1. METAMORPHOSE/voir vidéo
Par un enroulement dans un pan de
ouate, je masque ma présence corporelle.
Ma gestuelle devient conditionnée par
l’enveloppe, la déambulation se fait au
sol, à l’aveugle.
La respiration étant difficile, je me sers
d’un tube de cuivre comme tuba. Je peux
également m’en servir comme télescope et
regarder l’espace extérieur, voir sans
être vu, et m’orienter. Le bruit de la
respiration amplifié par le tube indique
alors si je regarde par l’orifice ou non.
Je chemine jusqu’à une cimaise sur
laquelle est accroché un support papier.
Je vais passer de l’espace du sol à celui
de la feuille. Ma main sort, munie d’un
feutre. J’écris.
Le dessin des lettres est rendu difficile,
par le conditionnement du corps, de
plus je ne vois pas ce que je fais. La
typographie est tout juste lisible. Ce
Performance réalisée à l’EESAB lors d’une soirée organisée à ce titre
Langages et gestes
n’est qu’après avoir écrit les éléments formels accompagnant une
enveloppe (l’adresse...), que l’on peut comprendre qu’il s’agit d’une
lettre : L’isolement disparaît et laisse place à la relation à l’autre.
Dès le début de La métamorphose de Kafka, le personnage se transforme
en insecte, et rompt avec le langage parlé. De même, je romps avec la
communication verbale. Mon expression réside simplement dans la forme
créée par mon enveloppement.
Nous rentrons effectivement dans un langage sculptural: La ouate
traduit le corps, le tube de cuivre traduit la respiration et le point
de vue. Tout au long du déplacement je vais également jouer avec ma
relation avec le public situé en hauteur, en le regardant par l’orifice.
La sculpture créée évoque l’action «america likes me and i like
america» de Joseph Beuys lorsqu’il se trouve dans le feutre, son
«Eurasienstab» dépassant du tissu.
2.
3. En linguistique, on dit que les énoncés performatifs
décrivent l’action de celui qui les utilise. Ici il en est
de même, l’énoncé est assimilé à son geste, conditionné par
la situation du corps.
Ce n’est qu’après avoir commencé à écrire qu’une analogie se fait
entre le «geste sculpturale» et le «geste littéraire»: En effet alors
que le corps se déplaçait difficilement dans l’espace du sol, c’est
la main qui prend le relais se déplaçant tout aussi difficilement sur
l’espace du papier, le dessin des lettres en est la marque. La mention
des éléments appartenant au registre épistolaire comme le destinataire
et l’expéditeur joue avec la notion d’enveloppe présente par la ouate et
par la lettre.
L’analogie est renforcée par l’idée d’une «performance performative»:
«J’ai
un du mal
à écrire»
La performance va jouer sur un comique de situation, proche de la
dérision. En effet alors que je tente de m’isoler durant la performance,
que j’«animalise» mon corps et fait disparaitre mon expression verbale,
je ne peux m’empêcher de signifier par le geste. Je communique malgré
moi.
A la fin de la performance je sors du
cocon, et les objets utilisés pendant
l’action sont re-disposés. La ouate
devient le moulage de mon corps, elle
fait alors pensée «Leaf Horn» d’ Andy
Goldsworthy. La performance se termine.
Nous rentrons dans un autre travail:
CORPSDIALEMENT,
La performance donne lieu à une
installation qui reprend tous les
objets utilisés lors de l’action,
scène à laquelle s’ajoute la vidéo
que vous avez vu ; une modification
visuelle est apportée en baissant
légèrement la qualité de l’image.
Alors que la vidéo ne montrera
plus que le contexte dans lequel
la ouate, le cuivre et l’écriture
ont été agencés, ils deviennent
observables dans leur intégrité
par leurs présentation dans
l’installation.
Complémentarité
4.
5. fonctionnement
La ouate est un isolant thermique, le
cuivre est un conducteur.
L’idée de la chaleur est contenu dans la
ouate a conservé les formes d’un corps.
Ensuite vient le cuivre qui consiste
simplement à lier le sol à la cimaise,
autrement dit, la ouate et le papier.
Le papier commence à se refermer sur lui
même, il faut donc incliner la tête pour
tout lire :
«cher Mariolina, j’ai un du mal à
écrire».
L’énoncé que contient la lettre-
enveloppe renvoie non pas au destinataire
mais à l’auteur, c’est-à-dire à la ouate
ainsi qu’au feutre posé au sol.
La représentation tourne
en boucle. Cet ensemble
«fonctionne» par la
qualité des matériaux
employés et la forme qui
leur a été donnée.
Alors que la vidéo nous présente un geste de 10mn 30 environ, elle
disparaît de l’ensemble, pour laisser place aux matériaux et aux
objets. Le «récit» de l’action est finalement absent. Dans cette
trace de performance, le geste est réduit à son fonctionnement.
L’installation devient autonome.