau champ
de bataille
des entreprises
BrionvegaAlgol11,TVportable-1964
21
L’
année 2015 marque un tournant important
dans la prise de conscience de l’importance
de la transformation digitale. Les Comex
ont tous été sensibilisés, à grands renforts d’études
stratégiques et de voyages dans la Silicon Valley.
Désormais, les derniers doutes ont disparu et
les directions semblent prêtes à avancer vers ce
nouvel eldorado digital. Pourtant si la démarche
intellectuelle est là, force est de constater que les
projets et les avancées concrètes restent difficiles
à mettre en œuvre au sein de ces grandes orga-
nisations. Les énergies sont libérées, les initiatives
foisonnent, mais certains obstacles culturels et
organisationnels doivent toujours être levés.
SilesacteursduCAC40accordenttousuneattention
soutenue aux évolutions digitales que connaissent
leurs secteurs respectifs, ils ne s’accordent pas
tous sur l’impact réel du phénomène. Pour 40%
d’entre eux, il y a ou il y aura à terme une trans-
formation profonde de leur modèle économique
et pour 10% d’entre eux, la survie même de leur
entreprise pourrait être en jeu. Il semble donc
qu’une minorité considère à l’heure actuelle qu’il
existe un risque sérieux de voir se reproduire dans
leur secteur un bouleversement comparable à ce-
lui qui a touché les médias, la musique et l’édition.
...............................................................................................................
40% des sociétés du CAC40
considèrent que le digital
pourrait impacter
en profondeur leur
modèle économique
...............................................................................................................
Moins de 10% des sociétés du
CAC40 estiment que l’évolution
des usages numériques
pourrait remettre en question
la survie de l’entreprise
2. Le digital,
nouveau champ de bataille
des entreprises
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
22
L
a prise de conscience est là. Rares au-
jourd’hui sont les grandes entreprises fran-
çaises n’ayant pas encore annoncé des
plans de développement dans le digital. En mai
2015, le Directeur Général du Groupe Total Patrick
Pouyanné expliquait dans une interview à l’heb-
domadaire Usine Nouvelle qu’un voyage réalisé
en Silicon Valley quelques jours auparavant avait
renforcé sa volonté d’engager encore plus forte-
ment son groupe dans le numérique. Et d’annon-
cer dans la foulée la nomination à brève échéance
d’un Chief Digital Officer avec la mission de définir
une stratégie digitale sur trois axes : le commer-
cial, l’industriel et l’innovation. Quelques semaines
avant, c’était Jean-Dominique Senard, le président
de Michelin qui déclarait vouloir faire du pneuma-
ticien français un leader du monde digital tandis
que Michel-Edouard Leclerc dévoilait de son côté
un investissement de 1 milliard d’euros sur 3 ans
dans le digital et la logistique afin d’éviter à son
groupe de distribution de se faire doubler par
Amazon. Il faudrait rajouter à cette liste les inves-
tissements annoncés dans le numérique de 800
millions d’euros pour AXA, de 225 millions pour
Accor, ou encore de 450 millions pour la SNCF.
2.1 Le digital, axe
stratégique et prioritaire
Europ Assistance | Stéphane Charbonneau
| Directeur Groupe Ligne de Métier
Famille & Domicile et Membre du Comité Exécutif
Accélérer la digitalisation
de l’entreprise
«Si notre réflexion sur le digital est
assez avancée, il nous faut main-
tenant accélérer sa mise en œuvre.
Nous ne sommes pas en retard, mais
dans le passé, nous n’étions pas forcément dans
un contexte économique favorable pour lancer de
nouveaux projets. Il y a quelques mois, notre Direc-
tion Générale a marqué sa volonté de transformer
l’entreprise avec le lancement d’un plan stratégique
à 5 ans. Il est certain que le digital tient une place
prépondérante dans cette transformation, notam-
ment à travers la digitalisation des processus métiers
et l’utilisation des objets connectés. Cette impulsion
vers le digital va se concrétiser par le renforcement
de nos moyens, tant sur les outils informatiques que
sur les compétences humaines. »
interview
“Le digital n’est
	pas un gadget.
	 Une condition de succès
	 est d’avoir une vraie
volonté d’entreprise
en matière de digital „SNCF | Emmanuelle Turlotte
GeneralElectricP-2975,radiotransistoràmodulationdefréquencecirca1960
23
Ces chiffres démontrent, si besoin était, une prise
de conscience générale sur les enjeux du digital.
Certes, la plupart des grands groupes français
n’avaient pas attendu 2015 pour s’intéresser aux
technologies numériques. Mais ils ont longtemps
abordé le digital avec l’idée qu’il était un sujet par-
ticulier avec des enjeux spécifiques et qu’il fallait
le développer au sein d’une structure autonome,
à l’image d’un Voyages-SNCF.com. Le déclic est
intervenu quand les dirigeants de ces grandes
entreprises ont réalisé que le digital ne devait pas
être développé dans une entité parallèle, mais
utilisé comme levier de transformation de leur
core business. « Une transformation digitale, ce
sont des changements longs, profonds, compli-
qués et coûteux. C’est un sujet de Direction Gé-
nérale. Si ce n’est pas porté par le management,
rien n’est possible » commente Marc Gigon, VP Di-
gital, Marketing & Services chez Total. Un avis par-
tagé par la grande majorité des artisans sur le ter-
rain de cette révolution numérique qui expliquent
systématiquement la nécessité d’être soutenus par
les instances dirigeantes de l’entreprise. « Il nous
reste encore beaucoup à faire en matière de
transformation numérique. Mais le point
important, c’est que la prise de conscience sur
la nécessité de se transformer est une réalité à
tous les niveaux de décision. Dans un groupe
comme le nôtre où il y a énormément de centres
de décision, c’est un atout primordial » se féli-
cite pour sa part Bernard Larrivière, Directeur de
l’Innovation et de la Veille Stratégique du Crédit
Agricole. Une volonté managériale obligatoire
pour transformer des organisations forgées autour
de business models et de principes d’organisation
qui avaient finalement peu évolué depuis des dé-
cennies. « Notre objectif est d’avoir aujourd’hui
du digital une vision plus stratégique que
tactique. Depuis 10 ans, sans plan concerté,
l’entreprise a numérisé totalement ou partiel-
lement beaucoup de ses processus et de ses
activités. L’idée est de repositionner tous ces
projets dans une initiative globale » résume un
responsable informatique d’une grande entreprise
industrielle.
2.1 | Le digital, axe stratégique et prioritaire
“Un projet
	 de transformation
digitale dans un grand
groupe est un projet
	 tellement structurant
qu’il faut une volonté
managériale très forte
au sommet
de l’entreprise „Publicis Modem | Jean-Guy Saulou
Apple III, ordinateur - 1980
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
24
interview
EDF | Pierre Béroux
| Directeur de la Transformation
Numérique Industrielle
Un virage numérique récent
«Après une longue période un peu
frileuse, nous sommes enga-
gés depuis environ deux ans dans une révolution
numérique globale touchant potentiellement tous
nos métiers. L’enjeu est de refaire du nucléaire une
industrie d’avenir en y injectant de l’innovation et en
la rendant ainsi plus compétitive, plus productive,
plus collective. Un levier important de cette trans-
formation est de généraliser une approche PLM,
en mettant la donnée au centre de la conception
des nouveaux projets et faire en sorte que l’on ait
une liaison bi-univoque à chaque instant entre la
maquette numérique de conception, les spécifica-
tions, les standards et les plans de charge des dif-
férents fournisseurs. L’équipe qui travaille sur les
nouveaux projets est d’ores et déjà complètement
dans cette “culture données”. Mais il est fondamental
également de faire profiter les installations et projets
existants des avancées significatives offertes par le
numérique : les grands enjeux industriels et finan-
ciers sont d’abord ceux des centrales existantes. »
AVIS D’EXPERT
Les entreprises françaises
n’ont pas encore basculé vers
des business models en rupture
”L
a transformation digitale est générale-
ment abordée dans les grandes entre-
prises sous deux angles. Le premier vise
à introduire les approches digitales pour améliorer
les services et systèmes existants. Les entreprises
investissent pour renforcer la relation avec leurs
clients, en adoptant une approche hybride entre
canaux traditionnels et canaux digitaux. Elles in-
vestissent également dans la dématérialisation
des processus bout en bout, pour réaliser des éco-
nomies, sécuriser leurs activités et créer des par-
cours plus fluides jusqu’à la chaîne de production.
Ce premier axe de travail est aujourd’hui partagé
par la plupart des entreprises ; il permet de faire
évoluer en douceur les business models actuels
et surtout d’améliorer la résilience des entreprises.
Un autre angle d’attaque est celui de la disruption
qui est fondée à la fois sur une nouvelle proposi-
tion de valeur pour le client mais également un
nouveau modèle opérationnel. Des ruptures appa-
raissent dans tous les secteurs de l’économie, elles
sont généralement favorisée par le digital mais
également par les évolutions réglementaires Or,
en dehors des start-up, les entreprises françaises
n’ont pas encore basculé vers la recherche systé-
matique de business models de rupture comme
ont pu l’être par exemple le crowdfunding dans
le secteur bancaire ou le car-sharing dans le sec-
teur automobile. Les freins pour ces entreprises
établies sont généralement liés à une double
crainte : d’abord la crainte d’accélérer elle-même
l’affaiblissement de leur business model tradition-
nel, ensuite la crainte de ne pas avoir la rapidité
d’exécution pour imposer un modèle en rupture.
Être capable de développer des innovations
disruptrices constitue pourtant une nécessi-
té, quand les nouveaux concurrents menacent
jusqu’à 15% du chiffre d’affaires des marchés dits
traditionnels dans les toutes prochaines années.
La solution ? Passer d’une posture défensive à une
posture réellement pro-active dans la recherche
des ruptures et investir véritablement dans les
projets digitaux d’avenir, en les incubant avec des
équipes et des gouvernances dé-
diées, en utilisant les codes et la
culture de la nouvelle économie.„
25
2.2 | Saisir de nouvelles opportunités
«F
ace aux bouleversements géné-
rés par le digital, attention à ne pas
s’enfermer dans un discours défen-
sif. Il faut transformer les risques en oppor-
tunités. Pour peu que l’on sache opérer cette
transformation digitale, les opportunités sont
même gigantesques ! » assure Olivier Delabroy
Directeur de la Recherche et Développement d’Air
Liquide. De fait, le mot «opportunité» revient en
permanence dans la bouche de ceux qui sont en
charge de la transformation digitale dans les en-
treprises. Si des technologies disruptives comme
Internet, le Big Data ou l’Internet des Objets désta-
bilisent certains business models et certaines acti-
vités, elles peuvent aussi constituer de nouveaux
champs d’expansion. « Nous voyons passer le
train de la digitalisation des usages et des com-
portements, et nous n’avons pas d’autre choix
que de nous remettre en cause. Il y a une forte
marge de progression sur l’activité des lote-
ries en ligne. Si le digital nous permet d’attirer
de nouvelles populations, c’est encore mieux.
À un horizon de 5 ans, nous voulons tripler
notre chiffre d’affaires en ligne » assure Cécile
Lagé, Directrice Digital, Clients et Innovation de la
Française des Jeux.
2.2 Saisir
de nouvelles
opportunités
“ Le digital pèse 35%
du groupe, ce qui fait de nous
l’acteur du CAC40 avec
la plus grosse pénétration
de ventes en ligne „Accor
| Romain Roulleau
interview
BPCE | Philippe Poirot
| Directeur Développement Digital,
Transformation & Qualité
Le digital est une menace
et une opportunité
«Le digital entraîne un bouleversement dans
tous les secteurs de l’économie. Il touche les
business models, crée de nouvelles valeurs d’usage
pour les clients et les collaborateurs. Il est à la fois
menace mais aussi opportunité pour les entre-
prises. Pour faire face à cet enjeu, nous en avons
fait une priorité de transformation, qui nécessite
plus d’agilité, d’accompagnement des collabora-
teurs, de transversalité au niveau des organisations
mais aussi une plus grande maîtrise des technolo-
gies, comme celles de l’exploitation des datas ou
du développement sur mobile. Tout ceci en offrant
aux clients toutes la sécurité et la transparence sur
l’usage de leurs données..»
Magnavox Odissey, la première console de jeux de salon - 1972
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
26
« Nous ne faisons pas du e-Commerce pour
avoir de jolis sites et être en couverture de Fast
Company. Pour nous c’est un levier de crois-
sance majeur, et cela doit être actionné comme
tel » martèle Richard Burbaud, Responsable
e-Commerce, Ventes et Marketing de Rexel. De
fait, le leader français de la distribution BtoB de
matériel électrique réalise déjà 13% de son chiffre
d’affaires en ligne et souhaite le porter à 20% à
brève échéance. Un discours offensif qui est loin
d’être unique. « Notre transformation digitale
est en forte accélération car les possibilités que
nous offre le digital explosent et que le nombre
d’acteurs dans ce domaine se multiplie. Cela
crée de plus en plus d’opportunités de tirer
parti de cet écosystème digital, améliorer nos
modes opératoires et la qualité de service à nos
clients » considère par exemple David Kownator,
Directeur Général Adjoint - Chief Transformation
Officer de Vinci Park.
Mais les opportunités ne se limitent pas à un élar-
gissement de clientèle, elles peuvent se concréti-
ser sous la forme de nouveaux business models ou
par un repositionnement sur une chaîne de valeur.
C’est par exemple le cas dans l’industrie des mé-
dias et des contenus où certains acteurs peuvent
tirer bénéfice de la désintermédiation en cours.
interview
Vivendi | Bruno Thibaudeau
| Directeur Business Innovation
Un potentiel
de développement
dans les pays émergents
«Dans le secteur des médias et des contenus,
nous vivons la transformation digitale de-
puis déjà plusieurs années. L’enjeu pour nous est
très simple : comment vivre et se développer dans
un univers fortement numérique ? C’est un vrai
défi dans un contexte de mutation incessante des
usages et qui connaît de véritables ruptures. Mais
nous voyons des opportunités majeures devant
nous. Avec le numérique, nous allons pouvoir dé-
ployer nos contenus beaucoup plus largement et
facilement qu’auparavant. Nous avons par exemple
l’ambition de progresser sur les pays dits émergents
qui sont très dynamiques et où les populations,
jeunes, sont largement digitalisées.» 
NokiaTalkman, téléphone transportable - 1985
« Un objectif majeur de notre développement
dans le digital est la création de contenus digi-
talement natifs. Cela signifie financer et pro-
duire des contenus destinés à être diffusés sur
Internet, sans être liés à des diffuseurs de télé-
vision » explique Julien Brault, Directeur Digital
et Diversification d’Endemol. Le groupe de pro-
duction de programmes télévisés est particulière-
ment ambitieux sur le sujet. Fin 2014, l’audience
de ses programmes online était d’environ 15 mil-
lions de vidéos vues par mois. Pour la fin 2015, il
espère multiplier ce chiffre par 20.
D’autres secteurs économiques sont également
appelés à fortement évoluer. « Avec le Big Data
et le prédictif, la prévention des risques sera
grandement améliorée, que ce soit dans la
maison ou dans la voiture. Ces technologies
sont une opportunité pour les assureurs de
revenir vers un rôle de prévention, plus en
amont sur la chaîne de valeur » affirme Virginie
Fauvel, Membre du Comité Exécutif - Directrice
Unité Digital et Market Management d’Allianz.
De fait, tous les acteurs de l’assurance se préparent
à ces changements annoncés.
2.2 | Saisir de nouvelles opportunités
27
“ Le digital ne se résume pas
à faire circuler des données
dans des tuyaux.
C’est une nouvelle façon
de fonctionner,
de travailler, de concevoir
des produits „Air Liquide | Saad El Garrab
Ministère des PTT, terminal de vidéotexte Minitel - 1978
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
28
« Depuis une dizaine d’années, le web a fait
évoluer notre métier avec plus de multica-
nal et d’outils de communication temps réel.
Mais c’était des améliorations à la marge. Au-
jourd’hui, la technologie qui nous permet vrai-
ment de reconfigurer notre métier, c’est l’Inter-
net des Objets. Que ce soit dans la voiture ou
dans la maison, l’IOT nous fournit le socle tech-
nique et fonctionnel pour repenser nos activi-
tés et nos business models » avance Guillaume
Fichefeux, Directeur Marketing et Communication
d’Europ Assistance. Et d’évoquer dans la foulée
de nouveaux services additionnels à la tradition-
nelle assistance automobile comme par exemple
des services de type conciergerie.
Chez les industriels, il y a aujourd’hui beaucoup
de projets en cours pour prendre la vague du Big
Data et des objets connectés et trouver ainsi de
nouveaux vecteurs de croissance. « Une orien-
tation forte de notre stratégie digitale est d’in-
vestir sur de nouveaux vecteurs de croissance
comme par exemple la «smart city» ou la mai-
son connectée » confirme Marc Florette, Membre
du Comité Exécutif et Directeur Digital d’Engie. La
« smart city » est également au centre de la straté-
gie de Veolia. « Un axe de déploiement du digital
important pour Veolia est centré sur les datas.
Cela concerne le cœur de notre métier comme
les “smart cities”, le “smart metering” dans l’eau
ou l’énergie, la modélisation des réseaux… En
somme, tous les domaines dans lesquels une
masse importante de données est produite
ou agrégée. Il y a là un potentiel considérable
de valeur ajoutée pour nos clients et nos opé-
rations » est persuadé Hervé Dumas, Directeur
Technique des Systèmes d’Information de Veolia.
interview
Legrand | Benoît Coquart
| Directeur de la Stratégie et du Développement
Google va tirer
le marché de la domotique
«L’acquisition de Nest par Google
est une excellente nouvelle.
Cela va populariser la notion de bâti-
ments intelligents... Et plus un bâti-
ment est intelligent, plus il aura besoin d’équipe-
ments électriques. Pour être en mesure d’apporter
tout ça, il faut une expertise en infrastructures élec-
triques que des géants comme Google n’ont pas
forcément, et n’ont pas nécessairement intérêt à
acquérir. La démocratisation de la domotique am-
plifiée par un acteur aussi grand public que Google
est aussi et surtout une très bonne nouvelle pour
tous les acteurs du domaine, nous les premiers, qui
en tireront forcément les bénéfices.» 
29
C
omment créer une interaction en conti-
nu avec mon client ? C’est peut-être le
challenge majeur d’une entreprise en-
gagée dans une transformation digitale. Face à
des consommateurs toujours plus exigeants et
devenus zappeurs par nature, l’avenir de toute
entreprise se joue désormais sur une connais-
sance toujours plus fine de ses clients et de leurs
attentes. Cette connaissance fine, c’est ce qui fait
le succès des GAFA et autres nouveaux venus du
web avec leurs capacités à dialoguer, écouter et
interagir avec leurs clients. « Dans un monde qui
se digitalise de plus en plus, l’expérience client
s’est en quelque sorte standardisée. Cela nous
oblige à un niveau d’excellence cohérent avec
cette expérience fluide et omnicanale » observe
Guillaume Fichefeux, Directeur Marketing et Com-
munication d’Europ Assistance.
Même dans le domaine industriel, cette exigence
de simplicité et d’efficacité dans la relation client
s’est imposée. « Un axe majeur de notre stratégie
de digitalisation porte sur la “Digital Customer
Experience”. Notre objectif est d’accompagner
nos clients du premier contact sur notre portail
jusqu’à l’initialisation des services digitaux sup-
portant le produit qu’ils ont acheté. Il n’y a pas
de raison que cela soit beaucoup plus compliqué
pour un produit industriel que pour votre nou-
velle imprimante » témoigne Pascal Brosset, Chief
Technology Officer de Schneider Electric.
2.3 | (Ré)inventer une relation client
2.3 (Ré)inventer
une relation client
interview
Air Liquide | Olivier Delabroy
| Directeur de la Recherche et Développement
Favoriser le «easy-
to-do-business-with»
«Avant même la création de
valeur, la première finalité du
Digital est d’améliorer la qualité de la
relation client, ce que nous appelons
le “easy-to-do-business-with”. Grâce au Digital,
en simplifiant et en accélérant chaque étape de
la relation client, l’entreprise crée une plus grande
proximité avec ses clients. Une fois la relation de
confiance établie ou renforcée, on peut aller plus
loin dans la digitalisation de la relation en s’échan-
geant de plus en plus de données. C’est un cercle
vertueux qui s’installe ainsi.»
PanasonicOrbitel,TV,1970
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
30
Pour les entreprises ne vendant pas en direct leurs
produits, le digital constitue une véritable oppor-
tunité de créer de nouvelles interactions avec leurs
consommateurs, que ce soit par les réseaux so-
ciaux, le web ou d’autres moyens de communica-
tion. « Dans notre métier essentiellement BtoB-
toC, le digital a rendu l’accès au particulier plus
facile. Hier, il y avait deux grandes méthodes
pour s’adresser au particulier : le showroom
et la publicité à la télévision. Aujourd’hui,
nous parvenons grâce au digital à toucher le
particulier de façon plus fine, de lui fournir
la bonne information, et de l’amener jusqu’à
l’acte d’achat » s’enthousiasme Benoît Coquart,
Directeur de la Stratégie et du Développement de
Legrand. D’autres industriels s’engagent également
dans la création de communautés pour mieux
promouvoir leurs produits. « Sur le marché des
pièces de rechange, un enjeu pour Valeo est de
développer des communautés de clients. Sur
ce marché BtoB, on ne vend jamais en direct
aux garagistes, mais à un grossiste qui va lui-
même vendre aux garagistes. L’enjeu est que les
garagistes achètent des produits Valeo, qu’ils
vont ensuite prescrire au consommateur final »
explique François Marion, Group Corporate Plan-
ning and Strategy Vice-President de Valeo. Dans
ce but, Valeo a commencé à mettre des QR codes
sur certains de ses produits afin que les gara-
gistes puissent accéder directement par un clic au
système d’information de Valeo.
interview
L’Oréal | Lubomira Rochet
| Chief Digital Officer
et Membre du Comité Exécutif
La bataille de la
personnalisation
«Un axe stratégique pour L’Oréal
est la bataille de la person-
nalisation. Aujourd’hui, nous ne pos-
sédons pas de données clients. Ces
données, elles sont chez nos distributeurs. Il y a
pourtant une vraie nécessité à pouvoir communi-
quer de manière plus personnalisée et de manière
plus contextuelle avec nos clients. Cela ne signifie
pas que nous allons créer d’énormes bases de don-
nées dans tous les sens mais cela veut dire qu’il faut
que nous puissions travailler de concert avec les
distributeurs pour personnaliser nos messages.»
TV portable, circa 1960
31
Pour toutes les entreprises, l’enjeu est le même :
collecter des données clients pour mieux connaître
les consommateurs et mieux cerner leurs besoins.
« Au cœur du digital, il y a la data. Et cette data,
d’un point de vue non technologique, c’est le
consommateur. Nous sommes en prise directe
avec ce consommateur via le digital. Ce qui
va changer dans la relation avec le client, c’est
que nous allons tout faire dans le réseau pour
mieux adresser ce dernier, et exploiter, croi-
ser efficacement les informations dont nous
disposons » affirme Michael Aidan, Directeur du
Digital de Danone. Même son de cloche chez Per-
nod-Ricard qui s’est équipé récemment d’un outil
de DMP (Data Management Platform) pour mieux
gérer et analyser les données consommateurs.
« Pour Pernod Ricard, la maîtrise de la donnée
est un enjeu stratégique. C’est un levier fantas-
tique par exemple pour retrouver un contact
plus direct, plus personnalisé, avec le consom-
mateur » explique Maël Tannou, Head of Digital,
Sales and Marketing Solutions de Pernod Ricard.
Dans l’univers du BtoC, le chantier majoritaire
des entreprises dans l’amélioration de la relation
client reste la mise en place du multicanal. Un
chantier souvent complexe. « Comment trans-
former toute la relation client, caractérisée par
un héritage historique important puisque les
activités ont été construites en silo, avec des
systèmes d’information dont le but était d’être
hermétiques, afin d’avoir des parcours mixant
du web, de la boutique, du téléphone, de l’inter-
vention...? Voilà la grande question que pose
la digitalisation en termes de vision client »
détaille Mari-Noëlle Jégo-Laveissière, Directrice
de la Division Innovation, Marketing et Techno-
logies et Membre du Comité Exécutif d’Orange.
2.3 | (Ré)inventer une relation client
interview
Total | Marc Gigon
| VP Digital, Marketing & Services
Créer des expériences
clients différentes
«I l est possible de créer des expé-
riences clients différentes avec le
digital pour laver sa voiture ou faire le plein de car-
burant ! Il y aussi un enjeu de désengorgement des
stations, d’amélioration des processus. Ce sont des
expériences assez classiques de parcours d’achat,
d’analyse des «pain points» des clients qui nous per-
mettent d’améliorer l’expérience client à différentes
étapes. Nous avons ainsi identifié un axe important
de business sur les usagers «non conducteurs» des
véhicules. Chez Total, nous pensons aux enfants
ou aux passagers en co-voiturage. Les raisons pour
lesquelles ces passagers s’arrêtent dans une station
sont différentes de celles du conducteur. A nous de
leur offrir des raisons fortes de choisir nos stations.
Nous pensons, par exemple, au téléchargement de
musique ou de films sur une tablette, facilité par
l’accès au Wifi dans nos stations.»
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
32
Un chantier du multicanal également stratégique
pour Kering, avec la volonté d’utiliser le canal In-
ternet comme un levier d’amélioration de la rela-
tion client. « L’essentiel est d’accélérer la mise
en place d’une expérience multicanal pour
les clients de nos marques. C’est en cela que
l’e-Commerce est un enjeu stratégique : parce
que c’est le moteur d’une expérience multica-
nal. Cela n’est évidemment pas incompatible
avec le développement d’internet comme canal
de distribution, mais c’est avant tout un moyen
d’apporter de nouveaux services à nos clients »
justifie Sébastien Hua, e-Bbusiness & Omnichan-
nel Director de Kering.
La FNAC s’est engagée elle aussi dans une ambi-
tieuse stratégie multicanal. Aujourd’hui, envi-
ron 40% des achats faits sur le web sont retirés
en magasin selon le principe du click & collect.
« Le multicanal nous aussi a amené à revoir
les outils de nos vendeurs : ils accèdent dé-
sormais à plus d’informations sur les produits
mais aussi sur le client. Cela constitue une vraie
transformation de l’acte de vente : le client et le
vendeur peuvent discuter en partageant l’infor-
mation directement à l’écran et le vendeur peut
réaliser la totalité du parcours d’achat, ce qui est
une attente forte de nos clients » ajoute Benoît
Fremaux, Directeur DOSI et de la Transformation
Digitale de la Fnac.
Kering | Sébastien Hua
| e-Business & Omnichannel Director
Renouveler sur le web
la personnalisation
de l’expérience client
«Ce qui fera la différence dans le
luxe, c’est la capacité à recréer
dans un univers en deux dimensions la qualité de
service et l’expérience personnalisée exceptionnelle
que l’on trouve dans une boutique. Il y a 30 ans, le
vendeur d’une boutique de luxe pouvait connaître
personnellement ses meilleurs clients et leur offrir
une expérience individualisée. Ce que permet la
technologie, c’est de maintenir ce degré de per-
sonnalisation alors que l’industrie du luxe a changé
d’échelle de façon considérable en quelques années,
et s’est complexifiée en se globalisant. Si vous êtes
client d’une marque de luxe et que vous visitez une
boutique pendant vos vacances au bout du monde,
vous voulez quand même qu’on vous reconnaisse
et qu’on vous offre le même service personnalisé
que dans la boutique où vous avez vos habitudes
près de votre domicile.»
interview
33
2.4 | Les produits sont morts, vive les services
2.4 Les produits sont morts,
vive les services
À
l’heure du digital, fabriquer un bon pro-
duit ne suffit plus. Tout d’abord, parce que
les demandes des consommateurs ont
évolué. Mais aussi et surtout, parce que les GAFA
et autres stars de l’Internet ont bouleversé toutes
les règles du commerce. Pour Amazon, Uber et
autres Booking.com, la bataille se joue essentiel-
lement sur les services offerts aux clients, qu’il
s’agisse de simplicité d’accès, de disponibilité, de
rapidité de livraison, de suivi sur le long terme ou
d’accompagnement personnalisé. Pour les indus-
triels traditionnels, le risque est énorme : Celui de
se faire “satelliser par un nouveau venu qui vien-
drait s’intercaler entre eux et les consommateurs
et qui les enfermerait dans un rôle de simples
sous-traitants. « Les consommateurs attendent
autre chose aujourd’hui : ils ne désir-ent plus
simplement acheter un produit, ils veulent une
relation avec lui, un échange de données. Ils
veulent plus d’engagement, plus d’authenti-
cité, plus d’histoires, plus de connexion. Pour
entretenir cette connexion, il faut donc créer
de nouveaux types de contenus, de services et
d’expériences autour de nos produits » résume
Lubomira Rochet, Chief Digital Officer et Membre
du Comité Exécutif de L’Oréal.
“ Peugeot ne vend
plus seulement
un véhicule,
mais toute une prestation
de services „PSA Peugeot-Citroën
| Anne-Laure Mérillon
TV portable, circa 1970
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
34
Cette remise en question des business models
existants ne concerne pas seulement l’industrie
du luxe et des produits de beauté. La probléma-
tique est finalement la même dans tous les sec-
teurs économiques : développer une dimension
«services» autour des produits pour construire
une relation forte et durable avec son client. C’est
par exemple le cas dans l’industrie automobile
qui a été longtemps organisée autour du produit.
« Le digital challenge aujourd’hui toute l’entre-
prise afin qu’elle soit plus proche de son client
dans la durée. Aujourd’hui, Peugeot ne vend
plus seulement un véhicule, mais toute une
prestation de services. Ce sont par exemple les
nouveaux services connectés comme l’appel
d’urgence ou l’appel d’assistance. Demain peut-
être, le consommateur n’achètera plus un véhi-
cule comme un bien, mais comme un service
partagé ou sous d’autres formes encore » sou-
ligne Anne-Laure Mérillon, Head of Digital Marketing
Peugeot International chez PSA Peugeot-Citroën.
Ce recentrage sur les services concerne le BtoC,
mais aussi beaucoup les activités BtoB. « Une par-
tie de nos gammes de produits se banalise. Le
choix pour un client professionnel d’acheter de
l’huile hydraulique chez nous plutôt que chez un
concurrent va se faire sur la qualité du service
proposé : suivi de la livraison, logistique, ana-
lyse de l’huile en service, etc. Le digital va jus-
tement permettre d’augmenter notre gamme de
services à destinations de nos clients » note Marc
Gigon, VP Digital, Marketing & Services chez Total.
interview
Gemalto | Frédéric Martinent
| Directeur Marketing Produit,
Division « Marketing Mobile »
De la carte SIM
à la prestation
de marketing direct
«Smart Message est un dispositif technolo-
gique intégré aux cartes SIM permettant
à des annonceurs de communiquer avec des
consommateurs à travers le mobile. La nouveauté
avec le Smart Message, c’est la décision straté-
gique de Gemalto de ne plus vendre cette tech-
nologie aux opérateurs téléphoniques comme
un outil mais de le commercialiser sous la forme
d’un service accessible en mode SaaS à tout type
de clients. Ce repositionnement nous a obligés à
repackager notre offre, repenser nos processus et
nos business models. Son mode de commercia-
lisation est celui d’un service de marketing direct
avec un modèle de prix au CPM ou au CPL. Alors
que Gemalto est à l’origine un industriel BtoB, nous
avons dû recruter des experts du marketing BtoC
pour commercialiser cette offre de services à de
nouveaux interlocuteurs. Aujourd’hui, nous avons
des compétences similaires à celles d’une agence
de marketing direct classique qui apporte du
conseil pour bien réussir une campagne sur télé-
phones mobiles, dans le choix des cibles, des mots,
des meilleurs horaires…»
35
Parmi ces nouveaux services proposés par Total
figurent par exemple des tableaux de bord per-
mettant le suivi de consommation. « Grâce au
digital, on peut transformer une entreprise qui
vend des produits en une entreprise qui vend
une offre de valeur incluant des services. A tra-
vers le monde, nous traitons des millions de sa-
lariés sur leurs lieux de travail. Les infirmières
sont connectées à notre système d’informa-
tion via une tablette qui leur donne la liste des
personnes à soigner. Ce que l’on vend, ce n’est
plus un produit, c’est un acte de soin et ce sont
les entreprises qui achètent directement cette
prestation » explique le directeur innovation d’un
grand groupe pharmaceutique.
Dans le BtoB, un autre exemple emblématique de
ces changements de business models est visible
dans l’industrie aéronautique où la vente d’équi-
pements laisse peu à peu la place à des enga-
gements de bon fonctionnement sur la durée.
« Cette évolution du marché basée sur une
facturation à l’utilisation, comme par exemple
des moteurs pour l’aéronautique civil, impose
des changements au niveau de nos business
models et de notre marketing » précise Bertrand
Delahaye, Directeur de la Démarche de Moderni-
sation du Groupe Safran. Des changements ren-
dus possibles par l’essor des technologies des ob-
jets connectés et de Big Data qui permettent aux
industriels de garder une connexion directe avec
leurs équipements et de fournir à leurs clients des
services associés.
2.4 | Les produits sont morts, vive les services
interview
Volvo | Laurent Geray
| Planning & Innovation Manager
Se positionner
sur de nouveaux services
«Nous sommes une entreprise
industrielle pour l’instant peu
orientée services. La digitalisation pour Volvo est au
cœur de la transformation d’une entreprise indus-
trielle en une entreprise de services. Aujourd’hui,
en termes d’offre de services, nous sommes très
proches de l’opérationnel : financement de véhi-
cules, forfaits de maintenance... Demain, nous irons
sur des couches plus tactiques ou stratégiques en
utilisant les données issues de nos véhicules, les
données CRM, etc. Cela nous permettra de nous
positionner sur de nouveaux services, comme par
exemple dans la gestion de flotte ou dans celui de
la logistique. Un camion a beaucoup plus de cap-
teurs qu’un véhicule standard. L’objectif va être de
recenser l’ensemble des éléments de collecte de
données que nous possédons, avant même de ré-
fléchir à ce que nous pouvonsen faire. La donnée
est récupérée pour l’instant dans des systèmes de
bases de données parfois assez âgées, qui ne com-
muniquent pas entre eux. Imaginer le Data Lab de
demain est un enjeu majeur.»
Seiko data 2000, montre intelligente - 1983
JVCVideosphere,T
V - 1970
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
36
interview
Alcatel-Lucent Enterprise
| Pierre-Antoine Thiebaut
| Head of Field Marketing
Nous ne vendrons plus des
boîtes, mais des services
«C’est la transformation la plus fondamentale :
celle qui touche le cœur de métier de l’entre-
prise. Nous sommes en train de passer d’un métier
où l’on vendait des boîtes à un métier où l’on vend
des services, et même des bénéfices clients. Long-
temps, on a vendu des équipements télécoms, ils
fonctionnaient dix ans, et puis on venait les chan-
ger, et cela repartait pour dix ans. L’immense défi
auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, c’est
la connexion, c’est-à-dire que nous devons ap-
prendre à vendre des systèmes connectés en per-
manence avec des services et des bénéfices mesu-
rables. Ce sont des méthodes de vente totalement
différentes puisque l’on sera sur des modes de fac-
turation à l’usage ou à l’utilisateur. Cette transfor-
mation génère toute une série de questions : com-
ment facturer ces nouveaux services, comment
gérer ce nouveau type d’offres, que va-t-on don-
ner au client comme informations, etc. Cela passe
évidemment par une meilleure connaissance du
client, comment il utilise notre système, pourquoi il
n’actionne pas telle ou telle fonction. Au final, nous
devons offrir une valeur à notre client en lui four-
nissant des clefs de compréhension des usages de
ses systèmes télécoms. »
De fait, une diversification dans les services se
généralise chez les fabricants d’équipements in-
dustriels. « Concernant les services, nous nous
concentrons sur ceux liés au bon fonctionne-
ment de nos produits. Un certain nombre de
systèmes que nous concevons demandent à être
"maintenus" en permanence en activité. Cela va
nécessiter de la maintenance préventive, qui
entrera dans notre offre de services. Nous pou-
vons aussi proposer des solutions complètes
à des centres d’appel, avec logiciel de suivi du
matériel et des clients, que nous allons facturer
au mois » détaille Benoît Coquard, Directeur de la
Stratégie et du Développement de Legrand.
37
2.4 | Les produits sont morts, vive les services
interview
Chez Schneider Electric, les services comptent
désormais pour 30% de son chiffre d’affaires. Un
virage entamé il y a 5 ans avec de lourds inves-
tissements dans les logiciels et les services. « Ces
services associés, ce sont des outils de configu-
ration, d’optimisation, de monitoring ou d’évo-
lution de produits. Mais attention, Schneider n’a
pas vocation à devenir une société de services.
Nos services sont avant tout destinés à augmen-
ter la valeur de nos produits. C’est pourquoi la
plupart de ces services sont délivrés par nos
distributeurs. Ces services et ces logiciels sont
conçus par Schneider, mais ils sont utilisables
par ses partenaires » explique Pascal Brosset,
Chief Technology Officer de Schneider Electric.
“  Aujourd’hui, nos clients
veulent un produit avec
des services qui l’accompagnent
tout au long de son cycle de vie „Schneider Electric
| Pascal Brosset
Airbus | Pascal Eymery
| Head of Customer Service Strategy
Deployment & Capabilities
Des missions de consulting
«Nous récupérons un certain
nombre de données brutes
sur l’avion afin d’analyser des sources possibles de
réduction de la consommation de fuel. Nous pré-
sentons ensuite les données aux compagnies aé-
riennes, que nous pouvons ensuite accompagner
au travers de mission de consulting. Nous vendons
des data packages, qui peuvent aller jusqu’aux ins-
tructions de modifications.»
P
our une grande entreprise, c’est peut-être
l’un des grands défis associés au digital :
instaurer le travail collaboratif en mode
transversal. L’existence des silos est en effet l’hé-
ritage de l’organisation industrielle qui a prévalu
pendant des décennies avec des processus stan-
dardisés et une hyperspécialisation des tâches et
des métiers. Si ce modèle inspiré entre autres par
le taylorisme et le fordisme a fait ses preuves pen-
dant des décennies, il constitue aujourd’hui un
frein dans une « nouvelle économie » dans laquelle
prévalent les qualités de rapidité, d’agilité et de
capacité d’innovation permanente. Sur des mar-
chés devenus changeants et incertains, le Time to
Market est devenu un impératif. Mais si multiplier
les interactions entre les différents métiers dans
une startup ou une PME n’apparaît pas comme
un objectif trop ardu, c’est une toute autre affaire
dans des organisations peu étanches de plusieurs
dizaines ou centaines de milliers de collaborateurs.
« En matière de transformation digitale, la taille
des entités et le nombre de salariés est une va-
riable importante. Il y a des choses qui marchent
facilement sur de petits nombres. Sur de grands
nombres, c’est souvent beaucoup plus compli-
qué » fait remarquer Marc Florette, Membre du
Comité Exécutif et Directeur Digital d’Engie.	
Pour décloisonner l’entreprise, la première étape
est généralement très technique avec des chantiers
informatiques classiques fondés sur des outils
assurant la transversalité de l’information (CRM,
PLM, EDI,…) et des fonctions de communica-
tion. « La première transformation digitale a
été interne avec le remplacement de la plupart
de nos outils informatiques comme les logi-
ciels de relation commerciale ou de gestion
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
38
2.5 Casser les silos
et favoriser le travail
collaboratif
PSA Peugeot-Citroën
| Anne-Laure Mérillon
| Head of Digital Marketing Peugeot International
Le collaboratif
transversal : toujours
un défi pour les grands
groupes
«Le digital est en train de trans-
former entièrement l’entreprise.
Cette transformation, c’est de pouvoir entrer en
mode collaboratif et casser les silos pour mieux des-
siner des stratégies qui embarquent tous les métiers.
Le digital est au cœur de ces nouvelles interactions.
Aujourd’hui, cette collaboration est beaucoup plus
fluide même si cela reste compliqué dans de grands
groupes où il y a beaucoup de monde à rassembler.»
interview
39
de la paie, ou encore de notre messagerie par
une offre dans le cloud. Il y a aussi évidement
l’évolution des outils du quotidien en termes de
mobilité, de vidéo, de collaboratif ou de commu-
nications unifiées pour rendre nos salariés plus
efficaces et plus agiles » raconte Pierre-Antoine
Thiebaut, Head of Field Marketing d’Alcatel-Lucent
Enterprise. Particulièrement dans le domaine in-
dustriel, le concept de «continuité numérique» est
désormais stratégique. « En matière de produc-
tion, la continuité numérique est un axe majeur.
De la maquette 3D à la maintenance, on garde
ainsi les mêmes schémas tout le long du cycle
de vie du produit. Cela change les métiers »
confirme Bertrand Delahaye,
Directeur de la Démarche de
Modernisation du Groupe
Safran. Cette continuité nu-
mérique, c’est ce qu’Essilor
a réussi à mettre en œuvre avec des flux de don-
nées clients qui circulent en temps réel du maga-
sin de l’opticien jusqu’au centre de production des
verres optiques. « L’amélioration du traitement de
la data nécessite de travailler sur l’ensemble de
la chaîne digitale. Il faut être capable de prendre
les mesures d’un consommateur avec des ins-
truments de plus en plus sophistiqués, d’ajouter
les informations complémentaires (ordonnance,
mutuelle...) avant de les entrer dans la chaîne qui
va les router vers le laboratoire qui réalisera la
commande » explique Bernard Duverneuil, Direc-
teur des Systèmes d’Information du Groupe Essilor
et Membre du Comité Exécutif .
2.5 | Casser les silos et favoriser le travail collaboratif
“ Il nous faut
	 apprendre à tirer
	 le maximum de valeur
	 du travail collaboratif „Veolia | Hervé Dumas
Mattel Intellivision, console de jeux, 1978
RIM, pager interactif - 1996
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
40
Permettre techniquement à des dizaines de milliers
de salariés de pouvoir communiquer et collaborer
ensemble n’est pas toujours simple. Chez Veolia, la
solution a été la mise en place d’un programme de
gestion d’identité digitale. « Pour la première fois
dans l’histoire de l’entreprise, nous bénéficions
d’un système global permettant à 90 000 per-
sonnes de collaborer entre elles à tout moment.
Si l’on veut permettre une association efficace
des personnes, de l’information et des proces-
sus, il est nécessaire de mettre en œuvre des
automatismes et une simplification du système
de gestion de l’identité digitale » rappelle Hervé
Dumas, Directeur Technique des Systèmes d’Infor-
mation de Veolia.
“ On utilise
des outils collaboratifs
ou des sites web dédiés
pour échanger
en permanence
à chaque phase
du projet „Capgemini | Didier Bonnet
interview
Capgemini | Didier Bonnet
| Senior Vice-President, Global Head of Practices
De nouvelles façons
de travailler en mode
interactif
«Avec les outils numériques, les
façons de travailler sont en
train de changer radicalement dans
les métiers du conseil. Autrefois, nous étions sur
des processus cadrés et très séquencés : écriture
d’une proposition, brief, réalisation des slides et
envoi du dossier. Aujourd’hui, tout est plus inte-
ractif. On utilise des outils collaboratifs ou des
sites web dédiés pour échanger en permanence
avec nos clients à toutes les phases du projet. Il
faut également être capable de tester une idée ou
un concept grâce à des POC (Proof of concept).
Peut-être faudrait-il mettre en place une nouvelle
application mobile pour les clients d’une chaîne
de distribution ? Immédiatement, il faut être ca-
pable de tester cette solution sur deux magasins
témoins et réaliser des analytics pour vérifier la
pertinence de la proposition. »
41
Si cette première étape de mise en place d’outils
est indispensable, elle n’est pas toujours suffi-
sante. Encore faut-il que les salariés transforment
aussi leurs façons de travailler. « Nous utilisons
désormais beaucoup les outils Google pour
leur qualités collaboratives. Mais cela exige
un vrai changement de comportement. Nous
avons formé nos équipes à ce nouvel état d’es-
prit, mais il est nécessaire de pousser encore
plus » raconte Fernando Birman, Head of Digital
Office du Groupe Solvay. Un constat similaire à
la FNAC qui déploie un réseau social d’entreprise
(RSE) avec plusieurs fonctionnalités collaboratives.
«Ces outils doivent servir la transformation digi-
tale de l’entreprise avec plus d’agilité et de col-
laboration. L’enjeu principal est donc humain,
car les méthodes de travail collectives et indivi-
duelles vont changer» témoigne Benoît Fremaux,
Directeur DOSI et de la Transformation Digitale de
la FNAC.
interview
Veolia | Hervé Dumas
| Directeur Technique
des Systèmes d’Information
Tirer le maximum
de valeur du travail
collaboratif
«La nouvelle organisation du Groupe Veolia est
encore récente. Son bon fonctionnement et
sa performance seront étroitement liés à sa capa-
cité à embrasser la culture collaborative et à mettre
le seuil de mutualisation et de standardisation au
bon niveau. Passer d’un extrême à l’autre, d’une
organisation très décentralisée à l’ultra-centralisa-
tion, serait périlleux. Il nous faut apprendre à tirer le
maximum de valeur du travail collaboratif, du par-
tage des bonnes informations au bon moment, ceci
afin de rendre le fonctionnement de l’entreprise
plus fluide et plus efficace.»
“ L’enjeu
principal
est donc humain,
car les méthodes
de travail collectives
et individuelles
vont changer „FNAC | Benoît Fremaux
2.5 | Casser les silos et favoriser le travail collaboratif
Disk II, lecteurs de disquettes 5¼" - 1978
42
Changer les méthodes de travail traditionnelles :
c’est ce que PSA Peugeot-Citroën a récemment
réussi à faire dans le cadre d’un chantier majeur
qui consistait à développer une plateforme unique
pour tous les sites web de la marque dans plus de
87 pays. «Notre défi majeur dans ce projet était
d’en faire un vrai projet d’entreprise transver-
sal. Une approche “user centric” ne se résume
pas seulement à une mise en avant de véhicules
neufs. Nous avons fédéré l’ensemble des métiers
autour du projet, c’est-à-dire en premier lieu la
DSI et l’offre des véhicules neufs, mais aussi les
services après-vente, les contrats de service, la
banque, les services accessoires et les services
connectés, les véhicules d’occasion...» se félicite
aujourd’hui Edwige Badoureaux, Responsable
e-Business chez PSA Peugeot-Citroën .
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
AVIS D’EXPERT
Une culture du partage transversal
“L
a transformation des organisations tradi-
tionnelles en organisations “digitales” se
retrouve à tous les niveaux hiérarchiques,
et en premier lieu, au niveau de la Direction. Qu’ils
soient nommément reconnus en qualité de «Chief
Digital Officer» ou en complément d’une fonction
de Direction, Membres du Comité Exécutif pour
certains, leur rôle est d’incarner ce nouveau mode
de fonctionnement à l’intérieur de l’organisation,
rompant avec des silos inhérents à différents mé-
tiers ou activités. Au cœur des organisations elles-
mêmes, ce phénomène de transformation digitale
a un impact majeur auprès des collaborateurs. En
effet, les digital natives sont – parfois – les plus à
mêmes de s’adapter à ces modes de travail inten-
sément collaboratifs. On voit aussi apparaître des
actions aussi fortes de sens que le reverse men-
toring, les plus jeunes servant de guides à leurs
ainés. Néanmoins, la transformation majeure vient
du partage même de l’information elle-même, à
tous les niveaux et partout elle est nécessaire, en la
sécurisant si nécessaire, mais en évitant des dupli-
cations, parfois sources d’erreurs, d’omissions, et
dont la mise à jour laissait parfois
à désirer. Voici venu le temps du
temps réel, partagé et accessible.„
Ordinateur central, circa 1960
43
2.6 | Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle
«P
lus que les solutions techniques en
elles-mêmes, la digitalisation im-
pacte les organisations, les femmes
et les hommes, les processus, la compréhension
des impacts de bout en bout» affirme François
Pereira, Directeur IT Multicanal France & Groupe
de Carrefour. Une conviction désormais partagée
par l’immense majorité des dirigeants des grandes
entreprises françaises.
2.6 Une transformation
tous azimuts…
et une révolution culturelle
Technip | Thierry Chamfrault
| Directeur Méthodes et Qualité de la
Direction des Systèmes d'Information
Avant tout
une transformation
sociologique
«Le Digital est trop souvent lié aux technolo-
gies et à une flopée de termes techniques
tels le cloud, le Big Data... preuves d’un marketing
de l’IT fort efficient. Mais derrière ces outils, on ne
voit pas suffisamment la transformation humaine.
La véritable transformation n’est pas technologique.
Elle est avant tout sociologique et sociétale grâce à
cette capacité du digital à rassembler des gens ayant
les mêmes préoccupations et les mêmes objectifs.»
“Derrière
ces outils,
on ne voit pas
suffisamment
la transformation
humaine „Technip | Thierry Chamfrault interview
Visio
n 2000, stereo - 1971
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
44
Le digital ne transforme pas seulement la vie
quotidienne des consommateurs ni l’offre à leur
proposer, mais aussi la façon de fonctionner des
grandes organisations, et ce, à tous les niveaux
de l’entreprise. « La transformation digitale est
une affaire duale chez nous : c’est bien sûr ce
que nous vendons, mais aussi la capacité à nous
transformer nous-mêmes. La transformation en
interne recouvre de nombreux champs : archi-
tecture physique et technique avec la mise en
place d’un certain nombre d’outils, compétence
des collaborateurs, changement de culture
de management » renchérit Mari-Noëlle Jégo-
Laveissière, Directrice de la Division Innovation,
Marketing et Technologies et Membre du Comité
Exécutif d’Orange.
Même discours à la Française des Jeux qui se pré-
pare à une refonte de ses modes de fonctionne-
ment avec l’arrivée du digital. « Le digital impacte
l’ensemble de l’entreprise. L’ambition de passer
rapidement notre chiffre d’affaires de 3 à 10% sur
le digital ne concerne pas seulement la direction
digitale. On se rend compte qu’il faut changer
énormément de choses, et cela devient du coup
une opportunité d’évolution pour l’ensemble de
l’entreprise » fait remarquer Cécile Lagé Direc-
trice Digital, Clients et Innovation de la Française
des Jeux.
“ Le digital est devenu
l’affaire de tous,
et plus seulement
	 d’une communauté
d’experts „HEC | Bernard Ramanantsoa
Renault | Patrick Hoffstetter
| Chief Digital Officer / Directeur Digital Factory
Le digital vient
tout secouer
«Côté transformation culturelle,
les deux années à venir vont
être capitales car nous sommes en
train d’enclencher une vraie transfor-
mation de l’entreprise en termes de formation et
d’éducation qui touche aussi bien l’interne et nos
employés que l’externe et nos concessionnaires.
C’est un chantier compliqué car au-delà des ba-
siques à prendre en compte, c’est une nouvelle
façon de travailler, voire des nouveaux modèles à
mettre en place sur un secteur qui jusqu’à mainte-
nant était assez traditionnel et un métier qui n’a pas
énormément évolué jusqu’à maintenant. Le digital
vient tout secouer dans beaucoup de secteurs.»
interview
Welt
ronModel2001,8TrackStereoAM-FMMultiplex-1970
45
2.6 | Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle
Si la gestion intégrée des entreprises entamée de-
puis longtemps avec les ERP a peu à peu modifié
la façon de travailler, la digitalisation, elle, oblige à
revoir la façon même de penser l’entreprise. « Il
est clair que la transformation digitale n’est pas
limitée à la digitalisation de certains processus
ou de certains services » constate pour sa part
David de Amorim, Directeur Innova-
tion de Docapost, filiale de La Poste.
C’est pourquoi le digital est désor-
mais abordée comme beaucoup
d’entreprises comme une véritable
révolution culturelle. « Dans notre
transformation digitale, il y aura
bien sûr des chantiers technolo-
giques, mais l’orientation prio-
ritaire sera centrée sur la trans-
formation culturelle. Comment
transformer nos mentalités pour
se mettre dans un mode de pensée
différent, concernant notamment
le travail collaboratif, la mobilité ou
l’innovation ? » S’interroge Benoît
Fremaux, Directeur DOSI et de la
Transformation Digitale de la FNAC.
Dans la plupart des organisations, les
responsables en charge du digital se voient d’ail-
leurs plus en évangélisateurs qu’en chefs de projets.
« Au-delà des projets menés, nous faisons beau-
coup de prosélytisme sur les impacts du digital
sur les organisations, les méthodes, la conduite
de projet, le management. Cette transformation
culturelle est pour nous un enjeu majeur » té-
moigne Philippe Poirot, Directeur Développement
Digital, Transformation & Qualité de la BPCE.
“ La transformation
digitale n’est pas limitée
à la digitalisation
de certains processus
ou de certains services „La Poste | David de Amorim
Synthétiseur analogique modulaire - circa 1970
46
2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
Même dans les entreprises dont les modèles d’af-
faires ne sont pas directement remis en cause par
le digital, l’acculturation au digital est aussi une
priorité. « Mon objectif est de définir une vision,
d’installer un langage commun pour que le
digital s’intègre naturellement dans la culture
de Pernod Ricard. Même si notre secteur n’est
pas autant impacté que d’autres, comme le tou-
risme par exemple, nous devons régulièrement
challenger notre business modèle à travers le
prisme du digital. En effet, nos consommateurs
et nos clients sont de plus en plus connectés
et les modes de socialisation et de conviviali-
té changent. Il est donc impératif que nous en
comprenions les impacts pour réinventer notre
offre consommateurs. Cela concerne autant les
produits eux-mêmes que sur  la manière dont
on les vend. » témoigne Antonia McCahon, Glo-
bal Head of Digital Marketing de Pernod Ricard.
“ Comment transformer nos mentalités
pour se mettre dans un mode de pensée différent,
concernant notamment le collaboratif,
la mobilité ou l’innovation ? „FNAC | Benoît Fremaux
SNCF | Emmanuelle Turlotte
| Directrice Stratégie Transformation
Digitale, Marketing et Data
Le Digital oblige à changer
les règles du jeu
« Le digital est une transformation
culturelle. Il n’y a pas nécessai-
rement de résistance à ce changement, mais il faut
toutefois acquérir de nouvelles compétences, adop-
ter de nouvelles méthodes et changer parfois cer-
taines règles du jeu. C’est vrai par exemple avec les
fonctions IT, qui ont à gérer des systèmes qui n’ont
pas été conçus à l’époque d’Internet, avec ses vo-
lumes de requêtes, ses vitesses de développement,
ses technologies, et qui fonctionnent plutôt en
"cycle en V". C’est vrai aussi du marketing, qui doit se
réinventer avec l’abondance des données, les mul-
tiples interactions clients, et les nouveaux entrants.
Ou encore des Achats pour tout ce qui concerne
le «sourcing partenaires». Quand on veut travailler
avec une startup, il est difficile d’exiger de sa part une
rentabilité sur dix années et des références clients
prestigieuses. Il faut accepter ces nouveaux acteurs,
raccourcir les cycles de décision. C’est un boulever-
sement des habitudes. C’est le métier de manager
lui-même qui évolue avec le digital.»
interviewEMIACII,ordinateur
analogique,circa1960
47
2.6 | Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle
Si tous les métiers sont ou seront à terme transfor-
més par cette révolution culturelle, les efforts les plus
immédiats concernent en premier lieu les équipes
de front office, celles qui sont en contact direct
avec les clients. « Le changement culturel est
considérable pour les populations marketing
et commercial : il faut leur maintenant penser
«clients» plutôt que «produits» ou «points de
vente», abolir les silos entre les business units,
travailler en proximité avec l’informatique,
comprendre les nouveaux usages des consom-
mateurs, renforcer les capacités analytiques... »
énumère Marc Gigon,
VP Digital, Marketing &
Services de Total.
Mais toute la difficulté d’une transformation cultu-
relle, c’est qu’elle doit être large et massive pour
être efficace. Ce qui signifie une révolution cultu-
relle, non seulement au sein de l’entreprise, mais
étendue à tous ses écosystèmes, et en particulier
à ses réseaux de distribution. C’est par exemple
l’enjeu pour Alcatel-Lucent Enterprise dont
100% du chiffre d’affaire est réalisé en indirect.
« Cette transformation fondamentale de notre
métier et de nos business models est un défi
pour nos distributeurs. Cela exige de leur part de
grands efforts d’adaptation sur un marché qui
n’avaitpaschangépendantdesannées.Nous
avonsdoncmisenplaceunprogrammed’ac-
compagnement en co-investissement, car
si nos distributeurs ne font pas cet effort,
c’est nous qui allons en payer le prix »
indique Pierre-Antoine Thiebaut, Head of
Field Marketing d’Alcatel-Lucent Enterprise.
C’est donc un chantier énorme d’accultura-
tion au digital qu’ont commencé les entre-
prises françaises. Un défi même pour une
entreprise comme Publicis Groupe qui a lar-
gement investi dans le numérique par le biais
d’acquisitions et qui réalise aujourd’hui plus de
la moitié de son chiffre d’affaires dans le digital.
« Nous sommes aujourd’hui dans la partie dif-
ficile de notre transformation : c’est la culture,
les gens, la gestion du changement. Et tout le
monde sait que ce qui fait le succès d’une or-
ganisation, c’est la culture, et rien d’autre »
rappelle Rishad Tobaccowala, Chief Strategist et
Membre du Comité Exécutif de Publicis Groupe.
“ Ce qui fait
le succès
d’une organisation,
c’est la culture  „Publicis Groupe
| Rishad Tobaccowala
Videopac de Philips, console de jeux - 1979
48
3
BrionvegaAlgol11,TVportable-1964
p.48
3.Les vecteurs
technologiques de
la transformation
p.57
3.3
L’Internet
des Objets pour
garder le contact
avec son produit
ou son client
p.50
3.1
Le mobile
au cœur
de la vie digitale
p.53
3.2
Le Big Data
pour mieux
valoriser
la donnée
p.60
3.4
Des outils
pour personnaliser
sa relation client
p.62
3.5
Des outils
collaboratifs
pour décloisonner
l’entreprise
49
M
ulticanal, Big Data, Internet des Objets…
Les nouvelles technologies sont là et com-
mencent à irriguer infiltrer les grandes
entreprises françaises. Si le consensus veut que la
révolution digitale soit avant tout culturelle avant
d’être technologique, la transformation ne peut
cependant se faire sans ces nouveaux outils. Or
comprendre et maîtriser ces technologies n’est
pas aisé. En France comme ailleurs, le top mana-
gement doit parvenir à se rapprocher des collabo-
rateurs qui comprennent et savent tirer parti des
instruments de la transformation. Il est également
essentiel que ces derniers puissent eux-mêmes
être davantage représentés au plus haut niveau de
décision de l’entreprise.
Les perceptions ont évolué. Désormais 45% des
entreprises du CAC40 identifient la technologie
comme un accélérateur business. La direction des
systèmes d’information, longtemps laissée pour
compte, a l’opportunité de conquérir un rôle clé
au sein des entreprises. Pilier de l’intégration du
digital au sein des activités, la DSI peine pourtant à
entrer dans les cercles décisionnaires. Et son rôle
dans les projets métiers n’est pas toujours suffi-
samment affirmé. Seules 15% des entreprises du
CAC40 considèrent que les objectifs des organisa-
tions IT sont véritablement alignés sur les objectifs
des métiers. Le développement de la DSI se fera
probablement en parallèle d’une évolution glo-
bale des organisations, s’ouvrant davantage à des
experts du digital et valorisant leur apport straté-
gique à sa juste valeur.
...............................................................................................................
45% des entreprises du CAC40
identifient la technologie comme
un accélérateur business
...............................................................................................................
Moins de 15% des entreprises
du CAC40 considèrent que les
objectifs des organisations IT
sont alignés sur les objectifs
des métiers
3. Les vecteurs
technologiques
de la transformation
Le référentiel de la transformation digitale   edition 2015
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Le référentiel de la transformation digitale edition 2015

  • 1. Conversations avec le CAC40 100 interviews de décideurs Trans- formation Digitale 2015
  • 3. 2 «C’est quoi le digital ? De l’informatique vite faite et mal faite». V oilà ce que me disait en 2015 le DSI d’un grand groupe français. L’expression (qui a sa part de vérité !) m’a paru symptomatique de ce que pouvait représenter le digital pour les grandes entreprises : une notion mal définie et dif- ficile à juger avec les structures de pensée tradi- tionnelles d’un cadre dirigeant. Une notion floue d’abord, car elle paraît mal diffé- renciée de l’informatique dite classique et il peut y avoir un certain inconfort à manier un concept qui regroupe pêle-mêle : - les nouveaux usages mobiles apportés par les smartphones, tablettes et autres appareils connectés - les opportunités issues de possibilités de collecte et de traitement de données décuplées - l’exploitation de ressources informatiques dans le Cloud, souvent inspirées de services grand public - les nouvelles techniques de communication et de publicité sur internet - le renforcement de logiques communautaires et collaboratives issues des réseaux sociaux Un concept perturbant ensuite, parce que, contrai- rement à certaines mutations antérieures (l’informa- tisation, les ERP…) le digital ne correspond pas aux logiques industrielles qui permettent aux organisa- tions complexes de fonctionner. Les valeurs asso- ciées à ce phénomène entrent en conflit avec cer- tains usages traditionnels de la grande entreprise : - La transparence et le fonctionnement en réseau court-circuite les logiques hiérarchiques et les silos qui structurent le travail dans les grands groupes - L’ouverture et le partage d’informations avec l’extérieur s’oppose souvent aux exigences de sé- curité et de contrôle d’une informatique industrielle - La culture de l’expérimentation permanente, des initiatives lancées rapidement et dans l’incer- titude du résultat attendu vient à contre-courant des planifications de projets de long terme et des logiques de ROI systématiques. La tension digitale
  • 4. 3 Préambule | La tension digitale Or, au-delà de ces constats, il est une caractéris- tique du digital reconnue désormais par tous : il s’agit du plus grand vecteur de transformation des entreprises et de la société tout entière que les générations actuellement en poste auront connu. Conséquence de la collision entre un tel enjeu et une telle divergence culturelle, le digital met aujourd’hui les grandes entreprises sous tension. Il y a comme une différence de potentiel électrique entre des modes de travail hérités d’un long pro- cessus de structuration et les nouvelles attentes des clients et du monde qui les entoure. Cette dif- férence génère une circulation d’énergie tout au long de l’organisation, laquelle suscite résistances, déperditions, accidents – et, parfois, alimente d’impressionnantes réussites. Avec nos deux partenaires Weave et IBM, nous avons voulu aller à la rencontre des hommes et des femmes qui ont été désignés pour jouer le rôle de transformateurs de cette énergie digitale. Qu’ils soient Directeurs du digital en titre, Directeurs des systèmes d’information, Directeurs du Marketing ou de l’innovation, ils cherchent à en adapter l’in- tensité et à diffuser ce courant de renouveau à tous les niveaux de l’entreprise. Nous avons restitué ici une petite partie des pas- sionnantes discussions que nous avons eues avec eux, dans l’espoir qu’elle vous donne une image du stade d’avancement de cette transformation dans les grandes entreprises françaises. Espérons qu’elle soit aussi une source d’inspiration pour tirer parti de la tension qui traverse vos propres organisations. Vous verrez que le voltage est plus ou moins éle- vé selon les secteurs et qu’il n’est pas stabilisé, loin s’en faut. Mais une chose est sûre : on ne débranchera plus la prise. Arthur Haimovici ebg
  • 5. 4 som maire Trans- formation Digitale 2015 CONVERSATIONS avec le CAC40 100 interviews de décideurs p.48 3.Les vecteurs technologiques de la transformation p.57 3.3 L’Internet des Objets pour garder le contact avec son produit ou son client p.50 3.1 Le mobile au cœur de la vie digitale p.53 3.2 Le Big Data pour mieux valoriser la donnée p.60 3.4 Des outils pour personnali- ser sa relation client p.62 3.5 Des outils collaboratifs pour décloisonner l’entreprise p.6 Intro duction À l’avant-garde de la transformation digitale p.2 PRÉAM BULELa tension digitale p.10 1.1 L’ère des disruptions p.14 1.2 Une concurrence exacerbée par le digital p.17 1.3 La grande menace de la désintermédiation p.8 1.Un monde qui change… vite ! p.33 2.4 Les produits sont morts, vive les services p.25 2.2 Saisir de nouvelles opportunités p.22 2.1 Le digital, axe stratégique et prioritaire p.29 2.3 (Ré)inventer une relation client p.38 2.5 Casser les silos et favoriser le travail collaboratif p.43 2.6 Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle p.20 2.Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
  • 6. Sommaire p.70 4.1 Fixer un plan d’action… souple p.68 4.Mener à bien des projets digitaux p.74 4.2 Travailler en mode startup p.78 4.3 Privilégier le mode «plateau» p.80 4.4 Ne pas toujours s’attacher à un ROI p.84 4.5 Collaborer avec des startups p.114 6.2 Le Marketing en mutation profonde p.110 6.Les enjeux organisationnels de la digitalisation p.112 6.1 De nouvelles règles de management p.117 6.3 La DSI, un rôle à redéfinir p.120 6.4 L’Open Innovation devient la norme p.124 6.5 Le CDO en quête de visibilité p.88 5.Les leviers pour entraîner toute l’entreprise dans le digital p.90 5.1 Acculturer les salariés, une action prioritaire p.96 5.2 Recruter des forces vives digitales p.105 5.4 Entraîner ses écosystèmes dans la révolution digitale p.99 5.3 Surmonter les résistances au changement p.160 p.170 p.130 contri buteurs p.131 Annuaire des contributeurs p.164p.128 conclu SIONLibérer l’énergie digitale 5
  • 7. INTRO DUCTION VT 100, terminal vidéo de Digital Equipment Corporation - 1964
  • 8. introduction | À l’avant-garde de la transformation digitale 7 À l’avant-garde de la transformation digitale L e digital, c’est finalement assez facile d’en par- ler de façon théorique. Nous le savons tous désormais : il constitue une troisième révo- lution industrielle qui va modifier en profondeur les activités et les structures de toutes les entreprises. Un nouveau monde est en gestation et ceux qui n’en comprendront pas les nouvelles règles disparaîtront comme ont disparu Kodak, Virgin Megastore et la plupart des boutiques de DVD. Certes. Mais concrète- ment, sur le terrain, comment opère-t-on cette trans- formation ? Par où commence-t-on ? Avec quelles attentes concrètes ? « Une transformation digitale, cela n’est pas seulement une vision et des grandes phrases. Cela veut dire des actions » résume Marc Florette, Membre du Comité Exécutif et Directeur Di- gital d’Engie. En allant à la rencontre de ceux qui dans les grandes entreprises françaises sont en charge de cette mue, l’objectif était justement de mieux comprendre leurs succès, leurs méthodes et leurs difficultés au quoti- dien. Qu’ils aient une casquette de CDO, de DSI, de Directeur Marketing ou de DRH, tous ces avant-gar- distes du digital partagent un même enthousiasme pour la mission qui leur a été confiée d’engager la transformation de leurs entreprises. Le défi est toutefois gigantesque. Ces organisations existent pour beaucoup d’entre elles depuis des dé- cennies, et même, pour quelques-unes, depuis des siècles. Avec des organisations qui comptent des di- zaines de milliers de collaborateurs, elles ont façonné pendant plusieurs générations des produits, des pro- cess et des organisations qui ont été en leur temps des leviers de succès. Impossible de balayer tout cet édifice d’un coup de baguette, fût-elle digitale ! « Quand on parle de transformation digitale, les mots qui apparaissent en premier sont ceux liés aux outils: cloud, data, serveur... Mais le sujet le plus compliqué, c’est la dimension humaine » affirme Patrick Hoffstetter, Chief Digital Officer / Directeur Digital Factory de Renault. De fait, sur le terrain, la transformation digitale combine énormé- ment d’éléments : de la technologie, des dimensions RH et de management, un rapport à l’innovation, des relations clients différentes... Elle concerne éga- lement - ou concernera à terme - l’ensemble des métiers et des activités de l’entreprise. Il n’existe pas de recette simple. Le succès passera nécessairement par l’activation de multiples leviers, au bon rythme, et en fonction de la complexité de chaque entreprise, de son héritage, de ses écosystèmes et de sa culture.
  • 9. 88 1 p.10 1.1 L’ère des disruptions p.14 1.2 Une concurrence exacerbée par le digital p.17 1.3 La grande menace de la désintermédiation p.8 1.Un monde qui change… vite ! BrionvegaAlgol11,TVportable-1964
  • 10. 9 S ur les dix dernières années, le monde a vécu des bouleversements à hauteur de ceux qui ont marqué la révolution industrielle. Digitali- sation de l’économie d’une part, avec l’émergence d’acteurs rebattant les cartes sur les marchés tra- ditionnels, et mondialisation d’autre part, avec le rattrapage exceptionnellement rapide des pays émergents en termes de développement écono- mique. Le digital n’est qu’une des pièces de cette nouvelle économie, également influencée par des évolutions réglementaires issues de la crise finan- cière et des exigences croissantes en matière envi- ronnementale et sociétale. L’enjeu des grandes entreprises françaises est de réussir à traverser ces courants contraires en assurant la pérennité de leurs modèles écono- miques. L’évolution doit se faire en douceur, mais elle est incontournable. Les organisations doivent apprendre à naviguer plus agilement, à accélérer leurs transformations internes, à oser se remettre en question plus fréquemment. Il faut aller vite et la route est encore longue puisque près de 2/3 des entreprises du CAC40 jugent que le digital n’a, pour l’instant, pas radicalement modifié leur rythme business. De fait, les nouvelles technologies n’attendent pas pour révolutionner notre quotidien. Illustration de cette urgence, le Big Data, opportunité technolo- gique annoncée depuis plusieurs années, et déjà concrète outre-manche, est considéré comme une réalité opérationnelle dans moins d’1/3 des sociétés du CAC40. Ces technologies – et les nou- veaux usages qui les accompagnent - sont pour- tant une mine d’or à exploiter. ............................................................................................................... Près de 2/3 des entreprises du CAC40 jugent que le digital n’a pas radicalement modifié leur rythme business ............................................................................................................... Moins d’1/3 des entreprises du CAC40 utilisent opérationnellement les technologies Big Data 1. Un monde qui change… vite !
  • 11. 10 « A ujourd’hui, le problème des entre- prises est que le digital transforme la vie quotidienne du consommateur plus vite qu’il ne transforme les entreprises. C’est sûrement la première fois qu’on assiste à un phé- nomène de ce type » lance Marc Florette, Membre du Comité Exécutif et Directeur Digital d’Engie. En très peu de temps, l’accélération technologique a été fulgurante. Il y a une décennie, l’iPhone n’exis- tait que dans la tête de Steve Jobs, Twitter était une startup qui venait tout juste de se monter en Californie, et les termes “Big Data”, “Click&Collect“ ou “objet connecté” n’étaient pas encore inventés. « On oublie vite, mais l’environnement techno- logique a énormément changé en très peu de temps. Essor des smartphones et des tablettes, nouvelles fonctionnalités, tailles d’écrans diffé- rentes,... Entre la première application de notre magazine Paris Match sur iPad et celle d’au- jourd’hui,l’évolutionestgigantesque.Làoùnous faisions principalement du texte et des photos, nous faisons désormais du texte, de l’audio, de la vidéo et des photos » rappelle Fabien Sfez, Direc- teur Général du Développement Numérique et Technologique de Lagardère Active. 1.1 L’ère des disruptions 1 | Un monde qui change… vite ! interview Publicis Groupe | Rishad Tobaccowala | Chief Strategist et Membre du Comité Exécutif Les entreprises en retard par rapport à leurs clients «Qu’est ce qui nous pousse à nous transformer ? C’est le consommateur. Les 30 années pen- dant lesquelles j’ai travaillé pour de grandes entre- prises, j’ai toujours entendu “le client est roi”. Mais il y a encore 5 ans, ce n’était pas vrai. Les profes- sionnels du marketing avaient déjà toutes les infor- mations, tous les outils et toutes les technologies. Mais ce n’était pas eux qui avaient le pouvoir dans l’entreprise. Le marketing consistait alors à faire de la logistique et plein d’autres tâches qui n’étaient pas vraiment du marketing. À partir de 1994, avec la sortie du premier navigateur web, mais surtout à partir de 2007 avec le smartphone, le consomma- teur s’est rebellé. Et soudainement, les entreprises ont réalisé qu’elles devaient enfin apprendre à faire du marketing. Le premier grand changement, c’est que les entreprises sont désormais en retard par rapport à leurs clients.»
  • 12. 11 Désormais, le consommateur, smartphone à la main, s’informe, discute, achète en ligne en dés- tabilisant les process patiemment mis en place par les entreprises. Grâce à un accès immédiat et illimi- té à l’information, ses besoins ont très vite évolué. « Notre client s’est complètement digitalisé. Il a envie que ça aille vite, et il en sait souvent plus que le vendeur. Cela nécessite un gros tra- vail d’adaptation, et une capacité à combler ce fossé » témoigne Christian Lou, Directeur Marketing et Digital et Membre du Comité Exécutif de Darty. Même constat chez Bouygues Immobilier : « Le client étant mieux informé grâce à internet, nos conseillers commerciaux doivent évoluer de vendeur à technico-commercial » explique Fabien Le Pen, Directeur Digital et de la Prospection Commerciale de Bouygues Immobilier. Le digital transforme beaucoup de choses, mais particulièrement le rapport au temps. « Le digital est révolutionnaire dans le sens où il est disrup- tif par nature. Dans toutes les entreprises de plus de 10 ans, il percute les rythmes traditionnels. Si une entreprise échappe à cela, c’est qu’elle n’a pas encore été touchée par le digital » as- sure Emmanuelle Turlotte, Directrice Stratégie Transformation Digitale, Marketing et Data de la SNCF. Un changement de rythme qui impacte tout le fonctionnement de l’entreprise. « Les clients et les salariés de l’entreprise sont dans leur vie per- sonnelle en contact avec des environnements digitaux d’une qualité phénoménale qui offrent gratuitement des services incroyables. En entre- prise, ils attendent donc des outils de qualité simi- laires. Il y a une attente de plus en plus forte d’im- médiateté, avec des time to market raccourcis » affirme pour sa part Vincent Cadoret, Directeur des Systèmes d’Information d’Omnicom Media Group. 1.1 | L“ère des disruptions “ Le Digital est révolutionnaire dans le sens où il est disruptif par nature „SNCF | Emmanuelle Turlotte ORANGE | Emmanuel Cacheux | Vice-président d’Orange Horizons et Président d’Orange Horizons Latina Aujourd’hui, c’est le client qui dicte le rythme «L e succès de la transformation digitale pour les entreprises aujourd’hui... c’est d’arriver à rattraper la vitesse du client. Aujourd’hui c’est le client qui dicte le rythme. On est obligé de faire du 24/24h pour aller à la même vitesse. Le plus dur dans les années qui viennent pour la transformation digitale, va être de s’adapter à cette nouvelle donne, ce qui est très dur pour une entreprise de 180 000 personnes.» interview “ Il y a une attente de plus en plus forte d’immédiateté, avec des time to market raccourcis „Omnicom Media Group | Vincent Cadoret Vectrex, console de jeux - 1982
  • 13. 1 | Un monde qui change… vite ! 12 Mais la transformation digitale est plus qu’une simple accélération de rythme ou la démocratisa- tion de nouveaux outils technologiques. « Derrière la transformation numérique, la transformation est plus profonde que simplement l’utilisation de nouveaux outils. Les nouvelles générations digital natives ont de nouvelles façons de consom- mer, de travailler ou de faire du business, en ré- seau et de façon connectée » constate Bernard Larrivière, Directeur de l’Innovation et de la Veille Stratégique du Crédit Agricole. Ce qui oblige les entreprises à se réinventer sur de multiples aspects. « Les entreprises sont aujourd’hui engagées dans une véritable course de vitesse pour optimiser leurs processus, revoir leurs fonctionnements in- ternes, et trouver de nouveaux clients » analyse Emmanuel Carli, Directeur Général de l’école infor- matique Epitech. interview “ les nouvelles générations digital native ont de nouvelles façons de consommer, de travailler ou de faire du business „Crédit Agricole | Bernard Larrivière interview Renault | Patrick Hoffstetter | Chief Digital Officer / Directeur Digital Factory L’expérience client sur le web devient la norme «Acculturé au digital, le client devient exigeant avec tous les acteurs, qu’ils soient online ou offline: le client étant de plus en plus connec- té il s’attend à ce que tout aille plus vite de façon générale. Il a du mal à faire la différence en terme d’attente d’un acteur à l’autre. Son expérience chez Darty, Amazon, Itunes ou Facebook devient simi- laire, il y a une fusion entre les acteurs offline et online en termes d’attente et d’expérience client. La réactivité et la facilité de process que l’on a sur des “pure players” du web devient l’attente basique même chez le concessionnaire auto.» Alstom | Ronan Stephan | Group Chief Innovation Officer et Robert Plana | R&D University Relations Director Le digital renouvelle complètement l’ergonomie des échanges «L e digital renouvelle complètement l’ergo- nomie des échanges, leur conférant flui- dité, instantanéité et abolissant grandement les distances. On assiste ainsi à l’émergence, opéra- tionnelle, du paradigme d’intelligence collective, qui stimule la créativité et favorise l’innovation. Les effets du digital débordent naturellement le péri- mètre de l’entreprise et apportent tout une gamme de médiations aux échanges entre l’entreprise et son écosystème; celui-ci est constitué d’autres en- treprises, de laboratoires etc. et aussi de données (le Big Data). C’est toute la relation à l’information et la donnée qui s’en trouve transformée. D’un point de vue “business”, cela modifie les cycles de développement et les échelles de temps pour l’éla- boration des produits, des solutions et des offres.»
  • 14. 1.1 | L’ère des disruptions 13 Denouvellesrèglesdujeuquetouteslesentreprises doivent intégrer au plus vite. « Tous les secteurs sont en train de se transformer. Du commerce de détail à l’industrie lourde, en passant par l’environnement et la santé. L’innovation affecte tous les secteurs d’activités puisque à chaque fois, c’est l’usage qui change » résume Cécile Brosset, Directrice du Développement de l’Inno- vation de Bpifrance. Un bouleversement général auquel se préparent des entreprises comme EDF. « Avec la digitalisation, nous sommes dans ce que les physiciens appellent l’équilibre instable. Les éléments fondamentaux de rupture sur nos métiers sont en place depuis plus de dix ans: attentes des clients, modes de régulation, ouver- ture des marchés... Les ruptures technologiques sont déjà pratiquement là. Il ne manque qu’un déclencheur pour que tout bascule » affirme Philippe Charton, Coordinateur e-Transformation - Directeur du projet services collaboratifs et com- munications unifiées au sein du Groupe EDF. AVIS D’EXPERT Transformation digitale : jusqu'où aller ? ”C es dernières années ont vu naître et se développer à un rythme effréné les conséquences de la révolution digitale. En effet, les médias sociaux et la mobilité font maintenant partie intégrante de notre quotidien, aussi bien personnellement que professionnelle- ment. Ceci oblige les organisations, publiques et privées à reconsidérer leurs propres fonctionne- ments, replaçant ainsi le client ou l’utilisateur au centre de la chaîne de valeur. De nouveaux mo- dèles économiques apparaissent et les acteurs tra- ditionnels doivent se réinventer pour se différencier de la concurrence traditionnelle tout comme celle des nouveaux entrants. Le principal challenge ren- contré consiste à définir les limites de cette trans- formation digitale, en emmenant l’intégralité des acteurs: collaborateurs, clients, partenaires, … mais aussi comment aller «assez vite» pour assurer une position dominante et différenciante ? Les clients, en effet, souhaitent toujours plus de services, plus de valeur ajoutée, plus de (re)connaissance, … Les données, qu’elles soient internes ou externes sont la clé de cet apport : l’information augmentée sur le client ou sur l’utilisateur sont maintenant au centre de tous les processus, détrônant ainsi le produit qui occupait cette place centrale jusqu’à maintenant. „ Apple Newton, assistant personnel - 1993
  • 15. 14 1.2 Une concurrence exacerbée par le digital L e syndrome de «l’uberisation», c’est, semble- t-il, la nouvelle angoisse de tous les dirigeants d’entreprise. Ce néologisme apparu fin 2013 fait référence à Uber, cette startup américaine qui a violemment bouleversé l’industrie du taxi sur l’en- semble de la planète en moins de quatre ans. De fait, les technologies numériques ont fait sauter en éclat les barrières d’entrée de nombreux marchés laissant s’engouffrer de nouveaux-venus bien déci- dés à s’accaparer une partie de la chaîne de valeur des acteurs historiques. « Aujourd’hui, votre plus grand compétiteur ne vient plus de votre univers traditionnel. Le futur concurrent de Sheraton, ce n’est pas Hilton, c’est Airbnb. Et celui de BMW, ce n’est pas Mercedes, c’est Uber » observe Rishad Tobaccowala, Chief Strategist et Membre du Comité Exécutif de Publicis Groupe. 1 | Un monde qui change… vite ! interview Lagardère Active | Fabien Sfez | Directeur Général du Développement Numérique et Technologique Un nouvel univers concurrentiel «Nos concurrents d’aujourd’hui ne sont plus nos concurrents historiques. Auparavant, chacun avait sa place dans l’écosystème des médias et nous évoluions dans un univers où les règles du jeu étaient bien établies. Aujourd’hui, les compé- titeurs d’Europe 1 ne sont plus seulement RTL ou RMC, mais des entreprises du digital et qui n’exis- taient pas il y a 10 ans. Sur le marché de la presse en ligne, des “pure players” du web sont devenus des concurrents, au même titre que Le Figaro ou Les Echos. Notre enjeu, c’est donc d’émerger, dans ce nouvel univers, en étant différents de nos com- pétiteurs.» TV portable Solid State, circa 1960
  • 16. Même l’industrie lourde n’est plus à l’abri d’une concurrence nouvelle. Safran, par exemple, ob- serve avec attention le développement de SpaceX, cette jeune entreprise californienne d’astronau- tique. « Le succès de SpaceX nous pousse à nous transformer et à nous moderniser. En quelques années, le prix des lanceurs spatiaux a été divisé par deux. Personne ne pouvait imaginer que ce marché allait évoluer aussi radicalement. La re- cette de SpaceX est d’avoir cassé toutes les règles et d’avoir su tirer bénéfice de toutes les techno- logies du digital » souligne un représentant du Groupe Safran. C’est le même phénomène dans l’industrie automobile qui a vu débouler la voi- ture électrique Tesla de façon rapide et inattendue. « Évidemment, Tesla nous fait rêver parce que c’est une nouvelle marque automobile qui com- mence “from scratch” et qui embarque d’office le digital dans sa relation client comme dans ses véhicules » commente Anne-Laure Mérillon, Head of Digital Marketing Peugeot International chez PSA Peugeot-Citroën 15 Vivendi | Bruno Thibaudeau | Directeur Business Innovation Une surveillance des nouveaux modèles «Nous surveillons de près ce que font les nouveaux acteurs sur nos métiers et les modèles qu’ils mettent en place. Mais il ne me semble pas pertinent de se comparer directement à eux car ce sont avant tout des entreprises de technologies qui entrent sur ces marchés des contenus pour faire du commerce. Ce ne sont pas des spécialistes du métier. Ils ont les moyens d’accaparer une part de marché significative mais à partir d’un certain niveau, il y a des barrières à l’entrée liées aux savoir-faire spécifiques du business. Si Netflix veut se lancer dans la production de films, il devra se structurer en conséquence, pouvoir investir des dizaines de millions d’euros sur chaque œuvre etc. En revanche il devient absolument critique de comprendre finement la chaîne de valeur et de détecter les idées d’avenir. » interview 1.2 | Une concurrence exacerbée par le digital “ LA recette de SpaceX est d’avoir cassé toutes les règles et d’avoir su tirer bénéfice de toutes les technologies du digital „Safran
  • 17. 16 Si la concurrence a toujours été rude, la nouveauté générée par le digital, est que l’on ne sait plus d’où viendra la menace. D’où la nécessité d’une veille très active. « Même si on imagine mal des nou- veaux arrivants débarquer sur le marché très spé- cifique de l’acier, nous sommes très à l’écoute en matière de digital. Nous savons que la situation peut évoluer rapidement et que des concurrents peuvent utiliser des leviers technologiques pour changer la donne du marché » explique Michel Tiffon, IT Europe - CIO Office chez ArcelorMittal. interview Bpifrance | Paul-François Fournier | Directeur de l’Innovation et Membre du Comité Exécutif L’innovation est aujourd’hui multiforme «A ujourd’hui, notamment grâce au digital, l’innovation n’est plus seulement techno- logique. La startup Blablacar, qui est l’une des belles réussites de l’écosystème digital français, n’est pas basée sur la plus grosse innovation technologique du siècle. En revanche, elle a opéré un véritable changement d’usages. Il faut un regard plus ouvert sur les différentes facettes de l’innovation. Celle-ci peut aussi s’exercer dans le marketing ou le com- mercial, les usages, les modèles d’affaires, dans les procédés d’organisation et même dans le social. C’est pourquoi nous avons fait évoluer début 2015 nos dispositifs de financement pour couvrir tous ces champs.» “ Des concurrents peuvent utiliser des leviers technologiques pour changer la donne du marché „ArcelorMittal | Michel Tiffon 1 | Un monde qui change… vite ! AquatronVX33byWeltron,radiocassette8pistes-1973
  • 18. 1.3 | La grande menace de la désintermédiation 17 C ela a fait le succès de Google, Amazon, d’Hotels.com et autres Spotify : la désin- termédiation a déjà remodelé des sec- teurs entiers de l’économie comme le tourisme, la musique, les médias ou les télécoms. Mais le danger existe pour toutes les entreprises. « Notre conviction est que le digital va remodeler toutes les chaînes de valeur. Les activités BtoC sont touchées en premier. Mais les activités BtoB le seront à leur tour, même si cela prendra plus de temps » estime Olivier Delabroy Directeur de la Recherche et Développement d’Air Liquide. Un risque qui oblige chaque entreprise à bien identifier ses atouts pour mieux protéger sa rela- tion directe avec ses clients. « Sur la question des systèmes de paiement, l’émergence de nou- veaux acteurs challenge clairement les banques. Or, ce qui fait que des clients estimeront qu’il y a un avantage à passer par un système de paie- ment bancaire plutôt que par Google, c’est la sécurité. Ces enjeux de sécurité et de confiance sont majeurs pour nous » indique Françoise Mercadal-Delasalles, Directrice des Ressources et de l’Innovation, et Membre du Comité Exécutif de la Société Générale. Un discours que l’on retrouve dans la plupart des entreprises. « Dans notre domaine, la désinter- médiation est déjà en cours. Elle ne va pas nous attendre. Notre défi, c’est de l’intégrer dans une chaîne de valeur nouvelle au service de nos clients. Nous trouverons notre place dans un en- vironnement qui se digitalise en combinant habi- lement les outils technologiques et l’humain, qui reste notre savoir-faire et notre atout principal » explique Guillaume Fichefeux, Directeur Marketing et Communication d’Europ Assistance. 1.3 La grande menace de la désintermédiation interview Accor | Romain Roulleau | Directeur e-Commerce / Senior Vice-président e-Commerce Être le meilleur sur l’ensemble de la chaîne «Faire face aux nouveaux acteurs hôteliers, di- rects ou indirects, que favorise le monde digi- tal nécessite que nous redéfinissions notre message. Pour nous, il s’agit d’expliquer qu’en tant qu’hôte- lier, nous avons une maîtrise du parcours client et de ses étapes: rêve, recherche, réservation, séjour et partage. Sur tous ces points, nous allons trouver à chaque fois quelqu’un qui est meilleur que nous. L’idée va donc être d’être meilleur sur l’ensemble de la chaîne plutôt que point par point. Les services digi- taux que nous développons vont nous permettre de répondre de façon englobante aux problématiques auxquelles sont confrontés les voyageurs.»
  • 19. 1 | Un monde qui change… vite ! 18 Pour éviter de faire satelliser par un géant de l’Inter- net, la conception de nouveaux services clients est un levier essentiel. « Les filiales de distribution du groupe Saint-Gobain comme Point P ou Lapeyre ont une problématique : Amazon est-il un concur- rent aujourd’hui, demain ou après-demain ? Et si oui, comment se positionner par rapport à cette concurrence ? » s’interroge Gérald Fafet, Directeur Général de Saint-Gobain Recherche. Chez Point P, par exemple, on a mis en place un système d’alertes de SMS que les clients reçoivent trois heures, puis une demi-heure avant la livraison des marchandises commandées. Voilà un élément parmi d’autres d’une stratégie de digitalisation des magasins suivie par beaucoup d’acteurs disposant d’un réseau physique de distribution. « Nous avons commencé il y a trois ans à accompagner les opticiens sur le web aux États-Unis. Nous com- mençons maintenant à en parler à nos clients en France. La valeur demain pour un opticien sera d’être présent à la fois en boutique et sur le web, c’est fondamental » témoigne Bernard Duverneuil, Directeur des Systèmes d’Information Groupe et Membre du Comité Exécutif d’Essilor. interview Air France | Stéphane Ormand | Director Digital Sales and Promotion Pour l’instant, pas de danger «Pour l’instant, nous ne souffrons pas de ces nouveaux intermé- diaires BtoC qui vendent des billets d’avion sur Internet. C’est compliqué de distribuer des billets d’avion. Nous sommes plus gros et grossissons plus vite que ces intermédiaires BtoC. Aujourd’hui, c’est plutôt eux qui courent après nous. Sur Kayak, par exemple, qui distribue notre offre directe, notre challenge est d’être bien représenté sur leur site. Google est aussi entré sur ce marché, mais ils sont allés moins vite que ce qu’ils prévoyaient.... Bien sûr cela restera vrai jusqu’au moment où nous n’irions plus assez vite ou quand un plus malin trouvera le moyen de rattraper le temps perdu. » Atari 2600, console de jeux - 1977
  • 20. EMIACII,ordinateur analogique,circa1960 1.3 | La grande menace de la désintermédiation 19 Pour sa part, Vinci Park voit apparaître aux États- Unis et en Europe des agrégateurs qui vont collec- ter des places de parking chez des opérateurs pour les proposer directement aux consommateurs. « Y a-t-il un risque de désintermédiation ? C’est en tout cas une nouvelle contrainte liée au digital qui nous oblige à nous adapter. De fait, si nous avons les bons outils digitaux, nous pouvons utiliser ces services d’agrégation pour optimiser nos exploitations aux tarifs et aux périodes qui correspondent aux demandes de nos clients » assure David Kownator, Directeur Général Adjoint - Chief Transformation Officer de Vinci Park. Si un secteur est régulièrement promis à un phé- nomène massif de désintermédiation, c’est celui de l’assurance. Pour AXA, la bataille se jouera sur la capacité des assureurs à rassurer les consom- mateurs sur l’utilisation de leurs données privées. « Aujourd’hui, le consommateur est assez pas- sif sur l’utilisation de ses données. Mais cela va changer rapidement. Certains auront confiance par rapport à une marque ou une entreprise, et d’autres, non. Le but du jeu est que nos clients continuent à faire confiance à AXA en matière de données plutôt qu’à de nouveaux acteurs qui ar- riveraient sur le marché » explique Frédéric Tardy, Directeur Marketing et Distribution Groupe d’AXA. “  C’est une nouvelle contrainte liée au digital qui nous oblige à nous adapter „ Vinci Park | David Kownator AVIS D’EXPERT La stratégie gagnante est de cultiver un esprit de conquête ”L e rythme d’évolution de la société et des nouveaux comportements de consom- mation est exponentiel. Avant, il était possible de prendre 15 ans pour développer un produit. Puis, cette phase est passée à 5 ans et désormais il s’agit de circuits courts de moins d’1 an. Face à ce nouvel environnement, les entre- prises s’agitent beaucoup, mais sont handicapées par leur taille. Car en parallèle, depuis plus de 30 ans, les grandes entreprises françaises se sont consolidées en entités gigantesques de 100 000 ou 200 000 collaborateurs. Ces organisations ont atteintunplafonddeperformance:legainmarginal de l’ajout d’une nouvelle équipe est extrêmement faible, car son activité est vampirisée par la gestion de la structure elle-même. Les grandes entreprises sont sclérosées et suivent difficilement les évolu- tions sociétales. Cet état de fait tend à les posi- tionner sur des réactions défensives pour protéger leurs parts de marché. Or la stratégie gagnante est de cultiver un esprit de conquête, de se remettre en question, de mener de nouvelles batailles, de s’installer sur de nouveaux marchés. C’est la seule façon de survivre à la loi darwi- nienne de l’évolution business.„
  • 21. 2 p.33 2.4 Les produits sont morts, vive les services p.25 2.2 Saisir de nouvelles opportunités p.22 2.1 Le digital, axe stratégique et prioritaire p.29 2.3 (Ré)inventer une relation client p.38 2.5 Casser les silos et favoriser le travail collaboratif p.43 2.6 Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle p.20 2.Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises BrionvegaAlgol11,TVportable-1964
  • 22. 21 L’ année 2015 marque un tournant important dans la prise de conscience de l’importance de la transformation digitale. Les Comex ont tous été sensibilisés, à grands renforts d’études stratégiques et de voyages dans la Silicon Valley. Désormais, les derniers doutes ont disparu et les directions semblent prêtes à avancer vers ce nouvel eldorado digital. Pourtant si la démarche intellectuelle est là, force est de constater que les projets et les avancées concrètes restent difficiles à mettre en œuvre au sein de ces grandes orga- nisations. Les énergies sont libérées, les initiatives foisonnent, mais certains obstacles culturels et organisationnels doivent toujours être levés. SilesacteursduCAC40accordenttousuneattention soutenue aux évolutions digitales que connaissent leurs secteurs respectifs, ils ne s’accordent pas tous sur l’impact réel du phénomène. Pour 40% d’entre eux, il y a ou il y aura à terme une trans- formation profonde de leur modèle économique et pour 10% d’entre eux, la survie même de leur entreprise pourrait être en jeu. Il semble donc qu’une minorité considère à l’heure actuelle qu’il existe un risque sérieux de voir se reproduire dans leur secteur un bouleversement comparable à ce- lui qui a touché les médias, la musique et l’édition. ............................................................................................................... 40% des sociétés du CAC40 considèrent que le digital pourrait impacter en profondeur leur modèle économique ............................................................................................................... Moins de 10% des sociétés du CAC40 estiment que l’évolution des usages numériques pourrait remettre en question la survie de l’entreprise 2. Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises
  • 23. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 22 L a prise de conscience est là. Rares au- jourd’hui sont les grandes entreprises fran- çaises n’ayant pas encore annoncé des plans de développement dans le digital. En mai 2015, le Directeur Général du Groupe Total Patrick Pouyanné expliquait dans une interview à l’heb- domadaire Usine Nouvelle qu’un voyage réalisé en Silicon Valley quelques jours auparavant avait renforcé sa volonté d’engager encore plus forte- ment son groupe dans le numérique. Et d’annon- cer dans la foulée la nomination à brève échéance d’un Chief Digital Officer avec la mission de définir une stratégie digitale sur trois axes : le commer- cial, l’industriel et l’innovation. Quelques semaines avant, c’était Jean-Dominique Senard, le président de Michelin qui déclarait vouloir faire du pneuma- ticien français un leader du monde digital tandis que Michel-Edouard Leclerc dévoilait de son côté un investissement de 1 milliard d’euros sur 3 ans dans le digital et la logistique afin d’éviter à son groupe de distribution de se faire doubler par Amazon. Il faudrait rajouter à cette liste les inves- tissements annoncés dans le numérique de 800 millions d’euros pour AXA, de 225 millions pour Accor, ou encore de 450 millions pour la SNCF. 2.1 Le digital, axe stratégique et prioritaire Europ Assistance | Stéphane Charbonneau | Directeur Groupe Ligne de Métier Famille & Domicile et Membre du Comité Exécutif Accélérer la digitalisation de l’entreprise «Si notre réflexion sur le digital est assez avancée, il nous faut main- tenant accélérer sa mise en œuvre. Nous ne sommes pas en retard, mais dans le passé, nous n’étions pas forcément dans un contexte économique favorable pour lancer de nouveaux projets. Il y a quelques mois, notre Direc- tion Générale a marqué sa volonté de transformer l’entreprise avec le lancement d’un plan stratégique à 5 ans. Il est certain que le digital tient une place prépondérante dans cette transformation, notam- ment à travers la digitalisation des processus métiers et l’utilisation des objets connectés. Cette impulsion vers le digital va se concrétiser par le renforcement de nos moyens, tant sur les outils informatiques que sur les compétences humaines. » interview “Le digital n’est pas un gadget. Une condition de succès est d’avoir une vraie volonté d’entreprise en matière de digital „SNCF | Emmanuelle Turlotte GeneralElectricP-2975,radiotransistoràmodulationdefréquencecirca1960
  • 24. 23 Ces chiffres démontrent, si besoin était, une prise de conscience générale sur les enjeux du digital. Certes, la plupart des grands groupes français n’avaient pas attendu 2015 pour s’intéresser aux technologies numériques. Mais ils ont longtemps abordé le digital avec l’idée qu’il était un sujet par- ticulier avec des enjeux spécifiques et qu’il fallait le développer au sein d’une structure autonome, à l’image d’un Voyages-SNCF.com. Le déclic est intervenu quand les dirigeants de ces grandes entreprises ont réalisé que le digital ne devait pas être développé dans une entité parallèle, mais utilisé comme levier de transformation de leur core business. « Une transformation digitale, ce sont des changements longs, profonds, compli- qués et coûteux. C’est un sujet de Direction Gé- nérale. Si ce n’est pas porté par le management, rien n’est possible » commente Marc Gigon, VP Di- gital, Marketing & Services chez Total. Un avis par- tagé par la grande majorité des artisans sur le ter- rain de cette révolution numérique qui expliquent systématiquement la nécessité d’être soutenus par les instances dirigeantes de l’entreprise. « Il nous reste encore beaucoup à faire en matière de transformation numérique. Mais le point important, c’est que la prise de conscience sur la nécessité de se transformer est une réalité à tous les niveaux de décision. Dans un groupe comme le nôtre où il y a énormément de centres de décision, c’est un atout primordial » se féli- cite pour sa part Bernard Larrivière, Directeur de l’Innovation et de la Veille Stratégique du Crédit Agricole. Une volonté managériale obligatoire pour transformer des organisations forgées autour de business models et de principes d’organisation qui avaient finalement peu évolué depuis des dé- cennies. « Notre objectif est d’avoir aujourd’hui du digital une vision plus stratégique que tactique. Depuis 10 ans, sans plan concerté, l’entreprise a numérisé totalement ou partiel- lement beaucoup de ses processus et de ses activités. L’idée est de repositionner tous ces projets dans une initiative globale » résume un responsable informatique d’une grande entreprise industrielle. 2.1 | Le digital, axe stratégique et prioritaire “Un projet de transformation digitale dans un grand groupe est un projet tellement structurant qu’il faut une volonté managériale très forte au sommet de l’entreprise „Publicis Modem | Jean-Guy Saulou Apple III, ordinateur - 1980
  • 25. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 24 interview EDF | Pierre Béroux | Directeur de la Transformation Numérique Industrielle Un virage numérique récent «Après une longue période un peu frileuse, nous sommes enga- gés depuis environ deux ans dans une révolution numérique globale touchant potentiellement tous nos métiers. L’enjeu est de refaire du nucléaire une industrie d’avenir en y injectant de l’innovation et en la rendant ainsi plus compétitive, plus productive, plus collective. Un levier important de cette trans- formation est de généraliser une approche PLM, en mettant la donnée au centre de la conception des nouveaux projets et faire en sorte que l’on ait une liaison bi-univoque à chaque instant entre la maquette numérique de conception, les spécifica- tions, les standards et les plans de charge des dif- férents fournisseurs. L’équipe qui travaille sur les nouveaux projets est d’ores et déjà complètement dans cette “culture données”. Mais il est fondamental également de faire profiter les installations et projets existants des avancées significatives offertes par le numérique : les grands enjeux industriels et finan- ciers sont d’abord ceux des centrales existantes. » AVIS D’EXPERT Les entreprises françaises n’ont pas encore basculé vers des business models en rupture ”L a transformation digitale est générale- ment abordée dans les grandes entre- prises sous deux angles. Le premier vise à introduire les approches digitales pour améliorer les services et systèmes existants. Les entreprises investissent pour renforcer la relation avec leurs clients, en adoptant une approche hybride entre canaux traditionnels et canaux digitaux. Elles in- vestissent également dans la dématérialisation des processus bout en bout, pour réaliser des éco- nomies, sécuriser leurs activités et créer des par- cours plus fluides jusqu’à la chaîne de production. Ce premier axe de travail est aujourd’hui partagé par la plupart des entreprises ; il permet de faire évoluer en douceur les business models actuels et surtout d’améliorer la résilience des entreprises. Un autre angle d’attaque est celui de la disruption qui est fondée à la fois sur une nouvelle proposi- tion de valeur pour le client mais également un nouveau modèle opérationnel. Des ruptures appa- raissent dans tous les secteurs de l’économie, elles sont généralement favorisée par le digital mais également par les évolutions réglementaires Or, en dehors des start-up, les entreprises françaises n’ont pas encore basculé vers la recherche systé- matique de business models de rupture comme ont pu l’être par exemple le crowdfunding dans le secteur bancaire ou le car-sharing dans le sec- teur automobile. Les freins pour ces entreprises établies sont généralement liés à une double crainte : d’abord la crainte d’accélérer elle-même l’affaiblissement de leur business model tradition- nel, ensuite la crainte de ne pas avoir la rapidité d’exécution pour imposer un modèle en rupture. Être capable de développer des innovations disruptrices constitue pourtant une nécessi- té, quand les nouveaux concurrents menacent jusqu’à 15% du chiffre d’affaires des marchés dits traditionnels dans les toutes prochaines années. La solution ? Passer d’une posture défensive à une posture réellement pro-active dans la recherche des ruptures et investir véritablement dans les projets digitaux d’avenir, en les incubant avec des équipes et des gouvernances dé- diées, en utilisant les codes et la culture de la nouvelle économie.„
  • 26. 25 2.2 | Saisir de nouvelles opportunités «F ace aux bouleversements géné- rés par le digital, attention à ne pas s’enfermer dans un discours défen- sif. Il faut transformer les risques en oppor- tunités. Pour peu que l’on sache opérer cette transformation digitale, les opportunités sont même gigantesques ! » assure Olivier Delabroy Directeur de la Recherche et Développement d’Air Liquide. De fait, le mot «opportunité» revient en permanence dans la bouche de ceux qui sont en charge de la transformation digitale dans les en- treprises. Si des technologies disruptives comme Internet, le Big Data ou l’Internet des Objets désta- bilisent certains business models et certaines acti- vités, elles peuvent aussi constituer de nouveaux champs d’expansion. « Nous voyons passer le train de la digitalisation des usages et des com- portements, et nous n’avons pas d’autre choix que de nous remettre en cause. Il y a une forte marge de progression sur l’activité des lote- ries en ligne. Si le digital nous permet d’attirer de nouvelles populations, c’est encore mieux. À un horizon de 5 ans, nous voulons tripler notre chiffre d’affaires en ligne » assure Cécile Lagé, Directrice Digital, Clients et Innovation de la Française des Jeux. 2.2 Saisir de nouvelles opportunités “ Le digital pèse 35% du groupe, ce qui fait de nous l’acteur du CAC40 avec la plus grosse pénétration de ventes en ligne „Accor | Romain Roulleau interview BPCE | Philippe Poirot | Directeur Développement Digital, Transformation & Qualité Le digital est une menace et une opportunité «Le digital entraîne un bouleversement dans tous les secteurs de l’économie. Il touche les business models, crée de nouvelles valeurs d’usage pour les clients et les collaborateurs. Il est à la fois menace mais aussi opportunité pour les entre- prises. Pour faire face à cet enjeu, nous en avons fait une priorité de transformation, qui nécessite plus d’agilité, d’accompagnement des collabora- teurs, de transversalité au niveau des organisations mais aussi une plus grande maîtrise des technolo- gies, comme celles de l’exploitation des datas ou du développement sur mobile. Tout ceci en offrant aux clients toutes la sécurité et la transparence sur l’usage de leurs données..» Magnavox Odissey, la première console de jeux de salon - 1972
  • 27. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 26 « Nous ne faisons pas du e-Commerce pour avoir de jolis sites et être en couverture de Fast Company. Pour nous c’est un levier de crois- sance majeur, et cela doit être actionné comme tel » martèle Richard Burbaud, Responsable e-Commerce, Ventes et Marketing de Rexel. De fait, le leader français de la distribution BtoB de matériel électrique réalise déjà 13% de son chiffre d’affaires en ligne et souhaite le porter à 20% à brève échéance. Un discours offensif qui est loin d’être unique. « Notre transformation digitale est en forte accélération car les possibilités que nous offre le digital explosent et que le nombre d’acteurs dans ce domaine se multiplie. Cela crée de plus en plus d’opportunités de tirer parti de cet écosystème digital, améliorer nos modes opératoires et la qualité de service à nos clients » considère par exemple David Kownator, Directeur Général Adjoint - Chief Transformation Officer de Vinci Park. Mais les opportunités ne se limitent pas à un élar- gissement de clientèle, elles peuvent se concréti- ser sous la forme de nouveaux business models ou par un repositionnement sur une chaîne de valeur. C’est par exemple le cas dans l’industrie des mé- dias et des contenus où certains acteurs peuvent tirer bénéfice de la désintermédiation en cours. interview Vivendi | Bruno Thibaudeau | Directeur Business Innovation Un potentiel de développement dans les pays émergents «Dans le secteur des médias et des contenus, nous vivons la transformation digitale de- puis déjà plusieurs années. L’enjeu pour nous est très simple : comment vivre et se développer dans un univers fortement numérique ? C’est un vrai défi dans un contexte de mutation incessante des usages et qui connaît de véritables ruptures. Mais nous voyons des opportunités majeures devant nous. Avec le numérique, nous allons pouvoir dé- ployer nos contenus beaucoup plus largement et facilement qu’auparavant. Nous avons par exemple l’ambition de progresser sur les pays dits émergents qui sont très dynamiques et où les populations, jeunes, sont largement digitalisées.»  NokiaTalkman, téléphone transportable - 1985
  • 28. « Un objectif majeur de notre développement dans le digital est la création de contenus digi- talement natifs. Cela signifie financer et pro- duire des contenus destinés à être diffusés sur Internet, sans être liés à des diffuseurs de télé- vision » explique Julien Brault, Directeur Digital et Diversification d’Endemol. Le groupe de pro- duction de programmes télévisés est particulière- ment ambitieux sur le sujet. Fin 2014, l’audience de ses programmes online était d’environ 15 mil- lions de vidéos vues par mois. Pour la fin 2015, il espère multiplier ce chiffre par 20. D’autres secteurs économiques sont également appelés à fortement évoluer. « Avec le Big Data et le prédictif, la prévention des risques sera grandement améliorée, que ce soit dans la maison ou dans la voiture. Ces technologies sont une opportunité pour les assureurs de revenir vers un rôle de prévention, plus en amont sur la chaîne de valeur » affirme Virginie Fauvel, Membre du Comité Exécutif - Directrice Unité Digital et Market Management d’Allianz. De fait, tous les acteurs de l’assurance se préparent à ces changements annoncés. 2.2 | Saisir de nouvelles opportunités 27 “ Le digital ne se résume pas à faire circuler des données dans des tuyaux. C’est une nouvelle façon de fonctionner, de travailler, de concevoir des produits „Air Liquide | Saad El Garrab Ministère des PTT, terminal de vidéotexte Minitel - 1978
  • 29. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 28 « Depuis une dizaine d’années, le web a fait évoluer notre métier avec plus de multica- nal et d’outils de communication temps réel. Mais c’était des améliorations à la marge. Au- jourd’hui, la technologie qui nous permet vrai- ment de reconfigurer notre métier, c’est l’Inter- net des Objets. Que ce soit dans la voiture ou dans la maison, l’IOT nous fournit le socle tech- nique et fonctionnel pour repenser nos activi- tés et nos business models » avance Guillaume Fichefeux, Directeur Marketing et Communication d’Europ Assistance. Et d’évoquer dans la foulée de nouveaux services additionnels à la tradition- nelle assistance automobile comme par exemple des services de type conciergerie. Chez les industriels, il y a aujourd’hui beaucoup de projets en cours pour prendre la vague du Big Data et des objets connectés et trouver ainsi de nouveaux vecteurs de croissance. « Une orien- tation forte de notre stratégie digitale est d’in- vestir sur de nouveaux vecteurs de croissance comme par exemple la «smart city» ou la mai- son connectée » confirme Marc Florette, Membre du Comité Exécutif et Directeur Digital d’Engie. La « smart city » est également au centre de la straté- gie de Veolia. « Un axe de déploiement du digital important pour Veolia est centré sur les datas. Cela concerne le cœur de notre métier comme les “smart cities”, le “smart metering” dans l’eau ou l’énergie, la modélisation des réseaux… En somme, tous les domaines dans lesquels une masse importante de données est produite ou agrégée. Il y a là un potentiel considérable de valeur ajoutée pour nos clients et nos opé- rations » est persuadé Hervé Dumas, Directeur Technique des Systèmes d’Information de Veolia. interview Legrand | Benoît Coquart | Directeur de la Stratégie et du Développement Google va tirer le marché de la domotique «L’acquisition de Nest par Google est une excellente nouvelle. Cela va populariser la notion de bâti- ments intelligents... Et plus un bâti- ment est intelligent, plus il aura besoin d’équipe- ments électriques. Pour être en mesure d’apporter tout ça, il faut une expertise en infrastructures élec- triques que des géants comme Google n’ont pas forcément, et n’ont pas nécessairement intérêt à acquérir. La démocratisation de la domotique am- plifiée par un acteur aussi grand public que Google est aussi et surtout une très bonne nouvelle pour tous les acteurs du domaine, nous les premiers, qui en tireront forcément les bénéfices.» 
  • 30. 29 C omment créer une interaction en conti- nu avec mon client ? C’est peut-être le challenge majeur d’une entreprise en- gagée dans une transformation digitale. Face à des consommateurs toujours plus exigeants et devenus zappeurs par nature, l’avenir de toute entreprise se joue désormais sur une connais- sance toujours plus fine de ses clients et de leurs attentes. Cette connaissance fine, c’est ce qui fait le succès des GAFA et autres nouveaux venus du web avec leurs capacités à dialoguer, écouter et interagir avec leurs clients. « Dans un monde qui se digitalise de plus en plus, l’expérience client s’est en quelque sorte standardisée. Cela nous oblige à un niveau d’excellence cohérent avec cette expérience fluide et omnicanale » observe Guillaume Fichefeux, Directeur Marketing et Com- munication d’Europ Assistance. Même dans le domaine industriel, cette exigence de simplicité et d’efficacité dans la relation client s’est imposée. « Un axe majeur de notre stratégie de digitalisation porte sur la “Digital Customer Experience”. Notre objectif est d’accompagner nos clients du premier contact sur notre portail jusqu’à l’initialisation des services digitaux sup- portant le produit qu’ils ont acheté. Il n’y a pas de raison que cela soit beaucoup plus compliqué pour un produit industriel que pour votre nou- velle imprimante » témoigne Pascal Brosset, Chief Technology Officer de Schneider Electric. 2.3 | (Ré)inventer une relation client 2.3 (Ré)inventer une relation client interview Air Liquide | Olivier Delabroy | Directeur de la Recherche et Développement Favoriser le «easy- to-do-business-with» «Avant même la création de valeur, la première finalité du Digital est d’améliorer la qualité de la relation client, ce que nous appelons le “easy-to-do-business-with”. Grâce au Digital, en simplifiant et en accélérant chaque étape de la relation client, l’entreprise crée une plus grande proximité avec ses clients. Une fois la relation de confiance établie ou renforcée, on peut aller plus loin dans la digitalisation de la relation en s’échan- geant de plus en plus de données. C’est un cercle vertueux qui s’installe ainsi.» PanasonicOrbitel,TV,1970
  • 31. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 30 Pour les entreprises ne vendant pas en direct leurs produits, le digital constitue une véritable oppor- tunité de créer de nouvelles interactions avec leurs consommateurs, que ce soit par les réseaux so- ciaux, le web ou d’autres moyens de communica- tion. « Dans notre métier essentiellement BtoB- toC, le digital a rendu l’accès au particulier plus facile. Hier, il y avait deux grandes méthodes pour s’adresser au particulier : le showroom et la publicité à la télévision. Aujourd’hui, nous parvenons grâce au digital à toucher le particulier de façon plus fine, de lui fournir la bonne information, et de l’amener jusqu’à l’acte d’achat » s’enthousiasme Benoît Coquart, Directeur de la Stratégie et du Développement de Legrand. D’autres industriels s’engagent également dans la création de communautés pour mieux promouvoir leurs produits. « Sur le marché des pièces de rechange, un enjeu pour Valeo est de développer des communautés de clients. Sur ce marché BtoB, on ne vend jamais en direct aux garagistes, mais à un grossiste qui va lui- même vendre aux garagistes. L’enjeu est que les garagistes achètent des produits Valeo, qu’ils vont ensuite prescrire au consommateur final » explique François Marion, Group Corporate Plan- ning and Strategy Vice-President de Valeo. Dans ce but, Valeo a commencé à mettre des QR codes sur certains de ses produits afin que les gara- gistes puissent accéder directement par un clic au système d’information de Valeo. interview L’Oréal | Lubomira Rochet | Chief Digital Officer et Membre du Comité Exécutif La bataille de la personnalisation «Un axe stratégique pour L’Oréal est la bataille de la person- nalisation. Aujourd’hui, nous ne pos- sédons pas de données clients. Ces données, elles sont chez nos distributeurs. Il y a pourtant une vraie nécessité à pouvoir communi- quer de manière plus personnalisée et de manière plus contextuelle avec nos clients. Cela ne signifie pas que nous allons créer d’énormes bases de don- nées dans tous les sens mais cela veut dire qu’il faut que nous puissions travailler de concert avec les distributeurs pour personnaliser nos messages.» TV portable, circa 1960
  • 32. 31 Pour toutes les entreprises, l’enjeu est le même : collecter des données clients pour mieux connaître les consommateurs et mieux cerner leurs besoins. « Au cœur du digital, il y a la data. Et cette data, d’un point de vue non technologique, c’est le consommateur. Nous sommes en prise directe avec ce consommateur via le digital. Ce qui va changer dans la relation avec le client, c’est que nous allons tout faire dans le réseau pour mieux adresser ce dernier, et exploiter, croi- ser efficacement les informations dont nous disposons » affirme Michael Aidan, Directeur du Digital de Danone. Même son de cloche chez Per- nod-Ricard qui s’est équipé récemment d’un outil de DMP (Data Management Platform) pour mieux gérer et analyser les données consommateurs. « Pour Pernod Ricard, la maîtrise de la donnée est un enjeu stratégique. C’est un levier fantas- tique par exemple pour retrouver un contact plus direct, plus personnalisé, avec le consom- mateur » explique Maël Tannou, Head of Digital, Sales and Marketing Solutions de Pernod Ricard. Dans l’univers du BtoC, le chantier majoritaire des entreprises dans l’amélioration de la relation client reste la mise en place du multicanal. Un chantier souvent complexe. « Comment trans- former toute la relation client, caractérisée par un héritage historique important puisque les activités ont été construites en silo, avec des systèmes d’information dont le but était d’être hermétiques, afin d’avoir des parcours mixant du web, de la boutique, du téléphone, de l’inter- vention...? Voilà la grande question que pose la digitalisation en termes de vision client » détaille Mari-Noëlle Jégo-Laveissière, Directrice de la Division Innovation, Marketing et Techno- logies et Membre du Comité Exécutif d’Orange. 2.3 | (Ré)inventer une relation client interview Total | Marc Gigon | VP Digital, Marketing & Services Créer des expériences clients différentes «I l est possible de créer des expé- riences clients différentes avec le digital pour laver sa voiture ou faire le plein de car- burant ! Il y aussi un enjeu de désengorgement des stations, d’amélioration des processus. Ce sont des expériences assez classiques de parcours d’achat, d’analyse des «pain points» des clients qui nous per- mettent d’améliorer l’expérience client à différentes étapes. Nous avons ainsi identifié un axe important de business sur les usagers «non conducteurs» des véhicules. Chez Total, nous pensons aux enfants ou aux passagers en co-voiturage. Les raisons pour lesquelles ces passagers s’arrêtent dans une station sont différentes de celles du conducteur. A nous de leur offrir des raisons fortes de choisir nos stations. Nous pensons, par exemple, au téléchargement de musique ou de films sur une tablette, facilité par l’accès au Wifi dans nos stations.»
  • 33. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 32 Un chantier du multicanal également stratégique pour Kering, avec la volonté d’utiliser le canal In- ternet comme un levier d’amélioration de la rela- tion client. « L’essentiel est d’accélérer la mise en place d’une expérience multicanal pour les clients de nos marques. C’est en cela que l’e-Commerce est un enjeu stratégique : parce que c’est le moteur d’une expérience multica- nal. Cela n’est évidemment pas incompatible avec le développement d’internet comme canal de distribution, mais c’est avant tout un moyen d’apporter de nouveaux services à nos clients » justifie Sébastien Hua, e-Bbusiness & Omnichan- nel Director de Kering. La FNAC s’est engagée elle aussi dans une ambi- tieuse stratégie multicanal. Aujourd’hui, envi- ron 40% des achats faits sur le web sont retirés en magasin selon le principe du click & collect. « Le multicanal nous aussi a amené à revoir les outils de nos vendeurs : ils accèdent dé- sormais à plus d’informations sur les produits mais aussi sur le client. Cela constitue une vraie transformation de l’acte de vente : le client et le vendeur peuvent discuter en partageant l’infor- mation directement à l’écran et le vendeur peut réaliser la totalité du parcours d’achat, ce qui est une attente forte de nos clients » ajoute Benoît Fremaux, Directeur DOSI et de la Transformation Digitale de la Fnac. Kering | Sébastien Hua | e-Business & Omnichannel Director Renouveler sur le web la personnalisation de l’expérience client «Ce qui fera la différence dans le luxe, c’est la capacité à recréer dans un univers en deux dimensions la qualité de service et l’expérience personnalisée exceptionnelle que l’on trouve dans une boutique. Il y a 30 ans, le vendeur d’une boutique de luxe pouvait connaître personnellement ses meilleurs clients et leur offrir une expérience individualisée. Ce que permet la technologie, c’est de maintenir ce degré de per- sonnalisation alors que l’industrie du luxe a changé d’échelle de façon considérable en quelques années, et s’est complexifiée en se globalisant. Si vous êtes client d’une marque de luxe et que vous visitez une boutique pendant vos vacances au bout du monde, vous voulez quand même qu’on vous reconnaisse et qu’on vous offre le même service personnalisé que dans la boutique où vous avez vos habitudes près de votre domicile.» interview
  • 34. 33 2.4 | Les produits sont morts, vive les services 2.4 Les produits sont morts, vive les services À l’heure du digital, fabriquer un bon pro- duit ne suffit plus. Tout d’abord, parce que les demandes des consommateurs ont évolué. Mais aussi et surtout, parce que les GAFA et autres stars de l’Internet ont bouleversé toutes les règles du commerce. Pour Amazon, Uber et autres Booking.com, la bataille se joue essentiel- lement sur les services offerts aux clients, qu’il s’agisse de simplicité d’accès, de disponibilité, de rapidité de livraison, de suivi sur le long terme ou d’accompagnement personnalisé. Pour les indus- triels traditionnels, le risque est énorme : Celui de se faire “satelliser par un nouveau venu qui vien- drait s’intercaler entre eux et les consommateurs et qui les enfermerait dans un rôle de simples sous-traitants. « Les consommateurs attendent autre chose aujourd’hui : ils ne désir-ent plus simplement acheter un produit, ils veulent une relation avec lui, un échange de données. Ils veulent plus d’engagement, plus d’authenti- cité, plus d’histoires, plus de connexion. Pour entretenir cette connexion, il faut donc créer de nouveaux types de contenus, de services et d’expériences autour de nos produits » résume Lubomira Rochet, Chief Digital Officer et Membre du Comité Exécutif de L’Oréal. “ Peugeot ne vend plus seulement un véhicule, mais toute une prestation de services „PSA Peugeot-Citroën | Anne-Laure Mérillon TV portable, circa 1970
  • 35. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 34 Cette remise en question des business models existants ne concerne pas seulement l’industrie du luxe et des produits de beauté. La probléma- tique est finalement la même dans tous les sec- teurs économiques : développer une dimension «services» autour des produits pour construire une relation forte et durable avec son client. C’est par exemple le cas dans l’industrie automobile qui a été longtemps organisée autour du produit. « Le digital challenge aujourd’hui toute l’entre- prise afin qu’elle soit plus proche de son client dans la durée. Aujourd’hui, Peugeot ne vend plus seulement un véhicule, mais toute une prestation de services. Ce sont par exemple les nouveaux services connectés comme l’appel d’urgence ou l’appel d’assistance. Demain peut- être, le consommateur n’achètera plus un véhi- cule comme un bien, mais comme un service partagé ou sous d’autres formes encore » sou- ligne Anne-Laure Mérillon, Head of Digital Marketing Peugeot International chez PSA Peugeot-Citroën. Ce recentrage sur les services concerne le BtoC, mais aussi beaucoup les activités BtoB. « Une par- tie de nos gammes de produits se banalise. Le choix pour un client professionnel d’acheter de l’huile hydraulique chez nous plutôt que chez un concurrent va se faire sur la qualité du service proposé : suivi de la livraison, logistique, ana- lyse de l’huile en service, etc. Le digital va jus- tement permettre d’augmenter notre gamme de services à destinations de nos clients » note Marc Gigon, VP Digital, Marketing & Services chez Total. interview Gemalto | Frédéric Martinent | Directeur Marketing Produit, Division « Marketing Mobile » De la carte SIM à la prestation de marketing direct «Smart Message est un dispositif technolo- gique intégré aux cartes SIM permettant à des annonceurs de communiquer avec des consommateurs à travers le mobile. La nouveauté avec le Smart Message, c’est la décision straté- gique de Gemalto de ne plus vendre cette tech- nologie aux opérateurs téléphoniques comme un outil mais de le commercialiser sous la forme d’un service accessible en mode SaaS à tout type de clients. Ce repositionnement nous a obligés à repackager notre offre, repenser nos processus et nos business models. Son mode de commercia- lisation est celui d’un service de marketing direct avec un modèle de prix au CPM ou au CPL. Alors que Gemalto est à l’origine un industriel BtoB, nous avons dû recruter des experts du marketing BtoC pour commercialiser cette offre de services à de nouveaux interlocuteurs. Aujourd’hui, nous avons des compétences similaires à celles d’une agence de marketing direct classique qui apporte du conseil pour bien réussir une campagne sur télé- phones mobiles, dans le choix des cibles, des mots, des meilleurs horaires…»
  • 36. 35 Parmi ces nouveaux services proposés par Total figurent par exemple des tableaux de bord per- mettant le suivi de consommation. « Grâce au digital, on peut transformer une entreprise qui vend des produits en une entreprise qui vend une offre de valeur incluant des services. A tra- vers le monde, nous traitons des millions de sa- lariés sur leurs lieux de travail. Les infirmières sont connectées à notre système d’informa- tion via une tablette qui leur donne la liste des personnes à soigner. Ce que l’on vend, ce n’est plus un produit, c’est un acte de soin et ce sont les entreprises qui achètent directement cette prestation » explique le directeur innovation d’un grand groupe pharmaceutique. Dans le BtoB, un autre exemple emblématique de ces changements de business models est visible dans l’industrie aéronautique où la vente d’équi- pements laisse peu à peu la place à des enga- gements de bon fonctionnement sur la durée. « Cette évolution du marché basée sur une facturation à l’utilisation, comme par exemple des moteurs pour l’aéronautique civil, impose des changements au niveau de nos business models et de notre marketing » précise Bertrand Delahaye, Directeur de la Démarche de Moderni- sation du Groupe Safran. Des changements ren- dus possibles par l’essor des technologies des ob- jets connectés et de Big Data qui permettent aux industriels de garder une connexion directe avec leurs équipements et de fournir à leurs clients des services associés. 2.4 | Les produits sont morts, vive les services interview Volvo | Laurent Geray | Planning & Innovation Manager Se positionner sur de nouveaux services «Nous sommes une entreprise industrielle pour l’instant peu orientée services. La digitalisation pour Volvo est au cœur de la transformation d’une entreprise indus- trielle en une entreprise de services. Aujourd’hui, en termes d’offre de services, nous sommes très proches de l’opérationnel : financement de véhi- cules, forfaits de maintenance... Demain, nous irons sur des couches plus tactiques ou stratégiques en utilisant les données issues de nos véhicules, les données CRM, etc. Cela nous permettra de nous positionner sur de nouveaux services, comme par exemple dans la gestion de flotte ou dans celui de la logistique. Un camion a beaucoup plus de cap- teurs qu’un véhicule standard. L’objectif va être de recenser l’ensemble des éléments de collecte de données que nous possédons, avant même de ré- fléchir à ce que nous pouvonsen faire. La donnée est récupérée pour l’instant dans des systèmes de bases de données parfois assez âgées, qui ne com- muniquent pas entre eux. Imaginer le Data Lab de demain est un enjeu majeur.» Seiko data 2000, montre intelligente - 1983
  • 37. JVCVideosphere,T V - 1970 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 36 interview Alcatel-Lucent Enterprise | Pierre-Antoine Thiebaut | Head of Field Marketing Nous ne vendrons plus des boîtes, mais des services «C’est la transformation la plus fondamentale : celle qui touche le cœur de métier de l’entre- prise. Nous sommes en train de passer d’un métier où l’on vendait des boîtes à un métier où l’on vend des services, et même des bénéfices clients. Long- temps, on a vendu des équipements télécoms, ils fonctionnaient dix ans, et puis on venait les chan- ger, et cela repartait pour dix ans. L’immense défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, c’est la connexion, c’est-à-dire que nous devons ap- prendre à vendre des systèmes connectés en per- manence avec des services et des bénéfices mesu- rables. Ce sont des méthodes de vente totalement différentes puisque l’on sera sur des modes de fac- turation à l’usage ou à l’utilisateur. Cette transfor- mation génère toute une série de questions : com- ment facturer ces nouveaux services, comment gérer ce nouveau type d’offres, que va-t-on don- ner au client comme informations, etc. Cela passe évidemment par une meilleure connaissance du client, comment il utilise notre système, pourquoi il n’actionne pas telle ou telle fonction. Au final, nous devons offrir une valeur à notre client en lui four- nissant des clefs de compréhension des usages de ses systèmes télécoms. » De fait, une diversification dans les services se généralise chez les fabricants d’équipements in- dustriels. « Concernant les services, nous nous concentrons sur ceux liés au bon fonctionne- ment de nos produits. Un certain nombre de systèmes que nous concevons demandent à être "maintenus" en permanence en activité. Cela va nécessiter de la maintenance préventive, qui entrera dans notre offre de services. Nous pou- vons aussi proposer des solutions complètes à des centres d’appel, avec logiciel de suivi du matériel et des clients, que nous allons facturer au mois » détaille Benoît Coquard, Directeur de la Stratégie et du Développement de Legrand.
  • 38. 37 2.4 | Les produits sont morts, vive les services interview Chez Schneider Electric, les services comptent désormais pour 30% de son chiffre d’affaires. Un virage entamé il y a 5 ans avec de lourds inves- tissements dans les logiciels et les services. « Ces services associés, ce sont des outils de configu- ration, d’optimisation, de monitoring ou d’évo- lution de produits. Mais attention, Schneider n’a pas vocation à devenir une société de services. Nos services sont avant tout destinés à augmen- ter la valeur de nos produits. C’est pourquoi la plupart de ces services sont délivrés par nos distributeurs. Ces services et ces logiciels sont conçus par Schneider, mais ils sont utilisables par ses partenaires » explique Pascal Brosset, Chief Technology Officer de Schneider Electric. “  Aujourd’hui, nos clients veulent un produit avec des services qui l’accompagnent tout au long de son cycle de vie „Schneider Electric | Pascal Brosset Airbus | Pascal Eymery | Head of Customer Service Strategy Deployment & Capabilities Des missions de consulting «Nous récupérons un certain nombre de données brutes sur l’avion afin d’analyser des sources possibles de réduction de la consommation de fuel. Nous pré- sentons ensuite les données aux compagnies aé- riennes, que nous pouvons ensuite accompagner au travers de mission de consulting. Nous vendons des data packages, qui peuvent aller jusqu’aux ins- tructions de modifications.»
  • 39. P our une grande entreprise, c’est peut-être l’un des grands défis associés au digital : instaurer le travail collaboratif en mode transversal. L’existence des silos est en effet l’hé- ritage de l’organisation industrielle qui a prévalu pendant des décennies avec des processus stan- dardisés et une hyperspécialisation des tâches et des métiers. Si ce modèle inspiré entre autres par le taylorisme et le fordisme a fait ses preuves pen- dant des décennies, il constitue aujourd’hui un frein dans une « nouvelle économie » dans laquelle prévalent les qualités de rapidité, d’agilité et de capacité d’innovation permanente. Sur des mar- chés devenus changeants et incertains, le Time to Market est devenu un impératif. Mais si multiplier les interactions entre les différents métiers dans une startup ou une PME n’apparaît pas comme un objectif trop ardu, c’est une toute autre affaire dans des organisations peu étanches de plusieurs dizaines ou centaines de milliers de collaborateurs. « En matière de transformation digitale, la taille des entités et le nombre de salariés est une va- riable importante. Il y a des choses qui marchent facilement sur de petits nombres. Sur de grands nombres, c’est souvent beaucoup plus compli- qué » fait remarquer Marc Florette, Membre du Comité Exécutif et Directeur Digital d’Engie. Pour décloisonner l’entreprise, la première étape est généralement très technique avec des chantiers informatiques classiques fondés sur des outils assurant la transversalité de l’information (CRM, PLM, EDI,…) et des fonctions de communica- tion. « La première transformation digitale a été interne avec le remplacement de la plupart de nos outils informatiques comme les logi- ciels de relation commerciale ou de gestion 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 38 2.5 Casser les silos et favoriser le travail collaboratif PSA Peugeot-Citroën | Anne-Laure Mérillon | Head of Digital Marketing Peugeot International Le collaboratif transversal : toujours un défi pour les grands groupes «Le digital est en train de trans- former entièrement l’entreprise. Cette transformation, c’est de pouvoir entrer en mode collaboratif et casser les silos pour mieux des- siner des stratégies qui embarquent tous les métiers. Le digital est au cœur de ces nouvelles interactions. Aujourd’hui, cette collaboration est beaucoup plus fluide même si cela reste compliqué dans de grands groupes où il y a beaucoup de monde à rassembler.» interview
  • 40. 39 de la paie, ou encore de notre messagerie par une offre dans le cloud. Il y a aussi évidement l’évolution des outils du quotidien en termes de mobilité, de vidéo, de collaboratif ou de commu- nications unifiées pour rendre nos salariés plus efficaces et plus agiles » raconte Pierre-Antoine Thiebaut, Head of Field Marketing d’Alcatel-Lucent Enterprise. Particulièrement dans le domaine in- dustriel, le concept de «continuité numérique» est désormais stratégique. « En matière de produc- tion, la continuité numérique est un axe majeur. De la maquette 3D à la maintenance, on garde ainsi les mêmes schémas tout le long du cycle de vie du produit. Cela change les métiers » confirme Bertrand Delahaye, Directeur de la Démarche de Modernisation du Groupe Safran. Cette continuité nu- mérique, c’est ce qu’Essilor a réussi à mettre en œuvre avec des flux de don- nées clients qui circulent en temps réel du maga- sin de l’opticien jusqu’au centre de production des verres optiques. « L’amélioration du traitement de la data nécessite de travailler sur l’ensemble de la chaîne digitale. Il faut être capable de prendre les mesures d’un consommateur avec des ins- truments de plus en plus sophistiqués, d’ajouter les informations complémentaires (ordonnance, mutuelle...) avant de les entrer dans la chaîne qui va les router vers le laboratoire qui réalisera la commande » explique Bernard Duverneuil, Direc- teur des Systèmes d’Information du Groupe Essilor et Membre du Comité Exécutif . 2.5 | Casser les silos et favoriser le travail collaboratif “ Il nous faut apprendre à tirer le maximum de valeur du travail collaboratif „Veolia | Hervé Dumas Mattel Intellivision, console de jeux, 1978
  • 41. RIM, pager interactif - 1996 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 40 Permettre techniquement à des dizaines de milliers de salariés de pouvoir communiquer et collaborer ensemble n’est pas toujours simple. Chez Veolia, la solution a été la mise en place d’un programme de gestion d’identité digitale. « Pour la première fois dans l’histoire de l’entreprise, nous bénéficions d’un système global permettant à 90 000 per- sonnes de collaborer entre elles à tout moment. Si l’on veut permettre une association efficace des personnes, de l’information et des proces- sus, il est nécessaire de mettre en œuvre des automatismes et une simplification du système de gestion de l’identité digitale » rappelle Hervé Dumas, Directeur Technique des Systèmes d’Infor- mation de Veolia. “ On utilise des outils collaboratifs ou des sites web dédiés pour échanger en permanence à chaque phase du projet „Capgemini | Didier Bonnet interview Capgemini | Didier Bonnet | Senior Vice-President, Global Head of Practices De nouvelles façons de travailler en mode interactif «Avec les outils numériques, les façons de travailler sont en train de changer radicalement dans les métiers du conseil. Autrefois, nous étions sur des processus cadrés et très séquencés : écriture d’une proposition, brief, réalisation des slides et envoi du dossier. Aujourd’hui, tout est plus inte- ractif. On utilise des outils collaboratifs ou des sites web dédiés pour échanger en permanence avec nos clients à toutes les phases du projet. Il faut également être capable de tester une idée ou un concept grâce à des POC (Proof of concept). Peut-être faudrait-il mettre en place une nouvelle application mobile pour les clients d’une chaîne de distribution ? Immédiatement, il faut être ca- pable de tester cette solution sur deux magasins témoins et réaliser des analytics pour vérifier la pertinence de la proposition. »
  • 42. 41 Si cette première étape de mise en place d’outils est indispensable, elle n’est pas toujours suffi- sante. Encore faut-il que les salariés transforment aussi leurs façons de travailler. « Nous utilisons désormais beaucoup les outils Google pour leur qualités collaboratives. Mais cela exige un vrai changement de comportement. Nous avons formé nos équipes à ce nouvel état d’es- prit, mais il est nécessaire de pousser encore plus » raconte Fernando Birman, Head of Digital Office du Groupe Solvay. Un constat similaire à la FNAC qui déploie un réseau social d’entreprise (RSE) avec plusieurs fonctionnalités collaboratives. «Ces outils doivent servir la transformation digi- tale de l’entreprise avec plus d’agilité et de col- laboration. L’enjeu principal est donc humain, car les méthodes de travail collectives et indivi- duelles vont changer» témoigne Benoît Fremaux, Directeur DOSI et de la Transformation Digitale de la FNAC. interview Veolia | Hervé Dumas | Directeur Technique des Systèmes d’Information Tirer le maximum de valeur du travail collaboratif «La nouvelle organisation du Groupe Veolia est encore récente. Son bon fonctionnement et sa performance seront étroitement liés à sa capa- cité à embrasser la culture collaborative et à mettre le seuil de mutualisation et de standardisation au bon niveau. Passer d’un extrême à l’autre, d’une organisation très décentralisée à l’ultra-centralisa- tion, serait périlleux. Il nous faut apprendre à tirer le maximum de valeur du travail collaboratif, du par- tage des bonnes informations au bon moment, ceci afin de rendre le fonctionnement de l’entreprise plus fluide et plus efficace.» “ L’enjeu principal est donc humain, car les méthodes de travail collectives et individuelles vont changer „FNAC | Benoît Fremaux 2.5 | Casser les silos et favoriser le travail collaboratif Disk II, lecteurs de disquettes 5¼" - 1978
  • 43. 42 Changer les méthodes de travail traditionnelles : c’est ce que PSA Peugeot-Citroën a récemment réussi à faire dans le cadre d’un chantier majeur qui consistait à développer une plateforme unique pour tous les sites web de la marque dans plus de 87 pays. «Notre défi majeur dans ce projet était d’en faire un vrai projet d’entreprise transver- sal. Une approche “user centric” ne se résume pas seulement à une mise en avant de véhicules neufs. Nous avons fédéré l’ensemble des métiers autour du projet, c’est-à-dire en premier lieu la DSI et l’offre des véhicules neufs, mais aussi les services après-vente, les contrats de service, la banque, les services accessoires et les services connectés, les véhicules d’occasion...» se félicite aujourd’hui Edwige Badoureaux, Responsable e-Business chez PSA Peugeot-Citroën . 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises AVIS D’EXPERT Une culture du partage transversal “L a transformation des organisations tradi- tionnelles en organisations “digitales” se retrouve à tous les niveaux hiérarchiques, et en premier lieu, au niveau de la Direction. Qu’ils soient nommément reconnus en qualité de «Chief Digital Officer» ou en complément d’une fonction de Direction, Membres du Comité Exécutif pour certains, leur rôle est d’incarner ce nouveau mode de fonctionnement à l’intérieur de l’organisation, rompant avec des silos inhérents à différents mé- tiers ou activités. Au cœur des organisations elles- mêmes, ce phénomène de transformation digitale a un impact majeur auprès des collaborateurs. En effet, les digital natives sont – parfois – les plus à mêmes de s’adapter à ces modes de travail inten- sément collaboratifs. On voit aussi apparaître des actions aussi fortes de sens que le reverse men- toring, les plus jeunes servant de guides à leurs ainés. Néanmoins, la transformation majeure vient du partage même de l’information elle-même, à tous les niveaux et partout elle est nécessaire, en la sécurisant si nécessaire, mais en évitant des dupli- cations, parfois sources d’erreurs, d’omissions, et dont la mise à jour laissait parfois à désirer. Voici venu le temps du temps réel, partagé et accessible.„ Ordinateur central, circa 1960
  • 44. 43 2.6 | Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle «P lus que les solutions techniques en elles-mêmes, la digitalisation im- pacte les organisations, les femmes et les hommes, les processus, la compréhension des impacts de bout en bout» affirme François Pereira, Directeur IT Multicanal France & Groupe de Carrefour. Une conviction désormais partagée par l’immense majorité des dirigeants des grandes entreprises françaises. 2.6 Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle Technip | Thierry Chamfrault | Directeur Méthodes et Qualité de la Direction des Systèmes d'Information Avant tout une transformation sociologique «Le Digital est trop souvent lié aux technolo- gies et à une flopée de termes techniques tels le cloud, le Big Data... preuves d’un marketing de l’IT fort efficient. Mais derrière ces outils, on ne voit pas suffisamment la transformation humaine. La véritable transformation n’est pas technologique. Elle est avant tout sociologique et sociétale grâce à cette capacité du digital à rassembler des gens ayant les mêmes préoccupations et les mêmes objectifs.» “Derrière ces outils, on ne voit pas suffisamment la transformation humaine „Technip | Thierry Chamfrault interview Visio n 2000, stereo - 1971
  • 45. 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises 44 Le digital ne transforme pas seulement la vie quotidienne des consommateurs ni l’offre à leur proposer, mais aussi la façon de fonctionner des grandes organisations, et ce, à tous les niveaux de l’entreprise. « La transformation digitale est une affaire duale chez nous : c’est bien sûr ce que nous vendons, mais aussi la capacité à nous transformer nous-mêmes. La transformation en interne recouvre de nombreux champs : archi- tecture physique et technique avec la mise en place d’un certain nombre d’outils, compétence des collaborateurs, changement de culture de management » renchérit Mari-Noëlle Jégo- Laveissière, Directrice de la Division Innovation, Marketing et Technologies et Membre du Comité Exécutif d’Orange. Même discours à la Française des Jeux qui se pré- pare à une refonte de ses modes de fonctionne- ment avec l’arrivée du digital. « Le digital impacte l’ensemble de l’entreprise. L’ambition de passer rapidement notre chiffre d’affaires de 3 à 10% sur le digital ne concerne pas seulement la direction digitale. On se rend compte qu’il faut changer énormément de choses, et cela devient du coup une opportunité d’évolution pour l’ensemble de l’entreprise » fait remarquer Cécile Lagé Direc- trice Digital, Clients et Innovation de la Française des Jeux. “ Le digital est devenu l’affaire de tous, et plus seulement d’une communauté d’experts „HEC | Bernard Ramanantsoa Renault | Patrick Hoffstetter | Chief Digital Officer / Directeur Digital Factory Le digital vient tout secouer «Côté transformation culturelle, les deux années à venir vont être capitales car nous sommes en train d’enclencher une vraie transfor- mation de l’entreprise en termes de formation et d’éducation qui touche aussi bien l’interne et nos employés que l’externe et nos concessionnaires. C’est un chantier compliqué car au-delà des ba- siques à prendre en compte, c’est une nouvelle façon de travailler, voire des nouveaux modèles à mettre en place sur un secteur qui jusqu’à mainte- nant était assez traditionnel et un métier qui n’a pas énormément évolué jusqu’à maintenant. Le digital vient tout secouer dans beaucoup de secteurs.» interview Welt ronModel2001,8TrackStereoAM-FMMultiplex-1970
  • 46. 45 2.6 | Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle Si la gestion intégrée des entreprises entamée de- puis longtemps avec les ERP a peu à peu modifié la façon de travailler, la digitalisation, elle, oblige à revoir la façon même de penser l’entreprise. « Il est clair que la transformation digitale n’est pas limitée à la digitalisation de certains processus ou de certains services » constate pour sa part David de Amorim, Directeur Innova- tion de Docapost, filiale de La Poste. C’est pourquoi le digital est désor- mais abordée comme beaucoup d’entreprises comme une véritable révolution culturelle. « Dans notre transformation digitale, il y aura bien sûr des chantiers technolo- giques, mais l’orientation prio- ritaire sera centrée sur la trans- formation culturelle. Comment transformer nos mentalités pour se mettre dans un mode de pensée différent, concernant notamment le travail collaboratif, la mobilité ou l’innovation ? » S’interroge Benoît Fremaux, Directeur DOSI et de la Transformation Digitale de la FNAC. Dans la plupart des organisations, les responsables en charge du digital se voient d’ail- leurs plus en évangélisateurs qu’en chefs de projets. « Au-delà des projets menés, nous faisons beau- coup de prosélytisme sur les impacts du digital sur les organisations, les méthodes, la conduite de projet, le management. Cette transformation culturelle est pour nous un enjeu majeur » té- moigne Philippe Poirot, Directeur Développement Digital, Transformation & Qualité de la BPCE. “ La transformation digitale n’est pas limitée à la digitalisation de certains processus ou de certains services „La Poste | David de Amorim Synthétiseur analogique modulaire - circa 1970
  • 47. 46 2 | Le digital, nouveau champ de bataille des entreprises Même dans les entreprises dont les modèles d’af- faires ne sont pas directement remis en cause par le digital, l’acculturation au digital est aussi une priorité. « Mon objectif est de définir une vision, d’installer un langage commun pour que le digital s’intègre naturellement dans la culture de Pernod Ricard. Même si notre secteur n’est pas autant impacté que d’autres, comme le tou- risme par exemple, nous devons régulièrement challenger notre business modèle à travers le prisme du digital. En effet, nos consommateurs et nos clients sont de plus en plus connectés et les modes de socialisation et de conviviali- té changent. Il est donc impératif que nous en comprenions les impacts pour réinventer notre offre consommateurs. Cela concerne autant les produits eux-mêmes que sur  la manière dont on les vend. » témoigne Antonia McCahon, Glo- bal Head of Digital Marketing de Pernod Ricard. “ Comment transformer nos mentalités pour se mettre dans un mode de pensée différent, concernant notamment le collaboratif, la mobilité ou l’innovation ? „FNAC | Benoît Fremaux SNCF | Emmanuelle Turlotte | Directrice Stratégie Transformation Digitale, Marketing et Data Le Digital oblige à changer les règles du jeu « Le digital est une transformation culturelle. Il n’y a pas nécessai- rement de résistance à ce changement, mais il faut toutefois acquérir de nouvelles compétences, adop- ter de nouvelles méthodes et changer parfois cer- taines règles du jeu. C’est vrai par exemple avec les fonctions IT, qui ont à gérer des systèmes qui n’ont pas été conçus à l’époque d’Internet, avec ses vo- lumes de requêtes, ses vitesses de développement, ses technologies, et qui fonctionnent plutôt en "cycle en V". C’est vrai aussi du marketing, qui doit se réinventer avec l’abondance des données, les mul- tiples interactions clients, et les nouveaux entrants. Ou encore des Achats pour tout ce qui concerne le «sourcing partenaires». Quand on veut travailler avec une startup, il est difficile d’exiger de sa part une rentabilité sur dix années et des références clients prestigieuses. Il faut accepter ces nouveaux acteurs, raccourcir les cycles de décision. C’est un boulever- sement des habitudes. C’est le métier de manager lui-même qui évolue avec le digital.» interviewEMIACII,ordinateur analogique,circa1960
  • 48. 47 2.6 | Une transformation tous azimuts… et une révolution culturelle Si tous les métiers sont ou seront à terme transfor- més par cette révolution culturelle, les efforts les plus immédiats concernent en premier lieu les équipes de front office, celles qui sont en contact direct avec les clients. « Le changement culturel est considérable pour les populations marketing et commercial : il faut leur maintenant penser «clients» plutôt que «produits» ou «points de vente», abolir les silos entre les business units, travailler en proximité avec l’informatique, comprendre les nouveaux usages des consom- mateurs, renforcer les capacités analytiques... » énumère Marc Gigon, VP Digital, Marketing & Services de Total. Mais toute la difficulté d’une transformation cultu- relle, c’est qu’elle doit être large et massive pour être efficace. Ce qui signifie une révolution cultu- relle, non seulement au sein de l’entreprise, mais étendue à tous ses écosystèmes, et en particulier à ses réseaux de distribution. C’est par exemple l’enjeu pour Alcatel-Lucent Enterprise dont 100% du chiffre d’affaire est réalisé en indirect. « Cette transformation fondamentale de notre métier et de nos business models est un défi pour nos distributeurs. Cela exige de leur part de grands efforts d’adaptation sur un marché qui n’avaitpaschangépendantdesannées.Nous avonsdoncmisenplaceunprogrammed’ac- compagnement en co-investissement, car si nos distributeurs ne font pas cet effort, c’est nous qui allons en payer le prix » indique Pierre-Antoine Thiebaut, Head of Field Marketing d’Alcatel-Lucent Enterprise. C’est donc un chantier énorme d’accultura- tion au digital qu’ont commencé les entre- prises françaises. Un défi même pour une entreprise comme Publicis Groupe qui a lar- gement investi dans le numérique par le biais d’acquisitions et qui réalise aujourd’hui plus de la moitié de son chiffre d’affaires dans le digital. « Nous sommes aujourd’hui dans la partie dif- ficile de notre transformation : c’est la culture, les gens, la gestion du changement. Et tout le monde sait que ce qui fait le succès d’une or- ganisation, c’est la culture, et rien d’autre » rappelle Rishad Tobaccowala, Chief Strategist et Membre du Comité Exécutif de Publicis Groupe. “ Ce qui fait le succès d’une organisation, c’est la culture  „Publicis Groupe | Rishad Tobaccowala Videopac de Philips, console de jeux - 1979
  • 49. 48 3 BrionvegaAlgol11,TVportable-1964 p.48 3.Les vecteurs technologiques de la transformation p.57 3.3 L’Internet des Objets pour garder le contact avec son produit ou son client p.50 3.1 Le mobile au cœur de la vie digitale p.53 3.2 Le Big Data pour mieux valoriser la donnée p.60 3.4 Des outils pour personnaliser sa relation client p.62 3.5 Des outils collaboratifs pour décloisonner l’entreprise
  • 50. 49 M ulticanal, Big Data, Internet des Objets… Les nouvelles technologies sont là et com- mencent à irriguer infiltrer les grandes entreprises françaises. Si le consensus veut que la révolution digitale soit avant tout culturelle avant d’être technologique, la transformation ne peut cependant se faire sans ces nouveaux outils. Or comprendre et maîtriser ces technologies n’est pas aisé. En France comme ailleurs, le top mana- gement doit parvenir à se rapprocher des collabo- rateurs qui comprennent et savent tirer parti des instruments de la transformation. Il est également essentiel que ces derniers puissent eux-mêmes être davantage représentés au plus haut niveau de décision de l’entreprise. Les perceptions ont évolué. Désormais 45% des entreprises du CAC40 identifient la technologie comme un accélérateur business. La direction des systèmes d’information, longtemps laissée pour compte, a l’opportunité de conquérir un rôle clé au sein des entreprises. Pilier de l’intégration du digital au sein des activités, la DSI peine pourtant à entrer dans les cercles décisionnaires. Et son rôle dans les projets métiers n’est pas toujours suffi- samment affirmé. Seules 15% des entreprises du CAC40 considèrent que les objectifs des organisa- tions IT sont véritablement alignés sur les objectifs des métiers. Le développement de la DSI se fera probablement en parallèle d’une évolution glo- bale des organisations, s’ouvrant davantage à des experts du digital et valorisant leur apport straté- gique à sa juste valeur. ............................................................................................................... 45% des entreprises du CAC40 identifient la technologie comme un accélérateur business ............................................................................................................... Moins de 15% des entreprises du CAC40 considèrent que les objectifs des organisations IT sont alignés sur les objectifs des métiers 3. Les vecteurs technologiques de la transformation