2. La matière sonore La matière sonore
La Matière
sonore
Réévaluer le son en tant que matière première dans les domaines du design
3. La matière sonore
Sommaire
DVD
Vidéo 01 // Frédéric Nogray : Une histoire de cristal
Vidéo 02 // Frédéric Nogray : La matière dialogue avec le corps
Vidéo 03 // Frédéric Nogray : Guérir ?
Vidéo 04 // Mohamed Abdi : Poésie et instruments
Vidéo 05 // Mohamed Abdi : Rituel et spirituel
Vidéo 06 // Circuit Benders : Workshop
Vidéo 07 // Dorothée Mattar : Éveil sonore
Vidéo 08 // Dorothée Mattar : Enfants en situation de handicap
-4- -5-
4. Sommaire La matière sonore
mémoire
Partie 3 : Son et thérapie
1. L’écoute interactive
Introduction Autisme
Musicothérapie
Partie 1 : La matière sonore Mimétisme
1. Nature des phénomènes sonores 2. Les sourds entendent
Son et silence Appareils auditifs
Le rapport bruit/son/musique 3. Apprendre à entendre
Évolution historique de la notion de son et de bruit 4. Perception et émotion
2. Perception et organisation des bruits Contagion émotionnelle
Perception et émotions Où va-t-on quand on rêve ?
3. Caractéristiques du son et applications techniques
4. La nature esthétique et transcendantale du son Conclusion
Poésie Design et bioacoustique
Son et spiritualité Les éléphants sont devins
Instruments et sociétés Les oiseaux sont bilingues
La chauve-souris se déplace sans canne
Partie 2 : Interfaces
1. Vers un design sonore
Une Approche
Le son des objets
2. Interfaces
Les corps sonores
Les corps électro-acoustiques
3. Applications en design
4. Un rapport de complémentarité
Le rapport son-image
Langage et instruments
5. La spatialisation du son
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5. La matière sonore
Avant-propos
« L’approche du design et son objectif ultime
ne sont pas à préciser car ils restent à découvrir »
John Carroll •
Novembre 2008. Je me trouve au 104, dans l’un des deux grands
hangars, un homme s’avance dans cet espace surdimensionné, s’ar-
rête en plein milieu et commence à frapper dans ses mains, attentif
à son écho. Dans un premier temps je ne comprends pas ce qu’il
fait jusqu’au moment où je m’aperçois qu’il est non-voyant. En réa-
lité, il est en train d’appréhender les dimensions de l’espace grâce
aux sons et aux rythmes qu’il produit.
Mon objectif, en écrivant ce mémoire, est de trouver des clés pour
comprendre le rôle des sons dans l’environnement social et appré-
hender les liens qui relient les hommes, leur histoire et leur envi-
ronnement à leurs univers sonores. J’explore ces liens dans le but
de découvrir des applications innovantes à la frontière entre design
d’objet et design de service.
Ayant étudié la musique pendant huit ans au conservatoire, le lan-
gage musical ne m’est pas indifférent. Je me suis rendu compte que • John Carroll.
Making Use. Scenario-Based
l’acoustique est un paramètre qui m’intrigue de par son coté im- Design of Human-Computer
palpable et éphémère. J’ai débuté mon travail par un état des lieux Interactions.
Edition: MIT Press,
général sur les connaissances disponibles et j’ai tenté de constituer November 2000.
une banque d’expériences analytiques sur des phénomènes naturels
concernant l’acoustique. J’ai prêté une oreille attentive à des experts
du son appartenant à des domaines très différents. J’ai recueilli et
étudié leurs propos dont les extraits les plus significatifs sont ras-
semblés dans un film en annexe de ce mémoire.
-8- -9-
6. La matière sonore
Introduction
« L’expérience sonore que je préfère c’est le silence »
John Cage
L’espace est un univers de silence : sans air, les fréquences sonores
ne peuvent pas se déplacer. Le son est donc une caractéristique
de notre planète. C’est par le son que les êtres humains commu-
niquent, perçoivent et transmettent informations et émotions. Le
son est indissociable des notions de temps et d’espace, il est une
caractéristique du vivant.
C’est justement parce que le son constitue l’environnement de
l’homme que je me suis questionné sur cette matière. Comment
construire une base de réflexion et d’expérimentation sur un objet
sensible, ayant un potentiel assez peu exploité dans les arts appli-
qués. C’est un fantasme pour un designer de travailler sur un maté-
riau invisible, impalpable et aussi éphémère que le son.
Pourtant indispensable, l’ouïe est un sens souvent relégué à l’arrière
plan après la vue ou le toucher, ceci est probablement une consé-
quence de notre société contemporaine, une société de l’image. Il
est, par exemple, plus facile d’analyser un tableau qu’une œuvre
musicale. Il semble, en effet que les éléments visuels restant pal-
pables dans le temps, nous permettent plus aisément, même à un
néophyte, d’être reconnu. Alors que les cellules musicales se diluant
le temps du mouvement d’une symphonie ou d’une sonate, un cer-
veau non entraîné aura beaucoup plus de difficulté à reconnaître un
thème récurrent à 5 minutes d’intervalles.
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7. La matière sonore La matière sonore
L’environnement est au cœur de la réflexion des designers,
d’ailleurs, aujourd’hui le développement durable et l’écologie cons- Mon étude est organisée en trois parties qui s’appuient sur les ré-
tituent des notions incontournables dans leurs démarches. Pour- flexions de théoriciens et les témoignages d’experts.
tant ces notions sont généralement utilisées comme prétextes pour Dans une première partie, je propose de définir et d’analyser la
élaborer des projets politiquement corrects. Trop souvent, la prise matière sonore.
en compte du respect de l’environnement ne fait que transférer Une deuxième partie s’intéresse aux interfaces : les applications du
les problèmes plus qu’il ne les résout, comme dans la recherche son et la manière de le générer.
de carburants non polluants par exemple, ou les produits issus de J’étudie dans une troisième partie la valeur thérapeutique du son et
l’agriculture biologique. les applications de design sonore qui peuvent en découler.
Le respect de l’environnement doit, à mon avis, être à la source Enfin, je présente une démarche biomimétique fondée sur la décou-
des préoccupations des designers et pas simplement sous forme de verte de la bioacoustique. À partir de l’étude de l’extrême efficacité
sujets ponctuels ou de problématiques asservies à une société de de certains systèmes du vivant, je tenterai d’imaginer et concevoir
consommation aveugle et irresponsable. des transferts au comportement de l’homme dans un environne-
Selon John Thackara (2008, p.7), quatre-vingt pour cent de l’im- ment donné et enfin je conclurai par trois projets potentiels, orga-
pact environnemental des produits, services et infrastructures pro- nisant et synthétisant les données extraites de ma recherche.
viennent de décisions prises durant le processus d’élaboration en
design. On voit bien les responsabilités des designers qui orientent
l’utilisation des objets du quotidien, et les comportements les plus
ordinaires des consommateurs. De mon point de vue, les objets,
en plus d’être utiles et fonctionnels, doivent avoir un sens pour le
développement d’une société plus humaine et de ce fait, le design
peut contribuer à un bien-être à la fois individuel et communautai-
re. Pour John Carroll, plus que la conception d’objets, le design est
un « processus facilitateur » que le designer accompagne et guide
sans imposer. C’est la position que j’ai adoptée pour faire cette ex-
ploration du son.
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8. Les Rencontres La matière sonore
Dorothée MATTAR Mohamed Abdi Mohamed
DUMIste (Diplôme universitaire des musiciens intervenants), elle Géologue, Historien et Anthropologue, le Professeur Mohamed
intervient autant en école maternelle qu’en école élémentaire. Son Abdi Mohamed enseigne à l’Université de Besançon et il est cher-
rôle, comme elle l’explique, consiste à sensibiliser les enfants aux cheur à l’IDR de Paris.
sons et à la musique : « Le DUMI est un diplôme pour musicien, Également poète, Mohamed Abdi est somalien et vit en France
permettant d’acquérir une pédagogie […] se confronter à diffé- depuis trente ans. Il a publié plusieurs ouvrages sur la poésie en lien
rentes matière et différentes formes musicales afin de pouvoir les avec la culture.
transmettre aux enfants. C’est une formation qui met l’accent sur « J’ai essayé d’observer l’évolution des poèmes, des chants et des
l’improvisation, chose que l’on ne connaît pas dans les conservatoi- musiques de la culture africaine et particulièrement en Somalie […]
res. A travers l’expérience d’intervenants, on expérimente l’impro- j’écris aussi des poèmes et des chants ».
visation libre, sans tonalité, l’objectif étant de jouer ensemble, de Depuis notre entretien, Mohamed Abdi est devenu ministre de la
s’écouter. C’est une pratique que l’on peut transmettre aux enfants, défense du nouveau gouvernement de la République de Somalie.
puisque ces dernier ne connaissent ni la musique, ni le vocabulaire
musical. Le but étant de faire de la musique avec des enfants com-
plètement vierge de tout ce langage musical. […] Je suis, depuis
peu, devenu intervenante pour l’association MESH. (Music et En-
fant en Situation de Handicap). J’interviens auprès de deux enfants,
deux adolescents et une adulte de vingt-cinq ans, en situation de
handicap. »
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9. La matière sonore La matière sonore
Frédéric NOGRAY Circuit Benders
Sonographe, explorateur de sons et de matériaux. Dans le cadre d’un workshop qui se déroulait au palais de Tokyo à
Il joue régulièrement en concert seul ou avec d’autres musiciens en Paris en mars dernier, j’ai rencontré des personnes qui s’essayaient
improvisation. à cette pratique venue des Etats-Unis qu’est le « circuit bending »
Il créé aussi des installations et des performances sonores, en col- qui signifie « court circuiter »
laborant avec des artistes de disciplines différentes sur des projets Adepte du « do-it-yourself », ils fabriquent leurs propres instru-
tels que spectacles chorégraphiques, performances, vidéos d’art, ments de musique à partir de jouets sonores ou électroniques usa-
documentaires, projections de photographies, expositions… gés.
« Après quelques années d’expérimentation avec des dispositifs Ce workshop s’est conclu par une performance sonore réalisée par
électroniques et électroacoustiques, j’ai rencontré en juin 2005 les un orchestre composé de ces instruments expérimentaux.
bols chantants en cristal avec lesquels je continue depuis mes re-
cherches acoustiques. »
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10. La matière sonore La matière sonore
Magali VIALLEFOND
Professeur de musique formatrice à l’INSHEA (Institut National
Supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeu-
nes Handicapés et les Enseignements Adaptés). Elle a publié des
ouvrages tels que « Rêve de peintre ». Témoignage d’une démarche
de création musicale réalisée avec des enfants sourds.
Elle fonde en 1983 l’association MESH (Musique et Situation de
Handicap) qui a pour objectif de développer des activités musicales
pour les personnes handicapées.
Le droit à l’accès à la culture pour tous étant sa priorité, elle ne met
de côté aucun type de handicap.
Elle a l’ambition de faire entrer la musique dans les établissements
Serge DE LAUBIER de soins, dans les écoles, là où elle est nécessaire.
Compositeur, chercheur et musicien. Directeur artistique de Puce Aujourd’hui et depuis sa création, MESH étudie, promeut et déve-
Muse, pôle ressources M3V (Musique Vivante Visuelle Virtuel). loppe l’intégration culturelle des personnes en situation de handi-
cap à travers la musique.
Yuri SUZUKI
Product Design and Electronic Music
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11. La matière sonore La matière sonore
Partie1
La Matière
sonore
Portrait de John Cage
1912-1992
- 20 - - 21 -
12. Nature des phénomènes sonores La matière sonore
Bruits, sons, musiques, rythmes, voix : la matière sonore se
compose de phénomènes sonores physiques, physiologiques
et culturels. Dans ce chapitre, après avoir décrit la nature des
phénomènes sonores, je m’intéresserai à la façon dont ils sont
propagés, perçus et utilisés par l’homme.
Son et silence
Le son est une onde produite par la vibration mécanique d’un sup-
port fluide ou solide et propagée grâce à l’élasticité du milieu envi-
ronnant sous forme d’ondes longitudinales. Parce que les ondes se
déplacent, le son est structurellement lié à l’espace et au temps.
En réalité, le son désigne la sensation auditive à laquelle cette vibra-
tion est susceptible de donner naissance. Cette sensation auditive
est liée aux variations qui constituent une des caractéristiques im-
portantes du son (intensité ou tonalité).
Le son n’existe qu’en lien avec son contraire : le silence, la combi-
naison des deux constitue le rythme. C’est le silence qui construit
des intervalles entre les sons.
•http://www.freesound. Ces sons et silences avec toutes les variations dont je parlerai plus
org/geotagsView.php loin, se composent en univers sonores, c’est-à-dire des sons d’ar-
rière-plan qui constituent un environnement particulier en un lieu
donné. On trouve sur Internet par exemple, des banques de don-
nées sonores participatives qui mettent à disposition des enregistre-
ments d’événements sonores locaux• . Les prises de son donnent
un échantillon des univers sonores sur la surface de la terre. Cer-
tains de ces univers sonores sont transversaux comme les bruits
d’une grande ville ou d’une forêt tropicale, mais à l’intérieur des
grandes catégories d’univers sonores, on trouve des particularités
géographiques et culturelles : l’univers sonore de la ville de Tokyo
est à la fois semblable à celui d’une autre métropoles comme Paris
ou Rome mais différente, par la qualité physique du son lié à la
qualité de l’air et différente également par les spécificités culturelles,
notamment les sons de la langue. Water vibration
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13. La matière sonore La matière sonore
Le rapport bruit/son/musique
Dans la théorie du signal•, le bruit est toute l’information non
pertinente. Dans une prise de son pour un film, par exemple, ou
dans un studio de radio, on cherche à isoler certains sons, ce qui
nécessite d’en masquer d’autres qui sont alors considérés comme
parasites mais plus simplement, dans la vie quotidienne, les hom-
mes masquent des sons d’arrière-plan et n’ont conscience que de
ce dont ils ont besoin pour agir. Dans le langage courant, le bruit a
une connotation plutôt négative.
« ‘Faire un son’ est une intention, j’ai envie de le faire. Alors que
‘faire un bruit’ n’en n’est pas une. Je distribue des matériaux aux
• La théorie du signal est un enfants et je leur demande de me faire entendre des sons qu’ils ont
chaptire de la théorie de la
communication. l’intention de faire. Et puis on joue avec les sons. A partir de ce
Encyclopédie Universalis moment là on peut définir ces résultantes comme des sons et non
2009.
des bruits.
J’ai l’impression que ces exercices les sensibilisent aux sons du quo-
tidien comme la pollution sonore par exemple. »
Dorothée Mattar
Evolution historique de la notion de son et de
bruit
Au début du XXe siècle, Luigi Russolo, qui appartient au mouve-
ment des artistes futuristes, réfute que le bruit parasite l’atmos-
phère, et soit nécessairement déplaisant à l’oreille :
1913
Luigi Russolo et
Ugo Piatti
Intonarumori
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14. La matière sonore La matière sonore
« …le bruit est nécessairement déplaisant à l’oreille : objection fu- 1. Grondements, éclats, bruit d’eau tombante, bruit de
tile que je crois oiseux de réfuter en dénombrant tous les bruits dé- plongeon, mugissements ;
licats qui donnent d’agréables sensations. Pour vous convaincre de 2. Sifflements, ronflements, renâclements ;
la variété surprenante des bruits, je vous citerai le tonnerre, le vent, 3. Murmures, marmonnements, bruissements,
les cascades, les fleuves, les ruisseaux, les feuilles, le trot d’un cheval grommellements, grognements, glouglous ;
qui s’éloigne, les sursauts d’un chariot sur le pavé, la respiration 4. Stridences, craquements, bourdonnements, cliquetis,
solennelle et blanche d’une ville nocturne, tous les bruits que font piétinements ;
les félins et les animaux domestiques et tous ceux que la bouche de 5. Bruits de percussion sur métal, bois, peau, pierre, terre
l’homme peut faire sans parler ni chanter. » cuite, etc. ;
Les artistes futuristes fondent leur réflexion sur les révolutions 6. Voix d’hommes et d’animaux ; cris, gémissements,
technologiques pour créer de nouvelles formes artistiques. Avec hurlements, rires, râles, sanglots.
l’avènement des machines et de la production de masse, la révo-
lution industrielle fait entrer l’humanité dans un univers de bruits A l’origine, Russolo était peintre ce qui lui a permis d’ouvrir son
mécaniques, rythmés, répétitifs et parfois si violents qu’il faut ap- univers de recherche à d’autres artistes, notamment des sculpteurs
prendre à s’en protéger (usines de métallurgies, mines, etc.). Dans qui vont imaginer des moyens d’imiter et de reproduire les bruits de
son manifeste fondateur l’Art des bruits écrit en 1910, il s’éloigne la nature (calèche sur pavé pour recréer le rythme des percussions
des conventions et enrichit le vocabulaire sonore. Russolo (1913, des roues sur le pavé). Il s’inspire de la rythmique de l’automatisme
p. 9) affirme que « c’est au XIX e siècle seulement avec l’invention des machines pour créer ses instruments.
des machines que naquit le bruit ».
Il parle de sons-bruits pour décrire l’équilibre entre dissonance et
assonance. A la recherche d’une polyphonie complexe, il met en Perception et organisation des bruits
avant la variété des sons et leur coloris musicaux. A la tête du mou-
vement futuriste et en total désaccord avec l’académisme, il
révolutionne la manière de concevoir la musique en affirmant qu’un « Le son, ce sont des bruits organisés » Dorothée Mattar
orchestre symphonique composé d’instruments à vent, à cordes et
à percussion limite la créativité musicale. Les hommes perçoivent, structurent et imitent ce qu’ils entendent.
Partant de l’observation de la multitude de sons de notre quoti- Selon Russolo, la structure du bruit est lié à trois sources : il est le
dien, il imagine un orchestre futuriste et propose un classement des produit de la nature (pluie, vagues, tonnerre, bruissements d’ailes,
bruits en six catégories qui constituent les classes d’instruments etc.), ou bien il est lié aux activités de l’homme : le rythme du mar-
qu’il fabrique lui-même. Il s’agit de : teau sur l’enclume, ou encore, il est de nature culturelle, c’est-à-dire
rythmé par un mode inventé par l’homme.
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15. La matière sonore La matière sonore
Dans toutes les civilisations, les hommes inventent des modes, la Perception et émotions
musique en est un exemple très complexe et culturellement mar- Les sons, bruits et univers sonores ont un impact sur les hommes
qué. Dans le monde occidental la musique est rythmée par des et la nature de cet impact constitue un élément important pour
gammes majeures et mineures de sept notes, alors que dans les cul- la réflexion sur le design. Les sons produisent des réactions phy-
tures orientales elle suit d’autres modes. La majorité des musiques siologiques émotionnelles à valence positive ou négative, c’est-à-
subsahariennes, par exemple, utilisent des gammes à cinq notes dire perçues comme agréables ou désagréables. Les innombrables
que l’on appelle pentatoniques et anhémitoniques (aucun intervalle exemples donnés par Olivier Sacks (2009) sont édifiants. Il explique,
d’un demi ton). C’est ce qu’a analysé l’ethnomusicologue Simha par exemple, comment la musique peut créer des crises d’épilepsie
Arom en étudiant les usages de la musique des Pygmées. musicogène chez certains sujets. Chez d’autres, des boucles sonores
Ces modes constituent des règles, des unités de valeur, des ossa- peuvent devenir obsessionnelles (p.45) ou même des hallucinations
• Simha Arom. Fascinante tures pour une construction structurée des sons. A partir de ces sonores. Parfois, les réactions sont positives, certains de ses patients
musique pygmée, modes, beaucoup de mélodies et de rythmiques sont extraites ou
Les Sciences Humaines entendent une musique imaginaire qu’ils retranscrivent et devient
n°205. Juin 2009. inspirées directement de la nature, comme le tonnerre pour certai- l’inspiration d’une composition musicale. Il s’agit dans ce cas, de
nes percussions, par exemple. créations sonores.
« J’ai observé que l’homme ressent le besoin d’imiter la nature, Nous le voyons, la musique, les sons en général ont une influence,
d’observer ce qui l’entoure et de se l’approprier. Petit, j’écoutais le physique, physiologique et psychologique sur l’homme. Je montre-
chant du pigeon et je codifiais les sons qu’il faisait en mettant des rai dans le chapitre 3 comment ces influences peuvent servir de
paroles dessus. base au service de certaines pathologies ou apprentissages.
On observe ça aussi dans les danses traditionnelles. Certaines dan- « Même quand il n’y a pas de musique, les sons et les rythmes font
ses en Somalie sont fondées sur l’imitation des mouvements de loi. N’importe qui fait parfois des bruits en désordre avec sa bou-
l’autruche. On a l’impression que cet animal danse quand il court et che ou ses cordes vocales, et dans tous ces bruits, l’un d’entre eux
quand il tourne sur lui-même. nous séduit et on le répète de manière complaisante et souvent
Les poèmes, les chants et les danses sont liés à l’environnement. inconsciemment. Ou bien aussi, lorsque tu écoutes de la musique,
C’est-à-dire que l’homme est connecté au milieu géographique tous les morceaux ne te conviennent pas forcement, mais parfois il
dans lequel il évolue. Les animaux, les arbres, la nature entière a un y en a un qui t’attire particulièrement et te touche profondément.
impact sur l’être humain. Souvent pour ne pas être fatigué, tu inventes des chants. Par exem-
Par conséquent on observe que les sons que l’on fait, dans n’im- ple lorsque tu travailles dans les champs, que tu tournes la terre,
porte quelle culture, sont des témoins du milieu dans lequel on pour ne pas ressentir la fatigue les gens chantent en groupe. Tu ne
évolue. » Mohamed Abdi sens pas le temps qui passe, chose qui te permet de repousser la
fatigue. Et en analysant cela on se rend compte que c’est encore
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16. La matière sonore La matière sonore
une question de rythmes. Les chants, par la cadence et la répétition
des rythmes et des gestes. Et tout le monde, même ceux qui ne
chantent pas, ont l’impression que la tâche est moins laborieuse.
[…] C’est une manière de s’extérioriser.
Un autre exemple, lors des récoltes du « masaggo » (maïs), on tape
avec un bâton pour enlever le maïs de l’épi, et avec le rythme et
l’intensité de leur geste ils chantent, toujours pour éloigner la fati-
gue. On trouve donc en Afrique des poèmes et des chants pour le
travail, mais aussi pour d’autres activités. » Mohamed Abdi
J’observe à travers l’expérience du professeur Abdi que le rythme
a pour fonction de faciliter une tâche difficile, d’accompagner un
geste ou plus généralement une respiration ou un rythme biologi-
que. Je vois également une boucle : le geste associé au travail donne
le rythme et l’homme utilise et adapte ce rythme pour lui donner
une fonction psychologique. La répétition du « geste-rythme » crée
un lien organique entre l’action et la réaction.
Caractéristiques du son et applications techniques
Nous venons de voir les rapports qui peuvent s’établir entre la per-
ception humaine du chant et de la musique et quelques phénomè-
nes physiques et physiologiques qui lui sont liés, mais quelles sont
les connexions entre l’acoustique et les applications techniques
proposées par la science ?
Ultrasound
Echographie
Sonification
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17. La matière sonore La matière sonore
La science s’intéresse aux caractéristiques du son d’un point de vue
mécanique dans des domaines d’application variés et extrêmement
nombreux, j’en citerai quelques unes ci-dessous à titre d’illustration.
Rappelons d’abord que l’oreille humaine perçoit les sons entre 20
Hz et 20 000 Hz. Les ultrasons sont des ondes mécaniques et élas-
tiques diffusées par les gaz, les liquides et les tissus mous comme
la peau ou des solides, ce sont des fréquences supérieures à 20 000
Hz que l’Homme ne peut percevoir. A l’inverse, les infrasons sont
des fréquences inférieures à 20Hz, trop graves pour être perçues
par l’oreille humaine.
• Nicolas Collins est Dans le domaine médical, je citerai un champ émergent « la Soni-
compositeur de musique fication » qui consiste à traduire des données scientifiques de ma-
électronique, professeur au
département du son nière acoustique pour palier au manque de précision de l’imagerie
à l’Arts Institute of Chicago. numérique médicale. Nicolas Collins• cite le cas d’un laboratoire
d’analyse d’urine qui a pu réduire l’erreur d’interprétation de ses
analyses de manière significative en analysant les données au moyen
d’un synthétiseur vocal qui les traduit en valeurs sonores plutôt
qu’en valeurs graphiques (graphiques, camemberts, tableaux, etc.)
En géopolitique, les Etats-Unis surveillent l’utilisation d’armes nu-
cléaires en utilisant des détecteurs d’infrasons• . On sait que les
bombes atomiques émettent un pourcentage élevé d’infrasons qui
• Alexis Le Pichon. Les sont perceptibles sur toute la surface du globe. Ces ondes inaudi-
infrasons sillonnent le globe, bles peuvent se propager sur des centaines de kilomètres portées
dans Pour la Science.
Numéro spécial le monde par les vents, elles sont aussi produites par des avions qui dépassent
des sons, octobre 2001. le mur du son ou par des vents dans certaines régions montagneu-
ses. Les infrasons ont des effets physiologiques sur l’homme : per-
tes de l’équilibres, nausées et maux de têtes.
Formation naturelle
d’infrasons
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18. La matière sonore
La nature esthétique
et transcendantale du son
Dans l’industrie, je prendrai deux produits dont le développement Poésie
est lié à la connaissance de la capacité de l’oreille humaine. Le dis-
positif auditif de l’être humain se dégrade avec l’âge, les adultes « J’entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
deviennent sourds aux fréquences les plus élevées. L’entreprise an- Une cloche est en branle à l’église Saint-Pierre.
glaise Compound Security Systems a mis au point un dispositif permet- Cris des baigneurs. Plus près ! Plus loin ! Non, par ici !
tant de faire fuir les adolescents qui ‘squattaient’ dans les galeries Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
marchandes ou les entrées de magasins au moyen d’un émetteur Georges l’appelle. Chant des coqs. Une truelle
de son à très haute fréquence (17 000 Hz), uniquement perceptible Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
par les jeunes. Une autre application en vogue (Mosquitone) utilise Grincement d’une faux qui coupe le gazon.
ces hautes fréquences pour une sonnerie de téléphone uniquement Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
audible par des adolescents. Les recherches en linguistique quant Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
à elles, s’intéressent aux sons perceptibles par l’oreille humaine et Musique militaire arrivant par bouffées.
tentent de décrire les critères de perception : timbre, hauteur, re- Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
gistre, mélodie, intensité, rythme (durée, pulsation, temps), espace, Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
densité, texture, attaque pour les mettre en lien avec le processus de Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
sémantisation. Comment le cerveau passe-t-il du décodage mécani- Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
que d’ondes sonores pour les transformer en idées, notions abstrai- L’eau clapote. On entend haleter un steamer.
tes ? L’imagerie cérébrale et la neurologie commencent à proposer Une mouche entre. Souffle immense de la mer. »
des modèles théoriques de la transformation du son en sens. Victor Hugo
Ces quelques exemples montrent l’importance des fréquences so-
nores dans l’environnement. On remarquera que les sons non per- Ce poème de Victor Hugo est cité par Michel Chion (1998) qui
ceptibles par l’oreille humaine ont des effets physiologiques néga- affirme que les poèmes sont la seule mémoire des sons des époques
tifs. On note d’ailleurs que la technologie ‘Mosquitone’ fait l’objet où il n’y avait pas d’enregistrement. En effet, les poèmes nous per-
d’une vive polémique. mettent de garder ou de découvrir une trace des sons et des mon-
des sonores. Ce sont des traductions verbales du monde sensible.
L’évocation des bruits passe par l’expérience commune que les
lecteurs du poème convoquent. Dans le poème de Victor Hugo,
on relève des bruits précis qui rappellent les six classes de bruit
de Russolo : « Cris, grincements, sifflements, clapotis, etc.». On y
trouve aussi des univers sonores : « le bruit de la forge » ; « le bruit
du travail du maçon » ; « le brouhaha d’un port ». On y entend des
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19. La matière sonore La matière sonore
voix humaines « Plus près ! ; plus loin ; adieu, etc. ». Ce poème « J’ai observé et analysé les chants les poèmes et les pratiques mu-
illustre bien le fait que les bruits et les sons constituent un fonds sicales en Somalie. J’écris aussi des poèmes et des chants. Pour moi
culturel commun, et véhiculent une certaine forme d’universalité la parole et le son de la parole sont des rythmiques. Le rythme de la
de l’expérience humaine. Ce poème constitue aussi un témoignage parole est important car dans la poésie somalienne on se base sur
historique et culturel. Il faut quand même noter que cette expérien- un système métrique. C’est une architecture verbale basée sur les
ce partagée se fait au travers de la langue, et même dans de bonnes voyelles (longues, courtes) les hémistiches et bien d’autres règles.
traductions, il peut être difficile de rendre les univers sonores de Les allitérations en Afrique de l’est sont les équivalents des rimes,
pays éloignés dans l’espace ou dans le temps. ici, en Occident. En ne respectant pas les codes du système mé-
En 1877, Thomas Edison sera à l’origine d’un bouleversement en trique somalien, les sons des poèmes, une fois chantés, paraissent
inventant le phonographe qui devient le premier moyen de repro- « cassés ». On a l’impression que la personne tombe en chantant.
duction direct du son. Cette invention va considérablement chan- C’est donc l’oreille qui nous permet de valider la justesse de la cons-
ger nos comportements en modifiant nos façons de composer d’in- truction du poème.
terpréter, d’écouter, de stocker, ou mixer la musique. Je compose des poèmes, et quand je compose j’imagine ce que
j’écris comme des paroles destinées à être chantées. Le rapport à la
rythmique et à la mélodie chantée n’est pas dissociable de l’écriture
des paroles. C’est une réflexion autour des mots et des sons des
mots. Et selon moi la poésie est symbolisée par cette harmonie.
[…]
On peut observer que les musiques d’Afrique de l’est ont une fonc-
tion de témoin d’une époque. C’est à travers leur tempo que l’on
peut analyser cela. On pense que plus les notes sont courtes plus la
chanson est vieille, et qu’à chaque génération correspond un coef-
ficient multiplicateur de tempo.» Mohamed Abdi
Mohamed Abdi
1878
- 36 - Phonograph Catalog/ - 37 -
Publicité : «I want a
phonograph in every
home…»
20. La matière sonore La matière sonore
Son et spiritualité « Par exemple dans la religion musulmane on chante beaucoup.
Parfois il y a de la musique et parfois non. En Somalie on a des
« Les peuples primitifs attribuèrent au son une origine divine » confréries dites « Suffi ». Dans ces cercles religieux, grâce aux dan-
(Russolo, 1913 p.10) ses et à la musique ils entrent en transe pour atteindre une certaine
spiritualité.
Omniprésente, fédératrice, hypnotisante, cyclique, intemporelle, la Les transes sont telles que certaines personnes prennent des cou-
musique est l’art de combiner les sons en rythme, mélodie et har- teaux et arrivent à se tailler le corps sans même s’en rendre compte
monie. La musique correspond à un besoin biologique et spirituel et boivent leur sang. […]
qu’a l’homme de rythmer sa vie, son quotidien, de le transcender Il y a aussi des groupes que l’on appelle « Zouroundi » (qui aban-
par des rythmes et cérémonies. Toutes les époques et toutes les donnent la vie et chantent tout le temps). Ils créent des groupes
civilisations entretiennent un rapport ambigu avec la musique et pour se retrouver et chanter ensemble. Ils chantent et font de la
l’interaction entre l’homme et la musique est difficile à décrypter. musique pour les dieux et les prophètes. Ils trouvent des rythmes
Prenons l’exemple du Gamelan. C’est un ensemble instrumental qui stimulent tout le monde et encore une fois les gens entrent en
traditionnel caractéristique de la musique indonésienne. Il est com- transe. Ils se rapprochent des dieux en perdant connaissance. »
posé essentiellement de percussions métalliques auxquelles peu- Mohamed Abdi
vent s’ajouter des instruments à cordes, soit frottées, soit pincées
et à vent. Il s’agit d’une musique faite de battements, de coups et Olivier Sacks (2008, p.28) relativise la dimension spirituelle et surna-
frappements, de rythmes complémentaires et synchronisés, de cy- turelle de ces phénomènes en apportant une réponse scientifique :
cles emboîtés et infinis. Un enchevêtrement ordonné de rythmes, par son caractère biologique, le son a un impact tant sur l’aspect
cycles éternels qui se détache de l’activité humaine pour la transcen- physique que physiologique et neuronal de l’être humain : « […]
der. Ainsi, la pulsation du rythme devient le battement de cœur du tout en respectant la spiritualité, je pars du principe que même les
gamelan. Le son sert de moyen de communication entre le monde états d’esprit les plus élevés et les transformations les plus étonnan-
terrestre et l’au-delà. Secret, sacré, assimilé aux voix des esprits sur- tes doivent avoir quelques fondements physiques ou être corrélés à
naturels ou des ancêtres mythiques, on associe par exemple la con- la physiologie de l’activité neuronale, au minimum. »
que (coquillage utilisé comme un instrument à vent à Madagascar
et en Syrie) à la fécondité.
De très nombreux anthropologues ont étudié le caractère trans-
cendantal du chant, notamment le chant des chamanes, les chants
grégoriens et toutes les psalmodies qui peuvent mettre les gens en
transe. C’est ce changement d’état physique que décrit le professeur
Mohamed Abdi dans l’extrait suivant.
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21. La matière sonore La matière sonore
Instruments et sociétés
On observe que les instruments de musique, et l’harmonie de leurs
productions sonores, ont une réelle fonction au sein même des so-
ciétés traditionnelles. Ils occupent une place fondamentale dans les
rituels ou les cérémonies qui accompagnent le cycle de vie. Certains
types d’instruments ont pour fonction d’accompagner chants ou
récits, assurent la transmission, d’une génération à l’autre, d’un pa-
trimoine littéraire, poétique ou historique. De pareils instruments
ont la capacité de marquer les différences, d’insister sur la sépara-
tion des sexes et des activités ou parfois même ils attribuent une
certaine forme de pouvoir. Grâce à la richesse d’un instrument, on
a la possibilité d’analyser les valeurs d’une société car il est porteur
d’une multitude d’informations sur le caractère social, religieux,
éthique ou esthétique d’une société observée. De nombreux exem-
ples dans des cultures très différentes et que tout oppose, permet-
tent d’évoquer quelques-unes de ces fonctions socioculturelles qui
transparaissent parfois à travers formes et ornementations symbo-
liques ou figuratives des instruments. Les instruments sont une in-
terface entre l’homme et le son, c’est grâce à eux qu’adviennent les
événements sonores, l’étude des interfaces constitue donc l’objet
du chapitre suivant.
Musée de la musique (Paris)
détail d’un Cuivre
Musée de la musique (Paris)
Serpent militaire
famille des Cuivres
1590
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22. La matière sonore La matière sonore
Partie2
Interfaces
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Vibration d’une
corde de guitare
23. La matière sonore La matière sonore
Designer un son
Cette partie vise à définir ce qui relie l’Homme à l’objet : l’interface.
La corde de la guitare, par exemple, la touche du piano, la peau de
la percussion, etc. C’est ce qui permet de donner corps à un son.
L’une des directions du design aujourd’hui est l’interactivité. Or on
peut constater que les instruments de musique sont des outils inte-
ractifs par excellence car ils permettent une alliance parfaite entre
l’Homme et l’objet. Le son n’est généré que parce que l’Homme
avec son corps agit sur l’instrument. Je me suis donc questionné sur
la pertinence de l’ergonomie des interfaces sonores.
Il existe d’autre part une dimension psychologique très importante
dans le rapport entre le son et l’objet. Au quotidien les objets qui
nous entourent génèrent des sons qui vont donner l’impression à
l’homme de son bon fonctionnement, par exemple la ventilation
d’un ordinateur, le bruit d’une cafetière électrique ou le click d’un
bouchon de rouge à lèvre. Les designers sonores travaillent à défi-
nir le son des objets usuels pour leur donner vie, ou bien pour leur
offrir une valeur ajoutée.
Ce qui complète cette équation dans le rapport entre l’homme,
l’objet et le son est la notion de « feedback ». Lorsque l’homme
interagit avec un objet, le son généré, qui est perçu par l’utilisateur,
lui donne une information. Le résultat étant le centre des préoccu-
pations des designers d’objets.
Bob Turek
Amplifier-Remix Object
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“transforming the way we view the
objects we make music with” 2008
24. Vers un design sonore La matière sonore
«L’industrie a besoin de formes sonores L’oreille n’entend que des sons organisés en langage. Elle ne peut
Fonctionnelles et esthétiques transcrire au cerveau ces sons que sous une forme éphémère. Cet
conçues scientifiquement» éphémère fait naître des émotions qui doivent devenir une infor-
Patrick Susini• mation qualitative afin d’être comprise par l’utilisateur de l’objet.
Dans l’univers de l’automobile - c’est de loin le domaine d’appli-
cation du design qui donne la place la plus importante au designer
L’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Mu- sonore - le design sonore permet, par exemple, de mettre au point
sique) prône une recherche associant sémiotique, acoustique et per- un son de moteur, tantôt modeste, pour des bas de gamme, ou
ception, tout en conservant l’approche esthétique du champ musi- robuste et sportif pour des voitures de luxe. On peut aussi donner
cal. Comme nous le disions en introduction de ce mémoire au sujet du cachet à une voiture bas de gamme en offrant à son moteur un
du design de manière générale, le terme « design sonore » désigne son sportif, par exemple. On peut extrapoler les bruits, ou en tout
• Patrick Susini est l’actuel un champ d’application riche et varié mais reste encore à préciser. cas apporter une valeur ajoutée à un véhicule, grâce au son qu’il
responsable de l’équipe Le groupe de recherche « design et perception » de l’IRCAM pro- génère. Cela montre l’importance que peut avoir le designer sonore
Perception et design sonores
à l’IRCAM pose quatre domaines principaux d’investigation pour le design so- dans le processus de création d’un produit. Certaines grandes en-
nore : L’objet, l’espace, la signalétique et les médias. seignes ont fait du design sonore une réelle marque de fabrique qui
Nous n’avons pas besoin de préciser que ce sont aussi les préoccu- permet de sublimer leur logo. La charte sonore est aussi bien iden-
pations principales des designers traditionnels. tifiable que la charte graphique. Ainsi, ce que l’on appelle des icônes
Il faut également prendre en compte la dimension psychologique sonores – marqueurs symbolisant une enseigne ou l’appartenance
qui intervient dans les recherches de mise au point du son. Le rôle à un groupe de manière sonore – sont entrées dans l’inconscient
du cerveau, dans la perception, est particulièrement important car collectif. Qui ne connaît pas l’alerte de MSN ou bien le générique
il fournit un gros travail d’analyse pour distinguer, reconnaître et d’annonce de la SNCF ?
évaluer les sons, selon leur hauteur bien sûr, mais surtout selon
leur évolution au cours du temps. Cette évolution dans le temps
fait appel à l’émotion. L’oreille, elle, ne fait que transmettre des
informations brutes. L’exemple du bruit émis par le disque dur qui
« tourne » en illustre la dimension psychologique : entendre l’ap-
pareil « vivre » rassure l’utilisateur.
Le design sonore conçoit des événements sonores en fonction de la
cible à qui l’on veut vendre : voiture sportive ou familiale, par exem-
ple. Partant de ce postulat, les designers sonores créent des sons
pertinents afin d’être cohérents avec les utilisateurs d’objets ciblés.
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25. La matière sonore La matière sonore
Une Approche sources directes de nuisance sonore, en opérant une modification
Selon le groupe de recherches design et perception de l’IRCAM : des revêtements. En absorbant les bruits humains et ferroviaires,
« Penser les sons d’un objet revient à les penser en termes de rela- par exemple, afin d’améliorer le confort acoustique. Quelles futures
tion son/objet/individu : à quoi servent-ils ? Que nous disent-ils ? applications auront pour concepteur un designer sonore ?
Comment nous parlent-ils ? Sont-ils en harmonie avec l’objet ? » On peut, par exemple, imaginer des services pilotés via internet
Autant de questions qui définissent la démarche de création des avec une interface complètement sonorisée : codes sonores et in-
designers sonore de l’institut de recherche de Paris. terface vocale établissant un dialogue entre l’homme et ses objets
On observe deux types de fonction acoustique. La première se- domestiques. Ou bien plus simplement, dans la domotique, des ob-
rait une fonction principale ou fonction première. Lorsque le son jets intelligents pourraient interagir avec l’homme par l’acoustique.
joue un rôle indispensable, comme un instrument de musique par Quelle place et quelle importance le son va-t-il prendre dans nos
exemple. Et la seconde serait plutôt une fonction annexe ou com- futurs objets domestiques ou nos futures villes ? L’interaction so-
plémentaire, comme l’exemple du disque dur précédemment cité. nore est-elle la base de nos objets du quotidien de demain ?
Notre paysage sonore est constitué d’une multitude d’éléments qui
composent un environnement acoustique extrêmement riche et va-
rié. Bien que certains sons de notre milieu urbain soient considérés
comme une pollution, certains sont nocifs alors que d’autres sont
indispensables. Même si au détour d’une rue, on peut croiser le
chemin d’un passage piéton parlant ou bien muni de codes sonores,
cela reste encore trop rare, dans une société où la technologie man-
que, par moment, d’efficacité. Dans ce cas précis la fonction visant
à accompagner les personnes non-voyantes me parait pertinente si
le son n’est pas un élément additionnel au brouhaha urbain, mais si
le signal favorise un comportement facilitateur dans un rapport in-
tuitif et si il s’intègre précisément dans son contexte. Le son en tant
qu’élément de signalisation est l’un des domaines principaux du
design sonore. Comprendre un événement, ou une nouvelle forme
de communication c’est l’objectif du design sonore.
On observe aussi une partie moins évidente de ce design, mais tout
aussi indispensable. A l’échelle de la ville, des réflexions sont me-
nées autour de la pollution et des bruits nocifs, des mesures sont
même mises en place. Un des objectifs de la SNCF est de pallier aux
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26. La matière sonore La matière sonore
Le son des objets
« La majorité des objets sonores possèdent
une signature acoustique intrinsèque,
non intentionnelle, qui traduit la typologie
(mécanique, électrique ou encore naturelle)
et les caractéristiques (matière et forme) de l’objet »
groupe design sonore et perception IRCAM•
Tous les objets que l’homme manipule produisent des bruits qui
• Dans « le design habitent leur environnement. Or ces bruits omniprésents ne de-
aujourd’hui », exposition du
Centre Pompidou, Paris viennent des sons que lorsque ceux-ci sont organisés. Comme nous
l’avons vu dans la première partie.
Le 21ème siècle nous permet de communiquer partout dans le
monde, de s’informer et de partager une foule de données. Cette
révolution a pourtant un inconvénient non négligeable dans no-
tre paysage sonore : combien de fois avons-nous été dérangés en
pleine séance de cinéma par la sonnerie d’un téléphone portable
? Ne sommes-nous jamais irrités du bruit de la VMC dans nos
bâtiments ? C’est en quelque sorte un constat similaire à celui fait
par Luigi Russolo avec l’avènement d’un nouveau type de bruit au
XIXème siècle pendant la Révolution industrielle. Aujourd’hui un
nouveau type de nuisance sonore est apparu avec la croissance des
technologies numériques et interactives. De la même façon que la
voix d’une personne lui est propre (hauteur, timbre…), l’objet pro-
duit un son spécifique dû à ses matériaux, son utilisation ou encore
à sa forme, il a une signature sonore qui lui donne une identité. Si
un objet ne fait pas de bruit, il donne l’impression de ne pas fonc-
tionner, ou même d’être cassé.
Extrait du clip de
James Houston
pour Radiohead
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27. La matière sonore
Interfaces
Comportement/Ergonomie/Mouvement gestuel,
mouvement visuel et synthèse sonore.
Toute proportion gardée, ceci pourrait presque être comparable Les corps sonores
avec l’angoisse de la mère qui va vérifier que son enfant respire « Je les fais beaucoup travailler avec des corps sonore […] Je leur
bien quand elle ne l’entend pas. Le son de l’objet établit un rapport présente dans un premier temps différents corps sonore. J’entends
au vivant dans la relation Homme/objet. par là des matériaux comme des sacs plastiques, du papier sulfurisé,
Quelle est donc l’utilité de ces bruits et pourquoi les objets censés ou du papier aluminium par exemple. N’importe quel objet ou ma-
nous faciliter le quotidien deviennent des éléments saturateurs de tériaux avec lequel on peut créer des sons en interagissant avec. On
notre environnement sonore ? va apprendre à les manipuler, comprendre leur fragilité, observer
C’est une des problématiques principales du design sonore. Le bruit quels sons on peut faire ou non avec ses matériaux, quelles ges-
des objets plutôt que le son ? tuelles adopter pour les manipuler. C’est l’apprentissage d’un geste
Ceci amène à pointer du doigt les nuisances sonores dues au trop en fonction d’une intention précise.Mais se qui est intéressent c’est
plein d’informations. Cet excédent d’informations n’engendre pas que le geste va changer en fonction du corps sonore. C’est encore
seulement une désinformation mais aussi une pollution sonore, une fois un travail d’écoute. Ce sont des choses que l’on ne pourrait
qu’il s’agit de réduire grâce à une meilleure conception des inter- pas faire avec un vrai instrument de musique. Par exemple prenons
faces un djembé. L’enfant va intuitivement taper dessus, car c’est un ob-
jet connoté. Alors que ce qui est intéressent ce serai de gratter la
peau, de la caresser… et d’observer les sons qui en résultent. On
travaille donc avec des corps sonores car leur abstraction laisse libre
court à l’imagination.
On va pouvoir aller vers une multitude de sons, proposer des cho-
ses, explorer des sonorités, trouver des sons qui nous intéressent et
parfois d’autres qui nous intéressent moins. Chose que l’on n’arrive
pas à retrouver avec des instruments classiques.
Concrètement c’est de la récupération. On peut aussi en construire
à partir de plusieurs matières afin d’obtenir des combinaisons so-
nore intéressantes, des complémentarités. Le principe étant de don-
ner une vie sonore et musicale à un objet qui n’en a pas à la base.
On a une démarche expérimentale et exploratoire lorsque l’on tra-
vaille avec des corps sonores. Des ballons de baudruche, par exem-
ple, sont des corps sonores que l’on exploite beaucoup. Ils peuvent
générer des sons extrêmement volumineux.
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28. La matière sonore La matière sonore
Pouvant être très forts, souvent agressifs si l’enfant mouille ses Ainsi, ils peuvent être assemblés sans solfège préalable. D’où la
doigts et les met en contacts avec le ballon. De fait, je leur demande liberté totale de jeu, facilitant l’émission de sons. Il n’y a pas de jus-
de trouver un geste et de créer des sons fins et doux avec un corps te ou faux, mais toujours un son agréable. Ces structures sonores
sonore qui apparemment ne le permet pas. La difficulté de l’exerci- sont largement exploitées par les structures comme MESH comme
ce est donc de maîtriser ce potentiel sonore. » Dorothée Mattar nous explique Dorothée Mattar :
Comme nous venons de le voir dans cet extrait, le corps sonore « Je ne connais pas vraiment la matière, mais cela ressemble à du
peut avoir un fort potentiel éducatif. Contrairement à un objet plastique. C’est des couleurs très vives. On utilise par exemple le
sonore, qui est un événement sonore perçu comme un ensemble cône qui, posé au sol, devient une caisse de résonnance, sur lequel
(M.Chion)• , le corps sonore est une matière qui, mise en vibration, on vient ajouter des éléments pour obtenir différents effets acous-
produit un son. tiques. Ce qui est pertinent, c’est que ce sont des objets posés au
Dans les deux exemples suivants, nous trouvons une réflexion sol. Il n’y a pas besoin de les porter. On peut se mettre autour, et
• Michel Chion. autour de la vie sonore des matériaux usuels. Nous verrons que pratiquer l’instrument à quatre ou cinq. Donc ça met l’accent sur
Guide des Objets Sonores. les frères Baschet ou encore F. Nogray explorent tout le potentiel le groupe et non l’individu. Ces structures attirent les enfants par
Eds. Buchet. Chastel,
Paris : 1983 acoustique de matériaux, en sublimant chacune de leurs caractéris- leur couleur ou leur forme. C’est très bien pour ceux qui ne vont
tiques sans imposer de codes formels. D’ailleurs ils les appellent des pas naturellement vers les instruments. Les structures Baschet ne
structures et non des objets. leur font pas peur, au contraire, elles les intriguent et les attirent,
Les frères Baschet commencent leurs études en 1952 (l’un est plas- poussent les enfants à les toucher, à les manipuler. »
ticien et l’autre sculpteur). Ils créent des sculptures sonores. Ce sont
des instruments non connotés et démystifiés qui n’ont pas l’aura
d’un instrument classique. En effet, les instruments conventionnels
exigent un apprentissage mécanique et technique strict, et il faut
apprendre d’abord à maîtriser les codes académiques du langage
musical. Dans les structures Baschet, il n’y a pas de mode d’emploi,
au contraire on expérimente le son, à plusieurs. La démarche étant
d’enrichir le geste à travers l’écoute.
La base des recherches des frères Baschet a été la création de sons
dont la structure interne est différente des sons utilisés en musique
classique.
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29. La matière sonore La matière sonore
The cry of the « goat »
Stuctures sonore des frères
Baschet
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30. La matière sonore La matière sonore
La matière dialogue avec le corps
Frédéric Nogray travaille avec des bols chantants en cristal, et uti-
lise des objets tirés de pièces industrialisées (détournement de pro-
duits existants), notamment de la poudre de quartz fondu à haute
température. Il s’agit d’une démarche inspirée de pratiques ances-
trales asiatiques. Constitués de quatre-vingt dix-neuf pour cent de
silice, les bols produisent des fréquences pures. Quand elles sont
diffusées, les fréquences jouent avec l’espace acoustique et l’audi-
teur perd la directivité du son produisant un effet unique qui amène
le public à baigner dans un univers d’étrangeté. Le corps humain
contient également de la silice ce qui, selon Frédéric Nogray, pro-
voque un effet de résonance qui produit, selon les moments et les
personnes, des effets physiques : relaxation, lâcher prise, sommeil.
Mais l’effet des fréquences peut être inverse et dynamiser d’autres
personnes. On note en tout état de cause une interaction entre le
son et le corps. Contrairement à d’autres formes de musiques écri-
tes ou composées, cette performance expérimentale est improvisée,
non écrite, et elle évolue en fonction de l’environnement spatial et
de la physiologie des auditeurs. C’est une perpétuelle recherche de
la perfection acoustique. Frédéric Nogray est passé d’un univers
musical électro acoustique à un univers expérimental minéral, et
par conséquent plus sensible, qui ne garde que l’essentiel du son. Il
met en lumière les phénomènes de résonance corporelle et le lien
corps/matière.
Détails des bols
en cristal
de Frédéric Nogray
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31. La matière sonore La matière sonore
« Si le son
provoque
quelque cho-
se en moi,
c’est parce-
que je suis un
ensemble de
phénomènes
vibratoires »
Frédéric Nogray
Les bols chantant
Installation de
Frédéric Nogray
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32. La matière sonore La matière sonore
« Je n’ai jamais fait de musique mais par contre j’ai observé les ins- Les corps électro-acoustiques
truments. On utilise beaucoup de tambours en Afrique. Mais très Du clavecin électrique à la table « multitouch »
souvent on utilise n’importe quels objets ou outils étant capables de
faire des rythmes ou des sons. On fait des bruits rythmés à partir de Dès la fin du XVIIIème siècle, les découvertes de l’électricité ont
choses récupérées. Par exemple deux morceaux de métal que l’on permis des inventions d’instruments innovantes et complémentai-
frappe l’un contre l’autre ou bien un bidon d’essence dont l’extré- res aux instruments de musique classique. Ainsi, tout un champ de
mité va être coupé afin de créer une caisse de résonnance. possibilités s’est ouvert. Des ingénieurs et scientifiques ont couplé
Tout cela accompagné de claquements de mains ou de rythmes leurs recherches techniques avec des découvertes ludiques. C’est le
créés avec les pieds. On arrive toujours à rythmer un instant et le début d’un enthousiasme sans précédent pour toutes les formes
rythme est partout. Que ce soit par des poèmes, par des chants, de d’innovations technologiques en rapport avec la musique.
la musique ou de la danse. » Mohamed Abdi En 1759, Jean-Baptiste de La Borde construit le clavecin électrique,
Les corps sonores sont des matériaux sensibles, nobles ou non, un instrument avec clavier qui utilise l’électricité statique pour frap-
dont le potentiel émerge de leurs caractéristiques techniques et de per des cloches avec de petits clapets métalliques.
leur mise en œuvre particulière. En 1920, Lev Sergeyevich Termen (1896-1993), étudiant physicien
russe, construit le Thereminvox appelé aussi Antenne Chantante.
Fondé sur le principe des champs magné-
tiques, la hauteur de la note est fonction
de l’éloignement de la main droite par
rapport à une première antenne et l’am-
plitude est contrôlée par la distance sépa-
rant la main gauche d’une autre antenne.
Deux oscillateurs délivrent des hautes fré-
quences, trop élevées pour être audibles,
dont l’une est constante et l’autre variable.
L’interférence entre les deux fréquences
produit toute une gamme de sons per-
ceptibles. L’interférence, qui d’ordinaire
a une connotation négative et parasitaire,
devient désormais musique maîtrisée.
Au début des années 1960, il est transisto-
risé et vendu en kit par un jeune électro-
Illustration du
Thereminvox
par SKIRA
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33. La matière sonore La matière sonore
1991
Michel Waisvisz
Projet Hands2
Concu avec Bert Bongers
nicien plein de promesses : Robert Moog (1934-2005). Dès lors, le
son caractéristique du Théréminvox est devenu l’empreinte sonore
des films d’épouvante et de science-fiction.
Les objets usuels deviennent des objets intelligents à la fin du XXè-
me siècle. Ils intègrent un dispositif autonome, capable d’interagir
avec l’utilisateur, l’environnement et d’autres objets situés à proxi-
mité ou à distance, via le web par exemple. Se met alors en place
le design d’interaction.Les domaines émergents que sont la robo-
tique, l’intelligence artificielle, la domotique et les réseaux ouvrent
les portes de la communication entre objets du quotidien et sons
électro-acoustiques.
• STEIM (the studio for En 2007, la Reactable• fait son apparition. Il s’agit d’une interface
electro-instrumental music). qui permet de modifier les composantes d’un synthétiseur modu-
Seul centre indépendant de
musique électronique dont laire. Il se présente sous la forme d’une surface ronde ayant au cen-
les travaux sont exclusive- tre un point (la sortie du son), sur laquelle on dispose des blocs
ment dédiés aux arts vivant.
Pays-Bas. représentant chacun des éléments du synthétiseur. Les éléments
sont reliés entre eux virtuellement comme dans un circuit électri-
que. Le joueur peut modifier leurs interactions en faisant varier la
distance séparant deux éléments reliés, la fréquence du signal en
faisant pivoter l’élément, l’amplitude en déplaçant son doigt autour
de l’élément… Un projecteur émet des effets lumineux créant ainsi
• Reactable : les liaisons entre les éléments. Ce projet reste tout de même difficile
http://www.youtube.com/ d’accès dans son utilisation.
watch?v=0h-RhyopUmc
En revanche, le STEIM• (Studio for Electro-Instrumental Music)
développe des projets pour des performances artistiques mais aussi
des instruments accessibles à tous. Le credo de ces hollandais est
le suivant : “Touch is crucial in the communicating with the new performance
art technology.”
La finalité est de créer de la musique avec une démarche de designers
contemporains. Ils sont dans une recherche perpétuelle d’interface
ergonomique. Ils tentent d’appliquer des nouvelles technologies en
vue de faire évoluer les instruments électro acoustiques. Il s’agit
d’une démarche expérimentale, ils partent de l’étude de l’humain
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