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1
Université Toulouse 1 Capitole
Année universitaire 2019/2020
Master 2 Droit public - Collectivités territoriales
Rapport de stage
Le contentieux d’un sinistre pour cause naturelle
en zone classée
Présenté par: Lachèse Catherine
Sous la direction de Mme. Crouzatier-Durand Florence
Maître de conférence en Droit Public

2
L’Université n’entend ni approuver, ni désapprouver les opinions
particulières émises dans cette thèse. Ces opinions sont considérées comme
propres à leur auteur. 

3
Remerciements:
Je remercie la Mairie du Pradet de m’avoir accueilli au sein
de leur établissement ainsi que Mme. Marie Laure Charry, responsable
du pôle aménagement durable, pour ses conseils et son
accompagnement tout au long de mon stage
Je remercie aussi Mme. Crouzatier-Durand de m’avoir
guidée pour la réalisation de mon rapport de stage. 

4
SOMMAIRE
6 - INTRODUCTION
8 - TITRE I: LES PARTICULARITÉS DES TERRAINS EN ZONE CLASSÉE
POUR RISQUES NATURELS PRÉVISIBLES
8 - Section 1 : La présentation du lieu et de ses caractéristiques
géologiques
8 - 1.1 : L’évolution architecturale et administrative du Pin de Galle
8 - A) D’un lieu dit atypique et pittoresque vers une architecture lourde et dense
11 - B) L’articulation particulière du site : entre terrains privés et publics
12 - 1.2 : Des problématiques géologiques connues
12 - A) De nombreuses études géologiques
13 - B) Une législation propre aux glissements de terrains
13 - Section 2 : La survenance du sinistre et la procédure CATNAT
15 - 2.1 : Les procédures d’urgence en cas de sinistre
15 - A) Les arrêtés d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent
16 - B) Les travaux d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent
17 - 2.2 : La procédure de reconnaissance en CATNAT
17 - A) La demande de reconnaissance en CATNAT
19 - B) Les effets de la reconnaissance en CATNAT
21 - TITRE II : L’APRÈS SINISTRE : ENTRE RESPONSABILITÉS ET
SOLUTIONS POSSIBLES
21 - Section 1 : Des hypothèses de responsabilité de la commune
21 - 1.1 : Une possible responsabilité du maire dans l’exercice de ses pouvoirs
de police
22 - A) L’exemple des arrêtés portant interdiction d’habiter les lieux du sinistre
5
23 - B) L’exemple des obligations en matière de prévention des risques naturels
24 - 1.2 : Les causes atténuantes ou exonérantes de la responsabilité de la
commune
24 - A) L’exonération possible de la responsabilité de la commune en cas de
force majeure
26 - B) L’atténuation de la responsabilité de la commune par la faute ou
l’imprudence de la victime
27 - Section 2 : La résolution possible du sinistre
27 - 2.1 : Les moyens mis à disposition de l’État en matière de CATNAT
27 - A) Vers une extension des mesures de prévention des risques naturels
29 - B) L’acquisition amiable des biens exposés à un risque naturel et le
FPRNM
31 - 2.2 : L’intervention de la justice
31 - A) L’expropriation : le dernier recours
33 - B) Une procédure contradictoire nécessitant un expert judiciaire
36 - CONCLUSION
38 - BIBLIOGRAPHIE
40 - ANNEXES
PS: En l’absence de réponse de ma responsable de stage au sein de
l’établissement et dans le doute de la publicité de ces informations, j’ai censuré
deux phrases dans la partie I du rapport de stage. 

6
INTRODUCTION
J’ai effectué mon stage de master 2 droit public, droit des collectivités
territoriales, d’une durée de deux mois au sein de la Mairie du Pradet.
Commune de 11 000 habitants située dans le département du Var, en Provence
Alpes Côte d’Azur. Je suis rattachée au pôle de l’Aménagement Durable,
regroupant ainsi les services d’urbanisme et d’environnement. J’ai effectué
mon stage auprès de Mme Marie Laure Charry, directrice du pôle
aménagement durable, qui m’a donné pour mission l’analyse d’un important
contentieux auquel la Commune est reliée et qui dure depuis six ans. En effet,
en 2014, suite à un éboulement survenu dans une calanque au sein de la
commune, un contentieux regroupant des propriétaires privés et la Mairie a fait
l’objet d’une procédure contradictoire.
En février et décembre 2014, deux glissements de terrains, sur la partie
haute de la pente d’une calanque, ont provoqué des éboulements et des
coulées de boue. Le lieu dit du Pin de Galle, lieu du sinistre, est divisé entre
deux sociétés civiles immobilières et des propriétaires privés. L’ensemble des
habitations relève donc du domaine privé. Cependant, la commune possède
quelques chemins publics traversant les habitations et descendant à la plage
publique du Pin de Galle ainsi qu’un parking en haut de la falaise. A l’initiative
d’une des SCI, propriétaires de la partie Ouest de lieu du sinistre, une expertise
a été effectuée auprès du Tribunal administratif de Toulon durant six ans. Le
contentieux étant toujours en cours, je n’ai pas l’autorisation de traiter le sujet.
Ainsi, je me suis penchée sur les problématiques qui pourraient ressortir
du dossier de contentieux. Après analyse et réorganisation chronologique et
thématique des divers documents du dossier, une multitude de sujets en sont
ressortis. J’ai dans un premier temps effectué un regroupement des
informations et données reliées au contentieux puis, j’ai répertorié tous les
documents et requêtes annexes au contentieux principal. J’ai alors synthétisé
les différents événements de la procédure, en essayent de les compléter par
des recherches ultérieures aux documents déjà présents. Ce travail m’a
emmené à me questionner sur les responsabilités d’une Commune en un tel
cas et sur les procédures à suivre en cas de catastrophe naturelle. De ce fait,
en parallèle des recherches effectuées pour les faits concrets et la procédure
même du contentieux, j’ai effectué des recherches complémentaires.
7
Les évènements sanitaires liés à la propagation du virus Covid-19 ont
amené la Mairie à prendre des mesures sanitaires à mon égard. J’ai dû finaliser
mon stage à mon domicile. J’ai donc dirigé mes travaux vers des recherches,
en restant en contact avec ma responsable de stage au sein de la Mairie.
Ces recherches concernent les sinistres résultant de cause naturelle,
avec ou sans intervention humaine. Je me suis penchée sur les obligations
tenant aux représentants de la puissance publique concernant la prévention,
mais aussi l’exercice de leur pouvoir de police et la réalisation de documents
d’urbanisme . Ces obligations peuvent résulter soit des dispositions à prendre
avant le sinistre, soit après la réalisation du sinistre. J’ai ainsi recherché les cas
de manquements de la Commune, les cas de sa responsabilité mais aussi les
cas qui pouvaient soit l’exonérer soit atténuer sa responsabilité.
J’ai essayé de rapprocher des cas existants aux évènements du
contentieux dont j’ai fait l’étude. Des similitudes existent mais le contentieux
étant toujours en cours, je ne peux traiter le sujet directement. Les parties qui
traitent du sujet concret ressortent de données publiques. De plus, la procédure
ayant suivi son cours, certaines solutions trouvées ne sont plus utiles. L’intérêt
d’une telle comparaison est alors purement intellectuelle dans la recherche
d’une alternative aux faits actuels et de diverses solutions qui auraient été
applicables, à l’image d’un cas pratique multiple calqué sur la réalité. Enfin,
cette analyse peut servir en cas de recours annexe relié au contentieux
principal, diverses situations étant analysées, leurs similitudes peuvent être
empruntées dans les faits actuels mais aussi si un évènement similaire
viendrait à se reproduire.
À la lecture des documents du contentieux étudié, une problématique
m’est apparue : celle des obligations de la commune dans ce cas particulier de
sinistre survenu dans une calanque, ou domaine privé et domaine public sont
tous deux présents.
De quelles façons une commune peut être impliquée dans un
glissement de terrain en zone classée suite à une catastrophe naturelle ?
J’ai alors élaboré un dossier de recherches en m’inspirant des faits
d’origine, mais aussi de faits généraux. La première partie traitera des
particularités des terrains en zone classée pour risques naturels prévisibles (I),
la seconde partie traitera des conséquences du sinistre, au regard de la
responsabilité de la commune, et des solutions possibles (II). 

8
TITRE I: Les particularités des terrains en zone
classée pour risques naturels prévisibles
Cette partie présentera le lieu du sinistre et ses particularités
géologiques (1) ainsi que la survenance du sinistre et la procédure à suivre en
reconnaissance d’état de catastrophe naturelle (2).
Section 1- La présentation du lieu et de ses caractéristiques
géologiques
Le lieu du sinistre, le Pin de Galle, présente de nombreuses
particularités, après un exposé de son évolution architecturale et administrative
(1.1), seront exposées ses particularités géologiques (1.2).
1.1: L’évolution architecturale et administrative du Pin de Galle
La calanque qui a fait l’objet du sinistre abrite une petite crique habitée
qui a évolué dans le temps (A) et qui a la particularité de posséder des terrains
privés et des terrains publics (B).
A. D’un lieu dit atypique et pittoresque vers une architecture lourde et dense
La ville du Pradet, commune de 11 000 habitants, située sur la côte
d’Azur, se trouve dans le département du Var. La commune est connue pour
son emplacement en bordure de la Méditerranée et son paysage diversifié et
remarquable. La ville attire de nombreux touristes en périodes estivales. Venant
profiter des nombreuses plages situées sur le littoral, dont la petite crique du
Pin de Galle, la population de la ville est multipliée par trois en été.
9
Au nord ouest du Pradet, le Pin de Galle est atypique. En effet, située
dans une calanque, ce petit village de pêcheurs surplombe une crique par une
multitude de petits cabanons . D’un visuel remarquable, il attire de nombreux1
touristes en été, mais aussi de nombreux locaux en toutes saisons. Véritable
petit village, le lieu dit du Pin de Galle possède sa propre place où les habitants
viennent se retrouver, ainsi que de petits commerces, comme un bar/restaurant
au bord de l’eau. Calme et paisible, de nombreux promeneurs aiment arpenter
ses petits chemins au travers d’habitations exceptionnelles.
Photos de la plage du Pin de Galle - Site internet: www.le-pradet.fr
Mais, de petits cabanons en bois les habitations sont devenues de2
véritables maisons en béton, avec tout l’équipement nécessaire. Durant mes
recherches sur l’histoire du Pin de Galle, j’ai consulté une étude réalisée par3
l’architecte Bruno Cara du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de
l’Environnement du var effectuée pour le compte de la mairie. L’architecte se
penche sur le caractère pittoresque du Pin de Galle et sa disparition. Effectuée
en 1992, M. Cara relève que « faute de protection, le Pin de Galle qui a perdu
ses pins, perdra bientôt le caractère original de son habitat spontané pour
: Annexe 1, lotissement de la calanque du Pin de Galle, plan de masse, Bruno Cara, 19911
: Annexe 2 - Photos des cabanons du Pin de Galle, Bruno Care, 19912
: Commune du Pradet - C.A.U.E du Var, Les cabanons du Pin de Galle, Bruno Cara, mai 1992.3
P.9 2.2 Dégradation du caractère de l’habitat
10
devenir un exemple minéral inconfortable et sans doute inesthétique, qui n’aura
plus que pour seul attrait la proximité du bord de mer et l’absence de voiture ».
De même, les matériaux ont eux aussi évolué : « L’utilisation d’agglomérés et
d’enduits rustiques donnent des effets de lourdeur à des constructions qui
utilisaient autrefois des matériaux d’aspect plus léger (briques creuses, bois,
tuiles plates, enduit lisse) ». J’ai pu retrouver des croquis que l’architecte avait
faits dans son carnet de note, représentant la simplicité tant architecturale que
matérielle des cabanons.
Croquis des cabanons du Pin de Galle - Bruno Cara
Ainsi, le Pin de Galle évolue : d’un petit village de pêcheur vers de
véritables constructions de plus en plus denses. En conclusion, l’architecte
Bruno Cara, préconise que la Commune, en concertation avec l’État, demande
la création d’une Zone de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain afin
11
de protéger et sauvegarder la qualité des espaces bâtis et non bâtis «  en
prenant en compte les mutations sociales et économiques, l’aisance des
usagers et l’épanouissement de la vie du Pin de Galle ».
En plus de son esthétique particulière, le terrain présente des
particularités administratives.
B. L’articulation particulière du site: entre terrains privés et publics
La commune du Pradet a été créée en 1894 par une séparation avec la
commune de La Garde à laquelle elle appartenait. La calanque du Pin de Galle
était restée en indivision entre les deux communes, et la commune du Pradet,
qui avait la gérance de l’indivision, a accordé des baux sur la calanque. La SCI
Calanques du Pin de Galle a été créée en 1975 afin d’acheter les baux en
question. Le 6 janvier 1977, les maires des deux communes vendent les
terrains communaux à la société civile immobilière.
Actuellement, les terrains du Pin de Galle sont répartis entre des
propriétaires privés, deux SCI et quelques parties appartenant au domaine
public. La partie Ouest du secteur est appelée la Calanque, la partir Est
s’intitule la Pinède. Chacune des deux parties appartiennent à une SCI.
Le village du Pin de Galle à une situation administrative particulière, en
effet, le plateau et le parking, ainsi que le trottoir qui surplombe la calanque,
appartiennent au domaine public communal. Les trois principaux chemins
d’accès à la plage publique appartiennent aussi à la Mairie. Enfin, les chemins
privés appartenant à la SCI sont ouverts au public, ces dispositions ont été
mentionnées dans l’acte de vente. Il y a donc une concertation entre domaine
privé et domaine public.
Lors de la vente des terrains, les parties non constructibles et trop
arpentées ont été cédées à titre gratuit dans l’acte de vente, sous réserve
qu’aucune construction n’y sera ni maintenue ni implantée. En effet, un
éboulement s’est produit en 1960, l’instabilité du terrain était alors connue et, en
application d’une étude géologique réalisée, des zones inconstructibles ont été
délimitées.
Il n’existe donc aucune habitation appartenant au domaine public, mais
des installations, le parking et des chemins permettant l’accès à la plage
publique. C’est donc un village privé, appartenant à des SCI dont une
particulièrement investie, avec cependant une importante dimension publique
due à la forte fréquentation du lieu, en particulier en été. Cette situation est
particulière dès lors que la séparation entre domaine privé et public est
effectivement bien délimitée, mais pas dans la pratique. S’entremêlent des
12
chemins empruntés par tous usagers, appartenant soit au domaine public, soit
au domaine privé mais l’ensemble reste ouvert à l’usage du public.
L’instabilité du terrain mentionnée dans l’acte de vente était connue de
tous, ainsi des documents d’urbanisme ont été réalisés afin de prévenir le
danger.
1.2 - Des problématiques géologiques connues
La commune a procédé à de nombreuses études géologiques sur
l’ensemble du terrain (A), ces études ont permis de prendre en considération,
dans les documents d’urbanisme, les problématiques géologiques liées au
terrain (B).
A. De nombreuses études géologiques
Les particularités du Pin de Galle ne tiennent pas qu’à son charme et à
son attractivité auprès des promeneurs. Le terrain en lui même connaît de
multiples problématiques. En effet, en 1960, à la suite de désordres
géologiques, la commune du Pradet avait demandé une expertise auprès du
professeur Claude Gouvernet, éminent professeur de géologie appliquée à la
faculté des sciences de Marseille. Le professeur Gouvernet avait conclu, suite à
une expertise géologique complète de la calanque, l’instabilité de plusieurs
parcelles.
L’expertise du professeur Gouvernet révélait la présence de schistes
carbonifères et de réservoirs aquifères qui, par une mise en charge hydraulique
et une imbibition fragilisait le support du talus que domine le plateau calcaire.
Les analyses du professeur Gouvernet sont reprises dans une étude de juillet
2019 effectuée sur l’ensemble du site du Pin de Galle et réalisée par deux4
bureaux d’études spécialisés en géologie et en hydrologie à la demande de la
Mairie. Dans le volet géotechnique, l’expert relève que « le secteur a fait l’objet
de mouvements de terrains à l’origine de désordres qui se manifestent encore
aujourd’hui (…). Ces secteurs connaissent des problèmes récurrents de
stabilité des sols avec des influences notables sur les bâtis présents. Ces
: Étude géologique, hydrologique et géotechnique des désordres dans les secteurs du Pin de4
Galle et de la Pinède - Le Pradet (83) - 2016-2019. IMSRN/ H2EA - Volet géotechnique juillet
2019
13
problématiques ont été identifiées vers 1960 et ont probablement une origine
antérieure ».
En continuité des expertises du professeur Gouvernet, le BRGM
continue les analyses du terrain. Ainsi, en 1976, Mr. Rousset, du BRGM,
constate à propos du secteur de la Pinède, la présence de « tassements parfois
alarmant  » et indique que «  toute la zone présente une tendance au
glissement ». Dans ses conclusions il qualifie la zone de « dangereuse » et qu’il
« n’est pas question d’envisager de reconstruire les villas abattues et [que] le
caractère non constructible de cette zone est permanente ».
La mairie a ainsi élaboré des documents d’urbanisme prenant en compte
ces désordres géologiques.
B. Une législation propre aux glissements de terrains
Suite à une autre étude géologique du BRGM, le PER du Pradet, datant
du 26 juin 1989, effectue un zonage concernant les mouvements de terrain sur
plusieurs terrains du Pin de galle. Ce PER sera annexé au Plan local
d’urbanisme de 2011. Le PLU de la commune classe le secteur du Pin de Galle
en zone NGA et NGB. La zone NGA correspond aux zones rouges constituée
par les risques de mouvements de terrains (RG) et les zones NGB les zones
bleues. Le PER dispose que « la zone rouge est une zone très exposée dans
laquelle les phénomènes naturels prévisibles sont particulièrement redoutables
en raison de leur nature même et de leurs conjonctions possibles ». Concernant
les zones bleues, «  cette zone est exposée à des risques pour lesquels des
parades peuvent être mises en œuvre, mesures de préventions, administratives
et/ou techniques, réalisables économiquement » .5
Ainsi, le site du Pin de Galle est soumis à une législation spécifique due
à la spécificité du terrain et aux risques qui s’y attachent. Quelles sont alors les
obligations de la commune vis-à-vis de ces risques connus, dès lors que la
majorité du terrain, et l’ensemble des habitations, appartiennent au domaine
privé ?
La commune du Pradet a continué, par le biais du BRGM, à vérifier le
zonage dont faisait l’objet le Pin de Galle. Dans un avis géologique sur la6
: Plan d’exposition aux risques (P.E.R.) Naturels prévisibles de mouvements de terrain et5
d’inondation - Commune du Pradet - DDTM Var - Règlement - Septembre 2011
: Avis géologique sur la constructibilité des lotissement du Pin de Galle, par B. Dellery, BRGM,6
88 SGN 894 PAC, Novembre 1988.
14
reconstructibilité des lotissements dits du Pin de Galle et de la Pinède, en 1988,
le BRGM conclut que «  les mouvements de glissement ne paraissent
actuellement plus actifs au niveau des deux lotissements, mais l’équilibre reste
fragile ».
Les dispositions spéciales prises, au vu des risques que présentent les
terrains du Pin de Galle, étaient incluses dans le PER et connues des habitants,
la commune n’a pas continué les expertises, les dispositions des documents
d’urbanisme apparaissaient suffisantes dès lors que des contraintes
d’urbanisme étaient énumérées suivant le zonage effectué en application des
expertises.
Les glissements de terrains sont particulièrement difficiles à évaluer et à
prévoir. En effet, dans les rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des
choix scientifiques et technologiques de l’Assemblée Nationale , se fondant sur7
les dires de M. Jean-Louis Durville du Laboratoire Central des Ponts et
Chaussée, à propos des glissements de terrains : « la prévision au-delà de
quelques semaines, a fortiori à long terme, n’est guère possible, ne serait-ce
que par suite de l’imprévisibilité de changements significatifs tels que :
extension ou restriction de la zone instable, modification de l’hydraulique
souterraine par suite des mouvements, etc…  ». De plus, M. Durville relève
qu’on « ne peut prévoir à long terme et donc il n’est pas possible d’avoir une
prévention totalement satisfaisante ».
Le caractère imprévisible d’une catastrophe naturelle rend la prévention
du sinistre difficile, même en présence de documents d’urbanisme relatifs à ce
danger. Ainsi, se produit un nouvel éboulement dans la calanque du Pin de
Galle.
Section 2 : La survenance du sinistre et la procédure CATNAT
En 2014, deux glissements de terrains se sont produits au niveau du
talus central de la calanque, plusieurs procédures d’urgence ont été mises en
place (2.1) ainsi qu’une procédure de reconnaissance d’état de catastrophe
naturelle (2.2).
: Rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques,7
1995, par M. Christian Kert, député, Tome 1- Conclusions du Rapporteurs, Titre II - Les
glissements de terrain et les éboulements, 4 - La prévision et la surveillance (257).
15
2.1 : Les procédures d’urgence en cas de sinistre
En février 2014 et en décembre 2014, après de fortes pluies, se
produisent des glissements de terrains provocant des éboulements et des
coulées de boue sur le terrain du Pin de Galle. Suite à ce sinistre, la commune
a eu recours à des arrêtés d’urgence (A) et a entrepris des travaux
conservatoires (B).
A. Les arrêtés d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent
Deux glissements de terrains se sont produits au Pin de Galle . Le8
premier, intervenu le 10 février 2014 a donné lieu, le jour même, à un arrêté de
péril imminent ayant pour conséquence l’interdiction provisoire d’habiter les
lieux pour certains propriétaires. Après un compte rendu de visite et un
diagnostique approfondi par un bureau d’expertise géologique missionné par la
Mairie, le maire prend un arrêté complémentaire réduisant ainsi la liste des
parcelles interdites d’accès. Finalement un troisième arrêté ordonnera aux
occupants d’autres parcelles de quitter les lieux afin de « garantir leur propre
sécurité » .9
Suite au second glissement de terrain survenu le 6 décembre 2014, le
maire prendra un arrêté du 23 décembre 2014 portant interdiction d’accès à10
certaines zones. Ces zones sont délimitées et correspondent à des zones
noires et des zones rouges.
Le maire se fonde sur « un risque majeur de glissement de terrain ». En
effet, le bureau d’expertise chargé d’étudier le terrain estime qu’il « y a urgence
à ce que des mesures soient prises en vue de garantir la sécurité des
occupants » et que la menace est « réelle et grave ». En l’espèce, le maire a
fait application de ses pouvoirs de police en interdisant l’accès aux propriétés
concernées par le zonage .11
En effet, en application de l’article L. 2212-2 du Code général des
collectivités territoriales, «  la police municipale a pour objet d’assurer le bon
ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques  », l’alinéa 5 de l’article
: Annexe 3, Compte rendu géologique visuel des visites du 23 et 24 février 2015, vues du8
glissement, ETG géotechnique, diagnostique géologique, 7 avril 2015
: Arrêtés n° 14-ARR-TEC-212 et n° 14-AAR-TEC-1949
: Annexe 4, Arrêté du 23/12/2014, n° 14-ARR-TEC-23510
: Annexe 5, Compte rendu des visites du 15 et 16 décembre 2014, zonage des habitations11
du Pin de Galle, ERG géotechnique, diagnostique visuel 18 décembre 2014
16
prend en compte les «  accidents et les fléaux calamiteux  » tels que les
« éboulements de terre (…) ou autres accidents naturels ». Ainsi, « en cas de
danger grave et imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de
l’article L.2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées
par les circonstances ». Ces dispositions relèvent de l’obligation de sauvegarde
du maire. Les sinistres provoqués par un évènement naturel, en particulier les
glissements de terrains, sont souvent imprévisibles et dévastateurs. En
l’absence de garantie quant à la solidité du terrain, le maire avait le devoir de
mettre en sécurité les habitants du lieu et a donc fait usage de ses pouvoirs de
police.
En parallèle de l’évacuation des habitants les plus exposés, des travaux
d’urgence doivent être effectués.
B) Les travaux d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent
Les obligations de sauvegarde du maire en vertu de l’article L.2212-4 du
Code général des collectivités territoriales comprend l’obligation d’effectuer des
travaux d’urgence afin d’éviter un péril grave et imminent.
Cette obligation relève des pouvoirs de police du maire en cas de danger
grave et imminent qui impose au maire de prescrire des « mesures de sûreté
exigées par les circonstances ». L’urgence de la situation justifie l’exécution de
travaux d’office, a contrario en l’absence d’urgence née d’un péril imminent le
maire ne peut user de son droit d’agir d’office .12
Le maire d’une commune peut mettre en demeure un propriétaire privé
d’effectuer des travaux afin de faire cesser un péril immédiat, mais en cas
d’inertie du propriétaire, la commune doit réaliser les travaux.
En effet, ces travaux relèvent de la sécurité publique, à ce titre la charge
de leur réalisation incombe à la mairie . En l’absence de fondement législatif,13
la réalisation d’office des travaux de mise en sécurité effectués et supportés par
la mairie, ne pourra être mis à la charge du propriétaire .14
Toutefois, la commune pourra rechercher la responsabilité civile du
propriétaire privé si ce dernier a contribué à la création du risque en
manquement à ses obligations. Plus récemment le Conseil d’État a admis la
: Conseil d’État, Section, 20 juin 1980, 04592 04872 15025, Publié au recueil Lebon12
: Conseil d’État, 5/3 SSR, du 6 avril 1998, 142845, mentionné aux tables du recueil Lebon13
: Conseil d’État, 8/9 SSR, 23 octobre 1998, 172017, mentionné aux tables du recueil Lebon14
17
responsabilité d’un propriétaire privé en cas d’inertie de ce dernier à sa mise en
demeure d’effectuer des travaux de mise en sécurité .15
En raison de la sécurité publique, le maire peut faire réaliser des travaux
par la Commune, sur un terrain privé. Dès lors, le maire à l’obligation d’exécuter
les travaux de mise en sécurité, le fait que le danger concerne un ensemble de
propriétaires réunis dans une copropriété n’enlève pas le caractère d’intérêt
collectif aux travaux .16
Enfin, la responsabilité du propriétaire privé pourra être recherchée afin
de décharger la commune de toute responsabilité dans les dommages causés
par le fait des travaux entrepris par la commune .17
En parallèle de la mise en sécurité des lieux et des habitants, les
sinistres naturels peuvent faire l’objet d’une demande de procédure en
reconnaissance en Catnat afin de faire intervenir le système d’indemnisation
prévu à cet effet.
2.2 : La procédure de reconnaissance en Catnat
Après avoir vu les conditions de demande de reconnaissance en
Catnat(A), nous verrons ses effets(B).
A. La demande de reconnaissance en CATNAT
Lors de la survenance d’un sinistre de cause naturelle, la maire de la
commune peut faire une demande de reconnaissance de catastrophe naturelle.
Cette procédure permet l’indemnisation des citoyens victimes. La garantie
Catnat est justifiée par le principe de la solidarité et de l’égalité des citoyens
devant les charges qui résultent des calamités publiques, principe reconnu par
le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ainsi, la loi du 13 juillet
1982, codifiée par les articles L. 125-1 et suivants du Code des Assurances,
dispose dans son 1er article que «  sont considérés comme les effets des
catastrophes naturelles, les dommages matériels directs non assurables ayant
eu pour cause déterminante l’intensité anormal d’un agent naturel, lorsque les
: Cour de Cassation, civile, Chambre Civile 1, 28 novembre 2007, 09-19-405, Publié au15
bulletin
: Conseil d’État, 5ème / 4ème SSR, 11/07/2014, 36083516
: Conseil d’État, 6/2 SSR, 4 décembre 1974, 90473, publié au recueil Lebon17
18
mesures habituelles à prendre pour éviter ces dommages n’ont pu empêcher
leur survenance ou n’ont pu être prises ».
Dès la survenance du sinistre, le maire de la commune peut formuler une
demande auprès du préfet. Le maire dispose d’un délai de 18 mois après le
début de l’évènement naturel en cause. La préfecture établit alors un dossier
comprenant les données du maire, un rapport circonstancié établi par ses
services, la liste et la localisation de ou des communes requérantes et un
rapport technique sur la nature et l’intensité du phénomène, établi par un
service d’expertise . Le préfet fait remonter le dossier à la commission18
interministérielle compétente.
La commission interministérielle, composée de représentants des
ministères de l’Intérieur, du ministère des Outre-mer, du ministère de
l’Économie et des Finances ainsi que du ministère de l’Écologie, du
Développement durable et de l’Énergie, statue sur la demande en
reconnaissance d’état de catastrophe naturelle.
La notion de catastrophe naturelle n’est pas réellement définie par les
textes législatifs, mais l’article 125-1 du Code des assurances caractérise une
catastrophe naturelle comme un sinistre provoqué par «  l’intensité anormale
d’un agent naturel ». La commission rend un avis suivant des critères précis et
selon le type de sinistre. Par exemple, les critères permettant de caractériser
des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements
de terrains différentiels ont été révisés. Désormais les critères utilisés pour
caractériser l’intensité d’un épisode de sécheresse-réhydratation des sols prend
en compte les progrès de la modélisation hydrométéorologique .19
En cas d’avis favorable de la Commission, la décision est prise par arrêté
interministériel et est publiée au Journal Officiel. En cas de reconnaissance de
Catnat, le préfet en informe le maire qui, à son tour, en informe ses administrés.
C’est ce qu’a fait la mairie du Pradet. La commune a été reconnue en état de
catastrophe naturelle au Journal Officiel du 4 décembre 2014 .20
Une nouvelle procédure a été mise en place en janvier 2018 par le biais
d’une application directement accessible par la Commune. Il existe désormais
un service en ligne de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe
naturelle : Icatnat. Cette dématérialisation de la procédure de reconnaissance
: Eugénie Cazaux, Catherine Meur-Férec et Cédric Peinturier, « Le régime d’assurance des18
catastrophes naturelles à l’épreuve des risques côtiers. Aléas versus aménités, le cas particulier
des territoires littoraux », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace,
Société, Territoire, document 898, mis en ligne le 23 mai 2019
: Ministère de l’intérieur, circulaire INTE1911312C, Procédure de reconnaissance de l’état de19
catastrophe naturelle - Révision des critères permettant de caractériser l’intensité des épisodes
de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements de terrain différentiels, 10 mai
2019
: JORF n°0283 du 7 décembre 2014 page 20460n texte n°13, arrêté du 4 décembre 201420
portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, NOR: INTE1427189A
19
en catastrophe naturelle permet de simplifier les démarches et de rendre la
procédure moins longue.
B. Les effets de la reconnaissance de Catnat
La procédure de reconnaissance de Catnat a été élaborée afin de créer
un système d’indemnisation généralisée dans une optique de solidarité.
L’assurance Catnat relève d’un modèle hybride entre privé et public, tous biens
garantis par une assurance dommage relèvent de la garantie catastrophe
naturelle. A ce titre, une assurance ne peut refuser de prendre en compte les
risques naturels, cette indemnisation est imposée à l’assuré et à l’assureur.
Ainsi, la condition d’ordre public est l’arrêté de constatation de l’état de
catastrophe naturelle et sa publication au Journal Officiel et la condition d’ordre
privé est que le bien doit être couvert par un contrat d’assurance dommage .21
Dès lors qu’est reconnu l’État de catastrophe naturelle par l’État, la
garantie Catnat ouvre droit à indemnisation aux victimes du sinistre. Cette
indemnisation concerne les dommages matériels, la loi du 13 juillet 1982
dispose que les dommages qui relèvent de l’assurance Catnat sont tous les
«  dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause
déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel  ». Les montants des
primes, franchises et modalités d’indemnisation sont fixés par l’État et ne
peuvent être modifiés par l’assureur.
Bien entendu, il est nécessaire que l’assuré prouve que le dommage
matériel subi a pour cause déterminante la catastrophe naturelle. Toutefois, la
Cour de Cassation affirme que «  l’article L.125-1 du code des assurances
n’exige pas que l’agent naturel constitue la cause exclusive des dommages » .22
Enfin, il existe différents niveaux de mutualisation des risques. Le
premier niveau concerne les assureurs et experts qui sont chargés de
«  distribuer et mutualiser la couverture légale via leur contrat, collecter les
ressources, expertiser et indemniser rapidement les sinistrés conformément
aux conditions réglementaires » .23
La Caisse Centrale de Réassurance (CCR) représente le second niveau
de mutualisation et propose une réassurance aux assureurs afin de permettre
la stabilité du régime, elle constitue «  une mission d’intérêt général  ». Cette
: CCR, rapport d’activité 2018, plaquette indemnisation des catastrophes naturelles en21
France, www.ccr.fr
: Cour de Cassation, Ch Civ.2, 29 mars 2018, n° 17-1501722
: CCR, rapport d’activité 2018, plaquette indemnisation des catastrophes naturelles en23
France, www.ccr.fr
20
réassurance permet de «  réassurer tout assureur (...) réaliser une
mutualisation, au niveau national, de l’ensemble des risques à travers la
couverture des portefeuilles des différents assureurs, élaborer des couvertures
de réassurance solides et pérennes (...).
Enfin, lorsque le sinistre est trop important pour être supporté par les
assurances seules, un dernier niveau de garantie est assuré par l’État. C’est le
troisième et dernier niveau de mutualisation. Son intervention se fait en dernier
ressort et est octroyée à la Caisse Centrale de Réassurance.
21
TITRE II : L’APRÈS SINISTRE : ENTRE
RESPONSABILITÉS ET SOLUTIONS POSSIBLES
Un sinistre de cause naturelle engendre de nombreuses problématiques.
Les propriétaires sinistrés peuvent rechercher la responsabilité de la commune
(1). La résolution des dommages causés par la catastrophe naturelle
nécessitera certainement l’intervention de la justice (2).
Section 1 : Des hypothèses de responsabilité de la commune
Suivant la nature du sinistre, plusieurs responsabilités peuvent être
invoquées. Dans un premier temps nous verrons des cas de responsabilité de
la Commune dans l’exercice des pouvoirs de police du maire (1.1) puis dans un
second temps les causes d’exonération ou d’atténuation de cette responsabilité
(1.2).
1.1 Une possible responsabilité du maire dans l’exercice de ses pouvoirs
de police
Plusieurs cas de responsabilité du maire pourront être recherchés, nous
prendrons l’exemple des arrêtés de sûreté portant interdiction d’habiter (A) et
de l’obligation des mesures de préventions contre les catastrophes naturelles
(B).
22
A. L’exemple des arrêtés portant interdiction d’habiter les lieux du sinistre
En l’espèce, les arrêtés de mise en sécurité pris par le maire du Pradet
suite au glissement de terrain ont été contestés par les propriétaires privés.
Plusieurs requêtes ont été déposées auprès du Tribunal Administratif de Toulon
à l’encontre de l’arrêté du 23 décembre 2014 portant interdiction d’habiter. L’une
d’entre elle se fondait sur l’illégalité de l’arrêté en méconnaissance de l’article
24 de la loi du 12 avril 2000 qui dispose que les décisions individuelles de
l’administration, qui doivent être motivées, «  n’interviennent qu’après que la
personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites
(…) ».
Par un premier jugement en date du 8 mars 2018 , le Tribunal24
Administratif de Toulon fait droit à la demande du requérant et annule l’arrêté du
maire. La Cour d’Appel de Marseille, saisie par deux requêtes en appel de la
commune, annule le jugement de première instance. La Cour d’Appel estime en
effet que «  les décisions qui constituent une mesure de police générale ou
spéciale ne peuvent légalement intervenir, sauf situation d’urgence, qu’après
que l’intéressé a été mis à même de présenter des observations », en l’espèce,
les juges d’appel relèvent l’urgence et la gravité de la situation, ils estiment
alors que «  en raison de ce risque avéré, l’arrêté contesté est nécessaire et
n’est pas disproportionné par rapport à l’objectif de sécurité poursuivi qui ne
pouvait être atteint par une mesure moins contraignante » .25
En plus d’être proportionnés au danger, les arrêtés de mise en sécurité
portant interdiction d’habiter doivent être temporaires ou limités. Ainsi, un maire
ne peut «   prendre une mesure permanente et définitive privant le propriétaire
de l'immeuble de l'usage de son bien en interdisant toute occupation de celui-ci
dans l'attente d'une éventuelle acquisition amiable par la commune  » . De26
même, l’usage par le maire de ses pouvoirs de police est justifié par l’urgence
de la situation et du danger imminent, lorsque celui-ci cesse, le maire à
l’obligation d’abroger ou d’adapter les mesures prises. Le maintien de ces
mesures est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de la
Commune .27
La possible responsabilité du maire en cas d’arrêté portant interdiction
d’habiter relève des mesures prises postérieurement à un sinistre, une autre
responsabilité peut être recherchée à l’occasion d’un manquement antérieur au
sinistre.
: TA Toulon, 08/03/2018, n° 150238124
: CAA Marseille, 09/07/2018, 18MA01897 - 18MA0189825
: Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 21/10/2009, 31047026
: Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 31/08/2009, Publié au recueil Lebon27
23
B. L’exemple des obligations en matière de prévention des risques naturels
L’obligation de prévention en matière de risque naturelle relève de
l’article L.2212-2-5° du Code général des collectivités territoriales et concerne
l’exercice des pouvoirs de police du maire.
Cette obligation comprend « les dangers excédant ceux contre lesquels
les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir » .28
La jurisprudence relève que l’obligation de prévention des risques
naturels comprend l’étude des zones exposées de façon approfondie et la mise
en place d’ouvrages de protection. Les carences d’une Commune à l’égard de
ces préventions sont constitutives d’une faute de nature à engager sa
responsabilité. La responsabilité de la Commune est engagée même si l’État
est responsable du retard dans la délimitation des zones exposées aux risques,
ainsi, la Commune et l’État sont tous deux responsables des conséquences
dommageables du sinistre .29
La jurisprudence va plus loin dans l’obligation de prévention imposée au
maire, en effet, le Conseil d’État confirme l’existence d’une faute de négligence
à l’égard de la Commune qui aurait dû vérifier l’état d’une digue de protection,
même si celle-ci relevait de la compétence d’un syndicat privé de
propriétaires .30
De plus, la responsabilité du maire peut être recherchée en cas
d’absence de signalisation d’un danger connu, par exemple, lorsque le maire ne
signale pas en amont un obstacle dans un passage habituel emprunté par des
skieurs . De même, la responsabilité pour faute de la commune peut être31
engagée dès lors que le maire n’a pas interdit l’accès à un talus surplombant
une plage maritime par une barrière ou n’a pas mis en place une signalisation .32
: Conseil d’État, 5/3 SSR, 14 octobre 1997, 01404, mentionné aux tables du recueil Lebon28
: Conseil d’État, 1/4 SSR, 14 mars 1986, 96272 99725, mentionné aux tables du recueil29
Lebon
: Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 14/05/2008, 291440, Inédit au recueil30
Lebon
: Conseil d’État, 10/9 SSR, du 9 novembre 1983, 35444, mentionné aux tables du recueil31
Lebon
: Conseil d’État, 5/3 SSR, 6 février 1981, 13145, mentionné aux tables du recueil Lebon32
24
Il existe cependant des causes d’atténuation ou d’exonération de la
responsabilité de la Commune.
1.2 : Les causes atténuantes ou exonérantes de la responsabilité de la
Commune
La première cause d’exonération ou d’atténuation de la responsabilité de
la Commune relève du caractère de la force majeure du sinistre (A). La
seconde cause relève de la faute ou de l’imprudence de la victime (B).
A. L’exonération possible de la responsabilité de la Commune en cas de
force majeure
La force majeure permet d’exonérer ou d’atténuer la responsabilité de la
Commune en cas de catastrophe naturelle.
La reconnaissance de la force majeure n’exonère pas totalement la
Commune si «  les conséquences dommageables de l’évènement ont été
aggravées par un ouvrage public par rapport à ce qu’elles auraient été en son
absence » .33
Pour que la force majeure soit reconnue, il faut que la catastrophe
naturelle ait un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible.
Concernant son caractère imprévisible, la jurisprudence prend en compte
l’existence de précédent au sinistre. Il apparaît constant que la Haute Juridiction
écarte la force majeure dès lors que le sinistre s’est déjà produit. Ainsi, le
Conseil d’État rejette la force majeure « compte tenu de ce que trois fois au
moins depuis 1917 des avalanches de même provenance avaient atteint la
zone » . De même pour des inondations récurrentes et des précipitations de34
: Conseil d’État, 6/2 SSR, 25 mai 1990, 39460 39497, mentionné aux tables du recueil Lebon33
: Conseil d’État, 1/4 SSR, 14 mars 1986, 96272 99725, mentionné aux tables du recueil34
Lebon
25
même ampleur . De plus, la connaissance d’un seul précédent suffit à rejeter35
le caractère imprévisible .36
A contrario, une catastrophe naturelle est imprévisible et constitue un cas
de force majeure en raison de sa violence et de son intensité exceptionnelle par
rapport à tous les précédents connus dans la région .37
La jurisprudence apparaît admettre plus facilement le cas de force
majeure dès lors que le dommage résulte d’une conjonction imprévisible de
plusieurs phénomènes . Par exemple, lorsque la conjonction relève d’une38
pluviosité d’une extrême densité, d’une crue importante et d’une marée
particulièrement forte, le dommage doit être assimilé à un cas de force
majeure . De même pour la conjonction de précipitations d’une ampleur39
exceptionnelle, d’une tempête marine et d’une crue .40
Un rapport du ministère de l’Aménagement du territoire et de
l’environnement, relatif à la responsabilité et à la force majeure en cas
d’inondations, relève que les juridictions administratives ne retiennent que
rarement le cas de force majeure. En effet : « sur 260 décisions ayant trait aux
inondations, la force majeure n’est reconnue que dans 17 cas  » et «  sur 84
décisions portant sur des évènements naturels autres que des inondations, la
force majeure est retenue 7 fois » .41
Ce même rapport analyse les raisons pour lesquelles les juridictions ne
retiennent que rarement le cas de force majeure. En effet, les conséquences
d’une telle reconnaissance peut avoir des conséquences lourdes pour les
victimes dès lors que l’exonération conduit à une absence d’indemnisation.
Outre la reconnaissance de la force majeure, la responsabilité de
l’administration peut être atténuée par un partage de responsabilité entre la
personne publique et la victime en cas de faute ou d’imprudence du sinistré.
: Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 12/03/2014, 350065, Inédit au recueil35
Lebon
: Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 26 juillet 2006, inédit au recueil Lebon36
: Conseil d’État, 10/8 SSR, 23 janvier 1981, 13130, Publié au recueil Lebon37
: Conseil d’État, 10ème / 9ème SSR, 6 juillet 2015, 37326738
: Conseil d’État, 6/2, 27 mars 1987, 59039, mentionné aux tables du recueil Lebon39
: Conseil d’État, 7ème et 2ème chambres réunies, 15 novembre 2017, 40336740
: Inondations : responsabilités et force majeure, Ministère de l’aménagement du territoire et41
de l’environnement, CERDACC, avril 2002, Programme risque inondation.
26
B. L’atténuation de la responsabilité de la commune par la faute ou
l’imprudence de la victime
En cas de dommage causé par une catastrophe naturelle et en l’absence
de cas de force majeure, pour que la responsabilité de la Commune soit
entièrement reconnue, les victimes ne doivent pas avoir méconnu leur
obligation de prudence.
L’imprudence de la victime semble être majoritairement reconnue lorsque
celle-ci avait connaissance des lieux. Par exemple, le Conseil d’État retient un
partage de responsabilité entre un skieur victime d’un accident en dehors d’une
piste, et qui avait connaissance des lieux, et le maire de la Commune, qui
n’avait pas pris des mesures de signalisation suffisantes .42
Cependant, dans la majorité des jurisprudences retenant la faute pour
imprudence de la victime, la responsabilité de l’administration n’est pas
exonérée totalement. Dans la plupart des cas, la responsabilité est partagée
entre la victime et la personne publique, même dans le cas d’une faute
d’imprudence avérée  : le Conseil d’État admet une responsabilité de la
Commune limitée au quart des conséquences dommageables de l’accident en
cas d’imprudence de la victime qui s’est noyée alors, qu’en connaissance des
lieux, est « entrée dans l’eau, en dehors de la plage aménagée, à une heure
tardive alors qu’elle ne savait pas nager » .43
Dans le cas d’une construction sur un terrain exposé à un risque naturel,
la faute de la victime peut être retenue par « imprudence de propriétaires à ne
pas s’assurer eux-mêmes de la sécurité des lieux où ils implantent leur
construction » . Ainsi, les propriétaires victimes d’un sinistre naturel voient leur44
responsabilité engagée dès lors qu’ils n’ont pas vérifié les risques naturels
pesant sur leur habitation, même si le maire avait engagé sa responsabilité en
délivrant un permis dépourvu de prescriptions spéciales «  malgré une
connaissance suffisamment précise des risques d’inondation » .45
En parallèle de la recherche d’une possible responsabilité, une
catastrophe de cause naturelle engendre souvent de lourds dommages. Il
existe plusieurs solutions possibles à la fin du sinistre.
: Conseil d’État, 4/1 SSR, 22 décembre 1971, 80060, publié au recueil Lebon42
: Conseil d’État, 5/3 SSR, 14 octobre 1977, 01404, mentionné aux tables du recueil Lebon43
: Conseil d’État, 3/5 ssr, 22 février 1989, 8229844
: Conseil d’État, 2/1 SSR, 2 octobre 2002, 232720, mentionné aux tables du recueil Lebon45
27
Section 2 : La résolution possible du sinistre
Les Communes victimes de sinistres naturels peuvent demander l’aide
de l’État, en effet, plusieurs dispositions sont prévues en cas de catastrophes
naturelles (2.1). En cas de désaccord entre parties privés et la Commune, une
procédure judiciaire pourra être intentée (2.2).
2.1 Les moyens mis à disposition par l’État en matière de CATNAT
Il existe une grande diversité à l’égard des sinistres de cause naturelle et
leurs conséquences sont souvent dévastatrices. Ainsi, diverses lois en matière
de gestion des risques naturels ont été élaborées (2.1). L’expropriation peut
être une solution en cas de dernier recours (2.2).
A. Vers une extension des mesures de prévention des risques naturels
Ces dernières décennies, diverses lois ont été élaborées afin de pallier
les dommages, souvent de grande ampleur, des risques naturels. Outre la loi
relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles du 13 juillet
1982, vue précédemment et qui permet l’indemnisation des biens assurés suite
à une catastrophe naturelle, la loi du 22 juillet 1987, relative à l’organisation de
la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention
des risques majeurs, reconnaît le droit à l’information préventive du public.
En effet, en son article 21, la loi dispose que « Les citoyens ont un droit à
l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines
zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce
droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels
prévisibles  » . De même, annexée à la loi, l’orientation de la politique de46
sécurité civile estime qu’ «  il faut aujourd’hui appréhender toute la réalité du
danger: anticiper les crises, prendre de vitesse les catastrophes, travailler sur
chaque risque de défense et de sécurité civiles, en combinant le souci de la
: Loi n° 87-565 du 22 juillet 1987, Art 21, codifié à l’article L 124-2 du Code de46
l’Environnement
28
prévention et celui de l’intervention ». Cette loi sera modernisée par la loi du 13
août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile .47
D’autres lois interviendront ultérieurement, comme la loi du 13 mai 1996
relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de48
négligence, ou la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques
technologiques et naturels et à la réparation des dommages .49
En application de la législation en la matière, les maires des Communes
ont l’obligation d’élaborer divers documents informatifs afin d’exposer les
risques et les mesures de sauvegarde nécessaires aux habitants. 
Plusieurs moyens sont mis à disposition des communes en matière
d’information et de prévention des risques naturels. En vertu du décret du 11
octobre 1990, le maire doit élaborer un document d’information contenant des
informations sur la connaissance des risques, les mesures prises par la
commune, les mesures de sauvegarde et le plan d’affichage de ces
consignes . Ce document est le DICRIM et est obligatoire pour les Communes50
munies d’un PER. Par exemple, la Commune du Pradet, dispose d’un DICRIM
relatif aux risques naturels affectant la commune, les mesures prises dans la
commune, les mesures de sauvegarde ainsi que la réglementation relative à
ses risques. Ces consignes de sécurité doivent être affichées.
De plus, pour les Communes dotées d’un plan de prévention des risques
naturels prévisibles  « le maire informe la population au moins une fois tous les
deux ans  » sur les caractéristiques des risques naturels et les mesures de
prévention et de sauvegarde possibles et doit élaborer un Plan Communal de51
Sauvegarde . Le PCS de la commune du Pradet comprend une partie sur les52
risques de la commune et une seconde sur les dispositifs opérationnels. 
Tous ces documents s’inscrivent dans une politique de prévention des
risques majeurs prévisibles, de nombreux documents sont mis à disposition du
public et concernent tant les risques naturels possibles, que les mesures de
sauvegarde en cas de sinistre. Toutefois, ces documents sont informatifs et la
survenance du sinistre reste imprévisible, comme le rappel le DICRIM du
Pradet, une des caractéristiques essentielles du risque majeur est que sa
fréquence est faible « au point que l’on pourrait être tenté de ne pas se préparer
à son éventualité ». 
: Loi n° 2004-811 du 13 aout 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile47
: Loi n° 96-393 du 13 mai 199648
: Loi n° 2003-699 du 30 juillet 200349
: Ministère de la transition écologique et solidaire, article: le document d’information50
communal sur les risques majeurs (DICRIM), www.géorgiques.gouv.fr
: Art L.125-2 du Code de l’environnement51
: Art L.731-3 du Code de la sécurité intérieure52
29
Mais la loi la plus fondamentale en matière de risques naturels est la loi
relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite la «  loi
Barnier » ,du 2 juillet 1995 .53
B. L’acquisition amiable des biens exposés à un risque naturel et le FPRNM
La loi Barnier du 2 juillet 1995 a créé le fonds de prévention des risques
naturels majeurs (FPRNM, dit «  fonds Barnier  »). A l’origine, le fonds était
destiné à l’expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur, son
utilisation a été étendue par le législateur. La note technique du 11 février 1919
relative au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, estime que le
fond Barnier « constitue dorénavant la principale source de financement de la
politique nationale de prévention des risques naturels, conjointement au
programme budgétaire 181 relatif à la prévention des risques. »54
Les mesures subventionnelles destinées aux particuliers et aux
collectivités sont définies à l’article L 561-3 du Code de l’environnement. En
dehors de l’expropriation, le Fonds Barnier peut financer des mesures
préventives d’évacuation temporaire et de relogement des personnes exposées
à un risque naturel majeur. Il est alors nécessaire d’un arrêté d’évacuation ait
été pris et que ces mesures constituent une réponse ponctuelle et appropriée
en terme de prévention des risques .55
D’autres mesures de subventions techniques sont prévues par la Loi
Barnier, ainsi, le FPRNM peut subventionner: la reconnaissance et le
comblement des cavités souterraines et marnières; les études et travaux de
réduction de la vulnérabilité imposés par un PPRN; les études, travaux,
ouvrages et équipements de prévention des collectivités territoriales ; la
campagne d’information sur la garantie catastrophes naturelles ; l’élaboration
des PPRN et informations préventives, et enfin, les études et travaux de mise
: Loi n°95-101 du 2 juillet 1995, Loi Barnier53
: Note technique du 11 février 2019 relative au Fonds de prévention des risques naturels54
majeurs, n° NOR: ECOT1904359C, Ministère de la Transition Écologique et Solidaire -
Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales
: Circulaire interministérielle du 23/02/05 relative au financement par le fonds de prévention55
des risques naturels majeurs de certaines mesures de prévention, NOR: DEVP0540163C
30
en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et
submersion marines .56
L’instruction du dossier de subvention relève du préfet et de ses services,
la demande est ouverte aux communes, groupement de communes,
propriétaires, gestionnaires ou exploitant.
Enfin, la loi du 30 juillet 2003 rend possible l’acquisition amiable de biens
exposés à un risque naturel majeur. Cette acquisition peut être financée à
100 % par le fond Barnier sous deux conditions.57
La première condition relève que le ou les biens soient situés dans une
zone exposée à un aléa naturel menaçant gravement des vies humaines. Le
Code de l’environnement apprécie l’importance et la gravité suivant deux
critères  : «  Les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles le
phénomène naturel est susceptible de se produite et l’évaluation des délais
nécessaires à, d’une part, l’alerte des populations exposées et, d’autre part,
leur complète évacuation » .58
La seconde condition est que la procédure d’acquisition amiable et le
coût estimatif de l’acquisition, soient moins élevés que les autres moyens de
sauvegarde et de protection des populations. Ainsi, la possibilité d’effectuer des
travaux de surveillance, d’alerte et d’évaluation suffisants excluent l’acquisition
amiable. L’indemnisation du bien correspond à la valeur vénale de l’habitation
estimée par le service chargé des domaines sans tenir compte de l’existence
du risque.
Enfin, l’acquisition amiable est possible pour les biens sinistrés au cours
d’un sinistre naturel. Il est nécessaire que la catastrophe naturelle ait été
reconnue par arrêté. Cette procédure permet d’indemniser postérieurement les
victimes du sinistre et concerne les biens à usage d’habitation ou utilisés dans
le cadre d’activités professionnelles employant moins de 20 salariés. De plus, le
bien doit avoir été sinistré à plus de 50 % de sa valeur vénale initiale, et a dû
être indemnisé au titre de la garantie Catnat. Une mesure réglementaire
déclarant les terrains acquis inconstructibles doit être prise dans un délai de
trois ans à compter de la date d’acquisition . Enfin, comme l’acquisition59
amiable de biens non sinistrés, l’indemnité correspond à la valeur vénale du
bien estimé par le service chargé des domaines sans tenir compte de
l’existence du risque.
: Document synthétique sur le fonds barnier joint au compte-rendu, 13/08/2012,56
www.eure.gouv.fr
: Art R561-15 du Code de l’environnement57
: Art R561-2 du Code de l’environnement58
: Art L561-3 du Code de l’environnement59
31
L’acquisition amiable nécessite l’accord du propriétaire du bien, dans le
cas contraire, une procédure d’acquisition forcée pourra être intentée.
2.2 L’intervention de la justice
Un sinistre de cause naturelle engendre de nombreux frais, ainsi
l’intervention de la justice peut être nécessaire. En cas de désaccord
d’acquisition amiable, la commune pourra procéder à une expropriation pour
exposition à un risque naturel (A). De plus, une procédure contradictoire pourra
être intentée afin de départager les implications de chaque parties (B).
A. L’expropriation : le dernier recours
Le fond FPRNM permet de financer l’expropriation de biens menacés par
une catastrophe naturelle. Cette procédure contraignante est à utiliser en
dernier recours, lorsque les autres moyens prévus sont impossibles.
C’est le cas lorsque le ou les propriétaires concernés s’opposent à une
acquisition amiable. Cette opposition peut résulter du désaccord sur la valeur
vénale du bien ou bien d’un simple refus du propriétaire.
L’expropriation concerne les biens situés dans une zone exposée à un
des cinq types d’aléas naturels prévus  : les mouvements de terrain ou
d’affaissement de terrain dû à une cavité souterraine ou à une marnière, les
risques d’avalanches, et les risques de crues torrentielles ou à montée rapide
ou de submersion marine. Les dommages résultant d’une exploitation minière
sont exclus. Les conditions d’appréciations de menace grave pour des vies
humaines sont les mêmes que pour l’acquisition amiable.
L’expropriation doit être déclarée d’utilité publique après enquête
publique complétée par une analyse des risques auxquels les biens sont
exposés et une procédure d’extrême urgence est prévue . L’ouverture de60 61
l’enquête publique exclut toute autorisation administrative susceptible
d’augmenter la valeur des biens expropriés.
Tout comme les autres moyens d’acquisition de la propriété, les moyens
de sauvegarde et de protection des populations doivent être plus coûteux que
le montant de l’indemnité d’acquisition. Sont ainsi évalués les mesures
: Art R561-2 du Code de l’environnement60
: Art L561-1 du Code de l’environnement61
32
alternatives qui comprennent l’acquisition amiable et les travaux de protection
et de réduction de la vulnérabilité.
De plus, le FPRNM permet de financer les dépenses liées à la limitation
de l’accès et à la démolition éventuelle des biens exposés ainsi que les études
et travaux contre les risques naturels dans les communes couvertes par un
PPR .62
La procédure d’expropriation peut être entreprise par une commune, un
groupement de commune ou l’État par la présentation d’un dossier comprenant
les pièces exigées et les éléments de recevabilité. Le préfet, saisi de la
demande, effectue une première analyse. Le dossier de première analyse
comprend l’indication de l’autorité expropriante, l’avis du préfet sur la
recevabilité de la demande et sur l’absence de toute solution alternative moins
coûteuse, un plan de situation de la zone exposée et un plan cadastral du
périmètre d’expropriation envisagée. Des rapports d’expertises sur les aléas,
les enjeux, et la comparaison des coûts sont annexés ainsi qu’un rapport du
service des domaines portant estimation de la valeur des biens .63
Si le préfet estime que la demande est recevable, la demande est
transmise au ministère chargé de la prévention des risques majeurs, de la
sécurité civile et de l’économie, qui est compétent pour rendre un avis favorable
ou non à la demande d’expropriation. En cas d’avis favorable, le préfet engage
la procédure d’expropriation et constitue un dossier d’enquête publique.
L’enquête publique est menée selon les dispositions du code de l’expropriation
pour cause d’utilité publique et à l’issue de l’enquête, l’utilité publique est64
déclarée par arrêté préfectoral .65
Le juge de l’expropriation est alors saisi par le préfet d’un dossier
d’expropriation comprenant toutes les pièces nécessaires ainsi que la
déclaration d’utilité publique. L’ordonnance d’expropriation est déclarée dans
les 15 jours après la saisine de juge et est notifiée à tous les intéressés. Un
appel peut être interjeté dans un délai d’un mois à compter de la notification de
l’ordonnance et un recours contre la décision d’expropriation peut être engagée
dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive
du juge annulant la déclaration d’utilité publique .66
Les difficultés de l’expropriation tiennent au fait que les propriétaires
contestent souvent l’évaluation du bien fait par la Direction de l’immobilier de
: Art L561-3 du Code de l’environnement62
: Note technique du 11 février 2019 relative au Fonds de prévention des risques naturels63
majeurs, NOR: ECOT1904359C, texte non paru au journal officiel.
: Art R.111-1 à R.112-24 du Code de l’expropriation64
: Art L.561-4 du Code de l’environnement65
: Cour de Cassation, 3° Ch, 12 juillet 2018, n°17-1541766
33
l’État, qui s’est substituée au service France Domaine de la direction générale
des finances publiques par un décret du 19 septembre 2016. En l’espèce, le
lieu privilégié et l’esthétique des biens pouvant être concernés les rendent de
grande valeur. Il est très probable que les propriétaires concernés contestent
l’évaluation faite des biens. Dans ce cas, le juge de l’expropriation est saisi afin
de statuer sur le montant de l’indemnisation. Ce montant peut être complété par
des indemnités de réemploi. L’indemnité complémentaire n’est pas due en cas
d’acquisition amiable.
Enfin, la seconde difficulté réside dans le montant des mesures
nécessaires à la mise en sécurité des lieux et la valeur des habitations
concernées. L’expropriation peut se faire si le coût des autres mesures de mise
en sécurité est supérieur à l’expropriation. En l’espèce, la grande valeur des
biens peut être supérieure à ces travaux et donc rendre la procédure
d’expropriation impossible.
Outre la saisine du juge de l’expropriation, une procédure contradictoire
peut être engagée en cas de désaccord sur l’implication de chaque partie
concernant les dommages provoqués par une catastrophe naturelle.
B. Une procédure contradictoire nécessitant un expert judiciaire
Dans le cas de dommages provoqués par un sinistre naturel, les enjeux
financiers sont souvent très importants. Plusieurs personnes peuvent être
impliquées, qu’elles soient d’ordre privé ou public. Ainsi, la participation, les
responsabilités et les intérêts de chacun ne sont pas toujours explicites. A la
demande d’une des parties concernées, une procédure contradictoire qui
implique une expertise judiciaire peut être intentée. Cette procédure permettra
ensuite au juge de statuer afin de trouver une solution finale.
Le tribunal administratif est compétent, sur simple requête présenté au
juge des référés, de prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction. La
désignation d’un expert par la juridiction administrative peut aussi être effectuée
lors d’un jugement dont le tribunal est saisi, soit d’office, soit sur la demande
des parties ou de l’une d’elles .67
L’objet de la mission d’expertise ne peut porter que sur la constatation de
faits, l’expert sera alors chargé de constater les faits qui seraient susceptibles
de donner lieu à un litige devant la juridiction et non de se prononcer sur toute68
: Art R.621-1 du Code de justice administrative67
: Art R.531-1 du Code de justice administrative68
34
question relative à la qualification juridique de ces faits . Par exemple, l’expert69
peut procéder à une visite des lieux, faire appel à des entreprises afin de
constituer des dossiers techniques et proposer une évaluation des dommages
et des travaux nécessaires. Les différentes parties peuvent présenter des
observations, et des réunions avec l’expert sont tenues. De plus, l’expert peut
demander tous documents aux parties lorsqu’ils sont nécessaires à
l’accomplissement de sa mission . Le juge peut aussi ordonner à l’expert de70
procéder à une conciliation entre les parties lorsque cela est possible ou71
modifier la mission de l’expert soit à la demande de l’une des parties formée
dans un délai de deux mois qui suit la première réunion d’expertise, soit à la
demande de l’expert à tout moment . L’extension ou la réduction de la mission72
de l’expert doit être précédée d’un débat contradictoire .73
Le dossier d’expertise, constitué au cours de la procédure contradictoire,
permet de donner tous les éléments de faits, relatifs à l’imputabilité du préjudice
afin que le juge puisse statuer sur la répartition des dommages. Le rapport
comporte le compte rendu des observations matérielles et retranscrit les
observations écrites et orales des parties, il est déposé au greffe en deux
exemplaires et notifiée, par l’expert, aux parties intéressées . Ces dernières74
disposent d’un délai de deux mois afin de fournir leur observations .75
Concernant les voies de recours, l’appel des ordonnances rendues en
référé peuvent se faire dans un délai de 15 jours suivants leur notification ,76
même délai concernant le recours en cassation . Enfin, lors de l’appel, «  le77
président de la cour administrative d’appel, ou le magistrat désigné par lui, peut
immédiatement et à titre provisoire suspendre l’exécution de cette ordonnance
si celle-ci est de nature à préjudicier gravement à un intérêt public ou aux droits
de l’appelant » .78
Dans le cas présent, au regard de l’aspect technique et complexe du
contentieux, la désignation d’un expert apparaît être la meilleure solution. Cette
: Conseil d’État, 4/1 SSR, 10 décembre 1975, mentionné aux tables du recueil Lebon69
: Art R.621-7 du Code de justice administrative70
: Conseil d’État, Section du Contentieux, 11 février 2005, publié au recueil Lebon71
: Art R.532-3 du Code de justice administrative72
: Art R.532-4 du Code de justice administrative73
: Guide de l’expert devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel,74
08/02/2007, guide de novembre 2006, www.lemoniteur.fr
: Art R.321-9 du Code de justice administrative75
: Art R.533-1 du Code de justice administrative76
: Art R.533-3 du Code de justice administrative77
: Art R.533-2 du Code de justice administrative78
35
expertise permettra au juge de statuer sur l’implication de chaque partie au
contentieux.
36
CONCLUSION
En définitive, la survenance d’un sinistre provoqué par une catastrophe
naturelle implique de nombreuses problématiques. Celles de la prévention,
avec une législation de plus en plus étendue en la matière due au fait de
l’avancée scientifique qui permet une meilleure étude et prévision des aléas
naturels. Celles des mesures à prendre en cas d’urgence qui demandent
conciliation entre droits privés essentiels, comme le droit de propriété et
obligations de sûreté. Celles des responsabilités de chacun, entre obligation de
prudence et devoir d’information des propriétaires et obligations de mise en
sécurité de la puissance publique.
Les dommages résultants d’un tel sinistre sont souvent de grande
ampleur, la question de l’indemnisation, mais surtout des travaux de remise en
état du lieu se pose. L’implication de chacun est souvent difficile à définir, en
particulier dans un tel cas où propriétés privés et propriétés publiques
s’entremêlent. Une expertise judiciaire est souvent nécessaire, en effet, les
catastrophes naturelles demandent en général des connaissances techniques
en la matière, une étude spécialisée permet de mieux comprendre les causes
du sinistre et permet au juge de se prononcer sur les litiges qui peuvent en
résulter.
Le contentieux que j’ai eu à étudier au cours de mon stage comprend
ces nombreuses problématiques. Le contentieux n’étant pas terminé, j’ai
recherché toutes sortes de solutions ou de réponses qui pourraient ressortir de
l’affaire. Ce rapport de stage représente mes recherches, documentations et
réflexions qui pourraient servir, soit au contentieux en cours, soit à un
contentieux annexe ou similaire au principal.
Le contentieux en question présente plusieurs difficultés. L’affaire dure
depuis six ans, ainsi, le dossier d’expertise, aujourd’hui terminé, est constitué
d’un grand nombre de données, relatives aux études géologiques, aux
observations des parties, aux travaux effectués ou nécessaires, et tous autres
documents annexes. Les agents de la mairie, qui ont eu à s’occuper de ce
dossier, ne sont pas toujours les mêmes que ceux actuels. Ainsi, les documents
relatifs au contentieux se retrouvent dans différents services et les personnes
en charge du dossier doivent l’étudier et le reprendre depuis le début. Avant
toutes recherches, une réorganisation de tous les documents relatifs au litige a
été nécessaire. J’ai effectué plusieurs chronologies, tableaux récapitulatifs et
dossiers thématiques des documents du contentieux. Cette tâche a permis de
comprendre tous les enjeux et problématiques principales mais aussi annexes.
Des enjeux importants relèvent de la solution finale du litige. Entre
travaux de remise en état du lieu très coûteux et devenir des habitations et des
propriétaires. En effet, l’implication de chacun n’est pas claire. Le sinistre n’a
pas été provoqué par une cause humaine mais relève de la catastrophe
naturelle, en l’absence de responsable concret, la désignation de la partie
37
devant prendre en charge les travaux nécessaires n’est pas évidente.
L’intervention du juge sera probablement nécessaire.
Enfin, comme déjà précisé, le contentieux étant en cours, je n’ai pas pu
rapporter concrètement mes recherches. L’analyse faite reste générale et
illustre plusieurs cas possibles, relatifs ou non au contentieux en cours. J’ai
exposé l’ensemble de mes recherches, dont celles annexes au cas principal. 

38
BIBLIOGRAPHIE
I. Ouvrages:
Caille P. Contentieux administratif, troisième édition , Editions juridiques franco-
allemandes, 1er janvier 2019.
II. Articles:
Arbousset H., « Catastrophe naturelles et responsabilité administrative des
collectivités territoriales: mieux vaut prévenir que réparer… », revue Lamy des
collectivités territoriales, n°88, mars 2013, p75-78.
Cazaux E., Meur-Férec C. et Peinturier C., « Le régime d’assurance des
catastrophes naturelles à l’épreuve des risques côtiers. Aléas versus aménités,
le cas particulier des territoires littoraux », Cybergeo : European Journal of
Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 898, mis en ligne
le 23 mai 2019.
Planchet P. Le précédent, moyen d'évaluation du risque naturel. In: Revue
Juridique de l'Environnement, n°4, 1998. pp. 485-501.
Sanseverino-Godfrin V., « Les pouvoirs de police d maire dans le domaine de la
prévention des risques naturels », revue Lamy des collectivités territoriales,
n°88, mars 2013, p53-56.
III. Rapports et guides:
De Fombressin, conseiller juridique du C.N.C.E.J, « Guide de l’expert devant
les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel 2010 », 06 juin
2013, p1-22.
Steinle-Feuerbach M-F., « Inondations: responsabilités et force majeure »,
Rapport réalisé dans le cadre du contrat de recherche n°RI 98026 conclu entre
le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement et
l’Université de Haute Alsace, Avril 2002, p.7-103.
VI. Sites internet:
Blanchetière J. « Catastrophe naturelle et dommages de construction:
prévention, responsabilités et assurance », mai 2019, Village de la justice,
https://www.village-justice.com/articles/catastrophes-naturelles-dommages-
construction-prevention-responsabilites,31382.html
39
Gandet S. « Risques naturels: Force majeure et exclusion de la responsabilité
du fait de l’ouvrage public en raison d’une conjonction exceptionnelle
d’évènement (CE, 15 nov.2017) », Greenlaw avocats, 11 décembre 2017,
https://www.green-law-avocat.fr/risques-naturels/.
Ministère de la transition écologique et solidaire, « Prévention des risques
naturels », 08 janvier 2020, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/prevention-
des-risques-naturels
Ministère de la transition écologique et solidaire, « Indemnisation des
catastrophes naturelles », guide juridique, http://www.georisques.gouv.fr/
articles/guide-juridique-indemnisation-des-catastrophes-naturelles
Orée, Entreprises, territoires et environnement, « guide interactif de la gestion
des risques liés à l’environnement pour les collectivités », http://
risquesenvironnementaux-collectivites.oree.org/le-guide/obligations-risques-
majeurs.html
40
ANNEXES
Annexe 1: Lotissement de la calanque du Pin de Galle, plan de masse, Bruno
Cara, 1991
Annexe 2: Photos des cabanons du Pin de Galle, Bruno Cara, 1991
Annexe 3: Compte rendu géologique visuel des visites du 23 et 24 février 2015,
vues du glissement, ETG géotechnique, diagnostique géologique, 7 avril 2015
Annexe 4: Arrêté du 23/12/2014, n° 14-ARR-TEC-235
Annexe 5: Compte rendu des visites du 15 et 16 décembre 2014, zonage des
habitations du Pin de Galle, ERG géotechnique, diagnostique visuel 18
décembre 2014
41
Annexe 1:
42
Annexe 2:
43
44
45
Annexe 3:
46


47
Annexe 4:


48


49
Annexe 5:

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Le contentieux d'un sinistre pour cause naturelle en zone classée

  • 1. 1 Université Toulouse 1 Capitole Année universitaire 2019/2020 Master 2 Droit public - Collectivités territoriales Rapport de stage Le contentieux d’un sinistre pour cause naturelle en zone classée Présenté par: Lachèse Catherine Sous la direction de Mme. Crouzatier-Durand Florence Maître de conférence en Droit Public

  • 2. 2 L’Université n’entend ni approuver, ni désapprouver les opinions particulières émises dans cette thèse. Ces opinions sont considérées comme propres à leur auteur. 

  • 3. 3 Remerciements: Je remercie la Mairie du Pradet de m’avoir accueilli au sein de leur établissement ainsi que Mme. Marie Laure Charry, responsable du pôle aménagement durable, pour ses conseils et son accompagnement tout au long de mon stage Je remercie aussi Mme. Crouzatier-Durand de m’avoir guidée pour la réalisation de mon rapport de stage. 

  • 4. 4 SOMMAIRE 6 - INTRODUCTION 8 - TITRE I: LES PARTICULARITÉS DES TERRAINS EN ZONE CLASSÉE POUR RISQUES NATURELS PRÉVISIBLES 8 - Section 1 : La présentation du lieu et de ses caractéristiques géologiques 8 - 1.1 : L’évolution architecturale et administrative du Pin de Galle 8 - A) D’un lieu dit atypique et pittoresque vers une architecture lourde et dense 11 - B) L’articulation particulière du site : entre terrains privés et publics 12 - 1.2 : Des problématiques géologiques connues 12 - A) De nombreuses études géologiques 13 - B) Une législation propre aux glissements de terrains 13 - Section 2 : La survenance du sinistre et la procédure CATNAT 15 - 2.1 : Les procédures d’urgence en cas de sinistre 15 - A) Les arrêtés d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent 16 - B) Les travaux d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent 17 - 2.2 : La procédure de reconnaissance en CATNAT 17 - A) La demande de reconnaissance en CATNAT 19 - B) Les effets de la reconnaissance en CATNAT 21 - TITRE II : L’APRÈS SINISTRE : ENTRE RESPONSABILITÉS ET SOLUTIONS POSSIBLES 21 - Section 1 : Des hypothèses de responsabilité de la commune 21 - 1.1 : Une possible responsabilité du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police 22 - A) L’exemple des arrêtés portant interdiction d’habiter les lieux du sinistre
  • 5. 5 23 - B) L’exemple des obligations en matière de prévention des risques naturels 24 - 1.2 : Les causes atténuantes ou exonérantes de la responsabilité de la commune 24 - A) L’exonération possible de la responsabilité de la commune en cas de force majeure 26 - B) L’atténuation de la responsabilité de la commune par la faute ou l’imprudence de la victime 27 - Section 2 : La résolution possible du sinistre 27 - 2.1 : Les moyens mis à disposition de l’État en matière de CATNAT 27 - A) Vers une extension des mesures de prévention des risques naturels 29 - B) L’acquisition amiable des biens exposés à un risque naturel et le FPRNM 31 - 2.2 : L’intervention de la justice 31 - A) L’expropriation : le dernier recours 33 - B) Une procédure contradictoire nécessitant un expert judiciaire 36 - CONCLUSION 38 - BIBLIOGRAPHIE 40 - ANNEXES PS: En l’absence de réponse de ma responsable de stage au sein de l’établissement et dans le doute de la publicité de ces informations, j’ai censuré deux phrases dans la partie I du rapport de stage. 

  • 6. 6 INTRODUCTION J’ai effectué mon stage de master 2 droit public, droit des collectivités territoriales, d’une durée de deux mois au sein de la Mairie du Pradet. Commune de 11 000 habitants située dans le département du Var, en Provence Alpes Côte d’Azur. Je suis rattachée au pôle de l’Aménagement Durable, regroupant ainsi les services d’urbanisme et d’environnement. J’ai effectué mon stage auprès de Mme Marie Laure Charry, directrice du pôle aménagement durable, qui m’a donné pour mission l’analyse d’un important contentieux auquel la Commune est reliée et qui dure depuis six ans. En effet, en 2014, suite à un éboulement survenu dans une calanque au sein de la commune, un contentieux regroupant des propriétaires privés et la Mairie a fait l’objet d’une procédure contradictoire. En février et décembre 2014, deux glissements de terrains, sur la partie haute de la pente d’une calanque, ont provoqué des éboulements et des coulées de boue. Le lieu dit du Pin de Galle, lieu du sinistre, est divisé entre deux sociétés civiles immobilières et des propriétaires privés. L’ensemble des habitations relève donc du domaine privé. Cependant, la commune possède quelques chemins publics traversant les habitations et descendant à la plage publique du Pin de Galle ainsi qu’un parking en haut de la falaise. A l’initiative d’une des SCI, propriétaires de la partie Ouest de lieu du sinistre, une expertise a été effectuée auprès du Tribunal administratif de Toulon durant six ans. Le contentieux étant toujours en cours, je n’ai pas l’autorisation de traiter le sujet. Ainsi, je me suis penchée sur les problématiques qui pourraient ressortir du dossier de contentieux. Après analyse et réorganisation chronologique et thématique des divers documents du dossier, une multitude de sujets en sont ressortis. J’ai dans un premier temps effectué un regroupement des informations et données reliées au contentieux puis, j’ai répertorié tous les documents et requêtes annexes au contentieux principal. J’ai alors synthétisé les différents événements de la procédure, en essayent de les compléter par des recherches ultérieures aux documents déjà présents. Ce travail m’a emmené à me questionner sur les responsabilités d’une Commune en un tel cas et sur les procédures à suivre en cas de catastrophe naturelle. De ce fait, en parallèle des recherches effectuées pour les faits concrets et la procédure même du contentieux, j’ai effectué des recherches complémentaires.
  • 7. 7 Les évènements sanitaires liés à la propagation du virus Covid-19 ont amené la Mairie à prendre des mesures sanitaires à mon égard. J’ai dû finaliser mon stage à mon domicile. J’ai donc dirigé mes travaux vers des recherches, en restant en contact avec ma responsable de stage au sein de la Mairie. Ces recherches concernent les sinistres résultant de cause naturelle, avec ou sans intervention humaine. Je me suis penchée sur les obligations tenant aux représentants de la puissance publique concernant la prévention, mais aussi l’exercice de leur pouvoir de police et la réalisation de documents d’urbanisme . Ces obligations peuvent résulter soit des dispositions à prendre avant le sinistre, soit après la réalisation du sinistre. J’ai ainsi recherché les cas de manquements de la Commune, les cas de sa responsabilité mais aussi les cas qui pouvaient soit l’exonérer soit atténuer sa responsabilité. J’ai essayé de rapprocher des cas existants aux évènements du contentieux dont j’ai fait l’étude. Des similitudes existent mais le contentieux étant toujours en cours, je ne peux traiter le sujet directement. Les parties qui traitent du sujet concret ressortent de données publiques. De plus, la procédure ayant suivi son cours, certaines solutions trouvées ne sont plus utiles. L’intérêt d’une telle comparaison est alors purement intellectuelle dans la recherche d’une alternative aux faits actuels et de diverses solutions qui auraient été applicables, à l’image d’un cas pratique multiple calqué sur la réalité. Enfin, cette analyse peut servir en cas de recours annexe relié au contentieux principal, diverses situations étant analysées, leurs similitudes peuvent être empruntées dans les faits actuels mais aussi si un évènement similaire viendrait à se reproduire. À la lecture des documents du contentieux étudié, une problématique m’est apparue : celle des obligations de la commune dans ce cas particulier de sinistre survenu dans une calanque, ou domaine privé et domaine public sont tous deux présents. De quelles façons une commune peut être impliquée dans un glissement de terrain en zone classée suite à une catastrophe naturelle ? J’ai alors élaboré un dossier de recherches en m’inspirant des faits d’origine, mais aussi de faits généraux. La première partie traitera des particularités des terrains en zone classée pour risques naturels prévisibles (I), la seconde partie traitera des conséquences du sinistre, au regard de la responsabilité de la commune, et des solutions possibles (II). 

  • 8. 8 TITRE I: Les particularités des terrains en zone classée pour risques naturels prévisibles Cette partie présentera le lieu du sinistre et ses particularités géologiques (1) ainsi que la survenance du sinistre et la procédure à suivre en reconnaissance d’état de catastrophe naturelle (2). Section 1- La présentation du lieu et de ses caractéristiques géologiques Le lieu du sinistre, le Pin de Galle, présente de nombreuses particularités, après un exposé de son évolution architecturale et administrative (1.1), seront exposées ses particularités géologiques (1.2). 1.1: L’évolution architecturale et administrative du Pin de Galle La calanque qui a fait l’objet du sinistre abrite une petite crique habitée qui a évolué dans le temps (A) et qui a la particularité de posséder des terrains privés et des terrains publics (B). A. D’un lieu dit atypique et pittoresque vers une architecture lourde et dense La ville du Pradet, commune de 11 000 habitants, située sur la côte d’Azur, se trouve dans le département du Var. La commune est connue pour son emplacement en bordure de la Méditerranée et son paysage diversifié et remarquable. La ville attire de nombreux touristes en périodes estivales. Venant profiter des nombreuses plages situées sur le littoral, dont la petite crique du Pin de Galle, la population de la ville est multipliée par trois en été.
  • 9. 9 Au nord ouest du Pradet, le Pin de Galle est atypique. En effet, située dans une calanque, ce petit village de pêcheurs surplombe une crique par une multitude de petits cabanons . D’un visuel remarquable, il attire de nombreux1 touristes en été, mais aussi de nombreux locaux en toutes saisons. Véritable petit village, le lieu dit du Pin de Galle possède sa propre place où les habitants viennent se retrouver, ainsi que de petits commerces, comme un bar/restaurant au bord de l’eau. Calme et paisible, de nombreux promeneurs aiment arpenter ses petits chemins au travers d’habitations exceptionnelles. Photos de la plage du Pin de Galle - Site internet: www.le-pradet.fr Mais, de petits cabanons en bois les habitations sont devenues de2 véritables maisons en béton, avec tout l’équipement nécessaire. Durant mes recherches sur l’histoire du Pin de Galle, j’ai consulté une étude réalisée par3 l’architecte Bruno Cara du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement du var effectuée pour le compte de la mairie. L’architecte se penche sur le caractère pittoresque du Pin de Galle et sa disparition. Effectuée en 1992, M. Cara relève que « faute de protection, le Pin de Galle qui a perdu ses pins, perdra bientôt le caractère original de son habitat spontané pour : Annexe 1, lotissement de la calanque du Pin de Galle, plan de masse, Bruno Cara, 19911 : Annexe 2 - Photos des cabanons du Pin de Galle, Bruno Care, 19912 : Commune du Pradet - C.A.U.E du Var, Les cabanons du Pin de Galle, Bruno Cara, mai 1992.3 P.9 2.2 Dégradation du caractère de l’habitat
  • 10. 10 devenir un exemple minéral inconfortable et sans doute inesthétique, qui n’aura plus que pour seul attrait la proximité du bord de mer et l’absence de voiture ». De même, les matériaux ont eux aussi évolué : « L’utilisation d’agglomérés et d’enduits rustiques donnent des effets de lourdeur à des constructions qui utilisaient autrefois des matériaux d’aspect plus léger (briques creuses, bois, tuiles plates, enduit lisse) ». J’ai pu retrouver des croquis que l’architecte avait faits dans son carnet de note, représentant la simplicité tant architecturale que matérielle des cabanons. Croquis des cabanons du Pin de Galle - Bruno Cara Ainsi, le Pin de Galle évolue : d’un petit village de pêcheur vers de véritables constructions de plus en plus denses. En conclusion, l’architecte Bruno Cara, préconise que la Commune, en concertation avec l’État, demande la création d’une Zone de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain afin
  • 11. 11 de protéger et sauvegarder la qualité des espaces bâtis et non bâtis «  en prenant en compte les mutations sociales et économiques, l’aisance des usagers et l’épanouissement de la vie du Pin de Galle ». En plus de son esthétique particulière, le terrain présente des particularités administratives. B. L’articulation particulière du site: entre terrains privés et publics La commune du Pradet a été créée en 1894 par une séparation avec la commune de La Garde à laquelle elle appartenait. La calanque du Pin de Galle était restée en indivision entre les deux communes, et la commune du Pradet, qui avait la gérance de l’indivision, a accordé des baux sur la calanque. La SCI Calanques du Pin de Galle a été créée en 1975 afin d’acheter les baux en question. Le 6 janvier 1977, les maires des deux communes vendent les terrains communaux à la société civile immobilière. Actuellement, les terrains du Pin de Galle sont répartis entre des propriétaires privés, deux SCI et quelques parties appartenant au domaine public. La partie Ouest du secteur est appelée la Calanque, la partir Est s’intitule la Pinède. Chacune des deux parties appartiennent à une SCI. Le village du Pin de Galle à une situation administrative particulière, en effet, le plateau et le parking, ainsi que le trottoir qui surplombe la calanque, appartiennent au domaine public communal. Les trois principaux chemins d’accès à la plage publique appartiennent aussi à la Mairie. Enfin, les chemins privés appartenant à la SCI sont ouverts au public, ces dispositions ont été mentionnées dans l’acte de vente. Il y a donc une concertation entre domaine privé et domaine public. Lors de la vente des terrains, les parties non constructibles et trop arpentées ont été cédées à titre gratuit dans l’acte de vente, sous réserve qu’aucune construction n’y sera ni maintenue ni implantée. En effet, un éboulement s’est produit en 1960, l’instabilité du terrain était alors connue et, en application d’une étude géologique réalisée, des zones inconstructibles ont été délimitées. Il n’existe donc aucune habitation appartenant au domaine public, mais des installations, le parking et des chemins permettant l’accès à la plage publique. C’est donc un village privé, appartenant à des SCI dont une particulièrement investie, avec cependant une importante dimension publique due à la forte fréquentation du lieu, en particulier en été. Cette situation est particulière dès lors que la séparation entre domaine privé et public est effectivement bien délimitée, mais pas dans la pratique. S’entremêlent des
  • 12. 12 chemins empruntés par tous usagers, appartenant soit au domaine public, soit au domaine privé mais l’ensemble reste ouvert à l’usage du public. L’instabilité du terrain mentionnée dans l’acte de vente était connue de tous, ainsi des documents d’urbanisme ont été réalisés afin de prévenir le danger. 1.2 - Des problématiques géologiques connues La commune a procédé à de nombreuses études géologiques sur l’ensemble du terrain (A), ces études ont permis de prendre en considération, dans les documents d’urbanisme, les problématiques géologiques liées au terrain (B). A. De nombreuses études géologiques Les particularités du Pin de Galle ne tiennent pas qu’à son charme et à son attractivité auprès des promeneurs. Le terrain en lui même connaît de multiples problématiques. En effet, en 1960, à la suite de désordres géologiques, la commune du Pradet avait demandé une expertise auprès du professeur Claude Gouvernet, éminent professeur de géologie appliquée à la faculté des sciences de Marseille. Le professeur Gouvernet avait conclu, suite à une expertise géologique complète de la calanque, l’instabilité de plusieurs parcelles. L’expertise du professeur Gouvernet révélait la présence de schistes carbonifères et de réservoirs aquifères qui, par une mise en charge hydraulique et une imbibition fragilisait le support du talus que domine le plateau calcaire. Les analyses du professeur Gouvernet sont reprises dans une étude de juillet 2019 effectuée sur l’ensemble du site du Pin de Galle et réalisée par deux4 bureaux d’études spécialisés en géologie et en hydrologie à la demande de la Mairie. Dans le volet géotechnique, l’expert relève que « le secteur a fait l’objet de mouvements de terrains à l’origine de désordres qui se manifestent encore aujourd’hui (…). Ces secteurs connaissent des problèmes récurrents de stabilité des sols avec des influences notables sur les bâtis présents. Ces : Étude géologique, hydrologique et géotechnique des désordres dans les secteurs du Pin de4 Galle et de la Pinède - Le Pradet (83) - 2016-2019. IMSRN/ H2EA - Volet géotechnique juillet 2019
  • 13. 13 problématiques ont été identifiées vers 1960 et ont probablement une origine antérieure ». En continuité des expertises du professeur Gouvernet, le BRGM continue les analyses du terrain. Ainsi, en 1976, Mr. Rousset, du BRGM, constate à propos du secteur de la Pinède, la présence de « tassements parfois alarmant  » et indique que «  toute la zone présente une tendance au glissement ». Dans ses conclusions il qualifie la zone de « dangereuse » et qu’il « n’est pas question d’envisager de reconstruire les villas abattues et [que] le caractère non constructible de cette zone est permanente ». La mairie a ainsi élaboré des documents d’urbanisme prenant en compte ces désordres géologiques. B. Une législation propre aux glissements de terrains Suite à une autre étude géologique du BRGM, le PER du Pradet, datant du 26 juin 1989, effectue un zonage concernant les mouvements de terrain sur plusieurs terrains du Pin de galle. Ce PER sera annexé au Plan local d’urbanisme de 2011. Le PLU de la commune classe le secteur du Pin de Galle en zone NGA et NGB. La zone NGA correspond aux zones rouges constituée par les risques de mouvements de terrains (RG) et les zones NGB les zones bleues. Le PER dispose que « la zone rouge est une zone très exposée dans laquelle les phénomènes naturels prévisibles sont particulièrement redoutables en raison de leur nature même et de leurs conjonctions possibles ». Concernant les zones bleues, «  cette zone est exposée à des risques pour lesquels des parades peuvent être mises en œuvre, mesures de préventions, administratives et/ou techniques, réalisables économiquement » .5 Ainsi, le site du Pin de Galle est soumis à une législation spécifique due à la spécificité du terrain et aux risques qui s’y attachent. Quelles sont alors les obligations de la commune vis-à-vis de ces risques connus, dès lors que la majorité du terrain, et l’ensemble des habitations, appartiennent au domaine privé ? La commune du Pradet a continué, par le biais du BRGM, à vérifier le zonage dont faisait l’objet le Pin de Galle. Dans un avis géologique sur la6 : Plan d’exposition aux risques (P.E.R.) Naturels prévisibles de mouvements de terrain et5 d’inondation - Commune du Pradet - DDTM Var - Règlement - Septembre 2011 : Avis géologique sur la constructibilité des lotissement du Pin de Galle, par B. Dellery, BRGM,6 88 SGN 894 PAC, Novembre 1988.
  • 14. 14 reconstructibilité des lotissements dits du Pin de Galle et de la Pinède, en 1988, le BRGM conclut que «  les mouvements de glissement ne paraissent actuellement plus actifs au niveau des deux lotissements, mais l’équilibre reste fragile ». Les dispositions spéciales prises, au vu des risques que présentent les terrains du Pin de Galle, étaient incluses dans le PER et connues des habitants, la commune n’a pas continué les expertises, les dispositions des documents d’urbanisme apparaissaient suffisantes dès lors que des contraintes d’urbanisme étaient énumérées suivant le zonage effectué en application des expertises. Les glissements de terrains sont particulièrement difficiles à évaluer et à prévoir. En effet, dans les rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de l’Assemblée Nationale , se fondant sur7 les dires de M. Jean-Louis Durville du Laboratoire Central des Ponts et Chaussée, à propos des glissements de terrains : « la prévision au-delà de quelques semaines, a fortiori à long terme, n’est guère possible, ne serait-ce que par suite de l’imprévisibilité de changements significatifs tels que : extension ou restriction de la zone instable, modification de l’hydraulique souterraine par suite des mouvements, etc…  ». De plus, M. Durville relève qu’on « ne peut prévoir à long terme et donc il n’est pas possible d’avoir une prévention totalement satisfaisante ». Le caractère imprévisible d’une catastrophe naturelle rend la prévention du sinistre difficile, même en présence de documents d’urbanisme relatifs à ce danger. Ainsi, se produit un nouvel éboulement dans la calanque du Pin de Galle. Section 2 : La survenance du sinistre et la procédure CATNAT En 2014, deux glissements de terrains se sont produits au niveau du talus central de la calanque, plusieurs procédures d’urgence ont été mises en place (2.1) ainsi qu’une procédure de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle (2.2). : Rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques,7 1995, par M. Christian Kert, député, Tome 1- Conclusions du Rapporteurs, Titre II - Les glissements de terrain et les éboulements, 4 - La prévision et la surveillance (257).
  • 15. 15 2.1 : Les procédures d’urgence en cas de sinistre En février 2014 et en décembre 2014, après de fortes pluies, se produisent des glissements de terrains provocant des éboulements et des coulées de boue sur le terrain du Pin de Galle. Suite à ce sinistre, la commune a eu recours à des arrêtés d’urgence (A) et a entrepris des travaux conservatoires (B). A. Les arrêtés d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent Deux glissements de terrains se sont produits au Pin de Galle . Le8 premier, intervenu le 10 février 2014 a donné lieu, le jour même, à un arrêté de péril imminent ayant pour conséquence l’interdiction provisoire d’habiter les lieux pour certains propriétaires. Après un compte rendu de visite et un diagnostique approfondi par un bureau d’expertise géologique missionné par la Mairie, le maire prend un arrêté complémentaire réduisant ainsi la liste des parcelles interdites d’accès. Finalement un troisième arrêté ordonnera aux occupants d’autres parcelles de quitter les lieux afin de « garantir leur propre sécurité » .9 Suite au second glissement de terrain survenu le 6 décembre 2014, le maire prendra un arrêté du 23 décembre 2014 portant interdiction d’accès à10 certaines zones. Ces zones sont délimitées et correspondent à des zones noires et des zones rouges. Le maire se fonde sur « un risque majeur de glissement de terrain ». En effet, le bureau d’expertise chargé d’étudier le terrain estime qu’il « y a urgence à ce que des mesures soient prises en vue de garantir la sécurité des occupants » et que la menace est « réelle et grave ». En l’espèce, le maire a fait application de ses pouvoirs de police en interdisant l’accès aux propriétés concernées par le zonage .11 En effet, en application de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, «  la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques  », l’alinéa 5 de l’article : Annexe 3, Compte rendu géologique visuel des visites du 23 et 24 février 2015, vues du8 glissement, ETG géotechnique, diagnostique géologique, 7 avril 2015 : Arrêtés n° 14-ARR-TEC-212 et n° 14-AAR-TEC-1949 : Annexe 4, Arrêté du 23/12/2014, n° 14-ARR-TEC-23510 : Annexe 5, Compte rendu des visites du 15 et 16 décembre 2014, zonage des habitations11 du Pin de Galle, ERG géotechnique, diagnostique visuel 18 décembre 2014
  • 16. 16 prend en compte les «  accidents et les fléaux calamiteux  » tels que les « éboulements de terre (…) ou autres accidents naturels ». Ainsi, « en cas de danger grave et imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L.2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances ». Ces dispositions relèvent de l’obligation de sauvegarde du maire. Les sinistres provoqués par un évènement naturel, en particulier les glissements de terrains, sont souvent imprévisibles et dévastateurs. En l’absence de garantie quant à la solidité du terrain, le maire avait le devoir de mettre en sécurité les habitants du lieu et a donc fait usage de ses pouvoirs de police. En parallèle de l’évacuation des habitants les plus exposés, des travaux d’urgence doivent être effectués. B) Les travaux d’urgence dans le cas d’un danger grave et imminent Les obligations de sauvegarde du maire en vertu de l’article L.2212-4 du Code général des collectivités territoriales comprend l’obligation d’effectuer des travaux d’urgence afin d’éviter un péril grave et imminent. Cette obligation relève des pouvoirs de police du maire en cas de danger grave et imminent qui impose au maire de prescrire des « mesures de sûreté exigées par les circonstances ». L’urgence de la situation justifie l’exécution de travaux d’office, a contrario en l’absence d’urgence née d’un péril imminent le maire ne peut user de son droit d’agir d’office .12 Le maire d’une commune peut mettre en demeure un propriétaire privé d’effectuer des travaux afin de faire cesser un péril immédiat, mais en cas d’inertie du propriétaire, la commune doit réaliser les travaux. En effet, ces travaux relèvent de la sécurité publique, à ce titre la charge de leur réalisation incombe à la mairie . En l’absence de fondement législatif,13 la réalisation d’office des travaux de mise en sécurité effectués et supportés par la mairie, ne pourra être mis à la charge du propriétaire .14 Toutefois, la commune pourra rechercher la responsabilité civile du propriétaire privé si ce dernier a contribué à la création du risque en manquement à ses obligations. Plus récemment le Conseil d’État a admis la : Conseil d’État, Section, 20 juin 1980, 04592 04872 15025, Publié au recueil Lebon12 : Conseil d’État, 5/3 SSR, du 6 avril 1998, 142845, mentionné aux tables du recueil Lebon13 : Conseil d’État, 8/9 SSR, 23 octobre 1998, 172017, mentionné aux tables du recueil Lebon14
  • 17. 17 responsabilité d’un propriétaire privé en cas d’inertie de ce dernier à sa mise en demeure d’effectuer des travaux de mise en sécurité .15 En raison de la sécurité publique, le maire peut faire réaliser des travaux par la Commune, sur un terrain privé. Dès lors, le maire à l’obligation d’exécuter les travaux de mise en sécurité, le fait que le danger concerne un ensemble de propriétaires réunis dans une copropriété n’enlève pas le caractère d’intérêt collectif aux travaux .16 Enfin, la responsabilité du propriétaire privé pourra être recherchée afin de décharger la commune de toute responsabilité dans les dommages causés par le fait des travaux entrepris par la commune .17 En parallèle de la mise en sécurité des lieux et des habitants, les sinistres naturels peuvent faire l’objet d’une demande de procédure en reconnaissance en Catnat afin de faire intervenir le système d’indemnisation prévu à cet effet. 2.2 : La procédure de reconnaissance en Catnat Après avoir vu les conditions de demande de reconnaissance en Catnat(A), nous verrons ses effets(B). A. La demande de reconnaissance en CATNAT Lors de la survenance d’un sinistre de cause naturelle, la maire de la commune peut faire une demande de reconnaissance de catastrophe naturelle. Cette procédure permet l’indemnisation des citoyens victimes. La garantie Catnat est justifiée par le principe de la solidarité et de l’égalité des citoyens devant les charges qui résultent des calamités publiques, principe reconnu par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ainsi, la loi du 13 juillet 1982, codifiée par les articles L. 125-1 et suivants du Code des Assurances, dispose dans son 1er article que «  sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormal d’un agent naturel, lorsque les : Cour de Cassation, civile, Chambre Civile 1, 28 novembre 2007, 09-19-405, Publié au15 bulletin : Conseil d’État, 5ème / 4ème SSR, 11/07/2014, 36083516 : Conseil d’État, 6/2 SSR, 4 décembre 1974, 90473, publié au recueil Lebon17
  • 18. 18 mesures habituelles à prendre pour éviter ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ». Dès la survenance du sinistre, le maire de la commune peut formuler une demande auprès du préfet. Le maire dispose d’un délai de 18 mois après le début de l’évènement naturel en cause. La préfecture établit alors un dossier comprenant les données du maire, un rapport circonstancié établi par ses services, la liste et la localisation de ou des communes requérantes et un rapport technique sur la nature et l’intensité du phénomène, établi par un service d’expertise . Le préfet fait remonter le dossier à la commission18 interministérielle compétente. La commission interministérielle, composée de représentants des ministères de l’Intérieur, du ministère des Outre-mer, du ministère de l’Économie et des Finances ainsi que du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, statue sur la demande en reconnaissance d’état de catastrophe naturelle. La notion de catastrophe naturelle n’est pas réellement définie par les textes législatifs, mais l’article 125-1 du Code des assurances caractérise une catastrophe naturelle comme un sinistre provoqué par «  l’intensité anormale d’un agent naturel ». La commission rend un avis suivant des critères précis et selon le type de sinistre. Par exemple, les critères permettant de caractériser des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements de terrains différentiels ont été révisés. Désormais les critères utilisés pour caractériser l’intensité d’un épisode de sécheresse-réhydratation des sols prend en compte les progrès de la modélisation hydrométéorologique .19 En cas d’avis favorable de la Commission, la décision est prise par arrêté interministériel et est publiée au Journal Officiel. En cas de reconnaissance de Catnat, le préfet en informe le maire qui, à son tour, en informe ses administrés. C’est ce qu’a fait la mairie du Pradet. La commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle au Journal Officiel du 4 décembre 2014 .20 Une nouvelle procédure a été mise en place en janvier 2018 par le biais d’une application directement accessible par la Commune. Il existe désormais un service en ligne de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle : Icatnat. Cette dématérialisation de la procédure de reconnaissance : Eugénie Cazaux, Catherine Meur-Férec et Cédric Peinturier, « Le régime d’assurance des18 catastrophes naturelles à l’épreuve des risques côtiers. Aléas versus aménités, le cas particulier des territoires littoraux », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 898, mis en ligne le 23 mai 2019 : Ministère de l’intérieur, circulaire INTE1911312C, Procédure de reconnaissance de l’état de19 catastrophe naturelle - Révision des critères permettant de caractériser l’intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements de terrain différentiels, 10 mai 2019 : JORF n°0283 du 7 décembre 2014 page 20460n texte n°13, arrêté du 4 décembre 201420 portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, NOR: INTE1427189A
  • 19. 19 en catastrophe naturelle permet de simplifier les démarches et de rendre la procédure moins longue. B. Les effets de la reconnaissance de Catnat La procédure de reconnaissance de Catnat a été élaborée afin de créer un système d’indemnisation généralisée dans une optique de solidarité. L’assurance Catnat relève d’un modèle hybride entre privé et public, tous biens garantis par une assurance dommage relèvent de la garantie catastrophe naturelle. A ce titre, une assurance ne peut refuser de prendre en compte les risques naturels, cette indemnisation est imposée à l’assuré et à l’assureur. Ainsi, la condition d’ordre public est l’arrêté de constatation de l’état de catastrophe naturelle et sa publication au Journal Officiel et la condition d’ordre privé est que le bien doit être couvert par un contrat d’assurance dommage .21 Dès lors qu’est reconnu l’État de catastrophe naturelle par l’État, la garantie Catnat ouvre droit à indemnisation aux victimes du sinistre. Cette indemnisation concerne les dommages matériels, la loi du 13 juillet 1982 dispose que les dommages qui relèvent de l’assurance Catnat sont tous les «  dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel  ». Les montants des primes, franchises et modalités d’indemnisation sont fixés par l’État et ne peuvent être modifiés par l’assureur. Bien entendu, il est nécessaire que l’assuré prouve que le dommage matériel subi a pour cause déterminante la catastrophe naturelle. Toutefois, la Cour de Cassation affirme que «  l’article L.125-1 du code des assurances n’exige pas que l’agent naturel constitue la cause exclusive des dommages » .22 Enfin, il existe différents niveaux de mutualisation des risques. Le premier niveau concerne les assureurs et experts qui sont chargés de «  distribuer et mutualiser la couverture légale via leur contrat, collecter les ressources, expertiser et indemniser rapidement les sinistrés conformément aux conditions réglementaires » .23 La Caisse Centrale de Réassurance (CCR) représente le second niveau de mutualisation et propose une réassurance aux assureurs afin de permettre la stabilité du régime, elle constitue «  une mission d’intérêt général  ». Cette : CCR, rapport d’activité 2018, plaquette indemnisation des catastrophes naturelles en21 France, www.ccr.fr : Cour de Cassation, Ch Civ.2, 29 mars 2018, n° 17-1501722 : CCR, rapport d’activité 2018, plaquette indemnisation des catastrophes naturelles en23 France, www.ccr.fr
  • 20. 20 réassurance permet de «  réassurer tout assureur (...) réaliser une mutualisation, au niveau national, de l’ensemble des risques à travers la couverture des portefeuilles des différents assureurs, élaborer des couvertures de réassurance solides et pérennes (...). Enfin, lorsque le sinistre est trop important pour être supporté par les assurances seules, un dernier niveau de garantie est assuré par l’État. C’est le troisième et dernier niveau de mutualisation. Son intervention se fait en dernier ressort et est octroyée à la Caisse Centrale de Réassurance.
  • 21. 21 TITRE II : L’APRÈS SINISTRE : ENTRE RESPONSABILITÉS ET SOLUTIONS POSSIBLES Un sinistre de cause naturelle engendre de nombreuses problématiques. Les propriétaires sinistrés peuvent rechercher la responsabilité de la commune (1). La résolution des dommages causés par la catastrophe naturelle nécessitera certainement l’intervention de la justice (2). Section 1 : Des hypothèses de responsabilité de la commune Suivant la nature du sinistre, plusieurs responsabilités peuvent être invoquées. Dans un premier temps nous verrons des cas de responsabilité de la Commune dans l’exercice des pouvoirs de police du maire (1.1) puis dans un second temps les causes d’exonération ou d’atténuation de cette responsabilité (1.2). 1.1 Une possible responsabilité du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police Plusieurs cas de responsabilité du maire pourront être recherchés, nous prendrons l’exemple des arrêtés de sûreté portant interdiction d’habiter (A) et de l’obligation des mesures de préventions contre les catastrophes naturelles (B).
  • 22. 22 A. L’exemple des arrêtés portant interdiction d’habiter les lieux du sinistre En l’espèce, les arrêtés de mise en sécurité pris par le maire du Pradet suite au glissement de terrain ont été contestés par les propriétaires privés. Plusieurs requêtes ont été déposées auprès du Tribunal Administratif de Toulon à l’encontre de l’arrêté du 23 décembre 2014 portant interdiction d’habiter. L’une d’entre elle se fondait sur l’illégalité de l’arrêté en méconnaissance de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui dispose que les décisions individuelles de l’administration, qui doivent être motivées, «  n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites (…) ». Par un premier jugement en date du 8 mars 2018 , le Tribunal24 Administratif de Toulon fait droit à la demande du requérant et annule l’arrêté du maire. La Cour d’Appel de Marseille, saisie par deux requêtes en appel de la commune, annule le jugement de première instance. La Cour d’Appel estime en effet que «  les décisions qui constituent une mesure de police générale ou spéciale ne peuvent légalement intervenir, sauf situation d’urgence, qu’après que l’intéressé a été mis à même de présenter des observations », en l’espèce, les juges d’appel relèvent l’urgence et la gravité de la situation, ils estiment alors que «  en raison de ce risque avéré, l’arrêté contesté est nécessaire et n’est pas disproportionné par rapport à l’objectif de sécurité poursuivi qui ne pouvait être atteint par une mesure moins contraignante » .25 En plus d’être proportionnés au danger, les arrêtés de mise en sécurité portant interdiction d’habiter doivent être temporaires ou limités. Ainsi, un maire ne peut «   prendre une mesure permanente et définitive privant le propriétaire de l'immeuble de l'usage de son bien en interdisant toute occupation de celui-ci dans l'attente d'une éventuelle acquisition amiable par la commune  » . De26 même, l’usage par le maire de ses pouvoirs de police est justifié par l’urgence de la situation et du danger imminent, lorsque celui-ci cesse, le maire à l’obligation d’abroger ou d’adapter les mesures prises. Le maintien de ces mesures est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de la Commune .27 La possible responsabilité du maire en cas d’arrêté portant interdiction d’habiter relève des mesures prises postérieurement à un sinistre, une autre responsabilité peut être recherchée à l’occasion d’un manquement antérieur au sinistre. : TA Toulon, 08/03/2018, n° 150238124 : CAA Marseille, 09/07/2018, 18MA01897 - 18MA0189825 : Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 21/10/2009, 31047026 : Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 31/08/2009, Publié au recueil Lebon27
  • 23. 23 B. L’exemple des obligations en matière de prévention des risques naturels L’obligation de prévention en matière de risque naturelle relève de l’article L.2212-2-5° du Code général des collectivités territoriales et concerne l’exercice des pouvoirs de police du maire. Cette obligation comprend « les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir » .28 La jurisprudence relève que l’obligation de prévention des risques naturels comprend l’étude des zones exposées de façon approfondie et la mise en place d’ouvrages de protection. Les carences d’une Commune à l’égard de ces préventions sont constitutives d’une faute de nature à engager sa responsabilité. La responsabilité de la Commune est engagée même si l’État est responsable du retard dans la délimitation des zones exposées aux risques, ainsi, la Commune et l’État sont tous deux responsables des conséquences dommageables du sinistre .29 La jurisprudence va plus loin dans l’obligation de prévention imposée au maire, en effet, le Conseil d’État confirme l’existence d’une faute de négligence à l’égard de la Commune qui aurait dû vérifier l’état d’une digue de protection, même si celle-ci relevait de la compétence d’un syndicat privé de propriétaires .30 De plus, la responsabilité du maire peut être recherchée en cas d’absence de signalisation d’un danger connu, par exemple, lorsque le maire ne signale pas en amont un obstacle dans un passage habituel emprunté par des skieurs . De même, la responsabilité pour faute de la commune peut être31 engagée dès lors que le maire n’a pas interdit l’accès à un talus surplombant une plage maritime par une barrière ou n’a pas mis en place une signalisation .32 : Conseil d’État, 5/3 SSR, 14 octobre 1997, 01404, mentionné aux tables du recueil Lebon28 : Conseil d’État, 1/4 SSR, 14 mars 1986, 96272 99725, mentionné aux tables du recueil29 Lebon : Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 14/05/2008, 291440, Inédit au recueil30 Lebon : Conseil d’État, 10/9 SSR, du 9 novembre 1983, 35444, mentionné aux tables du recueil31 Lebon : Conseil d’État, 5/3 SSR, 6 février 1981, 13145, mentionné aux tables du recueil Lebon32
  • 24. 24 Il existe cependant des causes d’atténuation ou d’exonération de la responsabilité de la Commune. 1.2 : Les causes atténuantes ou exonérantes de la responsabilité de la Commune La première cause d’exonération ou d’atténuation de la responsabilité de la Commune relève du caractère de la force majeure du sinistre (A). La seconde cause relève de la faute ou de l’imprudence de la victime (B). A. L’exonération possible de la responsabilité de la Commune en cas de force majeure La force majeure permet d’exonérer ou d’atténuer la responsabilité de la Commune en cas de catastrophe naturelle. La reconnaissance de la force majeure n’exonère pas totalement la Commune si «  les conséquences dommageables de l’évènement ont été aggravées par un ouvrage public par rapport à ce qu’elles auraient été en son absence » .33 Pour que la force majeure soit reconnue, il faut que la catastrophe naturelle ait un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible. Concernant son caractère imprévisible, la jurisprudence prend en compte l’existence de précédent au sinistre. Il apparaît constant que la Haute Juridiction écarte la force majeure dès lors que le sinistre s’est déjà produit. Ainsi, le Conseil d’État rejette la force majeure « compte tenu de ce que trois fois au moins depuis 1917 des avalanches de même provenance avaient atteint la zone » . De même pour des inondations récurrentes et des précipitations de34 : Conseil d’État, 6/2 SSR, 25 mai 1990, 39460 39497, mentionné aux tables du recueil Lebon33 : Conseil d’État, 1/4 SSR, 14 mars 1986, 96272 99725, mentionné aux tables du recueil34 Lebon
  • 25. 25 même ampleur . De plus, la connaissance d’un seul précédent suffit à rejeter35 le caractère imprévisible .36 A contrario, une catastrophe naturelle est imprévisible et constitue un cas de force majeure en raison de sa violence et de son intensité exceptionnelle par rapport à tous les précédents connus dans la région .37 La jurisprudence apparaît admettre plus facilement le cas de force majeure dès lors que le dommage résulte d’une conjonction imprévisible de plusieurs phénomènes . Par exemple, lorsque la conjonction relève d’une38 pluviosité d’une extrême densité, d’une crue importante et d’une marée particulièrement forte, le dommage doit être assimilé à un cas de force majeure . De même pour la conjonction de précipitations d’une ampleur39 exceptionnelle, d’une tempête marine et d’une crue .40 Un rapport du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement, relatif à la responsabilité et à la force majeure en cas d’inondations, relève que les juridictions administratives ne retiennent que rarement le cas de force majeure. En effet : « sur 260 décisions ayant trait aux inondations, la force majeure n’est reconnue que dans 17 cas  » et «  sur 84 décisions portant sur des évènements naturels autres que des inondations, la force majeure est retenue 7 fois » .41 Ce même rapport analyse les raisons pour lesquelles les juridictions ne retiennent que rarement le cas de force majeure. En effet, les conséquences d’une telle reconnaissance peut avoir des conséquences lourdes pour les victimes dès lors que l’exonération conduit à une absence d’indemnisation. Outre la reconnaissance de la force majeure, la responsabilité de l’administration peut être atténuée par un partage de responsabilité entre la personne publique et la victime en cas de faute ou d’imprudence du sinistré. : Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 12/03/2014, 350065, Inédit au recueil35 Lebon : Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 26 juillet 2006, inédit au recueil Lebon36 : Conseil d’État, 10/8 SSR, 23 janvier 1981, 13130, Publié au recueil Lebon37 : Conseil d’État, 10ème / 9ème SSR, 6 juillet 2015, 37326738 : Conseil d’État, 6/2, 27 mars 1987, 59039, mentionné aux tables du recueil Lebon39 : Conseil d’État, 7ème et 2ème chambres réunies, 15 novembre 2017, 40336740 : Inondations : responsabilités et force majeure, Ministère de l’aménagement du territoire et41 de l’environnement, CERDACC, avril 2002, Programme risque inondation.
  • 26. 26 B. L’atténuation de la responsabilité de la commune par la faute ou l’imprudence de la victime En cas de dommage causé par une catastrophe naturelle et en l’absence de cas de force majeure, pour que la responsabilité de la Commune soit entièrement reconnue, les victimes ne doivent pas avoir méconnu leur obligation de prudence. L’imprudence de la victime semble être majoritairement reconnue lorsque celle-ci avait connaissance des lieux. Par exemple, le Conseil d’État retient un partage de responsabilité entre un skieur victime d’un accident en dehors d’une piste, et qui avait connaissance des lieux, et le maire de la Commune, qui n’avait pas pris des mesures de signalisation suffisantes .42 Cependant, dans la majorité des jurisprudences retenant la faute pour imprudence de la victime, la responsabilité de l’administration n’est pas exonérée totalement. Dans la plupart des cas, la responsabilité est partagée entre la victime et la personne publique, même dans le cas d’une faute d’imprudence avérée  : le Conseil d’État admet une responsabilité de la Commune limitée au quart des conséquences dommageables de l’accident en cas d’imprudence de la victime qui s’est noyée alors, qu’en connaissance des lieux, est « entrée dans l’eau, en dehors de la plage aménagée, à une heure tardive alors qu’elle ne savait pas nager » .43 Dans le cas d’une construction sur un terrain exposé à un risque naturel, la faute de la victime peut être retenue par « imprudence de propriétaires à ne pas s’assurer eux-mêmes de la sécurité des lieux où ils implantent leur construction » . Ainsi, les propriétaires victimes d’un sinistre naturel voient leur44 responsabilité engagée dès lors qu’ils n’ont pas vérifié les risques naturels pesant sur leur habitation, même si le maire avait engagé sa responsabilité en délivrant un permis dépourvu de prescriptions spéciales «  malgré une connaissance suffisamment précise des risques d’inondation » .45 En parallèle de la recherche d’une possible responsabilité, une catastrophe de cause naturelle engendre souvent de lourds dommages. Il existe plusieurs solutions possibles à la fin du sinistre. : Conseil d’État, 4/1 SSR, 22 décembre 1971, 80060, publié au recueil Lebon42 : Conseil d’État, 5/3 SSR, 14 octobre 1977, 01404, mentionné aux tables du recueil Lebon43 : Conseil d’État, 3/5 ssr, 22 février 1989, 8229844 : Conseil d’État, 2/1 SSR, 2 octobre 2002, 232720, mentionné aux tables du recueil Lebon45
  • 27. 27 Section 2 : La résolution possible du sinistre Les Communes victimes de sinistres naturels peuvent demander l’aide de l’État, en effet, plusieurs dispositions sont prévues en cas de catastrophes naturelles (2.1). En cas de désaccord entre parties privés et la Commune, une procédure judiciaire pourra être intentée (2.2). 2.1 Les moyens mis à disposition par l’État en matière de CATNAT Il existe une grande diversité à l’égard des sinistres de cause naturelle et leurs conséquences sont souvent dévastatrices. Ainsi, diverses lois en matière de gestion des risques naturels ont été élaborées (2.1). L’expropriation peut être une solution en cas de dernier recours (2.2). A. Vers une extension des mesures de prévention des risques naturels Ces dernières décennies, diverses lois ont été élaborées afin de pallier les dommages, souvent de grande ampleur, des risques naturels. Outre la loi relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles du 13 juillet 1982, vue précédemment et qui permet l’indemnisation des biens assurés suite à une catastrophe naturelle, la loi du 22 juillet 1987, relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs, reconnaît le droit à l’information préventive du public. En effet, en son article 21, la loi dispose que « Les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles  » . De même, annexée à la loi, l’orientation de la politique de46 sécurité civile estime qu’ «  il faut aujourd’hui appréhender toute la réalité du danger: anticiper les crises, prendre de vitesse les catastrophes, travailler sur chaque risque de défense et de sécurité civiles, en combinant le souci de la : Loi n° 87-565 du 22 juillet 1987, Art 21, codifié à l’article L 124-2 du Code de46 l’Environnement
  • 28. 28 prévention et celui de l’intervention ». Cette loi sera modernisée par la loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile .47 D’autres lois interviendront ultérieurement, comme la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de48 négligence, ou la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages .49 En application de la législation en la matière, les maires des Communes ont l’obligation d’élaborer divers documents informatifs afin d’exposer les risques et les mesures de sauvegarde nécessaires aux habitants.  Plusieurs moyens sont mis à disposition des communes en matière d’information et de prévention des risques naturels. En vertu du décret du 11 octobre 1990, le maire doit élaborer un document d’information contenant des informations sur la connaissance des risques, les mesures prises par la commune, les mesures de sauvegarde et le plan d’affichage de ces consignes . Ce document est le DICRIM et est obligatoire pour les Communes50 munies d’un PER. Par exemple, la Commune du Pradet, dispose d’un DICRIM relatif aux risques naturels affectant la commune, les mesures prises dans la commune, les mesures de sauvegarde ainsi que la réglementation relative à ses risques. Ces consignes de sécurité doivent être affichées. De plus, pour les Communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles  « le maire informe la population au moins une fois tous les deux ans  » sur les caractéristiques des risques naturels et les mesures de prévention et de sauvegarde possibles et doit élaborer un Plan Communal de51 Sauvegarde . Le PCS de la commune du Pradet comprend une partie sur les52 risques de la commune et une seconde sur les dispositifs opérationnels.  Tous ces documents s’inscrivent dans une politique de prévention des risques majeurs prévisibles, de nombreux documents sont mis à disposition du public et concernent tant les risques naturels possibles, que les mesures de sauvegarde en cas de sinistre. Toutefois, ces documents sont informatifs et la survenance du sinistre reste imprévisible, comme le rappel le DICRIM du Pradet, une des caractéristiques essentielles du risque majeur est que sa fréquence est faible « au point que l’on pourrait être tenté de ne pas se préparer à son éventualité ».  : Loi n° 2004-811 du 13 aout 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile47 : Loi n° 96-393 du 13 mai 199648 : Loi n° 2003-699 du 30 juillet 200349 : Ministère de la transition écologique et solidaire, article: le document d’information50 communal sur les risques majeurs (DICRIM), www.géorgiques.gouv.fr : Art L.125-2 du Code de l’environnement51 : Art L.731-3 du Code de la sécurité intérieure52
  • 29. 29 Mais la loi la plus fondamentale en matière de risques naturels est la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite la «  loi Barnier » ,du 2 juillet 1995 .53 B. L’acquisition amiable des biens exposés à un risque naturel et le FPRNM La loi Barnier du 2 juillet 1995 a créé le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM, dit «  fonds Barnier  »). A l’origine, le fonds était destiné à l’expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur, son utilisation a été étendue par le législateur. La note technique du 11 février 1919 relative au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, estime que le fond Barnier « constitue dorénavant la principale source de financement de la politique nationale de prévention des risques naturels, conjointement au programme budgétaire 181 relatif à la prévention des risques. »54 Les mesures subventionnelles destinées aux particuliers et aux collectivités sont définies à l’article L 561-3 du Code de l’environnement. En dehors de l’expropriation, le Fonds Barnier peut financer des mesures préventives d’évacuation temporaire et de relogement des personnes exposées à un risque naturel majeur. Il est alors nécessaire d’un arrêté d’évacuation ait été pris et que ces mesures constituent une réponse ponctuelle et appropriée en terme de prévention des risques .55 D’autres mesures de subventions techniques sont prévues par la Loi Barnier, ainsi, le FPRNM peut subventionner: la reconnaissance et le comblement des cavités souterraines et marnières; les études et travaux de réduction de la vulnérabilité imposés par un PPRN; les études, travaux, ouvrages et équipements de prévention des collectivités territoriales ; la campagne d’information sur la garantie catastrophes naturelles ; l’élaboration des PPRN et informations préventives, et enfin, les études et travaux de mise : Loi n°95-101 du 2 juillet 1995, Loi Barnier53 : Note technique du 11 février 2019 relative au Fonds de prévention des risques naturels54 majeurs, n° NOR: ECOT1904359C, Ministère de la Transition Écologique et Solidaire - Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales : Circulaire interministérielle du 23/02/05 relative au financement par le fonds de prévention55 des risques naturels majeurs de certaines mesures de prévention, NOR: DEVP0540163C
  • 30. 30 en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et submersion marines .56 L’instruction du dossier de subvention relève du préfet et de ses services, la demande est ouverte aux communes, groupement de communes, propriétaires, gestionnaires ou exploitant. Enfin, la loi du 30 juillet 2003 rend possible l’acquisition amiable de biens exposés à un risque naturel majeur. Cette acquisition peut être financée à 100 % par le fond Barnier sous deux conditions.57 La première condition relève que le ou les biens soient situés dans une zone exposée à un aléa naturel menaçant gravement des vies humaines. Le Code de l’environnement apprécie l’importance et la gravité suivant deux critères  : «  Les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles le phénomène naturel est susceptible de se produite et l’évaluation des délais nécessaires à, d’une part, l’alerte des populations exposées et, d’autre part, leur complète évacuation » .58 La seconde condition est que la procédure d’acquisition amiable et le coût estimatif de l’acquisition, soient moins élevés que les autres moyens de sauvegarde et de protection des populations. Ainsi, la possibilité d’effectuer des travaux de surveillance, d’alerte et d’évaluation suffisants excluent l’acquisition amiable. L’indemnisation du bien correspond à la valeur vénale de l’habitation estimée par le service chargé des domaines sans tenir compte de l’existence du risque. Enfin, l’acquisition amiable est possible pour les biens sinistrés au cours d’un sinistre naturel. Il est nécessaire que la catastrophe naturelle ait été reconnue par arrêté. Cette procédure permet d’indemniser postérieurement les victimes du sinistre et concerne les biens à usage d’habitation ou utilisés dans le cadre d’activités professionnelles employant moins de 20 salariés. De plus, le bien doit avoir été sinistré à plus de 50 % de sa valeur vénale initiale, et a dû être indemnisé au titre de la garantie Catnat. Une mesure réglementaire déclarant les terrains acquis inconstructibles doit être prise dans un délai de trois ans à compter de la date d’acquisition . Enfin, comme l’acquisition59 amiable de biens non sinistrés, l’indemnité correspond à la valeur vénale du bien estimé par le service chargé des domaines sans tenir compte de l’existence du risque. : Document synthétique sur le fonds barnier joint au compte-rendu, 13/08/2012,56 www.eure.gouv.fr : Art R561-15 du Code de l’environnement57 : Art R561-2 du Code de l’environnement58 : Art L561-3 du Code de l’environnement59
  • 31. 31 L’acquisition amiable nécessite l’accord du propriétaire du bien, dans le cas contraire, une procédure d’acquisition forcée pourra être intentée. 2.2 L’intervention de la justice Un sinistre de cause naturelle engendre de nombreux frais, ainsi l’intervention de la justice peut être nécessaire. En cas de désaccord d’acquisition amiable, la commune pourra procéder à une expropriation pour exposition à un risque naturel (A). De plus, une procédure contradictoire pourra être intentée afin de départager les implications de chaque parties (B). A. L’expropriation : le dernier recours Le fond FPRNM permet de financer l’expropriation de biens menacés par une catastrophe naturelle. Cette procédure contraignante est à utiliser en dernier recours, lorsque les autres moyens prévus sont impossibles. C’est le cas lorsque le ou les propriétaires concernés s’opposent à une acquisition amiable. Cette opposition peut résulter du désaccord sur la valeur vénale du bien ou bien d’un simple refus du propriétaire. L’expropriation concerne les biens situés dans une zone exposée à un des cinq types d’aléas naturels prévus  : les mouvements de terrain ou d’affaissement de terrain dû à une cavité souterraine ou à une marnière, les risques d’avalanches, et les risques de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine. Les dommages résultant d’une exploitation minière sont exclus. Les conditions d’appréciations de menace grave pour des vies humaines sont les mêmes que pour l’acquisition amiable. L’expropriation doit être déclarée d’utilité publique après enquête publique complétée par une analyse des risques auxquels les biens sont exposés et une procédure d’extrême urgence est prévue . L’ouverture de60 61 l’enquête publique exclut toute autorisation administrative susceptible d’augmenter la valeur des biens expropriés. Tout comme les autres moyens d’acquisition de la propriété, les moyens de sauvegarde et de protection des populations doivent être plus coûteux que le montant de l’indemnité d’acquisition. Sont ainsi évalués les mesures : Art R561-2 du Code de l’environnement60 : Art L561-1 du Code de l’environnement61
  • 32. 32 alternatives qui comprennent l’acquisition amiable et les travaux de protection et de réduction de la vulnérabilité. De plus, le FPRNM permet de financer les dépenses liées à la limitation de l’accès et à la démolition éventuelle des biens exposés ainsi que les études et travaux contre les risques naturels dans les communes couvertes par un PPR .62 La procédure d’expropriation peut être entreprise par une commune, un groupement de commune ou l’État par la présentation d’un dossier comprenant les pièces exigées et les éléments de recevabilité. Le préfet, saisi de la demande, effectue une première analyse. Le dossier de première analyse comprend l’indication de l’autorité expropriante, l’avis du préfet sur la recevabilité de la demande et sur l’absence de toute solution alternative moins coûteuse, un plan de situation de la zone exposée et un plan cadastral du périmètre d’expropriation envisagée. Des rapports d’expertises sur les aléas, les enjeux, et la comparaison des coûts sont annexés ainsi qu’un rapport du service des domaines portant estimation de la valeur des biens .63 Si le préfet estime que la demande est recevable, la demande est transmise au ministère chargé de la prévention des risques majeurs, de la sécurité civile et de l’économie, qui est compétent pour rendre un avis favorable ou non à la demande d’expropriation. En cas d’avis favorable, le préfet engage la procédure d’expropriation et constitue un dossier d’enquête publique. L’enquête publique est menée selon les dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et à l’issue de l’enquête, l’utilité publique est64 déclarée par arrêté préfectoral .65 Le juge de l’expropriation est alors saisi par le préfet d’un dossier d’expropriation comprenant toutes les pièces nécessaires ainsi que la déclaration d’utilité publique. L’ordonnance d’expropriation est déclarée dans les 15 jours après la saisine de juge et est notifiée à tous les intéressés. Un appel peut être interjeté dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance et un recours contre la décision d’expropriation peut être engagée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge annulant la déclaration d’utilité publique .66 Les difficultés de l’expropriation tiennent au fait que les propriétaires contestent souvent l’évaluation du bien fait par la Direction de l’immobilier de : Art L561-3 du Code de l’environnement62 : Note technique du 11 février 2019 relative au Fonds de prévention des risques naturels63 majeurs, NOR: ECOT1904359C, texte non paru au journal officiel. : Art R.111-1 à R.112-24 du Code de l’expropriation64 : Art L.561-4 du Code de l’environnement65 : Cour de Cassation, 3° Ch, 12 juillet 2018, n°17-1541766
  • 33. 33 l’État, qui s’est substituée au service France Domaine de la direction générale des finances publiques par un décret du 19 septembre 2016. En l’espèce, le lieu privilégié et l’esthétique des biens pouvant être concernés les rendent de grande valeur. Il est très probable que les propriétaires concernés contestent l’évaluation faite des biens. Dans ce cas, le juge de l’expropriation est saisi afin de statuer sur le montant de l’indemnisation. Ce montant peut être complété par des indemnités de réemploi. L’indemnité complémentaire n’est pas due en cas d’acquisition amiable. Enfin, la seconde difficulté réside dans le montant des mesures nécessaires à la mise en sécurité des lieux et la valeur des habitations concernées. L’expropriation peut se faire si le coût des autres mesures de mise en sécurité est supérieur à l’expropriation. En l’espèce, la grande valeur des biens peut être supérieure à ces travaux et donc rendre la procédure d’expropriation impossible. Outre la saisine du juge de l’expropriation, une procédure contradictoire peut être engagée en cas de désaccord sur l’implication de chaque partie concernant les dommages provoqués par une catastrophe naturelle. B. Une procédure contradictoire nécessitant un expert judiciaire Dans le cas de dommages provoqués par un sinistre naturel, les enjeux financiers sont souvent très importants. Plusieurs personnes peuvent être impliquées, qu’elles soient d’ordre privé ou public. Ainsi, la participation, les responsabilités et les intérêts de chacun ne sont pas toujours explicites. A la demande d’une des parties concernées, une procédure contradictoire qui implique une expertise judiciaire peut être intentée. Cette procédure permettra ensuite au juge de statuer afin de trouver une solution finale. Le tribunal administratif est compétent, sur simple requête présenté au juge des référés, de prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction. La désignation d’un expert par la juridiction administrative peut aussi être effectuée lors d’un jugement dont le tribunal est saisi, soit d’office, soit sur la demande des parties ou de l’une d’elles .67 L’objet de la mission d’expertise ne peut porter que sur la constatation de faits, l’expert sera alors chargé de constater les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction et non de se prononcer sur toute68 : Art R.621-1 du Code de justice administrative67 : Art R.531-1 du Code de justice administrative68
  • 34. 34 question relative à la qualification juridique de ces faits . Par exemple, l’expert69 peut procéder à une visite des lieux, faire appel à des entreprises afin de constituer des dossiers techniques et proposer une évaluation des dommages et des travaux nécessaires. Les différentes parties peuvent présenter des observations, et des réunions avec l’expert sont tenues. De plus, l’expert peut demander tous documents aux parties lorsqu’ils sont nécessaires à l’accomplissement de sa mission . Le juge peut aussi ordonner à l’expert de70 procéder à une conciliation entre les parties lorsque cela est possible ou71 modifier la mission de l’expert soit à la demande de l’une des parties formée dans un délai de deux mois qui suit la première réunion d’expertise, soit à la demande de l’expert à tout moment . L’extension ou la réduction de la mission72 de l’expert doit être précédée d’un débat contradictoire .73 Le dossier d’expertise, constitué au cours de la procédure contradictoire, permet de donner tous les éléments de faits, relatifs à l’imputabilité du préjudice afin que le juge puisse statuer sur la répartition des dommages. Le rapport comporte le compte rendu des observations matérielles et retranscrit les observations écrites et orales des parties, il est déposé au greffe en deux exemplaires et notifiée, par l’expert, aux parties intéressées . Ces dernières74 disposent d’un délai de deux mois afin de fournir leur observations .75 Concernant les voies de recours, l’appel des ordonnances rendues en référé peuvent se faire dans un délai de 15 jours suivants leur notification ,76 même délai concernant le recours en cassation . Enfin, lors de l’appel, «  le77 président de la cour administrative d’appel, ou le magistrat désigné par lui, peut immédiatement et à titre provisoire suspendre l’exécution de cette ordonnance si celle-ci est de nature à préjudicier gravement à un intérêt public ou aux droits de l’appelant » .78 Dans le cas présent, au regard de l’aspect technique et complexe du contentieux, la désignation d’un expert apparaît être la meilleure solution. Cette : Conseil d’État, 4/1 SSR, 10 décembre 1975, mentionné aux tables du recueil Lebon69 : Art R.621-7 du Code de justice administrative70 : Conseil d’État, Section du Contentieux, 11 février 2005, publié au recueil Lebon71 : Art R.532-3 du Code de justice administrative72 : Art R.532-4 du Code de justice administrative73 : Guide de l’expert devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel,74 08/02/2007, guide de novembre 2006, www.lemoniteur.fr : Art R.321-9 du Code de justice administrative75 : Art R.533-1 du Code de justice administrative76 : Art R.533-3 du Code de justice administrative77 : Art R.533-2 du Code de justice administrative78
  • 35. 35 expertise permettra au juge de statuer sur l’implication de chaque partie au contentieux.
  • 36. 36 CONCLUSION En définitive, la survenance d’un sinistre provoqué par une catastrophe naturelle implique de nombreuses problématiques. Celles de la prévention, avec une législation de plus en plus étendue en la matière due au fait de l’avancée scientifique qui permet une meilleure étude et prévision des aléas naturels. Celles des mesures à prendre en cas d’urgence qui demandent conciliation entre droits privés essentiels, comme le droit de propriété et obligations de sûreté. Celles des responsabilités de chacun, entre obligation de prudence et devoir d’information des propriétaires et obligations de mise en sécurité de la puissance publique. Les dommages résultants d’un tel sinistre sont souvent de grande ampleur, la question de l’indemnisation, mais surtout des travaux de remise en état du lieu se pose. L’implication de chacun est souvent difficile à définir, en particulier dans un tel cas où propriétés privés et propriétés publiques s’entremêlent. Une expertise judiciaire est souvent nécessaire, en effet, les catastrophes naturelles demandent en général des connaissances techniques en la matière, une étude spécialisée permet de mieux comprendre les causes du sinistre et permet au juge de se prononcer sur les litiges qui peuvent en résulter. Le contentieux que j’ai eu à étudier au cours de mon stage comprend ces nombreuses problématiques. Le contentieux n’étant pas terminé, j’ai recherché toutes sortes de solutions ou de réponses qui pourraient ressortir de l’affaire. Ce rapport de stage représente mes recherches, documentations et réflexions qui pourraient servir, soit au contentieux en cours, soit à un contentieux annexe ou similaire au principal. Le contentieux en question présente plusieurs difficultés. L’affaire dure depuis six ans, ainsi, le dossier d’expertise, aujourd’hui terminé, est constitué d’un grand nombre de données, relatives aux études géologiques, aux observations des parties, aux travaux effectués ou nécessaires, et tous autres documents annexes. Les agents de la mairie, qui ont eu à s’occuper de ce dossier, ne sont pas toujours les mêmes que ceux actuels. Ainsi, les documents relatifs au contentieux se retrouvent dans différents services et les personnes en charge du dossier doivent l’étudier et le reprendre depuis le début. Avant toutes recherches, une réorganisation de tous les documents relatifs au litige a été nécessaire. J’ai effectué plusieurs chronologies, tableaux récapitulatifs et dossiers thématiques des documents du contentieux. Cette tâche a permis de comprendre tous les enjeux et problématiques principales mais aussi annexes. Des enjeux importants relèvent de la solution finale du litige. Entre travaux de remise en état du lieu très coûteux et devenir des habitations et des propriétaires. En effet, l’implication de chacun n’est pas claire. Le sinistre n’a pas été provoqué par une cause humaine mais relève de la catastrophe naturelle, en l’absence de responsable concret, la désignation de la partie
  • 37. 37 devant prendre en charge les travaux nécessaires n’est pas évidente. L’intervention du juge sera probablement nécessaire. Enfin, comme déjà précisé, le contentieux étant en cours, je n’ai pas pu rapporter concrètement mes recherches. L’analyse faite reste générale et illustre plusieurs cas possibles, relatifs ou non au contentieux en cours. J’ai exposé l’ensemble de mes recherches, dont celles annexes au cas principal. 

  • 38. 38 BIBLIOGRAPHIE I. Ouvrages: Caille P. Contentieux administratif, troisième édition , Editions juridiques franco- allemandes, 1er janvier 2019. II. Articles: Arbousset H., « Catastrophe naturelles et responsabilité administrative des collectivités territoriales: mieux vaut prévenir que réparer… », revue Lamy des collectivités territoriales, n°88, mars 2013, p75-78. Cazaux E., Meur-Férec C. et Peinturier C., « Le régime d’assurance des catastrophes naturelles à l’épreuve des risques côtiers. Aléas versus aménités, le cas particulier des territoires littoraux », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 898, mis en ligne le 23 mai 2019. Planchet P. Le précédent, moyen d'évaluation du risque naturel. In: Revue Juridique de l'Environnement, n°4, 1998. pp. 485-501. Sanseverino-Godfrin V., « Les pouvoirs de police d maire dans le domaine de la prévention des risques naturels », revue Lamy des collectivités territoriales, n°88, mars 2013, p53-56. III. Rapports et guides: De Fombressin, conseiller juridique du C.N.C.E.J, « Guide de l’expert devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel 2010 », 06 juin 2013, p1-22. Steinle-Feuerbach M-F., « Inondations: responsabilités et force majeure », Rapport réalisé dans le cadre du contrat de recherche n°RI 98026 conclu entre le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement et l’Université de Haute Alsace, Avril 2002, p.7-103. VI. Sites internet: Blanchetière J. « Catastrophe naturelle et dommages de construction: prévention, responsabilités et assurance », mai 2019, Village de la justice, https://www.village-justice.com/articles/catastrophes-naturelles-dommages- construction-prevention-responsabilites,31382.html
  • 39. 39 Gandet S. « Risques naturels: Force majeure et exclusion de la responsabilité du fait de l’ouvrage public en raison d’une conjonction exceptionnelle d’évènement (CE, 15 nov.2017) », Greenlaw avocats, 11 décembre 2017, https://www.green-law-avocat.fr/risques-naturels/. Ministère de la transition écologique et solidaire, « Prévention des risques naturels », 08 janvier 2020, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/prevention- des-risques-naturels Ministère de la transition écologique et solidaire, « Indemnisation des catastrophes naturelles », guide juridique, http://www.georisques.gouv.fr/ articles/guide-juridique-indemnisation-des-catastrophes-naturelles Orée, Entreprises, territoires et environnement, « guide interactif de la gestion des risques liés à l’environnement pour les collectivités », http:// risquesenvironnementaux-collectivites.oree.org/le-guide/obligations-risques- majeurs.html
  • 40. 40 ANNEXES Annexe 1: Lotissement de la calanque du Pin de Galle, plan de masse, Bruno Cara, 1991 Annexe 2: Photos des cabanons du Pin de Galle, Bruno Cara, 1991 Annexe 3: Compte rendu géologique visuel des visites du 23 et 24 février 2015, vues du glissement, ETG géotechnique, diagnostique géologique, 7 avril 2015 Annexe 4: Arrêté du 23/12/2014, n° 14-ARR-TEC-235 Annexe 5: Compte rendu des visites du 15 et 16 décembre 2014, zonage des habitations du Pin de Galle, ERG géotechnique, diagnostique visuel 18 décembre 2014
  • 43. 43
  • 44. 44