3. LE POINT AVANT-PROPOS
74, a v e n u e du M a i n e ,
75682 Paris Cedex 14
Tél. : 01.44.10.10.10
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22, r u e R e n é - B o u l a n g e r
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Directeur de la publication :
Franz-Olivier Giesbert
Rédaction en chef :
Catherine Goliiau
Assistante :
Sylvana Priouret
O n t participé à ta rédaction Par Catherine Golliau
de ce n u m é r o :
Moharnmad Ali Amir-Moezzi,
Mahmoud Azab, |osé Costa,
Daniel De Smet, François Déroche,
Oleg Grabar, Éric Geoffroy,
ui fut donc le fondateur de l'islam, aujourd'hui
Mahmoud Hussein, Michaet Lecker,
Christian |ulien Robin,
Charles Saint-Prot, Thierry Zarcone.
Avec :
Victoria Gairin, Pauline Marceillac,
Q la deuxième religion du monde avec 1,3 milliard
de fidèles ? Un bédouin illettré, un homme d'af-
faires cultivé ? Un ambitieux manipulateur, un
Laurence Moreau, Éric Vinson. vrai mystique ? L'islam signifie « soumission » : le Coran,
Édition :
lean-Pierre Kogut
la parole de Dieu révélée à Mahomet, impose-t-il une
Iconographie : religion de l'obéissance ? Dans ce Proche-Orient du
Isabelle Eshraghi
Révision :
vn siècle, riche en hérésies et en prédicateurs, comment
e
Olivier Boillet et Francys Gramet ce Mecquois réussit-il à vaincre
C o n c e p t i o n et réalisation : ses concurrents ? Depuis l'origine,
Rampazzo & Associés
Diffusion et d é v e l o p p e m e n t :
les juifs mais surtout les chrétiens Le Prophète
|ean-François Hattier, se sont montrés hostiles envers aurait-il approuvé
Tél. : 0 1 4 4 10 1 2 01
ifhattier@lepoint.fr
ce prophète armé surgi du désert. la naissance
Publicité : À travers les Croisades puis la
Xavier Duplouy, colonisation, les Occidentaux ont de l'islamisme?
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xduplouy@lepoint.fr une part de responsabilité dans Rien n'est moins sûr.
Le Point, fondé en 1972, est édité par la la naissance de l'islamisme
Société d'exploitation de l'hebdomadaire
Le Point - Sebdo.
d'aujourd'hui. Mais Mahomet aurait-il approuvé ces
Société anonyme au capital de « martyrs » poseurs de bombes ? Aurait-il été séduit par
1 0 1 0 0 1 6 0 euros,
74, avenue du Maine,
ces femmes dissimulées sous de longs voiles noirs? Rien
75682 Paris Cedex 14. n'est moins sûr, le Coran, les témoignages des Compa-
R.C.S. Paris B 312 408 784 gnons du Prophète, mais aussi les dernières découver-
Associé principal : ARTEMIS S.A.
Président-directeur général : Cyrille Duval
tes sur l'Arabie de cette époque le prouvent. Car, en
dépit des pressions des fondamentalistes, des historiens
Dépôt légal : à parution - n° ISSN 0242 - 6005 -
n° de commission paritaire : 0610 C 79739
courageux s'acharnent à découvrir dans quelles condi-
tions fut faite la Révélation coranique, et dans quelle
Impression : Maury Malesherbes 45331
Diffusion : Presstalis.
société vécut son Prophète. Leurs découvertes sont
LE POINT contrôle les publicités étonnantes, dérangeantes aussi. Ce sont ces révélations
commerciales avant insertion pour qu'elles
soient parfaitement loyales.
que Le Point vous invite ici à découvrir. Sans a priori.
Il suit les recommandations du Bureau Pour mieux comprendre qui était Mahomet, le messager
de vérification de la publicité.
Si, malgré ces précautions, d'Allah.
vous aviez une remarque à faire,
vous nous rendriez service en écrivant au
ARPP - 23 rue Auguste-Vacquerie
75116 PARIS CEDEX
AUP P
Toute reproduction est subordonnée
à l'autorisation expresse de ta direction-
du Point.
L e P o i n t Hors-série n° 6 | Les Maîtres-Penseurs | 3
4. SOMMAIRE
Retrouver Mahomet? 6
par Catherine Golliau
À la recherche du Mahomet historique 8
par Michael Lecker
Point de v u e : Faire connaître la Sîra 12
par Mahmoud Hussein
LA VIE 16
Naissance d'un prophète 16
par Catherine Golliau
Le Voyage nocturne : la rencontre avec Allah 20
par Catherine Golliau
Repères : L'Arabie saisie 23
par la fièvre prophétique
par Christian Julien Robin
Médine : l'apprentissage d'un homme d'État 27
par Laurence Moreau
Le chef de guerre 31
par Laurence Moreau
*»mh«
Le Testament du Prophète 33
par Catherine Golliau
Les dates de Mahomet 36
WHO'S WHO 38
Abu Bakr, A'isha, Ali... 38
par Pauline Marceillac et Victoria Gairin
LA REVELATION 48
Le mystère du Coran 48
par Catherine Golliau
De la parole à l'écrit 50
par M o h a m m a d Ali Amir-Moezzi
Repères : Qui étaient les juifs d'Arabie? 54
par |osé Costa
5. Talmud-Coran : les points de rencontre 56
par José Costa
Entretien : François Déroche 60
«Le Coran est un texte flexible au cours du temps»
Les Cinq Piliers de l'islam 63
par Éric Vinson METHODE
Le vrai Djihad 69
Le but de ce hors-série est
aussi de faire découvrir les
par Éric Vinson textes fondateurs de l'Islam et
les textes anciens qui le concer-
La femme vue par le Coran 71 nent. Les articles sont donc
par Catherine Goliiau s o u v e n t accompagnés d'ex-
traits de textes (en beige).
Entretien : Oleg Grabar 73 Les mots et les n o m s grais-
«L'islam ne peut plus lutter contre l'invasion des images» sés et a c c o m p a g n é s d'une
étoile sont à retrouver dans
le lexique.
LA POSTÉRITÉ 76
L'histoire d'une épopée 76
TRANSCRIPTION
par Catherine Goliiau
L'arabe est transcrit en général
Le droit, fondement de la société musulmane 82
selon la règle internationale,
sauf pour certains mots entrés
par Charles Saint-Prot dans le vocabulaire français
c o m m e M a h o m e t , Kaaba,
Entretien Daniel D e S m e t 86 chiisme, soufisme...
«Dans le chiisme modéré, Mahomet révèle le texte,
l'imam en détient la clé»
Les « vêtus de laine » du soufisme 90
par T h i e r r y Zarcone
Le message caché de Mahomet 95
par Éric Geoffroy
Entretien : Mahmoud A z a b 98
«L'islam libéral n'a jamais disparu»
Se convertir aujourd'hui 101
par Victoria Gairin
L'islam aujourd'hui (carte) 104
Chronologie de l'islam 106 Les extraits du Coran pu-
Lexique 108
bliés dans ce hors-série
sont, sauf mention contrai-
Bibliographie 114 re, tirés du Coran traduit
par Régis Blachère (Édi-
t i o n s M a i s o n n e u v e et
La rose, 1949).
6. INTRODUCTION
Retrouver Mahomet ?
Longtemps, le Prophète est resté un sujet intouchable pour les historiens. Aujourd'hui, l'afflux de
sources nouvelles a enrichi sa biographie. Au risque du révisionnisme ?
e fondateur de islam est, vérifier la validité des souvenirs en reste et si Pierre le Vénérable
L de tous les grands fonda- rapportés par tel ou tel Compa-
teurs de religions, l'un des gnon pour pouvoir in fine fournir
rares dont l'existence sem- une liste crédible des paroles du
traduit le Coran au XII siècle, c'est
pour mieux le réfuter. Dès le
Moyen Âge, Mahomet apparaît,
E
blait jusqu'ici ne pouvoir être Prophète. dans les chroniques, comme l'hé-
remise en doute. Sa vie et sa per- Très vite toutefois, il a été admis rétique, le vilain, le menteur, celui
sonnalité nous sont en effet que les versets du Coran étant la qui nie la divinité du Christ et qui
connues par de nombreux témoi- parole de Dieu, le Coran est ini- a pillé les textes juifs. Voltaire et
gnages dont la plupart peuvent mitable (et non influençable...). Ernest Renan ne seront pas plus
être considérés comme crédibles. Sa langue, c'est-à-dire l'arabe du tendres.
Ainsi nous savons que le prophète Hedjaz, est parfaite. Quant à Ma-
qui a transmis le Coran, livre sacré homet, le dernier et le plus ac- L'audace des historiens
de l'islam, était un bédouin du compli des prophètes, il est si Mais comment l'historien mo-
vii siècle, vivant à La Mecque, en grand qu'il ne peut être repré-
e
derne peut-il espérer connaître le
Arabie. Un homme sage, parfois senté. Sur cette base, toute inter- plus objectivement possible les
guerrier, souvent juge de paix, rogation sur ses motivations ou conditions de la Révélation? Mi-
confronté aux problèmes quoti- ses actes se sont révélés impos- chael Lecker (cf. p. 8) nous rappelle
diens de sa jeune communauté de sibles, et les rares qui tentèrent à quel point la numérisation et la
croyants, notamment par ceux de d'enfreindre cette règle le payè- diffusion sur Internet de docu-
son harem. rent parfois de ments hier inaccessibles sont en
Que valent ces ré- leur vie. train de modifier l'islamologie. Ce
cits d'un point de L'Occident a toujours C'est d'Occident, n'est plus seulement dans le Co-
vue historique? entretenu avec l'islam le vieil ennemi, ran, les hadith ou la Sira que l'on
Les m u s u l m a n s une relation ambiguë que viendront, au peut trouver des informations sur
eux-mêmes se sont de fascination xix siècle, les pre-
e
posé rapidement mières approches
la question. Les et d'hostilité. purement histori- LE
paroles du Pro- ques de la vie de CORAN
phète (les « dits » ou hadith*) et, Mahomet. Avec des intentions pu-
dans une moindre mesure, ses res? Ce n'est pas sûr. L'Occident a
actions telles qu'elles sont rap- toujours entretenu avec l'islam « Allah
portées par les chroniques qui une relation ambiguë de fascina-
composent la Sîra * (cf. p. 12) ont tion et d'hostilité, les musulmans
omniscient »
servi à éclairer les aspects les étant les ennemis, ceux qui « M a h o m e t n'est le p è r e
moins clairs du Coran et à éta- avaient fait chuter Byzance, et de n u l de v o s m â l e s , m a i s
blir le dogme : de la validité des s'étaient emparés du tombeau du il est l ' A p ô t r e d ' A l l a h e t le
témoignages dépendait en effet Christ à Jérusalem. Si le Coran Sceau des Prophètes.
l'avenir de l'islam. Au ix siècle, fustige les chrétiens et les juifs en
e
A l l a h , d e t o u t e c h o s e , est
l'érudit ouzbek Bukhâri* consa- les accusant d'avoir falsifié la pa- omniscient. » •
cra ainsi sa vie à rassembler et role de Dieu, ceux-ci ne sont pas
Sourate XXXIII, 40.
Les Maîtres-Penseurs Hors-série n° 6 L e Point
7. INTRODUCTION
islamique », 1977), livre écrit avec
l'historien Michael Cook. Les
deux auteurs renonceront plus
tard à cette thèse, mais pas à dé-
mythifier la Révélation musul-
mane, au risque du scandale : « Le
Coran est un texte sacré doté
d'une histoire, comme tout autre
- sauf que nous ne connaissons
pas cette histoire et que nous dé-
clenchons des hurlements de pro-
testation quand nous l'étudions »,
se défendra Patricia Crone.
Près de vingt ans plus tard, en
Allemagne, sous le pseudonyme
de Christoph Luxenberg, des is-
lamologues se fonderont sur le
grand nombre de mots d'origine
araméenne et syriaque dans le
Coran pour affirmer qu'il n'est
qu'un texte chrétien, au mieux
« une production littéraire de
l'Antiquité tardive » (Die Syro-
aramàische Lesart des Koran,
2000).
Quant à Mahomet, ce ne serait
pas, selon eux, le nom d'une per-
sonne, mais un prédicat pour
désigner « le serviteur et messa-
À Ispahan (Iran), fresque r e p r é s e n t a n t ger d'Allah », c'est-à-dire... Jésus.
M a h o m e t . Son visage est caché car « il est si g r a n d La thèse est osée, et témoigne
qu'il ne peut être r e p r é s e n t é ». d'un révisionnisme dont la radi-
calité vaut bien celle des fonda-
l'Arabie du V I I siècle et sur la vie
E caine Patricia Crone provoque-t- mentalistes qui veulent appliquer
du Prophète, mais sur les pierres elle une polémique en affirmant à la lettre, au xxi siècle, les paro-
e
gravées du désert yéménite enfin que l'hégire*, ce jour de l'année les du Prophète. Nombre d'histo-
décryptées par les philologues, ou 622 où Mahomet abandonna riens réfutent d'ailleurs ces posi-
les chroniques racontant la vie de La Mecque pour s'installer à Yath- tions extrêmes, mais les faits sont
telle oasis. rib, futur Médine, serait une re- là : les conditions de la Révélation
Dans le même temps, si le champ constitution opérée bien des an- musulmane, et donc la biogra-
d'informations s'élargit, l'audace nées après la mort du Prophète, phie de l'homme qui l'a fait
des historiens aussi. De nombreu- cette date étant devenue le début connaître, sont plus que jamais
ses recherches sont menées sur du c a l e n d r i e r m u s u l m a n . des enjeux politiques et scientifi-
les relations entre le judaïsme et « Aucune source du vn siècle e ques. Mahomet n'est pas seule-
l'islam, les prophètes concurrents n'identifie la période arabe comme ment aux mains des islamistes
de Mahomet, etc. Certains abou- étant celle de l'hégire » affirme-t- qui veulent réinventer l'islam des
tissent à des conclusions hardies, elle dans Hagarism. The Making origines, il est aussi dans celles
voire iconoclastes. Ainsi, dans les of the Islamic World (« Le haga- des historiens. •
années 1970, l'islamologue améri- risme. La naissance du monde CATHERINE GOLLIAU
L e P o i n t Hors-série n° 6 | Les Maîtres-Penseurs | 7
8. LES SOURCES
Yathrib (actuelle Médine), au temps de l'hégire
8 | Les Maîtres-Penseurs | Hors-série n° 6 L e P o i n t
9. LES SOURCES
sur l'histoire de La Mecque et
de Médine à l'époque médié-
vale.
Les nouvelles technologies sont
à cet égard d'une grande aide.
Des milliers d'ouvrages de la lit-
térature classique en arabe sont
maintenant accessibles par In-
ternet et libres de droit. Plu-
sieurs banques de données in-
À la recherche
cluant des milliers de volumes
ont été créées à travers le monde
musulman. Les avancées de la
du Mahomet
high-tech permettent ainsi de
mener des recherches il y a en-
core peu impossibles. Ce qui hier
historique
e x i g e a i t des mois p r e n d
aujourd'hui quelques secondes.
Ce phénomène est, bien sûr, à
l'œuvre dans d'autres champs de
la recherche, mais il commence
Les historiens disposent aujourd'hui de moyens considérables seulement à donner des résultats
pour cerner au plus près la vie du Prophète. dans l'étude de l'histoire musul-
mane, notamment dans la re-
constitution des textes.
Rien de plus facile dorénavant
a tradition arabo-musul- En l'espèce, notre premier outil que de comparer différents ma-
L mane nous apporte de
multiples informations
sur les premiers âges de
est la philologie, c'est-à-dire
l'analyse critique des textes.
Longtemps, les historiens se
nuscrits pour juger de l'état
d'un verset, de trouver des pa-
rallèles ou des variantes pour
l'islam en général et la vie de sont tournés vers des sources aboutir finalement à établir un
Mahomet en particulier. Mais évidentes comme Les Biogra- texte correct et dont le sens sera
certains historiens modernes phies du Prophète (cf. p 12) ou la juste. Dans l'univers des manus-
ont mis en évidence les lacunes vaste somme des hadith*. Mais crits en arabe, des problèmes
et les incohérences de ces récits, ces textes posent problème à majeurs peuvent dépendre en
et ont pour cela été accusés de l'historien, notamment en rai- effet d'un mot ou d'une lettre.
« révisionnisme ». Difficile pour- son de leur aversion pour les Prenez, par exemple, le docu-
tant de nier des manques... dont faits concrets et les aspects pra- ment dénommé la Constitution
certains étaient d'ailleurs connus tiques de la vie du Prophète. de Médine, parce qu'il serait le
depuis longtemps. Faut-il pour De plus, les frontières entre les premier texte juridique établi
cela en conclure que nous man- différents genres de la littéra- par Mahomet. Une clause y sti-
quons d'informations solides sur ture musulmane ne sont pas pule qu'un groupe de juifs forme
la vie de Mahomet? Non, nous clairement définies, et, la formi- une Umma, une communauté.
disposons bien au contraire de dable figure du Prophète étant Mais dit-elle vraiment cela?
milliers d'informations utiles partout présente, des informa- Dans un manuscrit d'Hydera-
au regard de l'historien, et il faut tions essentielles peuvent appa- bad, en Inde, l'écriture du mot
s'attendre à ce que d'autres raître au hasard de manuscrits Umma n'est plus la même : le
encore soient découvertes dans inattendus, par exemple, des mot présente un caractère sup-
un proche avenir. documents portant témoignage plémentaire avec un point • • •
L e Point Hors-série n° 6 | Les Maîtres-Penseurs | 9
10. L E S SOURCES
• • • diacritique (nun, équiva- mettre intactes à leurs propres à des délégations étrangères,
lent du n) et c'est amana/amina, étudiants. Ceux qui se sont char- mais les archéologues demeu-
la promesse d'une protection, gés de rassembler les témoigna- rent interdits de recherches à
qu'il faut lire. Ainsi, il suffit ges sur les faits et gestes de Ma- La Mecque comme à Médine,
d'un petit caractère pour que le homet adhéraient à la même bien évidemment les sites les
texte entraîne vers des conclu- définition du savoir, même si plus significatifs. De plus, il a
sions d'une tout autre portée. Il leurs standards en matière de été fait état de destructions dé-
ne s'agit plus ici de t r a n s m i s s i o n libérées de sites archéologiques
décrire un groupe le défi auquel sont étaient plutôt sou- dans ces deux villes ainsi qu'à
de juifs comme une confrontés les ples. Les notions Ta'if. Toutefois, le potentiel est
communauté : le d'originalité et d'in- énorme. On peut présumer qu'à
texte dit que ce chercheurs est dû à novation n'entraient l'image traditionnelle d'une
groupe et ceux qui l'état défectueux de pas dans leur ma- Arabie préislamique pastorale
vont le suivre béné- nombreux documents nière de voir. se substituera bientôt celle, plus
ficieront d'un aman, très anciens. Faut-il s'en plain- complexe, d'une civilisation
qu'ils seront proté- dre? Certes non. avancée fondée sur le commerce
gés... Tel est donc le Prenez al-Khabar et l'agriculture.
défi auquel sont confrontés les 'an al-bashar, « L'histoire de Mais la géographie historique
chercheurs du fait de l'état dé- l'humanité », cette encyclopédie est également un champ de re-
fectueux de nombreux docu- compilée il y a cinq siècles par cherche prometteur. Les cartes
ments très anciens. le lettré cairote Ahmad al- dont nous disposons pour ces
Maqrîzî (1374-1442) : elle n'est deux villes présentent certes des
Chronologies différentes faite que de citations, grandes lacunes car la localisation de
L'accès plus facile à des milliers et petites, de livres plus anciens plusieurs sites cités par la Tra-
de textes a aussi d'autres consé- qui sont maintenant perdus ou dition demeure encore incon-
quences : les connaissances qui peut-être mal catalogués quel- nue. C'est particulièrement vrai
semblaient acquises, parce que que part dans le monde... La pour Médine, où il est pourtant
fondées sur des sources recon- chronologie des témoignages vital de disposer de cartes fia-
nues, peuvent rapidement deve- historiques et celle des livres où bles pour comprendre les étapes
nir obsolètes quand, grâce à ils ont été trouvés de la p r i s e de
Internet, n'importe qui peut sont donc deux cho- Dans la littérature contrôle de Maho-
avoir accès à des textes jusque-là ses bien différen- met et de ses Com-
dédaignés par les experts. Même tes : les témoigna- musulmane, pagnons.
si l'analyse n'est pas la même ges les plus anciens les notions de « tôt » Le plan (cf. p 8), éta-
chose que la chasse aux infor- peuvent se trouver et de « tard » sont bli à partir de celui
mations, il est clair que le cher- dans des livres an- plus relatives de la Médine mo-
cheur doit jeter son filet de plus ciens aussi bien que derne, n'est qu'une
en plus loin à la recherche de dans des livres plus qu'absolues. première approche.
nouveaux faits, bien au-delà des récents, ce qui élar- Il indique, au nord-
sentiers battus. git d'autant le champ de docu- ouest, la ville de Yathrib, nom
Or, dans cette quête, il faut gar- ments utiles pour enquêter sur donné avant l'Islam à l'ensem-
der à l'esprit que dans la littéra- la vie de Mahomet. ble des petites villes de la zone.
ture musulmane les notions de Et l'archéologie, direz-vous? Sa À côté du cadre topographique
« tôt » et de « tard » sont plus re- contribution à l'étude de la vie général (les vallées qui s'éten-
latives qu'absolues. Les compila- du Prophète ne s'est pas encore dent du sud-est au nord-ouest ;
teurs de hadith considéraient en vraiment concrétisée. Les auto- les deux plaines de lave à l'est et
effet comme leur devoir de pré- rités saoudiennes sont certes à l'ouest), plusieurs appellations
server les connaissances reçues plus enclines que jamais à don- ont disparu pendant les premiè-
de leurs maîtres et de les trans- ner des autorisations de fouilles res années de la présence mu-
10 | Les Maîtres-Penseurs | Hors-série n° 6 L e Point
11. LES SOURCES
sulmane, probablement parce de Médine ! Mais l'identité de la homet, son professeur, le grand
que les terres correspondantes source n'a rien à voir avec son juriste Abu Hanîfa* (mort en
ont été divisées entre leurs nou- historicité, ni avec sa valeur 767), lui lança : « Qui était le
veaux propriétaires et ont pris pour la recherche historique : p o r t e u r de drapeau de Go-
alors leur nom. grâce à cette information, nous liath? », faisant ainsi allusion à
Telle quelle, cette carte peut être savons maintenant que peu de l'ignorance et à la prétention
utilisée avec profit pour com- temps après son arrivée à Mé- des prêcheurs populaires qui
prendre certains faits histori- dine, Mahomet possédait une utilisaient volontiers leur ima-
ques, comme le montre le cas large pièce de terre à Zuhra, en gination pour compenser leurs
suivant, qui combine à la fois plus d'un verger. l a c u n e s d a n s la
l'utilisation de la géographie Nous savons par connaissance des
historique et des informations d ' a u t r e s sources La philologie et sources. Pour Abu
extérieures aux sources tradi- que ses v o i s i n s la géographie Hanifa, de toute fa-
tionnelles que sont les Biogra- étaient des juifs, ce historique sont çon, les batailles du
phies de Mahomet. Le narrateur qui pourrait ame- Prophète comme
évoque ici une dispute pour sa- ner à une révision des champs celle, mythique, de
voir quel était le premier pro- de la manière dont, de recherche David contre Go-
priétaire d'un waqf, ou fonda- jusqu'ici, on envisa- prometteurs. liath, relevaient
tion charitable, à Médine, et les geait ses relations également du non-
« compétiteurs » ne sont autres avec cette popula- sens. Abu Yusuf
que Mahomet lui-même et celui tion à son arrivée à Médine, et répondit alors, probablement
qui sera le second calife, Umar peut-être aussi sur les condi- d'un ton menaçant : « Vous êtes
{cf. p. 45). « Peu de temps après tions politiques et économiques un imam*, mais je jure par Al-
que le Messager d'Allah vienne mêmes de son installation. lah que, si vous continuez à agir
s'installer à Médine, il "trouva" ainsi, je vais vous interroger
une large portion de terrain à Mahomet avait installé devant tout le monde pour sa-
Zuhra qui avait appartenu aux son propre marché voir laquelle, de Badr (cf. p. 32)
gens de Ratij et d'Husayka. Ils Ainsi, nous avons découvert ou d'Uhud, est la bataille la plus
avaient été expulsés de Médine que Mahomet avait installé son ancienne, car vous ne le savez
avant son arrivée et avaient propre marché. Information qui pas. »
laissé derrière eux une vaste n'intéressait pas les compila- Les historiens modernes sont
étendue de terre. Elle compre- teurs comme les lettrés du comme Abu Yusuf : armés de
nait une partie vide, sans arbres Moyen Âge, généralement plus leurs connaissances en philolo-
ni champs, qui s'ajoutait à une intéressés par les sujets reli- gie, de cartes fiables et d'un ma-
jeune palmeraie non irriguée gieux, spirituels et juridiques tériel textuel d'une grande ri-
appelée al-Hashashin. Mahomet que par la vie pratique. Une c h e s s e et d ' u n e e x t r ê m e
donna une partie de cette terre anecdote résume bien leur ap- diversité, ils essaient eux aussi
à Umar, et celui-ci acheta à des proche de l'histoire. Abu Yusuf d'arriver au plus près du Maho-
juifs le terrain adjacent. C'était (mort en 798), un juriste du dé- met historique. •
une merveilleuse propriété. » but de l'époque abbasside*, se
Quiconque est familier avec la passionnait autant pour l'exé-
biographie de Mahomet peut se gèse coranique que pour les M I C H A E L L E C K E R
rendre compte de l'importance grandes batailles de Mahomet de lérusalem,l'Université hébraïque chez
Professeur à
de cette anecdote et constater et des tribus d'avant l'Islam. Il Ashgate Publishing, deentre autres,Arabs
auteur,
/ews and
qu'elle est absente tant des bio- était moins bon - c'est du moins in Pre- and Early Islamic Arabia (1998) et de
graphies médiévales que des ce qui nous en est dit - en ma- People, Tribes and Society (2005). around
in Arabia
biographies modernes : et pour tière juridique. Alors qu'il the Time ofMuhammad
cause, puisqu'elle a été décou- s'était absenté plusieurs jours Article traduit de l'anglais
verte dans un livre sur l'histoire pour étudier les batailles de Ma- par Catherine Goliiau.
L e Point Hors-série n° 6 | Les Maîtres-Penseurs | 11
12. POINT DE VUE
Faire connaître
la Sîra
Mahmoud Hussein : deux auteurs pour un pseudo. C'est sous ce nom qu'Adel Rifaat et Bahgat
El Nadi publient, en 2005 et 2007, chez Grasset, Al-Sîra, le Prophète de l'islam raconté par ses
Compagnons, première présentation synthétique en français de l'ensemble des Chroniques
sur la vie de Mahomet rédigées du vme au xe siècle. Ils expliquent ici l'importance de ces
textes pour la vie du Prophète et comment ils ont travaillé pour transmettre sans trahir.
des premiers exégètes du Co-
ran, notamment al-Dahhâk
(mort en 727) et Muqâtil (mort
en 772). Ce lien répondait à
un besoin réel; il s'est vite
avéré que la compréhension
de n o m b r e u x versets du
Coran nécessitait un retour
aux conditions historiques
dans lesquelles ils avaient été
révélés.
Copies sur papyrus
Le premier ouvrage à voca-
tion synthétique, Al-sîra al-
nabawiyya (« Itinéraire ou
MAHMOUD HUSSEIN vie du Prophète »), a été com-
Bahgat El Nadi et Adel Rifaat, auteurs notamment de Penser le Coran (Grasset, 2009). posé par Muhammad Ibn
Ishaq* (mort vers 767). Il fit
l'objet de plusieurs copies sur
e Prophète ayant vécu rent lieu à des efforts systé- papyrus, sans doute cinq,
L dans une société de
tradition orale, ce que
l'on sait de lui a d'abord
matiques de collecte, de recen-
sion et de vérification que plus
d'un siècle et demi après la
dont aucune ne subsiste. Mais
une de ces copies parvint au
Caire entre les mains d'Abu
été rapporté de bouche à mort de Mahomet. Muhammad Ibn Hishâm*
oreille. Certains des témoi- Des premières compilations (mort en 840). Ce dernier la
gnages ont été consignés par partielles, dont la plupart ont recopia en l'expurgeant, et
écrit par les rares Compa- été effectuées sous le règne comme le secret de la fabrica-
gnons qui savaient écrire, et des Omeyyades (660-750), on tion du papier, jalousement
ne firent l'objet de compila- ne possède que des fragments gardé j u s q u ' a l o r s par la
tions partielles qu'à partir de cités par tel ou tel chroni- Chine, était parvenu entre-
la fin du vm siècle. L'ensemble
e queur. Leurs travaux ont été temps jusqu'aux Arabes, c'est
de ces témoignages ne donnè- menés parallèlement à ceux cette version largement reco-
12 I Les Maîtres-Penseurs I Hors-série n° 6 L e Point
13. POINT DE VUE
LA
TRADITION
piée qui traversa les siècles.
Quelques-uns des passages
supprimés furent cependant « Sa démarche était
sauvés, du fait que certains si énergique... »
des chroniqueurs postérieurs,
ayant eu accès au texte origi-
nal, les citèrent dans leurs « O n d e m a n d a i t à Alî d e s d é t a i l s s u r l ' e x t é r i e u r d u
propres compilations. P r o p h è t e . Alî d i t : "Il é t a i t d é t a i l l é m o y e n n e . (...) S o n
La fresque des faits et gestes t e i n t é t a i t d'un b l a n c r o s é ; ses y e u x é t a i e n t n o i r s , ses
du Prophète, inaugurée par c h e v e u x b r i l l a n t s , é p a i s e t b e a u x . Sa b a r b e (...) b i e n
Ibn Ishaq, sera enrichie en- f o u r n i e . (...) Sa d é m a r c h e é t a i t si é n e r g i q u e q u ' o n
suite par quatre grands chro- a u r a i t d i t q u ' i l d é t a c h a i t s e s p i e d s d e la p i e r r e , e t
niqueurs, travaillant sous la c e p e n d a n t e n m ê m e si l é g è r e q u ' i l s e m b l a i t q u ' i l
dynastie abbasside* (750- v o l t i g e â t de h a u t e n bas. (...) Il y a v a i t d a n s s o n v i s a g e
1258) : al-Wâqidî (747-823), t a n t d e d o u c e u r q u ' u n e f o i s e n sa p r é s e n c e , o n n e
auteur de Kitâb al-Maghâzî p o u v a i t p l u s le q u i t t e r . " » •
(« Le Livre des conquêtes ») ;
Muhammad Ibn Sa'd (784-845), Tabarî, Histoire des prophètes et des rois.
qui rédigea le Kitâb al-Taba-
qât al-Kabl (« Le Livre des cer-
cles de Compagnons ») ; al-
Tabarî* (830-923) et son Kitâb nombreux versets du Coran époque qui n'est plus la leur.
al-Rusul wal-Mulûk (« Le Li- lui ont été révélés, consti- Ils doivent retrouver les repè-
vre des prophètes et des tuant ainsi le plus riche des res de la première commu-
rois »), et enfin al-Balâdhurî matériaux qui nous relient nauté des musulmans - eth-
(829- 901), l'auteur de Kitâb au moment historique de la niquement homogène,
Ansâb al-Ashrâf (« Le Livre naissance de l'islam. égalitariste, solidaire, héroï-
des nobles lignages »). que, luttant pour sa survie -
D'autres travaux, plus tar- La chaîne des « garants » alors qu'ils vivent deux ou
difs, ajouteront des détails Les questions que la Sîra* trois siècles plus tard, dans
jusque-là inédits - et d'autant pose à l'historien sont toute- l'empire multiethnique des
plus contestés. Mais l'essen- fois de trois ordres. Le pre- Abbassides (cf. p. 76), dont
tiel de ce qui nous est par- mier concerne l'objectivité l'extension, la puissance et la
venu sur la vie du Prophète des chroniqueurs. Travaillant prospérité induisent une tout
tient dans ces cinq ouvrages chacun de son autre hiérarchie
clés, qui, fourmillant de scè- côté, ils se sont Retrouver deux de valeurs intel-
nes vivantes, de dialogues et efforcés de re- siècles plus tard lectuelles et ma-
de notations descriptives, prendre à rebours térielles. Leur
rendent les couleurs et les la « chaîne des les repères de probité intellec-
parfums d'une époque. Ils garants » - les la première Umma. tuelle n'est pas
esquissent le portrait du Pro- transmetteurs en doute : ce sont
phète, en même temps que des témoignages d'une géné- des lettrés, travaillant libre-
celui d'un grand nombre de ration à l'autre - pour remon- ment sous le regard d'autres
ses Compagnons, de ses épou- ter, pas à pas, jusqu'aux lettrés. Ils sont souvent enga-
ses, de ses adversaires. Ils contemporains du Prophète. gés, en outre, comme al-
suggèrent enfin les circons- Mais les témoignages qu'ils Tabarî, dans un effort d'exé-
tances dans lesquelles de recueillent émanent d'une gèse et d'interprétation • • •
L e Point Hors-série n° 6 I Les Maîtres-Penseurs 12
14. POINT DE VUE
UN PORTRAIT PROBANT DE MAHOMET • • • coraniques qui les place
dans un rapport exigeant à la
Au travers même des approxi- Les dix années médinoises vérité, sur les plans religieux
mations, des paradoxes et des (622-632) sont celles d'une et moral. Mais cela ne les pré-
contradictions qui parcourent véritable métamorphose. Il munit ni contre l'erreur ni
les Chroniques, la prodigieuse
richesse de leurs notations
est devenu le chef d'une com- contre une part inévitable de
munauté assiégée. Comme
finit par laisser é m e r g e r , pour se hisser à la hauteur de
partialité.
comme dans un tableau im- sa mission, il va découvrir en Le deuxième ordre de ques-
pressionniste, un portrait lui une combinaison de ta- tions tient au crédit que l'on
probant de Mahomet. lents jusque-là insoupçonnés. peut accorder à chacun des
L'homme d'action vient dou- « garants » successifs. D'une
Durant ses quarante premiè- bler l'homme de vision. génération à l'autre, leurs
res années (570-610), c'est un souvenirs se sont estompés et
contemplatif, plutôt détaché
des contingences de la vie,
Sage et hardi, il maîtrise le
temps de la guerre comme
des textes se sont perdus.
mais proche des gens. Un celui de la négociation. Par son
En outre, une partie des té-
homme en paix avec lui-mê- courage, il fascine ses Compa- moignages existants a été
me et en phase avec la so- gnons autant qu'il désarçonne sciemment falsifiée : sous les
ciété dont il est issu. ses adversaires. Sa longue Omeyyades, plusieurs califes
patience lui permet de tisser ont commandé de faux té-
À partir de 610, cet équilibre le réseau d'alliances qui pré-
pare sa victoire finale.
moignages, destinés à accré-
est brisé. Il vit la Révélation
comme un message de l'au-
diter l'idée d'une proximité
d e l à , qui s ' i m p o s e à sa Mais surtout, la 5/ra* nous
fictive de leurs ancêtres avec
c o n s c i e n c e avec la force montre un Mahomet d'une le Prophète.
d'une évidence irrépressible. humanité proprement mo-
Or, ce message le place en derne. Cultureliement lié aux Abus en tous sens
contradiction avec les tradi- hommes de son temps, il est À titre d'exemple, cet épisode,
tions et les hiérarchies de
La Mecque, sa ville natale.
psychologiquement plus pro-
che de nous, il se met à la
où l'ancêtre de la dynastie,
Après un moment de grand place des autres, saisit leurs
Abu Sufyân, qui fut longtemps
trouble, il s'en remet à la motivations intimes, les aide un ennemi du
volonté de Dieu et prêche à devenir des êtres indivi- .. .. , Prophète, est
ouvertement ce message. Il duellement responsables. Il
Une partie des ,, ..
est à nouveau en paix avec fait preuve d'un respect na-
r décrit sous un
lui-même, mais en guerre témoignages a été r favorable.
sciemment falsifiée « 11 avance sur
j 0 U
turel de la dignité des per-
avec les siens. sonnes, quel que soit leur
statut social. SOUS les Omeyyades, une route avec
,, . , ,
a la demande de son épouse et
Durant les douze années mec-
quoises de la Prophétie (610- En constant dialogue avec
l. e u r f, .i ,l s ,
622), il fait le dur apprentis- l'au-delà, il n'en aime pas plusieurs califes. Mu'âwiyajuché
sage de la marginalité. Le moins profondément l'exis- sur le dos d'un
désarroi le gagne parfois. tence ici-bas. Dès qu'il le peut, âne. Vient à passer le Pro-
Mais, peu à peu, il acquiert il prend le temps d'honorer phète, qui va à pied. Abu
une d é t e r m i n a t i o n qui le ses épouses, de se reposer ou Sufyân fait descendre son fils
porte à affronter les événe-
ments, après les avoir subis.
d'apprécier un bon repas. Et
il exige de ses Compagnons
et invite Mahomet à enfour-
Transgression décisive : il qu'ils se détournent de tout
cher l'âne à sa place... » Quel-
quitte te périmètre de La Mec- excès de zèle religieux, ou que quarante ans plus tard, le
que, pour chercher des alliés d'ascétisme intempestif. même Mu'âwiya sera le cin-
à l'extérieur. M. H. quième calife, fondateur de la
dynastie omeyyade.
14 I Les Maîtres-Penseurs I Hors-série n° 6 L e Point
15. POINT DE VUE
Travaillant à l'époque des Ab- souvienne d'un événement, dans une langue arabe deve-
bassides, ennemis jurés de la auquel il associe un geste ou nue partiellement archaïque,
dynastie précédente, les chro- un propos du Prophète, que les différentes Chroniques se
niqueurs n'ont pas intérêt à d'autres rattachent à un autre présentent sous la forme de
couvrir de tels mensonges, moment. D'où l'intérêt de textes trop foisonnants, hété-
mais il leur arrive de commet- pouvoir comparer les travaux rogènes et mal reliés entre
tre des abus en sens contraire. de cinq chroniqueurs, la eux pour ne pas décourager
Ainsi, l'ancêtre éponyme des somme de ces recherches don- le grand public.
Abbassides, al-Abbâs, oncle nant à l'historien de précieux Notre objectif a donc été de
paternel du Prophète, ne s'est points d'appui. présenter, sous une forme di-
rallié à ce dernier qu'après la Certes, on ne saura jamais, de rectement accessible au lec-
bataille de Badr en 624. Tout source certaine, si telle phrase teur non spécialisé, une syn-
porte à croire a bien été pronon- thèse qui retient l'essentiel
qu'il a combattu La Sîra constitue, cée, sous telle des faits et gestes rapportés
les musulmans et après le Coran et forme et à tel mo- dans les cinq grandes Chroni-
a même été fait les hadith, l'un des ment. Mais une ques. Nous avons d'abord pro-
prisonnier. Or, masse critique cédé à un découpage des évé-
certains « témoi- textes fondateurs d'informations nements touchant à la vie du
gnages » le mon- de l'imaginaire concordantes est Prophète, tels qu'ils ont été
trent déjà aux musulman. un signal impor- rapportés par les différents
côtés du Prophète tant. Lorsque chroniqueurs. Dans la mesure
lors des Serments d'allégeance deux, ou trois, chroniqueurs, où ceux-ci présentent chacun
d'Aqaba en 620, à la fin de la travaillant chacun de son côté, une version propre d'un
période mecquoise... parviennent à localiser un même événement, nous avons
Il est vrai que les méthodes de même événement, il devient retenu soit la variante la plus
sélection des témoignages plausible. À partir de là, des riche en détails, soit composé
sont rudimentaires, étant es- hypothèses s'esquissent, qui nous-mêmes un texte regrou-
sentiellement fondées sur la peuvent être progressivement pant des détails que nous
notoriété et l'honorabilité re- affinées. avons tirés de plusieurs va-
connues des transmetteurs riantes. Ensuite, nous avons
successifs. Mais il est à noter, Un véritable condensé procédé à un montage, inté-
au crédit des chroniqueurs, Mais là s'arrête notre compli- grant toutes les séquences,
qu'ils ont retenu des faits cité avec le souci des histo- dans un ordre aussi près que
qu'ils auraient préféré igno- riens. Notre but est différent : possible de la chronologie,
rer, comme ce témoignage de il est de mettre à la portée du sans a priori doctrinal, sans
l'épouse du Prophète, A'isha grand public la Sira « telle ajouter quoi que ce soit de
(cf. p. 39), selon lequel ce der- qu'en elle-même ». Car elle notre cru et en retenant tous
nier aurait été « ensorcelé » constitue - après le Coran et les faits d'importance rappor-
pendant une année durant les hadith - l'un des textes tés par plus d'un seul des cinq
laquelle il n'a pu approcher fondateurs de l'imaginaire grands chroniqueurs.
ses épouses. musulman. Sollicitée depuis Il s'agit donc, ici, non d'une
Enfin, les témoignages rete- douze siècles par tous ceux construction personnelle ou
nus dans la Sira sur un même qui traitent du fait religieux, partisane, mais bien d'un
événement ne se recoupent elle informe la conscience condensé de la Sira, permet-
pas toujours et sont parfois d'un milliard et demi de tant au lecteur d'aujourd'hui
même contradictoires. Il ar- croyants, répartis dans le une exploration de la fresque
rive que tel Compagnon se monde entier.Or, rédigées qu'elle nous offre. •
L e Point Hors-série n° 6 I Les Maîtres-Penseurs 12
12
16. LA VIE
DE MAHOMET
De sa naissance à La Mecque à sa mort à Médine, le fondateur de l'islam ne fut pas seulement un
chef spirituel, mais aussi un chef d'État et un chef de guerre. Il dut s'imposer aux siens, à d'autres
prophètes et d'autres tribus... Et, à sa mort, s'installa une discorde qui dure encore aujourd'hui.
Naissance d'un prophète
De source sûre, on ne connaît que la date de sa mort ainsi que quelques
éléments de son enfance et de son adolescence. Pour le reste, il faut se fier
à la Tradition... et à l'imagination des différents auteurs.
'est à La Mecque, une l'encens de l'Arabie du Sud et les aurait été édifiée par Adam avant
C ville commerciale et fi-
nancière du Hedjaz,
point d'eau planté au
marchandises précieuses venues qu'il ne soit chassé du Paradis.
de l'Inde. La ville n'est pas très Emportée par le Déluge, elle
éloignée du port de Djedda en aurait été reconstruite par Abra-
milieu de rocailles dénudées, mer Rouge, et les Mec- ham* et Isma'il, le fils
qu'au vi siècle naît Mahomet. La
e
quois tiennent des que le p a t r i a r c h e
Tradition fixe sa naissance à 570, points de passage stra- Vers 570 aurait eu de sa ser-
l'année où La Mecque doit re- tégiques comme l'oa- Naissance présumée vante Agar. L'ange
pousser l'attaque du vice-roi yé- sis d'al-Tâ'if, par où de Mahomet. Gabriel (c/ p. 19) lui-
ménite Abraha. À cette époque, doivent obligatoire- même aurait apporté
alors que les Byzantins et les ment passer les caravanes. la Pierre noire, probablement
Perses essaient d'étendre leur Depuis le v siècle, la ville est une météorite, particulièrement
e
domination sur la péninsule ara- d o m i n é e par la t r i b u des vénérée par les populations
bique, les Mecquois contrôlent Quraysh, dont l'un des hommes, locales.
la plus grande partie du com- Qusayy a eu l'habilité de réunir Les Quraysh qui se divisaient en
merce entre le Yémen, au sud, et en un seul sanctuaire les princi- de nombreux clans s'instituèrent
la Syrie, au nord. Ils sont les maî- pales divinités des Arabes, no- gardiens du nouveau sanctuaire,
tres d'une route de première im- tamment le dieu lune Hobal. décrété inviolable ; attirant de
portance puisque c'est par elle D'après la Tradition, une pre- nombreux pèlerins, celui-ci leur
que transitent vers l'Occident mière Kaaba* (Maison de Dieu) assurait une aisance certaine.
1615|Les Maîtres-Penseurs'| Hors-série n° G L e P o i n t
17. L A VIE
Voilà pour les faits, l'imagination
des auteurs a fait le reste. La Tra-
dition est riche en récits mer-
veilleux qui tendent à démontrer
la prédestination du Prophète.
Ibn Ishaq* raconte ainsi com-
ment la mère de Mahomet le
confia à une famille de Bédouins
pour qu'il soit élevé au bon air du
désert. Mais la nourrice décida
de le rendre à sa mère le jour où,
selon elle, « deux hommes en ha-
bits blancs le prirent, le jetèrent
à terre, lui ouvrirent le corps et
y fouillèrent des mains ». Des dé-
mons? Non pas. La mère de Ma-
homet rassure alors la bonne
nourrice : « Quand j'étais en-
ceinte de lui, une lumière se dé-
gagea de moi et illumina pour
moi les palais de Busra dans le
pays de Syrie. Je n'aurais jamais
imaginé une grossesse aussi lé-
gère et facile que celle-là ! À sa
naissance, il mit les mains au sol
et tourna la tête vers le ciel. »
Ibn Ishaq raconte encore que,
La naissance du Prophète. Miniature de Lutfi Abdullah, xvie siècle. lors d'un voyage en Syrie avec
Musée Topkapi, Istanbul (Turquie). son oncle, le jeune Mahomet ren-
D'après la Sîra*, Mahomet était l'âge de 7 ans : il est recueilli alors contra un moine chrétien, Ba-
le fils d'Abdallah de la lignée des par son grand-père qui meurt hîrâ, qui le reconnut comme un
Hâshim ibn Abd Manâf. Son deux ans plus tard. Son oncle Abu être exceptionnel.
grand-père avait été le gardien de Talib, le père d'Ali (cf. p. 40), futur Toujours d'après la Tradition,
la source Zemzem, l'une des plus gendre et disciple de Mahomet, le vers l'âge de 25 ans, le jeune
importantes de l'oasis, et avait prend alors en charge. homme est repéré pour ses • • •
pour mission de distribuer l'eau
aux pèlerins, l'une des charges les SA VRAIE DATE DE NAISSANCE?
plus prestigieuses de La Mecque.
« Cependant toutes les traditions le lundi », assure le traditionniste
Mais Mahomet est orphelin et il sont unanimes sur les points sui- Tabarî* dans son Histoire des pro-
semble que le clan se soit considé- vants. Le Prophète vint au monde phètes et des rois.
rablement appauvri quand son un lundi ; que le jour où, après la De fait, on ne connaît de source
oncle Abu Talib en prit la direc- r e c o n s t r u c t i o n de la K a a b a * , sûre que la date de sa m o r t , le
tion. De son enfance et adoles- lorsqu'il étajt âgé de 16 à 17 ans, 13 râbi 1 er de l'an 2 de l'hégire*,
cence, quelques éléments sem- il fut chargé de poser de sa main soit le 8 juin 632. Comme les sour-
blent certains : son père serait la Pierre noire était également un ces ans à Médine et treizequ'il vécut
mur du temple,
à sa place, sur le
dix
anciennes assurent
à La Mec-
mort à Yathrib (qui deviendra Mé- lundi ; qu'il s'enfuit de La Mecque que après le début de la Révélation,
dine) avant sa naissance, laissant vers Médine un lundi; qu'il arriva et qu'il avait alors.40 ans, il serait
sa famille dans une situation pré- à Médine le lundi et qu'il mourut plutôt né en 569.
caire. Mahomet perd sa mère à
L e Point Hors-série n° 6 | Les Maîtres-Penseurs | 17
18. « Prêche ! »
CORAN
« P r ê c h e a u n o m de t o n S e i g n e u r q u i créa !
q u i créa l ' H o m m e d ' u n e a d h é r e n c e .
P r ê c h e ! T o n S e i g n e u r é t a n t le T r è s G é n é r e u x pendant un certain temps un trou
q u i e n s e i g n a par le C a l a m e dans la révélation du Messager
et e n s e i g n a à l ' H o m m e ce qu'il i g n o r a i t . » • de Dieu (Dieu le bénisse et le pro-
Sourate XCVI, 5 tège) et il était très triste. Il par-
P o u r la T r a d i t i o n , c e s c i n q p r e m i e r s v e r s d e la s o u r a t e X C V I tait de bonne heure pour les som-
[Al-Alaq, « L ' A d h é r e n c e ») c o n s t i t u e n t la p r e m i è r e r é v é l a t i o n mets de la montagne afin de se
r e ç u e par M a h o m e t . S'y e x p r i m e la g r a n d e u r de Dieu q u i a créé précipiter en bas. Mais à chaque
l ' h o m m e et lui a t o u t e n s e i g n é . fois, Gabriel lui apparaissait et
disait : "Tu es le prophète de
Dieu." Alors son inquiétude ces-
qualités morales par Kha- je tombai à genoux ; puis je m'éloi- sait et son moi revenait en lui. »
dîdja (cf. p 44), une femme deux gnai, les épaules tremblantes. Le Prophète attendit trois ans
fois veuve et propriétaire de cara- Puis pénétrant dans la avant de faire connaî-
vanes. Elle en fait son intendant chambre de Khadîdja, je tre ce qu'il avait ap-
puis son époux, lui confiant alors lui dis : Cache-moi, ca- 40 ans pris : que le Juge-
la gestion de ses intérêts comme che-moi, jusqu'à ce que L'âge de Mahomet ment dernier était
le veut la coutume. Avait-elle la peur me quitte. » lors de la proche, qu'il n'y avait
40 ans, comme l'affirme la Tradi- Les premières révéla- Révélation, qu'un seul Dieu et
tion? Elle lui donna sept enfants, tions, nombreuses au que celui-ci appelait
trois garçons qui moururent en départ, s'arrêtèrent un certain ceux qui croyaient en lui à la
bas âge et quatre filles. temps, et Mahomet connut une générosité et à aider les faibles.
période d'abattement. « Il y eut Ses fidèles furent d'abord ses
Le choc
Comment s'est passée la Révéla-
tion? Mahomet y était-il préparé?
Rien dans les textes ne permet de
reconstituer les longues années
où, devenu un homme respecté
grâce à un riche mariage, Maho-
met se concentre sur sa vie fami-
liale et ses affaires. C'est à 40 ans,
d'après la Tradition, que le tran-
quille père de famille commence
à avoir des visions. « Cela se fit en
lui comme l'aurore », assure le
traditionniste Az-Zuhrî*, alias
Ibn Shihâb. « Il avait besoin de
solitude et se rendait dans une
grotte à Hirâ pour se consacrer à
des exercices de dévotion plu-
sieurs nuits avant de retourner
vers les siens [...]. À la fin, la Vé-
rité arriva inopinément et dit : Ô
Mahomet, tu es le Messager de
Dieu. »
Toujours d'après Az-Zuhrî, l'élu
ne vécut pas bien l'événement et
chercha refuge auprès de son
épouse. « J'avais été debout, mais Infographie : Hervé Bouilly
1815|Les Maîtres-Penseurs'| Hors-série n° G L e Point
20. L A VIE
Le Voyage nocturne :
la rencontre avec Allah
Moment capital de la biographie du Prophète, cette ascension permet au réprouvé de
La Mecque de voir Dieu et de s'entretenir seul à seul avec Lui.
« ^ Ê ^ loire à celui qui a trans- des Degrés » vers lequel montent Ishaq*, il est réveillé une nuit
porté Son serviteur, la les anges et les esprits. Pour la par l'ange Gabriel qui le fait
nuit, de la Mosquée sa- Tradition, il ne fait aucun doute monter sur Buraq (« rapide
crée à la Mosquée très que dans cette sourate, le « Ser- comme l'éclair » en arabe), une
éloignée autour de laquelle Nous viteur » est Mahomet, la « Mos- monture « entre la mule et l'âne,
avons mis Notre bénédiction, quée sacrée », le complexe de la ayant une tête de femme ». Ac-
afin de lui faire voir certains de Kaaba* et la « Mos- compagné de l'ange, il
Nos signes... » Ce verset, le pre- quée très éloignée », la s'envole alors vers Jé-
mier de la sourate XVII (Le ville de Jérusalem (cf. rusalem, non sans di-
Voyage nocturne), évoque le ci-dessous). verses escales, au mont
voyage de Mahomet de La Mec- Ce « Voyage nocturne » 620 Sinaï p o u r s a l u e r
que à Jérusalem (Isrâ), puis son se serait déroulé le 27 Le 27 rajab, Moïse, à Bethléem
ascension dans les airs (Mi'râj) du mois de rajab, en Mahomet monte pour voir Jésus et à
où il va voir Dieu. Le Coran évo- 620, un an après la dis- au Ciel. Hébron, où Mahomet
que souvent la possibilité d'une parition de sa femme, voit Abraham*.
ascension, notamment par le Khadîdja (cf. p. 44) et À leur arrivée, Gabriel
biais d'une échelle, ce qui n'est d'Abu Talib, son oncle. rassemble tous les pro-
pas sans rappeler celle de Jacob Privé de ses meilleurs soutiens, phètes cités par la Bible, réunion
dans la Genèse (XXVIII, 12). Dans le Prophète est en butte à une qui consacre Mahomet comme
les versets 3 et 4 de la sourate opposition de plus en plus vio- l'ultime envoyé de Dieu. Ensuite,
LXX, Allah est appelé « le Maître lente des Quraysh. D'après Ibn « grâce à une échelle de lu-
JÉRUSALEM, LA « MOSQUÉE TRÈS ÉLOIGNÉE »
Pour la tradition musulmane, l'ancienne capitale du comeyyade tient à y édifier la somptueuse Coupole du
royaume de judée est, avec La Mecque et Médine, l'un rrocher, c'est autant par calcul politique - affirmer son
des lieux de l'action divine sur terre : de la Création au fpouvoir contre La Mecque - que par conviction religieu-
jugement dernier, tout se passe ou devra se passer à s : avant de monter au ciel, Mahomet a laissé l'em-
se
Jérusalem, la cité des prophètes. Ville juive par excel- fpreinte de son pied sur un rocher, là même où Abraham
lence puisque c'est là que fut bâti le Temple deux fois £aurait accepté de sacrifier son fils. Jésus lui aussi aurait
brûlé, et dont les juifs seront chassés par les romains au l
laissé des traces : dès le ive siècle, on montrait aux pèle-
ne siècle, ville sainte des chrétiens puisqu'elle fut le r
rins crédules la marque de son pas.
théâtre de la passion du Christ, Jérusalem n'est plus à PMais, pour l'islam, Jérusalem est plus que le passé, elle
l'époque de M a h o m e t qu'une p e t i t e ville sous £ l'avenir : d'après plusieurs hadith, c'est dans cette cité
est
domination byzantine, mais son aura spirituelle de- cdevenue l'unique centre de spiritualité du monde, qu'à
meure exceptionnelle. I fin des temps, l'humanité devenue musulmane et en-
la
Dès 637, elle passe sous contrôle arabe, et si la dynastie f
fin pacifiée attendra le Jugement dernier. C.G.
20 | Les Maîtres-Penseurs | Hors-série n° 6 L e Point
21. LA VIE
LE
CORAN
« Une
Révélation »
« Par l'étoile q u a n d elle
s ' a b î m e !,
v o t r e c o n t r i b u l e n'est pas
é g a r é ! Il n'erre p o i n t .
Il ne parle pas par sa p r o p r e
impulsion.
C ' e s t s e u l e m e n t là u n e
R é v é l a t i o n q u i lui a é t é
transmise. » •
Sourate LUI, 1/4
« L'Étoile »
tant qu'Allah impose alors aux
fidèles musulmans cinquante
prières par jour, nombre que, lors
du voyage de retour de Mahomet,
Moïse lui conseille de négocier à
la baisse... Après plusieurs allers-
retours, le Prophète obtient fina-
lement que les fidèles n'accomplis-
sent que cinq prières par jour.
Rêve ou réalité ?
En combien de temps se fit ce pé-
riple? En un clin d'œil, car pour
la Tradition, toujours, Mahomet
est capable, lors de son retour à
La Mecque, de rattraper au vol
L'ascension de M a h o m e t . Reproduction d'un manuscrit, c h r o m o , avant qu'elle ne tombe à terre une
début du xx e siècle. cruche renversée lors de son dé-
part. .. A-t-il rêvé? A-t-il vraiment
mière », affirment certaines Enfin, arrivé à l'« horizon supé- voyagé? Selon l'opinion musul-
sources, Mahomet est élevé de rieur » et happé par une lumière mane la plus répandue, Mahomet
ciel en ciel, sept au total. Il y ren- mystérieuse, il s'approche du monte au ciel physiquement et à
contre des personnages de la trône divin et peut contempler l'état de veille, ce que confirme un
Bible et du Nouveau Testament, Allah lui-même, qui s'adresse à hadith* rapporté par Tabarî* :
- Adam, Joseph, Enoch Jean lui. Aucune créature, même Ga- « Alors que j'étais près de la Kaaba
(Yaha), Jésus, etc. -, visite le briel, n'a accès au secret de cet dans un état intermédiaire entre
paradis et l'enfer. entretien. La Tradition dit pour- la veille et le sommeil... » • • •
L e Point Hors-série n° 6 | Les Maîtres-Penseurs | 21